Le Vingt-deuxième Sultan Ottoman
 

 

 

Règne : 1106 - 1114 (1695-1703)

 

Titres honorifiques et pseudonymes : Ghazi, Ikbali et Maftouni.

Nom du Père : Sultan Muhammad IV.

Nom de la Mère : Rabi’a Goulnous Amatoullah Sultan Valide.

Lieu et date de naissance : Edirne, le 8 Dzoul Qi’dah 1074 (2 juin 1664).

Âge à l’accession au trône : 31 ans.

Cause et date de décès : Œdème, le 20 Sha’ban 1115 (29 décembre 1703).

Lieu de décès et de sépulture : Istanbul. Il fut enterré dans le tombeau de Sultan Khadija Tourkhan Valide près de la Mosquée Yeni, à ​​Istanbul.

Héritiers : Mahmoud I, ‘Uthman III, Mahmoud Muhammad, Salim, Mourad, Hasan, Huseyin, Souleyman et Ahmed.

Héritières : Sultan ‘Ayshah, Sultan Amina, Sultan Safiyah et Sultan Amatoullah.

 

 

Le Sultan Mustafa II monta sur le trône, succédant à son oncle paternel, le Sultan Ahmed II. Pendant ce temps, les croisés avaient massivement attaqué les Ottomans sur plusieurs fronts depuis le siège raté de Vienne. Mustafa II essaya d’assumer le contrôle de facto de l’état face à la lutte pour le pouvoir continue menée par de nombreuses factions différentes au sein du gouvernement. Le Sultan remplaça les hauts fonctionnaires par des nouveaux en qui il avait plus confiance, reflétant sa vision d’un état central fort et coordonné et son désir d’atteindre les objectifs qu’il s’était fixé pendant ses années de Shehzade.

 

La marine ottomane défit Venise, soutenue par la Papauté et la Morée, et finit par reprendre l’île de Chios envahie par les Vénitiens sous le règne de son oncle Ahmed II. Cette victoire précoce fut interprétée comme un signe de succès futurs. Des jubilations eurent donc lieu et des primes furent accordées. En outre, les incursions victorieuses dans les terres polonaises du Shahbaz Giray, le Khan des Tatars de Crimée qui se battit au nom des Ottomans, inspirèrent et motivèrent le Sultan.

 

Le Sultan Mustafa II voulut diriger les campagnes en personne, à l’instar de nombreux autres Sultans précédents. Il déclara en outre : « Allah Tout-Puissant m’a conféré le Califat ; pour cette raison, je suis obligé de m’abstenir de toute sorte de confort et de divertissement. » À son avis, c’était l’indulgence des Sultans pour leur plaisirs et leur distractions et leur négligence pour les affaires d’état qui avaient causé les défaites successives. Mustafa II eut l’intention de s’engager dans les ghazwa et avec l’aide d’Allah, les Ottomans récupéreraient les terres musulmanes qui avaient été capturées par les puissances européennes et reprendrait les terres qu’ils avaient perdues.

 

Admirateur du Sultan Souleyman le Magnifique, le Sultan Mustafa II révéla aux hommes d’état son intention de commander directement l’armée. Les hommes d’état, y compris le Grand Vizir, s’opposèrent à l’idée et recommandèrent au Sultan de rester à Edirne, car sa participation à une campagne coûterait très cher au trésor impérial. Le Sultan Mustafa II répondit qu’il dépenserait comme un soldat ordinaire, mangerait et boirait comme eux, et qu’aucun financement supplémentaire ne devait lui être attribué. Finalement, il enfila son armure, ceignit son épée, monta sur son cheval et marcha sur l’Autriche le 18 Dzoul Hijjah 1106 (30 juin 1695). Les troupes ottomanes se groupèrent à Timisoara et à Belgrade et conquirent d’abord Lippa. Le Sultan prit le commandement de l’armée lorsqu’ils affrontèrent les forces autrichiennes dans la région forestière de Buldur. Renforcée par les forces de Crimée et inspirée par le Sultan, l’armée ottomane écrasa les forces autrichiennes. Mais la mort des gouverneurs généraux d’Anatolie et de Roumélie, Muhammad Shahin et Mahmoud Bacha, pendant la guerre attrista le Sultan, qui réputé exprima sa tristesse: « Que j’ai vu la victoire à Buldur, mais au prix énorme de perdre mes aimé Shahin et Mahmoud. »

 

Une vingtaine de féroces batailles eurent lieu entre les Ottomans et les Russes à la suite de la participation de la Russie à la « Ligue Sainte » et l’encerclement ultérieur du Fort d’Azov, objectif ultime de pénétration dans la région de la Mer Noire. Le Tsar Pierre Ier de Russie assiégea Azov, terre et fleuve, et les Ottomans ne furent plus en mesure de défendre le fort qui tomba avec la ville le 7 Mouharram 1108 (6 août 1696). La chute d’Azov provoqua une immense tristesse parmi le public et les cercles des palais et en réponse, le Sultan ordonna une série d’instructions de la récupérer. Pendant ce temps, les victoires du commandant en chef de la marine ottomane, Huseyin Mezemorta Bacha dans la Morée et la Mer Égée contre les Vénitiens remontèrent le moral, même si partiellement.

 

À peine rentré d’Edirne à Istanbul, le Sultan Mustafa II lança ses préparatifs en vue d’une deuxième campagne. Curieusement, le Sultan demanda aux hommes d’état de recruter des soldats et de payer leurs dépenses. Pour la première fois dans l’histoire ottomane, même les Bostancis chargés de la sécurité de la capitale ottomane et du Palais furent mis en service. Avant de se rendre de Belgrade pour sa deuxième campagne en Autriche pendant le mois de Ramadan, en 1107 (1696), le Sultan ouvrit le coffre d’or qui contenait le manteau du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) devant son conseil de guerre impérial et implora ardemment Allah Exalté de leur accorder une victoire comparable à celle de la Victoire de Mohacs sous le règne du Sultan Souleyman le Magnifique. Le cours de la campagne ottomane changea après le siège de Timisoara par les Autrichiens. Le 28 Mouharram 1108 (27 Août 1696), les Ottomans remportèrent une victoire remarquable lors d’une bataille rangée, une réponse aux prières du Sultan. Cette même année, les Ottomans gagnèrent leurs batailles contre les Vénitiens.

 

L’Autriche resta entre deux feux, car elle dû lutter à la fois contre les Ottomans et les Français ; ainsi, elle offrit la paix aux Ottomans. Le Sultan Mustafa II avait remporté deux victoires consécutives contre les Autrichiens et s’attendait à plus. Pour cette raison, il remit leur offre à plus tard, dans l’attente d’une offre plus rentable. L’année suivante, le Sultan organisa sa troisième et dernière campagne. Une fois de plus, il réunit son conseil de guerre à Belgrade et discuta des plans et des détails de l’attaque. Deux propositions notables apparurent lors de la réunion du Conseil concernant la route de campagne : alors que Huseyin Amcazade Bacha recommanda de marcher au nord-ouest vers Petrovaradin, beaucoup d’autres hommes d’état suggérèrent Timisoara comme la cible idéale. En conséquence, le Sultan choisit la majorité et ordonna à son armée de se diriger vers le nord-est en direction de Timisoara.  

           

Le choix de Timisoara conduisit les Ottomans à de nombreux problèmes : au lieu de Petrovaradin, qui se trouve près de Belgrade, l’armée se dirigea de Belgrade vers Timisoara, sur la route de laquelle se trouvaient de nombreux cours d’eau et marais, nécessitant la mise en place de ponts en madriers pour traverser. L’armée ottomane tenta de traverser la rivière Tisza à son arrivée à Zenta, mais l’armée autrichienne, informée des plans de bataille ottomans, attaqua l’armée ottomane de manière inattendue et rapide. Les troupes qui avaient déjà traversé le pont ne purent offrir aucune aide, le reste de l’armée paniqua et fut mis en déroute. Le Grand Vizir Elmas Muhammad Bacha mourut martyr. Extrêmement mécontent de cette débâcle, le Sultan Mustafa II conduisit l’armée à Timisoara. À la suite de leur victoire à la bataille de Zenta, les forces autrichiennes avancèrent jusqu’à Sarajevo et sur leur route, ils incendièrent et infligèrent d’importants dégâts aux villes traversées.

 

La défaite à Zenta eut une profonde influence sur le Sultan Mustafa II. Il était bien conscient du fait que c’était lui qui devait offrir la paix à l’ennemi ; cependant, il pensait que ce serait trop insultant pour un Sultan Ottoman de le faire. Le Sultan décida alors de continuer la bataille cependant, des hommes d’état, dont le Grand Vizir Huseyin Amcazade Bacha, plaidèrent pour la fin de la série de batailles simultanées, consommatrices de temps et de ressources.

 

Les guerres contre l’Autriche, la Pologne, Venise et la Russie se ralentirent sous le règne du Sultan Mustafa II. Les ambassadeurs britannique et néerlandais intervinrent pour mettre fin à toutes les guerres. En 1110 (1699), le Traité de Karlowitz fut signé à Karlowitz, près de Belgrade, mettant ainsi fin à la série de guerre ottomane qui dura seize ans. Ce traité marqua le début de la perte constante des territoires ottomans. En particulier, toutes les terres hongroises sauf Timisoara furent cédées à l’Autriche, la Morée et une partie de la Dalmatie à Venise et la Podolie à la Pologne. Puis, l’année suivante en 1111 (1700), la Russie prit le fort d’Azov avec le traité d’Istanbul.

 

Dans une large mesure, les batailles en cours sur plusieurs fronts minèrent les structures économiques et sociales de l’Empire Ottoman. En particulier, de nouvelles taxes furent perçues et les anciennes augmentées en même temps que d’énormes dépenses de guerre payées directement par le Trésor Impérial. Dans l’esprit de trouver des ressources financières pour les guerres, le Sultan Mustafa II confisqua les biens des riches et introduisit la collecte des recettes de l’état plus tôt que prévu. Depuis que les systèmes de recrutement militaire impérial, tant pour le corps régulier que pour le corps de cavalerie, avaient dégénérés, Mustafa II introduisit un certain nombre de soldats de ses peuples sujets toutefois, ces troupes temporairement enrôlées, semblables aux unités de mercenaires, allaient provoquer par la suite de graves crises sécuritaires une fois qu’ils quittèrent l’armée et rentrèrent chez eux.

 

En réaction aux mouvements croissants de bandits en Anatolie et en Roumanie, le Sultan Mustafa II nomma de nouveaux gouverneurs locaux et abolit les troupes de Sanca et de Sekban, qui étaient des troupes irrégulières de mousquetaires dans les provinces. Le Sultan envoya des forces militaires ou fit des concessions avec les rebelles qui s’étaient révoltés dans des provinces éloignées du centre.

 

Bien que le Sultan ait exercé de nombreuses pressions sur les représentants de l’état pour qu’ils réforment l’armée, l’administration et les finances, tout en revigorant en particulier les janissaires et le corps de Sipahi, toute tentative visant à atteindre ses objectifs resteront vains.

 

Les premières pièces de monnaie dorées estampillées du cachet calligraphique ou signature d’un Sultan Ottoman furent également frappées pendant le règne de Mustafa II, ce qui permit de distinguer les pièces à valeur réelle de celles à plus petite échelle, en particulier après que les marchands eurent collecté d’importantes quantités des pièces d’or de valeur réelle du marché d’Istanbul et de les mettre sur le marché dans les provinces, en particulier en Égypte.

 

La période de paix qui suivit le Traité de Karlowitz sembla stabiliser et améliorer le budget impérial ottoman. De plus, un large éventail de changements fut introduit. Par exemple, les taxes d’urgence furent supprimées et les édits impériaux furent été publiés auprès des administrations locales afin de ne pas imposer de nouvelles taxes aux sujets. Le Sultan Mustafa II se retira, se dissocia des affaires de l’état et choisit de vivre à Edirne. Son auto-isolement suscita de nombreuses critiques de la part des érudits, des soldats du public et des rumeurs se répandirent selon lesquelles il suivait maintenant les traces de son père, concentrant ainsi son intérêt pour la chasse. Malgré la période de paix qui suivit, les critiques, associées maintenant aux réactions aux guerres et aux terres perdues, donnèrent lieu à une révolte, qui finit par s’appeler l’incident d’Edirne. La révolte visa d’abord le Grand Juge (Qadi) Sayyid Feyzullah Efendi, tuteur et conseiller du Sultan avant de se transformer en peu plus tard en une révolte contre le Sultan lui-même. Les rebelles prirent le contrôle d’Istanbul, puis marchèrent vers Edirne pour remplacer le Sultan. Une fatwa fut émise en leur faveur et ils installèrent Shehzade Ahmed sur le trône. Ce sont les efforts d’Ahmed Bacha et du second Vizir Hassan Bacha qui évitèrent un affrontement frontal entre les troupes d’Edirne et celles d’Istanbul.


Le Sultan Mustafa II perdit ses forces lorsque son armée d’Edirne rejoignit les troupes arrivées d’Istanbul. Mustafa II alla rencontrer son frère Ahmed III et dit : « Mon frère, nos sujets veulent vous voir comme le nouveau Sultan. » Mustafa abandonna volontairement le trône et recommanda fortement à Ahmed de punir certainement les rebelles car ils tenteraient de le détrôner également, tôt ou tard. Quatre ans après avoir quitté le trône, Mustafa II décéda d’un œdème le 20 Sha’ban 1115 (29 décembre 1703). Puisse Allah Exalté lui faire miséricorde.

 

Le Sultan Mustafa II fut le dernier Sultan à commander l’armée ottomane sur le champ de bataille. Le troisième jour de son règne, Mustafa II déclara: « Je suis obligé de m’abstenir de toute sorte de confort et de divertissement. » Jusqu’à la défaite de Zenta en 1108 (1697), le Sultan était enthousiaste à l’idée de conduire des Ghazwa. Cependant, cette défaite écrasante détruisit sa philosophie et l’obligea à s’isoler et à chasser comme son père le faisait assez souvent. En effet, il passa plus de temps à Edirne, puisque les campagnes en Europe furent lancées de cette ville.

 

Sous les pseudonymes Ikbali et Meftuni, le Sultan Mustafa II écrivit de nombreux poèmes et hymnes religieux, dont certains seront composés plus tard. Mustafa II était un calligraphe accompli, encadré par Hafiz ‘Uthman et Muhammad Hocazade Enveri, les célèbres calligraphes de son règne. Outre sa finesse avec le tir aux flèches et le javelot, les chroniques rapportent que le Sultan était plus fort, plus mature et plus équilibré que ses prédécesseurs.

 

Le Sultan Mustafa II prit bien soin des villes sacrées de l’Islam même pendant les nombreuses batailles contre l’Autriche et continua à envoyer régulièrement de l’aide financière et militaire dans la région. Il entreprit une rénovation complète des deux sanctuaires sacrés de La Mecque et de Médina. Par exemple, les colonnes qui soutenaient le plafond de la Ka’bah, ainsi que le cadre doré autour de Hajrah al-Aswad bénie dans le coin sud-est de la Ka’bah furent méticuleusement renouvelés. Mustafa II construisit également construit un dôme sur quatre piliers massifs juste à Mabrak an-naqa, le célèbre endroit de Qouba à la périphérie de Médine où le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) construisit la première mosquée de l’Islam et fit don d’une émeraude de 400 carats pour le soutien du carré Rawdat al-Jannah de la Mosquée du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) entre la tombe et la chaire du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Sous le règne de Mustafa II, les ingénieurs et artisans ottomans travaillèrent pour réparer les puits, les digues et les voies navigables sur la route de Damas à Médine, forèrent de nombreux autres puits et rénovèrent les ouvrages hydrauliques de La Mecque, qui furent tous été principalement entrepris pour le bien des pèlerins.

 

Le Sultan Mustafa II ordonna à Muhammad Aga Findiklili Silahdar d’écrire un livre sur les événements politiques et militaires de son époque et suggéra même la table des matières. Finalement, Muhammad Aga publia son grand ouvrage intitulé Nusretname. La plupart des fils du Sultan décédèrent de son vivant, mais Mahmoud I et ‘Uthman III, deux de ses fils survivants, montèrent plus tard sur le trône.