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| Lépante 
					 
					
					Le récit suivant de la politique ottomane menant à la 
					bataille de Lépante et de son effet immédiat sur les 
					Ottomans est basé exclusivement sur des documents des 
					archives turques. 
					 
					
					Au mois de Ramadan 978 (février 1571), la Porte reçut des 
					renseignements des Begs de Kilis (en Bosnie) et de Delvina 
					que les Vénitiens rassemblaient leurs forces près de Korfu 
					et attendaient la flotte espagnole. D’autres rapports 
					provenant de diverses sources confirmèrent la nouvelle. Le 
					Beg de Morée rapporta que la flotte vénitienne en Crète, 
					forte de trente navires, avait cruellement besoin de 
					provisions et prévoyait de capturer les navires marchands 
					transportant des provisions d’Egypte et de Syrie à Istanbul. 
					Les nouvelles concernant la flotte chrétienne provoquèrent 
					une grande inquiétude et une grande excitation à Istanbul et 
					le Divan impérial prit des mesures drastiques pour faire 
					face au danger imminent. La Porte était principalement 
					concernée par les tentatives chrétiennes de briser le siège 
					ottoman de Famagouste. La stratégie pour empêcher une telle 
					intervention consistait à envoyer d’abord des renforts au 
					commandant en chef ottoman à Chypre pour achever la conquête 
					de l’île, puis de rassembler toutes les forces navales 
					ottomanes sous un seul commandement pour empêcher la flotte 
					chrétienne de venir à la l’aide des assiégés à Famagouste et 
					de la destruction de la flotte alliée. La décision de la 
					Porte d’attaquer la flotte chrétienne fut une décision 
					fatidique qui déterminerait désormais le cours des 
					événements. 
					 
					
					A cet effet, les mesures suivantes furent prises : le Beg de 
					Rhodes qui surveillait les navires vénitiens en Crète fut 
					immédiatement renforcé par vingt navires envoyés d’Istanbul 
					sous Kaya Beg de Koca-ili à la mi-Ramadan. Muhammad 
					Shoulouk, le Beg d’Alexandrie fut nommé commandant de toutes 
					les forces qui allait se rassembler à Rhodes avec pour 
					instructions d’attaquer tout navire vénitien tentant de 
					s’infiltrer dans les eaux de Chypre et de transporter des 
					troupes de Tripoli (en Syrie) à Chypre. Il décida également 
					d’accélérer les travaux à l’arsenal impérial d’Istanbul pour 
					achever les navires en construction. (Après la défaite de 
					Lépante, on dit que l’échec à terminer les navires fut l’une 
					des raisons de la défaite). Muezzin-zade ‘Ali Bacha, 
					l’amiral de la flotte ottomane, partit pour Istanbul avec 
					trente galères le 24 Shawwal (21 mars) et arriva à Chypre 
					fin mars. Il reçut l’ordre de rassembler toutes les forces 
					de la Mer Égée et de se rendre à Chypre. Il apporta à Chypre 
					des soldats, des munitions de Tripoli et prit part au siège 
					de Famagouste.  
					
					Dans l’intervalle, la Porte assigna le deuxième Vizir 
					Bartawi (Pertev) Bacha commandant en chef de toutes les 
					forces navales naviguant d’Istanbul avec les navires 
					restants, au nombre de 124, le 9 Dzoul Hijjah 978 (4 mai 
					1571). Il devait rassembler toutes les forces sous son 
					commandement et attaquer la flotte alliée partout où il la 
					trouverait. L’inspection montra que le nombre total de 
					navires à rames était de 227, dont 35 avaient des esclaves 
					comme rameurs et le reste des Musulmans, des rameurs enrôlés 
					dans les provinces ottomanes. Vingt navires devaient être 
					laissés à Chypre pour servir de garde et de transport. Le 
					Kapudan Muezzin-zade Bacha fut informé que la décision 
					d’attaquer la flotte chrétienne était définitive et 
					fortement soutenue par tous les Musulmans. Dans les mots du 
					document : « Lorsque la nouvelle de l’intention d’attaquer 
					des mécréants devint connue de tous ici, les ‘ulémas et 
					toute la communauté musulmane trouvèrent qu’il était plus 
					approprié et nécessaire de trouver et d’attaquer 
					immédiatement la flotte des mécréants afin de sauver 
					l’honneur de notre religion et de notre état, et pour 
					protéger le pays du Califat et, lorsque les Musulmans 
					soumirent leur pétition aux pieds de mon trône, je l’ai 
					trouvée bonne et incontestable, je reste inébranlable dans 
					ma décision. »  
					
					Ce passage reflète clairement le fait que les Ottomans 
					réalisèrent pleinement la gravité du moment. Comme le 
					suggère le langage du document, dès le début, les Ottomans 
					virent la confrontation comme une confrontation entre deux 
					religions, réciproquant à cet égard les motivations des 
					architectes de la Sainte Ligue, le Pape Pie V et le Roi 
					espagnol Philippe II. La décision fut mise en œuvre d’un 
					seul coup et toutes les forces navales et terrestres furent 
					appelées à se joindre à l’opération. 
					 
					
					La guerre pour Chypre entra ainsi dans une nouvelle phase 
					avec un intense esprit de combat des deux côtés. Dès lors, 
					les Ottomans essayèrent de mobiliser toutes leurs ressources 
					pour la lutte fatidique. Le Sultan nomma le troisième Vizir 
					Ahmed Bacha commandant en chef de l’armée de terre 
					qui comprenait 1500 janissaires et environ 1500 cavaliers de 
					la Porte avec la cavalerie provinciale sous le commandement 
					de Huseyin Bacha, le Beylerbeyi de Roumélie. Ahmed 
					quitta Istanbul le 4 Dzoul Hijjah (29 avril) et 
					atteignit rapidement Uskup (Skoplje) pour rassembler les 
					troupes. 
					 
					
					Muezzin-zade quitta Chypre pour rejoindre Bartawi Bacha le 
					14 Dzoul Hijjah (9 mai). En apprenant la nouvelle que 
					la flotte vénitienne de Crète était en mauvaise posture en 
					raison de la perte de son équipage en raison d’une épidémie 
					et de la réticence de la population locale à servir, le 
					Porte envoya un ordre à Bartawi Bacha, commandant en chef 
					des forces navales, d’attaquer l’ennemi en Crète, d’attaquer 
					les îles et les forteresses de la région et d’assaillir les 
					navires vénitiens qui s’étaient rassemblés à Corfou. Si cela 
					réussissait, il devait attaquer les forteresses côtières 
					vénitiennes et détruire la forteresse de Parga. Les forces 
					terrestres sous les Begs de Joannina et Delvina devaient 
					coopérer avec lui dans la dernière entreprise. 
					 
					
					Dans les chroniques ottomanes de Selaniki, ‘Ali, Louqman et 
					Zeyrek, le récit des opérations navales est très bref. 
					Zeyrek nous dit que les forces ottomanes effectuèrent des 
					raids dévastateurs en Crète, Cerigo (Chouha Adasi), Zante 
					(Zakilise), Céphalonie et Corfou, prirent et détruisirent 
					les forteresses de Sopot (en Albanie), Dulcigno (Oulkun), 
					Antivani (Bar) et Boudua. ‘Oulouj ‘Ali, le Beylerbeyi 
					d’Algérie rejoignit la flotte avec ses vingt galères près de 
					la Crète. Nous trouvons plus de détails dans la chronique 
					contemporaine de la cour
					Salimname de 
					Louqman (Bibliothèque Sarayl de Topkapi Sarayl, R.1537) 
					illustrée d’exquises miniatures. Il décrit comment Ahmed 
					Bacha arriva à Shkoder (Igkodra) et prit d’assaut Dulcigno 
					en coopération avec les forces navales sous Bartawi Bacha. 
					La nouvelle de la capture de Dulcigno fut reçue avec une 
					grande joie dans la capitale ottomane, et Ahmed Bacha 
					en fut récompensé par le Sultan. Il est intéressant de noter 
					cependant qu’au cours de cette opération, de nombreux 
					combattants ottomans qui avaient débarqué pour combattre 
					désertèrent et ne sont jamais revenus sur leurs navires. 
					Selaniki ajoute que de nombreux navires se retrouvèrent 
					ainsi sans soldats. 
					 
					
					Quand Ahmed et Bartawi furent sur le point de se 
					déplacer contre Kotor, ils apprirent que la flotte alliée 
					était finalement apparue dans la Mer Adriatique mais 
					décidèrent de se retirer. Sur ce, la Porte émit l’hypothèse 
					que l’intention de l’ennemi était de frapper les possessions 
					ottomanes sur les côtes adriatiques et des mesures 
					énergiques furent prises pour éviter cela. En juillet, 
					l’information arriva d’Avlona (Vlore) que la flotte 
					vénitienne s’était rendue à Messine. En août, plusieurs 
					ordres furent envoyés aux Begs et aux qadis en Roumélie avec 
					l’avertissement de se préparer contre une attaque ennemie. 
					Le Beg de Kjustendil devait garder la côte d’Alessio (Lesh) 
					jusqu’à Durazzo (Durres) en Albanie, et les qadis de 
					Roumanie reçurent l’ordre de fournir des provisions et du 
					matériel chaque fois que le capitaine de la flotte le 
					demandait depuis les quartiers d’hiver de Bis.  
					
					L’ordre est particulièrement intéressant pour montrer la 
					situation du côté ottoman en septembre. On y lit : « Ordre à 
					‘Ali Bacha, amiral de la flotte impériale. Dans ta lettre du 
					18 Rabi’ ath-Thani (9 septembre), tu as signalé que mon 
					précédent firman au sujet de ton hivernage avec les 
					Beylerbeyi d’Algérie au port de Kotor t’es parvenu à Lépante 
					(Inebahti), tu as indiqué que dans une lettre ‘Ali, l’un des 
					capitaines d’Algérie qui a été envoyé à Messine pour 
					capturer des prisonniers pour des renseignements, t’a écrit 
					que la flotte des incroyants était entrée dans le port de 
					Taranda (Otrante) et qu’il avait capturé un petit navire de 
					leur flotte. Les captifs l’informèrent que l’Espagne et 
					Venise avaient équipé tous leurs navires, y compris ceux de 
					Crète, et avaient décidé de venir à Corfou sous le 
					commandement de Don Juan, le frère du roi d’Espagne afin 
					d’attaquer soit la flotte impériale, soit une place sur les 
					côtes de nos dominions. Tu ajoutes que toute la situation 
					serait discutée au conseil de guerre et que le mieux sera 
					fait pour les choses concernant notre religion et notre 
					état. Tout ce que tu as rapporté nous était connu. De plus, 
					Mustafa, un de mes chavoushes, apporta la nouvelle qu’il 
					avait apprise de Bayazid, le Beg de Delvina, que la flotte 
					des mécréants était déjà arrivée à Corfou. Bartawi Bacha, 
					mon commandant en chef, m’a également rapporté les choses 
					que tu voulais soumettre à ma connaissance. Maintenant, 
					j’ordonne qu’après avoir reçu des nouvelles fiables sur 
					l’ennemi, que vous attaquiez la flotte des mécréants en 
					faisant pleinement confiance à Allah et à Son Prophète. Dès 
					que mon ordre arrivera, vous devez rejoindre Bartawi Bacha 
					et tenir un conseil avec les Beylerbeyi d’Algérie, d’autres 
					beys, zou’ama et capitaines de la marine agissant tous en 
					parfait accord et unité selon ce qui est jugé le plus 
					approprié ... Si vous pensez que ma flotte impériale devrait 
					hiverner par la volonté d’Allah dans ces eaux comme je 
					l’avais envisagé dans mon ordre précédent, vous pouvez 
					décider de rester dans le port de Kotor ou dans un autre 
					port après avoir consulté Bartawi Bacha, et me soumettre les 
					mesures que vous prendrez pour pouvoir agir conformément à 
					quoi que sera mon commandement impérial. » 
					 
					
					Nous apprenons d’un ordre au Kapudan Bacha en date du 26 
					Rabi’ ath-Thani (17 septembre), que lorsque la flotte 
					ottomane partit pour Avlona, un escadron de cinq galères 
					ennemies arriva dans le détroit de Kotor, mais Qasim, le Beg 
					d’Hersek (Herzégovine) les repoussa et fit des prisonniers. 
					Il apprit d’eux que la flotte chrétienne composée de 130 
					vaisseaux espagnols et 130 vénitiens devait assiéger Nova 
					(Castelnuovo). Sur ce, un ordre du 5 Joumadah al-Awwal (25 
					septembre) fut envoyé pour que le Kapudan Bacha et les 
					Beylerbeyi d’Algérie hivernent à Kotor avec la flotte 
					impériale de 230 vaisseaux. Les provisions pour six mois 
					devaient être fournies pour la marine et la forteresse de 
					Nova. En outre, Ahmed Bacha, commandant des forces 
					terrestres, reçut l’ordre que les sipahis de Koumdia sous le 
					commandement du Beylerbeyi Huseyin devaient rapidement se 
					déplacer là où une attaque ennemie était attendue. Afin de 
					garder Nova, le Beg de Kjustendil fut envoyé. Les Begs 
					d’Herzégovine et de Shkoder devaient communiquer avec les 
					commandants et entrer en action en coopération avec eux. Le 
					7 Joumadah al-Awwal (27 septembre), Mustafa Chavoush 
					informa, de Delvina, l’arrivée de la flotte chrétienne près 
					de Corfou. 
					 
					
					En septembre, Ahmed Bacha arriva en Albanie avec les 
					Beylerbeyi de Roumanie pour réprimer les rebelles albanais à 
					Ohrida et pour renforcer les garnisons des forteresses de 
					Preveza, Patras, Delvina, Avlona et Durazzo avec des 
					timariots sipahis (cavalerie provinciale). Il chargea les 
					Begs de Kjustendil et Vidin de garder la côte albanaise et 
					inspecta tous les points dangereux de cette région. Mahmoud 
					Ozkour oglu, apparemment un membre de la vieille famille 
					albanaise des Sagouras, offrit ses services pour garder les 
					côtes avec deux mille volontaires. Plus tard, Ahmed 
					Bacha écrivit à la Porte que les troupes étaient en mauvaise 
					posture en raison de la pluie et du manque de provisions en 
					Albanie, et ils insistèrent pour rentrer chez eux. Les Begs 
					gardant les côtes envoyèrent également des plaintes sur la 
					rareté des provisions, affirmant qu’il leur était impossible 
					de rester en Albanie pendant l’hiver. Dans un ordre du 20 
					Joumadah al-Oula (10 octobre), c’est-à-dire trois jours 
					après la bataille de Lépante, la Porte informa Ahmed 
					Bacha que la flotte chrétienne était à Corfou et qu’aucune 
					troupe ottomane ne devait partir pour leurs provinces 
					d’origine (les sipahis timariots servaient seulement pendant 
					la saison de campagne, c’est-à-dire du printemps à 
					l’automne), et que les troupes épuisées des navires devaient 
					être remplacées par des troupes fraîches des forces 
					terrestres. Il devait donner les contingents requis 
					d’urgence par la marine, inspecter les garnisons dans les 
					forteresses, puis se rendre avec toutes les forces sous son 
					commandement à un point proche de l’endroit où l’attaque 
					ennemie était attendue. 
					 
					
					Vers la mi-Joumadah al-Oula (début d’octobre), la Porte 
					apprit que la flotte chrétienne sous le commandement de Don 
					Juan comprenait 130 galères, 70 frégates, 28 barches et six 
					maones.  
					
					Ne sachant pas qu’ils feraient face à une assemblée aussi 
					organisée de galères dirigée par les forces de la Papauté, 
					de Venise et des Habsbourg sous le drapeau du Saint Empire 
					romain, les Ottomans furent pris au dépourvu. La flotte 
					alliée comprenait plus de 200 navires dont l’effectif total 
					comptait environ 44000 marins, rameurs compris. En outre, il 
					y avait quelque 28000 soldats à bord. Ils étaient armés de 
					l’arquebuse, le précurseur du mousquet. En outre, la flotte 
					de la Sainte Ligue était suivie par un train de 24 cargos à 
					voile qui étaient là pour fournir un soutien logistique en 
					cas de besoin. La flotte ottomane, comptant environ 224 
					navires, succomba devant la flotte de la Sainte Ligue. 
					Quelque 194 navires ottomans furent coulés ou capturés par 
					l’alliance chrétienne. Le grand amiral fut tué, avec ses 
					fils, tandis qu’un autre commandant sauva sa propre vie en 
					s’enfuyant simplement. Le seul commandant, qui survécut à la 
					bataille fut ‘Oulouj ‘Ali Basha, plus expérimenté dans les 
					affaires maritimes que les deux autres commandants, qui 
					réussit à ramener à Istanbul un petit escadron de galères. 
					 
					
					Le 29 de ce même mois (19 octobre) toujours non informé de 
					la défaite de Lépante, la Porte pensa que la campagne était 
					terminée et envoya la permission aux forces terrestres de 
					rentrer chez elles avec l’avertissement qu’elles devraient 
					être prêtes pour l’expédition du printemps prochain. Tous 
					ces faits confirment l’idée que la Porte ne s’attendait pas 
					sérieusement à une attaque ennemie à ce moment-là, et que la 
					bataille fut plutôt une surprise.  
					
					‘Ali, chroniqueur ottoman contemporain, déclara : « La 
					flotte navigua longtemps sur la mer. Personne n’apparut. Les 
					Ottomans crurent que les Chrétiens n’avaient pas le courage 
					de les rencontrer. L’hiver approchait. Les corsaires et les 
					Begs des provinces côtières demandèrent à la Porte la 
					permission de rentrer chez eux. Ainsi l’armée se désintégra. 
					» Lorsqu’on apprit que l’ennemi s’apprêtait à attaquer la 
					flotte ottomane, les commandants ottomans recrutèrent à la 
					hâte des équipages pour les navires parmi les garnisons des 
					forteresses côtières et même parmi la population locale. 
					 
					
					Il n’y a pas de rapport ottoman détaillé disponible sur la 
					bataille d’Incirli Liman dans la baie de Lépante. Le rapport 
					de Bartawi Bacha, mentionné dans un firman, n’a pas encore 
					été découvert dans les archives turques. Les chroniques n’en 
					donnent qu’un très bref compte rendu. Le Sultan, alors à 
					Edirne (Andrinople), reçut des nouvelles de l’événement par 
					un émissaire spécial de ‘Oulouj ‘Ali Bacha le 3 Joumadah 
					ath-Thani (23 octobre) (selon Selaniki, quelques jours plus 
					tôt). Dans un firman daté du 8 Joumadah ath-Thani (28 
					octobre) envoyé à Bartawi Bacha, seul ce qui suit fut dit à 
					propos de l’événement : « Maintenant, une bataille peut être 
					gagnée ou perdue. Il était destiné à se passer ainsi selon 
					la volonté d’Allah. » En fait trop confiants après la chute 
					de Famagouste (Magosa) le 9 Rabi’ al-Awwal (1er août 1571) 
					qui acheva ainsi la conquête de Chypre et la prise des 
					forteresses vénitiennes de Dulcigno et d’Antivari en Albanie 
					pendant l’été, les Ottomans furent choqués par la nouvelle. 
					L’historien ottoman ‘Ali nota que depuis la création du 
					monde et la construction du premier navire par Nouh 
					(‘aleyhi salam), aucune catastrophe de ce type ne fut 
					enregistrée. Discutant des causes de la défaite, les 
					chroniqueurs ottomans soulignent le départ inhabituellement 
					précoce de la flotte d’Istanbul au printemps, l’épuisement 
					des équipages à la suite d’une longue période d’opérations 
					en mer, la désertion des timariots sipahis des navires, 
					l’attaque inattendue de la flotte chrétienne à un moment où 
					les Ottomans croyaient que la campagne était terminée, 
					l’ordre définitif initial de la Porte de rencontrer la 
					marine chrétienne et l’insistance du Kapudan Bacha à se 
					conformer à cette directive ; son mépris de la tactique de 
					combat de ‘Oulouj ‘Ali, sa précipitation dans les lignes 
					ennemies pendant que 40 ou 50 de ses navires étaient 
					retournés au rivage et la désertion de bon nombre de ses 
					troupes. Comme l’a dit un chroniqueur ottoman, « le grand 
					amiral de la marine ottomane n’avait jamais commandé une 
					seule barque de sa vie» et selon un autre chroniqueur « il 
					n’avait jamais assisté à une bataille navale et ni ne fut 
					informé de la science de la piraterie. » Mais tous les 
					chroniqueurs terminent en disant que c’était le plan d’Allah 
					pour mettre en garde les croyants musulmans contre leurs 
					péchés. 
					 
					
					La réunion du Divan Impérial le lendemain de l’arrivée de 
					l’émissaire démontre un esprit et une confiance élevés dans 
					la remise en état des choses. Le registre 
					des  
					décisions du Divan contenait un certain nombre de mesures 
					énergiques après cette réunion: un ordre à Kilij (‘Oulouj) 
					‘Ali Bacha, Beylerbeyi d’Algérie et maintenant Kapudan 
					Bacha, qui sauva ses 20 navires à Lépante, pour rassembler 
					tous les navires éparpillés de la flotte et rester en garde 
					dans une ligne entre la Grèce et Scio ; un autre ordre à Ahmed 
					Bacha, le Beylerbeyi de Roumélie, pour recruter et placer 
					des soldats dans les forteresses sur les côtes, pour 
					surveiller et repousser l’ennemi s’il venait à terre, pour 
					inspecter la région de Préveza puis se déplacer vers la 
					Morée avec toutes les forces rassemblées pour y faire face à 
					toute attaque ennemie. On pensait que la Morée était en 
					grand danger car la marine avant la bataille avait embarqué 
					un grand nombre de soldats des forteresses et les Mainots 
					étaient en rébellion. 
					 
					
					Le Sultan reprocha aux soldats qui avaient quitté leurs 
					positions avant la bataille en ces termes : « Il n’y a pas 
					eu de situation similaire auparavant. Il n’y a aucune excuse 
					pour dire que le terrain était accidenté alors qu’en dépit 
					de l’hiver, l’ennemi était en route pour détruire notre pays 
					et que leurs maux s’accumulaient chaque jour. Que vous 
					donniez de telles excuses montre simplement un manque de 
					zèle religieux et d’esprit civique de votre part. » 
					 
					
					Le 4 Joumadah ath-Thani (24 octobre), de nouveaux ordres 
					furent envoyés à tous les qadis des côtes de la Méditerranée 
					pour placer des sentinelles aux points dangereux, pour 
					déplacer les populations locales vers des hauteurs 
					difficiles à atteindre, pour compléter ou augmenter les 
					garnisons des forteresses. Des ordres spéciaux furent 
					envoyés aux gardiens des châteaux du détroit, de Rhodes et 
					de Modon pour qu’ils soient armés et en alerte. Tout cela 
					montrait que la Porte envisageait sérieusement la 
					possibilité d’une attaque sur les côtes et même sur Istanbul 
					même. La Chypre nouvellement conquise était considérée comme 
					particulièrement vulnérable, surtout lorsque la nouvelle de 
					42 navires vénitiens se dirigeant vers la Crète arriva. Les 
					Beylerbeyi de Karaman et Begs des quatre provinces 
					anatoliennes à savoir Isel, Tarse, Alaiye et Teke, 
					maintenant tous incorporés dans la province de Qoubrous 
					(Chypre), avec toutes les forces sous leur commandement 
					reçurent l’ordre de passer immédiatement sur l’île. Les 
					capitaines de Paphos et de Kyrenia reçurent également 
					l’ordre de retourner à Chypre avec leurs navires. 
					 
					
					Après avoir reçu Ahmed Bacha, le conquérant de 
					Dulcigno, et Lala Mustafa, le conquérant de Chypre, avec une 
					grande cérémonie en sa présence, le Sultan revint d’Edirne à 
					Istanbul le 4 Joumadah ath-Thani (28 octobre). Il eut, 
					dit-on, une sorte de mélancolie après que la nouvelle de « 
					la flotte vaincue » l’atteignit. 
					
					Au milieu de novembre, le Kapudan Bacha informa le Sultan de 
					sa venue à Istanbul avec la flotte. Nous savons que Don Juan 
					était déjà de retour à Messine le 1er novembre. Selon 
					Selaniki, un témoin oculaire, Kilij ‘Ali arriva à Istanbul 
					le 1 Sha’ban 979 de l’Hégire (19 décembre) avec 32 navires, 
					dont certains étaient apparemment ceux dispersés après la 
					défaite. Dès qu’il atteignit la capitale, il se rendit à 
					l’arsenal impérial pour superviser la construction de la 
					nouvelle flotte. 
					 
					
					Le récit le plus détaillé de l’incident de Lépante et des 
					autres expéditions navales ottomanes se trouve dans
					Touhfat al-Kibar fi 
					asfar al-Bihar (Les chefs d’œuvre des maitres dans les 
					expéditions en mer) de Kâtip Çelebi (Katib Chalabi) que nous 
					avons intégralement traduit et qui se trouve à la fin de 
					notre œuvre en appendice.  
					 L’impact naval 
					 
					
					L’engagement de la flotte ottomane avec la flotte de la 
					Sainte Ligue au large de Lépante le 7 octobre 1571 donna à 
					la flotte impériale ottomane sa première défaite majeure en 
					mer en Méditerranée. Cet événement est inscrit dans 
					l’histoire méditerranéenne comme la dernière grande bataille 
					de galères, marquant la fin des avirons longs et lourds et 
					le début des voiliers légers et rapides. Mais peut-être plus 
					important encore, cette dernière grande bataille de galères 
					mit également un terme à la communication entre le monde 
					ottoman et l’occident dans le domaine de la technologie 
					maritime. Les galères ottomanes qui furent opposées à celles 
					de leurs rivaux européens à Lépante furent jugées 
					insuffisantes particulièrement en ce qui concerne la 
					puissance de feu, et en conséquence la marine ottomane 
					entreprit immédiatement une mesure de restructuration dans 
					un effort pour conserver le contrôle de ses possessions en 
					Méditerranée.  
					 
					
					L’arsenal impérial ottoman travailla à sa plus grande 
					capacité pour reconstruire la flotte impériale selon des 
					lignes quelque peu améliorées. En l’espace de 5 à 6 mois, 
					l’arsenal impérial ottoman acheva la construction de la 
					flotte, apportant tous les matériaux de construction et la 
					main-d’œuvre via une politique d’imposition sévère des 
					provinces. Tous ces navires étaient entièrement équipés 
					d’artillerie, de canons et d’autres instruments de guerre et 
					habités par des rameurs et des guerriers. Le fait que les 
					Ottomans aient reconstruit leur marine peu de temps après la 
					défaite peut être considéré comme un moyen d’affronter la 
					défaite et de surmonter ses effets à la fois. Cependant, les 
					grands sacrifices financiers consentis par la Porte pour 
					protéger l’empire en construisant une nouvelle flotte 
					marquèrent la fin de la puissance maritime ottomane. Andrew 
					Hess, prenant en considération les réalisations navales 
					ottomanes en Méditerranée après la défaite de Lépante, 
					affirme que la puissance maritime ottomane survécut à la 
					défaite.  
					 
					
					Le succès éventuel de la campagne de Tunis (1569-1574) peut 
					être considéré comme un témoignage de la reprise rapide de 
					la marine ottomane de la désastreuse défaite navale et de la 
					restauration du contrôle ottoman sur les eaux orientales de 
					la Méditerranée. Cependant, les charges financières 
					introduites par la défaite écrasante et l’avènement des 
					Anglais et des Néerlandais sur la Méditerranée rendirent 
					impossible un rétablissement complet de la puissance 
					maritime ottomane. En fait, après l’achèvement de la 
					conquête de Tunis et de La Goulette, les affaires navales 
					ottomanes entrèrent dans une période d’inactivité jusqu’à 
					environ le milieu du XVIIe siècle, lorsque les Ottomans 
					montèrent une autre expédition majeure contre la Crète, la 
					dernière possession vénitienne dans la Méditerranée 
					orientale. Contrairement aux campagnes précédentes, la 
					campagne de Crète dura près de vingt-cinq ans pour s’achever 
					en 1669 avec la prise de Candie. À cet égard, la défaite de 
					Lépante peut être considérée comme une référence dans 
					l’histoire navale ottomane en ce qu’elle a mis fin à la 
					période de campagnes navales rapides que la marine ottomane 
					exécutait depuis les dernières années du XVe siècle. 
					 
					
					La défaite de Lépante eut également un impact majeur sur la 
					politique ottomane dans l’océan Indien. Avant la défaite de 
					Lépante, les Ottomans avaient réussi à rétablir leur 
					domination sur le Yémen et Aden (1569-1570) et se 
					préparaient à lancer une attaque globale contre les 
					Portugais dans l’Océan Indien. Comme le note Inalcik, « si 
					les Ottomans n’avaient pas porté un coup terrible à leur 
					puissance navale à Lépante, ils auraient pu poursuivre leur 
					politique agressive dans l’Océan Indien, » ce qui implique 
					que les Ottomans, utilisant le Yémen comme base stratégique, 
					pourraient étendre leur autorité loin dans l’Océan Indien. 
					Cependant, la défaite de Lépante incita les Ottomans à 
					reconsidérer ces projets navals globaux et à les écarter 
					finalement en faveur de campagnes terrestres à grande 
					échelle. 
					
					Quant à l’impact immédiat de la défaite de Lépante sur la 
					situation politique en Méditerranée orientale, « il ne fait 
					que reconfirmer une impasse navale selon laquelle la 
					suprématie navale en Méditerranée orientale resta aux mains 
					des Musulmans tandis que la Méditerranée occidentale resta 
					majoritairement sous contrôle chrétien. » Comme le déclare 
					Ronald Jennings, « aucun des partis qui sont sortis 
					victorieux de Lépante n’occupa de territoire, n’obtint aucun 
					avantage stratégique ou ne put donner suite à ce succès 
					isolé. Les Ottomans dépouillèrent non seulement Venise de sa 
					possession la plus riche et la plus aisée, c’est-à-dire 
					Chypre, et de ses bases navales les plus importantes, mais 
					privèrent également les pirates latino-chrétiens de leur 
					base la plus importante. »  
					 Conclusions 
					 
					
					Le développement de la puissance maritime ottomane 
					reconfigura l’équilibre des pouvoirs du début du XVIe 
					siècle, qui aboutit à la subordination de la République 
					vénitienne. Une série de conquêtes navales, en commençant 
					par Lépante, Modon, Coron et Navarin à la fin du XVe siècle, 
					puis en poursuivant les conquêtes de Rhodes, Préveza et 
					Chypre tout au long du XVIe siècle, dépouilla les Vénitiens 
					de toutes les grandes zones commerciales qui étaient 
					essentielles pour leurs réseaux marchands dans le commerce 
					longue distance. Certes, les Vénitiens sortirent victorieux 
					de la confrontation de Lépante. Cependant, ils consommèrent 
					toute leur richesse pendant leurs guerres coûteuses avec les 
					Ottomans depuis 1570 ; ainsi ils acceptèrent un nouveau 
					traité avec les Ottomans en 1573, dans lequel ils 
					acceptèrent de céder toutes les forteresses qu’ils avaient 
					récemment conquit en Albanie et en Bosnie, de rendre tous 
					les prisonniers ottomans sans rançon, de limiter leur flotte 
					à 60 galères et payer 300000 ducats en réparations. Ainsi, 
					il ne serait pas faux de prétendre que la victoire de 
					Lépante ne porta aucun fruit et ne servit aucun but pour les 
					Vénitiens. La disparition progressive des Vénitiens du monde 
					commercial ottoman fut compensée dans un premier temps par 
					les marchands de Marseille et de Raguse. Cette évolution 
					encouragea l’Angleterre, jusqu’alors restée en dehors de la 
					périphérie du monde ottoman, à entrer directement en contact 
					commercial avec les Ottomans. Bien que les Anglais aient 
					célébré la défaite ottomane à Lépante avec des feux de joie 
					et « des banquets et de grandes réjouissances » car la 
					victoire des Vénitiens et des Espagnols était d’une « si 
					grande importance pour tout l’état du Commonwealth chrétien, 
					» l’intérêt de l’Angleterre pour les Ottomans continua à se 
					développer malgré le ressentiment personnel de certains rois 
					comme James I. James I, qui accéda au trône d’Angleterre en 
					1603, écrivit un poème sur Lépante en 1583. Il définit le 
					conflit comme un combat « Entre la race baptisée, / Et les 
					Turcs circoncis. » James I était connu pour son caractère 
					antimusulman et son anticatholicisme qui incita le 
					représentant anglais au Maroc à le pousser à entreprendre 
					une guerre contre ce pays. James I n’attaqua pas le Maroc 
					mais signa un traité de paix avec l’Espagne dans lequel 
					l’Espagne et l’Angleterre convinrent d’une résistance 
					commune des Turcs, l’ennemi commun de la Chrétienté. 
					 
					
					Du côté ottoman, un tel intérêt n’était pas sans soutien. 
					Puisque les Ottomans voyaient la coalition papale 
					vénitienne-espagnole comme une formidable menace pour leur 
					existence même, leur intérêt à approcher les pays de l’Ouest 
					et du Nord devint une politique vitale après le désastre de 
					Lépante. L’approche ottomane de l’Angleterre alla jusqu’à 
					permettre aux pirates anglais d’utiliser les ports ottomans 
					en Afrique du Nord, en Albanie et en Morée, et dans certains 
					cas coopérer avec eux. Un an seulement après la défaite, le 
					Sultan Ottoman Salim II envoya un messager au roi de France, 
					offrant l’assistance de la flotte ottomane contre l’Espagne 
					et suggérant une attaque concertée de la France et de 
					l’Angleterre et des princes des Pays-Bas. Un autre résultat 
					majeur de la défaite fut ressenti sur la politique ottomane 
					traditionnelle d’étendre les privilèges capitulaires aux 
					nations occidentales en vue d’acquérir un allié au sein de 
					la chrétienté. Venise avait été neutralisée par de tels 
					privilèges commerciaux au cours du seizième siècle et 
					empêchée ainsi de mettre sa puissante marine au service des 
					papes en croisade. 
					 
					
					En ce qui concerne la réaction précoce des dirigeants 
					politiques ottomans à la défaite de Lépante, ils n’étaient 
					pas préparés à une défaite aussi désastreuse, et donc 
					abasourdis par elle mais certainement pas submergés par ses 
					conséquences à court terme. Ils travaillèrent pour annuler 
					ses effets potentiels à long terme en mobilisant toutes 
					leurs ressources pour reconstruire la flotte dans une 
					période de cinq mois. Ici, la crainte de nouvelles attaques 
					de la flotte alliée victorieuse sur de nouvelles cibles 
					ottomanes, y compris la capitale, dû inciter les dirigeants 
					politiques à consacrer toutes leurs ressources et énergies à 
					reconstruire la flotte en si peu de temps. Du point de vue 
					naval, la reconstruction de la flotte ottomane sur une 
					période de cinq mois démontre la résilience de l’État 
					Ottoman face à un tel incident. Le lancement de nouvelles 
					expéditions à La Goulette et Tunis et les conquêtes réussies 
					de ces lieux témoignent de la récupération rapide de la 
					puissance maritime ottomane des effets d’un événement aussi 
					tragique. La préoccupation de la direction politique au 
					sujet de l’opinion publique en général devrait également 
					être reconnue pour expliquer la reprise rapide de la 
					défaite. De grandes festivités et processions furent 
					organisées pour fêter l’achèvement de la construction de la 
					nouvelle flotte en vue d’influencer l’opinion publique.  
					 
					
					Quant à l’effet de la défaite sur les activités militaires 
					ottomanes, la défaite incita les Ottomans à reconsidérer 
					leurs projets navals mais elle n’eut guère d’effet sur la 
					politique ottomane d’expansionnisme. Au contraire, 
					l’événement accrut le zèle ottoman alors que l’armée 
					ottomane intensifiait ses activités vers l’Europe centrale à 
					l’ouest et l’Iran à l’est. 
					 
					
					Quelle fut donc l’importance de la défaite de Lépante pour 
					les Ottomans ? La meilleure réponse à cette question est 
					offerte par Ronald Jennings, qui déclare que « probablement 
					le commandant ottoman à Lépante manquait de détermination et 
					de résolution, ce pour quoi il fut renvoyé, mais se 
					souvenant de la longue succession ininterrompue de 
					militaires et de victoires navales, qui avaient été obtenues 
					au siècle précédent, le succès à Chypre à ce moment-là, et 
					les succès qui se produiraient pour la prochaine décennie ou 
					plus, il est difficile de juger la défaite de Lépante comme 
					décisive de quelque manière que ce soit, même comme un 
					présage de malheur qui pourrait suivre plus tard. Il semble 
					évident que la conquête de Chypre était bien plus importante 
					que la bataille de Lépante. » 
					 
					
					Ceci est mieux attesté par une conversation entre le Grand 
					Vizir ottoman Sokullu Mehmed Basha et l’ambassadeur 
					vénitien Barbaro à Istanbul qui ne fut pas autorisé à 
					retourner à Venise pendant la campagne de Chypre et 
					l’incident suivant de Lépante. Lorsque l’ambassadeur 
					vénitien interrogea Sokullu sur les plans ottomans après la 
					défaite de Lépante, Sokullu aurait déclaré : « Comme vous 
					l’avez observé, notre courage ne s’est pas évanoui après la 
					bataille de Lépante ; il y a un écart entre vos pertes et 
					les nôtres. » Nous vous avons cédé une terre (en référence à 
					Chypre) où vous pouvez construire un royaume et coupé ainsi 
					un de vos bras. (Alors que) vous avez vaincu notre flotte, 
					ce qui ne signifiait rien de plus que de nous raser la 
					barbe. Un bras manquant ne peut pas être remplacé mais une 
					barbe rasée s’épaissit. » 
					 
					
					Le seul impact majeur de la défaite de Lépante fut sur les 
					populations fiscales de l’Empire. La longue période de 
					guerre navale qui aboutit à la campagne de Lépante imposa 
					des charges financières constantes à la paysannerie, en 
					particulier à celles vivant dans les provinces maritimes, ce 
					qui contribua énormément à leur mécontentement à l’égard des 
					autorités centrales et provinciales. Le fait qu’après la 
					défaite, les Ottomans se soient sentis obligés de maintenir 
					une flotte puissante en Méditerranée comme contrepoids à la 
					flotte alliée ne faisait qu’ajouter à la pression 
					financière. Ainsi, la défaite de Lépante n’a pas été la 
					cause principale mais l’un des facteurs qui ont accéléré le 
					mécontentement, qui s’est transformé en l’un des mouvements 
					sociaux les plus importants de l’histoire ottomane. 
					 
					
					Enfin, en ce qui concerne l’impact de la défaite sur la 
					perception ottomane de l’Europe, en particulier leur 
					sentiment de supériorité, la défaite n’a pas eu d’effet 
					majeur. Si nous avons besoin d’identifier un événement qui 
					marqua la fin du complexe de supériorité de la part des 
					Ottomans vers l’Europe, ce fut plus l’échec du deuxième 
					siège de Vienne contre une armée combinée 
					Habsbourg-polonaise en 1683 que la bataille de Lépante. La 
					défaite aux portes de Vienne ouvrit la voie à une série de 
					Traités de paix humiliants qui se succédèrent. Le Traité de 
					Karlowitz en 1699 marqua le début de la longue et lente 
					retraite des Ottomans de leurs conquêtes européennes. À la 
					fin du XVIIIe siècle, l’Europe, en particulier l’Europe 
					occidentale, avec sa révolution militaire et sa technologie 
					navale supérieure, n’était plus vulnérable à la puissance 
					ottomane autrefois considérée comme invincible. Par 
					conséquent, à mesure que l’Empire Ottoman devenait 
					politiquement et économiquement dépendant de l’Europe, il 
					commença à s’adapter au défi de la supériorité occidentale. 
					De même les Sultans de l’époque étaient loin de ressembler 
					aux Sultans conquéreurs de la première heure.  
					 
					
					Notre dernier mot est que lorsqu’il s’agit de victoires 
					contre l’Islam et les Musulmans, même lorsqu’elles sont de 
					peu d’importance voir insignifiantes, elles engendrent 
					instantanément un tsunami d’éloges et de pamoisons largement 
					exagérées qui semble ne jamais cesser même après des 
					millénaires cependant, quand il s’agit de défaites c’est 
					tout le contraire. Les victoires de l’Islam et des Musulmans 
					sont vites étouffées sous le folklore des ghouls et des 
					succubes, des mouches tsé tsé et des apostats chrétiens et 
					autres mercenaires fantoches. Fiers dans la victoire et 
					mauvaises foi dans la défaite !  
					
					 
					
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