L’arrivée des Coalisés

 

Dès l’arrivée des Coalisés près de Médine, les troupes mecquoises installèrent leur campement près du point de rencontre des vallées à Rawma entre al-Jourf et Zaghaba, et les troupes Ghatafani choisirent l’endroit près de Thanab Nouqma à la limite ouest de la montagne Ouhoud.
Sur place, les contacts commencèrent peu après entre les chefs des deux armées coalisées, contacts assurés par le notable juif Houyay Ibn Akhtab, qui conseillait, suggérait, afin de dresser le plan d’attaque adéquat.
 
Ce plan, après son adoption par les chefs des Coalisés et après consultation des chefs juifs, consistait à ce que les troupes polythéistes marcheraient sur Médine du côté nord en prenant la forme d’un arc qui s’étendrait d’est en ouest et qui se resserrerait rapidement sur les Musulmans tandis que pendant ce temps-là, comme convenu, les neuf cents juifs des Banou Qouraydah frapperaient les arrières de l’armée musulmane et ainsi d’après leur plan, l’Islam et les Musulmans seraient éradiqués à jamais,
 
Il est nécessaire de rappeler une nouvelle fois qu’un pacte de défense commun liait les Musulmans aux Juifs des Banou Qouraydah et que Houyay Ibn Akhtab réussit à convaincre ces derniers de le violer et d’attaquer à l’heure convenue.
 
Ce plan resta un projet bien conçu mais qui ne put se réaliser du fait de la tranchée qui s’avéra une ligne de défense efficace et n’était-ce celle-ci, les chefs coalisés auraient peut-être cueilli les fruits de l’invasion planifiée et sans celle-ci, dix mille guerriers auraient pu facilement venir à bout de de neuf cents et les exterminer.
 
Mais par ce fossé, les Musulmans minèrent le rêve des polythéistes mécréants et des Juifs associateurs traitres qui lorsqu’ils le virent, restèrent confondus par cette nouvelle technique de défense.
Cette nouvelle arme défensive mit en place par les Musulmans immobilisa les mouvements de ces milliers d’hommes venus pour la dernière bataille, selon les prévisions de leurs chefs et ils ne purent rien faire d’autre que d’essayer de s’infiltrer par des actions suicidaires qui faillirent.
 
Les Coalisés se retrouvèrent donc désorientés devant cette nouvelle tactique militaire. Ils regardèrent cette tranchée ressemblant à un serpent géant prêt à engloutir, qui encerclait Médine et la préservait contre toute mauvaise surprise ; une tranchée d’environ deux mille mètres pour une largeur de quatre et une profondeur de trois mètres, une tranchée surveillée nuit et jour par des patrouilles.
 
Voyant cette réalisation imposante, ils tentèrent par l’intermédiaire de leur cavalerie de trouver quelque faille ou brèche par où s’infiltrer et inspectèrent à distance attentivement l’ouvrage qui paralysa leurs troupes et qui renversa leurs plans et, à chaque endroit, ils rencontrèrent une défense impénétrable si bien qu’ils avouèrent que c’était là une ruse inconnue des Arabes.
Cependant ils ne s’avouèrent pas vaincus et décidèrent de rester sur place et de maintenir un siège écrasant autour de Médine malgré ce fossé qui paralysa totalement les mouvements de leurs troupes. Ils harcelèrent donc jour et nuit les Musulmans afin de les affaiblir pour saisir au moment opportun l’occasion pour fondre sur eux tout en attendant l’attaque imminente des Juifs.
 
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons étaient bien évidemment sur leur garde constante car ils craignaient d’un moment à un autre le revirement des Banou Qouraydah dont les fortins se situaient derrière les lignes musulmanes, comme ils redoutaient aussi les capacités de nuisance des hypocrites.
Le commandement médinois appréhendait surtout la traitrise des Banou Qouraydah qui resta la plus dangereuse menace contre l’entité musulmane. Le ralliement des Bani Qourayd aux Coalisés mettait les Musulmans entre deux feux ; celui des polythéistes et des Juifs qui disposaient d’une force de neuf cents hommes.
Leur éventuelle participation à la bataille amoindrirait dramatiquement l’importance du fossé qui remplissait son rôle défensif tant que les Musulmans maintenait une vigilance de jour comme de nuit afin de repousser toute tentative de percée en sautant soit à l’aide des chevaux, soit en comblant un passage.
 
La participation des Banou Qouraydah, par conséquent, obligerait les Musulmans à répartir leurs forces donc à se diviser ce qui faciliterait sans aucun doute la tâche des Coalisés pour traverser la ligne de défense mais l’appréhension du commandement médinois se concrétisera seulement en partie.

 

Comment les Juifs violèrent le pacte

 

Les espions de l’armée musulmane surveillèrent de manière permanente les zones des Banou Qouraydah et rendirent compte de tout mouvement suspect au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), commandant suprême de l’armée afin d’éviter toute surprise déplaisante et il ne faisait aucun doute pour l’état- major de Médine que le maléfique Houyay Ibn Akhtab des Banou an-Nadr allait contacter les Banou Qouraydah pour leur demander à l’acte.

 

Tous les auteurs de Sirah sont d’accord sur le fait et rapportèrent dans leurs livres que Ka’b Ibn Assad, le seigneur des Banou Qouraydah, ne fut pas persuadé par la transgression du pacte qui liait les Juifs aux Musulmans, ni ne voulut les trahir de peur des retombées néfastes du fait qu’il n’était pas sûr que les Coalisés allaient vaincre les Musulmans.

Ils rapportèrent que ce fut Houyay Ibn Akhtab qui les convainquit et les encouragea à déclarer la guerre et que cet ennemi de l’Islam et des Musulmans sortit de chez eux après les avoir appelés à profiter de cette occasion et de récolter les gains après le départ des Coalisés qu’il avait promis aux chefs de Qouraysh et de Ghatafan.

 

Ka’b Ibn ‘Assad, le seigneur des Banou Qouraydah, résista longtemps à la demande de Houyay, la réprouva et lui rappela les conséquences fâcheuses sur son peuple suite à sa trahison.

De même lorsqu’il fut informé de l’arrivée imminente de Houyay, il ordonna de fermer la porte de son fort, refusa de le rencontrer au début et lui demanda de quitter les lieux des Banou Qouraydah car il avait bien compris la raison de sa visite.

Mais ce juif (Houyay Ibn Akhtab) résolu à nuire, malgré la fermeture des portes à son nez et la demande claire qu’il reçut de quitter les lieux, resta collé à la porte en demandant avec véhémence de lui ouvrir afin de lui parler, jusqu’au moment où il eut gain de cause.

Devant le fort, il appela Ka’b : « Malheur à toi, Ka’b ! Ouvre-moi ! »

- « Malheur à toi, ô Houyay! Tu es un individu de mauvais augure. J’ai signé un pacte avec Muhammad et je ne vais pas violer ce qu’il y a entre lui et moi, je n’ai vu de lui que loyauté et franchise. »

- « Malheur à toi, ouvre-moi que je te parle ? »

- « Je ne le ferai pas. »

Indigné, Houyay trouva une astuce : « Par Allah ! Tu n’as fermé ta porte que par peur que je mange ton repas avec toi. »

Cette accusation éveilla un sentiment de honte en Ka’b qui ouvrit la porte.

- « Malheur à toi, Ka’b, » dit Houyay, « je t’ai apporté la gloire de ce monde. J’ai ramené avec moi Qouraysh qui campe près de Jam’a al-Asyal et Ghatafan près d’Ouhoud. Ils m’ont donné leurs paroles qu’ils ne quitteraient la place qu’après avoir déraciné Muhammad et ceux qui sont avec lui. »

- « Par Allah, tu n’es venu à moi qu’avec la honte de ce monde et avec tout ce qui se craint, » répondit Ka’b, « je n’ai vu de Muhammad que franchise et loyauté... Tu es venu à moi, Houyay, avec un gigantesque nuage qui tonne et qui lance des éclairs mais vide à l’intérieur. Malheur à toi, Houyay, laisse- moi donc comme je suis ; je n’ai vu de Muhammad que franchise et loyauté. »

Et, comme Houyay insista par son style louvoyant comme un serpent subtil et astucieux, il finit par influencer les seigneurs juifs et Ka’b convoqua alors une réunion pour discuter de la question.

 

Lors de cette assemblée, ‘Amrou Ibn Sou’da un de leurs notables raisonnable, parla et conseilla les Banou Qouraydah, les avertit des dangers si jamais le pacte venait à être violé, leur rappela la loyauté constante de Muhammad ainsi que sa franchise de ses relations avec eux. Il leur rappela aussi qu’ils étaient dans l’obligation de combattre avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et se demanda alors comment ils pouvaient montrer les armes devant son visage (déclarer la guerre) et prêter main forte à son ennemi. Il leur demanda en définitive de respecter le pacte et de ne pas se laisser emporter par les propos de Houyay Ibn Akhtab, et plutôt de rallier les Musulmans, comme le stipulait le pacte, sinon à rester neutre en disant : « Si vous ne pouvez pas prendre le parti de Muhammad, laissez-le donc avec son ennemi. »

 

Mais les ruses de Houyay furent plus fortes que l’opposition et il resta, comme l’a rapporté Ibn Ishaq, à appâter et à entrainer les Banou Qouraydah et à inlassablement soudoyer Ka’b au point où tous leurs seigneurs acceptèrent de violer le pacte et de rallier les Coalisés.

Tout cela fut conclu après que les notables prirent l’engagement de Houyay qui accepta de rester avec les Banou Qouraydah dans leurs fort afin d’être touché, comme eux, si Qouraysh et Ghatafan viendraient à se retirer sans avoir pu détruire les Musulmans. Après avoir reçu l’engagement de Houyay, Ka’b Ibn Assad déclara la nullité du pacte qui le liait au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

Puis, Ka’b convoqua les seigneurs des Banou Qouraydah dont az-Zoubayr Ibn Bata, Ghazzal Ibn Maymoun, Shas Ibn Qays, ‘Ouqbah Ibn Zayd et ‘Amrou Ibn Sou’da, et leur demanda de déchirer le pacte, donnant ainsi le signal de l’annulation du pacte ainsi que leur ralliement aux Coalisés.

Tous acceptèrent de le déchirer sauf le seigneur ‘Amrou Ibn Sou’da qui refusa de participer à la trahison en disant : «Par Allah, je ne trahirai jamais Muhammad ! »

Ce seigneur fut soutenu par trois autres qui se rallièrent à sa position : Tha’labah et Oussayd, tous deux fils de Sa’ya et Assad Ibn ‘Oubayd. Les autres seigneurs juifs déchirèrent alors le pacte en entrèrent ainsi en guerre contre le Messager d’Allah et les Musulmans.

 

Comme leurs quartiers étaient sous étroite et secrète surveillance, les espions musulmans ne tardèrent pas à connaitre ces dangereux développements et en informèrent rapidement et secrètement le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui, à son tour, leur demanda sur le champ de ne pas ébruiter l’information.

 

Aussitôt après, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) convoqua Sa’d Ibn Mou’ad, le seigneur des Aws et l’allié des Banou Qouraydah, Sa’d Ibn ‘Oubadah, le seigneur des Khazraj, ‘AbdAllah Ibn Rawahah et Oussayd Ibn Houzayr (tous des Ansar) et leur demanda de contacter officiellement les seigneurs des Banou Qouraydah et de vérifier auprès d’eux ces nouveaux développements. Il leur ordonna aussi de garder secrète la nouvelle s’ils venaient à la confirmer, et cela afin d’éviter que cette nouvelle n’entamât le moral des combattants musulmans qui vivaient déjà jour et nuit une situation très difficile.

Il est rapporté dans Ibn Ishaq : « Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit : «  Partez [donc] pour connaitre la vérité sur ces gens. S’il s’avère que c’est vrai, faites-moi signe par un code que je connais et ne dites cela à personne ! Mais s’ils sont encore fidèles à ce qu’il y a entre nous, vous pouvez alors le dire à tout le monde. »

La délégation partit donc et rencontra les seigneurs des Banou Qouraydah à ils demandèrent de renforcer l’alliance mais, dès que les Juifs entendirent le nom du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et des paroles sur leur engagement et le pacte, ils dirent avec insolence : « Qui est ce Messager d’Allah ? » et ils continuèrent à dire à la délégation du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) : « Il n’y a pas d’engagement entre nous et Muhammad. » Ce qui signifiait en substance : «Aujourd’hui, vous venez nous demander d’être fidèles à l’alliance qui nous unissait à Muhammad, alors que, lui, il a brisé notre aile en chassant nos frères des Banou an-Nadr ! Partez ! Il n’y a entre nous et Muhammad ni engagement ni alliance. »

 

Sa’d Ibn ‘Oubadah, le seigneur des Khazraj, se mit alors en colère mais Sa’d Ibn Mou’ad intervint et demanda à son Compagnon de maitriser ses nerfs en disant : « Arrête de les insulter. Ce qu’il y a entre eux et nous est plus grand que des insultes. » Puis, il s’adressa à ses alliés dans une dernière tentative et leur conseilla de faire marche arrière et les avertissant des conséquences résultant de la violation du pacte.

Il leur dit : « Vous savez ce qu’il y a entre nous, ô Banou Qouraydah, et j’ai peur pour vous de ce qui est arrivé auparavant aux Banou an-Nadr ou de plus amer. » Leur réponse fut sèche : « Tu as mangé les chameaux de ton père !, » lui signifiant ainsi qu’ils n’avaient que faire de ses conseils.

- « Autre que ces réponses aurait été plus beau et meilleur, ô Banou Qouraydah. »

Mais ces derniers persistèrent dans leur décision et outrepassèrent même les bonnes manières en insultant le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Là, Sa’d Ibn Mou’ad réalisa qu’il était trop tard pour tenter de persuader ses alliés. La délégation retourna alors confirmer au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) la trahison des Juifs.

 

Quand elle arriva au camp des Musulmans, derrière le fossé, ses membres saluèrent le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et l’un d’eux prononça le mot secret qui confirmait la trahison et sans qu’aucun combattant ne saisisse le sens et la gravité de ce mot. Ce mot de passe n’était autre que « Adal et al-Qara, » les deux tribus de Houzayl qui massacrèrent avec perfidie, à Dzat ar-Raji’ dans le Hijaz, les Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) alors qu’ils étaient en route pour leur enseigner les bases de la religion islamique.

 

De l’autre côté du fossé, avant la violation du pacte, les mouvements militaires des Coalisés restèrent faibles et sans incidence et hormis les reconnaissances à cheval pour menacer et effrayer les Musulmans; il n’y eut pour ainsi dire, pas d’action militaire proprement car apparemment, les Coalisés avaient perdu l’espoir de traverser cet obstacle minutieusement préparé.

Cependant, à l’instant même où on les informa officiellement du ralliement des Banou Qouraydah, ils redoublèrent d’efforts et leur espoir revint car ce ralliement, selon eux, allait obliger le gros des troupes musulmanes à abandonner les positions d’où était assurée la surveillance permanente de la ligne défensive, et s’occuper des forces juives du fait que rien ne les protégeait des Banou Qouraydah, si ces derniers les attaquaient dans le dos.

 

La position des forces musulmanes, depuis l’arrivée des Coalisés, était sans nul doute très critique malgré ce que l’on pourrait dire sur la ligne de défense et sur les hautes qualités des neuf cents Musulmans rien, ne fit oublier le danger mortel que représentaient à chaque instant les dix mille coalisés. La traitrise des Banou Qouraydah vint compliquer davantage la situation dans le camp des Musulmans et affaiblir un peu plus leur état et dans cette situation de crise très délicate et grave, toute l’entité musulmane était à la merci de la tempête.

 

Le Noble Qur’an signale cet état de gêne et cette dégradation extrême et décrit avec précision l’angoisse, la crainte et la panique dans les rangs musulmans : « Quand ils vous vinrent d’en haut et d’en bas [de toutes parts], et que les regards étaient troublés, et les cœurs remontaient aux gorges, et vous faisiez sur Allah toutes sortes de suppositions. Les croyants furent alors éprouvés et secoués d’une dure secousse. » (Qur’an 33/10-11)

 

Les Hypocrites

 

Pris entre deux feux ; celui des Coalisés devant et celui des Juifs derrière, les véritables croyants gardèrent leur foi et resserrèrent leurs rangs autour du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Par contre, les faux croyants se découvrirent par le développement du danger et apparurent sous leur véritable visage de menteurs et de fourbes, qui montrèrent finalement ce qu’ils cachaient.

 

Ces scélérats qui existaient dans les rangs de l’armée musulmane, se montraient musulmans mais en vérité, ils luttaient contre l’Islam et cultivaient le secret espoir de voir l’élimination des Musulmans et propageaient des rumeurs et des mensonges sur les capacités des Musulmans à tenir tête contre l’ennemi.

Ce groupe d’hypocrites dans l’armée du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) crurent que les jours des Musulmans étaient comptés surtout après la trahison des Banou Qouraydah, ce qui les encouragea à tenir des propos subversifs dans le but bien clair de démoraliser les Musulmans déjà diminués par la proportion des Coalisés.

Un de ces hypocrites tint avec ironie ce discours : « Muhammad nous a promis les trésors de Chosroes et d’Héraclius alors qu’aujourd’hui personne n’est en sécurité même pour aller aux toilettes. Allah et son Messager nous ont fait de fausses promesses. »

 

Ibn Ishaq rapporta que ces propos furent prononcés par Mou’attab Ibn Qashir, le frère des Banou ‘Amrou Ibn ‘Awf mais, il n’y a pas l’ombre d’un doute que ce Mou’attab fut de ceux qui participèrent à la bataille de Badr et son nom fut rapporté par Ibn Ishaq lui-même.

 

Ibn Hisham dans sa Sirah commente l’avis d’Ibn Ishaq en disant : « J’ai été informé par une personne en qui je fais confiance et qui est de ceux qui connaissent que Mou’attab Ibn Qashir ne fut pas un Hypocrite et qu’il était du groupe de Badr. »

 

Les hypocrites avancèrent toutefois ces propos. Et le Noble Qur’an le confirme : « Et quand les hypocrites et ceux qui ont la maladie [le doute] au cœur disaient : Allah et Son messager ne nous ont promis que tromperie. » (Qur’an 33/12)

 

Et ainsi, après les Coalisés et les Banou Qouraydah, survint la troisième épreuve des Hypocrites qui mit à rude épreuve la foi et la valeur de chacun des Musulmans.

Ces hypocrites surgirent comme une troisième force ennemie mais cette fois de l’intérieur des rangs musulmans. Ils propagèrent rumeurs, mensonges et calomnies dans le but précis de démoraliser et de propager le désespoir qui accentuèrent les ennuis de l’armée musulmane.

 

Non seulement ces hypocrites ne s’arrêtèrent pas là mais ils se retirèrent du front et incitèrent à la désertion en ces moments délicats que vivait la jeune communauté musulmane, pour faciliter d’une manière détournée la tâche des Coalisés.

Dans cette situation dramatique où la position des Musulmans atteignit le sommet du péril, un de ces hypocrites, au nom de ses semblables, demanda au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) de les laisser se retirer du camp qui faisait face aux Coalisés en prétextant que leurs maisons étaient à découvert car l’intention des hypocrites n’était pas de protéger leurs habitations mais plutôt de fuir et de provoquer le doute, la panique ainsi que l’esprit de défaite et de protestation.

Aws Ibn Qaydi, un des Banou Haritha Ibn al-Harith dit (et cela devant un groupe d’hommes de sa tribu) : « O Messager d’Allah, nos maisons sont vulnérables pour l’ennemi. Permets-nous de nous retirer pour retourner à nos maisons qui se trouvent en dehors de la ville. »

 

Le Qur’an démasqua ces hypocrites et mentionne que leur demande, en ces moments délicats, ne fut pas pour protéger leurs maisons mais plutôt la fuite et la dislocation de l’armée et qu’en vérité, leurs maisons n’étaient pas vulnérables comme ils le prétendaient mais plutôt parce qu’ils étaient menteurs d’autant plus que des patrouilles avaient pour mission de veiller sur toute la ville.

 

Allah dit : «De même, un groupe d’entre eux dit : Gens de Yathrib ! Ne demeurez pas ici. Retournez [chez vous]. Un groupe d’entre eux demande au Prophète la permission de partir en disant : Nos demeures sont sans protection, alors qu’elles ne l’étaient pas : ils ne voulaient que s’enfuir. » (Qur’an 33/13)

 

Ainsi la situation des Musulmans se compliqua davantage après l’apparition sous leur vrai visage de ce groupe d’hypocrites qui osèrent se moquer des Musulmans et répandre l’esprit de défaite et de désespoir.

 

Bien que le fossé paralysa les mouvements des coalisées en les laissant incapables de mener une offensive de grande envergure selon les plans de leurs chefs, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) devint très inquiet et conscient de la position gênante de son armée si peu nombreuse et eut peur du danger imminent qui la guettait et qui faisait violemment pression, après la trahison des Banou Qouraydah et la détérioration du moral de ses troupes suite aux menées déstabilisatrices des hypocrites.

 

Les négociations secrètes

 

Dans ces conditions extrêmement accablantes, le commandant de l’armée, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) (S.B sur lui), réfléchit comment il pourrait diminuer la pression qui pesait sur ses combattants dont la proportion devint de un contre onze sans compter l’éventuelle offensives des Banou Qouraydah sur leurs arrières.

 

Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pensa d’abord à diviser les Coalisés puis à influencer les Juifs afin de retarder au moins leur offensive mortelle. Il contacta alors secrètement les deux chefs des Ghatafan ‘Ouyaynah Ibn Hisn al-Fizari et al-Harith Ibn ‘Awf al-Mourri en leur envoyant de nuit un de ses espions.

En tant qu’homme politique expérimenté et en tant que chef suprême responsable, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) connaissait mieux que quiconque la psychologie des hommes ; il connaissait parfaitement les buts et les objectifs de tous les chefs qui dirigeaient cette invasion. Il savait, par exemple, que Ghatafan et ses chefs, ne participaient à cette guerre ni pour but politique ou une quelconque croyance mais essentiellement pour avoir un part du butin de Médine.

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) n’entra donc pas en contact avec les chefs juifs (comme Houyay Ibn Akhtab et Kinana Ibn ar-Rabi’) ni avec les mecquois comme Abou Soufyan Ibn Harb parce que leur principal but n’était pas les trésors de Médine mais plutôt un but politique et religieux qui ne pouvait se réaliser qu’en détruisant la communauté musulmane.

 

Ainsi, les chefs Ghatafani n’hésitèrent pas à accepter sa proposition de se rencontrer derrière le fossé et de discuter d’un compromis et dès leur arrivée, les pourparlers commencèrent dans la plus grande clandestinité et personne ne fut informé. L’essentiel des tractations fut la proposition que les Musulmans livreraient le tiers d’une récolte annuelle en échange de la paix.

Les chefs Ghatafani n’acceptèrent pas ce tiers et voulurent la moitié de la récolte mais le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) refusa catégoriquement leur ambition. Les pourparlers trainèrent sur ce point, mais en définitive, les Ghatafani donnèrent leur consentement.

L’accord proposé rédigé par ‘Uthman Ibn ‘Affan (radhiyallahou ‘anhou) contenait les principales clauses suivantes :

1. La paix entre les Musulmans et les Ghatafani se trouvant dans les rangs des Coalisés,

2. La cessation par Ghatafan de toute action militaire contre les Musulmans,

3. La levée de leur siège autour de Médine, le retrait de leurs troupes et leur retour dans leur pays.

4. Le livraison du tiers de la récolte de Médine à Ghatafan et semble-t-il, pour une seule année.

 

Cependant pour signer l’accord, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) posa d’abord la condition du consentement des seigneurs des Aws et des Khazraj parce que la récolte était la propriété des Ansar et qu’il n’était pas possible de verser à quiconque les fruits d’une récolte sans l’approbation de ses propriétaires, surtout qu’il s’agissait d’une initiative politique de la part du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et non d’une révélation venant d’Allah.

Ainsi et avant la signature de l’accord, il appela Sa’d Ibn Mou’ad (le seigneur des Aws) et Sa’d Ibn ‘Oubadah (le seigneur des Khazraj) et leur expliqua ce qui s’était passé, en présence des chefs de Ghatafan. Puis, il les consulta à propos de la clause concernant le versement d’une part de la récolte d’une année en leur demandant de donner leur avis sur l’accord.

Après avoir écouté le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et après avoir pris connaissance des clauses, l’idée de verser à l’ennemi le tiers de la récolte ne leur plut guère et la jugèrent comme une énorme concession.

 

Cependant, en tant que croyants respectueux ne désobéissant pas à leur Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) même si cela pouvait leur coûter leurs vies, ils lui dirent qu’ils étaient, au nom de tous les Ansar, prêts à accepter cet accord si cela était un ordre d’Allah et sur révélation de Lui. Cependant, si la chose était susceptible d’être débattu, ils avaient un tout autre avis et explicitement, cela voulait dire qu’ils auraient refusé de donner la moindre datte aux Ghatafan.

Ils dirent : « O Messager d’Allah, est-ce une affaire que tu veux faire ou est-ce qu’Allah t’a ordonné de faire et que nous ne devons accepter ou bien une chose que tu veux faire pour nous ? Si c’est une chose du Ciel, tu n’as qu’à l’exécuter, et si c’est une affaire dont tu n’as pas reçu l’ordre et que tu désires, nous t’obéirons, mais si c’est un point de vue personnel, ils n’auront de nous que l’épée. »

- « Si Allah m’avait ordonné, » répondit le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), « je ne vous aurais pas consultés. Par Allah, je ne fais cela que parce que j’ai vu les Arabes vous viser d’un seul arc et qu’ils sont comme des hiboux vous assaillant de tous les côtés. J’ai voulu briser leur ardeur. »

- « O Messager d’Allah, » lui dit Sa’d Ibn Mou’ad, alors qu’il était encore jeune homme n’ayant pas atteint les quarante ans, « nous étions, nous et ces gens-là (les Ghatafani) des polythéistes et des idolâtres, nous ne priions ni Allah ni Le connaissions, et ils n’ambitionnaient même pas (à cette époque) de manger une seule de nos dattes, que s’ils étaient invités ou après-vente, même s’ils n’avaient à manger al-‘Ilhiz[1]. »

Puis, il ajouta exprimant son opposition à l’accord non encore conclu : « Est-ce après qu’Allah nous a honorés par l’Islam et nous a mis sur le bon chemin menant vers Lui et nous a glorifiés par toi et par Lui, nous retrancherons une partie de nos richesses ? Nous n’avons aucun besoin à faire cela. Ils ne verront de nous que le sabre jusqu’à ce qu’Allah décide entre eux ou nous[2]. »

Quand le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) vit l’opposition des seigneurs Ansar à l’accord écrit qui n’attendait que la signature et l’apposition des témoins, il revint sur ce qu’il venait de proposer aux Ghatafani en disant à Sa’d Ibn Mou’ad (puisque c’était lui qui avait pris la responsabilité d’intervenir) : « Cela (l’accord) ne peut se rapprocher de toi. » Autrement dit, l’accord fut annulé.

 

A ce moment précis, Sa’d Ibn Mou’ad prit l’accord écrit mais non signé et le déchira, puis se tourna vers les seigneurs de Ghatafan ‘Ouyaynah Ibn Hisn et al-Harith Ibn ‘Awf et leur dit avec un air de défi : « Retournez ! Il n’y aura entre nous et vous que le sabre. » Et les deux chefs furent raccompagnés hors du camp des Musulmans et se retirèrent dans le leur.

 

Par conséquent, les malheurs des Musulmans augmentèrent. Le refus de l’accord par les seigneurs Ansari compliqua encore les problèmes militaires qui se posaient déjà aux Musulmans et l’espoir de voir la pression baisser de quelques crans s’effrita.

Cependant, ce refus démontra, d’autre part aux chefs des deux camps, les Coalisés et les Musulmans, qu’il y avait derrière le Fossé, dans cette petite armée des hommes de valeur qui égalaient des milliers, que les épreuves aguerrissaient et dont la foi se renforçait au contact des dangers, et renforçait leur unité autour du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

Ce refus catégorique exprimé devant le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en présence des chefs de Ghatafan fut l’une des principales causes qui poussa les ennemis envahisseurs à réviser leurs plans agressifs, puisqu’ils temporisèrent peu après pour combattre les Musulmans.

Il est important de signaler que dès le retour de ‘Ouyaynah Ibn Hisn et al-Harith Ibn ‘Awf et après ce qu’ils entendirent de Sa’d Ibn Mou’ad, les Ghatafan n’entreprirent aucune action militaire contre les Musulmans et restèrent retranchés dans leur campement jusqu’au moment où le chef suprême Abou Soufyan donna l’ordre de retrait des troupes et la levée du siège de Médine.

 

La tension atteignit  le sommet après la violation du pacte des Banou Qouraydah et le refus des Ansar de la paix avec Ghatafan et dans cette situation, les Musulmans durent être plus vigilants et s’astreignirent alors à d’autres sacrifices et d’autres efforts titanesques continuels dans le seul but de défendre leur communauté de croyants.

 

Le commandement de Médine mit sous surveillance étroite et permanente les endroits du fossé susceptibles d’être attaqués par les cavaliers des Coalisés, de peur que quelques courageux mécréants ne forcent le passage, grisés par la nouvelle du ralliement des Banou Qouraydah et le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) se posta lui-même près du point le plus vulnérable où l’attaque des cavaliers ennemis était prévu. Les patrouilles de surveillance renforcèrent leur vigilance tout le long du fossé et une autre force détachée des réserves fut désignée pour surveiller les Juifs et s’opposer à eux s’ils attaquaient.

 

Malgré la somme de tous les problèmes angoissants, une élite d’hommes courageux, véritablement croyants et de valeur restèrent avec le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), résistants et patients devant les pires épreuves.

 

L’harcèlement

 

La surprise du commandement mecquois devant le fossé fut vraiment un choc violent pour les Coalisés qui avaient projeté un corps-à-corps favorable pour leurs troupes, vu le déséquilibre des effectifs mais l’espoir revint après que les Banou Qouraydah les informèrent officiellement de leur ralliement.

Les Coalisés accentuèrent alors la pression sur les lignes musulmanes et multiplièrent leurs tentatives d’assaut ainsi que les provocations tout le long du fossé dans le but d’entrainer les Musulmans dans un accrochage.

 

Les commandants mecquois (Abou Soufyan Ibn Harb, Khalid Ibn al-Walid, ‘Amrou Ibn al-‘As, Dirar Ibn al-Khattab al-Fihri, ‘Ikrimah Ibn Abou Jahl et Habira Ibn Abou Habira) décidèrent que leurs membres mènent à tour de rôle des opérations d’harcèlement et appliquèrent ce plan sans perdre un seul instant ; chaque chef conduisait sa force un jour et une nuit sans relâcher l’harcèlement sur la ligne de défense médinoise[3]. Cependant, ces opérations organisées ne dépassèrent pas les allers-retours avec les chevaux ainsi que les jets de flèches et de pierres qui n’eurent aucun effet décisif sur la suite de la bataille.

 

L’énigme militaire, lors des opérations des Coalisés est qu’aucun historien n’a écrit sur l’attitude des Ghatafan, la colonne vertébrale de cette campagne, qui ne menèrent la moindre action militaire contre les Musulmans, ni ne participèrent aux opérations d’harcèlement.

A quoi cela fut-il dû ? Et quel fut le secret de cette énigme ? Peut-être qu’on pourra, dans nos commentaires, à la fin du livre, trouver une solution à cette étrange énigme.

 

Les tirs à l’arc et le va-et-vient des cavaliers dura ainsi pendant une courte durée jusqu’au moment où un groupe de cavaliers des Coalisés tentèrent l’aventure en forçant un passage du fossé et purent ainsi partiellement engager la bataille dans le camp des Musulmans. ‘Amrou Ibn ‘Abd Widd al-‘Amiri, ‘Ikrimah Ibn Abou Jahl, Dirar Ibn al-Khattab, Habira Ibn Abou Wahb, Nawfal Ibn ‘AbdAllah réussirent à passer le fossé mais furent immédiatement interceptés par les Musulmans. Ces derniers leur coupèrent d’abord toute retraite puis les attaquèrent et éliminèrent quelques éléments obligeant les autres à s’enfuir.

 

Ibn Ishaq a rapporté : « Il n’y eut pas de combat (entre les deux camps). Cependant, quelques cavaliers de Qouraysh (dont ‘Amrou Ibn ‘Abd-Widd, le frère de ‘Amir Ibn Lou'ay, ‘Ikrimah Ibn Abou Jahl, Habira Ibn Abou Wahb, tous deux des Makhzoumi, le poète Dhirar Ibn al-Khattab, et Ibn Mirdas, le frère des Banou Mouharib Ibn Fahr) se préparèrent à aller au combat. Quand ils passèrent près du camp des Banou Kinana, ils dirent à ces derniers : « O Banou Kinana, préparez-vous au combat. Vous allez voir qui sont les vrais cavaliers. » Puis ils s’élancèrent vers le fossé et quand ils le virent, ils dirent : « Par Allah, c’est un piège que les Arabes ne connaissaient pas ! »

Puis ils sautèrent avec leurs chevaux au-dessus d’un endroit étroit du fossé et s’infiltrèrent entre le fossé et la montagne. Sil’, ‘Ali Ibn Abou Talib et un groupe de ses Compagnons sortirent (à leur rencontre) et leurs coupèrent la retraite à l’endroit même ou ils avaient pénétrés. »

‘Amrou Ibn ‘Abd-Widd, le premier des cavaliers à avoir sauté le fossé, se mesura à ‘Ali Ibn Abou Talib dans un duel et l’issue de ce duel tourna à l’avantage de ce dernier.

 

Ibn Ishaq a dit : « ‘Amrou Ibn ‘Abd Widd combattit à Badr jusqu’à ce qu’il fut blessé mais ne participa pas à Ouhoud (car il était encore blessé). A al-Khandaq, il sortit avec ses cavaliers et lança un duel à un Musulman. Alors, Ali Ibn Abou Talib s’avança vers lui et lui avait dit avant le duel : « O ‘Amr, tu as dit (plusieurs fois) que si quelqu’un t’appelait à l’une des trois (choses), l’accepterais-tu. »

- « Certes, » confirma ‘Amrou.

- « Je t’invite donc à attester qu’il n’y a point d’autre divinité excepté Allah, que Muhammad est le Messager d’Allah et que tu te soumettes au Maitre de tout le monde. »

- « O fils de mon frère, éloigne cela de moi. »

- « Une autre, alors. Tu retournes dans ton pays, et si Muhammad, le Messager d’Allah aura raison, tu seras le plus heureux des gens, et s’il se révélera un menteur, tu auras ce que tu voulais. »

- « Je ne donnerai jamais l’occasion aux femmes de Qouraysh de parler de cela. Qu’est-ce qui reste alors, as-tu fini tes propositions, quelle est la troisième chose ? »

- « Le duel, » lui dit ‘Ali (radhiyallahou ‘anhou).

‘Amrou Ibn ‘Abd-Widd sourit alors et il était un cavalier très connu expérimenté par les combats[4] puis dit à ‘Ali : « Je ne pensais pas qu’un Arabe m’effrayerait ainsi. Pourquoi, ô fils de mon frère, » poursuivit-il, « par Allah, je n’aimerai pas te tuer. »

- « Mais, par Allah, j’aimerai bien te tuer, » lui répondu ‘Ali.

‘Amrou se mis alors dans une colère indescriptible et comme ‘Ali était à pied et ‘Amrou à cheval, ce dernier mis pied à terre[5], attacha son cheval dont il caressa la face puis s’avança vers ‘Ali et se mesurèrent dans un duel où ‘Ali sortit vainqueur[6]. »

 

Quant à al-Hafiz al-Bayhaqi, il rapporta dans son Dala'il an-Noubouwa, que ‘Amrou dit à ‘Ali : « Qui es-tu ? »

- « Je suis ‘Ali, » lui répondit-il.

- « Ibn ‘Abd al-Manaf ? »

- « Je suis ‘Ali Ibn Abou Talib. »

- « O, fils de mon frère, lui lanca-t-il alors avec moquerie, il y a, parmi tes oncles, plus grand que toi. Je n’aimerai pas répandre ton sang. »

- « Mais moi, par Allah, j’aimerai faire couler ton sang, » répondit ‘Ali aussi avec moquerie.

Sur cela, ‘Amrou se mis alors en colère, mis pied à terre et tira son sabre; un sabre qui ressemblait à une flamme tirée d’un feu puis, s’avança provocant. ‘Ali para l’attaque de ‘Amrou avec son bouclier mais fut blessé à la tête. Cependant, il riposta (efficacement) et le frappa à la veine près de l’épaule. » Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lança le Takbir et les gens surent alors que ‘Ali avait tué ‘Amr. »

Immédiatement après l’élimination chef du groupe de cavaliers qourayshi, les autres rebroussèrent chemin à toute allure. Ils furent poursuivis par quelques cavaliers musulman et az-Zoubayr Ibn al-‘Awwam réussit à rattraper Nawfal Ibn ‘AbdAllah et le tuer ainsi que Habira Ibn Abou Wahb mais il arriva toutefois à s’échapper.

 

Les troupes polythéistes demandèrent alors le corps de ‘Amrou moyennant une somme mais le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) refusa de prendre cet argent et leur dit : « Il est à vous. Nous ne mangeons pas le prix des morts. »

 

Dans le témoignage de l’Imam Ahmad tout comme dans al-Bidayah wa an- Nihayah, il est rapporté que le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit : « Donnez-leur son corps car c’est un vilain corps donc la Diya est infecte. » Qouraysh reprit alors le corps de son cavalier.

 

Cette tentative dont le résultat fut lourds de conséquence donna la preuve au commandement qourayshi que les Musulmans veillaient ferme et que leur force morale n’avait pas été altérée par les harcèlements répétés et les pressions renouvelées.

Qouraysh tira donc les enseignements qui s’imposaient et les tentatives des cavaliers de traverser le fossé furent stoppées cependant, d’un autre côté, le siège fut resserré, les opérations d’harcèlement reprirent plus activement dans le but de faire infléchir la volonté des Musulmans ou de les entrainer, par réaction d’impatience, dans un corps-à-corps.

En plus de ces peines et tensions, les Musulmans furent confrontés à une autre source de problèmes. Ils étaient pauvres, démunis et vivaient dans des conditions très difficiles du fait de l’année de sécheresse et de disette en plus qu’ils étaient presque nus alors qu’ils faisaient face à un danger mortel.

 

Al-Boukhari écrit en se basant sur le témoignage d’Anas : « Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) sortit pour le Fossé. Les Mouhajirine et les Ansar creusaient alors qu’il faisait froid et qu’ils n’avaient pas d’esclaves. Voyant ces Compagnons travaillant dans de telles conditions, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit alors : « Allah ! Il n’y a de véritable vie que celle de l’au-delà. Accorde donc Ton pardon aux Ansar et aux Mouhajirine ! »

 

Défiant le siège, le froid, la faim et la trahison des Juifs, les Musulmans purent intercepter une caravane de vingt chameaux qui transportaient des dattes, de l’orge et de la paille que les Banou Qouraydah envoyèrent en soutien aux Qouraysh. Quand Abou Soufyan fut informé du détournement de la caravane, il dit : « Ce Houyay Ibn ‘Akhtab est vraiment de mauvais augure. Nous ne trouverons pas de transporter quand nous retournerons[7]. »

 

Dans les dernières nuits de la bataille du Fossé, les Musulmans furent contraints de veiller toutes les nuits jusqu’au matin car les cavaliers associateurs multiplièrent leurs activités le long de la ligne de défense. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) s’obligea lui-même à monter la garde près du point le plus névralgique.

 

‘Ayshah, la Mère des Croyants, (radhiyallahou ‘anha) a dit que le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) se postait la nuit près d’une brèche dans le but d’empêcher l’ennemi d’y faire une percée : « C’est de là que je crains le plus qu’une mauvaise surprise tombe sur les Musulmans. » Et, chaque fois que le froid glacial le piquait, il venait dans sa tente pour se réchauffer un peu puis retournait aussitôt à son poste surveiller la brèche.

Par une nuit glaciale, alors qu’il était dans sa tente près de la brèche (en train de se réchauffer) obnubilé par cette dernière, il dit (selon ‘Ayshah) : « Ah, si un homme de bien surveillait cette brèche cette nuit ! » Puis juste après, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) entendit dans cette sombre obscurité un bruit d’armes. Il demanda alors : « Qui est-ce ? »

- « Sa’d, ô Messager d’Allah, » lui répondit Sa’d Ibn Abou Waqqas, « Je suis venu surveiller près de toi. » Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lui demanda alors de le remplacer à son poste en lui disant : « Cette brèche, surveille-la donc ! »

Sa’d obéit alors à l’ordre de son Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et s’y rendit avec ceux qui étaient avec lui et montèrent la garde à ce poste.

 

Après s’être assuré qu’il avait confié à un homme en qui il avait confiance la tache de surveiller ce point dangereux et sensible, il s’endormit (fatigué d‘avoir trop veillé) d’un sommeil paisible une partie de la nuit. (D’après le témoignage de ‘Ayshah (radhiyallahou ‘anha)).

Lorsqu’il se reposa un peu, il pria deux Rak’a, sortit de sa tente et se rendit au fossé afin de participer avec la patrouille qui surveillait l’ennemi qui ne s’était pas arrêté de longer le fossé durant toute la nuit.

Et, pendant qu’il patrouillait (dans le dernier tiers de la nuit), il entendit soudain un mouvement de cavaliers polythéistes près du fossé et attira  vite ses Compagnons vers l’endroit en disant : « Ils sont là, les chevaux des mécréants. » Puis, il appela le chef de sa garde particulière et lui ordonna de surveiller avec sa garde les mouvements de l’ennemi en disant :

- « O Abbad Ibn Bishr. »

- « A tes ordres (ô Messager d’Allah),’ répondit Abbad.

- « Y a-t-il quelqu’un avec toi » demanda le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ?

 

 

- « Oui, » dit Abbad, je suis avec un groupe autour de ta tente, ô Messager d’Allah. »

Il lui donna alors l’ordre de longer le fossé, et l’informa que les chevaux des ennemis le longeaient et Abbad et ses hommes suivirent en parallèle les mouvements des cavaliers des Coalisés.

Et, si les simples cavaliers échouèrent dans leurs tentatives de traverser le fossé, leurs chefs aussi. Khalid Ibn al-Walid essaya de forcer un passage avec un groupe de cavaliers et de surprendre les Musulmans mais les Musulmans ne lui cédèrent pas le passage et l’empêchèrent de réaliser son plan car ils connaissaient mieux que les polythéistes les endroits étroits du fossé. Ainsi Khalid Ibn al-Walid trouva devant lui une grande patrouille de 200 hommes armée et dirigée par Oussayd Ibn Houzayr al-Ansari mais un accrochage eut toutefois lieu ou Toufayl Ibn an-Nou’man tomba en martyr, tué par Wahshi al-Habashi qui tua Hamza à Ouhoud.

 

Abou Soufyan Ibn Harb, le chef des troupes coalisées participa lui aussi à ces tentatives infructueuses, à l’instar de Khalid Ibn al-Walid ainsi qu‘Ikrimah Ibn Abou Jahl et ‘Amr Ibn al-‘As. Ils longèrent, sans résultat, le fossé à la recherche d’une faille tout en provoquant les Musulmans aux endroits étroits.



[1] Al-‘Ilhiz, repas préparé par les Arabes pendant les périodes de disette.

[2] Sirah Ibn Hisham, t II, p:233 et as-Sirah al-Halabiya, t II, p: 103 et les suivantes.

[3] Ibn Sa‘d dans son Tabaqat al-Koubra a rapporté : « ‘Abbad Ibn Bishr était détaché à la garde de la tente du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) avec d’autres Ansar pendant que les associateurs se remplaçaient (pour harceler sans relâche). Abou Soufyan restait un jour, depuis le matin, puis Khalid Ibn al-Walid venait le remplacer de bon matin, puis ‘Amrou Ibn al ‘As, puis Habira Ibn Abou Wahb, puis Dirar Ibn al-Khattab al-Fihri. (Chacun prenait son tour). Ils longeaient (le fossé) avec leurs chevaux, tantôt se dispersaient et tantôt se regroupaient, harcelaient les Compagnons du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et donnaient l’ordre à leurs archers de tirer. »

[4] Dans le texte, « il avait dépassé les quatre-vingts ans. »

[5] C’était un code arabe scrupuleusement respecté pour plus d’équité dans le duel.

[6] Sirah Ibn Hisham, p. 223 et suivantes, al-Bidayah wa an-Nihayah, t IV, p. 102 et suivantes, as-Sirah al-Halabiya, t II, p. 104 et suivantes.

[7] As-Sirah al-Halabiya, t. II, p:107.







 
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