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					Règne : 1058 1098 (1648-1687) 
					
					 
					
					
					Titres honorifiques et pseudonymes :
					Avci (Le 
					chasseur).  
					
					
					Nom du Père : 
					Sultan Ibrahim. 
					
					
					Nom de la Mère 
					: Sultan Khadija Tourkhan.  
					
					
					Lieu et date de naissance 
					: Istanbul, le 30 Ramadan 1051 (2 janvier 1642). 
					
					
					Âge à l’accession au trône 
					: 7 ans. 
					
					
					Cause de décès 
					: Goutte, angoisse mentale ou poison. 
					
					
					Lieu de décès et de sépulture 
					
					: Edirne. Il fut enterré dans la tombe de sa mère Sultan 
					Khadija Tourkhan près de la Mosquée Yeni à Istanbul.  
					
					
					Héritiers 
					: Ahmed III, Mustafa II, Bayazid, Ibrahim et 
					Souleyman. 
					
					
					Héritières 
					: Sultan Khadija, Sultan Fatma et Sultan Oummi.  
					
					  
					 
					
					Muhammad IV devint le nouveau Sultan à l’âge de sept 
					ans, un âge exceptionnellement précoce pour occuper le 
					trône, grâce au soutien de sa grand-mère Sultan Kosem, des 
					hommes d’état et des janissaires, après que son père Sultan 
					Ibrahim eut été détrôné le 18 Rajab 1058 (8 août 1648). Muhammad 
					IV, le plus jeune sultan de l’histoire ottomane, n’était 
					certainement pas capable de diriger l’Empire ; ceux qui 
					l’avaient fait monter sur le trône exerceraient 
					inévitablement leur autorité au maximum. Ainsi, les huit 
					premières années de son règne entraînèrent les luttes de 
					pouvoir entre sa grand-mère, sa mère et de leurs partisans. 
					 
					
					Au début, l’Empire était en pleine mutation : son père fut 
					exécuté, sa grand-mère Sultan Kosein s’engagea alors dans 
					une âpre bataille contre le Grand Vizir Muhammad Sofu 
					Bacha, les salaires des unités de cavalerie n’étaient pas 
					payés à temps et les janissaires se politisèrent et 
					gagnèrent beaucoup plus d’influence. Par conséquence, « 
					l’incident de la Mosquée Sultan Ahmed » éclata au 
					moment de la première révolte sous le règne de Muhammad 
					IV, le 7 Shawwal 1058 (25 octobre 1648). Les chefs des 
					janissaires réprimèrent avec succès la révolte cependant, 
					leur rôle dans la gestion de la révolte leur permis de 
					gagner en influence dans les affaires de l’état.  
					 
					
					Lorsque les révoltes se multiplièrent à Istanbul et en 
					Anatolie, le blocus vénitien du Détroit des Dardanelles se 
					poursuivit et le mécontentement lié aux janissaires 
					indisciplinés s’étendit à la capitale impériale. En outre, 
					l’inflation augmenta lorsque les chefs des janissaires 
					gardèrent pour eux les akqes (l’unité monétaire ottomane en 
					pièces d’argent) à valeur réelle et versèrent aux soldats 
					leurs salaires avec des akqes d’argent à une échelle 
					inférieure.  
					 
					
					L’enfant sultan était tenu à l’écart des affaires de l’état. 
					Pour amuser et le distraire de l’administration, le Sultan 
					Muhammad IV était souvent emmené à des parties de 
					chasse dans Kagithane, situé le long d’un ruisseau qui se 
					jette dans la Corne d’Or et le Parc Gulhane, près du Palais. 
					La chasse devint vite son passe-temps favori et deviendra sa 
					dépendance plus tard, lui valant le surnom de « chasseur. » 
					 
					
					Bouyouk Valide (grande mère) Sultan Kosem avait affecté ses 
					partisans à des postes administratifs clés. Une telle 
					dotation en personnel arbitraire ouvrit la voie à des 
					complications étranges et finalement, le Palais Ottoman 
					devint le théâtre d’une lutte permanente entre une 
					belle-fille et une belle-mère. Koucouk Valide (mère mineure) 
					Sultan Tourkhan élimina sa belle-mère Sultan Kosem avec 
					l’aide des chefs du Palais. Ainsi Sultan Kosem ne réussit 
					pas à mener à bien son plan pour remplacer le Sultan Muhammad 
					IV avec Souleyman II principalement parce qu’elle pensait 
					qu’elle pouvait mieux manipuler la mère de Souleyman qui 
					était apparemment plus naïve que Sultan Tourkhan, la mère de 
					Muhammad IV. Sultan Khadija Tourkhan joua un rôle 
					important dans l’administration de l’état pendant cinq 
					années consécutives. Au cours de cette période, Ahmed 
					Tarhuncu Bacha fut promu Grand Vizir en 10621 (1652), à 
					condition que personne ne puisse s’opposer à son autorité en 
					matière financière. Ahmed Tarhuncu Bacha tenta 
					d’équilibrer les revenus et les dépenses avec des 
					réglementations strictes cependant, il tomba dans le mépris 
					et fut rapidement libéré peu de temps après avoir prélevé 
					des taxes sur des représentants du gouvernement et proposé 
					une liste de réductions de dépenses pour le Palais. 
					
					  
					
					Outre le remplacement continu des Grands Vizirs, une révolte 
					apparue en réaction au fait que les salaires des janissaires 
					étaient payés avec des akqes en argent à plus petite 
					échelle, financés par des emprunts de l’administration. Les 
					rebelles rassemblés sur la Place du Sultan Ahmed 
					invitèrent le Sultan à se rendre dans la première cour du 
					Palais de Topkapi pour tenir une réunion improvisée avec 
					lui. Au cours de la réunion, ils demandèrent au Sultan Muhammad 
					IV de leur livrer trente chefs du Palais. Le jeune Sultan 
					rejeta initialement cette demande cependant, les pressions 
					incessantes l’obligèrent à céder, aussi ordonna-t-il 
					l’exécution des chefs que les rebelles avaient demandés le 8 
					Joumadah al-Oula 1066 (4 mars 1656). 
					 
					
					Un changement de Grands Vizirs, cette même année, se révéla 
					bientôt être une merveilleuse occasion au crédit du Sultan 
					Muhammad IV. Ce changement se traduisit par des 
					innovations fondamentales dans les affaires 
					gouvernementales, le nouveau Grand Vizir Muhammad 
					Koprulu, dont les conditions préalables pour assumer son 
					nouveau poste avaient été acceptées par Valide Sultan 
					Tourkhan, inaugura ce qui va être connu sous le nom de l’ère 
					Koprulu, la période des Grands Vizirs de la Famille Koprulu. 
					Muhammad Koprulu Bacha compléta ce qui manquait à Muhammad 
					IV en raison de son très jeune âge : compétence et 
					expérience en administration. Muhammad Koprulu Bacha 
					contrecarra d’abord un effort collectif de rébellion et en 
					général, il dirigea toute sa force vers le rajeunissement de 
					l’Empire. 
					 
					
					Muhammad Koprulu réprima plusieurs soulèvements et 
					contraignit efficacement les Vénitiens à lever leur blocage 
					sur les Dardanelles. Son fils Fadl Ahmed Bacha lui 
					succéda en conformité avec les recommandations de Muhammad 
					Bacha sur son lit de mort. Pendant le Grand Vizirat de Fadl 
					Ahmed Bacha Koprulu, l’Empire Ottoman accomplit de 
					nombreuses réalisations et victoires, rappelant les glorieux 
					siècles précédents que les historiens appellent 
					conventionnellement l’essor de l’Empire Ottoman. 
					Particulièrement parlant, les Ottomans vainquirent Venise et 
					la France sur la mer et leur armée écrasa les forces 
					autrichiennes et polonaises en guerre. Ils conquirent la 
					forteresse d’Uyvar (aujourd’hui Nove Zamky) sur la rivière 
					Nitra en 1074 (1664). De plus, le Traité de Vasvar fut signé 
					avec l’Autriche, qui était obligée non seulement de payer 
					les réparations de guerre mais aussi de reconnaître la 
					suzeraineté ottomane de la Transylvanie. Le Traité stipulait 
					également que les forteresses d’Uyvar et de Nograd 
					appartenaient à l’Empire Ottoman. Fadil Ahmed Bacha 
					Kopruluzade réussit également à mettre fin au siège de Crète 
					en capturant Candie en 1079 (1669). 
					 
					
					Alors que Fadl Ahmed Bacha, le jeune Vizir du Sultan, 
					faisait campagne à Candie, le Sultan Muhammad IV 
					resta en Morée et fit campagne à Kamianets, Podolie contre 
					le Royaume de Pologne en présence d’un magnifique cortège en 
					1082 (1672). Pendant le siège, trop difficile en raison des 
					pluies torrentielles, le Sultan fit quelque chose d’assez 
					extraordinaire en termes de coutumes impériales ottomanes. 
					Il s’habilla incognito dans un uniforme de soldat régulier 
					et participa à l’assaut. À la suite de la conquête, que le 
					jeune Sultan et le jeune Grand Vizir réussirent en 
					collaboration, le Traité de Buchach fut signé et les terres 
					de Buchach et de Podolie furent incorporées au territoire 
					ottoman. 
					 
					
					Trois ans plus tard, le monarque polonais John Sobieski 
					(Jean III) déclara la guerre à l’Empire Ottoman. En réponse, 
					le Sultan Muhammad IV mobilisa son armée mais 
					suspendit la marche avant d’affronter l’ennemi à l’approche 
					de l’hiver. L’année suivante, les forces ottomanes 
					revinrent, défirent les Polonais et renouvelèrent le Traité 
					de Buchach. Fadil Ahmed Bacha avait interrompu la 
					marche avec le Sultan en raison de son état de santé 
					s’aggravant. Finalement, il rencontra son destin, laissant 
					le Sultan dans le chagrin. Le Sultan remplaça feu Fadil Ahmed 
					Bacha par Mustafa Merzifonlu Kara Bacha, un autre membre de 
					la famille Koprulu. 
					 
					
					La première des guerres russes-ottomanes eu lieu à peu près 
					à cette époque aussi, principalement à cause des Cosaques du 
					Dniepr. Après deux campagnes, l’Empire Ottoman conclut avec 
					les Russes un Traité d’une durée de vingt ans. En fait, le 
					Sultan Muhammad IV se conforma en quelque sorte à la 
					politique étrangère agressive de Mustafa Merzifonlu Kara 
					Bacha. 
					
					Mustafa Merzifonlu Kara Bacha contra la France sur les 
					questions concernant la province de Trablusgarp (Libye 
					moderne). Il réagit de manière excessive face au 
					bombardement français de l’île de Chios dans la Mer Égée, au 
					large de la côte ouest de l’Anatolie, et fit pression sur 
					les Français pour qu’ils paient des réparations de guerre. 
					 
					
					L’Autriche catholique, quant à elle, commença à exercer des 
					pressions politiques et religieuses sur les Hongrois 
					protestants, attachés à la souveraineté ottomane. Bien que 
					Fadil Ahmed Bacha Kopruluzade rejeta auparavant la 
					demande d’assistance du Prince de Transylvanie en raison du 
					Traité de Vasvar avec l’Autriche, Mustafa Merzifonlu Kara 
					Bacha accepta dès lors l’appel à l’aide du Hongrois. Un 
					certain nombre d’hommes d’état s’opposèrent à l’idée 
					néanmoins, Mustafa Merzifonlu Kara Bacha persuada le Sultan 
					et fit campagne sur l’Autriche. En 1093 (1682), le Sultan Muhammad 
					IV assista également à la campagne et marcha jusqu’à 
					Belgrade. Mustafa Merzifonlu Kara Bacha assiégea Vienne une 
					seconde fois après Souleyman le Magnifique en 1094 (1683). 
					 
					
					Renforcée par les troupes de Transylvanie, de Valachie, de 
					Moldavie et de Crimée, l’armée ottomane se battit 
					exceptionnellement bien. L’Empereur autrichien appela 
					ensuite les croisés pour obtenir du soutien. Encouragés par 
					le Pape, les Habsbourg, les Français et les Polonais vinrent 
					secourir Vienne. Pendant le siège de deux mois, Mourad 
					Giray, le Khan de Crimée, n’empêcha pas l’armée polonaise 
					dirigée par John Sobieski de se rendre à Vienne par le 
					Danube, alors que la chute de Vienne n’était qu’une question 
					de temps. Maintenant que l’armée ottomane était encerclée 
					par les forces polonaises, l’armée se trouvait entre deux 
					feux. Au milieu de cette tournure inattendue des événements, 
					Mustafa Bacha replia suffisamment ses forces sur Belgrade 
					pour éviter des pertes majeures et élabora la stratégie 
					d’une nouvelle attaque. De retour à la maison, plusieurs 
					hommes d’état devinrent jaloux de la réputation grandissante 
					de Mustafa Merzifonlu Kara Bacha. Ils convoitèrent sa 
					position de Grand Vizir et ainsi réussirent à provoquer et 
					manipuler le cerveau du Sultan Muhammad IV avec des 
					conseils trompeurs pour se débarrasser du Grand Vizir. 
					Finalement, la condamnation à mort de Mustafa Merzifonlu 
					Kara Bacha lui fut envoyée. En dépit d’être à des centaines 
					de milles de la capitale et le commandant en chef d’une 
					puissante armée ottomane, Mustafa Merzifonlu Kara Bacha se 
					présenta, effectua ses dernières deux rak‘as (cycles) de 
					prière, et demanda à ce que le décret soit exécuté d’une 
					manière étonnamment fidèle. L’échec du deuxième siège de 
					Vienne marqua un tournant dans l’histoire ottomane. En 
					effet, cela précipita une série de défaites successives, ce 
					qui suggère que le cours des événements qui suivirent aurait 
					pu se dérouler de manière totalement différente si 
					Merzifonlu avait eu une autre chance. 
					 
					
					L’échec ottoman à Vienne eut également des ramifications 
					plus larges : il inspira et stimula les croisés avec l’idée 
					qu’ils pourraient chasser les Ottomans de l’Europe Centrale. 
					Encouragée et dirigée par le Pape, l’Autriche, la Pologne, 
					la Russie, Venise, et Malte mirent en place une « sainte 
					alliance. » Bien que l’armée ottomane écrasa d’ abord la 
					Pologne, l’armée autrichienne avança le long du Danube et 
					attaqua la Transylvanie et la Hongrie. Esztergom et Belgrade 
					tombèrent et comme à leur habitude, les croisés massacrèrent 
					les habitants musulmans de Buda après la perte de la ville. 
					Sur d’autres théâtres de guerre, les forces polonaises 
					capturèrent Podolie et infiltrèrent la Moldavie tandis que 
					les Vénitiens attaquaient les côtes de la Morée et de la 
					Dalmatie avec le soutien des Espagnols et des Maltais. 
					Finalement, la Morée se sépara puis Athènes passa aux mains 
					de Venise. 
					 
					
					La série de pertes provoqua une vague d’indignation dans la 
					société ottomane. Des rumeurs se répandirent selon 
					lesquelles « le Sultan s’occupait de chasser au lieu de 
					s’occuper de l’état. » L’armée ottomane, qui subit une 
					défaite écrasante à Mohacs, se révolta contre le Grand Vizir 
					et commença à marcher vers Istanbul, en utilisant des 
					excuses de salaires pour se révolter. Leur intention 
					première était de détrôner le Sultan Muhammad IV. 
					Tandis que l’armée ottomane se dirigeait vers Istanbul, sa 
					propre capitale, les Autrichiens s’emparèrent avec une 
					relative aisance des terres conquises par les Ottomans 
					malgré la dureté et la diligence. Rien ne changea encore, 
					même lorsque le Sultan Muhammad IV prouva aux soldats 
					qui arrivaient à Istanbul que le Grand Vizir avait déjà été 
					remplacé et qu’il jura de ne plus chasser. Ils obtinrent une 
					fatwa qui autorisait les soldats à détrôner Muhammad 
					IV pour s’être trop amusé avec des chasses et avoir entravé 
					les affaires de l’état. Souleyman II lui succéda en 1098 
					(1687). Muhammad IV, maintenant l’ex-Sultan, fut 
					confiné à Simsirlik, ou section du Buis du Palais de 
					Topkapi, jusqu’à son transport à Edirne, sa ville préférée. 
					À ce moment-là, le Sultan Souleyman II était parti en 
					campagne en Hongrie. Muhammad IV, qui vivra également 
					sous le règne d’Ahmed II, son autre frère, décéda à 
					Edirne. Il fut le premier Sultan après Souleyman le 
					Magnifique à mourir en dehors d’Istanbul.  
					 
					
					Le Sultan Muhammad IV devint Sultan à un très jeune 
					âge, de sorte qu’il ne put pas recevoir une éducation 
					approfondie en tant que jeune Shehzade. En fait, il semble 
					que ses tuteurs l’élevèrent comme un chasseur et non comme 
					un sultan. Ceux qui luttaient pour le pouvoir dans le Palais 
					le gardaient strictement dans les limites du Palais. Les 
					nominations de Grands Vizirs compétents de la famille 
					Koprulu contribuèrent à la relance de l’Empire à bien des 
					égards. C’est après la mort de sa mère Sultan Tourkhan et la 
					dissociation des Koprulus de l’administration que le Sultan 
					montra ses inepties à gouverner. Bien que ses fils aient des 
					droits inaliénables sur le trône, il épargna ses frères et 
					de cette manière, il ouvrit la voie à leur ascension sur le 
					trône après avoir été détrôné. 
					 
					
					Muhammad IV était très gentil et généreux. Il menait 
					une vie assez ordinaire de simplicité bien qu’il ait tous 
					les moyens de mener un style de vie somptueux en tant que 
					Sultan d’une superpuissance. Le Sultan Muhammad IV 
					était très enthousiaste pour l’histoire et était un patron 
					des arts. C’est au cours de son long règne que le célèbre 
					Evliya Chalabi 1020 - 1093 (1611-1682) écrivit son célèbre
					Voyages (Seyahat) 
					en dix volumes, décrivant ses voyages qui avaient débuté 
					dans sa ville natale d’Istanbul et couvraient l’Anatolie, le 
					Caucase, le Moyen-Orient et l’Égypte, l’Afrique du Nord, la 
					Roumanie, l’Europe Centrale, Orientale et Septentrionale 
					jusqu’à la Mer Baltique. 
					 
					
					En tant que Sultan, Muhammad IV entreprit 
					d’importants travaux de rénovation à La Mecque et dans ses 
					environs, en particulier dans le système hydraulique de la 
					Vallée d’Arafat, dans le but de réconforter les pèlerins.  
					
					Après avoir lu en partie l’histoire de notre Oummah en 
					général, je ne peux qu’avoir de la compassion pour lui et 
					tous les autres. Puisse Allah Exalté lui faire miséricorde. 
					Le Pouvoir est une terrible chose.  
					 
					 La Campagne Ottomane d’Hongrie de 1074 (1663) 
					 
					
					Muhammad Fatih Calisir 
					 
					
					Il est vrai qu’avec le Vizirat de Muhammad Basha 
					Koprulu en 1066 (1656), l’esprit ghazi ou jihad fut ravivé 
					dans l’Empire et la milice ottomane retrouva son dynamisme. 
					Fadl Ahmed Basha, le fils aîné de Muhammad 
					Basha, qui prit le poste de Grand Vizirat après la mort de 
					son père le 6 Rabi’ al-Awwal 1072 (30 octobre 1661), avait 
					suffisamment d’expérience dans l’art de la politique et 
					savait gérer les ressources humaines et financières de 
					l’Empire. Engagé avec les problèmes d’Europe centrale, 
					l’ambitieux Grand Vizir mis en garde d’abord les envoyés des 
					Habsbourg à Istanbul d’observer les conditions du Traité de 
					Paix de Zsitvatorok qui visait au départ, à mettre fin à la 
					guerre avec Venise qui durait depuis quinze ans, puis à 
					régler les problèmes sur le front hongrois. 
					 
					
					Cependant, au printemps 1073 (1663), lorsque l’armée 
					ottomane se prépara pour une campagne contre les territoires 
					vénitiens en Dalmatie et le Grand Vizir reçut un firman du 
					Sultan ordonnant une marche contre les Habsbourg. Les 
					lettres de plainte reçues du fort et des villes frontière 
					sur les sévères attaques des soldats autrichiens jouèrent un 
					rôle important dans cette décision du Sultan. Inspiré par le 
					prédicateur du palais Muhammad Efendi Vani, le Sultan 
					et le Grand Vizir considérèrent favorablement une campagne 
					contre un ennemi chrétien, ce qui pourrait leur apporter une 
					récompense céleste et un prestige mondain si cela 
					aboutissait. 
					 
					
					Bien que dans le cas de la campagne de 1073 (1663), le 
					Sultan était manifestement devenu très irrité contre son 
					adversaire des Habsbourg et les troubles dans la capitale 
					étaient l’une des causes sous-jacentes de l’envoi à tout 
					moment de l’armée ottomane en campagne.  
					
					Le 3 Ramadan 1073 (11 avril 1663), le Grand Vizir Fadl Ahmed 
					reçut le titre de Serdar à Edirne (Adrinople) et commença sa 
					marche vers Belgrade. Trois jours plus tard après son 
					arrivée à Belgrade, il admit les envoyés des Habsbourg, le 
					Baron Goes et Beris, et l’ambassadeur d’Autriche à Istanbul, 
					Simon Reninger, qui exigea des négociations de paix. Le 
					Grand Vizir leur demanda de retirer les soldats autrichiens 
					des châteaux de Transylvanie, de démolir le nouveau château 
					de Zrinyi et de libérer les captifs musulmans. Les envoyés, 
					d’autre part, déclarèrent également leurs conditions : les 
					châteaux Szekelyhid et Kolozsvar resteraient sous le 
					contrôle de l’empereur et en retour, ils détruiraient le 
					nouveau château de Zrinyi. Pour les convaincre de la force 
					et de la capacité de l’armée ottomane pour gagner ce qu’il 
					demandait, le Grand Vizir montra au Baron Goes les tentes et 
					les canons rassemblés dans le champ de Belgrade. Lorsque le 
					Grand Vizir l’informa des conditions exigées par les envoyés 
					des Habsbourg, le Sultan se mit très en colère et réitéra 
					son ordre de lancer une campagne contre l’Empereur des 
					Habsbourg. Quinze jours plus tard, lorsque Fadl (Fazil) Ahmed 
					Basha entra à Osek (Eszek), il admit les envoyés pour la 
					deuxième fois. En plus de ses premières demandes, il demanda 
					un paiement d’impôt annuel de 30000 ducats d’or comme sous 
					le règne du Sultan Souleyman le Magnifique. Les envoyés 
					acceptèrent de transmettre les nouvelles conditions à 
					l’Empereur mais ce dernier refusa. Enfin, lors d’une réunion 
					à Buda le 30 juin, ‘Ali Basha demanda aux envoyés 
					autrichiens au nom du Grand Vizir de payer 30000 ducats par 
					an ou 200000 florins comme ils payaient à l’époque de Khoja 
					Mourad Basha. Les envoyés exigèrent du temps pour donner une 
					réponse. ‘Ali Basha donna aux envoyés quatorze jours pendant 
					que l’armée poursuivait sa marche vers le château d’Uyvar. 
					 
					
					Comme cela sera discuté en détail dans les paragraphes 
					suivants, les Ottomans menèrent une campagne principalement 
					réussie contre leurs adversaires. Afin de consolider les 
					gains territoriaux réalisés après l’arrêt de leur avance 
					pendant la bataille de Saint-Gothard, les Ottomans 
					conclurent la Paix de Vasvar, le 17 Mouharram 1075 
					(10 août 1664). Cette trêve de 20 ans confirma la 
					suzeraineté ottomane sur la Transylvanie et stipula que les 
					troupes autrichiennes et ottomanes devaient être retirées de 
					la région. Ce Traité donna aux Ottomans la possibilité de 
					conserver les forteresses qu’ils avaient capturées pendant 
					leur marche. Léopold Ier accepta de faire un « cadeau » de 
					200000 florins au Sultan. La principale raison de la volonté 
					du côté des Habsbourg de signer ce traité était de sécuriser 
					les frontières orientales afin de pouvoir s’engager 
					militairement dans l’Ouest. En outre, la crise économique 
					qui frappait l’Empire des Habsbourg limitait les 
					possibilités de dépenses militaires. Cependant, ce Traité de 
					Paix agaça considérablement la noblesse hongroise. Ils 
					estimèrent que leur chef national, le Comte Nikolas Zrinyi, 
					n’avait pas reçu le soutien nécessaire du commandant 
					impérial Montecuccoli. La discorde entre l’Empereur des 
					Habsbourg et les nobles hongrois était également enracinée 
					dans les tensions religieuses provoquées par la 
					contre-réforme accrue. Les Ottomans et en particulier le 
					Grand Vizir Ahmed Basha comprirent très bien compris 
					cette situation et l’utilisèrent pour promouvoir la cause 
					ottomane. 
					 
					
					En outre, il était également de tradition dans le système 
					gouvernemental ottoman de prêter une attention particulière 
					à la sécurité et au bien-être des populations qui avaient 
					accepté la suzeraineté ottomane. Un document ottoman 
					conservé dans le village de Dolny Kamenec sur le cours 
					supérieur de la rivière Nitra nous montre que Huseyin 
					Basha, le gouverneur de Buda et le commandant du château 
					d’Uyvar, assurait la sécurité des habitants de ce village 
					contre les attaques des Tatars de Crimée, les cosaques et 
					les soldats de Moldavie et de Valachie qui avaient participé 
					à la campagne ottomane en tant qu’unités auxiliaires. Dans 
					un autre document du même village, ‘Ali Basha, le gouverneur 
					de Leve (Levice en Slovaque moderne), ordonna à Isma’il Beg, 
					le commandant du régiment de Leve, de protéger les sujets du 
					village qui avaient accepté l’autorité ottomane de toute 
					agression venant de l’armée. 
					 Marche et confrontation 
					 
					
					L’armée ottomane commença sa marche de manière habituelle. 
					Le 1 Rajab 1073 (9 février 1663), l’étendard impérial, 
					symbole du début d’une campagne, fut préparé pour la marche. 
					Une semaine plus tard, les tentes impériales et le 14 de ce 
					même mois, la tente du Sultan lui-même fut préparées. 
					L’armée se rassembla à Davout Basha le 8 Sha’ban (18 mars) 
					et, suivant la route traditionnelle utilisée pour les 
					campagnes occidentales, marcha en direction d’Edirne. Les 
					soldats participant à la campagne devaient rejoindre l’armée 
					avant le 11 Sha’ban. Les munitions et les provisions 
					nécessaires pour la campagne furent rassemblées à Edirne. Le 
					3 Ramadan (11 avril), le Grand Vizir Fadl Ahmed Basha 
					fut nommé commandant en chef et partit pour Sofia. Là, les 
					chevaux furent laissés dans les pâturages pour se nourrir 
					d’herbe fraîche et après un séjour de seize jours à Sofia, 
					les forces ottomanes se déplacèrent à Halkali Pinar où le 
					Sultan envoya au commandant un firman avec une épée et un 
					caftan, des cadeaux traditionnels pour animer l’esprit 
					ghazi. Lorsque l’armée arriva par la suite à Belgrade le 2 
					Dzoul Qi’dah (8 juin), presque toutes ses unités avaient été 
					rassemblées. Les soldats étaient si nombreux que la ville de 
					Belgrade devint un carnaval de couleurs à cause de leurs 
					tentes. L’armée resta dans la ville pendant douze jours afin 
					d’entreprendre les aspects logistiques de la campagne. Les 
					canons, mortiers, munitions, céréales et autres provisions 
					furent amenés d’Istanbul et le matériel déjà présent à 
					Belgrade fut chargé sur cent quarante navires et transporté 
					du port de Belgrade à Boudin via le Danube. Ensuite, l’armée 
					se rendit à Zemun et y est resta encore deux jours. Le 16 de 
					ce même mois (22 juin), ils atteignirent Mitrofca 
					(Mitrovice) où les soldats pouvaient acheter de la 
					nourriture bon marché. Le 22 Dzoul Qi’dah (28 juin), l’armée 
					arriva à Osek (Eszak). Là, les soldats reçurent leur 
					provision et les canons furent chargés sur les navires. 
					Enfin, le 11 Dzoul Hijjah (17 juillet), l’armée 
					arriva à Buda. Sur la base des informations fournies par Muhammad 
					Necati, la distance entre un menzil ou un lieu de repos et 
					le suivant différait de deux à huit heures de marche. 
					 
					
					Bien que l’on veuille nous faire croire à l’analphabétisme 
					géographique et politique des Ottomans, des études récentes 
					nous montrent que les décideurs ottomans furent prudents 
					dans la planification et l’organisation de leurs attaques 
					sur les terres européennes. Ils connaissaient les châteaux, 
					les rivières, les ressources naturelles, les marais, les 
					lignes de défense, l’équilibre des pouvoirs grâce aux 
					activités de leur système de collecte d’informations bien 
					développé. La préparation de rapports solides sur les 
					particularités géographiques et stratégiques de la région 
					était de la responsabilité des Bashas des frontières. Par 
					conséquent, sur la base des rapports des Bashas à la 
					frontière des Habsbourg, la classe dirigeante ottomane prit 
					la décision de marcher sur le fort d’Uyvar après avoir 
					soigneusement débattu de la question lors d’une réunion 
					tenue à Buda le 17 Dzoul Hijjah de cette même année 
					(23 juillet 1663). Les motifs à l’appui de la décision 
					comprenaient la relative facilité avec laquelle le fort 
					pouvait être pris, la perspective d’un butin abondant, et 
					non le moindre du prestige que pouvait gagner l’entreprise, 
					d’autant plus qu’un haut fonctionnaire de l’empereur 
					résidait dans le château. Les autres cibles possibles de 
					l’armée ottomane étaient Raba (Yanik kale) et Komorn 
					(Komaran). Cependant, il fut considéré difficile d’entrer 
					dans Raba tandis que le fort de Komorn pouvait se défendre 
					avec ses larges fossés gorgés d’eau. | 




