Le jeudi 24 Dzoul Qi’dah, le Sultan reprit sa place sur
l’estrade, et tous les émirs et troupes se rassemblèrent.
Sayyid Muhammad Ibn al-Sultan al-Ghawri était
également présent, et le Sultan dit : « Voici le fils de
votre maître, demandez-lui si son père a laissé de l’argent
dans le Trésor; il vous le dira, et si vous voulez faire de
lui un Sultan, je serai le premier à baiser le sol devant
lui. A cela, les Mamalik importés répondirent : « Nous
marcherons sans solde pour venger notre Maître. » Mais les
Mamalik Qaranisah dirent : « Nous ne marcherons que si nous
recevons cent trente dinars, comme ceux qui participèrent à
la première expédition. » Puis la réunion se dispersa,
beaucoup marmonnaient encore, et il y eut beaucoup de
discussions irresponsables ce jour-là. Certains rapportèrent
que les émirs dirent au Sultan : « Fait comme al-Ashraf Qayt
Bey et al-Ghawri ; prends de l’argent sur les terres et les
fondations pieuses, les dotations et les détenteurs de fief,
et paye l’armée de cette manière, afin de garder l’ennemi
hors d’Égypte. Mais le Sultan n’approuva pas. « Je
n’introduirai jamais d’injustice pendant mon gouvernement »
dit-il. Cela fut reconnu avec gratitude par les gens, qui le
bénirent pour cela. Il aurait été dans ses droits, et ils
l’auraient excusé s’il l’avait fait, car le but était
d’empêcher leurs ennemis d’entrer, et il aurait pu
reconstituer son Trésor de cette manière. Mais Allah Exalté
le disposa à faire le bien, et il récoltera sa récompense
pour cela dans l’au-delà.
Vendredi 25, l’émir Khayr Bey, l’architecte, l’un des
principaux émirs, avec l’émir Azbak, l’artilleur, partit
pour l’expédition avec le cortège militaire habituel.
Le samedi 26, les troupes montèrent pour une parade
d’inspection, mais aucun des chefs émirs ne défila tandis
que le Sultan se cacha à Dahishah ; ainsi les troupes
retournèrent dans leurs maisons après une course
infructueuse.
Le même jour, le Sultan publia une proclamation interdisant
tout excès du peuple, et qu’aucun Juif ou Chrétien ne devait
vendre du vin, de la bière ou du haschich, sous peine d’être
pendu sur-le-champ. Mais personne ne prêta attention à cet
ordre et les choses continuèrent comme avant.
Le samedi 3 Mouharram, les troupes se rendirent à la
citadelle pour recevoir leur solde, conformément aux ordres
du Sultan.
Le même jour, arriva la mauvaise nouvelle que l’armée qui
s’est rendue à Gaza avait été défaite le dimanche 24 de
Dzoul Qi’dah.
En bref, le récit fut le suivant : Jan Birdi al-Ghazali
partit pour l’expédition quelques jours avant les troupes,
ces dernières et les émirs se succédèrent par groupes de
manière très espacée. Voyant leur retard à les rejoindre,
al-Ghazali rassembla un groupe de bédouins et, accompagné
par l’émir Arzamaq an-Nashif, l’un des principaux émirs, qui
avait été nommé gouverneur de Hamah, et Dolat Bey, le
gouverneur de Gaza, à l’origine l’un des Mamalik de Ghawri,
avec un corps de Mamalik du Sultan, avancèrent vers Gaza. En
marchant le long de la route du Sultan, ils rencontrèrent la
force d’Ibn ‘Othman et une bataille féroce s’ensuivit à
ash-Shari’at près de Bayssan. Les troupes ottomanes étaient
commandées par Sinan Basha, qui avait sous ses ordres des
émirs et un grand nombre de troupes turques. La force avec
Jan Birdi n’était que petite. Un combat des plus terribles
s’ensuivit entre eux, assez pour rendre les cheveux
grisonnants. Cela aboutit à la défaite de Jan Birdi et de
ses émirs et troupes. De nombreux émirs tombèrent.
L’émir Jan Birdi al-Ghazali et l’émir Arzamaq an-Nashif
furent rapportés blessés, un grand nombre de Mamalik royaux
et de serviteurs furent tués et décapités. Cette nouvelle
serait venue de l’émir Taqt Bey, le Grand Chambellan. C’est
juste après son départ pour l’expédition et l’attente à
Salahiyah, que des Mamalik royaux vinrent rapporter ce qui
s’était passé.
Alors un messager fut envoyé pour informer le Sultan du
terrible conflit. On rapporta que les hommes d’Ibn ‘Othman
prirent possession des bagages d’al-Ghazali et d’Arzamaq
an-Nashif, après la bataille, et qu’ils n’avaient plus ni
bagages ni armes, ni chevaux ni chameaux. Cette seconde
victoire redonna de la vigueur aux troupes ottomanes. Des
Égyptiens, seul échappa celui dont la vie était destinée à
se prolonger. On rapporta aussi que les Mamalik d’al-Ghawri
étaient ceux qui avaient vu l’armée des Turcs, et avaient
été les premiers à fuir, ce qui provoqua cette seconde
défaite.
Au vu des nombreux rapports différents, l’émir Sounboul, le
chef des Mamalik, fut envoyé à Salahiyah pour obtenir des
renseignements.
Le dimanche 4, le Sultan se rendit au Maydan et fut rejoint
par les émirs et les troupes quand soudain, une grande
clameur éclata à Roumaylah, et on apprit que l’armée d’Ibn
‘Othman était arrivée à Ridaniyah. Puis le Sultan dit : «
Combien de fois vous a-t-on ordonné de partir en expédition,
et que vous n’avez pas voulu y aller ; sortez maintenant et
allez à l’encontre d’Ibn ‘Othman ! »Alors les troupes
s’armèrent et partirent. Il y eut une horrible clameur au
Caire, et les gens cachèrent leurs affaires dans des
endroits secrets. Au milieu de toute cette confusion, les
troupes se rendirent à Ridaniyah, mais constatant que les
Turcs n’étaient pas là, ils retournèrent chez eux, après que
le Caire fut bouleversé et que les gens décidèrent de se
cacher dans les cimetières. Il apparut alors qu’un groupe de
bédouins était descendu des collines à Ridaniyah, et un
homme qui les vit de loin rapporta qu’ils étaient Turcs, et
ce faux rapport fut publié au Caire.
Aujourd’hui, le Sultan libéra l’émir Qansouh
al-Ashrafi, ancien gouverneur d’Alep, qui avait rendu la
citadelle sans résistance.
Le lundi 5, le reste des émirs et des troupes qui avaient
été vaincus à Gaza par Ibn ‘Othman retourna au Caire. Parmi
eux se trouvaient Jan Birdi al-Ghazali et Arzamaq an-Nashif,
ainsi que certains émirs subordonnés. Ils arrivèrent dans
l’état le plus pitoyable, le pillage et le massacre avaient
été pires qu’avant. Certains des Mamalik impériaux revinrent
à dos d’âne, d’autres à dos de chameau, tous ayant été
privés de leurs uniformes, de leurs chevaux et armes.
En fait, aucun ne survécut, excepté quelques-uns pour qui le
destin avait ainsi décrété. Ils rapportèrent que certains
des soldats d’Ibn ‘Othman étaient armés de crochets sur
leurs lances, avec lesquels ils tiraient le cavalier de son
cheval et le jetaient à terre. Jan Birdi rapporta qu’il
avait été ainsi jeté à terre, et sans ses serviteurs qui
l’avaient défendu, les Turcs lui auraient coupé la tête,
comme ils le firent à l’émir Khouda Birdi, qui fut tué.
Ils déclarèrent également que les troupes d’Ibn ‘Othman
étaient en nombre comme des essaims de criquets ; que
certains d’entre eux étaient armés de mousquets tirant une
balle de plomb et portés dans des charrettes en bois, tirées
par des bœufs et des buffles, se déplaçant à la tête de
l’avant-garde; et bien d’autres choses de cette nature.
À l’arrivée de Jan Birdi al-Ghazali et de l’émir Arzamaq
an-Nashif à la citadelle, le Sultan les revêtit de robes
sans manches, doublées d’hermine, et ils retournèrent chez
eux. Le général se réjouit de leur sécurité car ils étaient
des Chevaliers de l’Islam et des groupes jouaient en leur
honneur à l’extérieur de leurs maisons.
Au retour d’al-Ghazali avec les émirs et les troupes, la
liste correcte des pertes fut établie, et dans chaque
quartier il y eut le deuil, comme si c’était le jour du
jugement.
Le Sultan donna des ordres pour que la première question de
solde soit le mardi 6. Tôt le matin de ce jour, les troupes
montèrent à la citadelle et le Sultan commença à les payer,
donnant à chaque Mamelouk vingt-cinq dinars, y compris
l’argent habituel pour la fête du sacrifice. Il leur offrit
d’abord trente dinars chacun, ce qu’ils avaient refusé mais
quand ils virent à quel point les choses étaient sérieuses,
et qu’Ibn ‘Othman avançait et avait même atteint Qatiyah,
ils acceptèrent d’accepter vingt-cinq dinars. Ils
descendirent de la citadelle et se mirent à s’armer pour le
départ.
Le même jour, le Sultan reçut la mauvaise nouvelle que Sinan
Basha, l’un des émirs d’Ibn ‘Othman, qui avait pris
possession de la ville de Gaza, avait passé les gens par
l’épée, tuant environ mille hommes, femmes et enfants.
Cet acte fut perpétré pour la raison suivante : Au cours de
l’engagement entre al-Ghazali et Sinan Basha, un rapport se
répandit à Gaza selon lequel al-Ghazali avait remporté une
victoire sur les troupes d’Ibn ‘Othman, et avait tué Sinan
Basha, sur quoi ‘Ali Bey, l’adjoint Dawadar de Gaza, et ses
troupes pillèrent le camp turc, brûlèrent leurs tentes et
tuèrent les Turcs qui étaient dans le camp et dans la ville,
environ 400 personnes âgées, enfants et malades. Dès que la
bataille fut engagée contre les troupes égyptiennes et leurs
émirs, Sinan Basha retourna à Gaza, il découvrit les
destructions. Il rassembla ensuite tous les habitants de
Gaza et leur demanda qui avait commis de tels outrages ; ils
répondirent : « ‘Ali Bey, le Dawadar du député de Gaza, et
ses soldats ; nous n’avons rien fait de tout cela. Sinan
Basha ordonna alors qu’une perquisition surprise soit
effectuée dans les maisons de Gaza ou des uniformes et des
chevaux appartenant aux Turcs furent trouvés. Puis Sinan
Basha dit : « Quand nous sommes entrés à Gaza, avons-nous
dérangé l’un d’entre vous ou vous avons-nous pillé quelque
chose ? Ils répondirent : « Non » Il dit : « Pourquoi
avez-vous fait cela à nos troupes ? » à laquelle il n’eut ni
réponse ni excuse à faire.
Puis il ordonna à ses soldats de les passer par l’épée et
ils en massacrèrent une multitude ; le bon et le mauvais
périrent ensemble. Tel était le décret divin, et il est dit
à juste titre : « Si le destin te met en détresse à cause
des péchés de ta vie passée, demande à Allah de l’enlever,
car Lui seul peut le faire. »
Le mercredi 7, un certain nombre de membres des tribus
nomades de Ghazalah, Mouharib et Houwarah
arrivèrent aux portes royales.
Le Sultan avait obligé les Sheikhs bédouins à amener un
certain nombre de leurs plus courageux cavaliers arabes pour
accompagner ses troupes dans l’expédition. Les bédouins se
rassemblèrent en grand nombre à Gizeh, et allèrent de là à
Roumaylah pour défiler devant le Sultan dans le Maydan. Le
prestige des Mamalik avait été endommagé aux yeux des
bédouins et des paysans à cause des défaites subies par les
Turcs. Ibn ‘Othman était en possession de la Syrie, le
peuple était sûr que la dynastie circassienne chancelait et
que c’était Ibn ‘Othman qui était le maître du pays.
Certaines personnes, en réponse à une demande de leur
Sultan, déclarèrent : « Nous ne pouvons pas te porter
allégeance tant que nous ne savons pas si le pays
t’appartient ou appartient à Ibn ‘Othman. En fait, la
confusion règne sur terre et sur mer ; Le ciel sait
seulement ce qui va se passer. »
Ce jour-là, il fut rapporté que le Sultan donna des ordres
pour que le messager, précédemment mentionné, qui venait
d’Ibn ‘Othman, se noie et il fut rapporté qu’il fut en fait
noyé de nuit, et les Turcs qui étaient avec lui.
À ce moment-là, le Sultan commença à distribuer les
subventions aux troupes pour la fête du sacrifice, mais ne
donna rien à aucun des Mamalik vaincus avec Ghazali, en
disant : « Vous vous êtes enfui et vous n’avez pas combattu
du tout ; vous avez trahis les émirs, de sorte qu’ils furent
vaincus. » A cette époque aussi, une rumeur courut parmi la
population selon laquelle l’avant-garde de l’armée d’Ibn
‘Othman avait atteint Qatiyah et avait pris la citadelle de
Tinah, qui avait été détruite par ses habitants. Ce rapport,
cependant, manqua de confirmation.
Le samedi 17, fut la fête du sacrifice, le Sultan prit donc
part aux prières de la fête, les émirs y assistèrent, comme
d’habitude, en grande tenue. Il y a eu une grande procession
de fête, mais les gens étaient effrayés et tremblaient à
cause d’Ibn ‘Othman en particulier sur ce qu’ils avaient
entendu parler de pillage et de meurtre de la population de
Gaza, de la captivité des femmes et du massacre des enfants.
Lundi 12, le Sultan fit défiler la colonne de munitions
royale, qui devait accompagner la troupe. Les véhicules en
bois qu’il avait fabriqués pour l’expédition le dépassèrent
alors qu’il était assis dans le Maydan. Il y en avait une
centaine en tout, chacun était tiré par une paire de bœufs.
Ils transportaient des fusils en laiton qui tiraient des
boules de plomb.
Le Sultan descendit de son siège, monta et tenant un bâton à
la main, s’occupa de la bonne disposition des véhicules au
fur et à mesure qu’ils passaient. Puis des chariots
suivirent et deux cents chameaux portant environ 1500 grands
boucliers, de la poudre, du plomb, du fer, des lances en
bois, etc. Devant les chariots se trouvaient quatre tambours
et des fifres ; devant tous défilèrent quelque deux cents
tireurs d’élite, composés de Turcomans et de Maghribi
portant des étendards blancs de Ba’lbec, en disant : «
Qu’Allah donne la victoire au Sultan. » Ils étaient
également accompagnés d’un corps d’esclaves et autres,
portant du naphte à jeter devant les wagons. A la tête de la
colonne montait l’émir Moghoul Bey, l’armurier en chef, et
Youssouf, le deuxième armurier, un certain nombre de membres
de la base de l’armurerie, et ‘Abd al-Bassit, le
surintendant. Ash-Shihabi Ahmad Ibn Toulouni les
accompagna, ainsi qu’un grand nombre de charpentiers et de
forgerons, qui avaient été détachés pour l’expédition.
Le dimanche 18, le Sultan reçut la mauvaise nouvelle qu’Ibn
‘Othman lui-même avait quitté la Syrie avec son armée et
marchait sur l’Egypte. Il avait divisé ses forces en deux et
envoyé une armée le long de la route royale et une autre à
travers le désert.
A la réception de cette nouvelle, le Sultan rassembla les
émirs et un conseil de guerre eut lieu. Il fut rapporté
qu’il se rendrait lui-même à Ridaniyah et y resterait, et
que les troupes seraient formées en deux forces, l’une irait
dans la direction d’Ajroud et l’autre vers l’endroit d’où le
messager était venu. Les émirs avaient décidé que
l’expédition serait envoyée au début de la nouvelle année
mais, quand cette mauvaise nouvelle leur parvint, la
confusion régna parmi eux et le Sultan leur ordonna
d’envoyer rapidement des tentes à Ridaniyah, et d’être aux
aguets, car Ibn ‘Othman était arrivé à Gaza.
On dit qu’il allait visiter Jérusalem avant de marcher
ensuite avec ses troupes en Égypte. Certains rapportèrent
des choses et d’autres, d’autres, si bien que les gens ne
surent pas où aller jusqu’à ce que ce problème soit terminé.
Le Sultan ordonna à l’inspecteur des troupes d’aller voir
tous les émirs pour les exhorter à envoyer leurs tentes à
Ridaniyah ce jour-là.
Le Sultan publia également une proclamation à tous les
Maghribi d’Egypte et du Caire pour qu’ils défilent pour
inspection le lendemain.
Le lundi 19, le Sultan prit place dans l’estrade de la cour,
et un grand nombre de maghrébins montèrent mais, à leur
arrivée à la citadelle, le Sultan ne sortit pas à leur
rencontre; il leur envoya l’émir Shad Bey al-A’war qui leur
dit : « Le Sultan vous ordonne de sélectionner un millier de
vos hommes les plus courageux pour participer à
l’expédition. Là-dessus, ils envoyèrent un messager au
Sultan disant : « Ce n’est pas notre coutume d’aller avec
l’armée ; nous nous battons uniquement contre les croisés et
non contre les Musulmans », et ils montrèrent qu’ils étaient
du côté d’Ibn’ Othman.
Le Sultan fut agacé par leur réponse et leur fit dire que
s’ils ne sortaient pas combattre, les Mamalik importés
tueraient tous les Maghribi d’Egypte jusqu’au dernier homme.
À ce moment, il fut rapporté qu’Ibn ‘Othman avait envoyé une
lettre au Sheikh des bédouins, Ahmad Ibn Bakar, lui
offrant le pardon, disant : « Porte nous allégeance et
reçoit notre pardon, et rencontre-nous à Salahiyah avec
mille ardebbs d’orge. On rapporta que ‘Abd ad-Da’im Ahmad
Ibn Bakar, qui était un rebelle, se rendit à Ibn ‘Othman à
Gaza, et d’innombrables histoires circulaient sur Ibn
‘Othman.
Le mardi 20, les troupes armées défilèrent pour l’inspection
du Sultan. Ce jour-là, le chef des émirs se rendit à
Ridaniyah, c’est-à-dire les émirs détachés pour
l’expédition. Ils sortirent en détachements entièrement
armés. On rapporta que Taqt Bey, le chambellan en chef, fut
excusé pour mauvaise santé, mais qu’il partit probablement.
Le reste des émirs en chef, des milliers, tous les émirs de
la Tablkhanah et des dizaines d’autres et les troupes
égyptiennes partirent excepté un petit nombre d’émirs et de
soldats restèrent derrière.
Il y eut plus de troupes employées dans cette expédition que
sous al-Ghawri, et ce Sultan fit preuve d’une grande énergie
dans la fabrication de chariots et de forge des fusils, dans
la fabrication de mousquets et dans la levée d’un très grand
nombre de tireurs. Il déploya une grande énergie et un but
élevé, espérant qu’Allah lui donnerait la victoire sur Ibn
‘Othman, car ce dernier avait attaqué l’armée égyptienne
sans provocation, et pour chaque tyran il existe quelque
part un lieu ou un mode de mort.
Le Sultan ordonna qu’ils combattent dans trois jours, le
temps que les grands éléphants accompagnent les troupes au
combat. Lors de leur départ ce jour-là, le Sultan monta de
son camp au Mastabah à Ridaniyah, l’endroit où les rations
étaient servies. Il s’assit là tandis qu’un grand groupe
d’hommes se rassemblait sous les armes, couvrant toute la
plaine.
Là aussi se réunirent la grande majorité des gens du commun,
et même les femmes ; des cris furent élevés et des prières
prononcées pour la victoire du Sultan. Ce fut une journée
mémorable, et quand le Sultan regarda les troupes, il ne les
inspecta pas là-bas, mais proclama que les troupes de tous
les grades devaient se rassembler à Salahiyah pour
inspection ; qu’il ne s’y rendrait qu’après l’assemblage des
troupes et qu’il retournerait alors à la citadelle ; ce qui
était la bonne voie à suivre.
Le jeudi 24, le Sultan était toujours à Ridaniyah, et ce
jour-là, le reste des troupes partit. Il n’y eut aucune
excuse pour que leur départ soit prolongé, le Sultan les
ayant exhortés à commencer avec la plus grande diligence.
Lorsque le Sultan quitta la citadelle, il emmena avec lui
Qasim Bey, l’un des fils d’Ibn Othman. Le Sultan lui avait
donné une tenue et des ornements spéciaux, et lui avait
ordonné d’aller avec les troupes et de se tenir, en action,
sous le Royal Standard. On rapporta qu’Ibn ‘Othman était
inquiet à propos de ce garçon, et que la majorité de ses
soldats lui étaient favorables et dirent que si Salim Shah
était vaincu, ils n’avaient personne d’autre que le fils de
leur maître pour lui succéder.
Le même jour, on rapporta que le souverain de Rhodes envoya
au Sultan un millier de mousquets et un certain nombre de
navires contenant de la poudre ; que ces navires étaient
entrés dans le port de Damiette et qu’ils avaient été
envoyés par le souverain de Rhodes pour aider le Sultan
d’Égypte contre Ibn ‘Othman, qui avait des desseins sur
l’Égypte. Mais rien ne fut prouvé et ce fut une simple
rumeur sans fondement.
Lorsque le Sultan se rendit à Ridaniyah, on rapporta qu’il
allait se rendre à Salahiyah pour rencontrer les
forces d’Ibn ‘Othman, mais les émirs l’empêchèrent de
partir, lui disant que les combats n’auraient lieu qu’entre
eux à Ridaniyah.
Les marchands commencèrent à transférer leurs marchandises
des magasins du marché vers des endroits secrets pour les
garder en lieu sûr, mais aucune de leurs marchandises
n’échappa. Ce jour-là, la plupart des gens quittèrent la
banlieue pour se rendre au Caire et y vivre.
Les gens aisés déplacèrent leurs biens dans les monastères,
les écoles et les cimetières, et dans les maisons des gens
du commun dans les pâturages pour les garder en lieu sûr
mais aucun de leurs biens n’échappa, comme on le verra plus
loin.
Jeudi 22, la nouvelle arriva qu’Ibn ‘Othman avait quitté
Gaza et que son avant-garde avait atteint ‘Arish. Il fut
rapporté que le Sultan avait ordonné de creuser une tranchée
de la fontaine d’Allan jusqu’à Jabal Ahmar et au-delà
des champs de Matariyyah et qu’ensuite, il érigea de grands
boucliers le long de cette tranchée, les canons furent tirés
et disposés autour d’eux et des voitures en bois, déjà
mentionnées. Ensuite, le Sultan ordonna à l’émir Mamay
as-Saghir, l’inspecteur des marchés, d’émettre une
proclamation aux commerçants, chandeliers, boulangers et
bouchers du Caire pour qu’ils apportent leurs marchandises
au camp près de la tombe d’al-‘Adil, et d’établir un marché
pour les troupes. Le Sultan ordonna au wali de proclamer que
tous les soldats restés en arrière devaient se rendre à
Ridaniyah. Les porteurs de flambeaux annoncèrent dans les
quartiers et les rues que les Mamalik royaux devaient sortir
ce jour-là au camp, sous peine d’être pendus aussitôt à
leurs propres portes. Le Sultan fit proclamer cela deux fois
ce jour-là, car il apprit que de nombreux Mamalik royaux
avaient l’habitude de sortir tôt le matin au camp, afin que
le Sultan puisse les voir et revenir passer la nuit dans
leurs maisons. Cela déplut au Sultan et il leur ordonna de
passer chaque nuit au camp.
Vendredi 23, la nouvelle arriva que l’avant-garde d’Ibn
Othman était arrivé à Qatiyah, ce qui perturba profondément
la population. Le samedi 24, le Sultan inspecta les troupes
dans le camp, et tout le corps défila. Le Sultan leur promis
que s’ils combattaient courageusement contre l’armée d’Ibn
‘Othman et les battaient, il leur paierait dix ashrafis
chacun et donnerait à chacun une épée et un bouclier.
Il ordonna à l’émir Ans Bey, maître de la cavalerie,
d’effectuer une réconciliation entre les roughs d’as-Salibah
et les roughs de la ville. Il fut rapporté ce jour-là que le
Sultan se mit à construire un mur pour protéger les armes
qu’il avait postées à Ridaniyah et que le Sultan avait
lui-même transporté certaines des pierres avec les ouvriers.
Quand les soldats virent que le Sultan portait lui-même des
pierres, les Mamalik se mirent à travailler pour faire de
même, et pour aider les ouvriers à creuser le fossé et à
faire le mur pour la protection des canons.
Puis la nouvelle arriva que les troupes d’Ibn Othman avaient
atteint Bilbeis. |