La bataille de Badr
L’acharnement des
Qouraysh
Le Messager d’Allah, Muhammad Ibn ‘Abdallah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) passa après la Révélation treize
années à La Mecque durant lesquelles il appela
pacifiquement les gens à embrasser l’Islam. Cependant,
ses ennemis usèrent tous les moyens pour l’amener à
renoncer à sa noble mission (agressions, moqueries,
mensonges, menaces, tentatives de corruption...) à tel
point qu’au début, ils remportèrent un large succès et
réussirent à éloigner les gens de lui.
A ce propos, voici ce qu’a rapporté Ibn Hisham : « Parmi
les choses très dures que supporta le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), il est ceci : « Un
jour, alors qu’il prêchait on le traita de menteur et on
lui fit beaucoup de mal partout où il passait. Tout
Qouraysh se leva ce jour-là, contre le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), avec ses esclaves et
ses hommes libres. Il fut alors contraint de rentrer
chez lui pour ne pas s’effondrer. Chez lui on le couvrit
d’un vêtement et Allah Exalté fit descendre sur lui la
Qur’an de l’Enveloppé : « O toi, l’enveloppé
[dans tes vêtements] ! Lève-toi [pour prier], toute la
nuit, excepté une petite partie... » (Qur’an
73/1)
Les actions nuisibles de propagande contre le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne se limitèrent pas
dans la tribu de Qouraysh mais s’étendirent aussi aux
autres tribus du pays. Ainsi les Qouraysh constituèrent
des délégations qu’ils envoyèrent en mission à ces
tribus pour contrecarrer le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), le mettre en échec par
le mensonge et la diffamation. De même, lors du
pèlerinage, des groupes d’hommes nuisaient au Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui réussit toutefois à
convaincre à sa juste cause un bon nombre de pèlerins.
Voyant son audience s’étendre au-delà de La Mecque, les
notables de Qouraysh se réunirent dans « Dar an-Nadwa »
pour se consulter et prendre de nouvelles décisions car
ils voyaient en lui (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) un
danger qui menaçait constamment leurs croyances et un
affront envers leurs dieux. Le premier qui prit la
parole fut al-Walid Ibn al-Moughirah al-Makhzoumi. Une
discussion s’ensuivit dont voici la teneur :
- « Le pèlerinage est proche, et les pèlerins arabes
vont arriver en grand nombre, » dit al-Walid, « ils ont
eu écho de ce que dit cet homme (le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam)). Unissez-vous donc et
ayez une position commune. »
- « C’est toi le Grand des ‘Abd ash-Shams.
Conseille-nous et nous exécuterons, » lui
répondirent-ils.
- « C’est plutôt vous qui devez parler. J’écoute. »
Et là, les orateurs se succédèrent pour donner leurs
avis. L’un d’eux dit :
- « Nous dirons que c’est un devin. »
- « Non, » répliqua al-Walid, « par Allah Exalté, il
n’est pas un devin. Nous connaissons les devins. Ses
paroles ne sont pas des bredouillements de devin. »
- « Alors colportons qu’il est fou, » proposa un autre.
- « Non, » répondit encore al-Walid, « il n’est pas fou.
Nous connaissons ce qu’est la folie. » Les paroles qu’il
prononce ne sont pas des divagations de fou. »
- « Disons alors que c’est un poète, » suggéra un autre
notable.
- « Non, » s’opposa-t-il encore une fois, « il n’est pas
poète. Nous connaissons toute la poésie. Non, ce qu’il
dit n’est pas de la poésie. »
- « Nous dirons donc que c’est un sorcier, » insista un
autre notable.
- « Il n’est pas sorcier, » leur répondit-il, « nous
avons vu les sorciers et leurs tours. Ce ne sont pas des
paroles de sorcier... »
- « Alors, que devrions-nous dire, ô Grand des ‘Abd
ash-Shams ? »
- « Je jure, » leur dit-il « en toute franchise, que ce
qu’il dit est agréable, que sa source est toute
différente de ce que nous connaissons, que ses propos ne
sont que des fruits succulents à portée de main. Ce que
vous venez de dire est faux. Cependant, vous pouvez dire
de lui, sans le qualifier de sorcier, que c’est un
individu qui répand des paroles magiques provoquant des
afflictions et des divisions entre le père et son fils,
le frère et son frère, le mari et sa femme et l’homme et
son clan. »
Tous les notables acceptèrent alors l’idée d’al-Walid,
puis passèrent immédiatement à son exécution.
Ibn Ishaq a rapporté : « ... Ils colportèrent cela aux
pèlerins qu’ils rencontrèrent mais personne ne prit au
sérieux leur calomnie et le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) sortit vainqueur face à ses nombreux
ennemis si bien qu’on parla désormais de lui et de son
Message dans toutes les contrées d’Arabie. »
Cette adversité, ces entraves et ces accusations
fomentées par Qouraysh n’entamèrent en rien la volonté
du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et
il persévéra dans sa mission si bien que les rangs des
Musulmans grossirent tout comme la colère et l’angoisse
des Qouraysh.
Abou Talib
Le gain des succès successifs poussèrent les notables de
Qouraysh à opter pour une autre solution dans l’espoir
de voir le Prophète Muhammad (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) abdiquer. Ils envoyèrent alors à Abou Talib,
l’oncle du Prophète, une délégation qui exprima leurs
vives protestations. Abou Talib, doyen des Hashim et
protecteur du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
après la mort de son grand-père ‘Abd al-Mouttalib, reçut
la délégation de « Dar an-Nadwa » dans le « Cercle » des
Bani Hashim, et, devant les notables de la famille des
Bani ‘Abd al-Manaf, écouta le chef de la délégation dire
: « Ecoute, Abou Talib... Tu es considéré et respecté
parmi nous. Nous t’avons déjà demandé de retenir ton
neveu, mais tu n’as point fait. Par Allah, nous ne
pouvons supporter davantage. Ton neveu persiste à
insulter nos « pères, » à qualifier de stupides nos
croyances et à tourner en dérision nos dieux. Nous ne
pouvons tolérer cela. Ordonne-lui d’arrêter, sinon nous
le combattrons et toi avec jusqu’à ce que périsse l’un
de nous. »
Ce violent avertissement provoqua en ‘Abou Talib, déjà
d’un âge avancé, un sentiment d’impuissance. Il convoqua
son neveu après le retrait de la délégation, l’informa
de l’avertissement des Qouraysh puis lui demanda de
cesser de critiquer leurs dieux, de l’épargner et de ne
pas l’accabler encore plus car il ne pourrait supporter
davantage.
La réponse du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) ne tarda à venir. Sans hésiter et sans céder aux
pressions des Qouraysh, il dit à son vieil oncle : « O
mon oncle ! Par Allah, je n’abandonnerai pas cette
mission, même si l’on déposait le soleil dans ma main
droite et la lune dans ma main gauche. » Sur ce, il se
retira du conseil des Banou Hashim. Abou Talib le
rappela aussitôt alors qu’il était déjà dehors et lui
dit sans le moindre regret : « Va, fils de mon frère et
dis ce que tu veux. Je ne te livrerai pour rien au
monde. Je le jure. » Puis, il convoqua tous les notables
des Banou Hashim et des Banou al-Mouttalib, les informa
de la gravité de la situation, (parce qu’il entrevoyait
la réaction des Qouraysh,) et leur demanda enfin de
l’épauler et de l’aider à protéger Muhammad. Tous,
idolâtres et Musulmans, répondirent positivement à
l’appel de leur doyen excepté Abou Lahab, l’oncle du
Prophète, qui déclara son hostilité.
Ainsi, un nouveau tournant marqua la lutte entre l’Islam
et l’idolâtrie : Les craintes des Qouraysh augmentèrent
après la position des Banou Hashim et des Banou
al-Mouttalib, deux tribus qui pesaient lourdement parmi
les tribus mecquoises tant sur le plan militaire que
politique.
Certes, les Qouraysh pensèrent à mener une guerre contre
les deux tribus du fait de leur alignement sur la
position d’Abou Talib mais ne purent la déclarer à ce
moment-là de peur que cette guerre ne lui soit
profitable. Alors, ils optèrent pour l’astuce du
marchandage, lors d’une assemblée de ses notables tenue
à « Dar an-Nadwa. »
‘Outbah Ibn Rabi’ah fut chargé de proposer le marché au
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Voici ce qui
fut dit lors de la rencontre :
- « Si tu veux être riche par ce que tu inventes, nous
te ferons une collecte jusqu’à ce que tu sois le plus
riche d’entre nous ; si tu veux être traité avec tous
les égards, tu seras effectivement notre seigneur et si
tu veux un royaume, nous te donnerons tout. Et si ce qui
t’arrive est pure démence dont tu ne peux te
débarrasser, nous t’apporterons tous les soins et nous
dépenserons tout l’argent nécessaire jusqu’à ta guérison
du démon qui t’habite. » Quand il finit, le Messager
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) voulut s’assurer qu’il
avait fini.
- « Oui, » lui répondit-il. « Ecoute-moi alors. »
- « Parle. »
- « Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le
Très Miséricordieux. Ha, Mim. [C’est] une Révélation
descendue de la part du Tout Miséricordieux, du Très
Miséricordieux. Un Livre dont les versets sont détaillés
(et clairement exposés), un Houzayr [lecture] arabe pour
des gens qui savent, annonciateur [d’une bonne nouvelle]
et avertisseur. Mais la plupart d’entre eux se
détournent ; c’est qu’ils n’entendent pas. »
(Qur’an 41/1-3)
Le Prophète d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
continua à réciter les versets de cette Qur’an pendant
que ‘Outbah écoutait attentivement. Quand il arriva au
verset de la « Prosternation, » il s’arrêta de
psalmodier pour se prosterner à Allah Exalté puis dit à
‘Outbah :
-« Tu as entendu ce que tu as entendu, » lui signifiant
son refus de tout marchandage.
Stupéfait par l’écoute de ces versets, ‘Outbah sortit
sans dire un mot et alla rendre compte aux notables de
La Mecque du résultat de l’entrevue :
-« Par Allah, je n’ai jamais rien entendu de pareil. Par
Allah, ce n’est ni de la poésie, ni de la sorcellerie,
ni non plus des paroles de devin. Laissez cet homme
libre avec ce qu’il fait. Abstenez-vous de le
contrarier. Je jure que son discours, dont j’ai entendu
une partie, sera un grand événement... et s’il (le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) règne sur les
Arabes, son règne sera vôtre tout comme sa gloire. »
Mais personne n’écouta ce judicieux conseil de ‘Outbah
mais on lui dit qu’il avait été lui-même ensorcelé.
L’échec consommé, les Qouraysh se réunirent encore mais
cette fois pour passer à une nouvelle étape de
l’affrontement et mettre en application un plan de
guerre économique et d’embargo social contre les Banou
Hashim et les Banou al-Mouttalib, enragés une nouvelle
fois à cause des succès successifs du Message divin,
devenu habituel pour les Qouraysh, et à cause de la
dernière conversion à l’Islam de ‘Umar Ibn al-Khattab et
de Hamza Ibn ‘Abd al-Mouttalib (radhiyallahou ‘anhoum)
qui apportèrent aux Musulmans tout leur poids et leurs
réputations très estimés à juste titre dans toutes les
tribus mecquoises.
L’embargo
A propos de cet événement, Ibn Ishaq rapporta : « Quand
Qouraysh vit que les Compagnons du Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) avaient trouvé paix et
sécurité chez an-Najashi, que ‘Umar avait déclaré sa
conversion à l’Islam, qu’ils avaient, lui et Hamza Ibn
‘Abd al-Mouttalib, rallié le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons, que
l’Islam se répandait à grande vitesse, ses notables se
réunirent et signèrent un pacte contre les Banou Hashim
et les Banou al-Mouttalib. »
Ce pacte, qui interdisait tout mariage et tout commerce
avec ces deux tribus, fut accroché à l’intérieur de la
Ka’ba. Les Banou Hashim et les Banou al-Mouttalib
décidèrent aussi à leur tour de défendre le Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et le seul qui
sortit des rangs des Banou Hashim fut Abou Lahab (‘Abd
al-‘Ouzzah Ibn ‘Abd al-Mouttalib) qui rallia les
Qouraysh.
Ainsi l’affrontement s’accentua et eut pour conséquence
un embargo total qui allait durer trois années. Pendant
ces trois longues années, le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), ses Compagnons, les
Banou Hashim et les Banou ‘Abd al-Mouttalib, qui les
défendaient, endurèrent privations et souffrances dans
les collines de La Mecque. Une surveillance des plus
implacables fut imposée tout le long des chemins menant
vers les collines où se trouvaient les Musulmans et ceux
qui veillaient sur la sécurité du Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam).
Par cet embargo brutal, Qouraysh voulut faire pression
sur les proches du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) afin qu’ils l’abandonnent seul et qu’ainsi, il
ne serait plus un danger pour leurs croyances et leurs
dieux. Mais, cela ne changea rien au courage et à la
ténacité des hommes. Malgré la faim et la soif, ils
tinrent ferme grâce aussi au précieux soutien de
quelques commerçants mecquois qui leur passaient en
contrebande des victuailles nécessaires à leur survie.
Cependant, cet embargo allait se terminer par le décès
de Khadija Bint Khouwaylid (radhiyallahou ‘anha), la
femme du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) qui mourut des suites de cet embargo à l’âge de
64 ans, trois ans avant l’Hégire.
Cet embargo très dur allait avec le temps provoquer des
scissions dans le rang des Qouraysh et cinq nobles,
Hisham Ibn ‘Amrou Ibn Rabi’ah al-Amiri, Zouhayr Ibn Abou
Oumayyah Ibn al-Moughirah al-Makhzoumi, al-Mou’tim Ibn
Ouday Ibn Nawfal Ibn ‘Abd al-Manaf, al-Boukhtouri Ibn
Hisham, Zouma’ Ibn al-Aswad Ibn al-Mouttalib al-Asdi,
qui ne purent plus supporter plus cette situation,
décidèrent de mettre fin à cette ignominie.
Ces cinq hommes se réunirent secrètement, la nuit, à
l’endroit appelé « al-Hajoun » sur les hauteurs de La
Mecque et prirent la décision de déchirer le pacte qui
se trouvait encore à l’intérieur de la Ka’bah ce qui
signifiait, chez les Arabes, la fin de l’embargo inique
et, pour pouvoir concrétiser leur décision, ils
élaborèrent un plan qu’ils exécutèrent le lendemain
matin.
Ce jour-là donc, chacun regagna le cercle de son « clan
» sauf Zouhayr Ibn Abou Oumayyah qui fit d’abord sept
fois le tour de la Ka’bah avant d’interpeler à haute
voix les cercles des Qouraysh : « Oh gens de La Mecque!
Acceptez-vous de manger et de vous habiller alors que
les Banou Hashim sont en danger mortel ? Par Allah, je
ne m’assoirai que lorsque ce pacte honteux sera déchiré.
»
- « Tu mens. Par Allah, il ne sera pas déchiré, »
s’écria Abou Jahl mécontent.
- « C’est plutôt toi le menteur, » répliqua
immédiatement Zoum’a Ibn al-Aswad, « nous n’avons pas
accepté ce pacte quand il fut écrit. »
- « Zoum’a a raison, » enchaina al-Boukhtouri Ibn
Hisham, « nous n’acceptons pas ce qui est écrit dans ce
pacte et nous ne le reconnaissons pas. »
- « Vous avez raison tous les deux, et mentira celui qui
dira autre chose que cela, » poursuivit al-Mout’im Ibn
Ouday, « devant Allah, nous sommes innocents de ce pacte
et de ce qui y est écrit. Nous ne le reconnaissons pas.
»
- « C’est une machination décidée de nuit, » constata
amèrement Abou Jahl qui ne pouvait plus s’opposer à la
détermination du groupe de libérer les assiégés, au
risque de provoquer une guerre. A ce moment, al-Mout’im
s’avança pour prendre le pacte, et à l’instant où il
allait le saisir pour le déchirer, on remarqua que le
pacte avait été dévoré par les termites et qu’il n’était
resté de lui que l’expression: Au nom d’Allah. »
Le pacte abrogé, les Musulmans ainsi que les commerçants
des Banou Hashim qui soutenaient ces derniers rentrèrent
chez eux victorieux une nouvelle fois et purent
reprendre leurs activités comme par le passé.
Le premier Pacte
d’al-‘Aqabah
Cette victoire sur les Qouraysh marqua définitivement
l’impuissance de la politique de l’embargo économique et
social, renforça les Musulmans dans leur foi, et ouvrit
de nouveaux horizons pour le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Ce dernier, qui, à
l’occasion de chaque pèlerinage, proposait l’Islam aux
tribus arabes pu, à la fin de ces années de
confrontation, rallier à sa noble cause de nombreux
hommes des tribus de Yathrib et pactiser avec elles.
Les premiers que rencontra le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) furent six jeunes hommes, tous des
Khazraji qu’il aborda à al-‘Aqabah, à Mina :
- « Qui êtes-vous ? »
- « De la tribu des Khazraj. »
- « N’êtes-vous pas des alliés des Juifs ? »
- « Certes. »
- « Asseyez-vous, j’ai à vous parler. »
- « Oui. » Et ils prirent place près de lui.
Il leur expliqua ce qu’était réellement sa mission, les
exhorta à prier Allah Exalté, leur proposa l’Islam et
leur récita le Houzayr auxquels, ils consentirent et y
virent une augure favorable. Puis, ils lui déclarèrent
leur intention d’aller proposer aux leurs le nouveau
Message tout en espérant aussi que ce Message pourrait,
si Allah Exalté le voulait, les unir au Prophète d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Ils pensèrent
fraterniser, par cette nouvelle Religion, entre la tribu
des Khazraj et la tribu des Aws déchirés par un conflit
ancestral. Ce fut-là, la première rencontre entre
Muhammad, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) et des gens de Yathrib, trois ans avant
l’Hégire.
Cette poignée d’hommes étaient: As’ad Ibn Zarara, ‘Awf
Ibn al-Harith Ibn Rafa’a de Banou an-Najjar, Rafi’ Malik
Ibn al-‘Ajlan de Banou Zouray, ‘Outbah Ibn ‘Amir Ibn
Hadida des Banou Salma, ‘Ouqbah Ibn ‘Amir Ibn Nabi des
Banou Haram Ibn Ka’b, et enfin, Jabir Ibn ‘Abdallah Ibn
Riyab de Banou Oubayd Ibn Ghanim. Ce furent aussi les
premiers qui propagèrent l’Islam dans Yathrib et ses
environs.
L’année suivante, à l’occasion du pèlerinage, ils
revinrent, mais cette fois-là, accompagnés de six
nouveaux musulmans pour déclarer leur allégeance au
Prophète d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et
jurèrent aussi d’observer les préceptes de l’Islam.
Cette allégeance sera appelée par la suite l’Allégeance
des Femmes, elle sera aussi connue sous le nom de «
Première Allégeance (Premier Pacte) d’al-‘Aqabah. » Il
faut signaler toutefois, qu’elle ne mentionna aucun
accord militaire car à ce moment-là, Allah Exalté
n’avait pas encore permis à Son Messager (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) de prendre les armes pour se défendre
contre les impies.
Le pèlerinage terminé, le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) envoya avec les douze pèlerins de
Yathrib, le jeune Mous'ab Ibn ‘Oumayr al-Abadri afin
d’instruire aux Musulmans les préceptes de l’Islam et
prêcher la Parole d’Allah Exalté parmi les tribus de
Yathrib. Il réussit si bien à accomplir sa mission que
toute une tribu (celle des Bani ‘Abd al-Ashhal) se
convertirent à l’Islam, avec à sa tête son seigneur,
Sa’d Ibn Mou’ad.
Le jeune Mous'ab retourna à La Mecque neuf mois après
son départ et présenta au Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) un compte-rendu détaillé de sa mission.
Le deuxième
Pacte d’al-‘Aqabah
Trois mois plus tard, durant le pèlerinage, 73 musulmans
et deux musulmanes de Yathrib et de ceux qui s’étaient
convertis vinrent trouver le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam). La rencontre décidée
après des contacts secrets se tint aussi secrètement la
nuit du deuxième jour d’at-Tashriq dans un col de Mina,
près d’al-‘Aqabah, à l’endroit de « la Première Jamarat,
» « le Grand Satan » comme on l’appelle de nos jours.
Comme convenu, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) arriva à l’endroit accompagné de son oncle
al-‘Abbas Ibn ‘Abd al-Mouttalib, et, tous les deux
reçurent sous le couvert de l’obscurité de la nuit les
Ansar qui défilèrent devant eux l’un après l’autre, de
peur d’être découverts par les mécréants mecquois et les
polythéistes médinois. Ce fut al-‘Abbas qui ouvrit la
réunion par un discours : « Muhammad, vous le savez
déjà, est un de nos membres à part entière, nous l’avons
protégé de notre peuple... Parmi nous, il est chez lui,
et avec toute la considération qui sied à son égard,
mais il a penché pour vous, il veut être parmi vous. Si
vous pensez que vous resterez fidèles à votre parole, et
que vous assurerez sa protection contre ses ennemis,
faites alors et supportez les épreuves, mais si vous
l’abandonnez en cours de chemin et le livrez à ses
ennemis, alors laissez-le dès maintenant. Il est chez
lui, dans sa tribu, dans son pays et est considéré parmi
nous. »
- « Nous t’avons entendu, » lui répondirent-ils avec
détermination puis se tournèrent vers le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et lui dirent avec
assurance : « Parle, ô Messager d’Allah. Pose, pour toi
et pour Ton Seigneur, les conditions que tu veux ! »
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) prit la
parole, fit sa déclaration et conclut ainsi :
- « Votre allégeance sera à la condition de me défendre
comme vous défendez vos femmes et vos enfants. »
Al-Bara' Ibn Ma’rour, un Ansari prit alors la main du
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et lui dit : «
Oui, au nom de Celui qui t’a envoyé, nous te défendrons
comme nous défendons nos femmes. Prends notre
allégeance, ô Messager d’Allah. Nous sommes des gens de
guerre et d’armes, je le jure, nous avons acquis cela
par l’endurance. » Mais Abou al-Haytham Ibn al-Tayhan
l’interrompit en disant :
- « O Messager d’Allah, il y a, entre nous et ces
gens-là (les Juifs) des liens que nous allons volontiers
rompre mais si nous le faisons, retournerais-tu à ton
peuple après qu’Allah t’aura donné la victoire ? »
A ces paroles, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) sourit puis répondit :
- « Je prendrai les armes contre ceux qui vous font la
guerre et je ferai la paix avec ceux qui la feront avec
vous. »
Les conditions du pacte acceptées, les Ansar portèrent
allégeance au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam),
en lui serrant la main, l’un après l’autre, sauf les
deux femmes qui firent signe pour marquer leur
approbation car durant toute sa vie le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), n’a jamais serré la
main d’aucune femme Ajnabiyyah (lui étant interdite). A
la fin de la cérémonie, il leur demanda d’élire 12 chefs
qui seraient garants des leurs et lorsque cela fut fait,
ils s’avancèrent vers lui et s’engagèrent de la
responsabilité des leurs dans le respect et
l’application du pacte. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) leur dit alors : « Vous êtes garants des
vôtres, comme les Apôtres le furent avec ‘Issa Ibn
Mariam. Quant à moi, je serai aussi garant des miens
(des Musulmans). »
La réunion secrète tirait alors à sa fin alors que les
deux parties n’avaient pas encore fini de sceller
l’alliance qu’un test survint comme pour mettre à
l’épreuve les intentions des Ansar. Un espion des
Qouraysh qui les découvrit tardivement, pu seulement
donner l’alerte de loin, du haut d’une colline. Dès
qu’ils eurent entendu la voix de l’espion idolâtre,
al-‘Abbas Ibn ‘Oubadah, un des 12 chefs, dit au Prophète
: « Par celui qui t’a envoyé, si tu veux, nous tomberons
demain avec nos épées sur les gens de Mina. »
- « Il (Allah Exalté) ne me l’a pas ordonné, » leur
répondit le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) qui leur demanda par contre de regagner leurs
bivouacs dans l’obscurité de la nuit.
Le lendemain matin, une importante délégation des
notables de Qouraysh protestèrent auprès des notables de
Médine. ‘Abdallah Ibn Oubay Ibn Saloul, le chef des
Khazraj répondit au nom des siens encore mécréants et
les rassura pour un temps.
Plus tard, après le départ des pèlerins, les mécréants
de Qouraysh s’assurèrent qu’il y eut bien une alliance
et quand, ils se lancèrent à la poursuite des Médinois,
ces derniers étaient déjà loin et purent ainsi échapper
aux représailles de Qouraysh. Seul Sa’d Ibn ‘Oubadah, le
maitre des Khazraj fut capturé et ramené à la Mecque
avant d’être libéré plus tard.
Voici la liste nominative des Aws et des Khazraj qui
s’allièrent les premiers au Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam).
De la tribu Aws :
1. Des Banou ‘Abd al-Ashhal
- ‘Oussayd Ibn Houzayr
- Abou al-Haytham Ibn at-Tayhan
- Salma Ibn Salamah Ibn Waqsh Ibn Zaghba
2. Des Banou Haritha
- Douhayr Ibn Rafi’ Ibn Ouday
- Abou Barada Ibn Nayyar
- Nihayr Ibn al-Haytham
3. Des Banou Amrou Ibn ‘Awf Ibn Malik
- Sa’d Ibn Khaythama Rifa’a Ibn ‘Abd al-Moundir
- Mou’in Ibn Ouday Ibn al-Jad
- Ouwayn Ibn Sa’ida
Du côté de la tribu Khazraj
1. Des Banou an-Najjar
- Abou Ayyoub al-Ansari (Khalid Ibn Zayd Ibn Koulayb)
- Mou’ad Ibn al-Harith Ibn Rifa’a.
- ‘Awf Ibn al-Harith Ibn Rifa’a
- Mi’wath Ibn al-Harith Ibn Rifa’a
- Oumara Ibn Hazm Ibn Zayd
- As’ad Ibn Zourara
- Sahl Ibn ‘Atik
- Aws Ibn Thabit Ibn al-Moundir
- Abou Talha, Zayd Ibn Sahl
- Qays Ibn Sa’sa’a
- ‘Amrou Ibn Ghaziya Ibn ‘Amrou
2. Des Banou al-Harith Ibn al-Khazraj
- Sa’d Ibn ar-Rabi’
- Kharijah Ibn Zayd Ibn Abou Zouhayr
- ‘AbdAllah Ibn Rawahah
- Bashir Ibn Sa’d Ibn Tha’labah
- ‘AbdAllah Ibn Zayd Ibn Tha’labah
- ‘Ouqbah Ibn ‘Amrou Ibn Tha’labah
3. Des Banou Bayaza Ibn ‘Amir
- Ziyad Ibn Labid Ibn Tha’labah
- Farwa Ibn ‘Amrou
- Khalid Ibn Qays Ibn Malik
4. Des Banou Ibn ‘Amir
- Rafi’ Ibn Malik
- Thakwan Ibn ‘Abd Qays Ibn Khalda
- ‘Abbad Ibn Qays Ibn ‘Amir
- Al-Harith Ibn Qays Ibn Khalid
5. Des Banou Salamah Ibn Sa’d
- Al-Bara’ Ibn Ma’rour
- Sinan Ibn Sayfiy Ibn Sakhr
- Mas’oud Ibn Yazid Ibn Soubay’
- Yazid Ibn Haram Ibn Oumayyah
- At-Toufayl Ibn an-Nou’man Ibn Khansa’
- Ma’qil Ibn al-Moundir Ibn Sarah
- Yazid Ibn al-Moundir Ibn Sarah
- Az-Zahhak Ibn Haritha Ibn Zayd
- Bishr Ibn al-Bara’ Ibn Ma’rour
- At-Toufayl Ibn Malik Ibn Khansa’
6. Des Banou Sawad Ibn Ghanam
- Ka’b Ibn Malik Ibn Abou Ka’b
7. Des Banou Ghanam Ibn Sawad
- Soulaym Ibn Amrou Ibn Hadida
- Qoutba Ibn ‘Amir Ibn Hadida
- Yazid Ibn ‘Amir Ibn Hadida
- Abou al-Yousr, Ka’b Ibn ‘Amrou
- Sayfi Ibn Sawad Ibn ‘Abbad
8. Des Banou Nabi Ibn ‘Amrou
- Tha’labah Ibn Ghanama Ibn Ouday
- ‘Amrou Ibn Ghanama Ibn Ouday
- ‘Abs Ibn ‘Amir Ibn Ouday
- ‘AbdAllah Ibn ‘Anis
- Khalid Ibn ‘Amrou Ibn Ouday
9. Des Banou Haram Ibn Ka’b
- ‘AbdAllah Ibn ‘Amrou Ibn Haram
- Jabir Ibn AbdAllah
- Mou’ad Ibn ‘Amrou Ibn al-Jamouh
- Thabit Ibn al-Jath’
- ‘Oumayr Ibn al-Harith Ibn Tha’labah
- Khadij Ibn Salamah Ibn Aws
10. Des Banou ‘Awf Ibn al Khazraj
- ‘Oubadah Ibn as-Samit
- Al-’Abbas Ibn ‘Oubadah Ibn Nazala
-Yazid Ibn Tha’labah Ibn Khazma
- ‘Amrou Ibn al-Harith Ibn Labda
11. Des Banou Salim Ibn Ghanam
- Rifa’a Ibn ‘Amrou Ibn Zayd
- ‘Ouqbah Ibn Wahb Ibn Kilda
12. Des Banou Sa’ida Ibn Ka’b
- Sa’d Ibn ‘Oubadah
- Al-Moundir Ibn Amrou.
- Et deux femmes, toutes deux de la tribu Khazraj :
- Nassibah Bint Ka’b (Oumm Oumarah)
- Asma Bint ‘Amrou Ibn Ouday (Oum Mani)
Quant aux chefs élus lors du « Deuxième Pacte
d’al-‘Aqabah, » voici leurs noms :
Pour les Khazraj :
- As’ad Ibn Zourarah
- Sa’d Ibn ar-Rabi’
- ‘AbdAllah Ibn Rawahah
- Rafi’ Ibn Malik
- Al-Bara' Ibn Ma’rour
- ‘AbdAllah Ibn ‘Amrou
- ‘Oubadah Ibn as-Samit
- Sa’d Ibn Oubadah
- Al-Moundir Ibn Amrou
Pour les Aws:
- Oussayd Ibn Houzayr
- Rifa’a Ibn ‘Abd al-Moundir
Cette alliance allait insuffler un nouvel élan à la
cause de l’Islam. Désormais, les événements allaient
s’accélérer. Les Qouraysh, qui découvrirent le secret
d’al ‘Aqabah, surent dès lors à quel danger virtuel ils
devraient faire face si les capacités guerrières des Aws
et des Khazraj s’unissaient dans la main du Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
« Dar an-Nadwa » les accueillit à plusieurs reprises
pour prendre les mesures qu’ils voyaient nécessaires.
Cependant, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
qui avait déjà prévenu de multiples dangers, prit les
devants. Il ordonna aux Musulmans mecquois de partir
pour Yathrib (Médine) où se trouvaient dorénavant des
protecteurs puissants qui avaient juré de lever haut la
cause de l’Islam. Ainsi les Musulmans, individuellement
ou par petits groupes, quittèrent la Mecque pour Yathrib
pour pouvoir échapper aux représailles de Qouraysh.
Les mécréants, dans leurs réactions démesurées, ne
purent retenir que les plus démunis des Musulmans,
qu’ils torturèrent d’ailleurs sauvagement cependant, ils
furent impuissants d’empêcher les autres de partir pour
Yathrib, qui allait devenir le premier pôle de l’Islam.
Le complot
Qouraysh prit enfin une grave décision au début du mois
Rabi’ Awwal de l’an 13 après la Révélation : assassiner
le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Tous les notables étaient présents mais ceux qui furent
les plus en vue furent :
1 - Abou Jahl
2 - Joubayr Ibn Mout’im al-Harith Ibn ‘Amir et Tou'ayma
Ibn Ouday
3 - ‘Outbah Ibn Rabi’ah, son frère Shaybah et Abou
Soufyan Ibn Harb
4 - An-Nazr Ibn al-Harith Ibn Kilda
5 - Abou al-Boukhtouri Ibn Hisham, Zoum’a Ibn al-Aswad
6 - Nabih et Mounbih, fils d’al-Hajjaj
7 - Oumayyah Ibn Khalaf
Comment l’assassinat devrait-il être exécuté ? Chaque
tribu désignerait un jeune homme et ensuite tous les
jeunes hommes, armés d’épées, s’introduiraient de nuit
dans la maison du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) pour commettre leur crime. Le sang du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) se répartirait ainsi
entre toutes les tribus Qouraysh. Et ainsi les Banou
‘Abd al-al-Manaf ne pourraient pas mener la guerre
contre toutes ces tribus.
Néanmoins, ce plan ne se réalisa qu’en partie et cette
nuit-là, les mécréants encerclèrent la maison du
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui se trouvait
encore chez lui mais qui savait déjà ce qui se tramait :
Jibril (‘aleyhi salam) descendit chez le Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), rapporte Ibn
Ishaq, et lui dit : « Ne dors pas cette nuit dans ton
lit comme tu en as l’habitude. »
Les mécréants surveillèrent la maison en attendant le
moment convenu qui était après minuit mais la machine du
complot se grippa et le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) réussit à passer le cercle des guetteurs
endormis. Il jeta même sur eux un peu de terre tout en
récitant le Verset : « Et Nous mettrons une
barrière devant eux et une barrière derrière eux ; Nous
les recouvrirons d’un voile : et voilà qu’ils ne
pourront rien voir. » (Qur’an 36/9)
Allah Exalté ne dit-Il pas dans le Noble Qur’an : «
(Et rappelle-toi) le moment où les mécréants
complotaient contre toi pour t’emprisonner ou
t’assassiner ou te bannir. Ils complotèrent, mais Allah
a fait échouer leur complot, et Allah est le meilleur en
stratagèmes. » (Qur’an 8/30)
Un des Qouraysh, qui n’était pas présent, réveilla les
assaillants de leur sommeil et les sermonna pour avoir
laissé échapper le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam). Ne le croyant pas, ils allèrent vérifier et ne
trouvèrent en fin de compte que ‘Ali Ibn Abi Talib
(radhiyallahou ‘anhou) allongé à la place du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Mais, qu’est-ce qui empêcha les Qouraysh de violer la
maison du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ? Cet
événement fut rapporté par as-Sahili dans son livre
ar-Rawdh al-Anif : « Les assaillants essayèrent de
sauter par-dessus le mur mais une femme cria, les
empêchant ainsi de pénétrer de force et se sentant gênés
si les Arabes entendaient qu’ils avaient fait le mur des
maisons des cousines, ils différèrent l’exécution du
meurtre jusqu’à la sortie du Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) de chez lui. Puis, un voile fut mis
sur leurs yeux et ils ne le virent pas sortir. »
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Al-Hijrah ou l’Hégire
Après sa sortie, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) se dirigea sans tarder vers la maison d’Abou
Bakr as-Siddiq (radhiyallahou ‘anhou) et lui dit
qu’Allah Exalté lui avait donné l’ordre de quitter le
pays et de s’exiler (l’Hégire, al-hijrah). Puis, ils
sortirent ensemble par derrière la maison avec quelques
bagages tandis que les Qouraysh encerclaient encore la
maison du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Les deux Compagnons s’étaient déjà mis en route bien
avant l’aurore, guidés dans leur pénible voyage, par un
éclaireur nommé ‘Abdallah Ibn Arqat, un commerçant de la
tribu des Bani ad-Di’al, qu’Abou Bakr avait payé à cet
effet. Pour ne pas être surpris par les mécréants, ils
prirent la route du sud qui allait vers le Yémen,
évitant ainsi intentionnellement la route du nord qui
menait vers Médine. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) savait que toute la région serait sous une telle
surveillance qu’il serait dangereux de faire le voyage
aussi, interrompirent-ils la marche dès le matin de
cette nuit historique et décidèrent-ils d’un commun
accord de se cacher momentanément dans une cavité située
dans la montagne Thawr, au sud de La Mecque, ou ils y
restèrent cachés trois jours durant lesquels les
recherches ne s’arrêtèrent pas à cause de la prime
assurée ; cent chamelles pour celui qui ramènerait le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) mort ou vif.
Les poursuivants se rapprochèrent de la cavité ou ils
étaient dissimilés mais aveuglés, ils ne virent pas les
deux Compagnons. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) dit à Abou Bakr (radhiyallahou ‘anhou) effrayé :
« Que dis-tu de deux unis dont Allah Exalté est le
troisième, ô Abou Bakr ? »
Durant ces jours passés dans la cavité, les deux exilés
reçurent la visite de ‘Abdallah Ibn Abou Bakr et de
‘Amir Ibn Fahira, un esclave affranchi d’Abou Bakr, les
seuls à connaitre leur cache. Le premier avait pour
mission d’informer le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) et son père sur ce qui se passait à La Mecque
tandis que le second de les ravitailler et de couvrir à
l’aide de son troupeau, les traces des empruntes du fils
d’Abou Bakr.
Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et
son Compagnon ne reprirent le chemin de l’exil qu’après
s’être assurés que leurs poursuivants avaient relâché
leur vigilance. Devant eux, ‘Abdallah Ibn Arqat ouvrait
le chemin et avec eux ‘Amir Ibn Fahira qui s’associa au
voyage historique. Pour plus de sécurité, l’éclaireur
les emmena plus au sud en direction du Yémen puis
bifurqua vers l’ouest en direction de la mer Rouge.
Puis, tous les quatre, longèrent la côte en allant vers
le nord, toujours à l’écart des routes habituellement
empruntées par les voyageurs, jusqu’à leur arrivée dans
le village de Qouba dans les environs de Médine.
Bien qu’ils laissèrent loin derrière eux la zone
dangereuse, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
et Abou Bakr (radhiyallahou ‘anhou) restèrent
constamment sur leur garde sachant que leurs têtes
étaient mises à prix d’autant plus qu’ils furent
rattrapés par un cavalier du nom du Souraqah Ibn Malik,
un notable de la tribu de Kinana qui se converti à
l’Islam plus tard. Quand il les vit, il se précipita sur
eux, ayant en tête la grande récompense mais son cheval
se baissa et il fut violemment projeté à terre devant le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et demanda
alors la sécurité. Venu avec l’intention de nuire au
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), il repartit
sain et sauf avec une garantie et de retour à La Mecque,
il n’informa personne de sa rencontre.
Cette menace écartée, plus rien ne se mis en travers de
leur chemin vers Médine et ils accomplirent leur voyage
en onze jours.
Médine
Les Médinois informés du départ des deux Compagnons,
s’impatientaient de les voir arriver enfin parmi eux. Ce
fut un Juif qui les vit le premier et qui donna l’alerte
: « Oh, Banou Qila (les Ansar) ! Votre ami arrive ! » Et
ce fut une vague de joie qui déferla sur tous les
Médinois qui allèrent à la rencontre de Muhammad Ibn
‘Abdallah, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam).
Avant de rentrer dans Médine, le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam), Abou Bakr (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam), Ibn Fahira et l’éclaireur furent accueillis
dans le village de Qouba par les Banou ‘Amrou Ibn ‘Awf
chez qui ils passèrent quatre jours, Durant ces quelques
jours, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) bâtit
une mosquée, appelée désormais Masjid Qouba. Après quoi,
il rentra dans Yathrib. Pendant son trajet vers le
centre de Médine, chacun des chefs des tribus
l’invitèrent à venir habiter dans leur maison mais le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) déclina
poliment chaque offre et sur le dos de sa chamelle dont
il avait lâché la bride pour laisser l’animal libre de
ses mouvements, elle traversa les rues de la ville
tandis que les Musulmans en liesse lui ouvraient le
passage, la suivaient curieux de l’endroit où elle
allait s’arrêter sous le regards des Juifs et les
polythéistes.
La chamelle s’arrêta alors dans un endroit particulier
où elle se mit à terre. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) descendit alors et demanda à qui appartenait
l’endroit. « A Sahl et Souhayl, fils de ‘Amrou, deux
orphelins, » lui répondit Mou’az Ibn Afra’, « ils te
l’offriront de bon cœur. » C’est à cet endroit ou fut
bâtie la mosquée du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) et sa demeure.
Masjid Rassoul
Dorénavant, Médine allait devenir le rempart de la
nouvelle communauté et le centre d’où rayonnerait
l’Islam cependant, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) devait trouver une solution immédiate a trois
problèmes majeurs :
1 - Le conflit chronique entre les Aws et les Khazraj.
2 - Le problème des réfugiés mecquois qui avaient laissé
leurs biens, et qui dès lors se retrouvaient pauvres et
sans revenus.
3 - Les éléments juifs de la région, avec leur poids
politique, économique et militaire dans la société
médinoise.
La mosquée du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
fut tout d’abord construite pour la pratique des rites
de la nouvelle religion et pour permettre aux Musulmans
de se rencontrer pour discuter des différents problèmes.
Cette mosquée était d’une extrême simplicité; sa surface
étant de cent sur cent coudées, couverte de gravier et
de sable, ses piliers des troncs de palmiers, son toit
de palmes, et ses murs de paille mélangée à de la terre
(toub).
Le premier discours du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) dans cette mosquée fut rapporté par al-Bayhaqi
d’après le témoignage de ‘Abd ar-Rahman Ibn ‘Awf : « O
gens! Travaillez pour le salut de vos âmes. Par Allah,
vous savez bien qu’un jour l’un de vous sera
certainement foudroyé et laissera son troupeau sans
berger. Et là, Son Seigneur lui dira avec certitude,
sans intermédiaire et sans voile qui le cache : « Mon
Messager ne t’est-il pas parvenu et informé ? Ne t’ai-Je
pas donné des richesses et plus ? Qu’as-tu donc fait
pour ton salut ? » Et là, il (le serviteur) regardera à
droite puis à gauche mais ne trouvera rien. Ensuite, il
regardera devant lui et ne trouvera que la Géhenne.
Celui qui peut donc sauver son âme du Feu, même avec un
morceau de datte, qu’il le fasse, et celui qui ne peut
pas, qu’il le fasse avec un mot gentil. La récompense
d’une bonne action est multipliée par dix et jusqu’à
sept cents fois sa valeur. Et que la paix, la
miséricorde et les bénédictions d’Allah soient sur vous
et sur le Messager d’Allah. »
La fraternisation
Peu après, lors d’une réunion organisée à cet effet, le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) procéda à la
fraternisation entre les Mouhajirine et les Ansar. Ce
lien de fraternisation sera plus fort et d’une plus
grande efficacité que les liens d’alliance connus
précédemment chez les arabes. Les Ansar furent très
heureux car ils virent leur espoir pour la paix se
réaliser de même que la sécurité et la stabilité entre
les Aws et les Khazraj. Les Mouhajirine trouvèrent
aussi, aide et assistance contre la misère qui les
frappait suite à leur exil.
Ainsi le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
réussit à relever le défi en jetant les bases solides de
la nouvelle communauté et la plus importante d’entre
elles, fut l’union entre les Aws et les Khazraj. Par
cette union, la cause de l’Islam allait se renforcer,
particulièrement sur le plan militaire et allait par la
suite garantir la paix et la stabilité dans toute
l’Arabie.
Après cela, Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) organisa les relations de la société musulmane
avec les non musulmans (les Juifs de Médine), par la
signature d’un accord de coexistence pacifique, de bon
voisinage et de défense commune. Cet accord garantissait
aussi la liberté d’opinion, de croyance et le droit des
personnes de disposer de leurs biens.
Six mois seulement après la Hijrah suffirent pour que
Médine devienne la véritable capitale de l’Islam et en
peu de temps, les premiers musulmans virent tous les
médinois embrasser l’Islam (sauf les Juifs).
Les quelques hypocrites, qui s’y faufilèrent, ne purent
nuire à la cause du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam). Les Versets tels que ceux de la Zakat, de la
permission de prendre les armes contre les ennemis de
l’Islam, de l’appel à la prière, etc., qui allaient
organiser la communauté musulmane, descendirent sur le
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) à cette
occasion.
Les hypocrites
Cependant, les bonnes choses ne venant pas toujours
seules, les Juifs allaient par des manigances ranimer
les vieilles querelles entre les Ansar et essayer de
provoquer des désordres dans le but de faire échouer la
cause de Muhammad, le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) et bien que leurs rabbins s’étaient
assurés de la véracité du Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam), ils conçurent des sentiments de haine et de
jalousie et, à l’instar des deux rabbins Houyay Ibn
Akhtab, le père de Safiyah, la Mère des Croyants
(radhiyallahou ‘anha) et son frère Yassir.
Voici le témoignage de Safiyah (radhiyallahou ‘anha)
rapporté par Ibn Ishaq : « ... Quand le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) arriva à Médine et qu’il
s’arrêta à Qouba chez les Banou ‘Amrou Ibn ‘Awf, mon
père Houyay Ibn Akhtab et mon oncle Yassir Ibn Akhtab
allèrent le voir à la fin de la nuit et ne revinrent
qu’au coucher du soleil. J’essayai de les égayer comme
j’en avais l’habitude mais par Allah, aucun ne fit
attention à moi tellement ils étaient affligés... Et
j’ai entendu mon oncle Yassir dire à mon père Houyay Ibn
Akhtab : « Est-ce lui ? Es-tu sur que c’est lui (le
Prophète) ?
- « Oui, par Allah, » lui répondit mon père.
- « Le connais-tu ? L’as-tu authentifié ? »
- « Oui. »
- « Et qu’as-tu l’intention de faire avec lui ? »
- « Par Allah, je serai son ennemi tant que je vis ! »
Ibn Ishaq a aussi rapporté de ‘Abdallah Ibn Salam (un
Juif qui embrassa l’Islam, (radhiyallahou ‘anhou)) la
scène suivante : « Je (‘Abdallah Ibn Salam) suis allé
chez le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
et je lui dit : « O Messager d’Allah, je sais que les
Juifs sont des calomniateurs et j’aimerais bien que tu
me laisses assister à l’entretien, caché dans une de tes
pièces puis que tu leur demandes ce qu’ils pensent de
moi avant qu’ils sachent que je suis musulman. S’ils le
savent, ils ne manqueront pas de me calomnier et de me
trouver des défauts. » Il accepta et je me cachai dans
une pièce. Ils arrivèrent et discutèrent avec lui. Puis
il leur demanda qui j’étais. Ils répondirent : « Notre
seigneur et le fils de notre seigneur, notre rabbin et
notre savant ! » Quand ils finirent de parler, je sorti
et leur dit : « O Juifs ! Craignez Allah et acceptez ce
qu’il vous a dit. Par Allah, vous savez très bien qu’il
est un Messager. Vous trouvez ceci écrit dans la Torah,
avec son nom et sa description. Je témoigne qu’il est le
Messager d’Allah, je crois et ai foi en lui et le
reconnais parfaitement. » « Tu mens, » me
répondirent-ils, et ils m’assaillirent... Alors je dis
au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) : «
Ne t’ai-je pas dit, ô Messager d’Allah, que ce sont des
calomniateurs, des gens perfides, menteurs et immoraux ?
»
Cette animosité des Juifs se manifesta plus tard à
maintes reprises contre le Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) et chaque les fois les Musulmans purent
déjouer leurs complots, leurs manigances et leurs
trahisons.
Les hypocrites, de leur côté, tentèrent aussi de nuire à
la cause de l’Islam mais ne réussirent pas. Pour
contrecarrer l’union des Musulmans, ils construisirent
une mosquée rivale dans laquelle ils feignaient de faire
la prière mais dont ils se servaient pour comploter.
Cependant, peu de temps après sa construction, le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut informé de
la véritable intention de ces hypocrites et du but
véridique de la mosquée ce qui l’obligea à ordonner sa
destruction. Allah Exalté dit à propos de ces hypocrites
: « Ceux qui ont édifié une mosquée pour en faire [un
mobile] de rivalité, d’impiété et de division entre les
croyants, qui la préparent pour celui qui auparavant
avait combattu Allah et Son Envoyé et jurent en disant :
« Nous ne voulions que le bien ! » [Ceux-là],
Allah atteste qu’ils mentent. » (Qur’an 9/107)
« La construction qu’ils ont édifiée sera
toujours une source de doute dans leurs cœurs, jusqu’à
ce que leurs cœurs se déchirent. Et Allah est Omniscient
et Sage.» (Qur’an 9/110)
Les conditions dans lesquelles s’exila le Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) étaient des
conditions de tension militaire et d’affrontement
(embargo économique et social puis condamnation à mort
du Prophète). Il était donc naturel que les deux
parties, La Mecque et Médine, mènent l’une contre
l’autre, des actions tant sur le plan politique,
économique que militaire.
Entre l’exil du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
et la bataille de Badr, dix-huit mois s’écoulèrent et
durant cette période, aucun affrontement sanglant ne fut
enregistré, sauf ce qui se passa lors d’une mission de
reconnaissance d’une unité de Musulmans sous le
commandement de ‘Abdallah Ibn Jahsh, juste avant la
bataille.
Les mouvements militaires des Musulmans étaient surtout
des missions de reconnaissance du terrain (chemins
entourant Médine, sentiers et autres voies menant à La
Mecque...). Ils testaient aussi la puissance des tribus
de la région et essayaient de les gagner à leur cause
par un pacte d’alliance ou par aménité (au moins). De
plus, ils voulaient, par ces mouvements, impressionner
les polythéistes et les Juifs qu’ils étaient capable de
faire face à toute attaque.