Les Shouhadah du siège de Ta'if

 

Durant ce siège, les polythéistes ne perdirent que deux hommes tandis que les Musulmans enregistrèrent la perte de douze Compagnons ; neuf Mouhajirine et trois Ansar, tous tués par flèche :

1 - Sa’id Ibn Sa’id Ibn Oumayyah al-Oumayi.

2 - Habib Ibn ‘Abd-al-Manaf al-Kinani al-Oumayi par alliance.

3 - Yazid Ibn Zoum’a Ibn al-Aswad al-Asdi.

4 - ‘AbdAllah Ibn Abou Bakr as-Siddiq at-Taymi.

5 - ‘AbdAllah Ibn Abou Oumayyah Ibn al-Moughirah al-Makhzoumi.

6 - ‘AbdAllah Ibn ‘Amir Ibn Rabi’ah al-‘Anzi al-‘Adawi par alliance.

7 - As-Sa’ib Ibn al-Harith Ibn Qays as-Sahmi.

8 - ‘AbdAllah Ibn al-Harith as-Sahmi.

9 - Jalbaha Ibn ‘AbdAllah, as-Sa’di al-Leythi.

10 - Thabit Ibn al-Jaz’ al-Ansari.

11 - Al-Harith Ibn Sahl al-Ansari.

12 - Al-Moundir Ibn AbdAllah al-Ansari.

 

La répartition du butin et le sort des captifs de Hawazin

 

Après la levée du siège, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) retourna avec son armée à La Mecque. Sur le chemin du retour, il prit le même itinéraire qui l’avait amené la première fois à Hounayn, puis à Ta'if, à savoir Dahna près de Ta'if, Qarn al-Manazil (une petite montagne), Nakhla, appelée aujourd’hui la vallée d’al-Yamaniya. Mais avant d’entrer à La Mecque, il s’arrêta avec son armée à al-Ji’rana pour répartir les prises de guerre.

 

Avant la répartition, les bédouins qui participèrent à la bataille de Hounayn insistèrent auprès du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) à ce que le butin soit vite réparti, à tel point qu’ils le gênèrent et même le bousculèrent.

 

Les historiens et biographes ont rapporté : « Sur son chemin, les Bédouins se mirent à lui demander avec insistance; en disant : « Partage nous notre butin !, » tant qu’il leur répondit : « Vous me connaissez que je ne suis ni avare, ni peureux, ni encore menteur » et qu’il saisit ensuite les poils d’une chamelle (se trouvant près de lui) en disant : « O gens, je jure par Allah que je ne désire ni votre butin ni ces poils de chameau ! »

 

Après s’être arrêté à al-Ji’rana, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ordonna à Zayd Ibn Thabit un notable Ansar de ses Compagnons, de recenser le butin puis de donner à chaque combattant la part qui lui revenait et Zayd Ibn Thabit mena à bien la mission dont il fut chargé. Après avoir recensé puis réparti les parts entre les Musulmans qui prirent part à la bataille, il donna à chaque homme quatre chameaux ou quarante moutons. Ceci pour les fantassins mais pour les cavaliers, il donna à chacun douze chameaux ou cent vingt moutons (une part pour le cavalier et deux parts pour son cheval. Ainsi était la loi de répartition du butin à l’époque à cause de l’importance du cheval dans les batailles)[1].

 

Ceux dont les cœurs furent gagnés

 

La législation musulmane stipule que le cinquième du butin de l’armée musulmane est mis à la disposition du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui l’emploie dans l’intérêt général de l’Islam. Le texte mentionnant le cinquième du butin est expressément mentionné dans le Qur’an : « Et sachez que, de tout butin que vous avez ramassé, le cinquième appartient à Allah, au messager, à ses proches parents, aux orphelins, aux pauvres, et aux voyageurs (en détresse), si vous croyez en Allah et en ce que Nous avons fait descendre sur Notre serviteur, le jour du Discernement : le jour où les deux groupes se rencontrèrent, et Allah est Omnipotent. » (Qur’an8/41)

 

Comme nous l’avons mentionné, le butin à Hounayn s’élevait à 24000 chameaux, 40.000 ovins ainsi qu’une grande quantité de bijoux en argent.

Sur la base du verset précité, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) eut le cinquième, à savoir 4000 chameaux, 8000 ovins ainsi que le cinquième des dizaines de milliers de bijoux en argent ce qui représentait à l’époque une grande fortune. Il convient de préciser que cette partie du butin n’était pas destiné au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en particulier mais pour le Trésor Public.

Ainsi après la répartition, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), le représentant de l’état islamique, employa cette fortune pour la cause de l’Islam. Et pour gagner les cœurs des notables arabes fraichement convertis, il leur attribua une grande partie de cette part du butin :

- Abou Soufyan Ibn Harb : 100 chameaux, 40 pièces d’argent.

- Mou’awiyyah Ibn Abou Soufyan : 100, 40.

- Yazid Ibn Abou Soufyan : 100, 40.

- Hakim Ibn Hazm : 100, 40.

- An-Nazir Ibn al-Harith Ibn Kilda : 100, 40.

- Oussayd Ibn Haritha az-Zahri : 100, 40.

- Al-‘Ala' Ibn Haritha : 50, 40.

- Makhzama Ibn Nawfal : 50, 40.

- Al-Harith Ibn Hisham : 100, 40.

- Sa’id Ibn Yarbou’ : 50, 40.

- Safwan Ibn Oumayyah : 100, 40.

- Qays Ibn Ouday : 100, 40.

- ‘Uthman Ibn Wahb : 50, 40.

- Sahil Ibn ‘Amr : 100, 40.

- Houwaytab Ibn ‘Abd-al-Ouzzah : 100, 40.

- Hisham Ibn ‘Amr : 50, 40.

- Al-Aqra’ Ibn Habis at-Taymi : 100  , 40.

- ‘Ouyaynah Ibn Hisn al-Fizari : 100, 40.

- Malik Ibn ‘Awf an-Nasri : 100, 40.

- Al-‘Abbas Ibn Mirdas : 100,            40.

- ‘Alqama Ibn ‘Ilatha ath-Thaqafi : 100 chameaux, 40 pièces d’argent.

 

Les historiens ont rapporté que le premier à demander une part du butin fut Abou Soufyan Ibn Harb. Il entra chez le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et lui avait dit d’abord : « O Messager d’Allah tu es devenu le plus riche de Qouraysh, » puis demanda quand il le vit sourire : « Donne-moi de cette richesse, ô Messager d’Allah !

- « O Bilal, donne à Abou Soufyan 40 bijoux. Et donne-lui 100 chameaux. »

- « Et mon fils Yazid, donne-lui aussi. »

- « Donne à Yazid 40 bijoux, et 100 chameaux. »

- « Et mon fils Mou’awiyyah, ô Messager d’Allah. »

- « Donne-lui, ô Bilal, 40 bijoux (ainsi que) 100 chameaux[2]. »

 

La réaction des uns et des autres

 

Commençons d’abord par le poète et seigneur des Banou Salim, ‘Abbas Ibn Mirdas qui par des vers, reprocha au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) de lui avoir donné « seulement » quatre chameaux insatisfait de la répartition. Quand le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut informé de la réaction d’Ibn Mirdas, il lui donna à la place 100 chameaux en disant : « Retenez sa langue de moi[3]. »

 

Quant à Hakim Ibn Hizam, il jura de ne plus accepter de don après ce qui lui arriva avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), au point où il fut surnommé l’ascète.

 

Hakim Ibn Hazm a dit : « A Hounayn, je demandai au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) 100 chameaux et il me les donna. Je demandai encore 100 chameaux qu’il me donna aussi puis une troisième fois aussi. (Au total Hakim eut 300 chameaux). Après quoi, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) me dit : « O Hakim Ibn Hizam, ce bien est plaisant. Celui qui le prend avec une âme généreuse, verra ce bien bénit mais celui qui le prend avec une âme (arrogante), ne le verra pas béni. Ce bien sera comme celui qui mange et ne se rassasie pas. La main élevée est mieux que la main basse et commence par celui qui est réduit à la misère. »

Depuis, Hakim Ibn Hazm ne demanda plus rien et se contenta uniquement de sa part.

 

Ibn Abou az-Zinad a rapporté que Hakim Ibn Hazm ne prit que les 100 premiers chameaux offerts par le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)[4].

 

A part ces deux réactions d’Ibn Mirdas et d’Ibn Hizam diamétralement opposées, il y eu aussi celle des Ansar. Ces derniers, les plus proches Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), exprimèrent leur mécontentement à leur bien-aimé après lorsqu’ils virent les parts données à ceux dont les cœurs furent gagnés.

 

Quand le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut informé du sentiment des Ansar, il se fâcha car il les aimait beaucoup. Puis, il les rejoignit pour leur expliquer les raisons de sa décision.

 

Les traditionnistes et les biographes ont rapporté que les Ansar eurent seulement quatre chameaux chacun tandis que chacun des nouveaux convertis 100 comme ‘Ouyaynah Ibn Hisn, Abou Soufyan Ibn Harb, Safwan Ibn Oumayyah et al-Aqra’ Ibn Habis.

Ils rapportèrent aussi que les  Ansar dirent : « Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) a rencontré les siens. A la guerre, nous sommes ses Compagnons mais durant les répartitions, ce sont les siens et ses proches parents. Nous aimerions bien savoir de qui cela vient, si cela vient d’Allah, nous patienterons, mais si cela est du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), nous aimerions bien le lui reprocher[5]. »

 

D’autres Ansar dirent aussi : « Qu’Allah pardonne au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Il donne à Qouraysh et nous abandonne bien que nos sabres suintent de leur sang[6]. »  

 

Lorsque le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) eut des échos de ces propos des Ansar, les bras de l’Islam, il se rendit chez leurs chefs sans qu’aucun Mouhajirine ne soit présent pour tirer cette affaire au clair en tête-à tête avec ses alliés.

 

Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) leur dit après avoir louangé Allah le Très-Haut : « O Ansar, vos propos me sont parvenu et vous êtes fâchés. En arrivant (à Médine), Allah ne vous a-t-Il pas mis sur le droit chemin alors que vous étiez égarés, ne vous a-t-Il pas enrichis alors que vous étiez démunis, n’a-t-Il pas réconciliés vos cœurs alors que vous étiez ennemis ?

- « Certes, c’est par la Grace d’Allah et de Son Messager, » répondirent-ils.

- « Ne me répondrez-vous pas, ô Ansar ? »

- « Que veux-tu que nous te disions, ô Messager d’Allah ? Alors que la grâce et la faveur sont aux mains du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

-« Par Allah, si vous aviez voulu, vous auriez parlé et je vous aurai donné raison : « Renié tu nous es venu et nous t’avons cru ; abandonné et nous t’avons soutenu ; poursuivit et nous t’avons donné asile ; démuni et nous t’avons aidé. O Ansar, vous avez été blessés dans votre amour propre pour une chose de ce monde, par laquelle (j’ai voulu) gagné quelques-uns des nouveaux convertis à l’Islam. Alors que vous, je vous ai confiés ce qu’Allah Exalté vous a donné de l’Islam. O Ansar, ne consentez-vous pas à ce que les gens s’en aillent avec ovins et chameaux et que vous retourniez à vos demeures avec le Messager d’Allah ? Par Celui qui détient la vie de Muhammad, n’était-ce l’exil (hijrah), j’aurais été un des Ansar et si les gens avaient suivi des chemins et que les Ansar avaient pris d’autres chemins, j’aurai pris les chemins des Ansar. Les Ansar sont un dessous et les gens un dessus[7]. »

 

La libération des captifs

 

De retour de Ta'if, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) resta un mois à al-Ji’rana avec le secret espoir de voir les seigneurs de Hawazin venir lui demander la libération de leurs enfants et de leurs femmes. Hawazin tardant à se montrer et l’ensemble de l’armée demandant la répartition des prises de guerre, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) se vit contraint de répondre à la demande des Musulmans.

 

Mais, après la répartition des enfants et des femmes de Hawazin, une délégation de Hawazin, composée de quatorze hommes dont leur chef Abou Sourad Zouhayr Ibn Sourad se présenta chez le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et après avoir annoncé leur conversion à l’Islam et celle de tout Hawazin, ils lui demandèrent une faveur ; de libérer leurs femmes et leurs enfants. Ce fut difficile car les captifs avaient déjà été distribués mais le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fit de son mieux pour les libérer après avoir donné à certains Musulmans des compensations du trésor publique. Quant aux Mouhajirine, les Ansar et Banou Salim, ils relâchèrent leurs captifs sans contrepartie.

Parmi ses captifs au nombre de six mille se trouvait Shaymah Bint al-Harith, la sœur de lait du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Shaymah s’occupa avec sa mère, Halima Bint Zouway’ib, du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) alors qu’il était un petit enfant chez les Banou Sad de Hawazin.   

Quand on la présenta devant le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), elle lui dit : « Je suis ta sœur de lait, » et il lui demanda pour vérifier : « Et quelle preuve de cela as-tu ? »

- « Une morsure au dos. Tu m’as mordu alors que je te portais sur mon dos quand nous étions dans la vallée d’as-Sin, ton père est mon père et ta mère est ma mère. Nous avons tété nourris par le même sein. Rappelle-toi, o Messager d’Allah. »

 

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) se rappela alors et vit que sa sœur de lait était dans une situation difficile. Il se leva rapidement puis étala sa cape en lui disant : « Assieds-toi dessus. » Il l’accueilli chaleureusement et pleura à ces souvenirs. Il s’enquit de ses parents puis la libéra.

 

La conversion du roi de Hawazin, Malik Ibn ‘Awf

 

Les biographes et traditionnistes ont rapporté qu’après la libération des captifs, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) interrogea la délégation de Hawazin sur ce qu’il était advenu de Malik Ibn ‘Awf puis les avait chargés d’informer ce dernier en ces termes : « Dites-lui que s’il vient Musulman, je lui rendrai sa famille et ses biens et qu’en plus je lui donnerai 100 chameaux. » Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) avait auparavant exclu de la répartition du butin la famille et les biens de Malik.

 

Quand celui-ci fut informé de la proposition, il décida sans hésitation de rejoindre le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) mais pour arriver à La Mecque, il dut faire le voyage secrètement pour une bonne raison car il était caché à Ta'if, parmi les Thaqif qui étaient encore des associés et des ennemis de l’Islam de qui il craignait un mal si jamais ils venaient à être informé de ses intentions.

 

A La Mecque, il annonça son Islam devant le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui tint alors sa promesse[8].

 

Le retour du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) à Médine

 

Après avoir achevé la répartition du butin entre les combattants, après avoir donné du cinquième du butin des centaines de chameaux à « ceux dont les cœurs furent gagnés, » après avoir séjourné à al-Ji’rana dans les environs de La Mecque durant treize nuits, du 5 au 8 Dzoul Qi’dah de l’an 08 de l’Hégire, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) décida de prendre le chemin du retour avec ses Compagnons mais avant de se rendre à Médine, il passa avec ses Compagnons par La Mecque où ils accomplirent la ‘Oumrah et où le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) désigna ‘Outtab Ibn ‘Oussayd gouverneur pour les affaires concernant la gestion de la ville sacrée et des savants pour apprendre aux nouveaux musulmans mecquois les préceptes de l’Islam.

 

Et Deux jours plus tard après son entrée dans La Mecque, un jeudi des dix derniers jours de Dzoul Qi’dah, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) prit la direction de Médine.

 

 Il est rapporté dans les livres de biographies (sirah) que le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) mit neuf jours pour parcourir le chemin de La Mecque à Médine et sortit de va ville sacrée le 18 Dzoul Qi’dah, il arriva dans la ville des Ansar le 27 du même mois[9].

 

Comment Thaqif embrassèrent l’Islam

 

Comme nous l’avons précédemment mentionné, le siège de Ta'if échoua du fait de la résistance acharnée de Thaqif sans oublier que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) n’avait pas été ordonné de capturer la citadelle et qu’en plus, après la levée du siège, il pria Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, pour que Thaqif se convertisse à l’Islam.

 

Cette conversion, ne fut pas été facile car Thaqif se cramponnèrent à leurs croyances idolâtres malgré les attaque répétées mais infructueuses de Malik Ibn ‘Awf, après qu’Allah Exalté l’eut conduit au droit chemin.

 

Si les attaques de Malik Ibn ‘Awf furent apparemment des échecs, cela ne veut pas dire que les Thaqif restèrent imperméables. Au contraire, leurs idées concernant l’Islam changèrent surtout après le retour de leur seigneur ‘Ourwah Ibn Mas’oud, l’envoyé des notables de Thaqif pour acheter du matériel de guerre à Jourash.

 

‘Ourwah Ibn Mas’oud était l’un des plus grands seigneurs et en principe c’est lui qui aurait dû commander les troupes de sa tribu Thaqif lors de la bataille de Hounayn mais son absence qui dura trois mois, l’en empêcha. C’était aussi doué un homme doué de bon sens qui, dès son retour à Ta'if, tira les bonnes conclusions quant au conflit entre l’Islam et les croyances païennes car il constata un grand nombre de bouleversements en si peu de temps (le Fath de La Mecque, la bataille de Hounayn et la défaite de Hawazin, siège de Ta'if et les offensives répétées de Malik Ibn ‘Awf contre Thaqif).

 

Finalement, ‘Ourwah Ibn Mas’oud se convainquit qu’il ne restait pas beaucoup de temps avant que toute l’Arabie soit islamiquement administrée et c’est la raison qui le poussa à embrasser l’Islam. Cependant avant de partir pour Médine, il avait accompli d’abord la mission dont il avait eu la charge et monta les armes qu’il avait ramenées de Jourash.

 

L’Imam al-Waqidi dans al-Maghazi a rapporté :

« Lorsque le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) assiégea Ta'if, ‘Ourwah Ibn Mas’oud était à Jourash pour apprendre à se servir des chars et des catapultes. Il revint à Ta'if après la levée du siège du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) puis monté les chars et les catapultes et les prépara jusqu’à l’instant où Allah Très Puissant et Très Haut ouvrit son cœur à l’Islam.

 

Après quoi, il partit à Médine et annonça sa conversion au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) puis lui dit : « O Messager d’Allah, permets- moi de retourner chez les miens pour les appeler à l’Islam. Par Allah, je n’ai pas vu de religion pareille qu’un homme puisse fuir. »

- « Ils sont tes assassins, » lui répondit le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). »

Mais ‘Ourwah réitéra deux fois de suite sa demande et à la dernière, le Messager (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lui dit : « Va, si tu veux. »

 

Il partit alors pour Ta'if où il entra le soir et se dirigea directement chez lui (sans saluer l’idole al-Lat). Les gens qui le virent dire : « Le voyage ne lui a pas laissé le temps.»  Puis, ils se rendirent chez lui pour le saluer avec le salut des polythéistes, ce salut qu’il venait de refuser. Il leur répondit donc  « Vous avez sur vous le salut des gens du Paradis. »

Il les appela ensuite à embrasser l’Islam mais ils refusèrent de l’entendre et dirent : « Par al-Lat, nous avons douté dans notre for intérieur quand tu ne t’es pas approché de la déesse et rasé la tête devant elle. »

 

Ils lui firent (verbalement) du mal mais il leur pardonna et après l’avoir quitté, ils complotèrent contre lui. Le lendemain matin, au moment il se prépara pour la prière chez lui, un homme tira sur lui et le toucha à une artère.

Alors les proches de ‘Ourwah se rassemblèrent pour le venger mais il les empêcha en disant : « Ne vous entretuez pas à cause de moi. Mon sang, je le donne en aumône à celui qui m’a tiré dessus pour vous réconcilier. Ceci est une grâce dont Allah m’a gratifié. J’atteste que Muhammad est le Messager d’Allah. Il m’a prévenu que vous me tueriez. » Puis il dit à ses proches : « Enterrez-moi avec les Shouhadah qui ont combattu avec le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) durant le siège. »

 

Quand le Messager fut informé de ce qui s’était passé; il dit : « L’exemple de ‘Ourwah est comme celui de l’homme (cité dans la Sourate) de Ya Sin qui fut tué par son peuple parce qu’il les appela à adorer Allah Exalté Très Puissant et Très Haut[10]. » »

 

Après le meurtre de son seigneur musulman, Thaqif prit conscience de sa position parmi les tribus voisines et se sentie solitaire et isolée dans un voisinage totalement islamisé ce qui l’amena à adopter une démarche raisonnable et beaucoup plus tempérée que les précédentes.

 

Les notables de Thaqif désormais tous convaincus qu’il était impossible de continuer à vivre dans un état de guerre permanente contre l’Islam et les tribus musulmanes voisines commandées par Malik Ibn ‘Awf, le roi de Hawazin décidèrent d’envoyer une délégation au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pour discuter les termes d’une paix et annoncer leur conversion ainsi que celle des leurs à l’Islam.

 

C’est ainsi que Thaqif envoya à Médine une délégation composée de six notables ‘Abd Yalil Ibn ‘Amrou Ibn ‘Oumayr, al-Hakam Ibn ‘Amrou Ibn Wahb Ibn Mou’attib, Shourahbil Ibn Ghilan Ibn Salan Ibn Mou’attib, ‘Uthman Ibn Abou al-‘As, Aws Ibn ‘Awf et Namir Ibn Kharasha[11].

 

A Médine, avant de se résoudre définitivement à annoncer la conversion de l’ensemble de Thaqif, ces représentants menèrent de longues discussions dans lesquelles ils avancèrent des propositions inacceptables qui furent d’ailleurs toutes rejetées par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) parce qu’elles étaient en contradiction avec l’Islam.

Voici les propositions résumées rejetées par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) :

1 - Liberté de fornication.

2 - Autorisation de l’emploi de l’usure dans le commerce.

3 - Autorisation de consommation des boissons enivrantes.

4 - Abolition de la prière.

5 - Ajournement de la destruction de leur idole al-Lat pour trois années.

 

Les biographes ont rapporté :

« Al-Moughirah Ibn Shou’bah se présenta devant le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et lui dit : « O Messager d’Allah, (des représentants de ma tribu) sont arrivés avec l’intention d’embrasser l’Islam si tu acceptes leurs conditions, ils se porteront garants des leurs et de leur pays en contrepartie. »

 

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lui répondit qu’il était prêt à répondre à leurs conditions (pour la cause d l’Islam). Sur ce, al-Moughirah sortit et alla informer les Thaqif installés chez lui de la réponse du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

C’est sur l’ordre du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qu’al-Moughirah Ibn Shou’bah hébergea ces représentants et Khalid Ibn Sa’id Ibn al-‘As qui s’occupa de leur séjour.

 

Durant leur séjour, les pourparlers se tenaient dans la mosquée. Et, à l’occasion, ils entendaient la récitation du Qur’an, regardaient comment les Musulmans se disposaient en rang pour accomplir les prières et écoutaient les prônes du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

Ainsi, Ils restèrent plusieurs jours entre la maison d’al-Moughirah et la mosquée du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Chez leur hôte, ils dormaient et mangeaient et dans la mosquée, ils discutaient avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) de leurs conditions.

 

Voici l’essentiel des discussions :

‘Abd-Yalil demanda : « Décides-tu en notre faveur pour que nous retournions chez nous ? » Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) répondit : « Oui. Si vous reconnaissez l’Islam, je déciderai en votre faveur. Sinon, il n’y a aura pas de conciliation entre vous et moi. »

- « Qu’en est-il, d’après toi, de la fornication ? En voyage, nous n’emmenons pas nos femmes avec nous. Il nous faut alors cela car aucun de nous ne patiente. »

- « Elle est de ce qu’Allah Exalté a rendu illicite pour les Musulmans. Allah Exalté Très Haut a dit : « Et n’approchez point la fornication. En vérité, c’est une turpitude et quel mauvais chemin ! » (Qur’an 17/32)

- « Qu’en est-il de l’usure ? »

- « L’usure est illicite. »

- « Mais tous nos biens viennent de l’usure. »

- « Vous avez le fonds de vos biens. Allah Exalté dit : « Ô les croyants ! Craignez Allah ; et renoncez au reliquat de l’intérêt usuraire, si vous êtes croyants. » (Qur’an 2/ 278)

- « Qu’en est-il des boissons enivrantes ? C’est le jus de nos vignes et nous en avons grand besoin. »

- « Allah l’a rendu illicite. Allah Exalté dit : « Ô les croyants ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées, les flèches de divination ne sont qu’une abomination, œuvre du Diable. Ecartez-vous en, afin que vous réussissiez. » (Qur’an 5/90)

 

Lors d’autres rencontres, ils posèrent d’autres conditions (celle de la non-destruction d’al-Lat, la déesse de leur tribu, et l’abolition de la prière pour eux), mais le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) réussit à les convaincre du mal-fondé de leurs conditions et arriva à les persuader d’embrasser l’Islam.

 

Comment al-Lat fut détruite

 

La conversion à l’Islam de Thaqif eut lieu en l’an neuf de l’Hégire, cela fut le dernier clou du cercueil de l’idolâtrie dans la région du Hijaz et de l’ouest de Najd, là où habitait la grande tribu de Hawazin des Thaqif.

 

La journée de la chute définitive d’al-Lat fut journée mémorable. Ce jour-là, al-Moughirah sous bonne escorte se  chargea de sa destruction devant les Thaqif venus voir pour la dernière fois leur ancienne idole mentionnée dans le Noble Qur’an.

Allah Exalté Très Haut dit : « Que vous en semble [des divinités], al-Lat et ‘Ouzzah ainsi que Manat, cette troisième autre ?  Serait-ce pour vous le garçon et à Lui la fille ? Que voilà donc un partage injuste ! Ce ne sont que des noms que vous avez inventés, vous et vos ancêtres. Allah n’a fait descendre aucune preuve à leur sujet. Ils ne suivent que la conjecture et les passions de [leurs] âmes, alors que la guidée leur est venue de leur Seigneur. » (Qur’an 53/19 à 23)

 

Ainsi, la destruction d’al-Lat et la conversion de Thaqif furent la dernière phase du conflit qui opposa l’Islam à l’idolâtrie dans le Hijaz. Avec Thaqif islamisé, une année environ après la bataille de Hounayn en l’an 9 de l’Hégire, c’est toute la région qui devint sous l’autorité morale de l’Islam.

 

Cette année 9 de l’Hégire fut d’ailleurs appelée l’Année des Délégations durant laquelle Allah Exalté Très Haut et Très Puissant fit descendre la Sourate le Secours qui annonçait son seulement la fin de la Révélation mais aussi le succès et la fin de la mission du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) :  

« Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

- Lorsque vient le secours d’Allah ainsi que la victoire,

- et que tu vois les gens entrer en foule dans la religion d’Allah,

- alors, par la louange, célèbre la gloire de ton Seigneur et implore Son pardon. Car c’est Lui le grand Accueillant au repentir. » (Qur’an 110)

...



[1] Al-Maghazi, t. III, p. 949.

[2] Maghazi al-Waqidi, t. III, p. 945.

[3] Sirah Ibn Hisham, t. IV, p. 137, Maghazi al-Waqidi, t. III, p. 947, Tarikh at Tabari, t.III, p.91.

[4] Maghazi al-Waqidi, t. III, p. 945.

[5] Maghazi al-Waqidi, t. III, p. 956-957 et as-Sirah al-Halabiya, t. II, p. 247.

[6] Al-Bidayah wa an-Nihayah, t. V, p. 356.

[7] Les Ansar sont plus près du cœur du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

Sirah Ibn Hisham, t. IV, p. 242, Maghazi al-Waqidi, t. III, pp. 957-958, al-Bidayah wa an- Nihayah, t. IV, p. 358, Tarikh at-Tabari, t. III, pp. 93-94, Sahih al-Boukhari, t. V, p. 203 et as-Sirah al-Halabiya, t. II, pp 247-248.

[8] Maghazi al-Waqidi, t.III, pp. 954-955.

[9] Al-Maghazi, t.III, pp. 958-960.

[10] Maghazi al-Waqidi, t.III, p. 962.

[11] Sirah Ibn Hisham, t. IV, p. 184, al-Maghazi, t. III, p. 963