Ainsi prit fin le règne d’al-Ghawri. Louange à Celui dont le
royaume ne faiblit jamais ; et pour citer les paroles de Muhammad
Ibn Qansouh :
« Al-Ghawri alla vers son Seigneur en obéissance au décret
d’Allah, à qui appartiennent les royaumes, et à la
souveraineté de qui Il nomme qui Il veut de Ses
serviteurs. »
Le samedi 15 du Ramadan, arrivèrent un certain nombre
d’émirs, restés à Damas après le départ des troupes. A leur
arrivée, ils montèrent à la citadelle, rendirent hommage au
Sultan, puis retournèrent chez eux.
Puis vint des nouvelles de l’émir des bédouins de Hamah,
émir Nassir ad-Din Ibn al-Hanash, qu’Ibn ‘Othman
avait envoyé un détachement sous Ibn Souwar, qui lui avait
porté allégeance. À Qaboun, près de Damas, ils furent
accueillis par Ibn Hanash, et une bataille sanglante
s’ensuivie, au cours de laquelle un certain nombre d’hommes
d’Ibn ’Othman furent tués. Les fleuves de Damas furent
lâchés contre eux et leurs chevaux s’embourbèrent. Un grand
nombre d’entre eux périt de cette manière, comme le
racontent les rapports reçus.
Avec les émirs beaucoup de notables de Damas vinrent avec
leurs familles, car après la défaite de l’armée et la mort
de Si Bey, le gouverneur, la confusion régna. Certains
habitants de la ville attaquèrent les autres, pillant le
quartier des courtiers, tuant un certain nombre de personnes
et prenant leurs biens.
Lorsque le Sultan apprit le succès de Nassir ad-Din Ibn Hanash
contre les troupes d’Ibn ‘Othman, il le nomma gouverneur de
Homs. On a dit que des instructions impériales lui
furent envoyées à l’effet que s’il pouvait vaincre l’armée
d’Ibn ‘Othman, le Sultan ferait de lui Atabek de Damas. Ibn
al-Hanash répondit que si le Sultan l’assistait avec
des troupes, il rassemblerait une force de bédouins et
garantirait personnellement la défaite de l’armée d’Ibn
Othman. L’un des ancêtres d’al-Hanash était ancien
gouverneur de Homs.
Dimanche, dernier jour du mois, Nassiri Muhammad Ibn
Bal Bey al-Mou’ayyad de Damas arriva avec la nouvelle que
Salim Shah Ibn ‘Othman avait pris possession de la ville et
de la citadelle et avait tué ‘Ali Bey al-Ashrafi, le
gouverneur de la citadelle, et trente-six émirs de Damas,
outre quelques-uns des sujets du Sultan qui y vivaient.
Quand on apprit au Caire qu’Ibn ‘Othman était en possession
de Damas, le peuple fut frappé par la terreur et dit que
bientôt ce serait le tour de l’Égypte. Ils étaient fermement
convaincus qu’il en arriverait là, et certains décidèrent de
partir vers la Haute Égypte. Le Sultan, les émirs et tout le
peuple furent très perturbés par cette nouvelle, d’autant
plus que c’était la veille d’al-Fitr, et que les chagrins du
peuple étaient encore frais, en raison de la mort du Sultan,
de la défaite de l’armée et le deuil des hommes tombés.
Lundi 8, le député Dawadar de Gaza, connu sous le nom de
‘Ali Bey, le bossu, arriva avec la nouvelle qu’Ibn Othman
avait subi un revers à son entrée à Damas. La maladie
sévissait parmi ses troupes, les morts se produisant
quotidiennement.
Il rapporta également qu’il y avait une pénurie de céréales
et de fourrage, que les bédouins s’efforçaient d’arrêter
l’approvisionnement d’orge, de blé et de paille, et que
lorsqu’un des soldats sortait dans les villages, il était
tué par les bédouins. Ibn ‘Othman avait pénétré si loin
qu’il ne pouvait pas se retirer ; ses chevaux de cavalerie
rôdaient pour manger les feuilles des arbres et étaient très
émaciés. Le même jour, Khoudah Birdi, gouverneur
d’Alexandrie, arriva
également
de même que l’émir Khayr Bey, l’architecte qui se
rendit à la forteresse de Rashid pour voir comment réparer
le mur et les tours.
Le lundi 22, des nouvelles arrivèrent d’Inde que les navires
que le Sultan al-Ghawri avait expédiés étaient tombés avec
tous les fusils et armes et autres choses à bord. Une
querelle avait surgi entre le commandant, Salman
al-‘Othmani, et le gouverneur local, al-Amir Houssayn
de Jeddah, et que chacun d’eux était allé dans une partie
différente de l’Inde.
Le même jour, le Sultan versa également une solde aux
troupes chargées du service actif, donnant à chaque Mamelouk
cinquante dinars. Mais ils les lui rendirent, balbutièrent
et sortirent de la porte du terrain avec rage, avec
l’intention de soulever une révolte. Mais certains des émirs
conseillèrent au Sultan de les apaiser en leur payant cent
dinars chacun, comme d’habitude. Ainsi les soldats en colère
furent rappelés, et à leur retour, le Sultan paya chaque
Mamelouk cent dinars et trois mois de solde, soit cent vingt
dinars. Ce jour-là, il paya les hommes de quatre casernes.
Il a été rapporté que ces troupes devaient marcher vers Gaza
avec les émirs et occuper la ville jusqu’au départ de la
grande expédition au printemps. On a rapporté que le Sultan
paya ainsi environ 2 000 de ces Mamalik.
A cette époque, le Sultan fit arrêter un certain nombre de
Grecs de Khan al-Khalili, qui correspondraient avec Ibn
‘Othman au sujet des affaires égyptiennes et pour avoir de
ses espions parmi eux. Après leur arrestation, il les mit
aux fers.
Vendredi 26, le Qadi ‘Abd al-Karim Ibn al-Ji’an, le frère de
Shihabi Ahmad Ibn al-Ji’an, arriva au Caire.
Il avait été fait prisonnier par Ibn ‘Othman en Syrie, mais
s’enfuit en Égypte déguisé en chamelier, vêtu d’un manteau
bédouin et d’une calotte. Il était accompagné d’Ahmad
ad-Dimyati, un marchand d’al-Warrakin. Il informa le Sultan
que le pouvoir d’Ibn ‘Othman avait diminué, que ses troupes
étaient en désaccord avec lui, que ses communications
avaient été coupées par Nassir ad-Din Ibn al-Hanash
et que les bédouins tuaient les soldats isolés dans les
villages. Il rapporta aussi qu’Ibn ‘Othman avait pris
possession de la ville de Damas et de sa citadelle, de la
citadelle de Tripoli et Safad et de leurs provinces, et
était maître du pays de Damas à l’Euphrate. Un certain
nombre de ses émirs avaient été nommés gouverneurs dans les
villes qu’il avait capturées, comme à Alep, Hamah,
Homs et d’autres villes. On dit qu’Ibn al-Hanash
envoya une communication officielle au Sultan pour
l’exhorter à envoyer rapidement une expédition, avant qu’Ibn
Othman n’ait le temps d’avancer sur Gaza.
Le même jour, le Sultan donna le dernier versement de la
solde aux troupes chargées de l’expédition, et celles-ci
commencèrent à préparer leur départ pour Gaza.
Vendredi, Malik al-Oumara Jan Birdi al-Ghazali, le
gouverneur de Damas, se rendit à la citadelle et rejoignit
le Sultan dans les prières du vendredi. Puis le Sultan lui
conféra une robe d’honneur et lui donna le grade de Basha à
la tête des troupes détaillées pour l’expédition. En
quittant la citadelle, le Basha se rendit à sa tente à
Ridaniyah, quitta la ville sans cortège régulier, étant
simplement précédé de quelques chevaux menés, de tambours et
de porteurs de flambeaux marchant devant les émirs et les
troupes.
Le samedi 5, le Sultan ordonna aux troupes expéditionnaires
de quitter la ville ce jour-là, afin de rejoindre le Basha,
disant que quiconque ne partirait pas serait traité en
conséquence. Cependant, un certain nombre de Mamalik
comparurent devant lui, refusant de partir jusqu’à ce qu’il
leur ait payé six ashrafi, le prix d’un chameau et leur ait
donné du fourrage et des rations de viande. Cela provoqua
une certaine excitation et le Sultan quitta l’assemblée pour
s’opposer à la réclamation. Les troupes étaient
insatisfaites, les affaires non réglées tandis qu’Ibn
‘Othman avançait vers Gaza dont le gouverneur demandait
l’envoi de troupes avant qu’Ibn ‘Othman ne capture la ville
et causent ainsi au Sultan la peine de reprendre le pays.
Le dimanche 6, un des émirs, commandants de mille, du corps
expéditionnaire quitta la ville. Il fut quotidiennement
suivi dans le camp par d’autres, le Basha aux commandes, Jan
Birdi, resta à Ridaniyah jusqu’à ce que toute la troupe soit
complète.
Le lundi 7, le Sultan paya trois mois de rations aux troupes
expéditionnaires ; chaque Mamelouk reçut également environ
quatre Ashrafis et demi chacun en guise de pourboire
supplémentaire.
Le même jour arrivèrent deux des Mamalik royaux, qui
s’étaient rendus dans certains villages avec les bédouins et
retournèrent en Égypte déguisés en domestiques. Ils
rapportèrent les mêmes histoires au sujet des difficultés
d’Ibn ‘Othman.
Le mercredi 9, le Dawadar Khayr Bey, le gouverneur d’Alep,
arriva après s’être échappé d’Ibn ‘Othman. Il apporta la
nouvelle qu’Ibn ‘Othman avait envoyé une force d’environ
cinq mille cavaliers sous les ordres d’Ibn Souwar, qui était
sur le point de prendre Gaza ; en fait, selon certains
témoignages, il l’avait pris et le gouverneur de Gaza aurait
fui.
Cette information causa une grande consternation. Le Sultan
fut profondément affligé. Il ordonna aux troupes de marcher
immédiatement et que tous les absents recevraient la
punition méritée.
Jeudi, les troupes sortirent à la hâte. Le Sultan sortit
également accompagné de tous les émirs, et les gens dirent
que le Sultan lui-même allait rencontrer Ibn ‘Othman. Le
Sultan emmena avec lui le gouverneur d’Alep, le grand émir
enchainé et un certain nombre de gardes du corps de Gaza,
également dans les fers. Le gouverneur de Gaza avait
rapporté qu’ils avaient correspondu avec Ibn ‘Othman, lui
suggérant de venir prendre possession de Gaza sans
opposition. Cependant, ils nièrent cela devant le Sultan et
déclarèrent que Dolat Bey, le gouverneur, avait une rancune
contre les gardes de Gaza et avait inventé cette fausse
histoire contre eux.
Le Sultan leur attribua alors le crédit d’avoir dit la
vérité et envoya Jan Birdi, gouverneur de Damas, pour les
acquitter de la vaine accusation portée contre eux. Le
Sultan relâcha ceux qui étaient avec lui et les envoya à
l’inspecteur général de l’armée pour que leur cas soit
examiné.
Vendredi 11, d’autres rumeurs circulèrent selon lesquelles
Ibn ‘Othman avait envoyé des troupes à Gaza, sous le
commandement de ses émirs, dont l’un était Iskandar Basha et
un autre Daoud Basha. Il fut également rapporté qu’ils
avaient pris Gaza et incendié certaines des maisons, que le
gouverneur avait fui, que les troupes d’Ibn Othman
avançaient vers l’Égypte et que les affaires allaient mal.
Lorsque le Sultan fut convaincu de la véracité de cette
nouvelle, il décida qu’il irait lui-même rencontrer Ibn
‘Othman. Il ordonna que les voyous, les malveillants, les
Maghribi et quiconque se cachait à cause d’un meurtre ou
était coupable de sang recevrait le pardon en se présentant.
Il les inspecterait sur le Maydan, leur donnerait une solde
et un animal à monter, et ils seraient attachés au corps des
armuriers pendant l’avance du Sultan. Cette proclamation
offensa le peuple, qui n’aimait pas que ses meurtriers
soient pardonnés ; il aurait mieux valu ne rien dire à ce
sujet.
Une confusion totale régnait ce jour-là dans tout le Caire ;
les soldats expéditionnaires partirent en toute hâte. L’émir
Khouda Birdi al-Ashrafi, l’un des principaux émirs, ancien
gouverneur d’Alexandrie, partit également. Il n’avait pas de
cortège d’état régulier, mais fut précédé de porteurs et
escorté par un grand nombre de ses troupes Mamalik ;
certains dirent trois cents Mamalik. Tout le peuple invoqua
des bénédictions sur sa tête et prièrent pour la victoire
des troupes, frappé de terreur à cause d’Ibn ‘Othman.
Le samedi 12, le Sultan assis sur l’estrade de son parc
reçut les émirs et les exhorta à quitter la ville ce
jour-là. Puis l’émir Taqt Bey, le chambellan en chef,
déclara qu’il avait décidé de se rendre à Bouhayrah,
ou il y avait été nommé inspecteur. À cela, les émirs
répondirent qu’il était beaucoup plus important pour lui de
sortir pour combattre Ibn ‘Othman que d’aller à Bouhayrah,
et ils lui rappelèrent en outre qu’il n’était pas sorti avec
le Sultan al-Ghawri lors de son expédition et qu’il n’avait
pas été pillé de ses bagages et de son uniforme. À cela,
l’émir excusa qu’il n’allait pas bien. Une grande querelle
s’ensuivit entre eux en présence du Sultan, et finalement
les Mamalik importés projetèrent d’aller piller et brûler sa
maison. On dit que certains des Mamalik le frappèrent et
qu’il subit de grandes indignités de leur part. Finalement,
il accepta d’accompagner les émirs dans l’expédition et le
Sultan empêcha les Mamalik de piller sa maison.
Ce jour-là, le Sultan ordonna à l’ensemble des troupes de
défiler pour inspection. De même, l’émir, qui avait été
nommé gouverneur de Hamah au lieu de Jan Birdi
al-Ghazali, quitta la ville avec une escorte militaire.
Ce jour-là aussi, l’émir Arzamaq Nashif, l’un des principaux
émirs, quitta également la ville. Il forma une procession
militaire régulière, et fut précédé par des chevaux conduits
et deux tambours, et une bannière tenue au-dessus de sa
tête. Les émirs quittèrent progressivement la ville pour se
joindre aux combats contre Ibn ‘Othman.
Le dimanche 13, le Sultan passa en revue les troupes
expéditionnaires dans le Maydan. Il parcourut la liste
d’inscription une deuxième fois et n’en exempta qu’un petit
nombre. Il inspecta également quatre casernes et y
enregistra la plupart des Mamalik pour l’expédition.
Le même jour, le Sultan inspecta un véhicule en bois tiré
par des bœufs et transportant des mousquetaires ; il y avait
une trentaine ou plus de ces véhicules. Il inspecta
également des chameaux portant un accommodement pour que les
mousquetaires tirent sur leur dos, également des boucliers
en bois comme protection contre les flèches. Donc, les
troupes ce jour-là se sentaient de bon cœur pour le combat.
Le Sultan déclara qu’il allait en personne prendre part à la
bataille contre Ibn ‘Othman, et il exhorta le reste des
émirs à partir en toute hâte pour la mêlée. Mais il ne leur
donna pas d’argent, disant qu’ils devaient sortir et se
battre pour eux-mêmes, leurs enfants et leurs femmes. « Il
n’y a plus rien, dit-il, dans le Trésor ; Je suis l’un de
vous ; si vous sortez, je vais avec vous ; et si vous restez
assis, je reste assis avec vous ; Je n’ai pas d’argent à
vous donner. »
Le mardi 15, le Sultan inspecta le reste des troupes dans le
Maydan, et ordonna aux émirs avec toutes les troupes qui
restaient encore de partir immédiatement sous peine de
désobéissance. L’armée expéditionnaire partit donc au milieu
de l’hiver et subit de grandes difficultés en conséquence.
Ce jour-là, Tani Bey Najmi, l’un des principaux émirs,
partit, ayant le cortège de guerre reconnu.
Jeudi 17, l’émir Ilmas, Wali du Caire, quitta aussi la
ville.
Ce jour-là également un étranger, un fabricant de saucisses,
fut arrêté. Il avait attrapé un gros chien noir, l’avait tué
et en avait fait des saucisses. Lors de son arrestation, il
fut emmené devant l’émir Mamay, l’inspecteur des marchés,
qui le fit battre à coups de bâton et exposé publiquement au
Caire, le chien pendu autour de son cou. Après l’avoir
emmené dans la ville, il fut emprisonné à Makshara. Les
Francs commettaient constamment des actes atroces de cette
nature.
Le lundi 21, certains des Mamalik royaux en route vers
Matariyyah virent un groupe venir vers eux en provenance de
Birkah al-Hajj. Ces personnes interrogées déclarèrent
qu’elles étaient des émissaires du Sultan Salim Shah Ibn
‘Othman et étaient au nombre d’une quinzaine. L’émissaire en
chef était un vieil homme à la barbe blanche, vêtu de
velours. En leur compagnie, il y avait aussi un homme
égyptien, ‘Abd al-Barr Ibn Mahasin, qui avait été
secrétaire au Trésor de l’Atabek Soudoun al-‘Ajmi.
Lorsque ce dernier fut tué et qu’Ibn ‘Othman prit Alep et
Damas, le secrétaire fut conquis par l’influence de Younous
al-‘Adili et as-Samarkandi. Quand Ibn ‘Othman envoya ces
émissaires, ils n’osèrent pas venir par Gaza, car le
gouverneur de Damas, Jan Birdi al-Ghazali, était à proximité
assiégeant une force d’Ibn’ Othman qui se trouvait à Gaza.
Ils soudoyèrent donc certains bédouins avec une somme
substantielle pour les emmener par la route du Sultan. Cela
les amena par le désert à Ajroud, et avant que les gens ne
sachent leur arrivée, ils étaient au centre de la ville. Les
Mamalik, en les rencontrant, arrêtèrent le principal
émissaire et son groupe, y compris Mahasin et les
trois bédouins avec eux. Pendant ce temps, ils furent
approchés par trois Grecs de Khan al-Khalili, qui les
saluèrent et embrassèrent leurs mains. Les Mamalik les
arrêtèrent aussitôt, leur demandèrent comment ils savaient
que les émissaires arrivaient ce jour-là et ils déclarèrent
qu’ils étaient des espions d’Ibn ‘Othman. Après les avoir
battus, ils les amenèrent dans la maison de l’émir ‘Allan,
le grand Dawadar ou ils ordonnèrent à l’émissaire de
descendre de cheval et de saluer le Dawadar. Il refusa de le
faire et utilisa un langage violent contre eux.
Il tira alors son épée et se jeta sur les gens du Dawadar
qui voyant cela, ordonna aux Mamalik de le contraindre à
descendre, qui le firent descendre et lui prirent son épée.
Ils tombèrent alors sur lui et ses compagnons turcs, les
battirent, les dépouillèrent et les enchainèrent, après les
avoir soumis à des insultes scandaleuses.
Lorsque le Sultan entendit parler de cela, il convoqua
l’émir Moghoul Bey Dawadar Sikkin, qu’al-Ghawri avait envoyé
à Ibn ‘Othman et qui avait subi d’abominables insultes de la
part de ce dernier. Il donna l’ordre de descendre et de
soumettre l’émissaire d’Ibn ‘Othman au même traitement.
Il emmena ses camarades et se rendit avec eux chez l’émir
‘Allan, en vue de les soumettre à des insultes ou de les
tuer. Mais l’émir ‘Allan n’accepta pas cela. Puis ils
emmenèrent ‘Abd al-Barr Ibn Mahasin au Sultan, en
présence duquel il évoqua les mérites et la grandeur d’Ibn
Othman. Il signala en outre que les troupes d’Ibn ‘Othman
comptaient plus de soixante mille hommes ; que la Khoutbah
était livrée en son nom de Bagdad à Damas, et que sa monnaie
était courante de Bagdad à Damas. Aussi qu’à son entrée en
Syrie, il entreprit de construire un mur avec des tours de
Qaboun à l’extrémité de Damas, sécurisant la ville par des
portes dans les murs ; qu’il était animé d’un grand
enthousiasme et se vantait de ne revenir en arrière qu’après
avoir conquis l’Égypte et y avoir tué tous les Mamalik. Il
raconta comment Ibn ‘Othman restait en isolement un jour à
la fois, tandis que ses soldats tuaient les habitants et
commettaient des atrocités. Il rapporta également qu’ils ne
jeûnaient pas pendant le Ramadan, buvaient du vin et du
bouzah et fumaient du haschich.
Ibn ‘Othman non plus ne conduisait pas les prières du
vendredi, sauf occasionnellement ; ces horribles histoires
avaient circulé à son sujet, indépendamment d’Ibn Mahasin,
par des témoins oculaires des agissements de ses troupes à
Alep et à Damas. Après ce long récit des actions d’Ibn
‘Othman, le Sultan déclara dans un accès de colère : « Tu es
un espion d’Ibn ‘Othman et tu es venu ici pour obtenir des
renseignements pour lui. Il ordonna ensuite l’emprisonnement
d’Ibn Mahasin dans la tour de la citadelle, où il
resta quelques jours, après quoi il fut libéré par
l’intercession de l’Atabek Soudoun, le Dawadar.
(Je vous rappelle que ces nouvelles sont pour la plupart
colportées sans aucune preuve à l’appuis et anti-ottomane)
Le cœur des soldats se serra à ce récit. Puis le Sultan
ordonna la pendaison de deux des bédouins, qui avaient guidé
les émissaires sur leur route inconnue. Selon la rumeur, un
groupe d’une quarantaine d’hommes d’Ibn Othman était venu
avec eux et s’était caché au Caire.
En apprenant cela, le Sultan donna des instructions à Khan
al-Khalili selon lesquelles personne ne devait héberger
aucun des hommes d’Ibn ‘Othman, sous peine d’être pendu
immédiatement.
Puis le Sultan fit venir les lettres apportées par les
émissaires, auxquels il n’avait pas accordé d’entretien.
Parmi eux se trouvaient un certain nombre adressés aux
émirs, aux responsables exécutifs et aux notables égyptiens.
Il apparut après la lecture des lettres par le Sultan
qu’elles étaient pour la plupart exprimées en turc, l’objet
de ces lettres étant le suivant : « De Sa Majesté à l’émir
Touman Bey. Il m’a été révélé que je deviendrai le
possesseur de l’est et de l’ouest, comme Alexandre le Grand.
Une grande partie de la lettre était composée de menaces et
d’un langage violent, comme par exemple : « Tu es un
Mamelouk, qui est acheté et vendu, et inapte à gouverner.
Je suis un roi, descendant de vingt générations de rois, et
j’ai pris possession du pays en accord avec le calife et les
juges. Après de nombreuses expressions similaires, la lettre
continuait : « Si tu souhaites échapper à un traitement
violent, laisse une émission de monnaie être frappée en
notre nom en Égypte, et que la Khoutbah soit également
délivrée en notre nom ; et deviens notre gouverneur de Gaza
à l’Egypte, tandis que nous gouvernerons de la Syrie à
l’Euphrate. Mais si tu ne nous obéis pas, alors j’entrerai
en Égypte, et je tuerai tous les Circassiens là-bas. » Il
fit une si grande démonstration de grandeur et de puissance
que peut-être Allah l’abandonnera à cause de sa présomption
excessive.
Quand cette lettre fut lue au Sultan, il pleura et fut
terrifié. Les Mamalik importés avaient convenu que si
l’émissaire s’approchait de la citadelle, ils tomberaient
sur lui avec leurs épées, mais il ne se montra pas. Le
contenu de la communication d’Ibn ‘Othman devint rapidement
connu du peuple et conduisit à une grande confusion. Tout le
monde était aux aguets pour Ibn ‘Othman, disant : « Tout
comme ses émissaires sont venus à nous alors que nous ne les
attendions pas, il peut tomber sur nous de manière
inattendue. » Les gens commencèrent à se barricader dans les
environs de la ville, où ils pourraient se cacher si Ibn
‘Othman entrait au Caire. D’autres décidèrent d’emmener
leurs familles en Haute-Égypte, si sa marche était
confirmée. Une histoire circula que Khayr Bey, gouverneur
d’Alep, qui s’était rebellé et s’était soumis à Ibn ‘Othman,
avait écrit à certains des principaux émirs pour les
exhorter à présenter leur soumission à Ibn ‘Othman, vantant
ses vertus, le traitement juste de ses sujets et leur
assurant que s’il venait en Égypte, ils pourraient tous
conserver leurs postes et leurs salaires. Tout cela n’était
que supercherie et tromperie pour faciliter l’entrée d’Ibn
‘Othman en Égypte.
Puis le Sultan proclama que la prochaine émission de paie
aurait lieu le mercredi 23 ; il s’assit sur l’estrade de sa
cour et les troupes montèrent pour la recevoir. Chaque
Mamelouk eut trente dinars et trois mois de salaire, soit
vingt dinars ; mais ils les jetèrent devant lui et dirent :
« Nous ne commencerons pas tant que nous n’aurons pas reçu
cent dinars ; de plus, nous n’avons ni chevaux, ni
vêtements, ni équipement, ni armes et ils quittèrent la
citadelle en colère. Le Sultan, extrêmement mécontent,
quitta l’estrade, et dit « qu’il ne pourrait pas payer cent
dinars chaque Mamelouk car les caisses de l’état étaient
vides ; que s’ils n’étaient pas satisfaits, ils pourraient
élire celui qu’ils choisiraient pour Sultan, et il se
rendrait à La Mecque ou ailleurs. Il y eut donc des troubles
ce jour-là. Il fut rapporté que certains Mamalik dirent au
Sultan lui-même : « Si tu es Sultan, suit la coutume des
anciens Sultans ; si tu démissionnes, que la malédiction
d’Allah soit sur toi et un autre te succédera. »
Le Sultan dit aux troupes : « Vous avez reçu trente dinars
du Sultan al-Ghawri, puis vous ne vous êtes pas battu, mais
vous l’avez abandonné et l’a laissé à sa mort. » Les troupes
partirent en colère et certains dirent qu’ils se disputèrent
entre eux.
Le même jour, le Sultan ordonna à tous les émirs de rang de
se lever tôt le lendemain pour une dernière parade ; la
réunion fut ensuite dissoute. |