Le Vingt-troisième Sultan Ottoman
Règne : 1114 - 1142 (1703-1730)
Titres honorifiques et pseudonymes
: Necib (Sublime, de naissance facile).
Nom du Père
: Sultan Muhammad IV.
Nom de la Mère
: Sultan Rabi’a Goulnous Amatoullah Valide.
Lieu et date de naissance
: Hacioglupazari, Dobroudja. 22 Ramadan 1084 (31 décembre
1673).
Âge à l’accession au trône
: 30 ans.
Cause et date de décès
: le 14 Safar 1149 (24 juin 1736).
Lieu de décès et de sépulture
: Istanbul. Il fut enterré dans le tombeau de Sultan Khadija
Tourkhan Valide près de la Mosquée Yeni (Mosquée Nouvelle),
Istanbul.
Héritiers
: ‘Abd al-Hamid I, Mustafa III, Souleyman, Bayazid,
Muhammad, Ibrahim, Nou’man, Salim, ‘Ali, ‘Issa,
Mourad, Sayf ad-Din, ‘Abd al-Majid, et ‘Abd al-Malik.
Héritières
: Amina, Rabi’a, Habibah, Zaynab, Zoubaydah, Asma,
Khadija, Rouqayyah, Salihah, ‘Atikah, Rayhan,
Asima, Ferdana, Nazifa, Nayla, ‘Ayshah, Fatima, Amatoullah,
Oum-Mouslima, Amina, Rouqayyah, Zaynab et Sabihah.
Shehzade Ahmed fut d’abord confiné au Palais de
Topkapi, puis transféré à Edirne sous le règne de son oncle
paternel Sultan Souleyman II. Lorsque l’incident d’Edirne se
produisit, il succéda à Mustafa II sur le trône le 28
Shawwal 1114 (17 août 1703). Bien qu’il ait d’abord salué du
bout des lèvres ceux qui l’avait déposé sur le trône et les
ait nommés à des postes temporaires, il suivit finalement
suivi les conseils de son frère et esquiva leur emprise en
les relevant de leurs fonctions les uns après les autres.
Le Sultan Ahmed III resta neutre face aux guerres
russo-suédoises, qui résultaient des questions concernant le
statut du royaume polonais en Europe. Cependant, les
relations ottoman-russes se rompirent après que Charles XII
de Suède, également connu sous le nom de Charles l’Habitué,
se réfugia chez les Ottomans après sa défaite face au Tsar
Pierre Ier de Russie. Le Grand Vizir ‘Ali Chorlulu Bacha
n’avait pas informé le Sultan de l’entrée de Charles. Dans
un acte qui viola le Traité d’Istanbul qui avait mis fin à
la guerre russe-ottomane en 1700, Pierre Ier de Russie
attaqua les terres ottomanes en 1122 (1710) ; par
conséquent, le Sultan Ahmed III déclara la guerre à
la Russie. L’armée ottomane commandée par le Grand Vizir Muhammad
Baltaji Bacha écrasa l’armée russe dirigée par le Tsar
Pierre I près de la rivière Prut. Blottis dans les bourbiers
de Prut, les Russes offrirent une trêve mais puisque Muhammad
Baltaji Bacha ne pouvait pas compter sur son corps de
janissaire pour continuer à se battre, il accepta
donc l’offre de la Russie et signa le Traité de Prout en
1123 (1711). En fait, il est très probable que Muhammad
Bacha aurait signé un Traité avec des termes et des
conditions bien meilleures s’il n’avait pas accepté la trêve
tout de suite et avait continué à se battre à la place.
La victoire de Prut dynamisa les Ottomans, qui avaient été
affligés et continuellement découragés par la série de
pertes de leur armée en guerre. Muhammad Baltaji
Bacha fut renvoyé parce que les Russes renièrent le Traité.
Ahmed III mobilisa en outre son armée à Edirne pour
une autre campagne contre la Russie. Ce n’est que
l’intermédiation des ambassadeurs britannique et néerlandais
qui empêchèrent l’armée de combattre à nouveau les Russes.
Le Traité de Prout rendit aux Ottomans la région d’Azov, que
les Russes avaient acquise dans le traité d’Istanbul.
Comme vous le voyez, ce sont maintenant les ambassadeurs
étrangers qui font la politique du pays en s’immisçant dans
toutes les affaires de l’état. Ce sont ces ambassadeurs qui
contribueront à la destruction de l’État Ottoman, du Califat
et de tous les États Musulmans, comme nous le verrons par la
suite.
Les espoirs que les réalisations de Prout avaient donnés aux
Ottomans incitèrent à l’idée que les terres perdues par le
Traité de Karlowitz étaient également récupérables. Cette
idée survécut jusqu’à la chute de l’Empire Ottoman. Les
Ottomans emportèrent une série de batailles successives pour
récupérer des territoires perdus, mais celles-ci allaient
entraîner finalement de plus en plus de pertes
territoriales.
Galvanisés par les conclusions du Traité Prut, les Ottomans
cherchèrent à regagner la péninsule de Morée, que Venise
avait acquise avec le Traité de Karlowitz en 1110 (1699).
Ils se mirent à chercher la meilleure occasion de déclarer
la guerre à Venise. L’occasion arriva lorsque Venise
provoqua la révolte des Monténégrins et que les Vénitiens
attaquèrent la flotte ottomane dirigée par Hassan
Enishte Bacha. Par conséquence, le Sultan Ahmed III
confia au Grand Vizir ‘Ali Bacha une mission de conquête des
îles vénitiennes de la Méditerranée et de la Morée. Ahmed
III accompagna l’armée jusqu’à Edirne et les envoya de là.
Les Ottomans applaudirent la nouvelle que les forces
ottomanes avaient conquis la Morée. D’autre part, la
conquête ottomane de la Morée indigna l’Autriche, et ainsi
les forces autrichiennes rejoignirent les rangs ennemis au
moment où les Ottomans encerclaient l’île de Corfou dans la
Mer Ionienne. Le Grand Vizir ‘Ali Damad Bacha mourut martyr
lors des batailles de Petrovaradin, qui se révélèrent très
difficiles pour l’armée ottomane. Le Sultan mit finalement
fin au siège de l’île de Corfou. L’armée ottomane n’emporta
pas de victoire militaire contre les Autrichiens. De plus,
les conflits internes en Hongrie, qui surgirent lorsque les
Ottomans encouragèrent le roi de Transylvanie à se retourner
contre l’Autriche, s’avérèrent vains. Les forces ottomanes
ne purent pas annoncer la bonne nouvelle d’une victoire tant
attendue au Sultan. Lorsque les forces autrichiennes
marchèrent effectivement sur Nis, le Grand Vizir Ibrahim
Nafshehirli Damad Bacha fut contraint de signer le Traité de
Passarowitz en 1130 (1718). Ce traité stipulait que les
Autrichiens prendraient le contrôle de l’ouest de la
Valachie, y compris Belgrade avec des parties du nord de la
Serbie, tandis que les Ottomans reprenaient la Morée. Ainsi,
la menace vénitienne en Méditerranée s’atténua au profit de
l’Empire Ottoman. Bien que le traité de Passarowitz ait
évité davantage de pertes territoriales en Serbie et
précipita une longue période de paix avec l’Autriche, il
marqua la fin de l’expansion ottomane vers l’ouest. Dès
lors, nous voyons le changement de politique ottomane envers
l’Europe tandis que les Ottomans passaient d’une politique
de conquête à une politique défensive dans le but de
conserver les terres en leur possession.
Les événements les plus importants des dernières années du
règne du Sultan Ahmed III se déroulèrent à l’Est. Les
Afghans capturèrent Ispahan depuis la Perse et la Russie
poussa à travers la Perse pour s’étendre jusqu’au Golfe
Persique, opprimant ainsi les Musulmans de Shirwan et du
Daghestan. Lorsque les Musulmans opprimés appelèrent
finalement le Sultan Ahmed III, le calife de tous les
Musulmans, Ahmed III se concentra plus intensément
sur la Perse. Une crise interne était bien en cours en Perse
en raison des conflits interconfessionnels qui menaçaient de
se propager dans toute la région et le Sultan chercha des
moyens de sécuriser les frontières orientales de son empire.
Par conséquent, l’armée ottomane pénétra simultanément en
Perse à partir de trois lignes différentes. L’armée annexa
les villes occidentales de la Perse tandis que les forces
russes capturèrent Derbent et Bakou.
Finalement, l’armée ottomane affronta les troupes russes
dans l’est du Caucase. Le navire médiateur français évita
efficacement une bataille rangée entre les Ottomans et les
Russes, qui signèrent plutôt le Traité d’Istanbul en 1136
(1724).
Selon le Traité, les Ottomans et les Russes divisèrent entre
eux plusieurs villes perses. Shah Tahmasp II, qui vaincu par
l’armée ottomane, approuva finalement les clauses du Traité
d’Istanbul. Plus tard, le successeur de Tahmasp II, Ashraf
Khan, rejeta les termes du Traité et les forces conjointes
perse-afghanes affrontèrent les troupes ottomanes près de
Nihavend et les écrasèrent. Cette défaite marquera un
tournant pour la souveraineté du Sultan Ahmed III et
bien que le traité comprenait certaines clauses en faveur
des Ottomans, ces derniers revinrent au pays extrêmement
mécontents de la défaite. L’image publique autrefois
positive du Sultan tourna à la baisse.
Les années suivantes furent pleines d’événements négatifs.
Le chef afghan Nadir Shah reprit les villes perses sous
contrôle ottoman et tua les soldats ottomans vivant dans les
villes, de nouvelles taxes furent prélevées pour payer les
dépenses militaires consommées principalement par les
campagnes en Perse, une vague de migration intérieure inonda
la ville d’Istanbul principalement du fait que les régions
rurales des provinces étaient en proie à des révoltes
explosives. En plus de cela, divers autres problèmes
économiques et sociaux amplifièrent une réaction commune au
gouvernement. Cette période fut également appelée « l’ère
des tulipes » (1130 - 1142/1718-1730) car une riche variété
de tulipes fut plantée et garnit de nombreux jardins
d’Istanbul tandis que le Sultan et les hommes d’état
s’amusèrent dans une frénésie de fêtes. Ces fêtes
s’ajoutèrent au fait que le Grand Vizir et le Grand Juge
désignèrent leurs parents pour prendre en charge des postes
administratifs élevés, ce qui fit tomber l’administration
ottomane sous de vives critiques de la part des
fonctionnaires notables de l’état, des universitaires et du
grand public. Après une période de silence pendant laquelle
le gouvernement ottoman ne fit littéralement rien fait pour
récupérer les terres perdues récemment en Perse, une révolte
provoquée par Khalil Patrona l’Albanais éclata en 1142
(1730). Le Grand Vizir Ibrahim Nafshehirli Bacha fut
exécuté, mais son exécution n’apaisa pas les rebelles.
Enfin, le Sultan fut détrôné et remplacé par son neveu Mahmoud
I.
Ahmed III et ses fils Sehzade furent confinés dans la
section Simsirlik du Palais. Tout en abandonnant son trône,
le Sultan Ahmed III recommanda à Mahmoud I, le
prochain Sultan, de diriger lui-même l’empire et de ne faire
confiance à personne. Il survécut encore six ans et mourut
où il était détenu le 14 Safar 1149 (24 juin 1736). Son
corps fut enterré près de la Mosquée Yeni, dans la tombe de
Sultan Tourkhan Valide Khadija, sa grand-mère paternelle.
Les historiens suggèrent conventionnellement que première
fois dans l’histoire ottomane sous le règne du Sultan Ahmed
III une richesse de réformes orientées vers l’occident entra
en vigueur. Les réformes, qui furent initiées pendant son
règne de vingt-sept ans, changèrent considérablement le mode
de vie à Istanbul. C’était en partie grâce au transfert de
Muhammad Celebi Yirmisekiz Efendi, l’ambassadeur
ottoman à Paris qui avait servi dans le vingt-huitième
bataillon du corps des janissaires et qui devint ainsi connu
toute sa vie sous le surnom de Yirmisekiz (vingt-huit).
C’est lui qui introduisit la mode parisienne, le rasage des
barbes, l’abandon du hijab et les chapeaux haut de
forme dans la société ottomane. La création de nombreux
jardins de tulipes, d’élégants kiosques et du Palais Sadabad
sur les rives de la rivière Kagithane qui se jette dans la
Corne d’Or coïncidèrent également avec l’ère des tulipes.
Nommée d’après le Palais, la région devint connue sous le
nom de Sadabad (Le Lieu Prospère).
Passionné de fleurs et de jardins, le Sultan Ahmed
III aida la floriculture à s’épanouir et transforma les
fleuristes en professionnels décemment rémunérés. Les
tulipes furent élevées aux yeux des Ottomans à un statut
hautement respecté inconnu dans leurs pays d’origine. La
réalisation culturelle la plus remarquable fut cependant
l’ouverture d’une presse à imprimer pour publier des livres
en turc ottoman pour la première fois dans l’histoire
ottomane. Bien que des non-musulmans dirigeaient les maisons
d’édition dans tout l’empire, en particulier à Istanbul,
Izmir, Salonique et Alep, aucune maison d’édition
appartenant à des Musulmans n’existait. Ibrahim Muteferrika
s’associa à Said Efendi, le fils de Muhammad Celebi
Yirmisekiz Efendi et, avec la permission du Sultan Ahmed
III ouvrit la première imprimerie et publia des livres et
des brochures en turc ottoman en 1139 (1727).
En outre, une usine de papier ouvrit à Yalova au sud de la
Mer de Marmara, une usine de céramique dans le Palais
Takfour d’Istanbul et une usine de draperie à Istanbul. Les
premières méthodes de quarantaine furent appliquées pendant
cette période particulièrement envers les passagers de
navires pour empêcher la propagation de maladies
contagieuses.
De plus, une unité de pompiers affiliée au corps des
janissaires fut organisée pour faciliter l’extinction des
incendies à Istanbul, qui étaient monnaie courante en 1134
(1722).
Le Sultan Ahmed III était un calligraphe talentueux
Il étudia l’art sous la direction de Hafiz ‘Uthman,
un éminent artiste calligraphe. Ahmed III écrivit de
nombreuses œuvres calligraphiques qui garnirent les panneaux
de marbre au-dessus des fontaines d’eau à divers endroits de
la capitale ainsi que de nombreux panneaux dans le Palais de
Topkapi. C’était un excellent tireur d’élite. Les
chroniqueurs ont rapporté qu’il pouvait toucher d’un seul
tir une pièce d’or à quatre-vingt-cinq pas.
Durant son règne, Ahmed III fréquenta de nombreux
poètes, dont le célèbre Nadim, dont l’œuvre est souvent
considérée comme représentative de l’esprit de l’ère des
tulipes. Le Sultan écrivit également des poèmes sous le
pseudonyme de « Necib. » Pour la première fois dans
l’histoire ottomane, certaines œuvres françaises furent
traduites en turc et vice versa. Les Ottomans trouvèrent le
remède pour traiter la variole avant les Européens. En fait,
les médecins ottomans guérirent effectivement le Sultan qui
avait attrapé une fois la variole.
Le Sultan Ahmed III ouvrit plusieurs bibliothèques pour
encourager l’apprentissage, dont celle du Palais de Topkapi
sous son nom. Il érigea également des fontaines monumentales
près de la première porte du Palais, appelée Bab Humayun
(Porte Impériale), une deuxième à Uskudar sur les rives
asiatiques d’Istanbul et une troisième près de Chaglayan,
Istanbul. En mémoire de sa mère Rabi’a Amatoullah Goulnous
Sultan, il construisit le Masjid Yeni Valide et une
splendide fontaine à côté ainsi qu’une bibliothèque publique
à côté de la tombe de Sultan Tourkhan Valide Khadija à
Istanbul. Il construisit deux autres mosquées, une à
l’extérieur du Palais de Galata sur la rive nord de la Corne
d’Or et une à Bebek sur les rives européennes du Bosphore.
Depuis le règne de Souleyman le Magnifique, le tissu
extérieur de la Ka’ba à La Mecque avait été fabriqué en
Égypte et son tissu intérieur à Istanbul. À partir du règne
du Sultan Ahmed Ill, tous les tissus commencèrent à
être tissés à Istanbul. Comme son frère le Sultan Mustafa II
avant lui, le Sultan entreprit des réparations et des
travaux de rénovation dans la Mosquée du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) à Médine et envoya
régulièrement des cadeaux royaux aux villes sacrées.
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