Lundi 14, le Dawadar donna l’ordre de pendre un bédouin criminel à la Qantarah al-Hajib. Les affaires de l’Égypte étaient extrêmement bien dirigées par les Dawadar pendant l’absence du Sultan. Il ordonna à l’émir Ilmas, gouverneur du Caire, de patrouiller dans les rues de la ville chaque nuit après la tombée de la nuit, et une centaine de Mamalik importés furent détachés dans le but de patrouiller à tour de rôle avec les wali jusqu’à l’aube. Ainsi le bon ordre fut maintenu pendant l’absence du Sultan, contrairement à l’expérience habituelle.

Le Dawadar reprocha constamment à Ilmas le wali de forcer les gens à entretenir les routes et c’était une pratique des plus tyranniques. Il s’arrangea avec la police et les gardiens pour prélever des contributions sur les citoyens pour la réparation des routes, et ils avaient l’habitude de collecter une somme considérable de cette manière. Les gardiens s’arrêtaient chez un certain homme et exigeaient l’argent qu’ils jugeaient bon, et si le propriétaire s’enfuyait, ils clouaient la porte et liaient ses enfants et sa famille à l’intérieur jusqu’à ce qu’il vienne leur payer ce qu’ils demandaient. Ils attachèrent une femme veuve dans sa maison et la laissèrent sans nourriture ni boisson jusqu’à qu’elle leur jeta par la fenêtre une couverture, un matelas ou un tapis, ou quelque chose du genre. Ils avaient l’habitude de prélever sur les pauvres le paiement d’un ashrafi ou deux, et de ceux qui étaient dans de bonnes conditions dans certains cas, cinq, dans d’autres dix, ashrafis à leur guise. C’est ce qu’ils firent dans le Khatt al-Maks, Khatt Bab al-Bahr, le Marché du lait, al-Houssayniyah, le Marché Bran, Khatt Birkah ar-Ratli et d’autres endroits ; ils exercèrent ainsi une tyrannie dépassant celle des Ouniates, sous prétexte que la construction des routes était pour le bien des Mohammadiens. Beaucoup d’argent fut amassé mais peu dépensé. Si Bey décida donc qu’une collection devait être faite de Sayyidah Nafissah jusqu’à la fin du Marché d’Ibn Touloun sur toutes les propriétés et tous les magasins de cette localité. On supposa qu’ils construiraient un mur pour empêcher une attaque surprise des Bédouins. Mais tout cela était une astuce pour obtenir l’argent du peuple. Ils commencèrent donc à dresser des listes de propriétés et de magasins dans le quartier de Touloun et Karafah.

 

Lorsque le Dawadar apprit qu’Ilmas commettait ces actes d’oppression en son nom, il jura vivement qu’il n’en avait pas eu connaissance, et mit un terme à ces actes effroyables, gagnant ainsi les remerciements de tout le monde.

Puis les Mamalik à l’emploi du chambellan tentèrent de déclencher une tyrannie. Ils collectèrent beaucoup d’argent auprès des habitants de Birkah ar-Ratli afin de traverser la barre à l’embouchure du lac, dont la hauteur avait considérablement augmenté, à tel point qu’elle empêchait le passage des navires dans le lac. Lorsque le Dawadar en eut vent, il mit également un terme à cela et ordonna que l’entrée soit complètement bloquée pour empêcher les navires d’entrer.

Le samedi 19, le Dawadar revint de Fayoum ou il avait inspecté le remblai que l’émir Bakhsh Bey avait construit. Pendant l’absence du Sultan, les Dawadar toujours en Egypte partaient tous les jours accompagnés des émirs vers Matariyyah et Birkah al-Hajj avant de revenir par la Porte Nasr, précédés de très nombreux émirs et soldats. Cela fut fait volontairement pour empêcher les bédouins et les paysans de penser que l’Égypte était privée de troupes ; ce qui en soit était une idée bien conçue.

 

Puis vint la nouvelle de l’arrivée du Sultan à Alep, où il était entré le jeudi 10 Joumadah al-Akhira, jour considéré comme un jour férié.

Le Sultan fut précédé par le calife, les quatre juges et d’autres émirs comme dans sa procession syrienne. Le baldaquin, de l’ombrelle royale, était porté au-dessus de sa tête par Khayr Bey, le chef des émirs et vice-roi d’Alep, comme l’avait fait Si Bey, le gouverneur de Damas.

 

Dès que le Sultan entra à Alep, des émissaires arrivèrent de Salim Shah Ibn ‘Othman, l’Empereur de Constantinople. On dit qu’il envoya son juge militaire, une personne nommée Rouqn ad-Din, et un de ses émirs appelé Kharaja Basha avec 700 personnes à charge à Alep, et j’ai l’autorisation écrite que le Sultan en voyant le Kadi d’Ibn ‘Othman et Kharaja Basha les invectiva pour l’action d’Ibn ‘Othman à son égard, plus spécialement pour sa prise de possession des dominions de ‘Ali Dolat. En réponse, le Kadi et Kharaja Basha déclarèrent que leur maître les avait chargé de négocier la paix et qu’ils avaient reçu l’ordre de se conformer aux souhaits du Sultan sans autre référence à lui.

 

Ensuite, le qadi d’Ibn ‘Othman montra des avis juridiques des savants de leur pays, qui avaient déclaré la mort de Shah Isma’il comme justifiée par la Shari’ah. De plus, Ibn ‘Othman écrivit au Sultan en ce sens : « Tu es mon Père et je te demande de prier pour moi, mais ne te mets pas entre moi et le soufi. »

Ibn ‘Othman écrivit également que rien ne pouvait l’empêcher d’effacer Isma’il Shah de la surface de la terre, « mais ne le fait pas, » a-t-il dit, « cela empêche la paix entre toi et moi. »

 

Ibn ‘Othman aurait envoyé de nombreux cadeaux à al-Ghawri, également au calife et l’émir Soudoun al-‘Ajmi. Le Sultan envoya également de magnifiques cadeaux à l’émir Kabir et après cela, le Sultan délégua l’émir Moghoul Bey Dawadar Sikkin pour se rendre chez Ibn ‘Othman avec une lettre contenant les conditions de la paix.

Il a été rapporté que le Sultan, lors de son entrée à Alep, avait donné instruction au Qadi Kamal ad-Din Tawil de prononcer une khoutbah dans la grande mosquée d’Alep. Une grande congrégation se rassembla. Le Qadi monta en chaire et prêcha un sermon éloquent, citant des traditions sacrées en faveur de la paix.

Les Muezzins appelèrent également des mosquées, et des parties du Qur’an du Sultan furent psalmodiées. Les prédicateurs prononcèrent des sermons, et cela fut observé comme un grand jour dans leur mosquée.

Le Sultan n’assista pas et ni ne fut présent aux prières du vendredi, comme il l’avait été à Damas, ce dont il était responsable. Le Qadi Kamal ad-Din prêcha dans la grande mosquée pendant le séjour du Sultan à Alep.

 

Puis le Sultan fit venir Qasim Bey de Hamah et lui conféra une robe d’honneur. Après que cette nouvelle soit parvenue à Alep, Salim Shah Ibn ‘Othman arrêta l’émissaire du Sultan, l’émir Moghoul Bey, l’un des Dawadar, et l’emprisonna. Le Sultan avait envoyé l’émir Qourt Bey, l’un des principaux émirs, qui avait été gouverneur du Caire, à Ibn ‘Othman avec des cadeaux d’une valeur d’environ 10000 dinars. Il conféra également aux Qadi militaires d’Ibn ‘Othman et son ministre Kharaja Basha une somptueuse robe d’honneur et leur donna la permission de rentrer dans leur propre pays. Ce fut une erreur évidente de jugement de la part du Sultan al-Ghawri que de renvoyer les émissaires d’Ibn ‘Othman avant le retour de Moghoul Bey avec des nouvelles fiables d’Ibn ‘Othman.

Qourt Bey apprit à son arrivée à ‘Ayntab qu’Ibn ‘Othman avait refusé la paix, avait arrêté Moghoul Bey et l’avait mis aux fers. En apprenant cela, Qourt Bey retourna à Alep et informa le Sultan de ce que Salim Shah Ibn ‘Othman avait fait à l’émir Moghoul Bey. Il signala également l’arrivée de l’avant-garde de l’armée d’Ibn ‘Othman à ‘Ayntab, et de leur capture des forteresses de Malatiyah, Bahisna, Qarkar et autres.

L’annonce de cette mauvaise nouvelle de Qourt Bey perturba le Sultan, le peuple et toute l’armée.

 

Le gouverneur et les émirs d’Alep partirent également avec leurs troupes comprenant 5000 fantassins et s’arrêtèrent à une journée de marche de la ville. Vinrent ensuite le chef émir Si Bey, l’adjoint de Damas, Tamraz, le député de Tripoli, Tara Bey, l’adjoint de Safad et les députés de Homs et de Gaza. Leur départ d’Alep eut lieu le 17 du mois Rajab.

 

Une rumeur courut selon laquelle Ibn ‘Othman avançait dans une direction et Ibn Souwar dans une autre. Ensuite, le Sultan donna l’ordre à l’armée de marcher d’Alep et d’occuper Jilan, afin d’engager le rebelle Ibn ‘Othman, disant que lui-même et les émirs suivraient sous peu pour prendre part à la bataille, et que la question serait conformément à la volonté d’Allah.

 

Le Sultan publia un édit impérial au Dawadar contenant des instructions quant à ses sujets. Les Mamalik importés dans les quartiers ne devaient pas molester les gens ni déranger les commerçants. Le Dawadar devait enquêter sur les cas de tous ceux qui se trouvaient dans les prisons, des deux sexes, et libérer les débiteurs et autres, en fait tous sauf ceux emprisonnés pour une infraction capitale.

 

Il envoya également des ordres que si la route vers le Hijaz était libre de bédouins, le pèlerinage à La Mecque devait commencer du Caire, mais que si la route était dangereuse, il n’y aurait pas de pèlerinage cette année-là. Les Mamalik importés devaient se voir interdire de quitter leurs quartiers et d’entrer dans la ville, et quiconque maltraiterait le peuple devait être sommairement traité et pendu. Ces ordres leur furent lus à la citadelle en présence de Takt Bey, l’émir gouverneur.

Le Sultan envoya ses salutations à tous les émirs et les troupes.

 

Le dimanche 3, le Dawadar inspecta les prisonniers en détention et les femmes en état d’arrestation. Il libéra un certain nombre de débiteurs, remboursant lui-même leurs créanciers. Il libéra également un certain nombre de voleurs et ordonna qu’un certain nombre de prisonniers accusés de meurtre soient exécutés et ordonna la détention de certains autres en prison jusqu’au retour du Sultan. Le Dawadar donna également des cadeaux substantiels aux pauvres. Il ordonna que la Khatmah soit lue dans toutes les mosquées du Caire et que des prières soient offertes pour la victoire du Sultan.

 

Le lundi 4, il conféra une robe d’honneur à Youssouf al-Badri et le rétablit à la position qu’il occupait auparavant au Vizirat pour la quatrième fois. Le même jour, des ordres furent émis pour le départ du Hajj vers La Mecque comme d’habitude. Selon la rumeur, il n’y aurait pas de pèlerinage cette année.

 

Un grand nombre de ceux qui étaient avec le Sultan moururent de maladie et à Gaza, Damas et Alep, de nombreux émirs, des membres de la Cour, des serviteurs et d’autres décédèrent de maladies contractées en marche. La confirmation de ces rapports fut reçue au cours de ce mois et la nouvelle que le Sultan, une fois à Alep, promut de nombreux émirs au commandement de mille hommes.

 

Le samedi 16, arriva la nouvelle de la grande catastrophe qui accabla tout le pays. Après une longue absence de nouvelles du Sultan et de son armée, une lettre fut apportée par un messager de l’émir ‘Allan Soub-Dawadar, l’un des principaux émirs, disant que le Sultan croyait et ne croyait pas tour à tour en Salim Shah Ibn’ Othman, jusqu’à ce que finalement Moghoul Bey, Dawadar Sikkin, se trouva dans une situation difficile et ait été privé de ses chevaux, bagages et vêtements.

Il apporta la nouvelle qu’Ibn ‘Othman avait refusé de faire la paix et lui avait dit : « Dit à ton maître qu’il peut nous rencontrer à Marj Dabiq. » Il rapporta également qu’Ibn ‘Othman l’avait mis au fer, avait voulu lui raser la barbe et l’avait envoyé à la pendaison à trois reprises, mais que certains de ses ministres avaient intercédé pour lui. Lorsque le Sultan entendit cela, il réalisa la gravité de la querelle entre lui et Ibn ‘Othman. On dit que le Sultan donna alors à Moghoul Bey mille dinars, des chevaux et des vêtements à hauteur de ses pertes.

 

Entre autres nouvelles du Sultan, il a été communément rapporté par les gens qu’il fit les prières de midi, puis monta, et quitta Alep Maydan le mardi 20 Rajab, accompagné par l’émir des croyants al-Moutawakkil ‘ala Allah, et les quatre juges. Les députés de Damas, d’Alep et un certain nombre d’autres députés l’avaient déjà précédé avec l’avant-garde, accompagnés de tambours, de fifres et d’artilleurs, de sorte qu’Alep résonna de bruit et d’excitation.

 

Après son départ d’Alep, le Sultan se rendit à Haylan ou il s’arrêta puis le 21 au matin, il quitta Jilan et se rendit à Marj Dabiq, et y resta jusqu’au 25. Ce dernier fut un jour de malchance constante. Il fut soudainement surpris par la présence d’un corps de troupes de Shah Salim Ibn ‘Othman. Le Sultan fit les prières matinales, monta et se rendit à Zaghzaghin et Tall al-Far, où se trouvait la tombe présumée du Prophète Daoud (‘aleyhi salam).

Il enfourcha sa monture, vêtu d’un turban léger et d’un manteau, portant une hache sur son épaule et inspecta l’armée en personne ; dans l’aile droite se trouvait l’émir des croyants, également vêtu d’un turban léger et d’un manteau, portant une hache sur l’épaule comme le Sultan, et la bannière du calife au-dessus de sa tête. Autour du Sultan, portés à la tête d’un corps de nobles, quarante exemplaires du Qur’an dans des étuis de soie jaune et l’un d’entre eux était la copie de l’Imam ‘Othman Ibn ‘Affan (radhiyallahou ‘anhou). Il y avait également autour de lui un corps de derviches, parmi lesquels se trouvaient le successeur de Sayyid Ahmad al-Badawi, le fondateur de la secte soufie, accompagné de banderoles. Il y avait aussi les chefs de la secte des Qadariyyah avec leurs banderoles vertes, le successeur de Sayyidi Ahmed ar-Rifa’i avec ses banderoles, et le Sheikh ‘Afif ad-Din, employé dans la mosquée de Sayyidah Nafissah avec des banderoles noires. Aux côtés du calife se trouvait le jeune Qasim Bey Ibn Ahmad Bey Ibn ‘Othman et selon certaines autorités, il avait au-dessus de sa tête un drapeau jaune, selon d’autres un drapeau de soie rouge. L’étendard royal suivait environ 20 mètres derrière le Sultan, et sous lui marchaient les chefs des Mamalik, Sounboul al-‘Othmani, les quatre juges, et l’émir Tamr az-Zardkash, l’un des principaux émirs. Sur le flanc droit des troupes se trouvaient l’émir Si Bey, le député de Damas, et sur le flanc gauche Khayr Bey, le député d’Alep.

Selon certaines autorités, le premier à s’être engagé dans la bataille fut l’Atabek Soudoun al-‘Ajmi, avec Malik al-Oumara Si Bey, le député de Damas, et les Mamalik Qaranisah. Ceux-ci, accompagnés d’un certain nombre de représentants, combattirent désespérément et mirent en fuite les troupes d’Ibn ‘Othman, infligeant de terribles pertes et capturant sept étendards, des canons et des mousquets.

 

Au début, l’armée d’Egypte sembla victorieuse cependant un rapport serait parvenu aux Mamalik Qaranisah selon lequel le Sultan avait ordonné aux Mamalik importés de ne pas entrer dans l’action mais de laisser les Qaranisah Mamalik se battre seuls, ce qui atténua leur ardeur. Pendant ce temps, l’Atabek Soudoun tomba, Malik al-Oumara Si Bey, le député de Damas et une grande partie du flanc droit fut vaincu. Cela fut suivi par la fuite de Khayr Bey, le député d’Alep, et la défaite du flanc gauche, l’émir Qansouh Ibn Sultan Chirkass fut fait prisonnier, et d’après certains tué. De plus, Khayr Bey aurait été secrètement lié avec Ibn ‘Othman contre al-Ghawri, un rapport qui fut confirmé plus tard. Il fut d’ailleurs le premier à s’enfuir devant toutes les troupes et proclamer la défaite. Toutefois, cette perte fut infligée aux troupes égyptiennes par la volonté d’Allah Exalté en exécution de Ses décrets.

 

Le Sultan se trouva alors sous le drapeau avec un petit corps de Mamalik, et commença à crier : « Il est maintenant temps de vous montrer des hommes et de montrer votre bravoure. Mais personne ne l’écouta, et ils commencèrent à le quitter, tandis qu’il disait aux savants d’implorer Allah pour la victoire. Cependant, aucune aide ou secours ne vint. Le cœur du Sultan devint un charbon brûlant inextinguible. La journée aussi était extrêmement chaude, et une telle poussière s’éleva entre les armées opposées qu’elles purent à peine se voir.

La colère d’Allah s’embrasa contre les troupes égyptiennes, leurs mains semblaient être enchaînées pour qu’elles ne puissent pas se battre et leur vue leur fit défaut.

Lorsque la confusion et la terreur augmenta, l’émir Tamr az-Zardkash craignit pour la sécurité de l’étendard du Sultan, il l’abaissa, le replia et le cacha. Puis il s’approcha du Sultan et lui dit : « Ô roi et maître, les troupes d’Ibn ‘Othman sont sur nous, sauve-toi et retourne à Alep. » Quand le Sultan comprit cela, une sorte de paralysie s’abattit sur lui, qui affecta un côté et fit tomber sa mâchoire. Il demanda de l’eau et on lui en apporta dans une coupe en or, dans laquelle il but un peu. Alors, dans l’intention de s’enfuir, il fit demi-tour, fit quelques pas, tomba de cheval, resta un moment debout et mourut sous le choc de sa défaite. On rapporta que sa vésicule biliaire éclata et que du sang rouge coula de sa gorge.

 

Lorsque sa mort fut connue, les troupes d’Ibn ‘Othman avancèrent contre les hommes qui entouraient le Sultan ; ils tuèrent l’émir Baybars, l’un des commandants, et un certain nombre de gardes du corps et de serviteurs du Sultan. Quant au Sultan, son corps ne fut pas retrouvé parmi les morts et on ne sut jamais ce qu’il devint ; ce fut comme si la terre l’engloutit sur-le-champ. Il y a là une leçon pour celui qui réfléchit.

 

Les troupes ottomanes piétinèrent ensuite les tentes d’al-Ghawri et renversèrent tous les biens et provisions empilés autour d’elles. La copie du Qur’an d’Othman fut perdue. Ils piétinèrent de même les drapeaux des savants et les bannières des émirs, et pillèrent tout ce qui appartenait aux troupes égyptiennes.

 

Ainsi le règne d’al-Ashraf al-Ghawri prit fin, en un clin d’œil, comme s’il ne l’avait jamais été. Louange à Celui dont le royaume ne faiblit jamais et qui ne change jamais ! Ainsi, lui et son royaume prirent fin ensemble ; le royaume d’Égypte et le Dominion de Syrie, sur lesquels il régna pendant quinze ans, neuf mois et vingt jours. La date de son accession fut le 1er Shawwal 906 et il mourut le 25 Rajab 922. Pendant cette période, ses sujets restèrent dans un état misérable.

Regardez avec émerveillement al-Ashraf al-Ghawri,

Qui, après que sa tyrannie atteignit son apogée au Caire,

Perdit son royaume en une heure,

Perdant ce monde et le monde à venir.

 

Cette bataille dura du lever du soleil jusqu’à l’après-midi et se termina comme Allah Exalté l’avait décrété. Les tués des deux côtés furent innombrables. Trois des principaux émirs furent tués, l’Atabek Soudoun al-‘Ajmi, Baybars, le parent du Sultan, et Aq Bey at-Tawil. Qansouh Ibn Sultan Chirkass fut fait prisonnier. Furent également tués : Si Bey, le député de Damas ; Tamraz, le député de Tripoli ; Tara Bey, l’adjoint de Safad ;  Aslan, l’adjoint de Homs ainsi qu’un grand nombre d’émirs de Damas, d’Alep et de Tripoli, un certain nombre d’émirs égyptiens, d’émirs de la Tablkhanah et de gardes.

 

Des troupes égyptiennes, les Qaranisah Mamalik souffrirent le plus contrairement aux Mamalik importés qui ne montrèrent aucun exploit d’équitation ni ne tirèrent les épées ou lances et auraient pu être des blocs de bois pour tout le bruit qu’ils firent.

Ce fut le moment de blanchir les cheveux d’un nouveau-né et de faire fondre le fer dans sa fureur. Marj Dabiq était parsemé de cadavres et les visages couverts de poussière devinrent. Des chevaux morts gisaient partout, des selles étaient éparpillées, des épées également incrustées d’or, des ensembles d’armure de cheval en acier incrustés d’or, des casques, des armures et des liasses de vêtements. Personne ne prêta attention à ces choses, car les deux armées s’occupaient de questions plus importantes.

Puis Ibn ‘Othman s’avança avec ses troupes et prit possession du camp du Sultan. Il s’assit dans la tente circulaire, prit l’armoire et les gobelets coûteux qui lui appartenaient, le coffre de l’armure, les armes, le coffre à billets et tous les objets de valeur, et chacun de ses émirs prit pour lui une tente de l’un des émirs d’al-Ghawri. Les troupes occupèrent les tentes des troupes égyptiennes, syriennes et d’Alep.

Aucun roi ottoman ne remporta jamais une telle victoire.

 

Aucun Sultan d’Égypte ne subit jamais un tel revers en un jour, ni n’est mort sous son étendard, ayant tous ses biens et équipements capturés par l’ennemi, à l’exception de Qansouh al-Ghawri.

Ainsi fut-il écrit dans les décrets divins. Ni le Sultan ni ses émirs ne dirigeaient le peuple avec justice et ils récoltèrent la récompense de leurs mauvaises actions et furent vaincus par Ibn ‘Othman. En vérité, il fut dit : « Où sont les rois qui opprimèrent le pays et dont Allah libéra le pays ? »

 

Puis le Sultan Ibn ‘Othman quitta Marj Dabiq et entra à Alep, qu’il prit sans opposition et s’arrêta sur le même Maydan qu’al-Ghawri avait précédemment occupé. C’est le récit complet de la bataille que nous avons reçue et de tout ce qui s’est passé entre al-Ghawri et Ibn ‘Othman.

 

Les émirs et les troupes après leur défaite se dirigèrent vers Alep, mais en essayant d’entrer dans cette ville, ils furent attaqués par les habitants, qui tuèrent un certain nombre de soldats, prenant leurs armes, leurs chevaux et équipements et mirent les mains sur les choses qu’ils avaient laissées dans la ville par sécurité. En fait, ils furent moins bien traités par les habitants d’Alep que par les soldats d’Ibn ‘Othman. Il y avait eu un mauvais ressentiment entre le peuple d’Alep et les Mamalik impériaux depuis qu’ils avaient devancé le Sultan du Caire à Alep, avec Qani Bey, Grand Maître de la Cavalerie. Ils avaient forcé l’entrée des maisons du peuple, abusant leurs femmes et leurs enfants ; les habitants d’Alep en avaient donc beaucoup souffert. A peine réalisèrent-ils que ces troupes étaient battues, qu’ils se mirent à se venger.

 

Quand les émirs et le reste des soldats virent cela, ils quittèrent précipitamment Alep et se dirigèrent vers Damas, qu’ils atteignirent dans la plus terrible situation, privés de vêtements et de chevaux. La plupart des soldats entrèrent à Damas, certains à dos d’âne, d’autres à dos de chameau ; beaucoup étaient presque nus, avec juste un manteau sur d’eux. Jamais auparavant un tel désastre ne frappa les troupes égyptiennes.

 

Les émirs, les officiers supérieurs et les soldats restèrent à Damas jusqu’à l’arrivée des survivants afin de savoir qui était mort et qui était encore en vie. On rapporta que les émirs à Damas, n’eurent aucune protection contre le soleil brûlant, jusqu’à ce que leurs serviteurs leur fassent des abris avec des branches d’arbres. Quant à Salim Shah Ibn ‘Othman, il installa ses quartiers dans le Maydan d’Alep. Puis l’émir al-Mou'minin al-Moutawakkil ‘ala Allah et les trois juges en chef, Kamal ad-Din at-Tawil, Mouhyi ad-Din ad-Damiri, Shihab ad-Din Foutouhi, des écoles Shafi’i, Maliki et Hanbali respectivement se rendirent chez lui. Le Qadi Mahmoud Ibn ash-Shihnah s’était enfui avec les troupes à Damas, après avoir été pillé de tous ses bagages et vêtements. Il arriva à Damas dans un état misérable.

On a rapporté que lorsque l’émir al-Mou'minin se présenta à Ibn ‘Othman dans le Maydan, ce dernier le traita avec respect et lui demanda de s’asseoir. Il demanda son origine et, après avoir été informé de Bagdad, il promit de le renvoyer là-bas. Lorsque le calife demanda l’autorisation de partir, le Sultan lui présenta une robe d’honneur de ses propres vêtements, lui remit une somme d’argent et l’envoya à Alep.

Il a été aussi rapporté que les trois juges maltraités furent sermonnés parce qu’ils avaient accepté des pots-de-vin pour leur administration de la loi sacrée et qu’ils avaient sollicité des postes par corruption ; qu’aucun d’entre eux ne donna un exemple de bonne conduite car ils n’empêchèrent pas leur Sultan d’opprimer le peuple mais acquiescèrent sans le condamné.

 

Toutes sortes d’histoires étranges furent racontées et considérées comme vraies. J’ai été informé par quelqu’un qui vit Salim Shah Ibn ‘Othman qu’il était un homme de taille carrée, à la poitrine large, d’un teint clair, large entre les yeux, avec un nez aquilin, une silhouette robuste, avec une moustache sans barbe, une grosse tête, portant un petit turban, plus petit que ceux portés par ses émirs. A son arrivée à Alep, les gens lui cédèrent la ville sans opposition. Qansouh al-Ashraf, le gouverneur de la Citadelle, s’enfuit avec les troupes à Damas, laissant les portes de la Citadelle ouvertes.

 

Quand cette nouvelle parvint à Ibn ‘Othman, il envoya un homme boiteux et imberbe, avec une massue en bois à la main, qui monta à la citadelle, y entra sans opposition, apposa des sceaux sur les magasins qui s’y trouvaient et prit possession de l’argent, des armes et autres objets de valeur. Ibn ‘Othman fit cela pour qu’on puisse dire qu’il avait pris la citadelle d’Alep au moyen d’un boiteux avec une massue en bois, et l’homme le plus faible de son armée. Quelqu’un a dit : « Fait attention à ne pas mépriser un ennemi faible, car une mouche peut faire saigner l’œil du lion. »