Le Trente-troisième Sultan Ottoman
Règne : 1293 (1876)
Nom du Père
: ‘Abd al-Majid.
Nom de la Mère
: Shevkefza Kadinefendi.
Lieu et date de naissance
: Istanbul. Le 25 Rajab 1256 (22 septembre 1840).
Âge à l’accession au trône
: 36 ans.
Cause et date du décès
: Diabète. Le 17 Joumada ath-Thani 1322 (29 août 1904).
Lieu de décès et de sépulture
: Istanbul. Il fut enterré dans une tombe à son nom dans la
Mosquée Yeni d’Istanbul.
Héritiers
: Souleyman Efendi, Sayf ad-Din Efendi et Muhammad
Salah ad-Din Efendi.
Héritières
: Sultan Khadija, Sultan Fahima, Sultan Fatma et Sultan
‘Aliya.
Le Sultan Mourad V, dont le nom de naissance était Muhammad
Mourad, fut élevé avec beaucoup de soin par son père pendant
ses années de Shehzade (prétendant au trône). Il fut le
Sultan dont le règne dura le plus court de l’histoire
ottomane. En tant que futur Sultan, il reçut une éducation
impressionnante et occupa des postes de direction dans les
cérémonies impériales.
Il accompagna son oncle lors de voyages en Égypte et en
Europe et resta en contact avec les Jeunes Ottomans, un
groupe d’intellectuels influencés par les penseurs
occidentaux et la Révolution française et qui défendaient la
monarchie constitutionnelle comme forme idéale de
gouvernement. Il rencontra Sinasi, Kemal Namik et Ziya Bacha
et reçut leur remarquable soutien. (Nous rapportons
l’histoire officielle qui sera suivie par l’histoire non
officielle dans un chapitre spécial)
Sous le règne du Sultan ‘Abd al-’Aziz, les événements
tumultueux de Salonique, qui coûtèrent la vie à deux
ambassadeurs, incitèrent les Européens à intervenir dans les
affaires intérieures ottomanes et les adversaires du Sultan
détrônèrent le Sultan ‘Abd al-’Aziz et le remplacèrent par
Mourad V. Contrairement à ses prédécesseurs, l’intronisation
de Mourad V ne fut pas célébrée par l’habituelle cérémonie
dans la Mosquée Sultan Ayyoub.
Sous la pluie, le Sultan Mourad V fut transporté à la hâte à
la Porte du Bureau du Commandant Général (la porte
principale de l’actuelle Université d’Istanbul), et les
principaux hommes d’état lui portèrent allégeance en tant
que nouveau Sultan. La même cérémonie d’allégeance se
reproduisit au palais de Dolmabahce.
Pendant ce temps, un conflit amer éclata entre ceux qui
avaient amené Mourad V sur le trône et les idées libertaires
de Midhat Bacha n’attirèrent pas l’attention et les
préoccupations des autres.
Le Commandant Général Huseyin Avni Bacha, qui aida le
Sultan Mourad V à monter sur le trône, décida qu’il allait
sélectionner avec vigilance ceux qui verraient le Sultan en
personne.
Alors qu’il prenait son petit-déjeuner le cinquième jour de
son Sultanat, le Sultan Mourad V apprit que l’ex-Sultan ‘Abd
al-’Aziz avait été retrouvé mort dans sa chambre du Palais
Fer’iye et il s’évanouit sous la fureur du choc. Onze jours
plus tard, le Major Principal Hassan Cherkez Bey,
beau-frère de l’ancien Sultan, fit une descente lors d’une
réunion du Cabinet des Ministres et assassina Huseyin
Avni Bacha pour le meurtre présumé du mari de sa sœur.
Le Sultan Mourad V déjà malade fut profondément touché et
finalement affligé par les récents événements. Lors de la
visite de ses frères, le Sultan leur révéla que son état de
santé était mauvais et se plaignit de terribles maux de tête
qu’il avait récemment commencé à avoir.
La façon dont le Sultan Mourad V agit lors de sa première
cérémonie de Prière du Vendredi montra qu’il avait perdu sa
conscience. Bien que le Sultan ait été transféré au Palais
Yildiz, à Istanbul, conformément aux conseils des médecins,
il se jeta dans la piscine dans un moment de folie et peu de
temps après, il devint évident qu’il avait perdu sa santé
mentale. Après cela, il cessa d’assister aux cérémonies de
Prière du Vendredi et refusa de rencontrer quiconque.
Bien que le gouvernement ait voulu couvrir la vérité, la
nouvelle que le Sultan était devenu fou se propagea
rapidement de bouche à oreille. Le public critiqua le Grand
Vizir Rouchdou Bacha pour avoir tenté de gouverner l’Empire
Ottoman en l’absence d’un Sultan.
Le lendemain de son retour d’une cérémonie de salutations,
le Sultan brisa une vitre du Palais et tenta de se suicider.
Les médecins entrèrent et l’examinèrent et convinrent à
l’unanimité que ses chances de guérison étaient très minces.
Midhat Bacha alla voir ‘Abd al-Hamid II, l’héritier
de facto du Sultan, et lui dit qu’ils le proclameraient
nouveau Sultan à condition qu’il prononce la nouvelle
constitution, appelée Kanun-i Esasi (Loi Fondamentale)
écrite par des membres des Jeunes Ottomans, en particulier
Midhat Bacha (la cinquième colonne).
Suite au décret religieux du Grand Juge du 9 Sha’ban 1293
(30 août 1876), le Parlement décida de détrôner le Sultan
Mourad V et de le remplacer par ‘Abd al-Hamid II.
Le Sultanat de fait accompli de Mourad V prit fin après
quatre-vingt-treize jours.
Sous le règne du Sultan ‘Abd al-Hamid II, Mourad V et
sa famille furent transférés au Palais de Chiragan et ses
soins médicaux suivirent.
Parce que la loge maçonnique et un certain nombre de groupes
dissidents poursuivirent la propagande selon laquelle
l’ex-Sultan était en bonne santé mais pris par l’injustice
et la corruption, le Sultan ‘Abd al-Hamid II fit
examiner son frère par un comité médical de médecins locaux
et étrangers. Le comité souligna le fait que l’ex-Sultan
était toujours atteint de troubles mentaux et que son
traitement n’était pas dans les limites des possibilités.
Des groupes dissidents, y compris les maçons, osèrent
enlever trois fois l’ex-Sultan cependant, ils étaient
toujours pris et punis. Ces tentatives d’enlèvement
dérangèrent le plus Mourad V et sa famille. Il dû vivre la
vie d’un prisonnier pendant ses vingt-huit années restantes
car il devait être protégé sous haute surveillance des
ravisseurs.
Le plus court invité du trône ottoman, le Sultan Mourad V
était très intéressé par la peinture, la menuiserie et
l’architecture. C’était un compositeur de génie ; il écrivit
plus de 550 compositions dans le style européen, appelées
a-la-franga. Son
caractère et son image étaient très différents de ceux de
ses frères dans la manière dont il défendit un style de vie
a-la-franga
depuis ses années Shehzade. Il devint membre de la loge
maçonnique car il pensait que la politique d’état en
bénéficierait. Cependant, Mourad V semblait considérer la
loge comme un club de sport sans savoir en quoi consistait
réellement l’organisation de cette société secrète.
Le Trente-quatrième Sultan Ottoman
Sultan ‘Abd al-Hamid II
Règne : 1293- 1327 (1876-1909)
Nom du Père:
‘Abd al-Majid.
Nom de la Mère
: Kadinefendi Tirimoujgan.
Lieu et date de naissance
: Istanbul, le 15 Sha’ban 1258 (21 septembre 1842).
Âge à l’accession au trône
: 34 ans.
Cause et date de décès
: Arrêt cardiaque. Le 28 Rabi’ ath-Thani 1336 (10 février
1918).
Lieu de décès et de sépulture
: Istanbul. Il fut enterré dans la tombe de Mahmoud
II sur le Divanyolu, Istanbul.
Héritiers
: Muhammad Salim, Ahmed Nouri, Muhammad
‘Abd al-Qadir, Muhammad Bourhan ad-Din, ‘Abd ar-Rahim
Khayri, Nour ad-Din Ahmed et Muhammad ‘Abid.
Héritières
: Sultan Zakiyyah, Sultan Na’ima, le Sultan Naila, le Sultan
Sa’diyah, Sultan ‘Ayshah et Sultan Rafi’a.
Bien qu’il soit peu probable que ‘Abd al-Hamid II
devienne Sultan, l’exécution de son oncle ‘Abd al-‘Aziz et
la déchéance de son frère aîné Mourad V l’amenèrent à être
le trente-quatrième invité sur le trône ottoman.
La perte de sa mère à l’âge de onze ans laissa une marque
indélébile dans l’esprit de ‘Abd al-Hamid. De plus,
il apprit à faire face à la solitude spécifiquement après
que son père, le Sultan ‘Abd al-Majid, se soit montré plus
intéressé par son frère aîné Mourad V que par lui. L’étal du
Palais ne lui accordait pas non plus le respect dû,
principalement parce que personne ne l’avait prédit un jour
Sultan. Il n’apprécia pas non plus la vie du Palais ni aima
le personnel du Palais.
‘Abd al-Hamid II avait dix-neuf ans lorsque son père
décéda. Enfant, il reçut des cours de Turc, d’Arabe, de
Perse et de Français. Son oncle le Sultan ‘Abd al-‘Aziz a
été le premier à réaliser son intellect supérieur et ses
talents administratifs. ‘Abd al-‘Aziz le laissa grandir dans
un environnement confortable et l’emmena dans ses voyages à
l’étranger. Alors que son frère aîné Mourad V faisait preuve
d’une personnalité calme et détendue, le jeune Shehzade ‘Abd
al-Hamid II, préférait s’asseoir dans un coin, loin
de la scène sociale. Les chemins de fer qu’il observa en
Grande-Bretagne l’éclairèrent dans une large mesure. Il ne
prenait pas plaisir à vivre dans le Palais et travaillait
sur la terre de sa ferme à Maslak, Istanbul, élevait des
moutons, exploitait des minéraux et échangeait des
obligations à la bourse. Il semble que s’il n’avait pas été
un Sultan, la richesse personnelle, plus de 100000 pièces
d’or qu’il avait accumulées par un travail acharné, aurait
pu lui fournir un niveau de vie confortable.
Après son accession au trône, le Sultan ‘Abd al-Hamid
II fit don de ses biens personnels à l’armée. Fait
intéressant, parce qu’il avait été loin du Palais et du
public et très impliqué dans l’économie pendant ses années
Shehzade, il avait été élevé comme les vieux Shehzades
l’avaient été avec une expérience administrative de première
main dans les provinces en tant que gouverneur avant
d’assumer le trône.
Pendant la période du Sultan ‘Abd al-Hamid II, Midhat
Bacha et ses amis s’efforcèrent d’influer sur
l’établissement d’une monarchie constitutionnelle, ce qu’ils
ne pouvaient pas faire au cours du règne de Mourad V. En
fait, la parole de ‘Abd al-Hamid à ce sujet les fit
prononcer le nouveau Sultan le 10 Sha’ban 1293 (31 août
1876).
‘Abd al-Hamid II prit le trône pendant les années
turbulentes de l’Empire Ottoman. Il dût lutter contre les
révoltes balkaniques, la question orientale» Russe et la
réticence des banques européennes à prêter de l’argent aux
Ottomans. Les impossibilités financières retardèrent la
suppression des révoltes.
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II visita et dîna avec les
soldats dans leurs casernes et avec des marins dans leurs
chantiers navals. Il offrit aux savants, aux commandants et
aux soldats des iftars (dîners) pour rompre le jeûne du
Ramadan. Il pria dans différentes mosquées parmi le public
et il rendit visite dans les hôpitaux aux soldats vétérans
blessés dans les guerres des Balkans. En particulier, il
offrit aux soldats qui avaient perdu leurs pieds des cannes
de sa propre marque. Tous ces petits gestes émouvants firent
ressentir à l’armée et au public beaucoup d’affection pour
le nouveau Sultan, remonta le moral de l’armée et le public
ralluma ses bougies d’espoir.
Les Ottomans gagnèrent des guerres contre les Serbes dans
les Balkans cependant, ils acceptèrent de signer une trêve
de trois mois avec les Serbes à la suite d’une énorme
pression de la part des Russes. En outre, une conférence
était prévue à Istanbul. Sous la direction de la
Grande-Bretagne, les pays participants discuteraient des
moyens d’apaiser les événements turbulents dans les Balkans
et d’améliorer les relations russe-ottomanes.
Pendant ce temps, un gang contre la paix avec la Serbie
élabora un complot visant à assassiner Midhat Bacha et ses
hommes et à détrôner le Sultan, mais leur plan fut découvert
assez tôt et les coupables arrêtés.
La première constitution de l’histoire turque devait être
légiférée et à cet effet, une commission de Musulmans et de
non-musulmans fut créée. Midhat Bacha devint le nouveau
Grand Vizir pour remplacer le récent retraité Roushdou
Bacha.
Le premier jour de la Conférence d’Istanbul se concentra sur
la situation politique des Balkans, et la constitution,
Kanun-i Esasi (Loi Fondamentale), fut proclamée le 6 Dzoul
Hijjah 1293 (23 décembre 1876). Désormais, la
première ère de la monarchie constitutionnelle commença.
La constitution avait été annoncée à la hâte à la Conférence
d’Istanbul principalement parce que les Ottomans pensaient
que les pays occidentaux verraient la constitution et
s’abstiendraient de faire de grandes demandes. Néanmoins,
cela ne les intéressa pas. Les Européens préparèrent à
l’ambassade de Russie une liste de demandes comme suit : la
Bosnie et la Bulgarie devaient être indépendantes, l’armée
ottomane devait quitter la Serbie et le Monténégro et des
dizaines de réformes devaient être menées dans les Balkans.
L’assemblée générale ottomane se réunit sous l’ordre du
Sultan, débattit du contenu de la liste et rejeta les
demandes à l’unanimité sur le motif que les clauses de la
liste violaient la souveraineté intérieure ottomane. La
Grande-Bretagne organisa ensuite une autre conférence à
Londres cette fois. Le 28 Rabi’ al-Awwal 1294 (12 avril
1877), l’assemblée générale ottomane rejeta de nouveau les
décisions prises à Londres simplement parce que les clauses
étaient en violation directe des droits souverains ottomans.
Midhat Bacha, la véritable force qui amena le Sultan ‘Abd
al-Hamid II sur le trône, exerça une pression
constante sur lui. Conformément à son bellicisme, Midhat
Bacha tenta de recruter une armée appelée le Millet Askeri
(l’Armée de la Nation) pour être commandée par lui. Plus
tard, il ajouta une croix sur le drapeau turc en
Bosnie-Herzégovine et fit défiler une armée composée de
Musulmans et de Chrétiens à Istanbul, portant le même
drapeau. De plus, il déclara lors de soirées à boire qu’il
abrogerait la dynastie ottomane et établirait une dynastie
midhatienne. Tous ceci mis ensemble, suscita une réaction.
Midhat Bacha avait réussi à promulguer la loi d’exil, qui
autorisait l’envoi de certains criminels en exil et
curieusement, il devint le premier à être exilé sur la base
de cette loi.
Peu de temps après que le gouvernement ottoman déclara qu’il
ne reconnaîtrait pas la résolution de la Conférence de
Londres, la Russie eut l’occasion qu’elle attendait et
déclara la guerre à l’Empire Ottoman le 10 Rabi’ ath-Thani
de cette même année (24 avril 1877). Les Roumains, les
Serbes, les Monténégrins et les Bulgares s’allièrent avec
Russie. L’armée et les finances ottomanes étaient dans une
mauvaise situation et pire, l’Empire Ottoman ne reçut aucune
aide extérieure. Les résistances héroïques de ‘Uthman Ghazi
Bacha à Pleven en Roumélie et de Ahmed Moukhtar Ghazi
Bacha à Erzurum en Anatolie contre les envahisseurs ne put
changer la fin inévitable. L’armée ottomane, impuissante en
orient et en occident dû battre en retraite désespérément.
Un autre drame, après la série de guerres perdues, fut vécu
par des milliers de Musulmans qui vivaient sur des
territoires récemment envahis et des millions furent
injustement massacrés. L’histoire est totalement
silencieuses sur les massacres des populations musulmanes
par les Chrétiens mais virulente lorsqu’il s’agit du
contraire, même s’il s’agit de fiction !
Alors que l’Empire Ottoman traversait une période de
turbulence en raison des résultats complexes d’une grande
guerre avec les Russes, les représentants de différentes
ethnies s’occupèrent d’un programme différent au sein de
l’assemblée parlementaire, le principal organe exécutif de
l’empire. Au lieu de prendre des décisions sur la guerre
russo-turque (1294-1295/1877-1878), l’assemblée débattit
massivement des mouvements d’indépendance des minorités
ainsi que du désir de donner à leurs langues un statut
officiel, ce qui bouleversa le Sultan dans une certaine
mesure.
Les Ottomans signèrent un accord d’armistice avec les Russes
à Edirne. Lors de la réunion du palais au cours de laquelle
les conditions de paix seraient négociées, Kethudasi Ahmed
Efendi, l’un des représentants des participants, déclara que
non pas l’assemblée mais le Sultan était responsable de la
régression des événements. En réponse à cette incrimination
déplacée, le Sultan ‘Abd al-Hamid II souligna qu’il
n’était pas coupable d’avoir fait de son mieux en sa
qualité. Quand Ahmed Efendi releva son ton
accusateur, le Sultan fit clairement savoir qu’il était prêt
à continuer à combattre la Russie pour le reste de sa vie
s’il le fallait et confia à l’assemblée de remettre Ahmed
Efendi à sa place pour son comportement méprisant contre
l’autorité du Sultan.
Le Sultan ne céderait pas la souveraineté aux hommes d’état
qui agissaient clairement dans leur propre intérêt. Ses
propres mots, « Je suis maintenant obligé de suivre les
traces du Sultan Mahmoud » annonçaient ce qui allait
se passer. Sur la base de l’autorité que lui conférait la
constitution, le Sultan ‘Abd al-Hamid II dissout
l’assemblée le 10 Safar 1295 (13 février 1878), tout comme
son grand-père, le Sultan Mahmoud II, dissout il y a
bien longtemps le corps des janissaires.
À la suite de la guerre russo-turque de 1294-1295 (1877 à
1878), les Ottomans signèrent avec la Russie le Traité de
San Stefano, également connu sous le nom de Traité de
Yegilkoy. La Grande-Bretagne et d’autres pays européens
firent entendre leur voix dissidente après avoir découvert
que la Russie était déterminée à partitionner les terres
ottomanes (connue sous le nom de « la question orientale»
dans l’histoire européenne) simplement par elle-même.
Finalement, toutes les parties concernées voulurent discuter
plus avant de la question et programmèrent une conférence à
Berlin. Pendant ce temps, le 3 Joumadah ath-Thani de cette
même année (4 juin 1878), la Grande-Bretagne signa un accord
secret avec la Russie, tout en acquérant également
l’administration de Chypre de l’Empire Ottoman avec la
promesse d’aider les Ottomans pendant les négociations. Le
Sultan ‘Abd al-Hamid II ne voulut pas approuver ce traité,
que les Britanniques avaient déjà fait signer par le
gouvernement ottoman au fait accompli, néanmoins, les
coercitions militaires l’obligeaient.
Le gouvernement ottoman avait abandonné Chypre, en supposant
que la Grande-Bretagne les soutiendrait à la conférence de
Berlin cependant, cela ne se produisit pas et pour cause. Le
Sultan ‘Abd al-Hamid II était bien conscient du fait
que la conférence avait pour but de partager les terres
ottomanes. Le traité de Berlin, le (13 Rajab 1295/13 juillet
1878), accorda l’indépendance à la Serbie, à la Roumanie et
au Monténégro ; força la Russie à payer une indemnité de
guerre ; sécession des villes de Kars, Ardahan et Batum à la
Russie ; divisa la Bulgarie en trois sphères et rattacha la
Bosnie-Herzégovine à l’Autriche. En 1298 (1881), la France
envahit Tunis, la Grande-Bretagne occupa l’Égypte en1299
(1882) et la Bulgarie marcha sur la Roumélie orientale en
1302 (1885).
Lorsque le Sultan ‘Abd al-Hamid II devint le Sultan,
il avait trouvé un empire en guerre sur plusieurs fronts. En
l’espace de quelques mois, son empire commença à subir
d’énormes pertes. Finalement, le Sultan se concentra sur la
politique internationale et s’efforça de poursuivre une
politique étrangère informée et cohérente. Le fait que
l’Empire Ottoman ait fait l’objet d’humiliation et de
diffamation à la Conférence Tersane (chantier naval) à
Istanbul et à la conférence de Berlin obligea le Sultan à
appliquer une diplomatie solide, respectueuse de lui-même et
honorable.
Pour la première fois de son histoire, l’Empire Ottoman vint
à poursuivre des politiques étrangères séduisantes et
engageantes durant le règne du Sultan ‘Abd al-Hamid.
Le Sultan conçut en effet une stratégie d’équilibre des
pouvoirs, joua sur le conflit d’intérêts entre des pays
européens impitoyablement compétitifs, et par conséquent
sauvegarda son empire dans un monde compétitif.
Le Sultan établit donc dans le palais un centre de
renseignement, une sorte de service des relations
extérieures dont le personnel collectait et analysait les
publications internationales et les rapports des
ambassadeurs. Il rencontra des universitaires étrangers et
autochtones et discuta avec eux de la diplomatie étrangère.
La justification de sa politique d’équilibre des pouvoirs
était apparemment simple, basée sur la mise à profit du
conflit d’intérêts entre les pays cependant, assez difficile
et compliqué une fois mise en pratique. Le principal acteur
de sa politique était la Grande-Bretagne, qu’il détestait et
à laquelle il ne s’est jamais confié. La Russie s’opposa à
la Grande-Bretagne selon sa politique, et le Sultan se
rapprocha de la Russie contre la Grande-Bretagne en cas de
besoin. Lorsque la Grande-Bretagne occupa l’Égypte, il se
tourna vers la France. Plus tard, il contribua à la
confrontation franco-italienne en Afrique du Nord. En fait,
le Sultan ‘Abd al-Hamid II ne conclut d’alliance ou
d’accord à long terme avec aucun de ces pays.
Le Sultan appliqua une politique similaire dans les Balkans.
Il écarta les états des Balkans et les empêcha de s’unifier
contre l’Empire Ottoman. En outre, il apaisa les
ambassadeurs en visite en utilisant le califat et envoya des
photographies et des images aux grandes puissances pour
montrer que son empire allait bien. Il s’avéra que ces
pratiques furent magistralement conçues et efficacement
mises en œuvre.
Le Sultan déchargea de nombreux hommes d’état corrompus qui
s’étaient habitués à recevoir des ordres et des cadeaux des
ambassades étrangères, et donna plus de responsabilités à
ses hommes de confiance tels que ‘Uthman Gazi Bacha et
Jevdet Bacha contre les membres perfides du gouvernement. Il
fit toujours preuve de prudence, prédisant qu’il suivrait le
chemin de son oncle et de son frère aîné, qui souffrirent
tous deux souffert profondément des conséquences de ne pas
l’avoir fait.
Des cabales influentes avaient voulu ramener Mourad V sur le
trône simplement pour leurs propres intérêts et essayèrent
de l’enlever du Palais Chiragan à plusieurs reprises. Des
coups d’état et des révoltes furent tentés par le passé à de
nombreuses reprises et des pays étrangers utilisèrent
plusieurs complots. En conséquence, le Sultan se sentit
obligé de créer un bureau d’enquêtes et ordonna une
attention de haut niveau aux publications étrangères afin
d’éviter la sédition intérieure qu’elles pourraient
provoquer.
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II pensait que l’empire avait
besoin de temps pour se rétablir. Pour cette raison, il
s’efforça résolument de le tenir à l’écart des guerres. La
seule guerre dans laquelle le Sultan pacifiste s’engagea fut
menée contre les Grecs sur l’île de Crète. Après que la
révolte en Crète s’avéra impossible à réprimer et que la
Grèce déclara qu’elle avait annexé l’île, le Sultan déclara
la guerre à la Grèce le 16 Dzoul Qi’dah 1314 (18 avril
1897). Les forces ottomanes écrasèrent l’armée grecque à
Larissa et lors de la bataille rangée à Domokos. Ces
victoires furent les premières réalisations militaires de
‘Abd al-Hamid II. Finalement, les Grecs se soumirent
et demandèrent une trêve. Le drapeau ottoman flotta en Crète
pour encore dix ans mais la Crète sera intégrée à la Grèce
pendant les années alambiquées qui suivirent la déclaration
de la deuxième monarchie constitutionnelle.
Le Sultan comprit que l’Empire Ottoman avait perdu sa
réputation en Occident en raison de ses dettes accumulées
envers les pays européens et que les remboursements de ces
dettes et intérêts constituaient plus de la moitié des
revenus annuels de l’empire. Nous avons vu dans nos
précédents ouvrages combien de nation les mécréants mirent à
genoux sans tirer un coup de feu avec ces terribles emprunt
et cela dure jusqu’à nos jours ! Par conséquent, il proclama
aux pays créanciers un décret appelé Karamamesi Mouharram
le 28 Mouharram 1299 (20 décembre 1881). Fondée par ce
décret, l’Administration de la dette publique ottomane
relégua, dans une certaine mesure, le contrôle de l’économie
ottomane aux pays étrangers auxquels elle était redevable.
Des crédits étrangers, quoique de faibles montants, furent
retirés pendant cette période cependant, le total des dettes
extérieures diminua considérablement pour un montant
supérieur à celui qui avait été récemment emprunté.
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II était le plus modeste et le moins
ostentatoire de tous les Sultans ottomans dans sa façon de
vivre et de s’habiller. Il réduisit les dépenses du Palais,
raccourcit le menu de nourriture du Palais et réduisit le
nombre d’employés du Palais. Les compétitions commerciales
des étrangers dans les terres ottomanes se matérialisèrent
également pendant son règne. Les Allemands remportèrent le
premier tour et obtiennent le contrat d’un grand projet
ferroviaire ainsi l’extension des voies entre
Haydarpaga-Izmil jusqu’à Ankara et la construction du
nouveau chemin de fer de Bagdad leur fut confiés.
Parmi les Sultans ottomans, le Sultan ‘Abd al-Hamid
II fut le premier à mettre en pratique son pouvoir califale.
Selon lui, les sujets musulmans venaient toujours en
premier. Contre la sédition britannique dans les terres
musulmanes selon laquelle le califat ne pouvait appartenir
aux Ottomans, le Sultan consulta et reçut l’approbation des
érudits musulmans. En fait, les penseurs islamiques
avancèrent une multitude de preuves religieuses et
historiques que le califat n’avait rien à voir avec la race
ou l’ethnicité.
Les agents britanniques ne s’arrêtèrent pas là. Ils
annoncèrent le Khédive d’Égypte comme le nouveau calife dans
le but d’affaiblir le pouvoir du Sultan dans la région. Pour
contrer ce stratagème britannique, le Sultan accorda de
l’importance au panislamisme. Le Sultan ne voulait pas voir
les étrangers cultiver les graines de la discorde semées par
les Britanniques, il rassembla donc un groupe de chefs
religieux et de chefs de tribu et les envoya pour atteindre
un public plus large. Il envoya ses gouverneurs compétents
les plus fiables pour administrer dans les provinces à
majorité musulmane. En outre, il parraina des érudits
islamiques pour répandre l’Islam dans des pays aussi
éloignés que l’Afrique du Sud et le Japon. Son influence en
Chine fut énorme et une université de l’Islam ouvrit à Pékin
avec un drapeau Ottoman flottant au-dessus de sa porte
principale.
Au mois de Joumadah al-Oula 1318 (septembre 1900), le Sultan
‘Abd al-Hamid II lança la construction du chemin de
fer Hijaz entre Damas et La Mecque, ce qu’il appela
son « magnum opus. » Malgré toutes les obstructions des
puissances européennes, les attaques bédouines continuelles,
les sabotages, de nombreux malheurs et des difficultés
climatiques, les voies ferrées atteignirent Médine le 1er
octobre 1908.
Inquiets du cours des événements dans la région, les
puissances de l’Europe (en particulier la Grande-Bretagne et
la France) exercèrent une pression plus forte sur l’Empire
Ottoman en continuant à affirmer que le gouvernement ottoman
soumettait les non-musulmans aux préjugés et aux inégalités.
Ces pressions poussèrent le Sultan ‘Abd al-Hamid II à
prendre du recul sur certaines questions. Cependant, il
conserva son intégrité et sa défense contre la question
arménienne jusqu’à la fin de son règne. Il résista en
particulier à la pression qui le força à mener des réformes
dans les terres habitées par les Arméniens, ce qu’un article
du Traité de Berlin avait stipulé. Conscient du fait que
cette pression particulière conduirait à accorder
l’autonomie aux Arméniens, le Sultan ne fit aucune
concession face aux moyens de pression et aux menaces de
l’Occident.
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II soutenait qu’il n’y avait
pas de province dans laquelle vivaient plus d’Arméniens que
de Turcs et que par conséquent, il n’entreprendrait pas de
réformes arméno-centrées. Intimidant le nom du Sultan, les
Arméniens arrêtèrent de l’appeler « le Sultan rouge. » et
pour la première fois dans l’histoire ottomane, des
terroristes arméniens tentèrent d’assassiner le Sultan avec
une bombe à retardement le 19 Joumadah ath-Thani 1323 (21
juillet 1905).
Selon le plan, une bombe à retardement de 220 livres (100
kilos) exploserait après la Prière du Vendredi et tuerait le
Sultan et les hommes d’état, puis la terreur régnerait à
Istanbul avec une série d’attentats à la bombe à des
endroits critiques et telle sont les manières des mécréants.
De manière assez inattendue, le Grand Juge s’arrêta et
discuta de certains problèmes avec le Sultan alors qu’il
sortait de la mosquée Hamidiye ; ces quelques minutes de
retard lui sauvèrent la vie. Une terrible explosion coûta 26
vies, 58 blessés et 20 chevaux. Il sembla que le seul calme
dans ces moments de panique était le Sultan qui monta sur la
charrette à cheval comme si de rien n’était, mit ses chevaux
en bride et partit en voiture vers le Palais. Lorsque les
cerveaux qui étaient derrière le complot furent capturés, le
Sultan leur accorda son pardon et les fit travailler plus
tard, pour l’empire.
Pendant longtemps, les sionistes avaient travaillé pour
établir un état juif sur « la terre promise dans laquelle
ils refusèrent systématiquement d’entrer sous leur Prophète
Moïse (‘aleyhi salam) » en Palestine. Ils s’approchèrent de
‘Abd al-Hamid II et lui dirent qu’ils n’effaceraient
la totalité de la dette de l’empire que s’il leur permettait
de s’installer en Palestine. Le Sultan déclina non seulement
leur offre généreuse, mais prit également des mesures pour
éviter leur installation en Palestine.
En raison de revers financiers, le Sultan ‘Abd al-Hamid II
rejeta par la suite sa politique de détachement mais
s’abstint toujours d’alliances à long terme. Par exemple, il
mit en place une alliance commerciale avec l’Allemagne pour
diverses raisons. Contrairement à d’autres pays européens,
l’Allemagne n’avait pas tenté d’occuper les terres
musulmanes, avait soutenu la position ottomane sur la
question arménienne et ‘Abd al-Hamid II appréciait
vraiment l’éthique de travail des Allemands et la
discipline.
Le Sultan savait qu’une politique d’équilibre des pouvoirs
ne pourrait pas soutenir la souveraineté ottomane à long
terme. En fait, son principal objectif en appliquant cette
politique était de gagner du temps pour fortifier son
empire. Néanmoins, les dettes extérieures qui se
s’accumulèrent pendant l’ère de la Tanzimat
(réorganisation), la domination de l’Administration de la
dette publique dans de nombreuses branches de l’économie et
la dépense de capitaux impériaux durement épargnés pour
réprimer les révoltes nationales entravèrent tous les plans
plus larges de réformes de ‘Abd al-Hamid II. Malgré
tout, d’importantes mesures de réforme furent prises,
notamment dans le domaine de l’éducation.
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II était très préoccupé par
les collèges qui formaient des hommes d’état et du personnel
militaire. Il ouvrit des écoles pour filles et augmenta le
nombre d’écoles primaires et élémentaires. Des politiciens
et des commandants militaires renommés seront formés dans
les écoles fondées par ‘Abd al-Hamid II.
Alors que le Sultan censura intensément de nombreuses
maisons de publication, il aida le secteur de l’édition à se
développer et à se propager. De nombreux livres, brochures,
revues et journaux publiés à son époque survivent à ce jour.
Le Sultan avait une grande passion pour la photographie. Il
demanda à des photographes de prendre des photos des terres
ottomanes à tous les niveaux, principalement parce qu’il
n’avait pas la possibilité de visiter le public et de
superviser les projets en cours sur le terrain. ‘Abd
al-Hamid II prépara 911 albums photo, collectivement connus
sous le nom d’albums d’Yildiz, composés d’environ 36000
photos prises dans des centaines de villes à travers les
terres ottomanes, dépeignant diverses scènes et événements
de son époque, y compris les écoles, les hôpitaux récemment
ouverts, les chemins de fer et les ponts ainsi que les
hommes d’état en service, les exercices sur le terrain dans
les collèges militaires, les étudiants, les terres sacrées,
ainsi que les fermes élevant du bétail. Le Sultan ‘Abd al-Hamid
II était un grand mécène de la photographie et ses albums
Yildiz sont l’une des plus grandes collections de photos au
monde, contribuant à une documentation d’archives unique de
l’époque.
Le Sultan finança la construction de l’hôpital pour enfants
et du Darulaceze, un logement caritatif pour les personnes
âgées et les nécessiteux dans le quartier de Sisli à
Istanbul grâce à ses économies personnelles.
Les réseaux ferroviaires figuraient en tête de l’ordre du
jour du Sultan. Il acheva les chemins de fer d’Anatolie, de
Roumélie et de Baghdad. Environ la moitié des chemins de fer
d’aujourd’hui en Turquie furent construits à l’époque de
‘Abd al-Hamid II. En outre, l’infrastructure
ferroviaire en retrait à l’époque est toujours utilisée en
Turquie. En outre, il mit en place c mis en place un vaste
réseau considérable de télégrammes avec les chemins de fer.
Le Sultan attacha de l’importance au développement des
relations avec les peuples turcs. Il contacta les Turcs
d’Asie centrale par l’intermédiaire du Sheikh Souleyman
Efendi de Boukhara. Souleyman Efendi représenta également le
Sultan au Congrès Turan (peuples turcs) tenu à Pest.
Pendant ce temps, un parti d’opposition surgit, défiant le
Sultan. Dirigé par le Comité de l’Union et du Progrès (un
nom bien pompant pour des traitres), qui pensait que la
déclaration de la monarchie constitutionnelle était la
panacée pour la stagnation de l’empire à l’intérieur et sur
la scène internationale, ce parti reçut le soutien de
membres non musulmans du comité et se révolta en Roumélie.
Finalement, le Sultan déclara à nouveau la Constitution le
25 Rajab 1326 (23 juillet 1908) et ainsi, commença l’ère de
la deuxième monarchie constitutionnelle. À long terme, le
gouvernement constitutionnel n’évita pas la stagnation de
l’empire bien au contraire, il accéléra le processus de
disparition. L’Autriche-Hongrie occupa la Bosnie-Herzégovine
pour éviter que des représentants bosniaques ne soient
envoyés au nouveau parlement le 9 Ramadan de cette même
année (5 octobre 1908). La Bulgarie déclara son indépendance
et la Crète déclara son association avec la Grèce.
Suite aux élections, le nouveau parlement reçut les
représentants nouvellement élus ou curieusement, les Turcs
devinrent minoritaires. Ce que le Sultan avait craint se
réalisa.
Les opérations téméraires du gouvernement unioniste
augmentèrent le mécontentement intérieur et diverses
factions se formèrent au sein de l’armée. Pendant ce temps,
un contre-comité fut fondé contre les unionistes. Les
opposants aux unionistes se rassemblèrent dans ce qu’on a
appelé la Société de l’Unité Islamique (Ittihad-i Muhammedi
Cemiyeti). Ils publièrent des articles provocateurs dans
Volkan et Mizan, leurs deux principaux journaux, défendirent
la violence physique et appelèrent à la suspension du
parlement. Au milieu de toute cette tension, une rébellion
généralisée éclata à Istanbul. Appelé la « contre-révolution
du 31 mars, » cet événement rebelle provoqua l’effusion de
sang le 21 Rabi’ al-Awwal 1327 (13 avril 1909), jour
correspondant au 31 mars sur le calendrier julien en usage à
l’époque.
Pendant ce temps, les Arméniens se soulevèrent dans une
énorme rébellion et massacrèrent de nombreux musulmans à
Adana le 23 de ce même mois (14 avril 1909). Dire que les
Arméniens pleurnichent aujourd’hui ! Les événements
turbulents à Istanbul prirent fin lorsque l’armée
d’opération arriva près de Yeshilkoy à Istanbul depuis la
Salonique, la base du Comité Union et Progrès. Certains
parlementaires rendirent visite à l’armée.
Des rumeurs se répandirent selon lesquelles le Sultan avait
provoqué la rupture de la rébellion et devrait donc être
détrôné. En retour, le Sultan dit au Grand Vizir Tawfik
Bacha qu’il pouvait abandonner le trône, mais aimerait qu’on
lui révèle s’il avait joué un rôle dans la rébellion. En
entendant à ce sujet, Sa’id Bacha rejeta l’enquête du Sultan
et protesta : « Que nous arrivera-t-il s’il était lavé de
toute accusation ? »
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II fut informé que la
première armée loyale attendait ses ordres pour contrer
l’opération Armée cependant, le Sultan déclara qu’il était
le calife des Musulmans et qu’il ne laisserait pas les
Musulmans tuer des Musulmans. Le commandant de la première
armée lui promit qu’ils ne porteraient pas les armes contre
l’armée d’opération.
L’armée d’opération dirigée par Mahmoud Sevket Bacha
entra dans Istanbul et occupa la ville. Peu de temps après,
les cours martiales ouvrirent et des gibets furent élevés.
De nombreux innocents, non impliqués dans la rébellion,
furent pendus. Un vent de violence souffla dans l’air
d’Istanbul, grâce à l’Union et au Progrès (la Division et la
Destruction). La Première Armée fut exilée en Roumélie et la
presse fut soumise à une censure extrême. En théorie, il y
avait un parlement mais en réalité, l’administration
reposait sur l’absolutisme et non sur la monarchie
constitutionnelle.
Une fatwa, exécutive religieuse, fut émise contre le Sultan
‘Abd al-Hamid II sur la base de fausses accusations
dirigées contre son caractère et son administration. Le
Sultan fut accusé d’être à l’origine de l’incident du 31
mars, de déformer et de brûler des livres religieux et de
consommer le trésor impérial.
Sa’id Bacha, le président du parlement, se retourna contre
le Sultan, qui l’avait nommé Grand Vizir sept fois et
l’avait gardé plusieurs fois. Il émit avec la règle de la
majorité un ordre du parlement de détrôner le Sultan.
Un délégué composé de l’Arménien Aram, du Géorgien Arif
Hikmet le Marin (l’un des anciens collaborateurs du Sultan),
du Juif Emanuel Karasu, le représentant de Salonique au
parlement, et de l’Albanais Esad Toptani vinrent au palais
pour informer le Sultan de la décision finale du Parlement.
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II les salua et déclara : «
Le parlement ne pourrait-il pas trouver de meilleurs
messagers qu’un Juif, un Arménien, un Albanais et un ingrat
pour transmettre la note d’exécution à un Sultan des Turcs
et au calife de tous les musulmans ? » Le délégué lui
répondit par le silence.
Le Sultan voulut résider dans le palais de Chiragan après sa
retraite forcée cependant, Mahmoud Sevket Bacha, le
commandant draconien de l’armée opération, le regroupa avec
sa famille et les conduisit par chemin de fer tout d’abord à
Salonique. Pour la première fois dans l’histoire ottomane,
un Sultan détrôné fut exilé à l’extérieur d’Istanbul.
A Salonique, le Sultan s’occupait de menuiserie et de
ferronnerie, ignorant que le bel équilibre diplomatique
qu’il avait monté avec soin dans les Balkans s’était
maladroitement désintégré. Une loi promulguée par l’Union et
Progrès dissous les vues controversées des peuples des
Balkans et peu de temps après, les États balkaniques
constituèrent un front unifié pour affronter l’Empire
Ottoman dans ce qu’on a appelé les guerres balkaniques. Le
Sultan quitta de toute urgence Salonique, car sa vie y était
en danger. Le Sultan exprima hardiment qu’il ne voulait pas
quitter Salonique et qu’il pouvait porter ses armes et se
battre s’il le fallait. Lorsque les conditions se
dégradèrent et frôlèrent la guerre, le Sultan fut ramené à
Istanbul et installé au Palais de Beylerbeyi le 21 Dzoul
Qi’dah 1330 (1er novembre 1912).
Le Sultan passa les dernières années de sa vie à observer de
loin les plus grands problèmes de l’Empire Ottoman. Le
Sultan décéda dans le Palais de Beylerbeyi le 28 Rabi’
ath-Thani 1336 (10 février 1918), Puisse Allah Exalté lui
faire miséricorde. Il ne verra pas les nombreuses misères à
venir ni les conséquences de la Première Guerre mondiale. Le
corps du Sultan décédé fut
enterré dans la tombe de son grand-père Mahmoud
II sur le Divanyolu à Istanbul.
La valeur réelle du Sultan ‘Abd al-Hamid II fut mieux
comprise pendant les dernières années turbulentes de
l’empire, et son absence fut manifestement ressentie. Ceux
qui s’étaient fermement opposés à lui pendant son règne
revinrent à la raison, bien que trop tard. Si le Sultan ‘Abd
al-Hamid II n’avait pas été détrôné par une
configuration multinationale, il était très probable que les
guerres des Balkans n’auraient pas éclaté et le Sultan
aurait épargné à ses sujets la Première Guerre mondiale.
Dans cette veine, la République de Turquie d’aujourd’hui
s’étendrait sur des territoires plus vastes.
L’un des Sultans les plus extraordinaires de l’histoire
ottomane, le Sultan ‘Abd al-Hamid II était calme mais
un peu sceptique. La gentillesse qu’il montra à ses
destinataires et le visage souriant qu’il offrit même à ceux
qu’il détestait furent parmi ses traits frappants. Il était
incroyablement intelligent et dans les relations humaines,
il prédisait intuitivement les idées et les émotions de ses
destinataires en examinant de près leurs mimiques et leur
langage corporel. Il est enregistré que sa mémoire était
exceptionnelle car il n’oublia jamais les visages familiers.
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II s’abstint de la débauche.
Il mangeait et s’habillait simplement et menait une vie
assez ordinaire. Il était très intéressé par le sport. Son
savoir-faire à l’épée était remarquable et il effectuait des
tirs précis avec son arme. Il écouta de la musique
occidentale, alla au théâtre et, surtout, fit de la
menuiserie dans le but de libérer les années stressantes de
son règne. Il était sans aucun doute un maître de génie de
la menuiserie et nombre de ses œuvres bien conçues ont
perduré jusqu’à présent.
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II se comporta avec la
dignité élevée attendue d’un calife. C’était un Musulman
pieux et passionné par les œuvres de charité. Il percevait
le califat non seulement comme un devoir politique, mais
aussi comme une énorme responsabilité. Il poursuivit une
série d’activités bénéfiques dans les villes sacrées, qui
peuvent être classées sous soixante-dix-sept rubriques. Le
Sultan entreprit dans les villes sacrées de l’Islam les
grands projets de construction suivants : la construction
d’un hôtel de ville, d’un quartier général de police, d’un
fort pour la défense de la Mecque, les réparations des
tombes des Compagnons et des générations musulmanes
suivantes, des voies navigables, une maison d’hôtes pour les
pauvres pèlerins, un réseau de télégrammes et une fourniture
de main-d’œuvre et de services militaires aux casernes
militaires qui s’y trouvaient. Tous ces projets suggèrent
fortement que le Sultan suivit la suite de ses prédécesseurs
et s’avéra être un véritable « Serviteur des villes sacrées
» contrairement à ceux qui trahirent à la même époque Allah,
Son Messager, le Califat et les Musulmans : Les Ibn Sa’oud
et leurs amis.
Les chroniques affirment qu’après la période des quatre
Califes Bien Guidés et de ‘Omar Ibn ‘Abd al-‘Aziz, il n’y
eut pas d’autre pays que l’Empire Ottoman qui se soit autant
engagé au service des villes sacrées. En outre, les photos
de La Mecque et de Médine prises par le Colonel Sadik Bey
furent ajoutées aux albums de photos du Sultan ‘Abd al-Hamid
II.
Le Sultan ‘Abd al-Hamid II était un amoureux de la
paix. Il détestait les guerres et les effusions de sang.
Néanmoins, il osa engager la guerre lorsque cela fut
nécessaire, comme en Grèce, sur laquelle les Ottomans
triomphèrent finalement. Il appréciait tellement les mérites
qu’il alloua des salaires à ses adversaires agressifs
envoyés à l’étranger en exil.
Grâce au chemin de fer Hijaz Hamidiye, qui fut achevé
sous le règne du Sultan ‘Abd al-Hamid Il, les
pèlerins entreprirent leur voyage sacré de pèlerinage
beaucoup moins cher, confortablement et en toute sécurité.
Les chemins de fer permirent en outre une mobilisation plus
rapide de l’armée vers le Yémen et l’ensemble de la
Péninsule Arabique. Bien que de courte durée, le chemin de
fer du Hijaz présenta au monde entier le pouvoir
inignorable du Califat. De manière assez significative, ce
projet géant fut rendu possible grâce aux dons des Musulmans
du monde entier.
Les Musulmans d’Inde aux États-Unis, de la Perse à l’Algérie
et du Soudan à la Russie contribuèrent obstinément au projet
malgré toutes les distractions, restrictions et autres
obstacles et finalement, ils l’ont fait. De nombreux hommes
d’état européens se moquèrent du Sultan pour son projet de
voie ferrée et l’entravèrent de nombreuses manières dès
qu’il commença à se matérialiser. En fin de compte, les
voies ferrées sur plus de 800 milles furent tracées et
ouverts à la circulation, ce qui témoigne de l’honneur et de
la dignité des Musulmans. En fait, il coïncida avec le règne
du Sultan ‘Abd al-Hamid II et que les Musulmans du
monde entier se réunirent pour le même objectif.
Cependant les traitres parmi les Musulmans travaillèrent
pour le compte de l’ennemi et finalement contribuèrent à la
destruction de l’Empire. Ils viendront le Jour du Qiyamah
avec un étendard sur lequel est écrit « TRAITRE » sortant de
leur anus. (Hadith) |