Règne : 1050 - 1058 (1640-1648)
Nom du Père
: Sultan Ahmed I.
Nom de la Mère
: Sultan Mahpeyker (Kosem).
Lieu et date de naissance :
Istanbul, le 12 Shawwal 1024 (4 novembre 1615).
Âge à l’accession au trône
: 25 ans.
Date de décès
: 28 Rajab 1058 (18 août 1648).
Lieu de décès et de sépulture
: Istanbul. Il fut enterré dans le tombeau de Mustafa Ier
près de la Mosquée Ayasofya.
Héritiers
: Muhammad IV, Souleyman II, Ahmed II, Mourad,
Orkhan, Bayazid, Jihangir, Salim et Mourad.
Héritières
: Sultan Oumm Koulthoum, Sultan Peykan, Sultan ‘Atika,
Sultan Rouqayyah, Sultan Kaya Ismihan, Sultan Hafizah,
Sultan ‘Ayshah et Sultan Gerverhan.
Le Sultan Ibrahim fut le troisième fils du Sultan Ahmed
Ier à monter sur le trône. Ses années Shehzade passèrent
dans le Palais de Topkapi, au cours duquel l’état avait
connu une période de troubles internes. Le Sultan Ibrahim
perdit son père, le Sultan Ahmed I à l’âge de deux
ans, et observa de près l’angoisse mentale du Sultan Mustafa
I et la série d’événements liés à son mauvais état mental.
En outre, la destruction du Sultan ‘Uthman II, son frère
aîné, et le meurtre commis très tôt par ses propres soldats
eurent une influence très profonde sur le Sultan Ibrahim.
Les événements à venir l’amenèrent à penser qu’il ferait
bientôt face à son destin. Son jeune frère, le Sultan Mourad
IV, n’avait pu assumer sa souveraineté de facto au cours des
neuf premières années de son règne et avait été contraint de
se soumettre à des réunions impromptues insultantes avec des
foules rebelles qui avaient franchi les portes du Palais de
Topkapi, obligeant Mourad IV à adopter une approche
excessivement brutale et sanglante ; et finalement, ses
frères aînés Bayazid, Souleyman et Qasim avaient été
assassinés. L’attente du jour où il allait lui aussi mourir
influencera profondément la psychologie de Shehzade Ibrahim,
qui avait un caractère sensible au départ.
Depuis que les fils de son frère aîné Mourad IV étaient tous
morts alors que Mourad IV était encore en vie, Sehzade
Ibrahim finit par rester le seul héritier du trône. Ibrahim
ne voulut pas quitter sa chambre privée après avoir reçu la
nouvelle de la mort du sultan Mourad IV, principalement
parce qu’il avait considéré la nouvelle comme faisant partie
d’un plan contre lui-même. Ce n’est qu’après que sa mère
Sultan Kosem l’ai convaincu en lui montrant le cadavre de
son frère aîné qu’il crut qu’il serait le prochain Sultan.
Les quatre premières années du règne du sultan Ibrahim se
déroulèrent dans la paix et l’ordre, grâce aux grandes
contributions de Mustafa Kamankoush Kara Bacha, le Grand
Vizir franc, respecté et expérimenté du Sultan Ibrahim. Par
rapport à l’administration de pouvoir du Sultan Mourad IV,
le Sultan Ibrahim adopta une approche moins agressive et
plus tolérante, ce qui finalement aboutit à une période de
tranquillité. Les instructions que le jeune Sultan Ibrahim
envoya à son Grand Vizir suggèrent qu’il était très
intéressé et très préoccupé par l’état et le bien public. Le
Sultan Ibrahim fit de courtes promenades dans la ville
déguisé et informa le Grand Vizir des maux sociaux qui
appelaient des remèdes urgents à mettre en œuvre par un
gouvernement plus efficace.
Quatre ans plus tard, l’exécution de Mustafa Kamankoush
Bacha, sous l’ordre du Sultan Ibrahim, paralysera l’ordre
public. Koci Bey, le chroniqueur contemporain, soumit au
Sultan Ibrahim un bref exposé de sa substance, dans la même
veine que celui adressé précédemment au Sultan Mourad IV; en
particulier, son mémoire déplora l’irresponsabilité des
institutions impériales, des plaintes et du statu quo.
L’armée ottomane se dirigea vers la forteresse d’Azov sur la
Mer d’Azov, qui avait été capturée par les Cosaques vivant
le long du fleuve Don inférieur. En apprenant que les
Ottomans étaient en route, les Cosaques détruisirent et
fuirent la ville. Les Ottomans reconquirent Azov et
procédèrent à d’énormes travaux de construction.
Sur un autre front, Emirguneoglu, l’ancien dirigeant
d’Erevan, commença à semer les germes de la discorde peu
après la mort du Sultan Mourad IV. Il avait facilement cédé
la forteresse aux Ottomans pendant le siège d’Erevan et
avait gagné l’acclamation du frère aîné du Sultan Mourad IV.
Cependant, Emirguneoglu devint alors impudent et insista
pour retourner en Perse. Le Sultan l’avait conseillé à
plusieurs reprises, mais cette dernière fois, Emirguneoglu
fit face à la colère au Sultan et fut exécuté peu de temps
après.
Sur le chemin du pèlerinage à La Mecque, Aga Soumboul, l’un
des principaux officiers du palais, et sa large compagnie
furent attaqués et pillés et beaucoup d’entre eux massacrés
par les pirates de Malte près de l’île de Crète. Indigné par
les pirates, le Sultan ordonna immédiatement une campagne
pour Malte. Reflétant ses talents diplomatiques de l’époque,
le Sultan imposa le secret sur la prochaine campagne en
Crète, l’une des îles les plus importantes sur le plan
stratégique de la Méditerranée et en même temps, ses doigts
pointaient directement vers Malte. De plus, il réussit à
cacher son secret aux ambassadeurs étrangers résidant à
Istanbul. Cette manœuvre diplomatique empêcherait toute
mobilisation unifiée de l’ennemi contre les Ottomans.
L’administration ottomane choisit de frapper la colonie
vénitienne de Crète en raison de son importance stratégique
pour la Mer Méditerranée. Premièrement, les forces ottomanes
assiégèrent Hania sur la côte nord de l’île. Lorsque Hania
se rendit en 1055 (1645), quelques mois après le siège, le
Sultan Ibrahim ordonna une grande fête qui dura trois jours
et trois nuits. Huseyin Bacha, maintenant désigné
comme le nouveau gardien de Hania, poursuivit les opérations
et captura la Fortezza, le château de Rethymno à l’est de
Hania. La conquête complète de la Crète s’avérerait trop
onéreuse et difficile, et l’intégration de la Crète dans le
domaine ottoman prit donc de longues années.
Candia (maintenant Héraklion), la plus grande ville de
Crète, fut également assiégée, mais les Vénitiens imposèrent
un blocus naval au détroit des Dardanelles, ce qui était
plus que ce que les Ottomans pouvaient supporter à l’époque.
Outre la guerre, les Ottomans durent également faire face à
de nouvelles révoltes à Istanbul et en Anatolie. Pire
encore, le Grand Vizir Mustafa Kamankoush Kara Bacha fut
exécuté cette même année (1045). Cette exécution déclencha
une lutte polarisée au sein du Palais. En fait, il y avait
une lutte de pouvoir au sein du Palais entre le Grand Vizir
Mustafa Kamankoush Kara Bacha et Youssouf Bacha. De plus,
Sultan Kosem était impliquée dans la lutte, même si elle se
déroulait dans les coulisses. Le 18 Rajab 1058 (8 août
1648), le Sultan Ibrahim fut détrôné à la suite d’un coup
d’état très organisé.
L’exécution de Mustafa Kara Bacha entraîna des changements
majeurs dans l’administration ottomane. D’une manière
générale, une période de chaos suivit l’ère précédente de
paix et d’ordre relatifs. Même si le Sultan Ibrahim avait
souhaité assumer un leadership de facto, comme son frère
aîné Mourad IV, tout le stress et la dépression qui en
résultait l’empêchèrent de le faire. De plus, pendant les
Grands Vizirats successifs des Sultanzade Muhammad
Bacha, Salih Bacha et surtout d’Ahmed
Hezarpare Bacha, des hommes d’état irresponsables et iniques
perturbèrent l’ordre public. Ces hommes d’état ont fait tout
ce qui était en leur pouvoir pour éloigner le Sultan de
l’administration, l’encourageant à s’amuser et lui faisant
délibérément agir de manière inconsistante et déséquilibrée
afin de pouvoir exploiter l’état. En particulier, les
manières inhabituelles du Sultan Ibrahim se multiplièrent
quand Ahmed Bacha était le Grand Vizir. Par exemple,
pour fomenter l’intérêt du Sultan pour les fourrures, Ahmed
Bacha préleva des taxes sur les fourrures de zibeline. Dans
l’ensemble, il visait à amuser le Sultan et à le distraire
des affaires de l’état afin de garantir sa propre position.
La population des grandes villes et des provinces était
devenue encore plus mécontente depuis que le Sultan Ibrahim
n’avait toujours pas quitté les affaires de l’état. Sa mère,
Sultan Kosem, tenta de mettre en garde le Sultan Ibrahim,
mais elle fut forcée de quitter le Palais de Topkapi et de
vivre à Bahgesi Iskender, un bourg côtier d’Istanbul,
pendant un certain temps. De plus, le changement fréquent de
gouverneurs et de gouverneurs généraux expérimentés fut le
signe avant-coureur de nouvelles tragédies. C’est pendant
cette période que ‘Ali Varvar Bacha, le gouverneur général
de Sivas, se révolta et fut retenu avec difficulté. Le fait
que le Grand Vizir Ahmed Bacha ne se soit préoccupé
que de ses propres intérêts suscita un certain nombre de
rumeurs destructrices et finalement, une révolte à grande
échelle éclata en réaction à l’approche intransigeante du
Grand Vizir.
La révolte n’était apparue que contre Ahmed Bacha,
mais elle entraîna la destitution du Sultan Ibrahim et son
remplacement par Muhammad IV, le jeune fils
d’Ibrahim. Les rebelles impliqués dans la révolte
capturèrent, exécutèrent et déchiquetèrent Ahmed
Bacha sur la Place du Sultan Ahmed. À partir de ce
moment-là, il s’appela Hezarpare, ou « le déchiqueté. »
Entre-temps, le Sultan Ibrahim était confiné dans les
Pavillons Jumeaux, dans la section du harem (Harem pour Haram
qui était le gynécée des musulmanes du Palais de Topkapi et
non pas le lieu odieux décrié par les mécréants). Et après
la cérémonie d’intronisation de son fils de sept ans, Muhammad
IV, les cris pitoyables du Sultan Ibrahim purent être
entendus dans tout le Harem, ce qui toucha profondément et
consterna les habitants. Ceux qui remplacèrent le Sultan
Ibrahim par Muhammad IV exécutèrent Ibrahim là où il
avait été confiné dans le Palais, principalement parce
qu’ils soupçonnaient qu’il serait remis sur le trône. La
discussion finale de l’ex-Sultan Ibrahim avec les hommes
d’état qui lui rendirent visite dans sa chambre avant son
exécution est consignée dans plusieurs sources
contemporaines. Ibrahim se défendit contre les accusations
avec des preuves solidement convaincantes, mais sans succès.
Le corps du Sultan décédé fut enterré dans la tombe de
Mustafa I près de la Mosquée Ayasofya le 28 Rajab 1058 (18
août 1648).
La dynastie ottomane continua à travers la descendance du
défunt Sultan Ibrahim. Les trois fils d’Ibrahim, Muhammad
IV, Souleyman II et Ahmed II, devinrent tous Sultans
tandis que d’autres décédèrent à un âge précoce. En effet,
c’est bien plus tard, vers la fin de l’État Ottoman, que
certains historiens de la deuxième monarchie
constitutionnelle (1326 - 1340/1908-1922) le qualifièrent
injustement de fou et commencèrent à l’appeler Sultan
Ibrahim le fou. Bien qu’il ait traversé une période de
détresse mentale, en particulier pendant son enfance, l’état
mental du Sultan Ibrahim n’était pas paralysé comme son
oncle paternel. Le Sultan exprimait parfois l’angoisse
mentale qu’il avait éprouvée dans ses écrits à son Vizir ;
ses calligrammes mentionnaient ses détresses mentales et ses
terribles maux de tête. Malgré tout, le Sultan Ibrahim
s’efforça de gérer les affaires de l’état, se joignit aux
réunions du Conseil Impérial et examina les décisions. Il
voulait plus de connaissances sur les événements en cours
dans les régions frontalières ottomanes. La sensibilité du
Sultan Ibrahim, manifeste dans les premières années de son
règne, s’évanouie plus tard pour des raisons
interdépendantes. Sa santé se détériora régulièrement, ses
responsabilités d’état devinrent beaucoup plus compliquées,
les hommes d’état consultèrent et agirent dans leur propre
intérêt et les femmes du palais, surtout Sultan Valide,
intervenait dans les affaires de l’état.
On dit que lors d’une de ses visites incognito, le Sultan
Ibrahim aurait été témoin d’une très longue file devant une
boulangerie. De retour au Palais, le Sultan écrivit un
mandat impérial à son Grand Vizir, réprimandant fermement ce
qu’il avait vu et lui ordonna de prendre d’urgence des
mesures pour que ses sujets n’aient pas à attendre pour
obtenir les produits essentiels.
L’économie ottomane se portait plutôt bien, en particulier
au début du règne du Sultan Ibrahim, qui était un Sultan
généreux. En fait, les Ottomans connurent une ère de
prospérité économique. De toute évidence, si Ibrahim avait
été envoyé en province pour acquérir une expérience
administrative de gouverneur au lieu de vivre les événements
dramatiques qui se déroulèrent dans le palais durant son
enfance, il aurait probablement été un Sultan différent,
bien plus capable de changer le cours de l’histoire ottomane
comme il le souhaitait. Puisse Allah Exalté lui faire
miséricorde.
|