Le Trente-troisième Sultan Ottoman
 

 

 

Règne : 1293 (1876)

 

Nom du Père : ‘Abd al-Majid.

Nom de la Mère : Shevkefza Kadinefendi.

Lieu et date de naissance : Istanbul. Le 25 Rajab 1256 (22 septembre 1840).

Âge à l’accession au trône : 36 ans.

Cause et date du décès : Diabète. Le 17 Joumada ath-Thani 1322 (29 août 1904).

Lieu de décès et de sépulture : Istanbul. Il fut enterré dans une tombe à son nom dans la Mosquée Yeni d’Istanbul.

Héritiers : Souleyman Efendi, Sayf ad-Din Efendi et Muhammad Salah ad-Din Efendi.

Héritières : Sultan Khadija, Sultan Fahima, Sultan Fatma et Sultan ‘Aliya.

 

 

Le Sultan Mourad V, dont le nom de naissance était Muhammad Mourad, fut élevé avec beaucoup de soin par son père pendant ses années de Shehzade (prétendant au trône). Il fut le Sultan dont le règne dura le plus court de l’histoire ottomane. En tant que futur Sultan, il reçut une éducation impressionnante et occupa des postes de direction dans les cérémonies impériales.

Il accompagna son oncle lors de voyages en Égypte et en Europe et resta en contact avec les Jeunes Ottomans, un groupe d’intellectuels influencés par les penseurs occidentaux et la Révolution française et qui défendaient la monarchie constitutionnelle comme forme idéale de gouvernement. Il rencontra Sinasi, Kemal Namik et Ziya Bacha et reçut leur remarquable soutien. (Nous rapportons l’histoire officielle qui sera suivie par l’histoire non officielle dans un chapitre spécial)

 

Sous le règne du Sultan ‘Abd al-’Aziz, les événements tumultueux de Salonique, qui coûtèrent la vie à deux ambassadeurs, incitèrent les Européens à intervenir dans les affaires intérieures ottomanes et les adversaires du Sultan détrônèrent le Sultan ‘Abd al-’Aziz et le remplacèrent par Mourad V. Contrairement à ses prédécesseurs, l’intronisation de Mourad V ne fut pas célébrée par l’habituelle cérémonie dans la Mosquée Sultan Ayyoub.

Sous la pluie, le Sultan Mourad V fut transporté à la hâte à la Porte du Bureau du Commandant Général (la porte principale de l’actuelle Université d’Istanbul), et les principaux hommes d’état lui portèrent allégeance en tant que nouveau Sultan. La même cérémonie d’allégeance se reproduisit au palais de Dolmabahce.

Pendant ce temps, un conflit amer éclata entre ceux qui avaient amené Mourad V sur le trône et les idées libertaires de Midhat Bacha n’attirèrent pas l’attention et les préoccupations des autres.

Le Commandant Général Huseyin Avni Bacha, qui aida le Sultan Mourad V à monter sur le trône, décida qu’il allait sélectionner avec vigilance ceux qui verraient le Sultan en personne.

Alors qu’il prenait son petit-déjeuner le cinquième jour de son Sultanat, le Sultan Mourad V apprit que l’ex-Sultan ‘Abd al-’Aziz avait été retrouvé mort dans sa chambre du Palais Fer’iye et il s’évanouit sous la fureur du choc. Onze jours plus tard, le Major Principal Hassan Cherkez Bey, beau-frère de l’ancien Sultan, fit une descente lors d’une réunion du Cabinet des Ministres et assassina Huseyin Avni Bacha pour le meurtre présumé du mari de sa sœur.

 

Le Sultan Mourad V déjà malade fut profondément touché et finalement affligé par les récents événements. Lors de la visite de ses frères, le Sultan leur révéla que son état de santé était mauvais et se plaignit de terribles maux de tête qu’il avait récemment commencé à avoir.

La façon dont le Sultan Mourad V agit lors de sa première cérémonie de Prière du Vendredi montra qu’il avait perdu sa conscience. Bien que le Sultan ait été transféré au Palais Yildiz, à Istanbul, conformément aux conseils des médecins, il se jeta dans la piscine dans un moment de folie et peu de temps après, il devint évident qu’il avait perdu sa santé mentale. Après cela, il cessa d’assister aux cérémonies de Prière du Vendredi et refusa de rencontrer quiconque.

 

Bien que le gouvernement ait voulu couvrir la vérité, la nouvelle que le Sultan était devenu fou se propagea rapidement de bouche à oreille. Le public critiqua le Grand Vizir Rouchdou Bacha pour avoir tenté de gouverner l’Empire Ottoman en l’absence d’un Sultan.

 

Le lendemain de son retour d’une cérémonie de salutations, le Sultan brisa une vitre du Palais et tenta de se suicider. Les médecins entrèrent et l’examinèrent et convinrent à l’unanimité que ses chances de guérison étaient très minces. Midhat Bacha alla voir ‘Abd al-Hamid II, l’héritier de facto du Sultan, et lui dit qu’ils le proclameraient nouveau Sultan à condition qu’il prononce la nouvelle constitution, appelée Kanun-i Esasi (Loi Fondamentale) écrite par des membres des Jeunes Ottomans, en particulier Midhat Bacha (la cinquième colonne).

 

Suite au décret religieux du Grand Juge du 9 Sha’ban 1293 (30 août 1876), le Parlement décida de détrôner le Sultan Mourad V et de le remplacer par ‘Abd al-Hamid II.

 

Le Sultanat de fait accompli de Mourad V prit fin après quatre-vingt-treize jours.

Sous le règne du Sultan ‘Abd al-Hamid II, Mourad V et sa famille furent transférés au Palais de Chiragan et ses soins médicaux suivirent.

 

Parce que la loge maçonnique et un certain nombre de groupes dissidents poursuivirent la propagande selon laquelle l’ex-Sultan était en bonne santé mais pris par l’injustice et la corruption, le Sultan ‘Abd al-Hamid II fit examiner son frère par un comité médical de médecins locaux et étrangers. Le comité souligna le fait que l’ex-Sultan était toujours atteint de troubles mentaux et que son traitement n’était pas dans les limites des possibilités.

 

Des groupes dissidents, y compris les maçons, osèrent enlever trois fois l’ex-Sultan cependant, ils étaient toujours pris et punis. Ces tentatives d’enlèvement dérangèrent le plus Mourad V et sa famille. Il dû vivre la vie d’un prisonnier pendant ses vingt-huit années restantes car il devait être protégé sous haute surveillance des ravisseurs.

 

Le plus court invité du trône ottoman, le Sultan Mourad V était très intéressé par la peinture, la menuiserie et l’architecture. C’était un compositeur de génie ; il écrivit plus de 550 compositions dans le style européen, appelées a-la-franga. Son caractère et son image étaient très différents de ceux de ses frères dans la manière dont il défendit un style de vie a-la-franga depuis ses années Shehzade. Il devint membre de la loge maçonnique car il pensait que la politique d’état en bénéficierait. Cependant, Mourad V semblait considérer la loge comme un club de sport sans savoir en quoi consistait réellement l’organisation de cette société secrète. 

 


 


 

Le Trente-quatrième Sultan Ottoman

 

Sultan ‘Abd al-Hamid II

 

 

Règne : 1293- 1327 (1876-1909)

 

Nom du Père: ‘Abd al-Majid.

Nom de la Mère : Kadinefendi Tirimoujgan.

Lieu et date de naissance : Istanbul, le 15 Sha’ban 1258 (21 septembre 1842).

Âge à l’accession au trône : 34 ans.

Cause et date de décès : Arrêt cardiaque. Le 28 Rabi’ ath-Thani 1336 (10 février 1918).

Lieu de décès et de sépulture : Istanbul. Il fut enterré dans la tombe de Mahmoud II sur le Divanyolu, Istanbul.

Héritiers : Muhammad Salim, Ahmed Nouri, Muhammad ‘Abd al-Qadir, Muhammad Bourhan ad-Din, ‘Abd ar-Rahim Khayri, Nour ad-Din Ahmed et Muhammad ‘Abid.

Héritières : Sultan Zakiyyah, Sultan Na’ima, le Sultan Naila, le Sultan Sa’diyah, Sultan ‘Ayshah et Sultan Rafi’a.

 

 

Bien qu’il soit peu probable que ‘Abd al-Hamid II devienne Sultan, l’exécution de son oncle ‘Abd al-‘Aziz et la déchéance de son frère aîné Mourad V l’amenèrent à être le trente-quatrième invité sur le trône ottoman.

 

La perte de sa mère à l’âge de onze ans laissa une marque indélébile dans l’esprit de ‘Abd al-Hamid. De plus, il apprit à faire face à la solitude spécifiquement après que son père, le Sultan ‘Abd al-Majid, se soit montré plus intéressé par son frère aîné Mourad V que par lui. L’étal du Palais ne lui accordait pas non plus le respect dû, principalement parce que personne ne l’avait prédit un jour Sultan. Il n’apprécia pas non plus la vie du Palais ni aima le personnel du Palais.

 

‘Abd al-Hamid II avait dix-neuf ans lorsque son père décéda. Enfant, il reçut des cours de Turc, d’Arabe, de Perse et de Français. Son oncle le Sultan ‘Abd al-‘Aziz a été le premier à réaliser son intellect supérieur et ses talents administratifs. ‘Abd al-‘Aziz le laissa grandir dans un environnement confortable et l’emmena dans ses voyages à l’étranger. Alors que son frère aîné Mourad V faisait preuve d’une personnalité calme et détendue, le jeune Shehzade ‘Abd al-Hamid II, préférait s’asseoir dans un coin, loin de la scène sociale. Les chemins de fer qu’il observa en Grande-Bretagne l’éclairèrent dans une large mesure. Il ne prenait pas plaisir à vivre dans le Palais et travaillait sur la terre de sa ferme à Maslak, Istanbul, élevait des moutons, exploitait des minéraux et échangeait des obligations à la bourse. Il semble que s’il n’avait pas été un Sultan, la richesse personnelle, plus de 100000 pièces d’or qu’il avait accumulées par un travail acharné, aurait pu lui fournir un niveau de vie confortable.

 

Après son accession au trône, le Sultan ‘Abd al-Hamid II fit don de ses biens personnels à l’armée. Fait intéressant, parce qu’il avait été loin du Palais et du public et très impliqué dans l’économie pendant ses années Shehzade, il avait été élevé comme les vieux Shehzades l’avaient été avec une expérience administrative de première main dans les provinces en tant que gouverneur avant d’assumer le trône.

 

Pendant la période du Sultan ‘Abd al-Hamid II, Midhat Bacha et ses amis s’efforcèrent d’influer sur l’établissement d’une monarchie constitutionnelle, ce qu’ils ne pouvaient pas faire au cours du règne de Mourad V. En fait, la parole de ‘Abd al-Hamid à ce sujet les fit prononcer le nouveau Sultan le 10 Sha’ban 1293 (31 août 1876).

 

‘Abd al-Hamid II prit le trône pendant les années turbulentes de l’Empire Ottoman. Il dût lutter contre les révoltes balkaniques, la question orientale» Russe et la réticence des banques européennes à prêter de l’argent aux Ottomans. Les impossibilités financières retardèrent la suppression des révoltes.

 

Le Sultan ‘Abd al-Hamid II visita et dîna avec les soldats dans leurs casernes et avec des marins dans leurs chantiers navals. Il offrit aux savants, aux commandants et aux soldats des iftars (dîners) pour rompre le jeûne du Ramadan. Il pria dans différentes mosquées parmi le public et il rendit visite dans les hôpitaux aux soldats vétérans blessés dans les guerres des Balkans. En particulier, il offrit aux soldats qui avaient perdu leurs pieds des cannes de sa propre marque. Tous ces petits gestes émouvants firent ressentir à l’armée et au public beaucoup d’affection pour le nouveau Sultan, remonta le moral de l’armée et le public ralluma ses bougies d’espoir.

 

Les Ottomans gagnèrent des guerres contre les Serbes dans les Balkans cependant, ils acceptèrent de signer une trêve de trois mois avec les Serbes à la suite d’une énorme pression de la part des Russes. En outre, une conférence était prévue à Istanbul. Sous la direction de la Grande-Bretagne, les pays participants discuteraient des moyens d’apaiser les événements turbulents dans les Balkans et d’améliorer les relations russe-ottomanes.

 

Pendant ce temps, un gang contre la paix avec la Serbie élabora un complot visant à assassiner Midhat Bacha et ses hommes et à détrôner le Sultan, mais leur plan fut découvert assez tôt et les coupables arrêtés.

 

La première constitution de l’histoire turque devait être légiférée et à cet effet, une commission de Musulmans et de non-musulmans fut créée. Midhat Bacha devint le nouveau Grand Vizir pour remplacer le récent retraité Roushdou Bacha.

 

Le premier jour de la Conférence d’Istanbul se concentra sur la situation politique des Balkans, et la constitution, Kanun-i Esasi (Loi Fondamentale), fut proclamée le 6 Dzoul Hijjah 1293 (23 décembre 1876). Désormais, la première ère de la monarchie constitutionnelle commença.

 

La constitution avait été annoncée à la hâte à la Conférence d’Istanbul principalement parce que les Ottomans pensaient que les pays occidentaux verraient la constitution et s’abstiendraient de faire de grandes demandes. Néanmoins, cela ne les intéressa pas. Les Européens préparèrent à l’ambassade de Russie une liste de demandes comme suit : la Bosnie et la Bulgarie devaient être indépendantes, l’armée ottomane devait quitter la Serbie et le Monténégro et des dizaines de réformes devaient être menées dans les Balkans. L’assemblée générale ottomane se réunit sous l’ordre du Sultan, débattit du contenu de la liste et rejeta les demandes à l’unanimité sur le motif que les clauses de la liste violaient la souveraineté intérieure ottomane. La Grande-Bretagne organisa ensuite une autre conférence à Londres cette fois. Le 28 Rabi’ al-Awwal 1294 (12 avril 1877), l’assemblée générale ottomane rejeta de nouveau les décisions prises à Londres simplement parce que les clauses étaient en violation directe des droits souverains ottomans.

 

Midhat Bacha, la véritable force qui amena le Sultan ‘Abd al-Hamid II sur le trône, exerça une pression constante sur lui. Conformément à son bellicisme, Midhat Bacha tenta de recruter une armée appelée le Millet Askeri (l’Armée de la Nation) pour être commandée par lui. Plus tard, il ajouta une croix sur le drapeau turc en Bosnie-Herzégovine et fit défiler une armée composée de Musulmans et de Chrétiens à Istanbul, portant le même drapeau. De plus, il déclara lors de soirées à boire qu’il abrogerait la dynastie ottomane et établirait une dynastie midhatienne. Tous ceci mis ensemble, suscita une réaction. Midhat Bacha avait réussi à promulguer la loi d’exil, qui autorisait l’envoi de certains criminels en exil et curieusement, il devint le premier à être exilé sur la base de cette loi.

 

Peu de temps après que le gouvernement ottoman déclara qu’il ne reconnaîtrait pas la résolution de la Conférence de Londres, la Russie eut l’occasion qu’elle attendait et déclara la guerre à l’Empire Ottoman le 10 Rabi’ ath-Thani de cette même année (24 avril 1877). Les Roumains, les Serbes, les Monténégrins et les Bulgares s’allièrent avec Russie. L’armée et les finances ottomanes étaient dans une mauvaise situation et pire, l’Empire Ottoman ne reçut aucune aide extérieure. Les résistances héroïques de ‘Uthman Ghazi Bacha à Pleven en Roumélie et de Ahmed Moukhtar Ghazi Bacha à Erzurum en Anatolie contre les envahisseurs ne put changer la fin inévitable. L’armée ottomane, impuissante en orient et en occident dû battre en retraite désespérément. Un autre drame, après la série de guerres perdues, fut vécu par des milliers de Musulmans qui vivaient sur des territoires récemment envahis et des millions furent injustement massacrés. L’histoire est totalement silencieuses sur les massacres des populations musulmanes par les Chrétiens mais virulente lorsqu’il s’agit du contraire, même s’il s’agit de fiction !

 

Alors que l’Empire Ottoman traversait une période de turbulence en raison des résultats complexes d’une grande guerre avec les Russes, les représentants de différentes ethnies s’occupèrent d’un programme différent au sein de l’assemblée parlementaire, le principal organe exécutif de l’empire. Au lieu de prendre des décisions sur la guerre russo-turque (1294-1295/1877-1878), l’assemblée débattit massivement des mouvements d’indépendance des minorités ainsi que du désir de donner à leurs langues un statut officiel, ce qui bouleversa le Sultan dans une certaine mesure.

 

Les Ottomans signèrent un accord d’armistice avec les Russes à Edirne. Lors de la réunion du palais au cours de laquelle les conditions de paix seraient négociées, Kethudasi Ahmed Efendi, l’un des représentants des participants, déclara que non pas l’assemblée mais le Sultan était responsable de la régression des événements. En réponse à cette incrimination déplacée, le Sultan ‘Abd al-Hamid II souligna qu’il n’était pas coupable d’avoir fait de son mieux en sa qualité. Quand Ahmed Efendi releva son ton accusateur, le Sultan fit clairement savoir qu’il était prêt à continuer à combattre la Russie pour le reste de sa vie s’il le fallait et confia à l’assemblée de remettre Ahmed Efendi à sa place pour son comportement méprisant contre l’autorité du Sultan. 

 

Le Sultan ne céderait pas la souveraineté aux hommes d’état qui agissaient clairement dans leur propre intérêt. Ses propres mots, « Je suis maintenant obligé de suivre les traces du Sultan Mahmoud » annonçaient ce qui allait se passer. Sur la base de l’autorité que lui conférait la constitution, le Sultan ‘Abd al-Hamid II dissout l’assemblée le 10 Safar 1295 (13 février 1878), tout comme son grand-père, le Sultan Mahmoud II, dissout il y a bien longtemps le corps des janissaires.

 

À la suite de la guerre russo-turque de 1294-1295 (1877 à 1878), les Ottomans signèrent avec la Russie le Traité de San Stefano, également connu sous le nom de Traité de Yegilkoy. La Grande-Bretagne et d’autres pays européens firent entendre leur voix dissidente après avoir découvert que la Russie était déterminée à partitionner les terres ottomanes (connue sous le nom de « la question orientale» dans l’histoire européenne) simplement par elle-même. Finalement, toutes les parties concernées voulurent discuter plus avant de la question et programmèrent une conférence à Berlin. Pendant ce temps, le 3 Joumadah ath-Thani de cette même année (4 juin 1878), la Grande-Bretagne signa un accord secret avec la Russie, tout en acquérant également l’administration de Chypre de l’Empire Ottoman avec la promesse d’aider les Ottomans pendant les négociations. Le Sultan ‘Abd al-Hamid II ne voulut pas approuver ce traité, que les Britanniques avaient déjà fait signer par le gouvernement ottoman au fait accompli, néanmoins, les coercitions militaires l’obligeaient.

 

Le gouvernement ottoman avait abandonné Chypre, en supposant que la Grande-Bretagne les soutiendrait à la conférence de Berlin cependant, cela ne se produisit pas et pour cause. Le Sultan ‘Abd al-Hamid II était bien conscient du fait que la conférence avait pour but de partager les terres ottomanes. Le traité de Berlin, le (13 Rajab 1295/13 juillet 1878), accorda l’indépendance à la Serbie, à la Roumanie et au Monténégro ; força la Russie à payer une indemnité de guerre ; sécession des villes de Kars, Ardahan et Batum à la Russie ; divisa la Bulgarie en trois sphères et rattacha la Bosnie-Herzégovine à l’Autriche. En 1298 (1881), la France envahit Tunis, la Grande-Bretagne occupa l’Égypte en1299 (1882) et la Bulgarie marcha sur la Roumélie orientale en 1302 (1885).

 

Lorsque le Sultan ‘Abd al-Hamid II devint le Sultan, il avait trouvé un empire en guerre sur plusieurs fronts. En l’espace de quelques mois, son empire commença à subir d’énormes pertes. Finalement, le Sultan se concentra sur la politique internationale et s’efforça de poursuivre une politique étrangère informée et cohérente. Le fait que l’Empire Ottoman ait fait l’objet d’humiliation et de diffamation à la Conférence Tersane (chantier naval) à Istanbul et à la conférence de Berlin obligea le Sultan à appliquer une diplomatie solide, respectueuse de lui-même et honorable.

 

Pour la première fois de son histoire, l’Empire Ottoman vint à poursuivre des politiques étrangères séduisantes et engageantes durant le règne du Sultan ‘Abd al-Hamid. Le Sultan conçut en effet une stratégie d’équilibre des pouvoirs, joua sur le conflit d’intérêts entre des pays européens impitoyablement compétitifs, et par conséquent sauvegarda son empire dans un monde compétitif.

 

Le Sultan établit donc dans le palais un centre de renseignement, une sorte de service des relations extérieures dont le personnel collectait et analysait les publications internationales et les rapports des ambassadeurs. Il rencontra des universitaires étrangers et autochtones et discuta avec eux de la diplomatie étrangère. La justification de sa politique d’équilibre des pouvoirs était apparemment simple, basée sur la mise à profit du conflit d’intérêts entre les pays cependant, assez difficile et compliqué une fois mise en pratique. Le principal acteur de sa politique était la Grande-Bretagne, qu’il détestait et à laquelle il ne s’est jamais confié. La Russie s’opposa à la Grande-Bretagne selon sa politique, et le Sultan se rapprocha de la Russie contre la Grande-Bretagne en cas de besoin. Lorsque la Grande-Bretagne occupa l’Égypte, il se tourna vers la France. Plus tard, il contribua à la confrontation franco-italienne en Afrique du Nord. En fait, le Sultan ‘Abd al-Hamid II ne conclut d’alliance ou d’accord à long terme avec aucun de ces pays.

 

Le Sultan appliqua une politique similaire dans les Balkans. Il écarta les états des Balkans et les empêcha de s’unifier contre l’Empire Ottoman. En outre, il apaisa les ambassadeurs en visite en utilisant le califat et envoya des photographies et des images aux grandes puissances pour montrer que son empire allait bien. Il s’avéra que ces pratiques furent magistralement conçues et efficacement mises en œuvre.

 

Le Sultan déchargea de nombreux hommes d’état corrompus qui s’étaient habitués à recevoir des ordres et des cadeaux des ambassades étrangères, et donna plus de responsabilités à ses hommes de confiance tels que ‘Uthman Gazi Bacha et Jevdet Bacha contre les membres perfides du gouvernement. Il fit toujours preuve de prudence, prédisant qu’il suivrait le chemin de son oncle et de son frère aîné, qui souffrirent tous deux souffert profondément des conséquences de ne pas l’avoir fait.

 

Des cabales influentes avaient voulu ramener Mourad V sur le trône simplement pour leurs propres intérêts et essayèrent de l’enlever du Palais Chiragan à plusieurs reprises. Des coups d’état et des révoltes furent tentés par le passé à de nombreuses reprises et des pays étrangers utilisèrent plusieurs complots. En conséquence, le Sultan se sentit obligé de créer un bureau d’enquêtes et ordonna une attention de haut niveau aux publications étrangères afin d’éviter la sédition intérieure qu’elles pourraient provoquer.

 

Le Sultan ‘Abd al-Hamid II pensait que l’empire avait besoin de temps pour se rétablir. Pour cette raison, il s’efforça résolument de le tenir à l’écart des guerres. La seule guerre dans laquelle le Sultan pacifiste s’engagea fut menée contre les Grecs sur l’île de Crète. Après que la révolte en Crète s’avéra impossible à réprimer et que la Grèce déclara qu’elle avait annexé l’île, le Sultan déclara la guerre à la Grèce le 16 Dzoul Qi’dah 1314 (18 avril 1897). Les forces ottomanes écrasèrent l’armée grecque à Larissa et lors de la bataille rangée à Domokos. Ces victoires furent les premières réalisations militaires de ‘Abd al-Hamid II. Finalement, les Grecs se soumirent et demandèrent une trêve. Le drapeau ottoman flotta en Crète pour encore dix ans mais la Crète sera intégrée à la Grèce pendant les années alambiquées qui suivirent la déclaration de la deuxième monarchie constitutionnelle.

 

Le Sultan comprit que l’Empire Ottoman avait perdu sa réputation en Occident en raison de ses dettes accumulées envers les pays européens et que les remboursements de ces dettes et intérêts constituaient plus de la moitié des revenus annuels de l’empire. Nous avons vu dans nos précédents ouvrages combien de nation les mécréants mirent à genoux sans tirer un coup de feu avec ces terribles emprunt et cela dure jusqu’à nos jours ! Par conséquent, il proclama aux pays créanciers un décret appelé Karamamesi Mouharram le 28 Mouharram 1299 (20 décembre 1881). Fondée par ce décret, l’Administration de la dette publique ottomane relégua, dans une certaine mesure, le contrôle de l’économie ottomane aux pays étrangers auxquels elle était redevable. Des crédits étrangers, quoique de faibles montants, furent retirés pendant cette période cependant, le total des dettes extérieures diminua considérablement pour un montant supérieur à celui qui avait été récemment emprunté.

 

Le Sultan ‘Abd al-Hamid II était le plus modeste et le moins ostentatoire de tous les Sultans ottomans dans sa façon de vivre et de s’habiller. Il réduisit les dépenses du Palais, raccourcit le menu de nourriture du Palais et réduisit le nombre d’employés du Palais. Les compétitions commerciales des étrangers dans les terres ottomanes se matérialisèrent également pendant son règne. Les Allemands remportèrent le premier tour et obtiennent le contrat d’un grand projet ferroviaire ainsi l’extension des voies entre Haydarpaga-Izmil jusqu’à Ankara et la construction du nouveau chemin de fer de Bagdad leur fut confiés.

 

Parmi les Sultans ottomans, le Sultan ‘Abd al-Hamid II fut le premier à mettre en pratique son pouvoir califale. Selon lui, les sujets musulmans venaient toujours en premier. Contre la sédition britannique dans les terres musulmanes selon laquelle le califat ne pouvait appartenir aux Ottomans, le Sultan consulta et reçut l’approbation des érudits musulmans. En fait, les penseurs islamiques avancèrent une multitude de preuves religieuses et historiques que le califat n’avait rien à voir avec la race ou l’ethnicité.

 

Les agents britanniques ne s’arrêtèrent pas là. Ils annoncèrent le Khédive d’Égypte comme le nouveau calife dans le but d’affaiblir le pouvoir du Sultan dans la région. Pour contrer ce stratagème britannique, le Sultan accorda de l’importance au panislamisme. Le Sultan ne voulait pas voir les étrangers cultiver les graines de la discorde semées par les Britanniques, il rassembla donc un groupe de chefs religieux et de chefs de tribu et les envoya pour atteindre un public plus large. Il envoya ses gouverneurs compétents les plus fiables pour administrer dans les provinces à majorité musulmane. En outre, il parraina des érudits islamiques pour répandre l’Islam dans des pays aussi éloignés que l’Afrique du Sud et le Japon. Son influence en Chine fut énorme et une université de l’Islam ouvrit à Pékin avec un drapeau Ottoman flottant au-dessus de sa porte principale.

 

Au mois de Joumadah al-Oula 1318 (septembre 1900), le Sultan ‘Abd al-Hamid II lança la construction du chemin de fer Hijaz entre Damas et La Mecque, ce qu’il appela son « magnum opus. » Malgré toutes les obstructions des puissances européennes, les attaques bédouines continuelles, les sabotages, de nombreux malheurs et des difficultés climatiques, les voies ferrées atteignirent Médine le 1er octobre 1908.

 

Inquiets du cours des événements dans la région, les puissances de l’Europe (en particulier la Grande-Bretagne et la France) exercèrent une pression plus forte sur l’Empire Ottoman en continuant à affirmer que le gouvernement ottoman soumettait les non-musulmans aux préjugés et aux inégalités. Ces pressions poussèrent le Sultan ‘Abd al-Hamid II à prendre du recul sur certaines questions. Cependant, il conserva son intégrité et sa défense contre la question arménienne jusqu’à la fin de son règne. Il résista en particulier à la pression qui le força à mener des réformes dans les terres habitées par les Arméniens, ce qu’un article du Traité de Berlin avait stipulé. Conscient du fait que cette pression particulière conduirait à accorder l’autonomie aux Arméniens, le Sultan ne fit aucune concession face aux moyens de pression et aux menaces de l’Occident.

 

Le Sultan ‘Abd al-Hamid II soutenait qu’il n’y avait pas de province dans laquelle vivaient plus d’Arméniens que de Turcs et que par conséquent, il n’entreprendrait pas de réformes arméno-centrées. Intimidant le nom du Sultan, les Arméniens arrêtèrent de l’appeler « le Sultan rouge. » et pour la première fois dans l’histoire ottomane, des terroristes arméniens tentèrent d’assassiner le Sultan avec une bombe à retardement le 19 Joumadah ath-Thani 1323 (21 juillet 1905).

 

Selon le plan, une bombe à retardement de 220 livres (100 kilos) exploserait après la Prière du Vendredi et tuerait le Sultan et les hommes d’état, puis la terreur régnerait à Istanbul avec une série d’attentats à la bombe à des endroits critiques et telle sont les manières des mécréants. De manière assez inattendue, le Grand Juge s’arrêta et discuta de certains problèmes avec le Sultan alors qu’il sortait de la mosquée Hamidiye ; ces quelques minutes de retard lui sauvèrent la vie. Une terrible explosion coûta 26 vies, 58 blessés et 20 chevaux. Il sembla que le seul calme dans ces moments de panique était le Sultan qui monta sur la charrette à cheval comme si de rien n’était, mit ses chevaux en bride et partit en voiture vers le Palais. Lorsque les cerveaux qui étaient derrière le complot furent capturés, le Sultan leur accorda son pardon et les fit travailler plus tard, pour l’empire.

 

Pendant longtemps, les sionistes avaient travaillé pour établir un état juif sur « la terre promise dans laquelle ils refusèrent systématiquement d’entrer sous leur Prophète Moïse (‘aleyhi salam) » en Palestine. Ils s’approchèrent de ‘Abd al-Hamid II et lui dirent qu’ils n’effaceraient la totalité de la dette de l’empire que s’il leur permettait de s’installer en Palestine. Le Sultan déclina non seulement leur offre généreuse, mais prit également des mesures pour éviter leur installation en Palestine.

 

En raison de revers financiers, le Sultan ‘Abd al-Hamid II rejeta par la suite sa politique de détachement mais s’abstint toujours d’alliances à long terme. Par exemple, il mit en place une alliance commerciale avec l’Allemagne pour diverses raisons. Contrairement à d’autres pays européens, l’Allemagne n’avait pas tenté d’occuper les terres musulmanes, avait soutenu la position ottomane sur la question arménienne et ‘Abd al-Hamid II appréciait vraiment l’éthique de travail des Allemands et la discipline.

 

Le Sultan savait qu’une politique d’équilibre des pouvoirs ne pourrait pas soutenir la souveraineté ottomane à long terme. En fait, son principal objectif en appliquant cette politique était de gagner du temps pour fortifier son empire. Néanmoins, les dettes extérieures qui se s’accumulèrent pendant l’ère de la Tanzimat (réorganisation), la domination de l’Administration de la dette publique dans de nombreuses branches de l’économie et la dépense de capitaux impériaux durement épargnés pour réprimer les révoltes nationales entravèrent tous les plans plus larges de réformes de ‘Abd al-Hamid II. Malgré tout, d’importantes mesures de réforme furent prises, notamment dans le domaine de l’éducation.

 

Le Sultan ‘Abd al-Hamid II était très préoccupé par les collèges qui formaient des hommes d’état et du personnel militaire. Il ouvrit des écoles pour filles et augmenta le nombre d’écoles primaires et élémentaires. Des politiciens et des commandants militaires renommés seront formés dans les écoles fondées par ‘Abd al-Hamid II.

 

Alors que le Sultan censura intensément de nombreuses maisons de publication, il aida le secteur de l’édition à se développer et à se propager. De nombreux livres, brochures, revues et journaux publiés à son époque survivent à ce jour.

 

Le Sultan avait une grande passion pour la photographie. Il demanda à des photographes de prendre des photos des terres ottomanes à tous les niveaux, principalement parce qu’il n’avait pas la possibilité de visiter le public et de superviser les projets en cours sur le terrain. ‘Abd al-Hamid II prépara 911 albums photo, collectivement connus sous le nom d’albums d’Yildiz, composés d’environ 36000 photos prises dans des centaines de villes à travers les terres ottomanes, dépeignant diverses scènes et événements de son époque, y compris les écoles, les hôpitaux récemment ouverts, les chemins de fer et les ponts ainsi que les hommes d’état en service, les exercices sur le terrain dans les collèges militaires, les étudiants, les terres sacrées, ainsi que les fermes élevant du bétail. Le Sultan ‘Abd al-Hamid II était un grand mécène de la photographie et ses albums Yildiz sont l’une des plus grandes collections de photos au monde, contribuant à une documentation d’archives unique de l’époque.

 

Le Sultan finança la construction de l’hôpital pour enfants et du Darulaceze, un logement caritatif pour les personnes âgées et les nécessiteux dans le quartier de Sisli à Istanbul grâce à ses économies personnelles.

 

Les réseaux ferroviaires figuraient en tête de l’ordre du jour du Sultan. Il acheva les chemins de fer d’Anatolie, de Roumélie et de Baghdad. Environ la moitié des chemins de fer d’aujourd’hui en Turquie furent construits à l’époque de ‘Abd al-Hamid II. En outre, l’infrastructure ferroviaire en retrait à l’époque est toujours utilisée en Turquie. En outre, il mit en place c mis en place un vaste réseau considérable de télégrammes avec les chemins de fer.

 

Le Sultan attacha de l’importance au développement des relations avec les peuples turcs. Il contacta les Turcs d’Asie centrale par l’intermédiaire du Sheikh Souleyman Efendi de Boukhara. Souleyman Efendi représenta également le Sultan au Congrès Turan (peuples turcs) tenu à Pest.

 

Pendant ce temps, un parti d’opposition surgit, défiant le Sultan. Dirigé par le Comité de l’Union et du Progrès (un nom bien pompant pour des traitres), qui pensait que la déclaration de la monarchie constitutionnelle était la panacée pour la stagnation de l’empire à l’intérieur et sur la scène internationale, ce parti reçut le soutien de membres non musulmans du comité et se révolta en Roumélie. Finalement, le Sultan déclara à nouveau la Constitution le 25 Rajab 1326 (23 juillet 1908) et ainsi, commença l’ère de la deuxième monarchie constitutionnelle. À long terme, le gouvernement constitutionnel n’évita pas la stagnation de l’empire bien au contraire, il accéléra le processus de disparition. L’Autriche-Hongrie occupa la Bosnie-Herzégovine pour éviter que des représentants bosniaques ne soient envoyés au nouveau parlement le 9 Ramadan de cette même année (5 octobre 1908). La Bulgarie déclara son indépendance et la Crète déclara son association avec la Grèce.

 

Suite aux élections, le nouveau parlement reçut les représentants nouvellement élus ou curieusement, les Turcs devinrent minoritaires. Ce que le Sultan avait craint se réalisa.

 

Les opérations téméraires du gouvernement unioniste augmentèrent le mécontentement intérieur et diverses factions se formèrent au sein de l’armée. Pendant ce temps, un contre-comité fut fondé contre les unionistes. Les opposants aux unionistes se rassemblèrent dans ce qu’on a appelé la Société de l’Unité Islamique (Ittihad-i Muhammedi Cemiyeti). Ils publièrent des articles provocateurs dans Volkan et Mizan, leurs deux principaux journaux, défendirent la violence physique et appelèrent à la suspension du parlement. Au milieu de toute cette tension, une rébellion généralisée éclata à Istanbul. Appelé la « contre-révolution du 31 mars, » cet événement rebelle provoqua l’effusion de sang le 21 Rabi’ al-Awwal 1327 (13 avril 1909), jour correspondant au 31 mars sur le calendrier julien en usage à l’époque.

 

Pendant ce temps, les Arméniens se soulevèrent dans une énorme rébellion et massacrèrent de nombreux musulmans à Adana le 23 de ce même mois (14 avril 1909). Dire que les Arméniens pleurnichent aujourd’hui ! Les événements turbulents à Istanbul prirent fin lorsque l’armée d’opération arriva près de Yeshilkoy à Istanbul depuis la Salonique, la base du Comité Union et Progrès. Certains parlementaires rendirent visite à l’armée.

 

Des rumeurs se répandirent selon lesquelles le Sultan avait provoqué la rupture de la rébellion et devrait donc être détrôné. En retour, le Sultan dit au Grand Vizir Tawfik Bacha qu’il pouvait abandonner le trône, mais aimerait qu’on lui révèle s’il avait joué un rôle dans la rébellion. En entendant à ce sujet, Sa’id Bacha rejeta l’enquête du Sultan et protesta : « Que nous arrivera-t-il s’il était lavé de toute accusation ? »

 

Le Sultan ‘Abd al-Hamid II fut informé que la première armée loyale attendait ses ordres pour contrer l’opération Armée cependant, le Sultan déclara qu’il était le calife des Musulmans et qu’il ne laisserait pas les Musulmans tuer des Musulmans. Le commandant de la première armée lui promit qu’ils ne porteraient pas les armes contre l’armée d’opération.

L’armée d’opération dirigée par Mahmoud Sevket Bacha entra dans Istanbul et occupa la ville. Peu de temps après, les cours martiales ouvrirent et des gibets furent élevés. De nombreux innocents, non impliqués dans la rébellion, furent pendus. Un vent de violence souffla dans l’air d’Istanbul, grâce à l’Union et au Progrès (la Division et la Destruction). La Première Armée fut exilée en Roumélie et la presse fut soumise à une censure extrême. En théorie, il y avait un parlement mais en réalité, l’administration reposait sur l’absolutisme et non sur la monarchie constitutionnelle.

 

Une fatwa, exécutive religieuse, fut émise contre le Sultan ‘Abd al-Hamid II sur la base de fausses accusations dirigées contre son caractère et son administration. Le Sultan fut accusé d’être à l’origine de l’incident du 31 mars, de déformer et de brûler des livres religieux et de consommer le trésor impérial.

 

Sa’id Bacha, le président du parlement, se retourna contre le Sultan, qui l’avait nommé Grand Vizir sept fois et l’avait gardé plusieurs fois. Il émit avec la règle de la majorité un ordre du parlement de détrôner le Sultan.

 

Un délégué composé de l’Arménien Aram, du Géorgien Arif Hikmet le Marin (l’un des anciens collaborateurs du Sultan), du Juif Emanuel Karasu, le représentant de Salonique au parlement, et de l’Albanais Esad Toptani vinrent au palais pour informer le Sultan de la décision finale du Parlement. Le Sultan ‘Abd al-Hamid II les salua et déclara : « Le parlement ne pourrait-il pas trouver de meilleurs messagers qu’un Juif, un Arménien, un Albanais et un ingrat pour transmettre la note d’exécution à un Sultan des Turcs et au calife de tous les musulmans ? » Le délégué lui répondit par le silence.

 

Le Sultan voulut résider dans le palais de Chiragan après sa retraite forcée cependant, Mahmoud Sevket Bacha, le commandant draconien de l’armée opération, le regroupa avec sa famille et les conduisit par chemin de fer tout d’abord à Salonique. Pour la première fois dans l’histoire ottomane, un Sultan détrôné fut exilé à l’extérieur d’Istanbul.

 

A Salonique, le Sultan s’occupait de menuiserie et de ferronnerie, ignorant que le bel équilibre diplomatique qu’il avait monté avec soin dans les Balkans s’était maladroitement désintégré. Une loi promulguée par l’Union et Progrès dissous les vues controversées des peuples des Balkans et peu de temps après, les États balkaniques constituèrent un front unifié pour affronter l’Empire Ottoman dans ce qu’on a appelé les guerres balkaniques. Le Sultan quitta de toute urgence Salonique, car sa vie y était en danger. Le Sultan exprima hardiment qu’il ne voulait pas quitter Salonique et qu’il pouvait porter ses armes et se battre s’il le fallait. Lorsque les conditions se dégradèrent et frôlèrent la guerre, le Sultan fut ramené à Istanbul et installé au Palais de Beylerbeyi le 21 Dzoul Qi’dah 1330 (1er novembre 1912).

 

Le Sultan passa les dernières années de sa vie à observer de loin les plus grands problèmes de l’Empire Ottoman. Le Sultan décéda dans le Palais de Beylerbeyi le 28 Rabi’ ath-Thani 1336 (10 février 1918), Puisse Allah Exalté lui faire miséricorde. Il ne verra pas les nombreuses misères à venir ni les conséquences de la Première Guerre mondiale. Le corps du Sultan décédé fut  enterré dans la tombe de son grand-père Mahmoud II sur le Divanyolu à Istanbul.

 

La valeur réelle du Sultan ‘Abd al-Hamid II fut mieux comprise pendant les dernières années turbulentes de l’empire, et son absence fut manifestement ressentie. Ceux qui s’étaient fermement opposés à lui pendant son règne revinrent à la raison, bien que trop tard. Si le Sultan ‘Abd al-Hamid II n’avait pas été détrôné par une configuration multinationale, il était très probable que les guerres des Balkans n’auraient pas éclaté et le Sultan aurait épargné à ses sujets la Première Guerre mondiale. Dans cette veine, la République de Turquie d’aujourd’hui s’étendrait sur des territoires plus vastes.

 

L’un des Sultans les plus extraordinaires de l’histoire ottomane, le Sultan ‘Abd al-Hamid II était calme mais un peu sceptique. La gentillesse qu’il montra à ses destinataires et le visage souriant qu’il offrit même à ceux qu’il détestait furent parmi ses traits frappants. Il était incroyablement intelligent et dans les relations humaines, il prédisait intuitivement les idées et les émotions de ses destinataires en examinant de près leurs mimiques et leur langage corporel. Il est enregistré que sa mémoire était exceptionnelle car il n’oublia jamais les visages familiers.

 

Le Sultan ‘Abd al-Hamid II s’abstint de la débauche. Il mangeait et s’habillait simplement et menait une vie assez ordinaire. Il était très intéressé par le sport. Son savoir-faire à l’épée était remarquable et il effectuait des tirs précis avec son arme. Il écouta de la musique occidentale, alla au théâtre et, surtout, fit de la menuiserie dans le but de libérer les années stressantes de son règne. Il était sans aucun doute un maître de génie de la menuiserie et nombre de ses œuvres bien conçues ont perduré jusqu’à présent.

 

Le Sultan ‘Abd al-Hamid II se comporta avec la dignité élevée attendue d’un calife. C’était un Musulman pieux et passionné par les œuvres de charité. Il percevait le califat non seulement comme un devoir politique, mais aussi comme une énorme responsabilité. Il poursuivit une série d’activités bénéfiques dans les villes sacrées, qui peuvent être classées sous soixante-dix-sept rubriques. Le Sultan entreprit dans les villes sacrées de l’Islam les grands projets de construction suivants : la construction d’un hôtel de ville, d’un quartier général de police, d’un fort pour la défense de la Mecque, les réparations des tombes des Compagnons et des générations musulmanes suivantes, des voies navigables, une maison d’hôtes pour les pauvres pèlerins, un réseau de télégrammes et une fourniture de main-d’œuvre et de services militaires aux casernes militaires qui s’y trouvaient. Tous ces projets suggèrent fortement que le Sultan suivit la suite de ses prédécesseurs et s’avéra être un véritable « Serviteur des villes sacrées » contrairement à ceux qui trahirent à la même époque Allah, Son Messager, le Califat et les Musulmans : Les Ibn Sa’oud et leurs amis.

 

Les chroniques affirment qu’après la période des quatre Califes Bien Guidés et de ‘Omar Ibn ‘Abd al-‘Aziz, il n’y eut pas d’autre pays que l’Empire Ottoman qui se soit autant engagé au service des villes sacrées. En outre, les photos de La Mecque et de Médine prises par le Colonel Sadik Bey furent ajoutées aux albums de photos du Sultan ‘Abd al-Hamid II.

 

Le Sultan ‘Abd al-Hamid II était un amoureux de la paix. Il détestait les guerres et les effusions de sang. Néanmoins, il osa engager la guerre lorsque cela fut nécessaire, comme en Grèce, sur laquelle les Ottomans triomphèrent finalement. Il appréciait tellement les mérites qu’il alloua des salaires à ses adversaires agressifs envoyés à l’étranger en exil.

 

Grâce au chemin de fer Hijaz Hamidiye, qui fut achevé sous le règne du Sultan ‘Abd al-Hamid Il, les pèlerins entreprirent leur voyage sacré de pèlerinage beaucoup moins cher, confortablement et en toute sécurité. Les chemins de fer permirent en outre une mobilisation plus rapide de l’armée vers le Yémen et l’ensemble de la Péninsule Arabique. Bien que de courte durée, le chemin de fer du Hijaz présenta au monde entier le pouvoir inignorable du Califat. De manière assez significative, ce projet géant fut rendu possible grâce aux dons des Musulmans du monde entier.

 

Les Musulmans d’Inde aux États-Unis, de la Perse à l’Algérie et du Soudan à la Russie contribuèrent obstinément au projet malgré toutes les distractions, restrictions et autres obstacles et finalement, ils l’ont fait. De nombreux hommes d’état européens se moquèrent du Sultan pour son projet de voie ferrée et l’entravèrent de nombreuses manières dès qu’il commença à se matérialiser. En fin de compte, les voies ferrées sur plus de 800 milles furent tracées et ouverts à la circulation, ce qui témoigne de l’honneur et de la dignité des Musulmans. En fait, il coïncida avec le règne du Sultan ‘Abd al-Hamid II et que les Musulmans du monde entier se réunirent pour le même objectif. 

 

Cependant les traitres parmi les Musulmans travaillèrent pour le compte de l’ennemi et finalement contribuèrent à la destruction de l’Empire. Ils viendront le Jour du Qiyamah avec un étendard sur lequel est écrit « TRAITRE » sortant de leur anus. (Hadith)