Il sembla que le commandement des Coalisés se lassa de
voir ses troupes paralysées durant vingt jours,
désappointé, ne sachant quoi faire devant cette
remarquable ruse de guerre qui rendait imperméable toute
entrée à Médine. Cette paralysie quasi-totale et cette
inactivité pouvaient pousser les guerriers à se plaindre
surtout qu’ils étaient loin de leurs familles et de
leurs pays et par conséquent, il décida, malgré l’échec
de toutes les tentatives précédentes, de mener une
dernière tentative dans l’espoir d’amener les Musulmans
à engager définitivement la bataille déterminante.
Lors de ses prières pendant le siège d’al-Khandaq, il
dit aussi : « O Celui qui écoute les cris des
tourmentés, ô Celui qui répond aux appels des
nécessiteux, dissipe mon anxiété, ma défaillance et ma
tourmente. Tu vois ce qui arrive à moi et à mes amis. »
L’attaque des Juifs contre les femmes et les enfants
Preuve que les Musulmans étaient extrêmement tourmentés
par les tentatives répétées des Coalisés et par la
pression que ces derniers faisaient augmenter chaque
fois. Les chefs des Coalisés, qui connaissait la
précarité de la situation des combattants musulmans
suite à leurs dernières mesures, donnèrent le signal aux
Banou Qouraydah d’occuper les Musulmans et de détourner
leur intention er attaquant les fort où le commandement
musulman avait abrité les femmes et les enfants et à se
tenir prêts pour la grande offensive sur les positions
musulmanes qui se trouvaient derrière le fossé.
Et effectivement, les Juifs exécutèrent ce qui leur fut
demandé et s’attaquèrent aux forts qui abritaient les
femmes et les enfants gênant ainsi considérablement les
combattants musulmans dans leur surveillance constante
sachant leurs parents menacés et c’est durant ces heures
terrifiantes des nuits d’al-Khandaq, les Juifs des Banou
Qouraydah s’attaquèrent lâchement aux femmes et aux
enfants et essayèrent même de prendre les forts mais
sans résultat.
Le commandement musulman avait, dès le début, demandé
aux femmes de bouger des sabres sur les sommets des
forts si elles voyaient un danger. C’était le signal
convenu pour permettre aux combattants de venir au
secours de leurs familles car il y avait peu d’hommes au
regard de la longueur du fossé à surveiller et aux
nombreuses troupes prêtes à envahir Médine. De plus, les
forts ne se trouvaient pas trop éloignés des positions
de l’armée musulmane et s’il n’y avait pas de garde
permanente détachée aux forts, c’était à cause des
patrouilles qui circulaient jour et nuit dans Médine.
At-Tabarani a rapporté le témoignage de Rafi’ Ibn Khadij
qui a dit : « Il n’y avait pas de fort plus fortifié que
celui des Banou Haritha. Le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) y mis les femmes et les enfants et
leur dit : « Si quelqu’un vient, faites signe avec un
sabre. »
Un Qouraydi des Banou Tha’labah Ibn Sa’d surnommé Najdan
des Banou Jahhach arriva à cheval et quand il
s’approcha du fort, il demanda aux femmes : « Descendez
et sortez, c’est mieux pour vous ! » Les femmes levèrent
un sabre que virent les Compagnons du Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Un groupe de Musulmans
se précipita à l’endroit et l’un d’entre eux Difr Ibn
Rafi’ des Banou Haritha lui lanca un duel en
disant : « Najdan, viens donc te mesurer à moi ! » Puis
il le tua et lui trancha la tête qu’il ramena au
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Les Juifs ne se contentèrent pas d’attaquer les femmes
des Compagnons mais ils s’attaquèrent aussi aux femmes
du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et aux
autres femmes qui étaient avec elles dans le même fort.
Al-Bazar rapporte le récit suivant en s’appuyant sur le
témoignage d’az-Zoubayr Ibn al-‘Awam : « En sortant pour
al-Khandaq, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) laissa ses femmes et sa tante Safiyah dans un
fort appelé Fari’ en compagnie de Hassan Ibn
Thabit. »
Ibn Ishaq rapporta aussi selon ‘Abbad Ibn
‘AbdAllah Ibn az-Zoubayr, de son père qu’Ibn az-Zoubayr
a dit : « Safiyah, la fille de ‘Abd al-Mouttalib était à
Fari’, le fort de Hassan Ibn Thabit qui, lui
aussi, était avec les femmes et les enfants, raconta :
« Quand un des Juifs passa et commença à tourner autour
du fort après que les Banou Qouraydah déclarèrent la
guerre et déchirèrent ce qu’il y avait entre eux et le
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Personne n’était avec nous pour nous défendre tandis que
le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et
les Musulmans étaient face à l’ennemi, incapables de
nous venir en aide si quelqu’un venait à se
rapprocher. » Puis elle dit :
- « O Hassan, ce Juif comme tu vois rôde près du
fort. Par Allah, j’ai peur qu’il ne découvre quelque
point faible et aille le montrer aux autres Juifs et
comme tu vois, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) et ses Compagnons sont occupés par autre
chose. Descends et tue-le ! » Il dit :
- « Qu’Allah te pardonne, ô fille de ‘Abd al-Mouttalib !
Par Allah, je suis connu que je ne peux faire cela ! »
Safiyah (radhiyallahou ‘anha) poursuivit : « Quand il me
dit cela et que j’ai vu qu’il n’allait rien faire, je
pris un épieu, suis sortie du fort et l’ai tué avec.
Puis je revins et j’ai dit : « Hassan, va et
dépouille-le. Je n’ai pu le faire parce qu’il est un
homme. » Il me répondit : « Quel besoin ai-je à le
dépouiller, ô fille de ‘Abd al-Mouttalib. » »
Mais dans le récit d’al-Bazzar rapporté par l’auteur de
Wafa' al-Wafa'
tome I. p.302, ce Juif réussit à escalader le fort et
surplomba les femmes du Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) mais il fut tué par Safiyah. Après
l’avoir tué, Safiyah (radhiyallahou ‘anha) lui trancha
la tête et la jeta aux Juifs qui étaient autour du fort.
Ces derniers terrifiés se retirèrent croyant qu’il y
avait des gardes musulmans et en se disant tout en
fuyant : « Nous étions persuadé qu’il (le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) n’avait laissé personne
avec sa famille.»
Cette vile attaque des Juifs sur les faibles femmes et
enfants angoissa les Musulmans et obligea le camp
musulman à redoubler de vigilance en détachant d’autres
groupes pour surveiller leurs familles.
Quant aux polythéistes, ils remarquèrent cette baisse
sensible d’effectif chez les Musulmans et voulurent par
conséquent profiter de la situation. Ils resserrèrent
davantage l’étau de toutes parts et harcelèrent les
Musulmans jusqu’à l’épuisement si bien que ces derniers
ne purent ni se reposer ou même accomplir leurs prières
en les obligeant à se poster jour et nuit aux abords du
fossé, les armes toujours à la main.
Extrêmement fatigués, constamment harcelés, toujours en
alerte, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et
ses valeureux Compagnons ne purent accomplir la prière.
Al-Maqrizi rapporta dans son livre
Inta al-Asma’
l’état de tourmente insupportable de ces nuits
terrifiantes et déterminantes pour le camp des
Musulmans. Il dit entre autre : «...Ils (le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons
combattirent ce jour-là jusqu’à une partie de la nuit
sans qu’aucun des Musulmans ne put quitter son poste et
sans que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
n’eut la possibilité d’accomplir les prières du Zouhr,
de ‘Asr, du Maghrib et de ‘Isha'. Ses Compagnons
contraints dirent : « O Messager d’Allah, nous n’avons
pas accompli de prière ! » Et lui de leur répondre :
« Et moi non plus, par Allah, je n’ai pas fait de prière
! » Les prières ne furent effectuées qu’après qu’Allah
eut défait les polythéistes et que chacun des deux camps
revint chez lui. »
Ibn Kathir écrit aussi dans
al-Bidayah wa
an-Nihayah d’après Moussa Ibn ‘Ouqbah : « Les
polythéistes encerclèrent les Musulmans si bien que ces
derniers épousèrent la longueur du fossé et les
assiégèrent ainsi de tous les côtés durant environ vingt
nuits. »
Puis, Ibn Kathir continue en parlant de la tentative
infructueuse des cavaliers associateurs d’atteindre le
poste du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) : «
Ils se dirigèrent vers le campement du Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ; une compagnie
impressionnante qui fut combattue toute la journée, du
matin jusqu’à la nuit !
« Quand le temps de la prière de ‘Asr arriva, la
compagnie se rapprocha et le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) ne put, ni d’ailleurs aucun de ses
Compagnons qui étaient avec lui, faire la prière comme
il le voulait. La compagnie ne décrocha qu’avec la nuit.
Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit
alors : « Ils nous ont détournés de la prière de ‘Asr.
Qu’Allah remplisse leurs ventres, leurs cœurs et leurs
tombes de feu. »
Dans al-Boukhari, il rapporté : « ‘Umar Ibn al-Khattab
pendant le Fossé insulta les mécréants de Qouraysh après
le coucher du soleil puis dit au Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) : « O Messager d’Allah, je n’ai pu
prier qu’au moment où le soleil se coucha. »
- « Par Allah, je ne l’ai pas encore priée, » répondit
le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). » Puis nous
sommes descendus, dit ‘Umar, avec le Messager d’Allah
(S.B sur lui) dans un terrain creux. Il fit ses
ablutions pour la prière et nous de même, puis il
accomplit la prière de ‘Asr après le coucher du soleil,
et ensuite celle du Maghrib. »
Dans le Mousnad
de l’Imam Ahmad, il rapporté qu’Ibn ‘Abbas a dit
: « Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
combattit l’ennemi et ne se reposa pas jusqu’au moment
où il remarqua qu’il avait retardé la prière de ‘Asr.
Quand il s’en rendit compte, il dit : « O mon Allah,
remplis de feu les maisons et les cœurs de ceux qui nous
ont empêchés de faire la prière du Milieu ! »
Toujours, dans le Mousnad de l’Imam Ahmad et
d’après Ibn Mas’oud : « Les polythéistes durant le Fossé
détournèrent le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) de quatre prières. Il demanda alors à Bilal de
lancer l’appel. Ce dernier lanca l’appel puis le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) a accompli les
prières de Zouhr, ‘Asr, Maghrib et ‘Isha'. »
Après un siège des plus éprouvants de vingt-deux nuits
sans interruption et tous les facteurs unis contre cette
petite armée, les combattants étaient au bord de la
chute au milieu d’une mer de coalisées. Tout présageait
l’anéantissement total des Musulmans ou leur
capitulation définitive et sans rémission.
L’angoisse, la tourmente, le froid glacial, la misère,
la faim, le manque de vêtements et de sommeil, la
désertion des hypocrites, leur propagande et rumeurs
venimeuse secouèrent terriblement les combattants
musulmans,
Les dernières nuits décisives du Fossé furent vraiment
un test éprouvant ou Allah, à Lui les Louanges et la
Gloire, mis encore une fois à rude épreuve la Nation de
Muhammad pour reconnaitre (et Il est le Plus
Savant) le loyal du menteur et séparer le bon grain de
l’ivraie et ne résistèrent avec le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) pendant ces sombres nuits que ceux
qui avaient une foi solide et une confiance
inébranlable.
Certains historiens ont rapporté que seul trois cents
combattants restèrent sur le front avec le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et que pouvait faire
trois cents hommes manquant de tout sauf de la foi
devant onze mille guerriers qui ne manquaient de rien
sur le plan matériel ?
Voici le témoignage d’un des fidèles Compagnons du
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
rapporté par al-Hakam et al-Bayhaqi de ‘Ikrimah
Ibn ‘Amar de Houdayfah Ibn al-Yaman qui raconta
ce qu’ils firent avec le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) et ceux qui étaient avec lui (avec
Houdayfah) jurèrent par Allah que s’ils étaient
présents, ils auraient fait ceci et fait cela.
« Tu nous aurais vu la nuit des Coalisés, » leur dit-il,
« en rangée et assit pendant qu’Abou Soufyan et ses
hommes étaient en amont de nous et que les Juifs de
Qouraydah étaient en aval, qui menaçaient nos enfants.
Et ne tomba sur nous que cette nuit-là, une nuit aussi
sombre accompagnée d’un vent très violent qui tonnait.
L’obscurité était telle qu’aucun de nous ne voyait son
doigt, les hypocrites demandèrent la permission de se
retirer en prétextant que leurs maisons étaient exposées
alors qu’elles ne l’étaient pas.
Il (le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) permit
à quiconque d’entre eux qui le demanda de se retirer et
ils se dérobèrent tous au point où nous ne restâmes que
trois cents ou dans les trois cents. »
Dans Ibn Ishaq, Muhammad Ibn Ka’b al-Qardi
a dit : « Un homme des gens de Koufa demanda à Houdayfah
Ibn al-Yaman : « O, Aba ‘AbdAllah, as-tu vu le Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et l’as-tu
accompagné ? »
- « Oui, ô fils de mon frère, » lui répondit-il.
- « Comment faisiez-vous alors avec lui ? » lui
demanda-t-il encore.
- « Nous nous efforcions..., » dit Houdayfah.
- « Par Allah, si nous étions avec lui, nous ne
l’aurions pas laissé marcher sur la terre, nous
l’aurions pris sur nos épaules. »
- « O, fils de mon frère, si tu étais là lors du Fossé
avec le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
qui pria tard dans la nuit et qui après s’était retourné
vers nous en disant : « Qui va voir ce qu’a fait
l’ennemi et revenir ? Je prie Allah qu’il (cet homme)
sera mon Compagnon dans le Paradis. »
Aucun d’entre nous ne se leva, en cet instant-là, à
cause de l’intense peur, de la faim aigue et du froid
très piquant. En constatant que personne ne se levait,
il m’a alors appelé alors que je ne pouvais me lever.
Puis, il me dit : « O Houdayfah, va et
faufile-toi dans le camp ennemi. Observe et ne prends
aucune initiative jusqu’à ton retour. »
Nou’aym Ibn Mas’oud al-Ghatafani (radhiyallahou ‘anhou)
Ainsi, alors que les Compagnons du Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) se plaignaient après vingt longues
nuits pleines de menaces mortelles qui planaient sur le
destin de la nouvelle communauté, voilà qu’un homme, un
homme unique, surgit brusquement dans l’histoire de
l’Islam, un homme à qui Allah indiqua la voie de l’Islam
et dont les dons furent mis au service du Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et de sa noble
mission.
Par son intelligence et sa ruse, cet homme allait, par
une manœuvre politique bien menée, changer le cours des
évènements, renverser les rapports de force au profit de
cette minorité croyante et patiente au milieu de la
tempête, et provoquer par conséquent le miracle tant
attendu. Allah mit donc les Coalisés en déroute et
décida de la victoire au profit des Musulmans.
Cet homme rusé fit aux commandants des Coalisés et leurs
troupes ce que ne put faire toutes les armées réunies.
Son initiative fut l’un des plus importants facteurs
ayant concouru à la division et à la dispersion des
Coalisés. Par son action, son flair et sa ruse
politique, alors que sa conversion fraiche ne dépassait
pas les vingt-quatre heures, il réussit à répandre le
doute et la division entre les différentes fractions des
Coalisés et les Banou Qouraydah. Il réussit à semer,
avec un art consommé, la suspicion entre leurs chefs et
à les dresser les uns contre les autres jusqu’à la
dissipation de la confiance qui régnait entre eux et la
désintégration de leur unité.
Le doute et la suspicion que sema cet homme donnèrent
rapidement leur résultat et Qouraysh et Ghatafan
levèrent le siège et laissèrent les Banou Qouraydah à
leur triste sort.
Cet homme est Nou’aym Ibn Mas’oud al-Ghatafani dont les
hommes représentaient le plus grand nombre des Coalisés
venu dans le but d’occuper Médine et d’exterminer les
Musulmans. Nou’aym Ibn Mas’oud était une personnalité
connue dans les sphères arabe et juive et l’un des
grands conseillers des Coalisés mais pour des raisons
qu’Allah Exalté Seul connait, son cœur s’ouvrit à
l’Islam alors qu’il était dans le camp des Coalisés. Et
sans révéler son secret, il s’esquiva et rejoignit sous
le couvert de l’obscurité de la nuit, le camp du
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et s’entretint
avec lui. Il l’informa (en secret) de sa conversion et
se mit à son service ; il lui dit qu’il était prêt à
accomplir n’importe quelle mission ordonnée par le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
- « O Messager d’Allah, » dit Nou’aym Ibn Mas’oud, « je
suis devenu musulman et mon peuple ne sait pas encore.
Ordonne-moi d’exécuter ce que tu veux. »
- « Tu es un seul homme, » lui dit alors le Messager
d’Allah, « détaches-les donc de nous si tu peux car la
guerre est ruse[2]. »
Dès que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lui
eut donné carte blanche, il se rendit immédiatement chez
les Banou Qouraydah et Nou’aym Ibn Mas’oud était une
personnalité connue et habituée de ces derniers car il
était leur Compagnon de plaisir. C’était lui qui parla
dans une des tavernes juives de Médine de la caravane
mecquoise qui pris la route de l’Irak pour aller en
Syrie, alors qu’un des Compagnons du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) était présent (avant
l’interdiction du vin). Cette information précieuse
permit au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) de
donner l’ordre à Zayd Ibn Haritha d’intercepter
la caravane à son retour de Syrie.
Quand Nou’aym Ibn Mas’oud arriva chez les Banou
Qouraydah, il leur demanda s’ils le connaissaient bien
et reconnaissaient son amitié envers eux ce qu’ils ne
nièrent pas et consolidèrent même par des signes
approbateurs.
Il leur dit comme s’il était un membre de leur
communauté : « Qouraysh et Ghatafan ne sont pas comme
vous. Ce pays est votre pays. Vous y avez vos biens, vos
enfants et vos femmes. Vous ne pouvez pas le quitter et
partir pour un autre tandis que Qouraysh et Ghatafan
sont venues pour faire la guerre à Muhammad et
ses Compagnons et vous leur avez prêté main-forte, alors
que leurs pays, leurs femmes et leurs biens sont au
loin. Les tribus ne sont pas comme vous. Si une occasion
se présente, elles ne la rateront pas mais dans le cas
contraire, elles regagneront leurs pays et vous
laisseront seuls avec cet homme dans votre pays. »
Il continua ainsi à distiller la peur et le doute pour
conclure : « Vous ne pouvez rien contre lui (le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) si son champ est libre.
» Puis, il abattit la dernière carte de sa manche en
leur disant : « Ne combattez pas avec eux sauf s’ils
vous donnent soixante-dix de leurs nobles en otages que
vous garderez avec vous et que vous libérerez après
qu’ils auront combattu avec vous et auront fini avec Muhammad.
»
Cette subtile manœuvre allait donner ses fruits puisque
la peur et la panique s’infiltra chez les Banou
Qouraydah qui sentirent la nécessité pressante de
garanties qui les protégeraient contre la punition des
Musulmans provoquée essentiellement par leur violation
du pacte.
Le discours de Nou’aym Ibn Mas’oud fut écouté
attentivement et même accepté, car les Banou Qouraydah
le félicitèrent en lui disant : « Tu nous as donné le
bon conseil. » Et, ils décidèrent de s’en tenir à ce
conseil.
Quand Nou’aym s’assura du succès de la première étape de
son plan, il retourna immédiatement dans le camp des
Coalisés de l’autre côté du Khandaq pour achever la
deuxième étape. Dès qu’il arriva dans le camp des
polythéistes, il demanda à s’entretenir avec Abou
Soufyan et son état-major mecquois et leur dit qu’il
n’était venu les informer d’une chose très grave qu’il
avait découverte chez les Banou Qouraydah.
Il dit à Abou Soufyan et son état-major : « Vous
connaissez mon amitié pour vous et mon inimitié pour Muhammad. »
Ce qu’ils ne nièrent pas puisqu’il le savait polythéiste
et qu’il était l’un des Coalisés les plus en vue qui
participait au siège. Quand, il vit la confiance sur
leurs visages, Nou’aym Ibn Mas’oud dit aux Qouraysh :
« On vient de m’informer d’une chose et j’ai cru juste
de vous en faire part mais ne me découvrez pas.
- « Nous le ferons, » lui répondirent-ils.
- « Les Juifs viennent de regretter ce qu’ils ont fait
avec Muhammad et lui ont envoyé en disant :
« Nous regrettons ce que nous avons commis, » et ils lui
ont confirmé leur disponibilité à mettre de nouveau leur
main dans sa main et qu’ils sont de nouveau avec lui
contre les Coalisés. Ils lui ont aussi dit pour prouver
leur bonne foi : « Seras-tu satisfait si nous te livrons
des nobles de Qouraysh et de Ghatafan à qui tu
trancheras la tête? Puis nous serons avec toi contre
ceux qui resteront jusqu’à ce tu les déracines. » Il (Muhammad)
leur a envoyé un message avec son approbation. »
Ensuite, Nou’aym dit : « Si les Juifs vous envoient un
émissaire pour demander des otages, ne leur donnez aucun
homme ! »
Ce fut là une intrigue et une machination des plus
élaborées pour diviser l’ennemi. Les laissant en proie
au doute, à la suspicion et à la rancœur contre leurs
alliés, il retourna dans son propre camp et demanda à
s’entretenir
avec les chefs ‘Ouyaynah Ibn Hisn al-Fizari,
Toulayhah Ibn Khouwaylid al-Asdi et al-Harith Ibn
‘Awf al-Mourri et leur dit : « O, gens de Ghatafan, vous
êtes mon origine et mon clan et vous m’êtes les plus
aimés des gens. Je ne vois pas que vous allez en,
douter. »
- « Tu dis vrai, chez nous, nous n’avons pas de doute. »
Alors, il leur dit qu’il avait une grave nouvelle se
rapportant à leur sécurité mais qu’ils devaient taire
son nom ce qu’ils confirmèrent. Puis, il leur dit ce
qu’il avait dit à Qouraysh. Ils le félicitèrent aussi
comme Qouraysh et lui jurèrent qu’ils ne remettraient
aucun homme aux Banou Qouraydah.
C’était ainsi que Nou’aym Ibn Mas’oud réussit à tisser
son piège qui allait bouleverser le court des
évènements.
Les états-majors des Coalisés sérieusement concernés par
ces nouveaux renseignements importants
ne doutèrent pas
un seul instant que leur informateur avait changé de
camp. Ils se sentirent, en conséquence, envahis par des
sentiments d’agacement et de suspicion qu’ils ne
s’attendaient pas à vivre une aussi mauvaise nuit de
siège.
Les Coalisés, décidèrent dans une réunion commune qui
eut lieu un vendredi après-midi d’envoyer une délégation
aux Banou Qouraydah pour vérifier les informations de
Nou’aym Ibn Mas’oud, et, pour connaitre la vérité d’une
manière indirecte, ils chargèrent leur délégation de
demander aux juifs de se préparer pour l’offensive qui
allait être déclenchée le samedi matin contre les
Musulmans.
La délégation des Coalisés contacta secrètement les
Banou Qouraydah la nuit même de ce vendredi, à la faveur
de l’obscurité, par mesure de sécurité et de prévention
contre les patrouilles musulmanes qui circulaient dans
Médine.
Quand les membres de cette délégation arrivèrent sous
les murs des Banou Qouraydah, ils enregistrèrent un
apparent accueil froid mais malgré cela, ils
communiquèrent aux seigneurs juifs le déclenchement de
l’offensive générale, d’ailleurs déjà décidé
d’un commun accord depuis le début et leur
demandèrent de se préparer en conséquence, en leur
disant : « (O Banou Qouraydah) nous ne sommes pas (ici)
dans des maisons durables, les chameaux se consument et
les chevaux se fatiguent. Préparez-vous donc au combat
pour éradiquer Muhammad et en finir avec lui. »
Les seigneurs juifs ne voulurent pas dès le début
exprimer franchement leur refus de l’attaque mais ils
préparèrent doucement leurs interlocuteurs à recevoir
l’information.
Leur réponse à la demande les Coalisés d’entamer la
grand offensive le samedi matin était qu’ils ne
pouvaient combattre ce jour-là sous prétexte (selon les
préceptes de leur religion) qu’ils ne faisaient rien le
samedi.
Ils dirent aux membres de la délégation : « Nous, nous
ne combattons pas le samedi, et vous savez ce que nous
avons subi comme agression le samedi. »
Puis, ils découvrirent leurs appréhensions quant au
retrait des troupes coalisées avant l’extermination des
Musulmans : « Nous ne combattront pas Muhammed
avec vous, sauf, si vous nous livrez des otages (qui
garantiront) que nous allons éradiquer Muhammed.
Nous avons peur que, si la guerre se durcit et que le
combat s’aggrave que vous nous delaissiez en retournant
chez vous et que vous nous laissiez seuls avec l’homme
(le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) dans notre
pays. »
Dès que la confirmation tomba dans leurs oreilles, les
délégués se retirèrent sans se donner un temps de
réflextion ou de discussion et allèrent informer leurs
chefs. Leurs soupçons dès lors se dissipèrent et Nou’aym
Ibn Mas’oud avait dit vrai, les Juifs avaient trahi et
demandé des otages pour les remettre au Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Les chefs des Coalisés se dirent alors : « Par Allah, ce
que vous a dit Nou’aym Ibn Mas’oud est juste » et ils
renvoyèrent d’autres délégués pour leur demander de
confirmer leur accord pour l’offensive.
Ils dirent aux Banou Qouraydah : « Par Allah, nous ne
vous remettons aucun de nos hommes. Et, si vous voulez
combattre, sortez et engagez le combat. »
Quand les Banou Qouraydah entendirent cela, leurs doutes
sur les Qouraysh se confirmèrent et quand ils se
retrouvèrent seuls, ils se dirent entre eux : « Ce que
vous a dit Nou’aym Ibn Mas’oud s’avère vrai. »
Sur cette base, ils envoyèrent un émissaire
aux Coalisés qui leur dit avec persistance que
les siens (sa tribu) ne participeraient à l’offensive
avec les troupes coalisées qu’à la condition que les
chefs de ces troupes lui donnent des garanties
suffisantes jusqu’à l’écrasement définitif des
Musulmans. Il leur dit : « Par Allah, nous ne
combattrons Muhammed à vos côtés que si vous nous
donnez des otages. » Et, naturellement les Coalisés
refusèrent une nouvelle fois la demande des Juifs.
Devant cette situation bloquée qui menaçait de briser
l’unité des Coalisés et des Juifs, le seigneur juif des
Banou an-Nadr, Houyay Ibn Akhtab intervint pour
redresser la situation entre les deux parties. Il essaya
longuement de persuader les Banou Qouraydah de
participer à l’offensive mais ces derniers maintinrent
leur positon, en lui disant : « Par Allah, nos ne
combattrons avec eux que s’ils nous donneront
soixante-dix hommes de Qouraysh et de Ghatafan en otages[3].
»
Ainsi prit fin par ce dernier acte, la grande duperie du
rusé Nou’aym Ibn Mas’oud et s’ouvrirent d’autres
horizons inattendus dans ce conflit des plus terrifiants
pour les Musulmans.
Al-Bayhaqi rapporte dans
ad-Dala'il,
selon le témoignage de Moussa Ibn ‘Ouqbah, que les Juifs
contactèrent le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
après l’aggravation du différend et la fin de
non-recevoir des Coalisés et lui proposèrent une
réconciliation sous la condition d’un retour à Médine de
leurs frères Banou an-Nadr et que le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) refusa cette demande.
Les divisions et les rancœurs désormais enracinées chez
les deux parties, le commandement commun des mécréants
pensa à lever le siège et laisser les Juifs se démener
seuls avec leur destin.
Les chefs des Coalisés, en pensant à la levée du siège,
pensèrent à l’état de leurs hommes qui commençaient à se
lasser et à se plaindre de la situation. Ils savaient
très bien que les dix- mille hommes ne se plaisaient pas
à attendre des dizaines de jours sans rien faire devant
ce fossé paralysant. Pour ces hommes, un siège durable
était une nouveauté déconcertante sans compter ces vents
violents qui soufflaient dans la région qui arrachaient
les tentes, renversaient les marmites, ne laissaient
aucun feu allumé et ne présageaient d’aucun signe
d’accalmie.
Tous ces facteurs amenèrent les chefs coalisés à se
consulter et à décider enfin de la levée du siège. Et,
comme le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) prévoyait le retrait de l’ennemi, il ordonna à
Houdayfah Ibn al-Yaman comme nous l’avons
précédemment mentionné, de s’infiltrer dans le camp
ennemi et de s’enquérir de la situation.
Laissons ce valeureux combattant raconter son aventure
dans le camp des Coalisés :
- « O Houdayfah, » me dit le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), « pars et infiltre-toi
dans les rangs de l’ennemi. Regarde ce qu’ils font et ne
prends surtout aucune initiative jusqu’à ton retour. »
Je partis effectivement et je m’infiltrai dans leurs
rangs tandis que le vent et les troupes d’Allah
faisaient ce qu’elles faisaient d’eux au point ou aucune
marmite ne tenait à sa place ni aucune tente.
Abou Soufyan se leva et dit : « O, gens de Qouraysh, que
chacun vérifie celui qui est assis près de lui, » une
mesure de prévention pour prévenir un quelconque espion
musulman.
Surpris par cette précaution à laquelle il ne
s’attendait pas, Houdayfah prit rapidement les
devants en attrapant la main de son voisin en disant : «
Qui es-tu ? »
-« Untel fils d’untel, » lui répondit l’autre Ainsi il
avait pu se sauver de l’impasse où il avait failli être
piégé.
Abou Soufyan continua : « O, gens de Qouraysh, vous
n’êtes pas ici, par Allah, dans un lieu d’habitation
durable. Les chameaux se consument et les chevaux se
fatiguent. Les Banou Qouraydah nous ont trahis et comme
vous voyez, les vents sont si violents que les marmites
ne tiennent pas, que les feux ne s’allument pas et que
ne résiste aucune tente. Levez donc le camp et partez
car je pars moi aussi. » Puis il monta sur son
dromadaire. »
Houdayfah
raconta aussi comment il eut l’occasion de tuer Abou
Soufyan Ibn Harb le chef des Coalisés mais qu’il
n’exploita pas cette occasion suite à la stricte
recommandation du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam).
Enfin, il conclut son témoignage : « Puis, je revins
vite comme un pigeon. Pendant mon retour, au milieu du
chemin, surgirent tout à coup vingt ou dans les vingt
cavaliers qui me dirent : « Dis à ton Compagnon qu’Allah
l’a rétribué. »
Je revins donc chez le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) que je trouvai enveloppé
dans une cape, en train de prier. Je jure par Allah que
je me mis à grelotter et à claquer des dents de froid si
bien que le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) me fit signe de sa main, alors qu’il priait. Je
me rapprochai de lui et il me prit sous sa cape. Le
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) priait
toujours quand quelque chose le dérangeait. Je lui dis
alors que je les avais laissés en train de décamper[4].
»
Ainsi les soucis et les peines se dissipèrent, et grâce
à Allah, les Musulmans furent sauvés d’une terrible
épreuve et récompensés d’avoir patienté et résisté avec
le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pendant ces
interminables nuits.
Les Coalisés levèrent le siège, donnant ainsi le signal
de leur départ traduisant aussi leur incapacité à
envahir Médine, comme l’avaient projeté leurs seigneurs.
Leur retrait fut exécuté méthodiquement afin de prévenir
toute action des Musulmans. Abou Soufyan donna l’ordre à
Khalid Ibn al-Walid et son lieutenant ‘Amrou Ibn al-‘As
de superviser le retrait des hommes de troupe et
d’assurer la protection des arrières de l’armée.
Ces deux derniers sans perdre de temps, détachèrent une
arrière garde de deux cents cavaliers avec la stricte
consigne de se tenir prêts à riposter au cas où les
Musulmans attaqueraient et ces cavaliers restèrent dans
cette zone séparant le fossé et le camp des Coalisés
jusqu’au retrait complet[5].
Le siège des Coalisés fut sans aucun doute une lutte de
vie ou de mort pour toute la communauté musulmane
naissante tout comme pour ceux qui le planifièrent et le
mirent en exécution, le seul espoir de restaurer leur
pouvoir chancelant et retrouver leur puissance perdue et
qui ne pouvait se réaliser qu’en passant sur le cadavre
de la nouvelle communauté.
Par conséquent, le siège des Coalisés fut la plus grande
action militaire combinée menée par le Judaïsme et
l’idolâtrie contre l’Islam à l’époque de la prophétie.
Du côté des agresseurs, le siège du Fossé fut précédé
d’énormes préparatifs et d’une minutieuse organisation
et bien mieux coordonnée que toutes les précédentes
invasions et campagnes des ennemis de l’Islam.
Dans ce siège, les forces de l’ennemi furent écrasantes
par rapport à celles des Musulmans qui malgré tout
firent face chez eux, à la plus grande force militaire
jamais levée contre eux.
A.
La délicatesse de la position des Musulmans
En comparant les deux armées, chaque élément suggérait
que la balance allait pencher du côté des Coalisés et
que la déconfiture des Musulmans, selon les prévisions
militaires théoriques, était une question déjà résolue
pour les raisons suivantes :
1 - La seule force écrasante de l’ennemi, sans compter
les éléments matériels,
2 - La violation du pacte par les Juifs,
3 - Les hypocrites et les agitateurs dans l’armée
médinoise,
4 - Le dénuement, la misère et les conditions
climatiques extrêmes,
5 - La famine et de disette.
Tous ces facteurs et toutes ces causes suggérèrent que
la victoire allait pencher du côté des Coalisés et que
Médine allait tomber sans aucun doute entre les mains
des troupes polythéistes et des Juifs.
B. Les causes de l’échec des Coalisés
Quelles furent donc les causes qui empêchèrent la
victoire des Coalisés après la préparation matérielle
adéquate ? Et quelles sont les causes qui transformèrent
cette victoire prévisible en défaite honteuse car ce
grand et long déplacement se conclut par un échec
complet ; le plus grand échec des Juifs et des
polythéistes dans leur lutte contre l’Islam en Arabie.
Les principales causes peuvent être résumées dans ce qui
suit:
1 - Le fossé
L’achèvement de la principale ligne de défense à savoir
la Fossé avant l’arrivée des Coalisés fut une nouveauté
militaire qui désorienta complètement les troupes
ennemies et paralysa leurs mouvements.
Les polythéistes basèrent le pilier de leur attaque
seulement sur le nombre impressionnant de ses guerriers
et que cette multitude d’hommes serait suffisante pour
venir à bout du courage des Musulmans le jour de
l’offensive générale cependant, le fossé creusé par le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses
Compagnons anéantit leurs plans, empêcha les troupes
d’envahir Médine ainsi qu’un affrontement direct de
corps à corps qui aurait pu s’avérer meurtrier. La seule
issue pour les Coalisés fut d’essayer de forcer le
passage mais leurs tentatives faillirent car les
Musulmans gardèrent le contrôle permanent du Fossé.
La paralysie des troupes de l’ennemi et son incapacité à
mener des actions décisives engendrèrent la frustration
et les protestations des hommes qui étaient tous des
Bédouins qui n’avaient pas pour habitude de mener des
sièges mais principalement des razzias éclairs.
Cette situation inconfortable fut justement remarquée
par les chefs des Coalisés qui pensèrent alors à battre
en retraite mais ils furent quelque peu retenus par
l’engagement donné aux Banou Qouraydah qu’ils ne
lèveraient le siège qu’après l’écrasement des Musulmans.
Malgré cette promesse, le chef n’hésita pas un seul
instant à donner l’ordre de retraite à ses troupes quand
il fut informé du refus des Juifs de participer à
l’offensive comme il était convenu.
De ce fait, le Fossé creusé par les Musulmans fut le
principal facteur qui engendra l’échec de l’opération.
2 - La ruse de Nou’aym Ibn Mas’oud
La scission des rangs de n’importe quelle armée sur le
point d’attaquer est sans aucun doute l’une des plus
importantes armes qui peut donner des résultats
inestimables ce qui, n’échappa point au chef de l’armée
médinoise, le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), qui demanda donc à
Nou’aym Ibn Mas’oud d’user de son intelligence et de son
arsenal de ruses comme il l’entendait.
La mission de Nou’aym fut un succès total puisqu’il
parvint à
provoquer la division espérée entre les Coalisés et les
Banou Qouraydah. Son inestimable plan fut donc un autre
facteur décisif dans la levée du siège et du repli des
Coalisés.
3 - La foi
En plus de ces deux facteurs décisifs dans l’échec de
l’offensive et du point de vue militaire théorique, la
foi fut certainement le plus important des facteurs dans
la défaite de l’offensive.
Chez les Musulmans, la foi reste et restera toujours la
principale arme dans toutes leurs batailles car elle
permet d’endurer toutes les peurs, les angoisses, les
privations, les charges et les pressions de leurs
ennemis.
Quant aux Coalisés, ils usèrent d’un autre type d’armes
et par la terreur et le harcèlement des Musulmans, ils
espérèrent provoquer la sédition et l’épuisement. Il ne
fait aucun doute que ce fut une redoutable méthode
terrifiante et très éprouvante pour le millier de
combattants qui vit alors son nombre diminuer jusqu’à
trois cents dans les dernières nuits du Fossé.
Ne purent par conséquent, résister que ceux qui avaient
des nerfs solides, un esprit lucide, un sang-froid et
une confiance absolue en Allah et ces caractéristiques
ne pouvaient se trouver que chez ceux qui avaient une
foi totale ; celle de l’Islam.
Cette foi pure qui fit dire au seigneur des Aws, le
jeune Sa’d Ibn Mou’ad lors de la tentative de paix avec
les Ghatafan : « Par Allah, nous ne leur donnerons que
le sabre jusqu’à ce qu’Allah décide entre nous ! »
Sa’d Ibn Mou’ad rejeta l’idée de paix du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) bien que cette idée est
toujours raisonnable dans les conflits militaires ; les
chefs militaires l’utilisent depuis longtemps dans le
but d’amoindrir les pressions sur leurs armées.
C’est aussi la force de la foi solide et constructive
qu’apporta le Messager d’Allah
(sallallahou
‘aleyhi wa sallam) qui poussa les chefs des Ansar a
demandé la permission au Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) de refuser l’idée de paix et de poursuivre la
résistance jusqu’à l’échec des Coalisés.
Si la position de Sa’d Ibn Mou’ad et des seigneurs des
Ansar nous révèle une image claire et rayonnante de
l’efficacité de la foi dans les rangs de l’armée
musulmane, celle des seigneurs Ghatafani se traduisait
par le contraire. Leur arrivée secrète chez le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pour la conclusion d’une
paix séparée en contrepartie d’un bien matériel éphémère
révéla sans équivoque l’absence de foi et de volonté
chez les Coalisés, leur divisions et qu’ils étaient
prêts à trahir.
La différence entre la foi absente des polythéistes et
celle inébranlable des Compagnons du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fit toute la différence
et sans cette foi avec laquelle ils s’étaient armés, les
Musulmans n’auraient jamais pu tenir devant ces
innombrables troupes.
Ce qui reste surprenant c’est que les Mecquois n’ont
même pas cherché à combler le fossé bien qu’ils fussent
en nombre élevé et ils auraient pu le combler en
quelques temps à peine mais leur absence de foi les
empêcha d’enregistrer une victoire décisive sur les
Musulmans, en faisant fi du fossé qui ne pouvait pas
être un obstacle à l’invasion d’autant plus que les
Musulmans étaient en nombre insignifiant.
Les Coalisés auraient pu aussi forcer le passage ou
jeter des ponts sur le fossé mais cela demandait des
sacrifices personnels de la part des hommes à qui il
manquait cette foi comparable à celle des Musulmans qui
les auraient suffisamment motivé et donné une raison.
Mais, comme la vraie raison qui les avait poussés à
mettre le siège sur Médine était une raison purement
matérielle, il allait de soi que ces troupes ne
s’aventureraient pas à prendre des risques.
Si les rôles avaient été inversés, le fossé n’aurait pas
été un obstacle pour les Musulmans pour occuper la ville
avec une telle force et pour preuve cela arrivera
maintes fois tout au long de leurs conquêtes dans
l’Histoire de l’Islam comme en Syrie et en Irak, lorsque
les Perses et les Byzantins se retranchèrent derrière
leurs lignes défensives.
C. Les conséquences
du siège
Le plan élaboré par les seigneurs juifs de Khaybar qui
engagea les Qouraysh et Ghatafan avait un but des plus
terrifiants ; celui d’exterminer les Musulmans et de
détruire la base de l’Islam.
Cependant quels furent les fruits récoltés par les
seigneurs juifs, Qouraysh et Ghatafan de ce siège bien
organisé ?
Les résultats furent sans l’ombre d’un doute, contraires
à cent pour cent à leurs espérances.
1 - Les coalisées battirent en retraite emportant avec
eux une défaite honteuse que ne subirent ni Qouraysh, ni
Ghatafan, ni les Juifs dans leurs histoires respectives.
La réputation des deux tribus se trouva, par conséquent,
sérieusement ébranlée à tel point qu’elles
n’entreprirent aucune autre offensive majeure contre les
Musulmans qui eux au contraire, virent leur position se
renforcer considérablement et n’allaient plus être
attaqués après cette agression.
2 - La moisson récoltée par les Juifs sera considérée
comme une dure perte et si les polythéistes de Qouraysh
et Ghatafan perdirent leur réputation, les Juifs, eux,
seront décimés et huit cents hommes seront exécutés pour
trahison et le malheur qui tombera sur les Banou
Qouraydah atteindra aussi les Juifs de Khaybar. Avec la
chute de leur citadelle, le dernier rempart des Juifs
s’écroulera à jamais dans toute l’Arabie et l’on
entendra plus parler d’eux dans ce pays.
Le mystère des
Ghatafan
Enfin, il reste une question qui demande quelque
éclaircissement et il s’agit de la position, lors du
siège, de la tribu de Ghatafan du Najd dont les hommes
constituèrent plus de la moitié des troupes coalisées.
L’histoire ne mentionne aucun rôle joué par eux et ne
serait-ce qu’un seul homme des leurs. Ceux qui
traversèrent le fossé avec leurs chevaux étaient tous de
Qouraysh, ainsi que les chefs qui dirigèrent à tour de
rôle les opérations militaires de harcèlement. Aucun
chef des Ghatafan, là aussi, ne participa à une
quelconque sortie. Quel fut donc le secret de cette
inactivité de leur part ?
Il parait que la seule et principale cause est que les
commandants des troupes de Ghatafan perdirent l’espoir à
la vue du fossé, de ne pouvoir envahir Médine qu’au prix
de sacrifices importants. Et puis, ces troupes, qui
n’avaient pas de foi les liant à Allah, ne comprenait
pas le sens véritable de leur mort devant une grande
tranchée qui les attendait comme une tombe contrairement
aux Musulmans qui étaient prêts à mourir pour la cause
d’Allah.
Enfin, Ghatafan n’avait pas cette animosité idéologique
amère qui se trouvait enracinée chez Qouraysh et les
Juifs. Ces hommes n’étaient que des bédouins naïfs qui
ne voyaient dans les campagnes et les guerres que des
moyens pour spolier et exproprier des biens matériels
étroits avec un minimum de pertes possibles.
Ainsi face à cette nouvelle tactique militaire (le
fossé), ils se résignèrent à l’idée qu’ils ne pourraient
avoir une part du butin avec les méthodes dont ils
avaient l’habitude d’user et que par conséquent,
l’invasion de Médine risquait de leur coûter de lourds
sacrifices. Devant une telle équation, Ghatafan préféra
donc la sécurité de ses hommes au butin.
Site d'al-Khandaq
[1]
Al-Bidayah wa an-Nihayah,
t. IV, p: 111.
[2]
Il est rapporté dans
as-Sirah
al-Halabiya, t II, p.109 que Nou'aym
Ibn Mas'oud dit : « O Messager d’Allah, je vais
dire (ce qu’imposait la situation) même si cela
est contraire à la réalité. »
- Dis ce
qui te parais nécessaire pour une telle
circonstance » dit le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam). » Nou'aym Ibn Mas'oud sortit
alors et contacta les Banou Qouraydah qui
étaient alors ses compagnons de plaisir. (...) »
[3]
Voir at-Tabaqat al-Koubra d’Ibn Sa‘d, t II, p. 69,
al-Bidayah wa an Nihayah, t IV, P: 111,
as-Sirah al-Halabiya, t II, p. 108 et suivantes,
Sirah Ibn
Hisham, t II, p.229, al-Kamil d’Ibn
al-Athir, t II, p.125 et enfin
Jawami’
as-Sirah d’Ibn Hazm, p. 109 et
suivantes.
[4]
Voir la
Sirah d’Ibn Hisham, t II, p.232,
al-Bidayah
wa an-Nihayah, t IV, p. 115 et
as-Sirah
al-Halabiya, t II, p:.p10 et
suivantes.
[5]
As-Sirah al-Halabiya,
t II, p. 116. |