Règne : 974 – 982 (1566-1574)
Titres honorifiques et pseudonymes
: Sari, Mest et Salimi.
Nom du Père
: Sultan Suleyman le Magnifique.
Nom de la Mère
: Hourrem Sultan.
Lieu et date de naissance
: Istanbul, le 26 (Rajab 930 (30 mai 1524).
Âge à l’accession au trône
: 42 ans.
Territoires :
15 162000 km2.
Cause et date de décès
: Hémorragie cérébrale, le 1 Ramadhan 982 (15 décembre
1574).
Lieu de décès et de sépulture
: Istanbul. Sa tombe est située près d’Ayasofya.
Héritiers
: Mourad III, Muhammad, ‘AbdAllah, Jihangir, Mustafa,
‘Uthman et Souleyman.
Héritières
: Sultan Fatima, Sultan Sah, Sultan Gevherhan et Sultan
Esmahan.
Ironiquement, Salim II fut le premier Sultan à naître et à
mourir dans la capitale ottomane d’Istanbul. Après de
longues années d’éducation dans le Palais de Topkapi, il fut
gouverneur de Konya (deux fois), de Manisa et enfin de
Kutahya. Pendant ses années de Sehzade, il empêcha son frère
Sehzade Bayazid de tenter d’obtenir le trône. Lorsque le
Grand Vizir Sokullu l’informa secrètement de la mort de son
père à Szigetvar, en Hongrie, il vint de Kutahya à Istanbul.
Il proclama qu’il était le nouveau Sultan et fit tout le
chemin jusqu’à Belgrade pour réclamer le cadavre de son
père. Pendant ce temps, les janissaires créèrent un malaise
sérieux sur la question de recevoir les gratifications de
l’adhésion du Sultan, appelé culus. Le nouveau Sultan obtint
la paix en acceptant les demandes des janissaires, une
politique inhabituelle que ni le Sultan Salim Ier, son
homonyme principal, ni le Sultan Suleyman le Magnifique ne
poursuivirent. En fait, cela fut considéré comme un signe
qu’il ne commanderait pas magistralement l’armée comme
l’avaient fait son père et son grand-père.
Les compétences du Grand Vizir Muhammad Bacha
Sokullu, qui avait reçu sa formation et acquis de
l’expérience pendant le règne de son père, réglaient les
affaires de l’état avec efficacité et discipline. Le Sultan
Salim II le laissa donc en charge des affaires
administratives.
Le premier événement marquant du règne de Salim II survint
lorsque l’Imam Moutahhar se rebella au Yémen. Sinan Bacha et
‘Uthman Ozdeiniroglu Bacha, gouverneur général d’Abyssinie
(aujourd’hui en Éthiopie), furent envoyés au Yémen.
Ensemble, ils réprimèrent la rébellion, affirmant que
l’autorité ottomane prévaudrait au Yémen.
La capture en 964 (1557) de la région d’Astrakhan par Ivan
IV Basilyevich de Russie bloqua la route de pèlerinage des
Musulmans de cette région, les empêchant d’atteindre la
Mecque en passant par la Crimée. Lors de leur appel au
calife de tous les Musulmans, le Sultan Ottoman Salim II
ordonna une campagne pour faciliter leur pèlerinage ;
cependant, la campagne ne donna aucun résultat en l’absence
du soutien du Khan de Crimée.
Le Sultanat d’Aceh, l’état musulman dans l’île de Sumatra
situé dans l’ouest de l’Indonésie, avait d’abord appelé le
Sultan Suleyman le Magnifique à l’aide pour mettre fin à
l’oppression portugaise, et le Sultan répondit à l’appel en
envoyant une garnison ottomane dans la région. Sous le règne
du Sultan Salim II, Aceh sollicita de nouveau l’aide des
Ottomans. En 976 (1569), Salim II envoya une flotte navale
de vingt-deux navires commandés par Hizir Kurdoglu Reis, le
capitaine de Suez.
Un certain nombre de soldats turcs envoyés dans la région ne
revinrent pas mais restèrent à Sumatra, et leurs descendants
se sont identifiés à leurs origines turques jusqu’à ce jour.
Le drapeau d’Aceh ressemble assez aux drapeaux ottoman et
turc ; de plus, les peuples d’Aceh sont toujours attachés à
la Turquie avec amour.
Les Vénitiens sur l’île de Chypre avaient depuis longtemps
menacé la sécurité des rives de l’Anatolie et de l’Egypte et
poursuivis leurs actes de piraterie sur des navires
marchands musulmans et les bateaux de pèlerins. En fait,
l’île se transforma finalement en un nid de pirates. Par
conséquent, les émissaires ottomans approchèrent Venise pour
y lire le message suivant : « Soit vous cessez la piraterie
de Chypre ou soit les Ottomans vont s’en emparer. » La
deuxième correspondance suivit lorsque les Vénitiens
rejetèrent l’avertissement ottoman ordonnant aux Vénitiens
de se rendre. Dans le conseil consultatif du Sultan sur la
question, le Grand Vizir Muhammad Sokullu Bacha
s’opposa à l’idée de la conquête de Chypre, car il pensait
que cela inviterait une nouvelle série de croisades ;
cependant, le Sultan et la majorité des autres membres du
conseil confirmèrent la campagne. La flotte ottomane
commandée par le Vizir Lala Mustafa Bacha assiégea l’île et
s’empara finalement de Chypre en 978 (1571) après un siège
d’une année. Le Sultan peupla l’île avec un afflux de
Turcomans de Karaman.
Lors de la conquête de Chypre, la flotte ottomane décida de
revenir lorsque Magusa (Famagouste), à l’est de Chypre,
fut assiégée. La marine déplaça son secteur d’activité sur
les côtes de l’Adriatique lorsqu’il semblait probable qu’une
flotte croisée atteindrait Chypre. Après avoir passé l’hiver
à Istanbul, la flotte reprit le large au début du printemps
pour se rendre en Méditerranée ; cependant, singulièrement
aucune flotte croisée n’apparut. Lorsque la flotte ottomane
jeta l’ancre dans le port de Lépante (Inebahti), les
Vénitiens et les Espagnols, qui avaient uni leurs forces
sous la direction du Pape, préférèrent embusquer plutôt que
combattre les Ottomans et incendièrent la flotte ottomane à
Lépante au mois de Rabi’ ath-Thani 979 (septembre 1571).
Seul ‘Ali ‘Oulouj Bacha, le gouverneur général d’Alger, pu
passer vingt navires à travers l’embuscade ennemie et
atteindre Istanbul en toute sécurité.
La nouvelle de la catastrophe navale déçu sérieusement le
Sultan Salim II ; il promut ‘Ali ‘Oulouj Bacha, qui traversa
Lépante, au rang d’amiral général (kaptan) et lui décerna le
titre de Kilij (Sabre). Les chroniques racontent que le
Grand Vizir Muhammad Sokullu Bacha, voyant l’anxiété
du nouvel amiral général lors de la reconstruction de la
flotte ottomane, suggéra ce qui suit : « Cher Bacha, la
puissance et la force de cet empire [ottoman] sont telles
qu’il mérite une flotte des navires dont les ancres sont en
argent, les aussières en fils de soie et les voiles en
satin. Viens me voir chaque fois que tu manqueras de
matériel pour tes navires. »
Après quatre mois de travail ardu et continu, une nouvelle
flotte ottomane comprenant plus de deux cent navires de
guerre fut construite. La taille de huit navires
nouvellement construits était plus énorme que quiconque ai
pu voir auparavant et provoqua une énorme vague de panique
en Europe.
Le Grand Vizir Muhammad Sokullu Bacha répondit à
l’envoyé vénitien, qui en est venu à comprendre l’impact de
la défaite de Lépante sur les Ottomans, de la manière
métaphorique suivante : « Alors que nous vous avons coupé
les bras en conquérant Chypre, vous nous avez rasé la barbe
en brûlant notre flotte. Il n’y a aucun moyen de récupérer
les bras coupés cependant, la barbe que vous avez rasée
deviendra plus épaisse à coup sûr. » Cette déclaration de
Sokullu soulignait le pouvoir incontestable de l’Empire
Ottoman au XVIe siècle. Et en effet, l’amiral général Kilij
‘Ali Bacha soutiendra son discours en conquérant Tunis sur
les Espagnol en 982 (1574) en l’espace de trois ans.
Le Sultan Salim II prévoyait d’ouvrir une voie navigable
traversant l’Isthme de Suez et reliant la mer Méditerranée à
la Mer Rouge. Bien que son grand-père, le Sultan Salim Ier
avant lui, ait également souhaité entreprendre ce plan, ni
son grand-père ni lui n’ont pu réussir à le réaliser.
L’objectif principal des Ottomans en reliant la Méditerranée
à Suez par un canal d’eau était de protéger la voie du
commerce et du pèlerinage ainsi que des Terres sacrées de
l’Islam et d’autres territoires musulmans des attaques du
Portugal. L’ouverture du canal relancerait également la
route des épices se terminant en Méditerranée. De plus, le
canal constituerait un raccourci important pour la route
maritime indienne que les Européens empruntaient par le Cap
de Bonne Esperance. Enfin, les activités commerciales avec
l’Asie se dérouleraient à travers les terres ottomanes et
renforceraient ainsi l’Empire Ottoman en termes économiques.
Bien que le gouverneur de l’Égypte ait été chargé de mener
des recherches sur le projet, aucun résultat concret
n’émergea. Finalement, le canal serait construit par les
Britanniques, seulement en 1286 (1869).
Pendant le règne du Sultan Salim II, l’ouverture d’une autre
voie navigable fut discutée. Un canal projeté s’ouvrirait
entre les rivières Volga et Don et relierait la Mer Noire à
la Mer Caspienne. S’il avait été réalisé, ce projet aurait
facilité l’engagement militaire ottoman contre la Perse,
aidé les Ottomans à établir leur autorité dans le Caucase et
bloqué l’expansion de la Russie dans les États Islamiques
turcs d’Asie centrale. Cela aurait pu en outre conduire à
l’établissement de relations directes avec les Turcs en Asie
centrale. Bien que le tiers de la voie d’eau ait été
couvert, le projet resta inachevé, en partie parce que le
Khan de Crimée n’y contribua pas suffisamment et en partie
parce que les Russes obstruèrent le projet en cours en 976
(1569). Le canal entre les fleuves Volga et Don fut
seulement achevé et ouvert par les Russes, quatre siècles
plus tard.
Le Sultan Salim II décéda d’une hémorragie cérébrale
soudaine quand il tomba et que sa tête frappa le sol en
marbre dans Hamami Hunkar, le Bain des Sultans, situé dans
le Palais de Topkapi à l’époque. Salim II fut le premier
Sultan à décéder dans le Palais de Topkapi à Istanbul. La
période de son court règne dura sept ans comme son
grand-père. Mais contrairement à son homonyme, il n’investit
pas sa période de règne dans une série de campagnes
consécutives ; au lieu de cela, il dirigea l’Empire depuis
son Palais. À son avantage, Sokullu se révéla être un
excellent Grand Vizir ; de plus, l’efficacité et les
compétences organisationnelles de Sokullu permirent d’éviter
d’importantes lacunes administratives.
Le Sultan Salim II écrivit de la poésie sous le pseudonyme
de Salimi. C’était aussi un très bon archer. Il fut le
premier Sultan blond aux yeux bleus et était souvent appelé
Sari (Blond) Salim. Au cours de son règne, Salim II parraina
et sponsorisa des érudits et accorda la priorité aux travaux
de construction. Par exemple, il chargea le grand architecte
Sinan de rénover et d’agrandir divers secteurs du Palais de
Topkapi, en particulier les cuisines situées du côté droit
de la deuxième cour après leur destruction par un incendie
en 982 (1574). Les cuisines du Palais de Topkapi, plus
grandes ceux de leurs homologues européens, sont maintenant
utilisés pour afficher l’une des collections de porcelaine
les plus riches du monde.
L’architecture ottomane, forme prépondérante de l’art
ottoman, atteignit son apogée avec la Mosquée Sultan Salim
II construite à Edirne en son nom. La mosquée Salimiye est
non seulement le chef-d’œuvre du plus grand architecte
ottoman Sinan, mais également celle de l’architecture
mondiale. Le Sultan aimait Edirne plus qu’Istanbul et pour
cette raison, il eut la magnifique Mosquée Salimiye
construite dans sa ville bien-aimée d’Edirne à la place de
la glorieuse capitale d’Istanbul. Son règne fut moins
impressionnant que ceux de son père et de son grand-père ;
néanmoins, la consolidation du système administratif et
l’émergence d’hommes d’état compétents tels que Sokullu
durant son règne maintinrent la dynamique de l’expansion
ottomane.
En outre, le Sultan Salim II dirigea une série de travaux de
construction destinés à la sécurité de la ville bénie de La
Mecque et au bien-être des pèlerins.
La bataille navale de Lépante
Le triomphe de la flotte chrétienne alliée sur les galères
ottomanes de Lépante eut de grandes répercussions sur la
société et la culture européennes, bien couvertes par un
vaste corpus de documents littéraires et historiques depuis
la survenue de cet événement. Dans leurs efforts
intellectuels et artistiques, les historiens, les poètes,
les peintres, les philosophes et les théologiens célébrèrent
la victoire de l’alliance chrétienne contre l’ennemi
héréditaire, le Turc ottoman, qui défendait l’Islam et
défiait le Christianisme.
Les chroniqueurs ottomans qui consacrèrent quelques pages à
cet événement dans leurs récits limitèrent leur couverture
aux aspects matériels de la confrontation navale et
adoptèrent généralement une attitude indifférente à l’égard
des conséquences plus larges de cet événement. Et dans
l’ensemble, l’événement ne reçut pas le genre de
reconnaissance et de publicité qu’il trouva en Europe et
pour cause.
Dans son ouvrage fondateur, Braudel considérait la victoire
de la flotte chrétienne alliée à Lépante comme marquant « la
fin d’une période de profonde dépression, la fin d’un
véritable complexe d’infériorité de la chrétienté et une non
moins réelle suprématie turque. » La défaite de Lépante fut
la première défaite majeure de la marine ottomane face à ses
rivaux européens contemporains et la deuxième plus grande
défaite militaire de l’armée ottomane depuis la destruction
des forces terrestres ottomanes aux mains des Tatars de
Timour.
La bataille de Lépante ne mit pas fin à la domination
ottomane dans la région, cet objectif fut atteint par le
premier assaut sérieux des Vénitiens au cours du siècle
suivant. Lépante fut repris par les Vénitiens en 1687 pour
être rendu en 1699 aux Ottomans, qui perdirent
définitivement la place pendant le mouvement d’indépendance
grecque dans les années 1820. Des grecs qui n’ont cessé
d’investir leurs ressources et leur énergie dans le but de
déraciner la domination ottomane de la région.
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