Wadi
Les victimes de
Mou'tah
Pour revenir au bilan de Mou'tah, les historiens sont
unanimes a rapporté qu’elle fut une bataille sanglante
que les deux armées se livrèrent durant sept jours, les
Musulmans perdirent trois de leurs chefs et les Syriens
un, Malik Ibn Railla, qui était à la tête de cent mille
Arabes. Khalid perdit, comme nous l’avons déjà
mentionné, neuf épées.
Ibn Sa’d, dans
Tabaqat al-Koubra t 2, p 130 a rapporté : «... après
quoi, les Musulmans subirent une défaite que je n’ai
jamais vue au point où je n’ai pu voir aucun Musulman
avec un autre Musulman. C’est après cela que Khalid Ibn
al-Walid prit l’étendard et passa ensuite à l’assaut.
L’ennemi eut une défaite que je n’ai jamais vue au point
où les Musulmans mirent leurs épées là où ils voulaient.
»
Dans son Sahih,
al-Boukhari rapporte que Khalid ben al-Walid a dit : «
Le jour de (la bataille) de
Mou'tah, neuf épées se brisèrent entre mes mains et seul
un sabre Yéméni résista. »
Et Ibn Kathir (al-Bidayah
wa-an- Nihayah, t IV, p 249) de commenter : « Cela
suppose qu’il y eut un terrible carnage sans quoi, les
Musulmans n’auraient pas pu se tirer d’affaire. »
Al-Waqidi a rapporté d’après ‘Abdallah Ibn al-Harith,
du père de celui-ci que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam), grâce à la vision divine qu’il eut à Médine
dit : « C’est
maintenant que la fournaise (de la bataille)
devient ardente. »
Ibn Kathir, dans
al-Bidayah wa-an Nihayah t IV, p 348, rapporte que
Moussa Ibn ‘Ouqbah a dit : « Les Musulmans d’un côté et
les Byzantins et les Arabes chrétiens de l’autre se
rencontrèrent dans un champ de couleur rouge. Il y eut
entre eux une effroyable tuerie. »
D’autres témoignages dont al-Maqrizi dans
Imta’ al-Asma’,
p 1348 et Ibn Bourhan ad-Din dans
as-Sirah al-Halabiya,
t 2, p 192, affirment la même chose : « Une tuerie eut
bel et bien lieu. » Cependant, le nombre de victimes des
deux camps rapporté par ces historiens ne dépasse pas
quatorze personnes ; douze Musulmans :
- Ja’far Ibn Abi Talib,
- Zayd Ibn Haritha,
- Mas’oud Ibn al-Aswad Ibn Haritha al-‘Amiri
Des Ansar :
- ‘Abdallah Ibn Rawahah,
- ‘Abbad Ibn Qays,
- Souraqah Ibn ‘Amrou Ibn ‘Atiyyah,
- Al-Harith Ibn An-Nou’man Ibn Assaf,
- Abou Koulayb Ibn ‘Amr,
- Jabir Ibn ‘Amr Ibn Zayd,
- ‘Amr Ibn Sa’d,
- ‘Amir Ibn Sa’d (radhiyallahou ‘anhoum ajma’in)
Et deux Syriens :
- Malik Ibn Rafila, le chef de l’armée arabe et,
- un cavalier byzantin.
Le nombre ne coïncide pas du tout avec les descriptions
des historiens qu’on vient de citer. A notre avis, cela
est dû aux causes suivantes :
1 - Les chroniqueurs ne citent que les personnes dont
ils ont eu connaissance des noms.
2 - La majorité des membres de l’armée musulmane était
formée de nomades nouvellement convertis. Citons le nom
du chef de l’aile droit, Oubaya Ibn Malik al-‘Outhri.
Si les biographes n’ont fait que citer son nom sans nul
autre détail se rapportant à sa vie, que dire alors des
autres victimes inconnues ? Dans le même contexte,
n’oublions pas que les deux plus grands chroniqueurs de
la période prophétique, Muhammad Ibn ‘Umar
al-Waqidi et Muhammad Ibn Ishaq, étaient
des Médinois.
3 - Les Musulmans n’ont pu, à aucun moment, contrôler la
situation. De ce fait, le nombre des victimes fut le
dernier de leurs soucis.
Quant aux sources byzantine que nous avons consulté, la
bataille de Mou'tah n’est pas du tout rapportée ce qui
n’est guère étonnant puisque même la grande bataille
décisive d’al-Yarmouk n’a pas été rapportée.
Finalement, les Musulmans furent-ils vainqueurs ou
vaincus à Mou'tah ?
Les chroniqueurs et les biographes divergent sur la
description de la bataille de Mou'tah d’une part et sur
l’état de l’armée musulmane d’autre part.
Pour les uns, les Musulmans, après la mort de leurs
trois chefs, subirent une défaite et c’est défaits
qu’ils retournèrent à Médine.
Pour les autres, il s’agit d’une grande victoire après
que Khalid prit le commandement des Musulmans défaits,
passa à l’offensive, infligea à l’ennemi un grand nombre
de victimes et retourna à Médine.
D’ailleurs, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
lui-même commenta cette bataille en disant : «
Une porte de bien,
une porte de bien, une porte de bien. »
En effet, si nous remarquons le but de la mission pour
laquelle le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
envoya cette armée : punir les Syriens et les convaincre
de l’impossibilité d’envahir Médine, nous pouvons
affirmer que Mou'tah ne fut absolument pas une défaite
pour les Musulmans. De plus, d’après Ibn Kathir, dans
al-Bidayah wa-an
Nihayah, ce fut une victoire : « Les Byzantins, en
voyant les changements des étendards et les corps de
l’armée musulmane, crurent qu’il y avait reçu des
renforts et eurent quelques craintes. Après quoi, ils
subirent une défaite et le nombre de leurs victimes fut
élevé. »
Après ce témoignage, Ibn Kathir appuie son avis par
l’avis d’un deuxième historien[1]
: « Cela est en parfaite concordance avec l’avis de
Moussa Ibn ‘Ouqbah, qu’Allah lui fasse miséricorde qui a
dit dans
al-Maghazi : « Après la ‘Oumrah d’al-Houdaybiyah,
le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) retourna à
Médine. Six mois après, il envoya une armée à
Mou'tah. En arrivant, cette armée trouva Ibn Abi Soubra
avec un grand nombre d’Arabes et de Byzantins. Parmi
eux, des Tanouhi et des Bahra’i. Ibn Abi Soubra resta
dans (son) fort, qui le protégeait des Musulmans, durant
trois jours. Après quoi, les deux adversaires se
livrèrent bataille. Les accrochages entrainèrent une
grande tuerie. L’étendard des Musulmans était entre les
mains de Zayd Ibn Haritha qui fut abattu, Ja’far
prit l’étendard pour être tué à son tour. Après cela, ce
fut ‘Abdallah Ibn Rawahah qui le prit. Après la
mort de celui-ci, les Musulmans se mirent d’accord sur
Khalid Ibn al-Walid al- Makhzoumi. Et, c’est alors
qu’Allah infligea une défaite à l’ennemi et donna le
dessus aux Musulmans. »
Ibn Kathir commenta : « Ce texte contient plusieurs
points essentiels que l’on ne trouve pas chez Ibn Ishaq
qui prétend que Khalid n’a fait qu’une irruption
soudaine en semant le désordre au sein de l’armée des
Byzantins et des Arabes chrétiens pour ensuite se
retirer tandis que Moussa ainsi qu’al-Waqidi, affirment
que les Musulmans vainquirent les Byzantins et les
Arabes qui étaient avec eux. »
De plus, cela est en concordance avec le Hadith
rapporté par Boukhari, où le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) a dit : « Après quoi, l’étendard fut
pris par l’une des épées d’Allah[2]
et grâce à lui, Allah donna le dessus (aux Musulmans). »
Enfin, cela est aussi l’avis du traditionniste
al-Bayhaqi.
Masjid Ja'far Ibn Abi talib - Moutah
[1]
Il s’agit de Moussa Ibn ‘Ouqbah Ibn Abi ‘Ayash
al-Assadi, l’un des premiers historiens de
l’Islam. Son livre
al-Maghazi
fut l’une des plus importantes sources pour les
historiens suivants. Il appartient à la
génération d’Ibn Ishaq et d’al-Waqidi
(puisse Allah Exalté leur faire tous
miséricorde). L’Imam Malik disait : « Lisez
al-Maghazi
de Moussa Ibn ‘Ouqbah. »
[2]
Sayfoullah, c’est ainsi qu’est surnommé Khalid
Ibn al-Walid (radhiyallahou ‘anhou). |