Les activités militaires des Musulmans avant la bataille d’Ouhoud Entre les batailles de Badr et d’Ouhoud, il y eut ce qu’on peut appeler des escarmouches militaires entre les Musulmans d’une part, Qouraysh, une partie des Juifs et les polythéistes arabes d’autre part. Mais, il faut signaler, que ces ennemis, dans leurs agressions, n’étaient pas du tout unis dans un front commun, au bénéfice des Musulmans qui surent être les plus actifs et les plus efficaces. Durant ce très court intervalle, les actions militaires ressemblaient beaucoup plus à des blitzkriegs ou des guerres éclairs exécutées par des commandos musulmans qui surprenaient chaque ennemi dans son lieu de rassemblement avant même qu’il ne se mit en marche sur Médine. En d’autres termes, il n’y eut pas de véritables accrochages pendant cette période. En prenant en compte le siège des Banou Qaynouqa’ et l’exécution de Ka’b Ibn al-Ashraf, on peut résumer ces activités militaires ainsi : 1. L’expédition des Banou Soulaym Ce fut le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en personne qui commanda le premier détachement militaire composée de deux cents combattants sur le territoire des Banou Soulaym[1] et de Ghatafan[2], au point d’eau dit Qarqara al-Koudr situé à huit étapes de Médine sur la route commerciale orientale entre La Mecque et la Syrie. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) eu de sérieuses raisons quand il décida de diriger lui-même ce détachement. Il reçut, des informations très sures l’avertissant que les tribus de Ghatafan et Soulaym s’étaient militairement unifiées et mobilisaient leurs troupes pour razzier prochainement Médine. Ces troupes ennemies qui se préparaient fébrilement à la razzia de la communauté musulmane ne s’attendaient pas à voir arriver sur leur lieu de rassemblement le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses 200 Compagnon et à la vue de la troupe musulmane, les guerriers de Ghatafan et de Soulaym s’enfuirent rapidement dans la nature. Eux qui s’apprêtaient à partir en guerre contre les Musulmans, ne trouvèrent comme seule riposte que la clef des champs et s’enfuirent en laissant derrière eux cinq cents chameaux que les Musulmans n’eurent aucune peine à prendre comme butin de guerre. Leur surprise fut si grande qu’ils n’eurent même pas le courage de se montrer pendant les trois jours que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons passèrent dans leur territoire. Cette expédition qui fut un succès pour les Musulmans eut lieu dans les derniers jours de Shawwal de l’an 02 de l’Hégire. 2. La course poursuite d’as-Souwayq Dans cette expédition précipitamment exécutée durant le mois de Dzoul Hijjah de la même année, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) sortit rapidement avec quelques Compagnons à la poursuite d’une troupe de cavaliers de Qouraysh commandée par Abou Soufyan Ibn Harb qui eut le courage de s’attaquer à Médine. Comment cela se produit-il ? Après la défaite de Badr, Abou Soufyan jura de ne pas se laver la tête et cela avait certainement une signification pour les Arabes, qu’après avoir razzié le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dans son propre fief. C’était en quelque sorte un défi qu’il s’était lancé à lui-même. Et, pour relever son propre défi, il monta une escorte de deux cents cavaliers, tous de Qouraysh, puis se dirigea avec sa troupe vers Médine. Mais, sur place, il n’osa pas s’attaquer de front à la ville du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Cependant, ce qu’il commit ressembla beaucoup plus à un acte de brigand qu’à un fait d’arme digne d’un guerrier. En effet, pour commettre son forfait, Abou Soufyan, en arrivant sur place, élabora avec précaution un plan qui fut scrupuleusement accompli à large échelle. D’abord, il désigna un endroit discret où ses cavaliers bivouaquèrent dissimulés des regards curieux. Puis, à la faveur de la nuit, il s’infiltra discrètement dans la ville où il rencontra dans un tête-à-tête secret Sallam Ibn Mashkam, le seigneur des Banou an-Nadr qui ne fut pas avare en renseignements. Ensuite, il revint au bivouac avec les précieuses informations qui lui facilitèrent l’élaboration de son agression et envoyer dans les jardins musulmans un groupe de cavaliers qui allèrent exécuter scrupuleusement ses ordres. Ces cavaliers n’hésitèrent aucunement à tuer deux paysans musulmans et provoquer des incendies criminels dans un ensemble de palmiers, avant de se retirer précipitamment vers leur base arrière. Cependant, quoique réussie, leur retraite ne se passa pas dans les mêmes conditions de leur arrivée et ils furent vite repérés par les Musulmans ce qui facilita donc en quelque sorte l’organisation de la riposte. En effet, pendant que Médine s’occupait à limiter les dégâts dans les vergers et à prodiguer les premiers secours, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) était déjà parti sur la route avec un groupe de Musulmans à la poursuite d’Abou Soufyan et de ses hommes de main. Malheureusement, ces derniers réussirent à décrocher et à prendre une sérieuse avance qui leur permit de se sauver. Dans leur fuite précipitée, ils se débarrassèrent d’as-Souwayq (un mélange arabe de céréales) pour ne pas gêner et encombrer les chevaux dans leur course. C’est de ce fait, que l’on donna ce nom à cette agression et à cette course poursuite. Quant au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons, ils revinrent sur leurs pas sans qu’ils avoir pu rattraper les fuyards bien que leur poursuite les menèrent jusque dans la région de Qarqar al-Koudra. 3. L’expédition de Dzou ‘Amr Cette expédition eut lieu au mois de Mouharram de l’an 03 de l’Hégire et fut commandée également par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ou participèrent pas moins de quatre cent cinquante combattants musulmans, fantassins et cavaliers confondus contre des bédouins qui s’apprêtaient à agresser Médine. Numériquement parlant, elle fut la plus importante avant la bataille d’Ouhoud. Agissant toujours sur renseignements l’informant que les Tha’labah[3] et les Mouharib[4] rassemblaient leurs troupes en vue d’attaquer Médine, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en tant que stratège militaire constitua rapidement cette troupe et se dirigea sans délai vers l’endroit où les tribus avaient décidés de se rassembler ; Dzou ‘Amr, un point d’eau appartenant à ces deux tribus d’où, le nom de cette expédition. Il faut dire ici qu’un heureux concours de circonstances facilita la tâche des Musulmans dans leurs efforts pour repérer l’endroit. En effet, en cours de route, un homme des Banou Tha’labah, du nom de Houbab, tomba entre leurs mains et leur servit de guide dans le territoire de ces tribus après qu’il eut bien sur embrassé l’Islam. Cependant, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons ne purent profiter de l’effet de surprise malgré le précieux apport de ce nouveau musulman car, ces bédouins qui se préparaient à razzier Médine eurent vite fait de se disperser dans les montagnes avant même l’arrivée de la troupe musulmane. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) toutefois resta avec ses hommes durant un mois près de ce point d’eau à défier les fuyards mais surtout à leur faire comprendre que les Musulmans étaient suffisamment forts pour non seulement défendre leur ville mais aussi pour choisir n’importe quel champ de bataille. 4. L’expédition de Bourhan Cette expédition, qui dura deux mois, débuta au mois de Rabi’ Awwal de l’an 03 de l’Hégire, aussitôt que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut informé que la tribu des Banou Soulaym préparait activement ses troupes pour une très proche razzia de Médine. Cette fois aussi, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et trois cents Compagnons arrivèrent trop tard au lieudit Bourhan (dans le Hijaz) déserté par les Banou Soulaym de peur de se voir battus à plate couture. Mais, pour des buts tactiques, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) préféra rester deux mois avec ses hommes à inspecter les parages et les habitations de ces prétendus guerriers qui n’osèrent même pas défendre leurs terres. 5. L’expédition de Zayd Ibn Haritha De toutes les expéditions préventives organisées par les Musulmans, celle-ci fut la plus profitable sur le plan du résultat immédiat, non seulement à cause du nouveau succès qu’elle apporta à la cause de l’Islam, mais surtout à cause de la victoire que les Musulmans venaient de remporter devant Qouraysh et pour la simple raison que la troupe commandée par Zayd Ibn Haritha réussit à surprendre une caravane de Qouraysh soit disant protégée par Abou Soufyan Ibn Harb et Safwan Ibn Oumayyah. Pour plus d’éclaircissement, il est nécessaire de reprendre depuis le début, plus précisément depuis la défaite de Qouraysh à Badr. Depuis cette défaite, les seigneurs Qouraysh craignaient désormais la route commerciale occidentale qui passait tout près de la région de Yathrib devenue sous contrôle musulman. Cette route, qui était le plus court chemin vers les marchés de Syrie, n’était plus sure pour leurs activités commerciales ce qui, les obligea à changer l’itinéraire de leurs caravanes et de prendre la route orientale, une route beaucoup plus longue et éprouvante qui passait par le Najd et l’Irak pour arriver finalement en Syrie. Autrement dit, les seigneurs Qouraysh furent contraints d’astreindre leurs caravanes à ce long détour plutôt que de les voir constamment menacées par les Musulmans. Et, comme Qouraysh ne connaissait pas cette route, elle loua les services d’un pisteur Najdi appelé Fourat Ibn Hayyan pour indiquer aux caravaniers l’itinéraire à suivre pour leur premier voyage. La caravane ayant à sa tête Safwan Ibn Oumayyah et escortée par Abou Soufyan et sa garde prit donc la nouvelle route. Mais, comment les Musulmans purent-ils en être informés? Aussi simple que cela puisse paraitre bien qu’on ne connaisse pas tous les détails, tout commença pour les Musulmans dans une taverne juive à Médine, quand un trio de consommateurs aborda les affaires tout en buvant bien avant que les substances enivrantes ne deviennent illicites et comme le vin délie si bien les langues, le polythéiste Nou’aym Ibn Mas’oud parla en détail de la caravane des Qourayshite, de son itinéraire et de sa garde à Kinana Ibn Abou al-Houqayq le Juif et Soulayt Ibn an-Nou’man le Musulman qui rapporta bien évidemment ces renseignements au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), lequel n’attendit pas trop longtemps envoyer cents combattants sous le commandement de Zayd Ibn Haritha avec la stricte recommandation de saisir toute la caravane. Cette fois, les Musulmans ne laissèrent aucune chance à Abou Soufyan pour rééditer son exploit de Badr. A Badr, rappelons-le, il réussit à sauver la caravane pour laquelle étaient sortis le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons. Cette fois, Zayd Ibn Haritha surprit tous les caravaniers sur le chemin du retour alors que les chameaux s’étaient arrêtés pour s’abreuver au point d’eau de Qaradah dans le Najd. Safwan Ibn Oumayyah, Abou Soufyan, sa garde et le reste des caravaniers n’eurent que le temps de s’enfuir laissant aux Musulmans toute la caravane. Disons, en passant, que l’historien al-Hafiz Isma’il Ibn Kathir estima la valeur de ce butin à cent mille (100.000) pièces d’or que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) répartit selon le verset du Qur’an : un cinquième pour le trésor publique et les quatre autres cinquièmes entre les éléments ayant participé à l’expédition. Avec cette saisie, sept mois seulement après Badr, les Qouraysh se virent une nouvelle fois humiliés devant toutes les tribus arabes. Les sentiments de haine et de vengeance avec cette nouvelle perte trouvèrent, par conséquent, une raison supplémentaire de se multiplier davantage. Les préparatifs de Qouraysh Ouhoud, la seconde bataille du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et de l’Islam, fut une amère et sanglante bataille. Le 15 Shawwal de l’an 03 de l’Hégire, les deux camps irrémédiablement inconciliables se jetèrent l’un sur l’autre dans un combat impitoyablement impressionnant où le cliquetis des armes reprit de plus bel après sept mois de relative accalmie. Ce jour-là, le devoir appela le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons à faire face aux partisans de l’incroyance et de l’agression, qui voulurent à tout prix prendre leur revanche après Badr. Les Qouraysh, les désignés en question, jurèrent, après leur défaite, de venger leurs morts et, par-là, de panser les blessures de plus en plus béantes, à l’instar de la mésaventure de la caravane. Avant de venir finalement ce jour-là aux abords de Médine et de croiser le fer avec les Musulmans, les Qouraysh, par l’intermédiaire de leurs seigneurs et notables, entamèrent d’abord des consultations à Dar an-Nadwa pour discuter et décider des mesures qu’ils voyaient nécessaires pour l’expédition militaire sur Médine. L’objectif des polythéistes de Qouraysh, comme nous le voyons, était donc clair : la réunion de leurs seigneurs, par conséquent, avait à son ordre du jour que la conjugaison des efforts et l’organisation des préparatifs de l’expédition. En bref, il n’y eut pas de divergences entre ces seigneurs. Cependant, il faut signaler que certains se montrèrent plus zélés et plus actifs que d’autres à l’exemple de ‘‘Ikrimah Ibn Abou Jahl, Safwan Ibn Oumayyah, Abou Soufyan Ibn Harb et ‘AbdAllah Ibn Abou Rabi’ah. En réalité, ce quatuor était les provocateurs permanent des tribus de Qouraysh et même des tribus voisines comme Kinana et Thaqif contre le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Dans Dar an-Nadwa, toute l’assemblée adopta unanimement la proposition avancée par ces quatre seigneurs et qui consistait à consacrer un fonds de cent cinquante mille dinars en or pour attaquer la ville du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Ce fonds ne furent en fait constitués que des biens et des chameaux de la caravane qui échappèrent à Badr car Qouraysh avait vu que ces biens étaient maudits et que l’affront et la honte ne devaient être lavés qu’avec eux. (As-Sirah al-Halabiya, t.2. p. 13) A propos de ces préparatifs, Allah dit dans son Noble Qur’an : « Ceux qui ne croient pas dépensent leurs biens pour éloigner (les gens) du sentier d’Allah. Or, après les avoir dépensés, ils seront pour un sujet de regret. Puis ils seront vaincus, et tous ceux qui ne croient pas seront rassemblés vers l’Enfer. » (Qur’an 8/36). Les Qouraysh acceptèrent aussi la proposition de Safwan Ibn Oumayyah pour ouvrir les portes du volontariat aux tribus voisines au nom de Qouraysh pour intégrer son armée. Et, pour le succès de l’enrôlement et de l’adhésion des tribus Kinana, ils choisirent deux poètes de la tribu Joumah (une tribu des Qouraysh) : Mousafi Ibn ‘Abd al-Manaf Ibn Wahb Ibn Houthafa Ibn Joumah et Abou ‘Azza ‘Amrou Ibn ‘AbdAllah. Ces deux poètes se rendirent dans les tribus Kinana et ne revinrent à La Mecque qu’après avoir réussi dans leur mission de propagande à tel point qu’un bon nombre de Kinani furent convaincus de s’enrôler dans l’expédition. Il faut dire ici qu’à cette époque, la poésie jouait un très grand rôle dans la vie sociale des Arabes. Enfin prêts, le jour du départ approcha pour Qouraysh qui réussit à mobiliser trois mille hommes avec trois mille chameaux pour le transport des troupes. Dans cette véritable armée, le nombre des cavaliers fut estimé à deux cents sans parler des sept cents boucliers de protection. Ils organisèrent aussi leur armée selon un code reconnu : le commandement général à Abou Soufyan Ibn Harb, celui de la cavalerie à Khalid Ibn al-Walid soutenu par ‘‘Ikrimah Ibn Abou Jahl et le port de l’étendard sous la responsabilité des Banou ‘Abd ad-Dar Ibn Qoussay. L’étendard avait chez les tribus arabes une importance majeure et il ne devait à aucun prix chuter sinon cela signifiait la défaite. Enfin, pour plus de détermination et de mobilisation, Qouraysh permirent à ses chefs militaires d’être accompagnés par leurs femmes. Cette mesure avait aussi une autre fonction : empêcher les troupes et leurs chefs, à la vue de ces femmes, de fuir le champ de bataille au cas où l’affrontement serait très dur. Quinze femmes participèrent à l’expédition d’Ouhoud. Parmi elles : 1. Hind Bint ‘Outbah Ibn Rabi’ah, la femme d’Abou Soufyan. 2. Oum Hakim Bint al-Harith Ibn Hisham Ibn al-Moughirah, la femme de ‘‘Ikrimah Ibn Abou Jahl. 3. Fatima Bint al-Walid Ibn al-Moughirah, la femme d’al-Harith Ibn Hisham Ibn al-Moughirah. 4. Barza Bint Mas’oud Ibn ‘Umar, la femme de Safwan Ibn Oumayyah. 5. Rayta Bint Mounbih Ibn al-Hajjaj, la femme de ‘Amrou Ibn al-‘As. 6. Soulafa Bint Sa’d Ibn Shahid, la femme Talha Ibn Abou Talha. 7. Khanas Bint Malik Ibn al-Mazrab avec son fils Abou ‘Aziz Ibn ‘Oumayr (le frère de Mous’ab Ibn ‘Oumayr, le porteur de l’étendard des Musulmans) et, 8. ‘Amra Bint ‘Alqama des Banou al-Harith Ibn ‘Abd al-Manaf de Kinana. Quand tous les préparatifs furent terminés, quand tout fut mis au point, l’armée mecquoise se mit en marche en direction de Médine avec cette fois ce fait notable : les chefs militaires se jurèrent de préserver coute que coute l’unité du commandement des troupes et de ne pas émettre des avis contradictoires qui risqueraient d’influer négativement l’exécution des opérations ayant encore en mémoire la débâcle de Badr. Les Musulmans en état d’alerte Comment le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut-il informé et comment prépara-t-il en conséquence son armée ? Il est de notoriété que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) naquit à La Mecque et qu’à La Mecque habitaient encore ses oncles dont al-‘Abbas Ibn ‘Abd al-Mouttalib qui y était revenu, rappelons-le, après avoir acheté sa liberté à la suite de la défaite de Badr. Al-‘Abbas, qui peut-être vécu la plus mauvaise aventure de sa vie, garda, malgré tout, son amour intact pour son neveu. Il faut dire qu’il l’estimait beaucoup au point où il eut toujours peur pour lui, bien qu’il ne fût pas encore converti à l’Islam. Ce fut donc lui qui avait averti le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) quand Qouraysh termina ses préparatifs pour l’expédition. Il lui envoya avec un de ses hommes de confiance une lettre où il mentionna tous les détails importants concernant le nombre des troupes, le jour du départ, etc. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) reçut la lettre, alors qu’il était dans la mosquée de Qouba[5]. Et, comme il ne savait pas lire, il l’a donna à ‘Oubay Ibn Ka’b pour qu’il lui la lise. Dès qu’il fut été informé du contenu, il prit la première mesure et demanda à ‘Oubay Ibn Ka’b de ne révéler cette nouvelle à personne. Puis, il rentra aussitôt à Médine et contacta les seigneurs des Ansar et des Mouhajirine afin de faire face à la situation. Quand toutes les dispositions furent prises, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) donna l’alerte et l’ordre de mobilisation générale. Tout Médine, plutôt tous les Musulmans se préparèrent alors en conséquence et prêts, les armes à la main, répondirent à l’appel du rassemblement. Quiconque aurait pu voir Médine à ce moment aurait certainement pensé que quelque chose d’important allait se passer. Tous les Musulmans étaient sur le qui-vive, sabre au fourreau, lance à la main ou arc et carquois sur le dos, circulant dans les rues et ruelles de Médine, vaquant aux préparatifs de la bataille tout en restant attentifs à l’ordre de rassemblement qu’ils attendaient d’un moment à l’autre. Les armes ne les quittèrent même pas pendant les prières. Devant Allah, ils accomplissaient la prière armés et sitôt la prière accomplie, chacun revenait à la tâche qui lui avait été désigné. Dans cette première étape du conflit, les activités essentielles dans le camp des Musulmans furent une surveillance accrue assurée par des patrouilles qui circulaient aux abords de Médine et même plus loin pour que la ville ne soit pas prise par surprise par les troupes de Qouraysh. D’autre part, pour protéger et assurer la sécurité du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), une garde composée d’Ansar fut assurée la veille précédant la réception des renseignements d’al-‘Abbas Ibn ‘Abd al-Mouttalib et parmi eux se trouvait Sa’d Ibn Mou’ad, Oussayd Ibn Houzayr et Sa’d Ibn ‘Oubadah. Les patrouilles musulmanes menèrent à bien leur mission de surveillance, puisque deux d’entre elles réussirent à repérer les troupes Qouraysh à plusieurs Mayl[6] de Médine et informèrent immédiatement le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) sur le camp choisi par l’ennemi et l’itinéraire suivi par les troupes. D’après les indications de ces deux patrouilles, l’armée mecquoise suivit la vallée d’al-‘Aqiq puis avait bifurqué à droite avant d’installer son camp dans une Sabkha[7] près de la vallée de Qanat située au nord de Médine, plus précisément à côté de la montagne de ‘Aynayn appelée plus tard la montagne des Archers. En aparté, il faut dire qu’avant d’arriver sur les lieux, les troupes de Qouraysh faillirent commettre un sacrilège. En effet, durant le trajet d’ailleurs habituel (la route occidentale) qui amena les guerriers mecquois à Médine en passant par ‘Ousfan, Khoulays, al-Jouhfa, Rabigh puis enfin al-Abwa’, Hind Bint ‘Outbah, la femme d’Abou Soufyan, incita les hommes à profaner la tombe d’Amina Bint Wahb, la mère du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Mais certains Qouraysh influents et raisonnables s’opposèrent vigoureusement en disant : « Cette porte ne doit pas être ouverte, sinon les Banou Bakr profaneront nos morts. » (As-Sirah al-Halabiya, t.2. p. 14). Dès que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut informé de l’arrivée de l’armée mecquoise, il provoqua la réunion prévue de son conseil de guerre à laquelle prirent part tous ses lieutenants ainsi que les seigneurs des Aws et Khazraj dont ‘AbdAllah Ibn ‘Oubay Ibn Saloul, le célèbre hypocrite. Dans cette réunion, tenue le 14 Shawwal de l’an 03 de l’Hégire, les discussions se polarisèrent essentiellement sur le choix du champ de bataille. A la lumière des témoignages rapportés dans les œuvres des chroniqueurs et des historiens, il apparait que le débat porta sur deux avis opposés : se retrancher à l’intérieur de Médine ou engager la bataille à l’extérieur de la ville. Le premier avis (le retranchement) fut exposé en détail par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et chose curieuse, fut soutenu par ‘AbdAllah Ibn Oubay. Quant à l’autre avis, il eut l’appui de la majorité du conseil. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) se plia à la majorité non parce que ses lieutenants avaient raison mais parce qu’il remarqua l’ardeur et l’enthousiasme de leur jeunes à sortir croiser le fer en rase campagne (As-Sirah al Halabiya, t.2. p.14) et c’est peut-être pour cette raison qu’il ne voulut pas les contrarier et Allah Exalté est Plus Savant. Toutefois après la réunion, ces jeunes et fougueux lieutenants, par sentiment de culpabilité revinrent trouver le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et lui dirent qu’ils étaient prêts à exécuter ses ordres : « Nous aurions dû ne pas te contredire et te forcer à engager le combat à l’extérieur de la ville. Fais ce que tu veux. Donne-nous l’ordre de combattre à Médine et nous obéirons ! » Mais le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne se rangea pas cette fois à leur opinion et maintint la décision prise en conseil : « Il ne convient à un Prophète de ranger ses armes après qu’il les a prises excepté dans le cas où Allah décide de l’issue du combat qui l’oppose à ses ennemis. Je vous ai appelé à combattre dans la ville mais vous avez préféré l’autre alternative. Par conséquent, craignez Allah, armez-vous de patience sur le champ de bataille et observez mes ordres ! » Avec ce prompt rappel de son inébranlable volonté, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) montra à ses lieutenants que le temps n’était pas aux hésitations ou aux considérations subjectives. Puis, il donna l’ordre de se mettre en route aux combattants médinois qui étaient au nombre de mille à ce moment, juste avant le retrait des hypocrites. En marche vers Ouhoud Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) organisé sa petite armée comme suit : 1. Les Mouhajirine dont l’étendard fut confié à Mous’ab Ibn ‘Oumayr al-Abadri. 2. Les Aws dont l’étendard fut confié al-Houbab Ibn al-Moundir. 3. Les Khazraj dont l’étendard fut confié à Oussayd Ibn Khouzayr. Après la désertion des hypocrites, l’armée du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) se réduisit à sept cents combattants dont un seul cavalier et cent boucliers de protection. L’armée médinoise se mit alors en marche et lorsqu’elle arriva à la tombée de la nuit près d’ash-Shaykhan (deux petites montagnes), elle s’arrêta sur ordre du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). A cet endroit, il passa d’abord en revue les troupes et du fait de leur jeune âge, il congédia quelques jeunes dont ‘AbdAllah Ibn ‘Umar Ibn al-Khattab, Zayd Ibn Thabit, Oussama Ibn Zayd, Zayd Ibn Arqam, al-Bara’ Ibn ‘Azib, Oussayd Ibn Dahir, ‘Araba Ibn Aws, Abou Sa’d al-Khoudr, Zayd Ibn Haritha l’Ansar, Rafi’ Ibn Khadij, Samourah Ibn Joundoub et Sa’d Ibn Habatah. Ensuite, il dirigea la prière du Maghrib et celle du ‘Isha avant de passer la nuit avec ses Compagnons et les fameux hypocrites qui n’avaient pas encore dévoilé leur plan. Ils dormirent donc tous à cet endroit sous l’étroite surveillance de cinquante sentinelles et Dhakwan Ibn ‘Abd Qays assura la garde du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). La trahison des hypocrites et leur désertion Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) reprit le chemin avec son armée avant même le lever du soleil et à ash-Shawat, il s’arrêta pour diriger la prière Soubh alors que tous les Musulmans portaient les armes car l’ennemi était désormais en face d’eux. C’est à cet endroit que ‘AbdAllah Ibn Oubay se rebella puis déserta avec trois cents nommes qui accompagnèrent l’armée du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Ces 300 hommes et à leur tête Ibn Oubay étaient tous des hypocrites. Cet hypocrite notoire revint donc à Médine avec son détachement de viles hypocrites après avoir protesté contre la décision du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et dit : « Il (le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) m’a désobéi et obéi à ces jeunes qui ne savent même pas raisonner. Il va donc voir. » Puis il ne cessa de tenter de provoquer une scission dans les rangs des Musulmans en disant : « Pourquoi sacrifierons-nous nos vies ? Retournez chez vous, o gens ! » Avec cette déclaration, l’hypocrite Ibn Oubay dévoila son véritable dessein qui n’était rien d’autre que de semer le trouble et le doute dans l’armée musulmane devant l’ennemi qui était très proche et visible. Signalons, qu’il failli réussir dans sa tentative car les Banou Haritha des Aws et les Banou Salamah des Khazraj influencés par les propos de ce grand hypocrite, furent sur le point de se retirer et retourner à Médine. Cela aurait pu être une catastrophe pour l’Islam si ces deux tribus s’étaient retirées du champ de bataille et laissé le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) seul avec le reste de ses Compagnons. Mais, grâce à l’intervention d’Allah, ces deux tribus résistèrent à la tentation et luttèrent au côté du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) jusqu’à la fin de la bataille. Ce sont d’ailleurs ces deux tribus qui sont désignées par Allah dans le Qur’an : « Quand deux de vos groupes songèrent à fléchir ! Alors qu’Allah est leur allié à tous deux ! Car, c’est en Allah que les croyants doivent placer leur confiance. » (Qur’an 3/122) Malgré cette inqualifiable trahison, ‘AbdAllah Ibn ‘Amrou Ibn Haram, un des seigneurs Khazraji les plus influents, essaya de persuader les hypocrites de revenir sur leur décision en leur rappelant que cet acte était contraire au code de l’honneur et même aux simples bases de la vie de l’homme. Dans sa tentative de persuasion, il les suivit jusqu’à dans leur retrait en disant : « Je vous conjure, n’abandonnez pas les vôtres et votre Prophète alors que l’ennemi est là. » Et les hypocrites au lieu de rester silencieux, ils eurent l’audace de dire : « Si nous avions su que vous lutteriez, nous ne serions pas venus avec vous. » A l’adresse de ‘AbdAllah Ibn Oubay et de son détachement d’hypocrites, Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, fit descendre ce Verset : « …Et qu’Il distingue les hypocrites. On avait dit à ceux-ci : « Venez combattre dans le sentier d’Allah, ou repoussez [l’ennemi], » ils dirent : « Bien sour que nous vous suivrions si nous étions surs qu’il y aurait une guerre. » Ils étaient, ce jour-là, plus près de la mécréance que de la foi. Ils disaient de leurs bouches ce qui n’était pas dans leurs cœurs. Et Allah sait fort bien ce qu’ils cachaient. » (Qur’an 3/167) Cette rébellion perfide dirigé par ‘AbdAllah Ibn ‘Oubay à ce moment précis fut sans aucun doute une action sordide et un complot ignoble qui visait à faire voler en mille morceaux l’unité de l’armée de Muhammad (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et d’affaiblir par conséquent la cohésion et la force des Musulmans juste avant la bataille. Mais, grâce à Allah, ce complot échoua lamentablement, car le chef des hypocrites ne se retira qu’avec ses compères et, s’ils étaient restés avec les Musulmans, leur présence aurait été un dangereux facteur de division et de désintégration de l’armée. C’est comme si Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, voulu montrer aux Musulmans les véritables intentions des hypocrites. La défection de ces derniers à cet endroit fut en quelque sorte une purification de l’armée de Muhammad, par laquelle Allah élimina les conspirateurs et les défaitistes. Allah Exalté n’a-t-il pas dit dans Son Noble Qur’an : « S’ils étaient sortis avec vous, ils n’auraient fait qu’accroitre votre trouble et jeter la dissension dans vos rangs, cherchant à créer la discorde entre vous. Et il y en a parmi vous qui les écoutent. Et Allah connait bien les injustes. » (Qur’an 9/47). Cette défection ne passa pas sans qu’elle provoqua quelque malaise parmi les Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). En effet, les Musulmans se divisèrent quant au traitement à réserver à ces traitres. Certains voulurent les punir sur place en les exécutants sans délai avant d’affronter les Qouraysh tandis que d’autres dont le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pensèrent qu’il valait mieux les laisser à leur sort. Ce second jugement, décidé par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en tant que commandant de l’armée, fut le plus juste et le plus perspicace pour tout spécialiste militaire car si les Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) avaient combattus les hypocrites, les conséquences auraient pu être très graves, désastreuses et impossibles à maitriser. [1] Soulaym : Une tribu ‘Adnani habitant les hauteurs de Najd. [2] Ghatafan : Une tribu Qahtani voisine des Banou Soulaym. [3] Les Tha’labah Ibn Oumayyah, une branche de Ghatafan. [4] Les Mouharib Ibn Hit Ibn Bahtha, une branche des Soulaym. [5] Qouba que vous devez tous connaitre : un petit village à un peu plus d’une heure de marche de la mosquée du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) où habitaient les Banou ‘Amrou Ibn ‘Awf (des Ansar). [6] Mayl : une unité de mesure de distance arabe que nous traduisons par mile. [7] Sabkha : marécage salé, parfois temporairement asséché |