Ainsi prit fin le règne d’al-Ghawri. Louange à Celui dont le royaume ne faiblit jamais ; et pour citer les paroles de Muhammad Ibn Qansouh :

« Al-Ghawri alla vers son Seigneur en obéissance au décret d’Allah, à qui appartiennent les royaumes, et à la souveraineté de qui Il nomme qui Il veut de Ses serviteurs. »

 

Le samedi 15 du Ramadan, arrivèrent un certain nombre d’émirs, restés à Damas après le départ des troupes. A leur arrivée, ils montèrent à la citadelle, rendirent hommage au Sultan, puis retournèrent chez eux.

 

Puis vint des nouvelles de l’émir des bédouins de Hamah, émir Nassir ad-Din Ibn al-Hanash, qu’Ibn ‘Othman avait envoyé un détachement sous Ibn Souwar, qui lui avait porté allégeance. À Qaboun, près de Damas, ils furent accueillis par Ibn Hanash, et une bataille sanglante s’ensuivie, au cours de laquelle un certain nombre d’hommes d’Ibn ’Othman furent tués. Les fleuves de Damas furent lâchés contre eux et leurs chevaux s’embourbèrent. Un grand nombre d’entre eux périt de cette manière, comme le racontent les rapports reçus.

 

Avec les émirs beaucoup de notables de Damas vinrent avec leurs familles, car après la défaite de l’armée et la mort de Si Bey, le gouverneur, la confusion régna. Certains habitants de la ville attaquèrent les autres, pillant le quartier des courtiers, tuant un certain nombre de personnes et prenant leurs biens.

 

Lorsque le Sultan apprit le succès de Nassir ad-Din Ibn Hanash contre les troupes d’Ibn ‘Othman, il le nomma gouverneur de Homs. On a dit que des instructions impériales lui furent envoyées à l’effet que s’il pouvait vaincre l’armée d’Ibn ‘Othman, le Sultan ferait de lui Atabek de Damas. Ibn al-Hanash répondit que si le Sultan l’assistait avec des troupes, il rassemblerait une force de bédouins et garantirait personnellement la défaite de l’armée d’Ibn Othman. L’un des ancêtres d’al-Hanash était ancien gouverneur de Homs.

 

 

Dimanche, dernier jour du mois, Nassiri Muhammad Ibn Bal Bey al-Mou’ayyad de Damas arriva avec la nouvelle que Salim Shah Ibn ‘Othman avait pris possession de la ville et de la citadelle et avait tué ‘Ali Bey al-Ashrafi, le gouverneur de la citadelle, et trente-six émirs de Damas, outre quelques-uns des sujets du Sultan qui y vivaient.

 

Quand on apprit au Caire qu’Ibn ‘Othman était en possession de Damas, le peuple fut frappé par la terreur et dit que bientôt ce serait le tour de l’Égypte. Ils étaient fermement convaincus qu’il en arriverait là, et certains décidèrent de partir vers la Haute Égypte. Le Sultan, les émirs et tout le peuple furent très perturbés par cette nouvelle, d’autant plus que c’était la veille d’al-Fitr, et que les chagrins du peuple étaient encore frais, en raison de la mort du Sultan, de la défaite de l’armée et le deuil des hommes tombés.

 

Lundi 8, le député Dawadar de Gaza, connu sous le nom de ‘Ali Bey, le bossu, arriva avec la nouvelle qu’Ibn Othman avait subi un revers à son entrée à Damas. La maladie sévissait parmi ses troupes, les morts se produisant quotidiennement.

 

Il rapporta également qu’il y avait une pénurie de céréales et de fourrage, que les bédouins s’efforçaient d’arrêter l’approvisionnement d’orge, de blé et de paille, et que lorsqu’un des soldats sortait dans les villages, il était tué par les bédouins. Ibn ‘Othman avait pénétré si loin qu’il ne pouvait pas se retirer ; ses chevaux de cavalerie rôdaient pour manger les feuilles des arbres et étaient très émaciés. Le même jour, Khoudah Birdi, gouverneur d’Alexandrie, arriva  également  de même que l’émir Khayr Bey, l’architecte qui se rendit à la forteresse de Rashid pour voir comment réparer le mur et les tours.

 

Le lundi 22, des nouvelles arrivèrent d’Inde que les navires que le Sultan al-Ghawri avait expédiés étaient tombés avec tous les fusils et armes et autres choses à bord. Une querelle avait surgi entre le commandant, Salman al-‘Othmani, et le gouverneur local, al-Amir Houssayn de Jeddah, et que chacun d’eux était allé dans une partie différente de l’Inde.

 

Le même jour, le Sultan versa également une solde aux troupes chargées du service actif, donnant à chaque Mamelouk cinquante dinars. Mais ils les lui rendirent, balbutièrent et sortirent de la porte du terrain avec rage, avec l’intention de soulever une révolte. Mais certains des émirs conseillèrent au Sultan de les apaiser en leur payant cent dinars chacun, comme d’habitude. Ainsi les soldats en colère furent rappelés, et à leur retour, le Sultan paya chaque Mamelouk cent dinars et trois mois de solde, soit cent vingt dinars. Ce jour-là, il paya les hommes de quatre casernes. Il a été rapporté que ces troupes devaient marcher vers Gaza avec les émirs et occuper la ville jusqu’au départ de la grande expédition au printemps. On a rapporté que le Sultan paya ainsi environ 2 000 de ces Mamalik.

 

A cette époque, le Sultan fit arrêter un certain nombre de Grecs de Khan al-Khalili, qui correspondraient avec Ibn ‘Othman au sujet des affaires égyptiennes et pour avoir de ses espions parmi eux. Après leur arrestation, il les mit aux fers.

 

Vendredi 26, le Qadi ‘Abd al-Karim Ibn al-Ji’an, le frère de Shihabi Ahmad Ibn al-Ji’an, arriva au Caire.

Il avait été fait prisonnier par Ibn ‘Othman en Syrie, mais s’enfuit en Égypte déguisé en chamelier, vêtu d’un manteau bédouin et d’une calotte. Il était accompagné d’Ahmad ad-Dimyati, un marchand d’al-Warrakin. Il informa le Sultan que le pouvoir d’Ibn ‘Othman avait diminué, que ses troupes étaient en désaccord avec lui, que ses communications avaient été coupées par Nassir ad-Din Ibn al-Hanash et que les bédouins tuaient les soldats isolés dans les villages. Il rapporta aussi qu’Ibn ‘Othman avait pris possession de la ville de Damas et de sa citadelle, de la citadelle de Tripoli et Safad et de leurs provinces, et était maître du pays de Damas à l’Euphrate. Un certain nombre de ses émirs avaient été nommés gouverneurs dans les villes qu’il avait capturées, comme à Alep, Hamah, Homs et d’autres villes. On dit qu’Ibn al-Hanash envoya une communication officielle au Sultan pour l’exhorter à envoyer rapidement une expédition, avant qu’Ibn Othman n’ait le temps d’avancer sur Gaza.

 

Le même jour, le Sultan donna le dernier versement de la solde aux troupes chargées de l’expédition, et celles-ci commencèrent à préparer leur départ pour Gaza.

Vendredi, Malik al-Oumara Jan Birdi al-Ghazali, le gouverneur de Damas, se rendit à la citadelle et rejoignit le Sultan dans les prières du vendredi. Puis le Sultan lui conféra une robe d’honneur et lui donna le grade de Basha à la tête des troupes détaillées pour l’expédition. En quittant la citadelle, le Basha se rendit à sa tente à Ridaniyah, quitta la ville sans cortège régulier, étant simplement précédé de quelques chevaux menés, de tambours et de porteurs de flambeaux marchant devant les émirs et les troupes.

 

Le samedi 5, le Sultan ordonna aux troupes expéditionnaires de quitter la ville ce jour-là, afin de rejoindre le Basha, disant que quiconque ne partirait pas serait traité en conséquence. Cependant, un certain nombre de Mamalik comparurent devant lui, refusant de partir jusqu’à ce qu’il leur ait payé six ashrafi, le prix d’un chameau et leur ait donné du fourrage et des rations de viande. Cela provoqua une certaine excitation et le Sultan quitta l’assemblée pour s’opposer à la réclamation. Les troupes étaient insatisfaites, les affaires non réglées tandis qu’Ibn ‘Othman avançait vers Gaza dont le gouverneur demandait l’envoi de troupes avant qu’Ibn ‘Othman ne capture la ville et causent ainsi au Sultan la peine de reprendre le pays.

 

Le dimanche 6, un des émirs, commandants de mille, du corps expéditionnaire quitta la ville. Il fut quotidiennement suivi dans le camp par d’autres, le Basha aux commandes, Jan Birdi, resta à Ridaniyah jusqu’à ce que toute la troupe soit complète.

 

Le lundi 7, le Sultan paya trois mois de rations aux troupes expéditionnaires ; chaque Mamelouk reçut également environ quatre Ashrafis et demi chacun en guise de pourboire supplémentaire.

Le même jour arrivèrent deux des Mamalik royaux, qui s’étaient rendus dans certains villages avec les bédouins et retournèrent en Égypte déguisés en domestiques. Ils rapportèrent les mêmes histoires au sujet des difficultés d’Ibn ‘Othman.

 

Le mercredi 9, le Dawadar Khayr Bey, le gouverneur d’Alep, arriva après s’être échappé d’Ibn ‘Othman. Il apporta la nouvelle qu’Ibn ‘Othman avait envoyé une force d’environ cinq mille cavaliers sous les ordres d’Ibn Souwar, qui était sur le point de prendre Gaza ; en fait, selon certains témoignages, il l’avait pris et le gouverneur de Gaza aurait fui.

Cette information causa une grande consternation. Le Sultan fut profondément affligé. Il ordonna aux troupes de marcher immédiatement et que tous les absents recevraient la punition méritée.

Jeudi, les troupes sortirent à la hâte. Le Sultan sortit également accompagné de tous les émirs, et les gens dirent que le Sultan lui-même allait rencontrer Ibn ‘Othman. Le Sultan emmena avec lui le gouverneur d’Alep, le grand émir enchainé et un certain nombre de gardes du corps de Gaza, également dans les fers. Le gouverneur de Gaza avait rapporté qu’ils avaient correspondu avec Ibn ‘Othman, lui suggérant de venir prendre possession de Gaza sans opposition. Cependant, ils nièrent cela devant le Sultan et déclarèrent que Dolat Bey, le gouverneur, avait une rancune contre les gardes de Gaza et avait inventé cette fausse histoire contre eux.

 

Le Sultan leur attribua alors le crédit d’avoir dit la vérité et envoya Jan Birdi, gouverneur de Damas, pour les acquitter de la vaine accusation portée contre eux. Le Sultan relâcha ceux qui étaient avec lui et les envoya à l’inspecteur général de l’armée pour que leur cas soit examiné.

 

Vendredi 11, d’autres rumeurs circulèrent selon lesquelles Ibn ‘Othman avait envoyé des troupes à Gaza, sous le commandement de ses émirs, dont l’un était Iskandar Basha et un autre Daoud Basha. Il fut également rapporté qu’ils avaient pris Gaza et incendié certaines des maisons, que le gouverneur avait fui, que les troupes d’Ibn Othman avançaient vers l’Égypte et que les affaires allaient mal.

Lorsque le Sultan fut convaincu de la véracité de cette nouvelle, il décida qu’il irait lui-même rencontrer Ibn ‘Othman. Il ordonna que les voyous, les malveillants, les Maghribi et quiconque se cachait à cause d’un meurtre ou était coupable de sang recevrait le pardon en se présentant. Il les inspecterait sur le Maydan, leur donnerait une solde et un animal à monter, et ils seraient attachés au corps des armuriers pendant l’avance du Sultan. Cette proclamation offensa le peuple, qui n’aimait pas que ses meurtriers soient pardonnés ; il aurait mieux valu ne rien dire à ce sujet.

Une confusion totale régnait ce jour-là dans tout le Caire ; les soldats expéditionnaires partirent en toute hâte. L’émir Khouda Birdi al-Ashrafi, l’un des principaux émirs, ancien gouverneur d’Alexandrie, partit également. Il n’avait pas de cortège d’état régulier, mais fut précédé de porteurs et escorté par un grand nombre de ses troupes Mamalik ; certains dirent trois cents Mamalik. Tout le peuple invoqua des bénédictions sur sa tête et prièrent pour la victoire des troupes, frappé de terreur à cause d’Ibn ‘Othman.

 

Le samedi 12, le Sultan assis sur l’estrade de son parc reçut les émirs et les exhorta à quitter la ville ce jour-là. Puis l’émir Taqt Bey, le chambellan en chef, déclara qu’il avait décidé de se rendre à Bouhayrah, ou il y avait été nommé inspecteur. À cela, les émirs répondirent qu’il était beaucoup plus important pour lui de sortir pour combattre Ibn ‘Othman que d’aller à Bouhayrah, et ils lui rappelèrent en outre qu’il n’était pas sorti avec le Sultan al-Ghawri lors de son expédition et qu’il n’avait pas été pillé de ses bagages et de son uniforme. À cela, l’émir excusa qu’il n’allait pas bien. Une grande querelle s’ensuivit entre eux en présence du Sultan, et finalement les Mamalik importés projetèrent d’aller piller et brûler sa maison. On dit que certains des Mamalik le frappèrent et qu’il subit de grandes indignités de leur part. Finalement, il accepta d’accompagner les émirs dans l’expédition et le Sultan empêcha les Mamalik de piller sa maison.

 

Ce jour-là, le Sultan ordonna à l’ensemble des troupes de défiler pour inspection. De même, l’émir, qui avait été nommé gouverneur de Hamah au lieu de Jan Birdi al-Ghazali, quitta la ville avec une escorte militaire.

 

Ce jour-là aussi, l’émir Arzamaq Nashif, l’un des principaux émirs, quitta également la ville. Il forma une procession militaire régulière, et fut précédé par des chevaux conduits et deux tambours, et une bannière tenue au-dessus de sa tête. Les émirs quittèrent progressivement la ville pour se joindre aux combats contre Ibn ‘Othman.

 

Le dimanche 13, le Sultan passa en revue les troupes expéditionnaires dans le Maydan. Il parcourut la liste d’inscription une deuxième fois et n’en exempta qu’un petit nombre. Il inspecta également quatre casernes et y enregistra la plupart des Mamalik pour l’expédition.

Le même jour, le Sultan inspecta un véhicule en bois tiré par des bœufs et transportant des mousquetaires ; il y avait une trentaine ou plus de ces véhicules. Il inspecta également des chameaux portant un accommodement pour que les mousquetaires tirent sur leur dos, également des boucliers en bois comme protection contre les flèches. Donc, les troupes ce jour-là se sentaient de bon cœur pour le combat. Le Sultan déclara qu’il allait en personne prendre part à la bataille contre Ibn ‘Othman, et il exhorta le reste des émirs à partir en toute hâte pour la mêlée. Mais il ne leur donna pas d’argent, disant qu’ils devaient sortir et se battre pour eux-mêmes, leurs enfants et leurs femmes. « Il n’y a plus rien, dit-il, dans le Trésor ; Je suis l’un de vous ; si vous sortez, je vais avec vous ; et si vous restez assis, je reste assis avec vous ; Je n’ai pas d’argent à vous donner. »

 

Le mardi 15, le Sultan inspecta le reste des troupes dans le Maydan, et ordonna aux émirs avec toutes les troupes qui restaient encore de partir immédiatement sous peine de désobéissance. L’armée expéditionnaire partit donc au milieu de l’hiver et subit de grandes difficultés en conséquence. Ce jour-là, Tani Bey Najmi, l’un des principaux émirs, partit, ayant le cortège de guerre reconnu.

 

Jeudi 17, l’émir Ilmas, Wali du Caire, quitta aussi la ville.

Ce jour-là également un étranger, un fabricant de saucisses, fut arrêté. Il avait attrapé un gros chien noir, l’avait tué et en avait fait des saucisses. Lors de son arrestation, il fut emmené devant l’émir Mamay, l’inspecteur des marchés, qui le fit battre à coups de bâton et exposé publiquement au Caire, le chien pendu autour de son cou. Après l’avoir emmené dans la ville, il fut emprisonné à Makshara. Les Francs commettaient constamment des actes atroces de cette nature.

 

Le lundi 21, certains des Mamalik royaux en route vers Matariyyah virent un groupe venir vers eux en provenance de Birkah al-Hajj. Ces personnes interrogées déclarèrent qu’elles étaient des émissaires du Sultan Salim Shah Ibn ‘Othman et étaient au nombre d’une quinzaine. L’émissaire en chef était un vieil homme à la barbe blanche, vêtu de velours. En leur compagnie, il y avait aussi un homme égyptien, ‘Abd al-Barr Ibn Mahasin, qui avait été secrétaire au Trésor de l’Atabek Soudoun al-‘Ajmi.

Lorsque ce dernier fut tué et qu’Ibn ‘Othman prit Alep et Damas, le secrétaire fut conquis par l’influence de Younous al-‘Adili et as-Samarkandi. Quand Ibn ‘Othman envoya ces émissaires, ils n’osèrent pas venir par Gaza, car le gouverneur de Damas, Jan Birdi al-Ghazali, était à proximité assiégeant une force d’Ibn’ Othman qui se trouvait à Gaza. Ils soudoyèrent donc certains bédouins avec une somme substantielle pour les emmener par la route du Sultan. Cela les amena par le désert à Ajroud, et avant que les gens ne sachent leur arrivée, ils étaient au centre de la ville. Les Mamalik, en les rencontrant, arrêtèrent le principal émissaire et son groupe, y compris Mahasin et les trois bédouins avec eux. Pendant ce temps, ils furent approchés par trois Grecs de Khan al-Khalili, qui les saluèrent et embrassèrent leurs mains. Les Mamalik les arrêtèrent aussitôt, leur demandèrent comment ils savaient que les émissaires arrivaient ce jour-là et ils déclarèrent qu’ils étaient des espions d’Ibn ‘Othman. Après les avoir battus, ils les amenèrent dans la maison de l’émir ‘Allan, le grand Dawadar ou ils ordonnèrent à l’émissaire de descendre de cheval et de saluer le Dawadar. Il refusa de le faire et utilisa un langage violent contre eux.

 

Il tira alors son épée et se jeta sur les gens du Dawadar qui voyant cela, ordonna aux Mamalik de le contraindre à descendre, qui le firent descendre et lui prirent son épée. Ils tombèrent alors sur lui et ses compagnons turcs, les battirent, les dépouillèrent et les enchainèrent, après les avoir soumis à des insultes scandaleuses.

Lorsque le Sultan entendit parler de cela, il convoqua l’émir Moghoul Bey Dawadar Sikkin, qu’al-Ghawri avait envoyé à Ibn ‘Othman et qui avait subi d’abominables insultes de la part de ce dernier. Il donna l’ordre de descendre et de soumettre l’émissaire d’Ibn ‘Othman au même traitement.

Il emmena ses camarades et se rendit avec eux chez l’émir ‘Allan, en vue de les soumettre à des insultes ou de les tuer. Mais l’émir ‘Allan n’accepta pas cela. Puis ils emmenèrent ‘Abd al-Barr Ibn Mahasin au Sultan, en présence duquel il évoqua les mérites et la grandeur d’Ibn Othman. Il signala en outre que les troupes d’Ibn ‘Othman comptaient plus de soixante mille hommes ; que la Khoutbah était livrée en son nom de Bagdad à Damas, et que sa monnaie était courante de Bagdad à Damas. Aussi qu’à son entrée en Syrie, il entreprit de construire un mur avec des tours de Qaboun à l’extrémité de Damas, sécurisant la ville par des portes dans les murs ; qu’il était animé d’un grand enthousiasme et se vantait de ne revenir en arrière qu’après avoir conquis l’Égypte et y avoir tué tous les Mamalik. Il raconta comment Ibn ‘Othman restait en isolement un jour à la fois, tandis que ses soldats tuaient les habitants et commettaient des atrocités. Il rapporta également qu’ils ne jeûnaient pas pendant le Ramadan, buvaient du vin et du bouzah et fumaient du haschich.

Ibn ‘Othman non plus ne conduisait pas les prières du vendredi, sauf occasionnellement ; ces horribles histoires avaient circulé à son sujet, indépendamment d’Ibn Mahasin, par des témoins oculaires des agissements de ses troupes à Alep et à Damas. Après ce long récit des actions d’Ibn ‘Othman, le Sultan déclara dans un accès de colère : « Tu es un espion d’Ibn ‘Othman et tu es venu ici pour obtenir des renseignements pour lui. Il ordonna ensuite l’emprisonnement d’Ibn Mahasin dans la tour de la citadelle, où il resta quelques jours, après quoi il fut libéré par l’intercession de l’Atabek Soudoun, le Dawadar.

(Je vous rappelle que ces nouvelles sont pour la plupart colportées sans aucune preuve à l’appuis et anti-ottomane)

 

Le cœur des soldats se serra à ce récit. Puis le Sultan ordonna la pendaison de deux des bédouins, qui avaient guidé les émissaires sur leur route inconnue. Selon la rumeur, un groupe d’une quarantaine d’hommes d’Ibn Othman était venu avec eux et s’était caché au Caire.

En apprenant cela, le Sultan donna des instructions à Khan al-Khalili selon lesquelles personne ne devait héberger aucun des hommes d’Ibn ‘Othman, sous peine d’être pendu immédiatement.

Puis le Sultan fit venir les lettres apportées par les émissaires, auxquels il n’avait pas accordé d’entretien. Parmi eux se trouvaient un certain nombre adressés aux émirs, aux responsables exécutifs et aux notables égyptiens. Il apparut après la lecture des lettres par le Sultan qu’elles étaient pour la plupart exprimées en turc, l’objet de ces lettres étant le suivant : « De Sa Majesté à l’émir Touman Bey. Il m’a été révélé que je deviendrai le possesseur de l’est et de l’ouest, comme Alexandre le Grand. Une grande partie de la lettre était composée de menaces et d’un langage violent, comme par exemple : « Tu es un Mamelouk, qui est acheté et vendu, et inapte à gouverner.

Je suis un roi, descendant de vingt générations de rois, et j’ai pris possession du pays en accord avec le calife et les juges. Après de nombreuses expressions similaires, la lettre continuait : « Si tu souhaites échapper à un traitement violent, laisse une émission de monnaie être frappée en notre nom en Égypte, et que la Khoutbah soit également délivrée en notre nom ; et deviens notre gouverneur de Gaza à l’Egypte, tandis que nous gouvernerons de la Syrie à l’Euphrate. Mais si tu ne nous obéis pas, alors j’entrerai en Égypte, et je tuerai tous les Circassiens là-bas. » Il fit une si grande démonstration de grandeur et de puissance que peut-être Allah l’abandonnera à cause de sa présomption excessive.

 

Quand cette lettre fut lue au Sultan, il pleura et fut terrifié. Les Mamalik importés avaient convenu que si l’émissaire s’approchait de la citadelle, ils tomberaient sur lui avec leurs épées, mais il ne se montra pas. Le contenu de la communication d’Ibn ‘Othman devint rapidement connu du peuple et conduisit à une grande confusion. Tout le monde était aux aguets pour Ibn ‘Othman, disant : « Tout comme ses émissaires sont venus à nous alors que nous ne les attendions pas, il peut tomber sur nous de manière inattendue. » Les gens commencèrent à se barricader dans les environs de la ville, où ils pourraient se cacher si Ibn ‘Othman entrait au Caire. D’autres décidèrent d’emmener leurs familles en Haute-Égypte, si sa marche était confirmée. Une histoire circula que Khayr Bey, gouverneur d’Alep, qui s’était rebellé et s’était soumis à Ibn ‘Othman, avait écrit à certains des principaux émirs pour les exhorter à présenter leur soumission à Ibn ‘Othman, vantant ses vertus, le traitement juste de ses sujets et leur assurant que s’il venait en Égypte, ils pourraient tous conserver leurs postes et leurs salaires. Tout cela n’était que supercherie et tromperie pour faciliter l’entrée d’Ibn ‘Othman en Égypte.

 

Puis le Sultan proclama que la prochaine émission de paie aurait lieu le mercredi 23 ; il s’assit sur l’estrade de sa cour et les troupes montèrent pour la recevoir. Chaque Mamelouk eut trente dinars et trois mois de salaire, soit vingt dinars ; mais ils les jetèrent devant lui et dirent : « Nous ne commencerons pas tant que nous n’aurons pas reçu cent dinars ; de plus, nous n’avons ni chevaux, ni vêtements, ni équipement, ni armes et ils quittèrent la citadelle en colère. Le Sultan, extrêmement mécontent, quitta l’estrade, et dit « qu’il ne pourrait pas payer cent dinars chaque Mamelouk car les caisses de l’état étaient vides ; que s’ils n’étaient pas satisfaits, ils pourraient élire celui qu’ils choisiraient pour Sultan, et il se rendrait à La Mecque ou ailleurs. Il y eut donc des troubles ce jour-là. Il fut rapporté que certains Mamalik dirent au Sultan lui-même : « Si tu es Sultan, suit la coutume des anciens Sultans ; si tu démissionnes, que la malédiction d’Allah soit sur toi et un autre te succédera. »

Le Sultan dit aux troupes : « Vous avez reçu trente dinars du Sultan al-Ghawri, puis vous ne vous êtes pas battu, mais vous l’avez abandonné et l’a laissé à sa mort. » Les troupes partirent en colère et certains dirent qu’ils se disputèrent entre eux.

Le même jour, le Sultan ordonna à tous les émirs de rang de se lever tôt le lendemain pour une dernière parade ; la réunion fut ensuite dissoute.