L’arrivée des Coalisés
Les espions de l’armée musulmane surveillèrent de
manière permanente les zones des Banou Qouraydah et
rendirent compte de tout mouvement suspect au Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), commandant suprême de
l’armée afin d’éviter toute surprise déplaisante et il
ne faisait aucun doute pour l’état- major de Médine que
le maléfique Houyay Ibn Akhtab des Banou an-Nadr
allait contacter les Banou Qouraydah pour leur demander
à l’acte.
Tous les auteurs de Sirah sont d’accord sur le fait et
rapportèrent dans leurs livres que Ka’b Ibn Assad, le
seigneur des Banou Qouraydah, ne fut pas persuadé par la
transgression du pacte qui liait les Juifs aux
Musulmans, ni ne voulut les trahir de peur des retombées
néfastes du fait qu’il n’était pas sûr que les Coalisés
allaient vaincre les Musulmans.
Ils rapportèrent que ce fut Houyay Ibn Akhtab qui
les convainquit et les encouragea à déclarer la guerre
et que cet ennemi de l’Islam et des Musulmans sortit de
chez eux après les avoir appelés à profiter de cette
occasion et de récolter les gains après le départ des
Coalisés qu’il avait promis aux chefs de Qouraysh et de
Ghatafan.
Ka’b Ibn ‘Assad, le seigneur des Banou Qouraydah,
résista longtemps à la demande de Houyay, la
réprouva et lui rappela les conséquences fâcheuses sur
son peuple suite à sa trahison.
De même lorsqu’il fut informé de l’arrivée imminente de
Houyay, il ordonna de fermer la porte de son
fort, refusa de le rencontrer au début et lui demanda de
quitter les lieux des Banou Qouraydah car il avait bien
compris la raison de sa visite.
Mais ce juif (Houyay Ibn Akhtab) résolu à nuire,
malgré la fermeture des portes à son nez et la demande
claire qu’il reçut de quitter les lieux, resta collé à
la porte en demandant avec véhémence de lui ouvrir afin
de lui parler, jusqu’au moment où il eut gain de cause.
Devant le fort, il appela Ka’b : « Malheur à toi, Ka’b !
Ouvre-moi ! »
- « Malheur à toi, ô Houyay! Tu es un individu de
mauvais augure. J’ai signé un pacte avec Muhammad
et je ne vais pas violer ce qu’il y a entre lui et moi,
je n’ai vu de lui que loyauté et franchise. »
- « Malheur à toi, ouvre-moi que je te parle ? »
- « Je ne le ferai pas. »
Indigné, Houyay trouva une astuce : « Par Allah !
Tu n’as fermé ta porte que par peur que je mange ton
repas avec toi. »
Cette accusation éveilla un sentiment de honte en Ka’b
qui ouvrit la porte.
- « Malheur à toi, Ka’b, » dit Houyay, « je t’ai
apporté la gloire de ce monde. J’ai ramené avec moi
Qouraysh qui campe près de Jam’a al-Asyal et Ghatafan
près d’Ouhoud. Ils m’ont donné leurs paroles
qu’ils ne quitteraient la place qu’après avoir déraciné
Muhammad et ceux qui sont avec lui. »
- « Par Allah, tu n’es venu à moi qu’avec la honte de ce
monde et avec tout ce qui se craint, » répondit Ka’b,
« je n’ai vu de Muhammad que franchise et
loyauté... Tu es venu à moi, Houyay, avec un
gigantesque nuage qui tonne et qui lance des éclairs
mais vide à l’intérieur. Malheur à toi, Houyay,
laisse- moi donc comme je suis ; je n’ai vu de Muhammad
que franchise et loyauté. »
Et, comme Houyay insista par son style louvoyant
comme un serpent subtil et astucieux, il finit par
influencer les seigneurs juifs et Ka’b convoqua alors
une réunion pour discuter de la question.
Lors de cette assemblée, ‘Amrou Ibn Sou’da un de leurs
notables raisonnable, parla et conseilla les Banou
Qouraydah, les avertit des dangers si jamais le pacte
venait à être violé, leur rappela la loyauté constante
de Muhammad ainsi que sa franchise de ses
relations avec eux. Il leur rappela aussi qu’ils étaient
dans l’obligation de combattre avec le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et se demanda alors
comment ils pouvaient montrer les armes devant son
visage (déclarer la guerre) et prêter main forte à son
ennemi. Il leur demanda en définitive de respecter le
pacte et de ne pas se laisser emporter par les propos de
Houyay Ibn Akhtab, et plutôt de rallier les
Musulmans, comme le stipulait le pacte, sinon à rester
neutre en disant : « Si vous ne pouvez pas prendre le
parti de Muhammad, laissez-le donc avec son
ennemi. »
Mais les ruses de Houyay furent plus fortes que
l’opposition et il resta, comme l’a rapporté Ibn Ishaq,
à appâter et à entrainer les Banou Qouraydah et à
inlassablement soudoyer Ka’b au point où tous leurs
seigneurs acceptèrent de violer le pacte et de rallier
les Coalisés.
Tout cela fut conclu après que les notables prirent
l’engagement de Houyay qui accepta de rester avec
les Banou Qouraydah dans leurs fort afin d’être touché,
comme eux, si Qouraysh et Ghatafan viendraient à se
retirer sans avoir pu détruire les Musulmans. Après
avoir reçu l’engagement de Houyay, Ka’b Ibn Assad
déclara la nullité du pacte qui le liait au Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Puis, Ka’b convoqua les seigneurs des Banou Qouraydah
dont az-Zoubayr Ibn Bata, Ghazzal Ibn Maymoun, Shas Ibn
Qays, ‘Ouqbah Ibn Zayd et ‘Amrou Ibn Sou’da, et leur
demanda de déchirer le pacte, donnant ainsi le signal de
l’annulation du pacte ainsi que leur ralliement aux
Coalisés.
Tous acceptèrent de le déchirer sauf le seigneur ‘Amrou
Ibn Sou’da qui refusa de participer à la trahison en
disant : «Par Allah, je ne trahirai jamais Muhammad
! »
Ce seigneur fut soutenu par trois autres qui se
rallièrent à sa position : Tha’labah et Oussayd, tous
deux fils de Sa’ya et Assad Ibn ‘Oubayd. Les autres
seigneurs juifs déchirèrent alors le pacte en entrèrent
ainsi en guerre contre le Messager d’Allah et les
Musulmans.
Comme leurs quartiers étaient sous étroite et secrète
surveillance, les espions musulmans ne tardèrent pas à
connaitre ces dangereux développements et en informèrent
rapidement et secrètement le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) qui, à son tour, leur demanda sur le
champ de ne pas ébruiter l’information.
Aussitôt après, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) convoqua Sa’d Ibn Mou’ad, le seigneur des Aws et
l’allié des Banou Qouraydah, Sa’d Ibn ‘Oubadah, le
seigneur des Khazraj, ‘AbdAllah Ibn Rawahah et
Oussayd Ibn Houzayr (tous des Ansar) et leur
demanda de contacter officiellement les seigneurs des
Banou Qouraydah et de vérifier auprès d’eux ces nouveaux
développements. Il leur ordonna aussi de garder secrète
la nouvelle s’ils venaient à la confirmer, et cela afin
d’éviter que cette nouvelle n’entamât le moral des
combattants musulmans qui vivaient déjà jour et nuit une
situation très difficile.
Il est rapporté dans Ibn Ishaq : « Le Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit : «
Partez [donc] pour connaitre la vérité sur ces gens.
S’il s’avère que c’est vrai, faites-moi signe par un
code que je connais et ne dites cela à personne ! Mais
s’ils sont encore fidèles à ce qu’il y a entre nous,
vous pouvez alors le dire à tout le monde. »
La délégation partit donc et rencontra les seigneurs des
Banou Qouraydah à ils demandèrent de renforcer
l’alliance mais, dès que les Juifs entendirent le nom du
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et des
paroles sur leur engagement et le pacte, ils dirent avec
insolence : « Qui est ce Messager d’Allah ? » et ils
continuèrent à dire à la délégation du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) : « Il n’y a pas
d’engagement entre nous et Muhammad. » Ce qui
signifiait en substance : «Aujourd’hui, vous venez nous
demander d’être fidèles à l’alliance qui nous unissait à
Muhammad, alors que, lui, il a brisé notre aile
en chassant nos frères des Banou an-Nadr ! Partez ! Il
n’y a entre nous et Muhammad ni engagement ni
alliance. »
Sa’d Ibn ‘Oubadah, le seigneur des Khazraj, se mit alors
en colère mais Sa’d Ibn Mou’ad intervint et demanda à
son Compagnon de maitriser ses nerfs en disant : «
Arrête de les insulter. Ce qu’il y a entre eux et nous
est plus grand que des insultes. » Puis, il s’adressa à
ses alliés dans une dernière tentative et leur conseilla
de faire marche arrière et les avertissant des
conséquences résultant de la violation du pacte.
Il leur dit : « Vous savez ce qu’il y a entre nous, ô
Banou Qouraydah, et j’ai peur pour vous de ce qui est
arrivé auparavant aux Banou an-Nadr ou de plus amer. »
Leur réponse fut sèche : « Tu as mangé les chameaux de
ton père !, » lui signifiant ainsi qu’ils n’avaient que
faire de ses conseils.
- « Autre que ces réponses aurait été plus beau et
meilleur, ô Banou Qouraydah. »
Mais ces derniers persistèrent dans leur décision et
outrepassèrent même les bonnes manières en insultant le
Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Là, Sa’d Ibn Mou’ad
réalisa qu’il était trop tard pour tenter de persuader
ses alliés. La délégation retourna alors confirmer au
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) la trahison des
Juifs.
Quand elle arriva au camp des Musulmans, derrière le
fossé, ses membres saluèrent le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) et l’un d’eux prononça le mot secret
qui confirmait la trahison et sans qu’aucun combattant
ne saisisse le sens et la gravité de ce mot. Ce mot de
passe n’était autre que « Adal et al-Qara, » les deux
tribus de Houzayl qui massacrèrent avec perfidie, à Dzat
ar-Raji’ dans le Hijaz, les Compagnons du
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) alors qu’ils
étaient en route pour leur enseigner les bases de la
religion islamique.
De l’autre côté du fossé, avant la violation du pacte,
les mouvements militaires des Coalisés restèrent faibles
et sans incidence et hormis les reconnaissances à cheval
pour menacer et effrayer les Musulmans; il n’y eut pour
ainsi dire, pas d’action militaire proprement car
apparemment, les Coalisés avaient perdu l’espoir de
traverser cet obstacle minutieusement préparé.
Cependant, à l’instant même où on les informa
officiellement du ralliement des Banou Qouraydah, ils
redoublèrent d’efforts et leur espoir revint car ce
ralliement, selon eux, allait obliger le gros des
troupes musulmanes à abandonner les positions d’où était
assurée la surveillance permanente de la ligne
défensive, et s’occuper des forces juives du fait que
rien ne les protégeait des Banou Qouraydah, si ces
derniers les attaquaient dans le dos.
La position des forces musulmanes, depuis l’arrivée des
Coalisés, était sans nul doute très critique malgré ce
que l’on pourrait dire sur la ligne de défense et sur
les hautes qualités des neuf cents Musulmans rien, ne
fit oublier le danger mortel que représentaient à chaque
instant les dix mille coalisés. La traitrise des Banou
Qouraydah vint compliquer davantage la situation dans le
camp des Musulmans et affaiblir un peu plus leur état et
dans cette situation de crise très délicate et grave,
toute l’entité musulmane était à la merci de la tempête.
Le Noble Qur’an signale cet état de gêne et cette
dégradation extrême et décrit avec précision l’angoisse,
la crainte et la panique dans les rangs musulmans : « Quand
ils vous vinrent d’en haut et d’en bas [de toutes
parts], et que les regards étaient troublés, et les
cœurs remontaient aux gorges, et vous faisiez sur Allah
toutes sortes de suppositions. Les croyants furent alors
éprouvés et secoués d’une dure secousse. » (Qur’an
33/10-11)
Pris entre deux feux ; celui des Coalisés devant et
celui des Juifs derrière, les véritables croyants
gardèrent leur foi et resserrèrent leurs rangs autour du
Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Par contre, les faux
croyants se découvrirent par le développement du danger
et apparurent sous leur véritable visage de menteurs et
de fourbes, qui montrèrent finalement ce qu’ils
cachaient.
Ces scélérats qui existaient dans les rangs de l’armée
musulmane, se montraient musulmans mais en vérité, ils
luttaient contre l’Islam et cultivaient le secret espoir
de voir l’élimination des Musulmans et propageaient des
rumeurs et des mensonges sur les capacités des Musulmans
à tenir tête contre l’ennemi.
Ce groupe d’hypocrites dans l’armée du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) crurent que les jours
des Musulmans étaient comptés surtout après la trahison
des Banou Qouraydah, ce qui les encouragea à tenir des
propos subversifs dans le but bien clair de démoraliser
les Musulmans déjà diminués par la proportion des
Coalisés.
Un de ces hypocrites tint avec ironie ce discours : « Muhammad
nous a promis les trésors de Chosroes et d’Héraclius
alors qu’aujourd’hui personne n’est en sécurité même
pour aller aux toilettes. Allah et son Messager nous ont
fait de fausses promesses. »
Ibn Ishaq rapporta que ces propos furent
prononcés par Mou’attab Ibn Qashir, le frère des Banou
‘Amrou Ibn ‘Awf mais, il n’y a pas l’ombre d’un doute
que ce Mou’attab fut de ceux qui participèrent à la
bataille de Badr et son nom fut rapporté par Ibn Ishaq
lui-même.
Ibn Hisham dans sa Sirah commente l’avis d’Ibn Ishaq
en disant : « J’ai été informé par une personne en qui
je fais confiance et qui est de ceux qui connaissent que
Mou’attab Ibn Qashir ne fut pas un Hypocrite et qu’il
était du groupe de Badr. »
Les hypocrites avancèrent toutefois ces propos. Et le
Noble Qur’an le confirme : « Et
quand les hypocrites et ceux qui ont la maladie [le
doute] au cœur disaient : Allah et Son messager ne nous
ont promis que tromperie. » (Qur’an 33/12)
Et ainsi, après les Coalisés et les Banou Qouraydah,
survint la troisième épreuve des Hypocrites qui mit à
rude épreuve la foi et la valeur de chacun des
Musulmans.
Ces hypocrites surgirent comme une troisième force
ennemie mais cette fois de l’intérieur des rangs
musulmans. Ils propagèrent rumeurs, mensonges et
calomnies dans le but précis de démoraliser et de
propager le désespoir qui accentuèrent les ennuis de
l’armée musulmane.
Non seulement ces hypocrites ne s’arrêtèrent pas là mais
ils se retirèrent du front et incitèrent à la désertion
en ces moments délicats que vivait la jeune communauté
musulmane, pour faciliter d’une manière détournée la
tâche des Coalisés.
Dans cette situation dramatique où la position des
Musulmans atteignit le sommet du péril, un de ces
hypocrites, au nom de ses semblables, demanda au
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) de les laisser
se retirer du camp qui faisait face aux Coalisés en
prétextant que leurs maisons étaient à découvert car
l’intention des hypocrites n’était pas de protéger leurs
habitations mais plutôt de fuir et de provoquer le
doute, la panique ainsi que l’esprit de défaite et de
protestation.
Aws Ibn Qaydi, un des Banou Haritha Ibn al-Harith
dit (et cela devant un groupe d’hommes de sa tribu) : «
O Messager d’Allah, nos maisons sont vulnérables pour
l’ennemi. Permets-nous de nous retirer pour retourner à
nos maisons qui se trouvent en dehors de la ville. »
Le Qur’an démasqua ces hypocrites et mentionne que leur
demande, en ces moments délicats, ne fut pas pour
protéger leurs maisons mais plutôt la fuite et la
dislocation de l’armée et qu’en vérité, leurs maisons
n’étaient pas vulnérables comme ils le prétendaient mais
plutôt parce qu’ils étaient menteurs d’autant plus que
des patrouilles avaient pour mission de veiller sur
toute la ville.
Allah dit : «De
même, un groupe d’entre eux dit : Gens de Yathrib ! Ne
demeurez pas ici. Retournez [chez vous]. Un groupe
d’entre eux demande au Prophète la permission de partir
en disant : Nos demeures sont sans protection, alors
qu’elles ne l’étaient pas : ils ne voulaient que
s’enfuir. » (Qur’an 33/13)
Ainsi la situation des Musulmans se compliqua davantage
après l’apparition sous leur vrai visage de ce groupe
d’hypocrites qui osèrent se moquer des Musulmans et
répandre l’esprit de défaite et de désespoir.
Bien que le fossé paralysa les mouvements des coalisées
en les laissant incapables de mener une offensive de
grande envergure selon les plans de leurs chefs, le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) devint très
inquiet et conscient de la position gênante de son armée
si peu nombreuse et eut peur du danger imminent qui la
guettait et qui faisait violemment pression, après la
trahison des Banou Qouraydah et la détérioration du
moral de ses troupes suite aux menées déstabilisatrices
des hypocrites.
Dans ces conditions extrêmement accablantes, le
commandant de l’armée, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) (S.B sur lui), réfléchit comment il pourrait
diminuer la pression qui pesait sur ses combattants dont
la proportion devint de un contre onze sans compter
l’éventuelle offensives des Banou Qouraydah sur leurs
arrières.
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pensa
d’abord à diviser les Coalisés puis à influencer les
Juifs afin de retarder au moins leur offensive mortelle.
Il contacta alors secrètement les deux chefs des
Ghatafan ‘Ouyaynah Ibn Hisn al-Fizari et al-Harith
Ibn ‘Awf al-Mourri en leur envoyant de nuit un de ses
espions.
En tant qu’homme politique expérimenté et en tant que
chef suprême responsable, le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) connaissait mieux que quiconque la
psychologie des hommes ; il connaissait parfaitement les
buts et les objectifs de tous les chefs qui dirigeaient
cette invasion. Il savait, par exemple, que Ghatafan et
ses chefs, ne participaient à cette guerre ni pour but
politique ou une quelconque croyance mais
essentiellement pour avoir un part du butin de Médine.
Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
n’entra donc pas en contact avec les chefs juifs (comme
Houyay Ibn Akhtab et Kinana Ibn ar-Rabi’) ni avec
les mecquois comme Abou Soufyan Ibn Harb parce
que leur principal but n’était pas les trésors de Médine
mais plutôt un but politique et religieux qui ne pouvait
se réaliser qu’en détruisant la communauté musulmane.
Ainsi, les chefs Ghatafani n’hésitèrent pas à accepter
sa proposition de se rencontrer derrière le fossé et de
discuter d’un compromis et dès leur arrivée, les
pourparlers commencèrent dans la plus grande
clandestinité et personne ne fut informé. L’essentiel
des tractations fut la proposition que les Musulmans
livreraient le tiers d’une récolte annuelle en échange
de la paix.
Les chefs Ghatafani n’acceptèrent pas ce tiers et
voulurent la moitié de la récolte mais le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) refusa catégoriquement
leur ambition. Les pourparlers trainèrent sur ce point,
mais en définitive, les Ghatafani donnèrent leur
consentement.
L’accord proposé rédigé par ‘Uthman Ibn ‘Affan
(radhiyallahou ‘anhou) contenait les principales clauses
suivantes :
1. La paix entre les Musulmans et les Ghatafani se
trouvant dans les rangs des Coalisés,
2. La cessation par Ghatafan de toute action militaire
contre les Musulmans,
3. La levée de leur siège autour de Médine, le retrait
de leurs troupes et leur retour dans leur pays.
4. Le livraison du tiers de la récolte de Médine à
Ghatafan et semble-t-il, pour une seule année.
Cependant pour signer l’accord, le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) posa d’abord la condition du
consentement des seigneurs des Aws et des Khazraj parce
que la récolte était la propriété des Ansar et qu’il
n’était pas possible de verser à quiconque les fruits
d’une récolte sans l’approbation de ses propriétaires,
surtout qu’il s’agissait d’une initiative politique de
la part du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et
non d’une révélation venant d’Allah.
Ainsi et avant la signature de l’accord, il appela Sa’d
Ibn Mou’ad (le seigneur des Aws) et Sa’d Ibn ‘Oubadah
(le seigneur des Khazraj) et leur expliqua ce qui
s’était passé, en présence des chefs de Ghatafan. Puis,
il les consulta à propos de la clause concernant le
versement d’une part de la récolte d’une année en leur
demandant de donner leur avis sur l’accord.
Après avoir écouté le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) et après avoir pris connaissance des
clauses, l’idée de verser à l’ennemi le tiers de la
récolte ne leur plut guère et la jugèrent comme une
énorme concession.
Cependant, en tant que croyants respectueux ne
désobéissant pas à leur Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) même si cela pouvait leur coûter leurs vies, ils
lui dirent qu’ils étaient, au nom de tous les Ansar,
prêts à accepter cet accord si cela était un ordre
d’Allah et sur révélation de Lui. Cependant, si la chose
était susceptible d’être débattu, ils avaient un tout
autre avis et explicitement, cela voulait dire qu’ils
auraient refusé de donner la moindre datte aux Ghatafan.
Ils dirent : « O Messager d’Allah, est-ce une affaire
que tu veux faire ou est-ce qu’Allah t’a ordonné de
faire et que nous ne devons accepter ou bien une chose
que tu veux faire pour nous ? Si c’est une chose du
Ciel, tu n’as qu’à l’exécuter, et si c’est une affaire
dont tu n’as pas reçu l’ordre et que tu désires, nous
t’obéirons, mais si c’est un point de vue personnel, ils
n’auront de nous que l’épée. »
- « Si Allah m’avait ordonné, » répondit le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), « je ne vous aurais pas
consultés. Par Allah, je ne fais cela que parce que j’ai
vu les Arabes vous viser d’un seul arc et qu’ils sont
comme des hiboux vous assaillant de tous les côtés. J’ai
voulu briser leur ardeur. »
- « O Messager d’Allah, » lui dit Sa’d Ibn Mou’ad, alors
qu’il était encore jeune homme n’ayant pas atteint les
quarante ans, « nous étions, nous et ces gens-là (les
Ghatafani) des polythéistes et des idolâtres, nous ne
priions ni Allah ni Le connaissions, et ils
n’ambitionnaient même pas (à cette époque) de manger une
seule de nos dattes, que s’ils étaient invités ou
après-vente, même s’ils n’avaient à manger al-‘Ilhiz[1].
»
Puis, il ajouta exprimant son opposition à l’accord non
encore conclu : « Est-ce après qu’Allah nous a honorés
par l’Islam et nous a mis sur le bon chemin menant vers
Lui et nous a glorifiés par toi et par Lui, nous
retrancherons une partie de nos richesses ? Nous n’avons
aucun besoin à faire cela. Ils ne verront de nous que le
sabre jusqu’à ce qu’Allah décide entre eux ou nous[2].
»
Quand le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) vit
l’opposition des seigneurs Ansar à l’accord écrit qui
n’attendait que la signature et l’apposition des
témoins, il revint sur ce qu’il venait de proposer aux
Ghatafani en disant à Sa’d Ibn Mou’ad (puisque c’était
lui qui avait pris la responsabilité d’intervenir) : «
Cela (l’accord) ne peut se rapprocher de toi. »
Autrement dit, l’accord fut annulé.
A ce moment précis, Sa’d Ibn Mou’ad prit l’accord écrit
mais non signé et le déchira, puis se tourna vers les
seigneurs de Ghatafan ‘Ouyaynah Ibn Hisn et al-Harith
Ibn ‘Awf et leur dit avec un air de défi : « Retournez !
Il n’y aura entre nous et vous que le sabre. » Et les
deux chefs furent raccompagnés hors du camp des
Musulmans et se retirèrent dans le leur.
Par conséquent, les malheurs des Musulmans augmentèrent.
Le refus de l’accord par les seigneurs Ansari compliqua
encore les problèmes militaires qui se posaient déjà aux
Musulmans et l’espoir de voir la pression baisser de
quelques crans s’effrita.
Cependant, ce refus démontra, d’autre part aux chefs des
deux camps, les Coalisés et les Musulmans, qu’il y avait
derrière le Fossé, dans cette petite armée des hommes de
valeur qui égalaient des milliers, que les épreuves
aguerrissaient et dont la foi se renforçait au contact
des dangers, et renforçait leur unité autour du Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Ce refus catégorique exprimé devant le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en présence des chefs de
Ghatafan fut l’une des principales causes qui poussa les
ennemis envahisseurs à réviser leurs plans agressifs,
puisqu’ils temporisèrent peu après pour combattre les
Musulmans.
Il est important de signaler que dès le retour de
‘Ouyaynah Ibn Hisn et al-Harith Ibn ‘Awf
et après ce qu’ils entendirent de Sa’d Ibn Mou’ad, les
Ghatafan n’entreprirent aucune action militaire contre
les Musulmans et restèrent retranchés dans leur
campement jusqu’au moment où le chef suprême Abou
Soufyan donna l’ordre de retrait des troupes et la levée
du siège de Médine.
La tension atteignit
le sommet après la violation du pacte des Banou
Qouraydah et le refus des Ansar de la paix avec Ghatafan
et dans cette situation, les Musulmans durent être plus
vigilants et s’astreignirent alors à d’autres sacrifices
et d’autres efforts titanesques continuels dans le seul
but de défendre leur communauté de croyants.
Le commandement de Médine mit sous surveillance étroite
et permanente les endroits du fossé susceptibles d’être
attaqués par les cavaliers des Coalisés, de peur que
quelques courageux mécréants ne forcent le passage,
grisés par la nouvelle du ralliement des Banou Qouraydah
et le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
se posta lui-même près du point le plus vulnérable où
l’attaque des cavaliers ennemis était prévu. Les
patrouilles de surveillance renforcèrent leur vigilance
tout le long du fossé et une autre force détachée des
réserves fut désignée pour surveiller les Juifs et
s’opposer à eux s’ils attaquaient.
Malgré la somme de tous les problèmes angoissants, une
élite d’hommes courageux, véritablement croyants et de
valeur restèrent avec le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam), résistants et patients devant les
pires épreuves.
La surprise du commandement mecquois devant le fossé fut
vraiment un choc violent pour les Coalisés qui avaient
projeté un corps-à-corps favorable pour leurs troupes,
vu le déséquilibre des effectifs mais l’espoir revint
après que les Banou Qouraydah les informèrent
officiellement de leur ralliement.
Les Coalisés accentuèrent alors la pression sur les
lignes musulmanes et multiplièrent leurs tentatives
d’assaut ainsi que les provocations tout le long du
fossé dans le but d’entrainer les Musulmans dans un
accrochage.
Les commandants mecquois (Abou Soufyan Ibn Harb,
Khalid Ibn al-Walid, ‘Amrou Ibn al-‘As, Dirar Ibn
al-Khattab al-Fihri, ‘Ikrimah Ibn Abou Jahl et Habira
Ibn Abou Habira) décidèrent que leurs membres mènent à
tour de rôle des opérations d’harcèlement et
appliquèrent ce plan sans perdre un seul instant ;
chaque chef conduisait sa force un jour et une nuit sans
relâcher l’harcèlement sur la ligne de défense médinoise[3].
Cependant, ces opérations organisées ne dépassèrent pas
les allers-retours avec les chevaux ainsi que les jets
de flèches et de pierres qui n’eurent aucun effet
décisif sur la suite de la bataille.
L’énigme militaire, lors des opérations des Coalisés est
qu’aucun historien n’a écrit sur l’attitude des
Ghatafan, la colonne vertébrale de cette campagne, qui
ne menèrent la moindre action militaire contre les
Musulmans, ni ne participèrent aux opérations
d’harcèlement.
A quoi cela fut-il dû ? Et quel fut le secret de cette
énigme ? Peut-être qu’on pourra, dans nos commentaires,
à la fin du livre, trouver une solution à cette étrange
énigme.
Les tirs à l’arc et le va-et-vient des cavaliers dura
ainsi pendant une courte durée jusqu’au moment où un
groupe de cavaliers des Coalisés tentèrent l’aventure en
forçant un passage du fossé et purent ainsi
partiellement engager la bataille dans le camp des
Musulmans. ‘Amrou Ibn ‘Abd Widd al-‘Amiri, ‘Ikrimah Ibn
Abou Jahl, Dirar Ibn al-Khattab, Habira Ibn Abou Wahb,
Nawfal Ibn ‘AbdAllah réussirent à passer le fossé mais
furent immédiatement interceptés par les Musulmans. Ces
derniers leur coupèrent d’abord toute retraite puis les
attaquèrent et éliminèrent quelques éléments obligeant
les autres à s’enfuir.
Ibn Ishaq a rapporté : « Il n’y eut pas de combat
(entre les deux camps). Cependant, quelques cavaliers de
Qouraysh (dont ‘Amrou Ibn ‘Abd-Widd, le frère de ‘Amir
Ibn Lou'ay, ‘Ikrimah Ibn Abou Jahl, Habira Ibn Abou
Wahb, tous deux des Makhzoumi, le poète Dhirar Ibn
al-Khattab, et Ibn Mirdas, le frère des Banou Mouharib
Ibn Fahr) se préparèrent à aller au combat. Quand ils
passèrent près du camp des Banou Kinana, ils dirent à
ces derniers : « O Banou Kinana, préparez-vous au
combat. Vous allez voir qui sont les vrais cavaliers. »
Puis ils s’élancèrent vers le fossé et quand ils le
virent, ils dirent : « Par Allah, c’est un piège que les
Arabes ne connaissaient pas ! »
Puis ils sautèrent avec leurs chevaux au-dessus d’un
endroit étroit du fossé et s’infiltrèrent entre le fossé
et la montagne. Sil’, ‘Ali Ibn Abou Talib et un groupe
de ses Compagnons sortirent (à leur rencontre) et leurs
coupèrent la retraite à l’endroit même ou ils avaient
pénétrés. »
‘Amrou Ibn ‘Abd-Widd, le premier des cavaliers à avoir
sauté le fossé, se mesura à ‘Ali Ibn Abou Talib dans un
duel et l’issue de ce duel tourna à l’avantage de ce
dernier.
Ibn Ishaq a dit : « ‘Amrou Ibn ‘Abd Widd
combattit à Badr jusqu’à ce qu’il fut blessé mais ne
participa pas à Ouhoud (car il était encore
blessé). A al-Khandaq, il sortit avec ses cavaliers et
lança un duel à un Musulman. Alors, Ali Ibn Abou Talib
s’avança vers lui et lui avait dit avant le duel : « O
‘Amr, tu as dit (plusieurs fois) que si quelqu’un
t’appelait à l’une des trois (choses),
l’accepterais-tu. »
- « Certes, » confirma ‘Amrou.
- « Je t’invite donc à attester qu’il n’y a point
d’autre divinité excepté Allah, que Muhammad est
le Messager d’Allah et que tu te soumettes au Maitre de
tout le monde. »
- « O fils de mon frère, éloigne cela de moi. »
- « Une autre, alors. Tu retournes dans ton pays, et si
Muhammad, le Messager d’Allah aura raison, tu
seras le plus heureux des gens, et s’il se révélera un
menteur, tu auras ce que tu voulais. »
- « Je ne donnerai jamais l’occasion aux femmes de
Qouraysh de parler de cela. Qu’est-ce qui reste alors,
as-tu fini tes propositions, quelle est la troisième
chose ? »
- « Le duel, » lui dit ‘Ali
(radhiyallahou ‘anhou).
‘Amrou Ibn ‘Abd-Widd sourit alors et il était un
cavalier très connu expérimenté par les combats[4]
puis dit à ‘Ali : « Je ne pensais pas qu’un Arabe
m’effrayerait ainsi. Pourquoi, ô fils de mon frère, »
poursuivit-il, « par Allah, je n’aimerai pas te tuer. »
- « Mais, par Allah, j’aimerai bien te tuer, » lui
répondu ‘Ali.
‘Amrou se mis alors dans une colère indescriptible et
comme ‘Ali était à pied et ‘Amrou à cheval, ce dernier
mis pied à terre[5],
attacha son cheval dont il caressa la face puis s’avança
vers ‘Ali et se mesurèrent dans un duel où ‘Ali sortit
vainqueur[6].
»
Quant à al-Hafiz al-Bayhaqi, il rapporta dans son
Dala'il
an-Noubouwa, que ‘Amrou dit à ‘Ali : « Qui es-tu ? »
- « Je suis ‘Ali, » lui répondit-il.
- « Ibn ‘Abd al-Manaf ? »
- « Je suis ‘Ali Ibn Abou Talib. »
- « O, fils de mon frère, lui lanca-t-il alors avec
moquerie, il y a, parmi tes oncles, plus grand que toi.
Je n’aimerai pas répandre ton sang. »
- « Mais moi, par Allah, j’aimerai faire couler ton
sang, » répondit ‘Ali aussi avec moquerie.
Sur cela, ‘Amrou se mis alors en colère, mis pied à
terre et tira son sabre; un sabre qui ressemblait à une
flamme tirée d’un feu puis, s’avança provocant. ‘Ali
para l’attaque de ‘Amrou avec son bouclier mais fut
blessé à la tête. Cependant, il riposta (efficacement)
et le frappa à la veine près de l’épaule. » Le Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lança le Takbir
et les gens surent alors que ‘Ali avait tué ‘Amr. »
Immédiatement après l’élimination chef du groupe de
cavaliers qourayshi, les autres rebroussèrent chemin à
toute allure. Ils furent poursuivis par quelques
cavaliers musulman et az-Zoubayr Ibn al-‘Awwam réussit à
rattraper Nawfal Ibn ‘AbdAllah et le tuer ainsi que
Habira Ibn Abou Wahb mais il arriva toutefois à
s’échapper.
Les troupes polythéistes demandèrent alors le corps de
‘Amrou moyennant une somme mais le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) refusa de prendre cet argent et leur
dit : « Il est à vous. Nous ne mangeons pas le prix des
morts. »
Dans le témoignage de l’Imam Ahmad tout comme
dans al-Bidayah wa
an- Nihayah, il est rapporté que le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit : « Donnez-leur son
corps car c’est un vilain corps donc la Diya est
infecte. » Qouraysh reprit alors le corps de son
cavalier.
Cette tentative dont le résultat fut lourds de
conséquence donna la preuve au commandement qourayshi
que les Musulmans veillaient ferme et que leur force
morale n’avait pas été altérée par les harcèlements
répétés et les pressions renouvelées.
Qouraysh tira donc les enseignements qui s’imposaient et
les tentatives des cavaliers de traverser le fossé
furent stoppées cependant, d’un autre côté, le siège fut
resserré, les opérations d’harcèlement reprirent plus
activement dans le but de faire infléchir la volonté des
Musulmans ou de les entrainer, par réaction
d’impatience, dans un corps-à-corps.
En plus de ces peines et tensions, les Musulmans furent
confrontés à une autre source de problèmes. Ils étaient
pauvres, démunis et vivaient dans des conditions très
difficiles du fait de l’année de sécheresse et de
disette en plus qu’ils étaient presque nus alors qu’ils
faisaient face à un danger mortel.
Al-Boukhari écrit en se basant sur le témoignage d’Anas
: « Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
sortit pour le Fossé. Les Mouhajirine et les Ansar
creusaient alors qu’il faisait froid et qu’ils n’avaient
pas d’esclaves. Voyant ces Compagnons travaillant dans
de telles conditions, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) dit alors : « Allah ! Il n’y a de véritable
vie que celle de l’au-delà. Accorde donc Ton pardon aux
Ansar et aux Mouhajirine ! »
Défiant le siège, le froid, la faim et la trahison des
Juifs, les Musulmans purent intercepter une caravane de
vingt chameaux qui transportaient des dattes, de l’orge
et de la paille que les Banou Qouraydah envoyèrent en
soutien aux Qouraysh. Quand Abou Soufyan fut informé du
détournement de la caravane, il dit : « Ce Houyay
Ibn ‘Akhtab est vraiment de mauvais augure. Nous ne
trouverons pas de transporter quand nous retournerons[7].
»
Dans les dernières nuits de la bataille du Fossé, les
Musulmans furent contraints de veiller toutes les nuits
jusqu’au matin car les cavaliers associateurs
multiplièrent leurs activités le long de la ligne de
défense. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
s’obligea lui-même à monter la garde près du point le
plus névralgique.
‘Ayshah, la Mère des Croyants, (radhiyallahou ‘anha) a
dit que le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) se postait la nuit près d’une brèche dans le but
d’empêcher l’ennemi d’y faire une percée : « C’est de là
que je crains le plus qu’une mauvaise surprise tombe sur
les Musulmans. » Et, chaque fois que le froid glacial le
piquait, il venait dans sa tente pour se réchauffer un
peu puis retournait aussitôt à son poste surveiller la
brèche.
Par une nuit glaciale, alors qu’il était dans sa tente
près de la brèche (en train de se réchauffer) obnubilé
par cette dernière, il dit (selon ‘Ayshah) : « Ah, si un
homme de bien surveillait cette brèche cette nuit ! »
Puis juste après, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) entendit dans cette sombre obscurité un bruit
d’armes. Il demanda alors : « Qui est-ce ? »
- « Sa’d, ô Messager d’Allah, » lui répondit Sa’d Ibn
Abou Waqqas, « Je suis venu surveiller près de toi. » Le
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lui
demanda alors de le remplacer à son poste en lui disant
: « Cette brèche, surveille-la donc ! »
Sa’d obéit alors à l’ordre de son Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) et s’y rendit avec ceux qui étaient
avec lui et montèrent la garde à ce poste.
Après s’être assuré qu’il avait confié à un homme en qui
il avait confiance la tache de surveiller ce point
dangereux et sensible, il s’endormit (fatigué d‘avoir
trop veillé) d’un sommeil paisible une partie de la
nuit. (D’après le témoignage de ‘Ayshah (radhiyallahou
‘anha)).
Lorsqu’il se reposa un peu, il pria deux Rak’a, sortit
de sa tente et se rendit au fossé afin de participer
avec la patrouille qui surveillait l’ennemi qui ne
s’était pas arrêté de longer le fossé durant toute la
nuit.
Et, pendant qu’il patrouillait (dans le dernier tiers de
la nuit), il entendit soudain un mouvement de cavaliers
polythéistes près du fossé et attira
vite ses Compagnons vers l’endroit en disant : «
Ils sont là, les chevaux des mécréants. » Puis, il
appela le chef de sa garde particulière et lui ordonna
de surveiller avec sa garde les mouvements de l’ennemi
en disant :
- « O Abbad Ibn Bishr. »
- « A tes ordres (ô Messager d’Allah),’ répondit Abbad.
- « Y a-t-il quelqu’un avec toi » demanda le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ?
- « Oui, » dit Abbad, je suis avec un groupe autour de
ta tente, ô Messager d’Allah. »
Il lui donna alors l’ordre de longer le fossé, et
l’informa que les chevaux des ennemis le longeaient et
Abbad et ses hommes suivirent en parallèle les
mouvements des cavaliers des Coalisés.
Et, si les simples cavaliers échouèrent dans leurs
tentatives de traverser le fossé, leurs chefs aussi.
Khalid Ibn al-Walid essaya de forcer un passage avec un
groupe de cavaliers et de surprendre les Musulmans mais
les Musulmans ne lui cédèrent pas le passage et
l’empêchèrent de réaliser son plan car ils connaissaient
mieux que les polythéistes les endroits étroits du
fossé. Ainsi Khalid Ibn al-Walid trouva devant lui une
grande patrouille de 200 hommes armée et dirigée par
Oussayd Ibn Houzayr al-Ansari mais un accrochage
eut toutefois lieu ou Toufayl Ibn an-Nou’man tomba en
martyr, tué par Wahshi al-Habashi qui tua
Hamza à Ouhoud.
Abou Soufyan Ibn Harb, le chef des troupes
coalisées participa lui aussi à ces tentatives
infructueuses, à l’instar de Khalid Ibn al-Walid ainsi
qu‘Ikrimah Ibn Abou Jahl et ‘Amr Ibn al-‘As. Ils
longèrent, sans résultat, le fossé à la recherche d’une
faille tout en provoquant les Musulmans aux endroits
étroits.
[1]
Al-‘Ilhiz, repas préparé par les Arabes pendant
les périodes de disette.
[2]
Sirah Ibn Hisham,
t II, p:233 et as-Sirah al-Halabiya, t II, p: 103 et les suivantes.
[3]
Ibn Sa‘d dans son
Tabaqat
al-Koubra a rapporté : « ‘Abbad Ibn Bishr
était détaché à la garde de la tente du Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) avec
d’autres Ansar pendant que les associateurs se
remplaçaient (pour harceler sans relâche). Abou
Soufyan restait un jour, depuis le matin, puis
Khalid Ibn al-Walid venait le remplacer de bon
matin, puis ‘Amrou Ibn al ‘As, puis Habira Ibn
Abou Wahb, puis Dirar Ibn al-Khattab al-Fihri.
(Chacun prenait son tour). Ils longeaient (le
fossé) avec leurs chevaux, tantôt se
dispersaient et tantôt se regroupaient,
harcelaient les Compagnons du Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et donnaient
l’ordre à leurs archers de tirer. »
[4]
Dans le texte, « il avait dépassé les
quatre-vingts ans. »
[5]
C’était un code arabe scrupuleusement respecté
pour plus d’équité dans le duel.
[6]
Sirah Ibn Hisham,
p. 223 et suivantes,
al-Bidayah wa an-Nihayah, t IV, p. 102 et suivantes,
as-Sirah
al-Halabiya, t II, p. 104 et
suivantes.
[7]
As-Sirah al-Halabiya, t. II, p:107. |