La dernière tentative 

Il sembla que le commandement des Coalisés se lassa de voir ses troupes paralysées durant vingt jours, désappointé, ne sachant quoi faire devant cette remarquable ruse de guerre qui rendait imperméable toute entrée à Médine. Cette paralysie quasi-totale et cette inactivité pouvaient pousser les guerriers à se plaindre surtout qu’ils étaient loin de leurs familles et de leurs pays et par conséquent, il décida, malgré l’échec de toutes les tentatives précédentes, de mener une dernière tentative dans l’espoir d’amener les Musulmans à engager définitivement la bataille déterminante.

Cette fois, la tentative allait être plus grande que toutes les tentatives précédentes et elle fut évidemment préparée en commun par les chefs des Coalisés. Ces derniers, en tant que chefs responsables de troupes, avaient considéré à juste titre les dangers de l’inactivité de leurs nombreux guerriers qui végétaient dans les campements, éloignés depuis des jours loin de leurs familles et de leurs pays, tout en sachant que le guerrier bédouin, pilier des armées des coalisés, n’était habitué qu’à la guerre éclair qui ne dépassait pas un jour dans la plupart des cas.
Tous les chefs des détachements qourayshi vinrent aux abords du fossé avec tous les cavaliers qu’ils avaient sous leurs ordres ainsi que l’infanterie qui se tenaient derrière eux, et commencèrent à aller et venir dans des mouvements de provocation le long du fossé, en essayant de trouver une faille aux points les plus étroits qu’ils s’imaginaient prendre et dominer des deux côtés du fossé, s’ils arrivaient à sauter avec les chevaux pour ouvrir un couloir de passage pour leurs troupes.
De cette façon, ils pensaient que leurs cavaliers domineraient des zones stratégiques le long du fossé et tiendraient tête aux Musulmans le temps que les troupes combleraient des passages préalablement définis dans les plans d’attaque afin de déclencher enfin la grand offensive définitive contre toute la jeune communauté musulmane.
 
Les chefs des Coalisés étaient persuadés que la victoire allait être de leur côté (surtout après le ralliement dans leur camp des Banou Qouraydah) et cela se traduisit par une tension supplémentaire sur toutes les positions des Musulmans qui se trouvaient de l’autre côté du fossé.
Abou Soufyan, le chef suprême des armées coalisés, ne se contentait pas seulement d’envoyer les détachements de cavalerie pour harceler les combattants musulmans, mais il supervisait lui-même les opérations et dirigeait les cavaliers qui étaient la principale arme de pression et d’harcèlement.
 
Si ces opérations d’harcèlement constant furent considérées par les Coalisés comme leurs dernières chances, elles furent senties du côté des Musulmans comme une nouvelle pression qu’ils subissaient depuis le début du siège. Ces nouvelles mesures d’agression de la part des Coalisés les exténuaient encore plus et les obligeaient à puiser dans leurs dernières ressources physiques et morales alors qu’ils vivaient la misère, supportaient la faim aigüe, le froid glacial et redoutaient surtout l’offensive des Banou Qouraydah.
 
La tension, et l’angoisse devinrent telles que même les Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), cette élite courageuse et entreprenante, furent atteints. Ils furent donc tellement touchés et dirent au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ce qu’ils enduraient :
-« O Messager d’Allah, les cœurs ont atteint les gorges. Y a- t-il quelque chose que nous pouvons dire ? »
- « Oui, » leur répondit-il, dites : « Allah ! Protège nos points faibles et cache (ou ne découvre pas) nos peurs[1]. »
 
Et, dans ce moment très difficile à supporter, l’archange Jibril descendit sur le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et lui donna la bonne nouvelle de la très proche défaite des Coalisés. Allah allait faire descendre sur eux un vent et des combattants de chez Lui. Sur cela, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) alla trouver ses Compagnons pour les rassurer et les informer de la bonne nouvelle.
 
Dans le Sahih al-Boukhari, il est rapporté que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) demanda à Allah : « O, mon Allah, Toi qui descendit le Livre, qui fait passer les nuages, mets en déroute les Coalisés. O mon Allah, mets-les en déroute, donne-nous la victoire et ébranle-les. » Puis il dit à ses combattants : « O gens, ne cherchez pas à rencontrer l’ennemi et demandez la délivrance à Allah. Mais si l’ennemi vient chez vous, résistez et sachez que le Paradis est sous l’ombre de: sabres. »

Lors de ses prières pendant le siège d’al-Khandaq, il dit aussi : « O Celui qui écoute les cris des tourmentés, ô Celui qui répond aux appels des nécessiteux, dissipe mon anxiété, ma défaillance et ma tourmente. Tu vois ce qui arrive à moi et à mes amis. »

 

L’attaque des Juifs contre les femmes et les enfants

 

Preuve que les Musulmans étaient extrêmement tourmentés par les tentatives répétées des Coalisés et par la pression que ces derniers faisaient augmenter chaque fois. Les chefs des Coalisés, qui connaissait la précarité de la situation des combattants musulmans suite à leurs dernières mesures, donnèrent le signal aux Banou Qouraydah d’occuper les Musulmans et de détourner leur intention er attaquant les fort où le commandement musulman avait abrité les femmes et les enfants et à se tenir prêts pour la grande offensive sur les positions musulmanes qui se trouvaient derrière le fossé.

 

Et effectivement, les Juifs exécutèrent ce qui leur fut demandé et s’attaquèrent aux forts qui abritaient les femmes et les enfants gênant ainsi considérablement les combattants musulmans dans leur surveillance constante sachant leurs parents menacés et c’est durant ces heures terrifiantes des nuits d’al-Khandaq, les Juifs des Banou Qouraydah s’attaquèrent lâchement aux femmes et aux enfants et essayèrent même de prendre les forts mais sans résultat.

 

Le commandement musulman avait, dès le début, demandé aux femmes de bouger des sabres sur les sommets des forts si elles voyaient un danger. C’était le signal convenu pour permettre aux combattants de venir au secours de leurs familles car il y avait peu d’hommes au regard de la longueur du fossé à surveiller et aux nombreuses troupes prêtes à envahir Médine. De plus, les forts ne se trouvaient pas trop éloignés des positions de l’armée musulmane et s’il n’y avait pas de garde permanente détachée aux forts, c’était à cause des patrouilles qui circulaient jour et nuit dans Médine.

 

At-Tabarani a rapporté le témoignage de Rafi’ Ibn Khadij qui a dit : « Il n’y avait pas de fort plus fortifié que celui des Banou Haritha. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) y mis les femmes et les enfants et leur dit : « Si quelqu’un vient, faites signe avec un sabre. »

 

Un Qouraydi des Banou Tha’labah Ibn Sa’d surnommé Najdan des Banou Jahhach arriva à cheval et quand il s’approcha du fort, il demanda aux femmes : « Descendez et sortez, c’est mieux pour vous ! » Les femmes levèrent un sabre que virent les Compagnons du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Un groupe de Musulmans se précipita à l’endroit et l’un d’entre eux Difr Ibn Rafi’ des Banou Haritha lui lanca un duel en disant : « Najdan, viens donc te mesurer à moi ! » Puis il le tua et lui trancha la tête qu’il ramena au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

Les Juifs ne se contentèrent pas d’attaquer les femmes des Compagnons mais ils s’attaquèrent aussi aux femmes du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et aux autres femmes qui étaient avec elles dans le même fort.

 

Al-Bazar rapporte le récit suivant en s’appuyant sur le témoignage d’az-Zoubayr Ibn al-‘Awam : « En sortant pour al-Khandaq, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) laissa ses femmes et sa tante Safiyah dans un fort appelé Fari’ en compagnie de Hassan Ibn Thabit. »

 

Ibn Ishaq rapporta aussi selon ‘Abbad Ibn ‘AbdAllah Ibn az-Zoubayr, de son père qu’Ibn az-Zoubayr a dit : « Safiyah, la fille de ‘Abd al-Mouttalib était à Fari’, le fort de Hassan Ibn Thabit qui, lui aussi, était avec les femmes et les enfants, raconta : « Quand un des Juifs passa et commença à tourner autour du fort après que les Banou Qouraydah déclarèrent la guerre et déchirèrent ce qu’il y avait entre eux et le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Personne n’était avec nous pour nous défendre tandis que le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et les Musulmans étaient face à l’ennemi, incapables de nous venir en aide si quelqu’un venait à se rapprocher. » Puis elle dit :

- « O Hassan, ce Juif comme tu vois rôde près du fort. Par Allah, j’ai peur qu’il ne découvre quelque point faible et aille le montrer aux autres Juifs et comme tu vois, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons sont occupés par autre chose. Descends et tue-le ! » Il dit :

- « Qu’Allah te pardonne, ô fille de ‘Abd al-Mouttalib ! Par Allah, je suis connu que je ne peux faire cela ! »

Safiyah (radhiyallahou ‘anha) poursuivit : « Quand il me dit cela et que j’ai vu qu’il n’allait rien faire, je pris un épieu, suis sortie du fort et l’ai tué avec. Puis je revins et j’ai dit : « Hassan, va et dépouille-le. Je n’ai pu le faire parce qu’il est un homme. » Il me répondit : « Quel besoin ai-je à le dépouiller, ô fille de ‘Abd al-Mouttalib. » »

 

Mais dans le récit d’al-Bazzar rapporté par l’auteur de Wafa' al-Wafa' tome I. p.302, ce Juif réussit à escalader le fort et surplomba les femmes du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) mais il fut tué par Safiyah. Après l’avoir tué, Safiyah (radhiyallahou ‘anha) lui trancha la tête et la jeta aux Juifs qui étaient autour du fort. Ces derniers terrifiés se retirèrent croyant qu’il y avait des gardes musulmans et en se disant tout en fuyant : « Nous étions persuadé qu’il (le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) n’avait laissé personne avec sa famille.»

 

Cette vile attaque des Juifs sur les faibles femmes et enfants angoissa les Musulmans et obligea le camp musulman à redoubler de vigilance en détachant d’autres groupes pour surveiller leurs familles.

 

L’étau se resserre

 

Quant aux polythéistes, ils remarquèrent cette baisse sensible d’effectif chez les Musulmans et voulurent par conséquent profiter de la situation. Ils resserrèrent davantage l’étau de toutes parts et harcelèrent les Musulmans jusqu’à l’épuisement si bien que ces derniers ne purent ni se reposer ou même accomplir leurs prières en les obligeant à se poster jour et nuit aux abords du fossé, les armes toujours à la main.

 

Extrêmement fatigués, constamment harcelés, toujours en alerte, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses valeureux Compagnons ne purent accomplir la prière. Al-Maqrizi rapporta dans son livre Inta al-Asma’ l’état de tourmente insupportable de ces nuits terrifiantes et déterminantes pour le camp des Musulmans. Il dit entre autre : «...Ils (le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons combattirent ce jour-là jusqu’à une partie de la nuit sans qu’aucun des Musulmans ne put quitter son poste et sans que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) n’eut la possibilité d’accomplir les prières du Zouhr, de ‘Asr, du Maghrib et de ‘Isha'. Ses Compagnons contraints dirent : « O Messager d’Allah, nous n’avons pas accompli de prière ! » Et lui de leur répondre : « Et moi non plus, par Allah, je n’ai pas fait de prière ! » Les prières ne furent effectuées qu’après qu’Allah eut défait les polythéistes et que chacun des deux camps revint chez lui. »

 

Ibn Kathir écrit aussi dans al-Bidayah wa an-Nihayah d’après Moussa Ibn ‘Ouqbah : « Les polythéistes encerclèrent les Musulmans si bien que ces derniers épousèrent la longueur du fossé et les assiégèrent ainsi de tous les côtés durant environ vingt nuits. »

Puis, Ibn Kathir continue en parlant de la tentative infructueuse des cavaliers associateurs d’atteindre le poste du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) : « Ils se dirigèrent vers le campement du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ; une compagnie impressionnante qui fut combattue toute la journée, du matin jusqu’à la nuit !

« Quand le temps de la prière de ‘Asr arriva, la compagnie se rapprocha et le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne put, ni d’ailleurs aucun de ses Compagnons qui étaient avec lui, faire la prière comme il le voulait. La compagnie ne décrocha qu’avec la nuit. Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit alors : « Ils nous ont détournés de la prière de ‘Asr. Qu’Allah remplisse leurs ventres, leurs cœurs et leurs tombes de feu. »

 

Dans al-Boukhari, il rapporté : « ‘Umar Ibn al-Khattab pendant le Fossé insulta les mécréants de Qouraysh après le coucher du soleil puis dit au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) : « O Messager d’Allah, je n’ai pu prier qu’au moment où le soleil se coucha. »

- « Par Allah, je ne l’ai pas encore priée, » répondit le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). » Puis nous sommes descendus, dit ‘Umar, avec le Messager d’Allah (S.B sur lui) dans un terrain creux. Il fit ses ablutions pour la prière et nous de même, puis il accomplit la prière de ‘Asr après le coucher du soleil, et ensuite celle du Maghrib. »

 

Dans le Mousnad de l’Imam Ahmad, il rapporté qu’Ibn ‘Abbas a dit : « Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) combattit l’ennemi et ne se reposa pas jusqu’au moment où il remarqua qu’il avait retardé la prière de ‘Asr. Quand il s’en rendit compte, il dit : « O mon Allah, remplis de feu les maisons et les cœurs de ceux qui nous ont empêchés de faire la prière du Milieu ! »

 

Toujours, dans le Mousnad de l’Imam Ahmad et d’après Ibn Mas’oud : « Les polythéistes durant le Fossé détournèrent le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) de quatre prières. Il demanda alors à Bilal de lancer l’appel. Ce dernier lanca l’appel puis le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) a accompli les prières de Zouhr, ‘Asr, Maghrib et ‘Isha'. »

 

Après un siège des plus éprouvants de vingt-deux nuits sans interruption et tous les facteurs unis contre cette petite armée, les combattants étaient au bord de la chute au milieu d’une mer de coalisées. Tout présageait l’anéantissement total des Musulmans ou leur capitulation définitive et sans rémission.

L’angoisse, la tourmente, le froid glacial, la misère, la faim, le manque de vêtements et de sommeil, la désertion des hypocrites, leur propagande et rumeurs venimeuse secouèrent terriblement les combattants musulmans,

 

Les dernières nuits décisives du Fossé furent vraiment un test éprouvant ou Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, mis encore une fois à rude épreuve la Nation de Muhammad pour reconnaitre (et Il est le Plus Savant) le loyal du menteur et séparer le bon grain de l’ivraie et ne résistèrent avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pendant ces sombres nuits que ceux qui avaient une foi solide et une confiance inébranlable.

Certains historiens ont rapporté que seul trois cents combattants restèrent sur le front avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et que pouvait faire trois cents hommes manquant de tout sauf de la foi devant onze mille guerriers qui ne manquaient de rien sur le plan matériel ?

 

Voici le témoignage d’un des fidèles Compagnons du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) rapporté par al-Hakam et al-Bayhaqi de ‘Ikrimah Ibn ‘Amar de Houdayfah Ibn al-Yaman qui raconta ce qu’ils firent avec le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ceux qui étaient avec lui (avec Houdayfah) jurèrent par Allah que s’ils étaient présents, ils auraient fait ceci et fait cela.

« Tu nous aurais vu la nuit des Coalisés, » leur dit-il, « en rangée et assit pendant qu’Abou Soufyan et ses hommes étaient en amont de nous et que les Juifs de Qouraydah étaient en aval, qui menaçaient nos enfants.

Et ne tomba sur nous que cette nuit-là, une nuit aussi sombre accompagnée d’un vent très violent qui tonnait. L’obscurité était telle qu’aucun de nous ne voyait son doigt, les hypocrites demandèrent la permission de se retirer en prétextant que leurs maisons étaient exposées alors qu’elles ne l’étaient pas.

Il (le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) permit à quiconque d’entre eux qui le demanda de se retirer et ils se dérobèrent tous au point où nous ne restâmes que trois cents ou dans les trois cents. »

 

Dans Ibn Ishaq, Muhammad Ibn Ka’b al-Qardi a dit : « Un homme des gens de Koufa demanda à Houdayfah Ibn al-Yaman : « O, Aba ‘AbdAllah, as-tu vu le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et l’as-tu accompagné ? »

- « Oui, ô fils de mon frère, » lui répondit-il.

- « Comment faisiez-vous alors avec lui ? » lui demanda-t-il encore.

- « Nous nous efforcions..., » dit Houdayfah.

- « Par Allah, si nous étions avec lui, nous ne l’aurions pas laissé marcher sur la terre, nous l’aurions pris sur nos épaules. »

- « O, fils de mon frère, si tu étais là lors du Fossé avec le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui pria tard dans la nuit et qui après s’était retourné vers nous en disant : « Qui va voir ce qu’a fait l’ennemi et revenir ? Je prie Allah qu’il (cet homme) sera mon Compagnon dans le Paradis. »

Aucun d’entre nous ne se leva, en cet instant-là, à cause de l’intense peur, de la faim aigue et du froid très piquant. En constatant que personne ne se levait, il m’a alors appelé alors que je ne pouvais me lever. Puis, il me dit : « O Houdayfah, va et faufile-toi dans le camp ennemi. Observe et ne prends aucune initiative jusqu’à ton retour. »

 

Nou’aym Ibn Mas’oud al-Ghatafani (radhiyallahou ‘anhou)

 

Ainsi, alors que les Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) se plaignaient après vingt longues nuits pleines de menaces mortelles qui planaient sur le destin de la nouvelle communauté, voilà qu’un homme, un homme unique, surgit brusquement dans l’histoire de l’Islam, un homme à qui Allah indiqua la voie de l’Islam et dont les dons furent mis au service du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et de sa noble mission.

Par son intelligence et sa ruse, cet homme allait, par une manœuvre politique bien menée, changer le cours des évènements, renverser les rapports de force au profit de cette minorité croyante et patiente au milieu de la tempête, et provoquer par conséquent le miracle tant attendu. Allah mit donc les Coalisés en déroute et décida de la victoire au profit des Musulmans.

 

Cet homme rusé fit aux commandants des Coalisés et leurs troupes ce que ne put faire toutes les armées réunies. Son initiative fut l’un des plus importants facteurs ayant concouru à la division et à la dispersion des Coalisés. Par son action, son flair et sa ruse politique, alors que sa conversion fraiche ne dépassait pas les vingt-quatre heures, il réussit à répandre le doute et la division entre les différentes fractions des Coalisés et les Banou Qouraydah. Il réussit à semer, avec un art consommé, la suspicion entre leurs chefs et à les dresser les uns contre les autres jusqu’à la dissipation de la confiance qui régnait entre eux et la désintégration de leur unité.

Le doute et la suspicion que sema cet homme donnèrent rapidement leur résultat et Qouraysh et Ghatafan levèrent le siège et laissèrent les Banou Qouraydah à leur triste sort.

 

Cet homme est Nou’aym Ibn Mas’oud al-Ghatafani dont les hommes représentaient le plus grand nombre des Coalisés venu dans le but d’occuper Médine et d’exterminer les Musulmans. Nou’aym Ibn Mas’oud était une personnalité connue dans les sphères arabe et juive et l’un des grands conseillers des Coalisés mais pour des raisons qu’Allah Exalté Seul connait, son cœur s’ouvrit à l’Islam alors qu’il était dans le camp des Coalisés. Et sans révéler son secret, il s’esquiva et rejoignit sous le couvert de l’obscurité de la nuit, le camp du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et s’entretint avec lui. Il l’informa (en secret) de sa conversion et se mit à son service ; il lui dit qu’il était prêt à accomplir n’importe quelle mission ordonnée par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

- « O Messager d’Allah, » dit Nou’aym Ibn Mas’oud, « je suis devenu musulman et mon peuple ne sait pas encore. Ordonne-moi d’exécuter ce que tu veux. »

- « Tu es un seul homme, » lui dit alors le Messager d’Allah, « détaches-les donc de nous si tu peux car la guerre est ruse[2]. »

 

Dès que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lui eut donné carte blanche, il se rendit immédiatement chez les Banou Qouraydah et Nou’aym Ibn Mas’oud était une personnalité connue et habituée de ces derniers car il était leur Compagnon de plaisir. C’était lui qui parla dans une des tavernes juives de Médine de la caravane mecquoise qui pris la route de l’Irak pour aller en Syrie, alors qu’un des Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) était présent (avant l’interdiction du vin). Cette information précieuse permit au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) de donner l’ordre à Zayd Ibn Haritha d’intercepter la caravane à son retour de Syrie.  

Quand Nou’aym Ibn Mas’oud arriva chez les Banou Qouraydah, il leur demanda s’ils le connaissaient bien et reconnaissaient son amitié envers eux ce qu’ils ne nièrent pas et consolidèrent même par des signes approbateurs.

Il leur dit comme s’il était un membre de leur communauté : « Qouraysh et Ghatafan ne sont pas comme vous. Ce pays est votre pays. Vous y avez vos biens, vos enfants et vos femmes. Vous ne pouvez pas le quitter et partir pour un autre tandis que Qouraysh et Ghatafan sont venues pour faire la guerre à Muhammad et ses Compagnons et vous leur avez prêté main-forte, alors que leurs pays, leurs femmes et leurs biens sont au loin. Les tribus ne sont pas comme vous. Si une occasion se présente, elles ne la rateront pas mais dans le cas contraire, elles regagneront leurs pays et vous laisseront seuls avec cet homme dans votre pays. »

Il continua ainsi à distiller la peur et le doute pour conclure : « Vous ne pouvez rien contre lui (le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) si son champ est libre. » Puis, il abattit la dernière carte de sa manche en leur disant : « Ne combattez pas avec eux sauf s’ils vous donnent soixante-dix de leurs nobles en otages que vous garderez avec vous et que vous libérerez après qu’ils auront combattu avec vous et auront fini avec Muhammad. »

 

Cette subtile manœuvre allait donner ses fruits puisque la peur et la panique s’infiltra chez les Banou Qouraydah qui sentirent la nécessité pressante de garanties qui les protégeraient contre la punition des Musulmans provoquée essentiellement par leur violation du pacte.

Le discours de Nou’aym Ibn Mas’oud fut écouté attentivement et même accepté, car les Banou Qouraydah le félicitèrent en lui disant : « Tu nous as donné le bon conseil. » Et, ils décidèrent de s’en tenir à ce conseil.

 

Quand Nou’aym s’assura du succès de la première étape de son plan, il retourna immédiatement dans le camp des Coalisés de l’autre côté du Khandaq pour achever la deuxième étape. Dès qu’il arriva dans le camp des polythéistes, il demanda à s’entretenir avec Abou Soufyan et son état-major mecquois et leur dit qu’il n’était venu les informer d’une chose très grave qu’il avait découverte chez les Banou Qouraydah.

Il dit à Abou Soufyan et son état-major : « Vous connaissez mon amitié pour vous et mon inimitié pour Muhammad. »

Ce qu’ils ne nièrent pas puisqu’il le savait polythéiste et qu’il était l’un des Coalisés les plus en vue qui participait au siège. Quand, il vit la confiance sur leurs visages, Nou’aym Ibn Mas’oud dit aux Qouraysh : « On vient de m’informer d’une chose et j’ai cru juste de vous en faire part mais ne me découvrez pas.

- « Nous le ferons, » lui répondirent-ils.

- « Les Juifs viennent de regretter ce qu’ils ont fait avec Muhammad et lui ont envoyé en disant : « Nous regrettons ce que nous avons commis, » et ils lui ont confirmé leur disponibilité à mettre de nouveau leur main dans sa main et qu’ils sont de nouveau avec lui contre les Coalisés. Ils lui ont aussi dit pour prouver leur bonne foi : « Seras-tu satisfait si nous te livrons des nobles de Qouraysh et de Ghatafan à qui tu trancheras la tête? Puis nous serons avec toi contre ceux qui resteront jusqu’à ce tu les déracines. » Il (Muhammad) leur a envoyé un message avec son approbation. »

Ensuite, Nou’aym dit : « Si les Juifs vous envoient un émissaire pour demander des otages, ne leur donnez aucun homme ! »

 

Ce fut là une intrigue et une machination des plus élaborées pour diviser l’ennemi. Les laissant en proie au doute, à la suspicion et à la rancœur contre leurs alliés, il retourna dans son propre camp et demanda à s’entretenir  avec les chefs ‘Ouyaynah Ibn Hisn al-Fizari, Toulayhah Ibn Khouwaylid al-Asdi et al-Harith Ibn ‘Awf al-Mourri et leur dit : « O, gens de Ghatafan, vous êtes mon origine et mon clan et vous m’êtes les plus aimés des gens. Je ne vois pas que vous allez en, douter. »

- « Tu dis vrai, chez nous, nous n’avons pas de doute. »

Alors, il leur dit qu’il avait une grave nouvelle se rapportant à leur sécurité mais qu’ils devaient taire son nom ce qu’ils confirmèrent. Puis, il leur dit ce qu’il avait dit à Qouraysh. Ils le félicitèrent aussi comme Qouraysh et lui jurèrent qu’ils ne remettraient aucun homme aux Banou Qouraydah.

C’était ainsi que Nou’aym Ibn Mas’oud réussit à tisser son piège qui allait bouleverser le court des évènements.

 

Les états-majors des Coalisés sérieusement concernés par ces nouveaux renseignements importants  ne doutèrent pas un seul instant que leur informateur avait changé de camp. Ils se sentirent, en conséquence, envahis par des sentiments d’agacement et de suspicion qu’ils ne s’attendaient pas à vivre une aussi mauvaise nuit de siège.

 

Les Coalisés, décidèrent dans une réunion commune qui eut lieu un vendredi après-midi d’envoyer une délégation aux Banou Qouraydah pour vérifier les informations de Nou’aym Ibn Mas’oud, et, pour connaitre la vérité d’une manière indirecte, ils chargèrent leur délégation de demander aux juifs de se préparer pour l’offensive qui allait être déclenchée le samedi matin contre les Musulmans.

 

La délégation des Coalisés contacta secrètement les Banou Qouraydah la nuit même de ce vendredi, à la faveur de l’obscurité, par mesure de sécurité et de prévention contre les patrouilles musulmanes qui circulaient dans Médine.

Quand les membres de cette délégation arrivèrent sous les murs des Banou Qouraydah, ils enregistrèrent un apparent accueil froid mais malgré cela, ils communiquèrent aux seigneurs juifs le déclenchement de l’offensive générale, d’ailleurs déjà décidé  d’un commun accord depuis le début et leur demandèrent de se préparer en conséquence, en leur disant : « (O Banou Qouraydah) nous ne sommes pas (ici) dans des maisons durables, les chameaux se consument et les chevaux se fatiguent. Préparez-vous donc au combat pour éradiquer Muhammad et en finir avec lui. »

Les seigneurs juifs ne voulurent pas dès le début exprimer franchement leur refus de l’attaque mais ils préparèrent doucement leurs interlocuteurs à recevoir l’information.

Leur réponse à la demande les Coalisés d’entamer la grand offensive le samedi matin était qu’ils ne pouvaient combattre ce jour-là sous prétexte (selon les préceptes de leur religion) qu’ils ne faisaient rien le samedi.

Ils dirent aux membres de la délégation : « Nous, nous ne combattons pas le samedi, et vous savez ce que nous avons subi comme agression le samedi. »

Puis, ils découvrirent leurs appréhensions quant au retrait des troupes coalisées avant l’extermination des Musulmans : « Nous ne combattront pas Muhammed avec vous, sauf, si vous nous livrez des otages (qui garantiront) que nous allons éradiquer Muhammed. Nous avons peur que, si la guerre se durcit et que le combat s’aggrave que vous nous delaissiez en retournant chez vous et que vous nous laissiez seuls avec l’homme (le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) dans notre pays. »

 

Dès que la confirmation tomba dans leurs oreilles, les délégués se retirèrent sans se donner un temps de réflextion ou de discussion et allèrent informer leurs chefs. Leurs soupçons dès lors se dissipèrent et Nou’aym Ibn Mas’oud avait dit vrai, les Juifs avaient trahi et demandé des otages pour les remettre au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

Les chefs des Coalisés se dirent alors : « Par Allah, ce que vous a dit Nou’aym Ibn Mas’oud est juste » et ils renvoyèrent d’autres délégués pour leur demander de confirmer leur accord pour l’offensive.

Ils dirent aux Banou Qouraydah : « Par Allah, nous ne vous remettons aucun de nos hommes. Et, si vous voulez combattre, sortez et engagez le combat. »

Quand les Banou Qouraydah entendirent cela, leurs doutes sur les Qouraysh se confirmèrent et quand ils se retrouvèrent seuls, ils se dirent entre eux : « Ce que vous a dit Nou’aym Ibn Mas’oud s’avère vrai. »

Sur cette base, ils envoyèrent un émissaire  aux Coalisés qui leur dit avec persistance que les siens (sa tribu) ne participeraient à l’offensive avec les troupes coalisées qu’à la condition que les chefs de ces troupes lui donnent des garanties suffisantes jusqu’à l’écrasement définitif des Musulmans. Il leur dit : « Par Allah, nous ne combattrons Muhammed à vos côtés que si vous nous donnez des otages. » Et, naturellement les Coalisés refusèrent une nouvelle fois la demande des Juifs.

 

Devant cette situation bloquée qui menaçait de briser l’unité des Coalisés et des Juifs, le seigneur juif des Banou an-Nadr, Houyay Ibn Akhtab intervint pour redresser la situation entre les deux parties. Il essaya longuement de persuader les Banou Qouraydah de participer à l’offensive mais ces derniers maintinrent leur positon, en lui disant : « Par Allah, nos ne combattrons avec eux que s’ils nous donneront soixante-dix hommes de Qouraysh et de Ghatafan en otages[3]. »

Ainsi prit fin par ce dernier acte, la grande duperie du rusé Nou’aym Ibn Mas’oud et s’ouvrirent d’autres horizons inattendus dans ce conflit des plus terrifiants pour les Musulmans.

 

Al-Bayhaqi rapporte dans ad-Dala'il, selon le témoignage de Moussa Ibn ‘Ouqbah, que les Juifs contactèrent le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) après l’aggravation du différend et la fin de non-recevoir des Coalisés et lui proposèrent une réconciliation sous la condition d’un retour à Médine de leurs frères Banou an-Nadr et que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) refusa cette demande.

 

La levée du siège

 

Les divisions et les rancœurs désormais enracinées chez les deux parties, le commandement commun des mécréants pensa à lever le siège et laisser les Juifs se démener seuls avec leur destin.

 

Les chefs des Coalisés, en pensant à la levée du siège, pensèrent à l’état de leurs hommes qui commençaient à se lasser et à se plaindre de la situation. Ils savaient très bien que les dix- mille hommes ne se plaisaient pas à attendre des dizaines de jours sans rien faire devant ce fossé paralysant. Pour ces hommes, un siège durable était une nouveauté déconcertante sans compter ces vents violents qui soufflaient dans la région qui arrachaient les tentes, renversaient les marmites, ne laissaient aucun feu allumé et ne présageaient d’aucun signe d’accalmie.

 

Tous ces facteurs amenèrent les chefs coalisés à se consulter et à décider enfin de la levée du siège. Et, comme le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) prévoyait le retrait de l’ennemi, il ordonna à Houdayfah Ibn al-Yaman comme nous l’avons précédemment mentionné, de s’infiltrer dans le camp ennemi et de s’enquérir de la situation.

 

Laissons ce valeureux combattant raconter son aventure dans le camp des Coalisés :

- « O Houdayfah, » me dit le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), « pars et infiltre-toi dans les rangs de l’ennemi. Regarde ce qu’ils font et ne prends surtout aucune initiative jusqu’à ton retour. »

Je partis effectivement et je m’infiltrai dans leurs rangs tandis que le vent et les troupes d’Allah faisaient ce qu’elles faisaient d’eux au point ou aucune marmite ne tenait à sa place ni aucune tente.

Abou Soufyan se leva et dit : « O, gens de Qouraysh, que chacun vérifie celui qui est assis près de lui, » une mesure de prévention pour prévenir un quelconque espion musulman.

Surpris par cette précaution à laquelle il ne s’attendait pas, Houdayfah prit rapidement les devants en attrapant la main de son voisin en disant : « Qui es-tu ? »

-« Untel fils d’untel, » lui répondit l’autre Ainsi il avait pu se sauver de l’impasse où il avait failli être piégé.

Abou Soufyan continua : « O, gens de Qouraysh, vous n’êtes pas ici, par Allah, dans un lieu d’habitation durable. Les chameaux se consument et les chevaux se fatiguent. Les Banou Qouraydah nous ont trahis et comme vous voyez, les vents sont si violents que les marmites ne tiennent pas, que les feux ne s’allument pas et que ne résiste aucune tente. Levez donc le camp et partez car je pars moi aussi. » Puis il monta sur son dromadaire. »

Houdayfah raconta aussi comment il eut l’occasion de tuer Abou Soufyan Ibn Harb le chef des Coalisés mais qu’il n’exploita pas cette occasion suite à la stricte recommandation du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

Enfin, il conclut son témoignage : « Puis, je revins vite comme un pigeon. Pendant mon retour, au milieu du chemin, surgirent tout à coup vingt ou dans les vingt cavaliers qui me dirent : « Dis à ton Compagnon qu’Allah l’a rétribué. »

Je revins donc chez le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) que je trouvai enveloppé dans une cape, en train de prier. Je jure par Allah que je me mis à grelotter et à claquer des dents de froid si bien que le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) me fit signe de sa main, alors qu’il priait. Je me rapprochai de lui et il me prit sous sa cape. Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) priait toujours quand quelque chose le dérangeait. Je lui dis alors que je les avais laissés en train de décamper[4]. »

 

Ainsi les soucis et les peines se dissipèrent, et grâce à Allah, les Musulmans furent sauvés d’une terrible épreuve et récompensés d’avoir patienté et résisté avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pendant ces interminables nuits.

Les Coalisés levèrent le siège, donnant ainsi le signal de leur départ traduisant aussi leur incapacité à envahir Médine, comme l’avaient projeté leurs seigneurs.

Leur retrait fut exécuté méthodiquement afin de prévenir toute action des Musulmans. Abou Soufyan donna l’ordre à Khalid Ibn al-Walid et son lieutenant ‘Amrou Ibn al-‘As de superviser le retrait des hommes de troupe et d’assurer la protection des arrières de l’armée.

Ces deux derniers sans perdre de temps, détachèrent une arrière garde de deux cents cavaliers avec la stricte consigne de se tenir prêts à riposter au cas où les Musulmans attaqueraient et ces cavaliers restèrent dans cette zone séparant le fossé et le camp des Coalisés jusqu’au retrait complet[5].

 

Conclusion

 

Le siège des Coalisés fut sans aucun doute une lutte de vie ou de mort pour toute la communauté musulmane naissante tout comme pour ceux qui le planifièrent et le mirent en exécution, le seul espoir de restaurer leur pouvoir chancelant et retrouver leur puissance perdue et qui ne pouvait se réaliser qu’en passant sur le cadavre de la nouvelle communauté.

 

Par conséquent, le siège des Coalisés fut la plus grande action militaire combinée menée par le Judaïsme et l’idolâtrie contre l’Islam à l’époque de la prophétie.

Du côté des agresseurs, le siège du Fossé fut précédé d’énormes préparatifs et d’une minutieuse organisation et bien mieux coordonnée que toutes les précédentes invasions et campagnes des ennemis de l’Islam.

 

Dans ce siège, les forces de l’ennemi furent écrasantes par rapport à celles des Musulmans qui malgré tout firent face chez eux, à la plus grande force militaire jamais levée contre eux.

 

A. La délicatesse de la position des Musulmans

 

En comparant les deux armées, chaque élément suggérait que la balance allait pencher du côté des Coalisés et que la déconfiture des Musulmans, selon les prévisions militaires théoriques, était une question déjà résolue pour les raisons suivantes :

 

1 - La seule force écrasante de l’ennemi, sans compter les éléments matériels,

2 - La violation du pacte par les Juifs,

3 - Les hypocrites et les agitateurs dans l’armée médinoise,

4 - Le dénuement, la misère et les conditions climatiques extrêmes,

5 - La famine et de disette.

Tous ces facteurs et toutes ces causes suggérèrent que la victoire allait pencher du côté des Coalisés et que Médine allait tomber sans aucun doute entre les mains des troupes polythéistes et des Juifs.

 

B. Les causes de l’échec des Coalisés

 

Quelles furent donc les causes qui empêchèrent la victoire des Coalisés après la préparation matérielle adéquate ? Et quelles sont les causes qui transformèrent cette victoire prévisible en défaite honteuse car ce grand et long déplacement se conclut par un échec complet ; le plus grand échec des Juifs et des polythéistes dans leur lutte contre l’Islam en Arabie.

Les principales causes peuvent être résumées dans ce qui suit:

 

1 - Le fossé

L’achèvement de la principale ligne de défense à savoir la Fossé avant l’arrivée des Coalisés fut une nouveauté militaire qui désorienta complètement les troupes ennemies et paralysa leurs mouvements.

Les polythéistes basèrent le pilier de leur attaque seulement sur le nombre impressionnant de ses guerriers et que cette multitude d’hommes serait suffisante pour venir à bout du courage des Musulmans le jour de l’offensive générale cependant, le fossé creusé par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons anéantit leurs plans, empêcha les troupes d’envahir Médine ainsi qu’un affrontement direct de corps à corps qui aurait pu s’avérer meurtrier. La seule issue pour les Coalisés fut d’essayer de forcer le passage mais leurs tentatives faillirent car les Musulmans gardèrent le contrôle permanent du Fossé.

 

La paralysie des troupes de l’ennemi et son incapacité à mener des actions décisives engendrèrent la frustration et les protestations des hommes qui étaient tous des Bédouins qui n’avaient pas pour habitude de mener des sièges mais principalement des razzias éclairs.

 

Cette situation inconfortable fut justement remarquée par les chefs des Coalisés qui pensèrent alors à battre en retraite mais ils furent quelque peu retenus par l’engagement donné aux Banou Qouraydah qu’ils ne lèveraient le siège qu’après l’écrasement des Musulmans. Malgré cette promesse, le chef n’hésita pas un seul instant à donner l’ordre de retraite à ses troupes quand il fut informé du refus des Juifs de participer à l’offensive comme il était convenu.

De ce fait, le Fossé creusé par les Musulmans fut le principal facteur qui engendra l’échec de l’opération.

 

2 - La ruse de Nou’aym Ibn Mas’oud

La scission des rangs de n’importe quelle armée sur le point d’attaquer est sans aucun doute l’une des plus importantes armes qui peut donner des résultats inestimables ce qui, n’échappa point au chef de l’armée médinoise, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), qui demanda donc à Nou’aym Ibn Mas’oud d’user de son intelligence et de son arsenal de ruses comme il l’entendait.

La mission de Nou’aym fut un succès total puisqu’il parvint  à provoquer la division espérée entre les Coalisés et les Banou Qouraydah. Son inestimable plan fut donc un autre facteur décisif dans la levée du siège et du repli des Coalisés.

 

3 - La foi

En plus de ces deux facteurs décisifs dans l’échec de l’offensive et du point de vue militaire théorique, la foi fut certainement le plus important des facteurs dans la défaite de l’offensive.

 

Chez les Musulmans, la foi reste et restera toujours la principale arme dans toutes leurs batailles car elle permet d’endurer toutes les peurs, les angoisses, les privations, les charges et les pressions de leurs ennemis.

Quant aux Coalisés, ils usèrent d’un autre type d’armes et par la terreur et le harcèlement des Musulmans, ils espérèrent provoquer la sédition et l’épuisement. Il ne fait aucun doute que ce fut une redoutable méthode terrifiante et très éprouvante pour le millier de combattants qui vit alors son nombre diminuer jusqu’à trois cents dans les dernières nuits du Fossé.

Ne purent par conséquent, résister que ceux qui avaient des nerfs solides, un esprit lucide, un sang-froid et une confiance absolue en Allah et ces caractéristiques ne pouvaient se trouver que chez ceux qui avaient une foi totale ; celle de l’Islam.

Cette foi pure qui fit dire au seigneur des Aws, le jeune Sa’d Ibn Mou’ad lors de la tentative de paix avec les Ghatafan : « Par Allah, nous ne leur donnerons que le sabre jusqu’à ce qu’Allah décide entre nous ! »

Sa’d Ibn Mou’ad rejeta l’idée de paix du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) bien que cette idée est toujours raisonnable dans les conflits militaires ; les chefs militaires l’utilisent depuis longtemps dans le but d’amoindrir les pressions sur leurs armées.

C’est aussi la force de la foi solide et constructive qu’apporta le Messager d’Allah  (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui poussa les chefs des Ansar a demandé la permission au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) de refuser l’idée de paix et de poursuivre la résistance jusqu’à l’échec des Coalisés.

Si la position de Sa’d Ibn Mou’ad et des seigneurs des Ansar nous révèle une image claire et rayonnante de l’efficacité de la foi dans les rangs de l’armée musulmane, celle des seigneurs Ghatafani se traduisait par le contraire. Leur arrivée secrète chez le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pour la conclusion d’une paix séparée en contrepartie d’un bien matériel éphémère révéla sans équivoque l’absence de foi et de volonté chez les Coalisés, leur divisions et qu’ils étaient prêts à trahir.

La différence entre la foi absente des polythéistes et celle inébranlable des Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fit toute la différence et sans cette foi avec laquelle ils s’étaient armés, les Musulmans n’auraient jamais pu tenir devant ces innombrables troupes.

 

Ce qui reste surprenant c’est que les Mecquois n’ont même pas cherché à combler le fossé bien qu’ils fussent en nombre élevé et ils auraient pu le combler en quelques temps à peine mais leur absence de foi les empêcha d’enregistrer une victoire décisive sur les Musulmans, en faisant fi du fossé qui ne pouvait pas être un obstacle à l’invasion d’autant plus que les Musulmans étaient en nombre insignifiant.

Les Coalisés auraient pu aussi forcer le passage ou jeter des ponts sur le fossé mais cela demandait des sacrifices personnels de la part des hommes à qui il manquait cette foi comparable à celle des Musulmans qui les auraient suffisamment motivé et donné une raison.

Mais, comme la vraie raison qui les avait poussés à mettre le siège sur Médine était une raison purement matérielle, il allait de soi que ces troupes ne s’aventureraient pas à prendre des risques.

 

Si les rôles avaient été inversés, le fossé n’aurait pas été un obstacle pour les Musulmans pour occuper la ville avec une telle force et pour preuve cela arrivera maintes fois tout au long de leurs conquêtes dans l’Histoire de l’Islam comme en Syrie et en Irak, lorsque les Perses et les Byzantins se retranchèrent derrière leurs lignes défensives.

 

C. Les conséquences du siège

 

Le plan élaboré par les seigneurs juifs de Khaybar qui engagea les Qouraysh et Ghatafan avait un but des plus terrifiants ; celui d’exterminer les Musulmans et de détruire la base de l’Islam.

Cependant quels furent les fruits récoltés par les seigneurs juifs, Qouraysh et Ghatafan de ce siège bien organisé ?

Les résultats furent sans l’ombre d’un doute, contraires à cent pour cent à leurs espérances.

 

1 - Les coalisées battirent en retraite emportant avec eux une défaite honteuse que ne subirent ni Qouraysh, ni Ghatafan, ni les Juifs dans leurs histoires respectives. La réputation des deux tribus se trouva, par conséquent, sérieusement ébranlée à tel point qu’elles n’entreprirent aucune autre offensive majeure contre les Musulmans qui eux au contraire, virent leur position se renforcer considérablement et n’allaient plus être attaqués après cette agression.

 

2 - La moisson récoltée par les Juifs sera considérée comme une dure perte et si les polythéistes de Qouraysh et Ghatafan perdirent leur réputation, les Juifs, eux, seront décimés et huit cents hommes seront exécutés pour trahison et le malheur qui tombera sur les Banou Qouraydah atteindra aussi les Juifs de Khaybar. Avec la chute de leur citadelle, le dernier rempart des Juifs s’écroulera à jamais dans toute l’Arabie et l’on entendra plus parler d’eux dans ce pays.

 

Le mystère des Ghatafan

 

Enfin, il reste une question qui demande quelque éclaircissement et il s’agit de la position, lors du siège, de la tribu de Ghatafan du Najd dont les hommes constituèrent plus de la moitié des troupes coalisées.

 

L’histoire ne mentionne aucun rôle joué par eux et ne serait-ce qu’un seul homme des leurs. Ceux qui traversèrent le fossé avec leurs chevaux étaient tous de Qouraysh, ainsi que les chefs qui dirigèrent à tour de rôle les opérations militaires de harcèlement. Aucun chef des Ghatafan, là aussi, ne participa à une quelconque sortie. Quel fut donc le secret de cette inactivité de leur part ?

 

Il parait que la seule et principale cause est que les commandants des troupes de Ghatafan perdirent l’espoir à la vue du fossé, de ne pouvoir envahir Médine qu’au prix de sacrifices importants. Et puis, ces troupes, qui n’avaient pas de foi les liant à Allah, ne comprenait pas le sens véritable de leur mort devant une grande tranchée qui les attendait comme une tombe contrairement aux Musulmans qui étaient prêts à mourir pour la cause d’Allah.

 

Enfin, Ghatafan n’avait pas cette animosité idéologique amère qui se trouvait enracinée chez Qouraysh et les Juifs. Ces hommes n’étaient que des bédouins naïfs qui ne voyaient dans les campagnes et les guerres que des moyens pour spolier et exproprier des biens matériels étroits avec un minimum de pertes possibles.

Ainsi face à cette nouvelle tactique militaire (le fossé), ils se résignèrent à l’idée qu’ils ne pourraient avoir une part du butin avec les méthodes dont ils avaient l’habitude d’user et que par conséquent, l’invasion de Médine risquait de leur coûter de lourds sacrifices. Devant une telle équation, Ghatafan préféra donc la sécurité de ses hommes au butin.



Site d'al-Khandaq

[1] Al-Bidayah wa an-Nihayah, t. IV, p: 111.

[2] Il est rapporté dans as-Sirah al-Halabiya, t II, p.109 que Nou'aym Ibn Mas'oud dit : « O Messager d’Allah, je vais dire (ce qu’imposait la situation) même si cela est contraire à la réalité. »

- Dis ce qui te parais nécessaire pour une telle circonstance » dit le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). » Nou'aym Ibn Mas'oud sortit alors et contacta les Banou Qouraydah qui étaient alors ses compagnons de plaisir. (...) »

[3] Voir at-Tabaqat al-Koubra d’Ibn Sa‘d, t II, p. 69, al-Bidayah wa an Nihayah, t IV, P: 111, as-Sirah al-Halabiya, t II, p. 108 et suivantes, Sirah Ibn Hisham, t II, p.229, al-Kamil d’Ibn al-Athir, t II, p.125 et enfin Jawami’ as-Sirah d’Ibn Hazm, p. 109 et suivantes.

[4] Voir la Sirah d’Ibn Hisham, t II, p.232, al-Bidayah wa an-Nihayah, t IV, p. 115 et as-Sirah al-Halabiya, t II, p:.p10 et suivantes.

[5] As-Sirah al-Halabiya, t II, p. 116.




 

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