La conquête ottomane de l’Égypte

 

Extrait de Bada'i’ az-Zouhour fi Waqa'i’ ad-Douhour
Les admirables fleurs des événements du temps

Muhammad Ibn Ahmad Ibn Iyas

(Le point de vue Egyptien sur la Bataille de Marj Dabiq et autre)

 

Alors commença l’année 922 et le premier jour du mois de Mouharram fut un lundi. Le calife était à l’époque l’émir des croyants, al-Moutawakkil ‘ala Allah Muhammad Ibn Amir al-Mou’minin al-Moustamsik Billah Ya’qoub et le Sultan d’Egypte, al-Malik al-Ashraf Abou Nasr Qansouh al-Ghawri.

 

Des nouvelles furent reçues cette année des hostilités entre Shah Isma’il as-Soufi, dirigeant des deux Irak, et Salim Shah Ibn ‘Othman, Sultan de Constantinople. Les combats avaient apparemment commencé en 920 avec l’invasion du territoire de Salim Shah par Shah Isma’il as-Soufi. Lorsque la nouvelle parvint au Sultan d’Égypte, al-Ghawri, il jugea nécessaire d’envoyer une expédition à Alep et de l’accompagner lui-même, avec l’intention d’y rester pour observer les résultats de la guerre entre Shah Isma’il as-Soufi et Ibn ‘Othman, car il était d’avis que celui des deux vainqueurs envahirait immédiatement ses territoires égyptiens.

 

Mercredi et jeudi 20 et 21 du premier mois du printemps, le Sultan al-Ghawri paya le reste des troupes, et le samedi 23, le Sultan paya tous les Qaranisah et les Mamalik importés, et leur annonça que l’expédition partirait le 1er du mois suivant. Cela causa une certaine confusion parmi les troupes, et généralement dans tout Le Caire. Les chevaux et les mulets se firent rares, les Mamalik se mirent à piller les moulins, emportant leurs chevaux et leurs mules, ce qui fit fermer tous les moulins.

Aucun pain ni farine n’était disponible sur les marchés. Les gens affamés et affligés offrirent de nombreuses prières. Les marchés des tissus fermèrent également à cause des Mamalik. Les artisans et les tailleurs se cachèrent, et Le Caire fut livré à la confusion générale. De nombreux marchands se cachèrent de peur des Mamalik et de nombreux esclaves aussi, de peur d’être contraints de partir en expédition.

Ce fut peut-être le Jour du Jugement en Egypte, tout le monde s’exclama : « Ô Seigneur ! Sauve mon âme ! »

Les troupes blâmèrent le Sultan pour toute cette excitation qui n’agit pas comme les autres Sultans l’avaient fait quand ils partaient en expédition, et malgré tout, rien ne justifiait cette grande agitation. Les nouvelles qu’Ibn ‘Othman ou ses troupes avancées avaient atteint Alep n’était pas encore parvenue ni qu’il n’avait non plus envahi le territoire du Sultan. Ils blâmèrent également le Sultan d’avoir inspecté et payé l’ensemble des troupes en quatre jours car ils craignaient que cela ne soit rapporté dans les domaines d’Ibn ‘Othman et d’as-Soufi, et que les troupes soient considérées numériquement insignifiantes en conséquence. Ils se plaignirent qu’il n’y avait pas d’armée en Égypte et que la convoitise de l’ennemi serait excitée en entendant cela. Mais ce n’était pas correct, et tout cela montrait un mauvais état des choses.

 

Le calife n’avait jamais accompagné le Sultan dans une expédition en Syrie sans indemnité. Ses bagages et son équipement pour les expéditions étaient généralement supportés par le Sultan, qui lui accordait en général 500 dinars comme salaire pour ses partisans ; mais ce Sultan ne prêta aucune attention à quoi que ce soit de ce genre et se montra avare envers lui en ce qui concerne les allocations, de sorte que le calife fut durement traité.

 

Le Sultan inspecta ensuite les Qaranisah Mamalik, les vieillards et les invalides et les força à se passer d’indemnités. Ils s’élevaient à environ 500 Mamalik.

 

Le mardi 26, le Sultan descendit de la citadelle et se rendit à Ridaniyah, et montra aux Farrash comment installer la tente royale pendant l’expédition. Il organisa également les quartiers des émirs à Ridaniyah. Le même jour, le Sultan chargea son fils, le Grand Maître de la Cavalerie, de faire ses préparatifs pour partir avec lui. Au début, le Sultan lui ordonna d’attendre son arrivée à Bab al-Silsilah puis annula cela et lui ordonna de préparer ses bagages pour l’expédition.

 

Le dimanche 2 du mois de Rabi ‘al-Akhir, le Sultan distribua aux Mamalik importés des ensembles de vêtements de cheval en soie de couleur, des casques, des boucliers et des ensembles de brides, des étriers en acier, des armes, etc., provenant de l’arsenal. Les Mamalik se pressèrent autour de lui et commencèrent à se servir des beaux vêtements, insatisfaits de ce que le Sultan distribuait. Il ne réussit pas à les pacifier ce jour-là, et devinrent alors extrêmement insolents.

 

Le même jour, on rapporta  qu’une femme donna naissance à un garçon avec deux têtes, quatre bras et quatre jambes. Le Sultan fut étonné quand il le vit.

Parmi les faveurs de la Providence aux croyants, il y eut l’annulation de son ordre par le Sultan pour le départ des Bédouins, qu’il avait attribués aux provinces de Sharkieh et Gharbieh et de Haute Egypte car le Sultan avait décidé d’emporter avec lui dans l’expédition un corps de cavalerie arabe pour se déplacer devant les troupes en guerre. Il convoqua donc les Sheikhs arabes et leurs chefs et leur ordonna de fournir 500 hommes à cheval, soit environ 5000 hommes.

Ils parcoururent le pays en imposant à chaque petit village l’entretien de deux cavaliers à 100 dinars, et de quatre aux plus grands villages à 200 dinars. Quand les paysans des districts entendirent cela, ils quittèrent leurs villages et leurs récoltes et s’enfuirent, de sorte que certains villages devinrent déserts dans cette agitation.

 

Quand les émirs apprirent cela, ils allèrent voir le Sultan et se plaignirent de cela, et lui dirent : « Nous partons avec toi, et nos villages sont détruits. D’où allons-nous trouver de la nourriture et payer nos suivants ? » Le Sultan fut réduit à la honte et ordonna que ces actes cessent.

Il publia donc des édits impériaux aux surveillants et aux Sheikhs des Arabes annulant les ordres précédents et leur disant de rendre ce qui avait été pris aux paysans. Les édits impériaux atteignirent les villages, et sans eux toute l’Égypte aurait été dévastée et envahie par la famine. Dieu soit loué pour cette délivrance !

 

Le jeudi 6, le Sultan remit de l’argent au lieu de trois mois de rations aux soldats expéditionnaires, afin qu’ils puissent s’approvisionner amplement. Il ne donna rien à ceux qui restaient en Egypte, mais laissa aux cuisiniers le soin de subvenir à leurs besoins en son absence. Ce jour-là, le Sultan envoya ses tentes à Ridaniyah, et son expédition en Syrie devint une certitude. Il annonça aux troupes du Maydan que tout homme prêt, et n’ayant plus rien qui le retenait, devait partir devant le Sultan. Jusque-là, le Sultan n’hissa pas l’étendard qui allait devant l’armée quand ils prirent le champ pour la Syrie.

 

Le drapeau était hissé quarante jours avant le départ, mais le Sultan ne suivit pas les traces des anciens rois. Ce jeudi, le Sultan envoya 1000 dinars pour les frais de l’expédition à l’émir des croyants Muhammad al-Moutawakkil ‘ala Allah, par la main de Houssam ad-Din al-Alwahi, le gardien de Dahishah.

 

Vendredi 7, un important corps de Mamalik du Sultan partit pour la Syrie, selon les ordres donnés précédemment.

 

Un certain nombre de soldats quitta les casernes mais sans partir. Ce jour-là, le successeur de Sidi Ahmed al-Badawi comparut devant le Sultan en réponse à une convocation, qui lui dit de se préparer à partir avec lui pour Alep. Il prétendit qu’il était dans un état de santé faible et incapable de sortir. Cela vexa le Sultan, qui insista et affirma qu’il n’accepterait aucune excuse.

 

Le dimanche 9, ‘Ajmi ash-Shenkji, le messier du Sultan, qui s’était rendu avec les éléphants chez les gouverneurs de Damas et d’Alep, arriva aux portes du palais ; il avait était absent depuis si longtemps qu’il avait été déclaré mort plus d’une fois. Il semble que le Sultan l’envoya en mission secrète à Shah Isma’il as-Soufi ; c’est du moins ce qui fut généralement rapporté.

 

Le mardi 10 Rabi ‘al-Akhir, le cortège militaire du Sultan reçut l’ordre de quitter le Maydan avant le lever du soleil et prit la route de Roumaylah par Hadarat al-Bakar et Salibah.

Il se composait de quinze dromadaires dirigés avec des noumnah brodés d’or ; trois cents chevaux, dont cent avaient des caparaçons d’acier ciselées d’or et certains du velours de différentes couleurs ; trois chevaux avec des noumnah brodés d’or et des selles incrustées d’or et trois paires de chevaux avec des selles et des tambours de bédouins. Il y avait aussi dans la cavalcade vingt-quatre litières avec des couvertures de soie jaune brillant, et deux litières de velours sur des mulets également recouverts de soie jaune, six caisses à trésors avec les mêmes tentures ; cinq chevaux bien dressés, dont deux portaient des étoffes de cheval, des étriers dorés, des selles de cristal et de mosaïques d’or, et des tambours de cristal et d’or ; deux juments avec des étoffes de cheval brodées d’or, des mors dorés et des selles, cette dernière avec des tentures d’or ornées de croissants d’or au lieu d’oiseaux.

À cheval avec le cortège, un certain nombre d’émirs portant des turbans de mousseline et des serviteurs eunuques également montés. Il y avait un certain nombre de fonctionnaires, les princes et d’autres hauts fonctionnaires. Puis vinrent l’étendard royal, les cymbales et les pavillons du Sultan et du Calife.

 

Le cortège du Sultan sorti par la Porte de Roumaylah, les troupes furent rassemblées et un vaste cortège de personnes pour le voir. Mais quand la procession passa, les gens furent insatisfaits car il n’y avait pas assez de chevaux, et celui qui avait vu la procession d’al-Ashraf Bars Bey quand il se rendit à Amad, dit qu’il avait 400 chevaux magnifiquement caparaçonnés avec une armure de cheval, du velours coloré et de l’acier. Certains autres préférèrent la procession de Yashbak, le Dawadar quand il marcha contre Shah Souwar, à celle du Sultan, en donnant la préférence au premier. Il sortit par la Porte du Vizir et entra par la Porte de Zawilah et traversa Le Caire. Cela fut observé comme un grand jour et tout Le Caire fut en émoi.

 

La procession se déroula jusqu’à ce qu’elle émerge à Bab an-Nasr, et se dirigea vers le camp royal de Ridaniyah. Ce jour-là, les bagages de l’Amir al-Mou'minin al-Moutawakkil ‘ala Allah sortirent précédés par deux tambours et fifres et un trompettiste.

 

Le Sultan monté tenant une hache dans la main se rendit de la Porte de Maydan à as-Sowwah. On dit que de coutume des anciens Sultans partaient pour la Syrie lorsque le soleil était sous le signe du Bélier, au début du printemps, pendant la saison humide. Mais al-Ghawri partit quand la chaleur était extrême et le soleil sous le signe du Cancer. Les troupes subirent donc de grandes difficultés pendant le voyage.

Ce n’était pas non plus l’ancienne coutume que le Sultan devait traverser le Caire en sortant, mais qu’il devait sortir par Souwwah et traverser le Caire à son retour mais ce Sultan suivit sa propre ligne en tout.

 

Jeudi 13, il fut rapporté qu’un des Mamalik importés du Sultan nommé Janam al-Ifranji (le Franc), un dépensier rapace qui était parti avec le premier détachement des Mamalik royaux avant le départ du Sultan, saisit tout ce sur quoi il put mettre la main et agressa les gens sur son chemin. Lorsque le Sultan entendit cela, il donna l’ordre à la police de l’arrêter et de le pendre sur-le-champ sans jugement. On dit qu’ils l’arrêtèrent et le pendirent à un arbre à Bilbeis dans son uniforme, portant son épée, son arc et son carquois. Ils mirent ses serviteurs dans des fers et les amenèrent à Maksharah.

 

Le vendredi 14, le Sultan descendit de la citadelle, se rendit à Karafah et visita les tombes des Imam ash-Shafi’i et al-Leyth, avec son fils, le Grand Maître de la Cavalerie. On dit que le Sultan dépensa une somme considérable en charité ce jour-là. Les bagages du Sultan et ceux des émirs partirent pour Ridaniyah.

 

Samedi 15, le Sultan et Malik al-Ashraf Abou an-Nasr Qansouh al-Ghawri partirent pour la Syrie et Alep.

Il y avait longtemps que les gens n’avaient pas vu un Sultan partir de cette manière pour ces pays, jamais depuis qu’al-Ashraf Bars Bey al-‘Ala’i était parti pour Amad, en 836, environ 87 ans plus tôt.

 

Au lever du soleil de ce même jour, les troupes des émirs, formant l’escorte personnelle du Sultan, se déplacèrent dans l’ordre suivant :

Le corps commandé par l’émir Qourt Bey, l’un des principaux émirs et ancien gouverneur du Caire.

Le corps commandé par l’émir Aq Bey at-Tawil, second maitre de la cavalerie, un des membres de la cour.

Le garde du corps sous l’émir Tani Bey, le trésorier.

Le garde du corps sous l’émir Abraq al-Ashrafi, un des membres de la cour.

Le garde du corps sous l’émir ‘Allan Ibn Karajah et Dawadar, l’un des juges.

Le corps sous l’émir Baybars, un parent du Sultan.

Le corps sous l’émir Jan Balat, connu sous le nom de Mouwattir.

Le corps sous l’émir Qansouh Qourt.

Le corps sous l’émir Tamr al-Hassani, connu sous le nom de Zardkash.

Le corps sous l’émir Qansouh Ibn Sultan Chirkas.

Le corps sous l’émir Anas Bey Ibn Mustafa, chef chambellan.

Le corps sous l’émir Soudoun Dawadari, chef du corps des gardes.

Le corps sous le fils du Sultan, an-Nassir Muhammad, grand écuyer.

Le corps sous l’émir Arkmas Ibn Tara Bey émir Majlis, qui avait été nommé émir Silah.

Le corps sous l’atabek Soudoun Ibn Jani Bey, connu sous le nom d’al-‘Ajmi. Son corps était remarquable par sa splendeur et son bon ordre.

 

Quand le dernier de ces corps fut passé, le Sultan lui-même sortit par la Porte de l’Écurie près des marches. Il était précédé du trompettiste royal, nommé Bourghashi. La cavalcade du Sultan était magnifique et fut rarement égalée en splendeur. A sa tête venaient trois éléphants, magnifiquement caparaçonnés, suivis par les troupes victorieuses en grande tenue, suivies des émirs qui étaient les chefs de garde, portant des bâtons pour retenir le peuple.

Après ceux-ci vinrent les émirs de la Tablkhanah et d’autres puis les fonctionnaires exécutifs.

 

Il y avait aussi présents dans cette cavalcade les distingués frères du Sharif Barakat, émir de la Mecque ; ceux-ci marchaient devant le chef des émirs. Puis vinrent tous les principaux émirs, parmi lesquels le fils du Sultan, son Altesse an-Nassir, Grand Maître de la Cavalerie, et à ses côtés se trouvait l’Atabek Soudoun al-‘Ajmi. Puis suivirent les quatre juges des écoles Shafi’i, Hanafi, Maliki et Hanbali. Puis vint le calife, portant le turban de Bagdad avec deux rubans, et un manteau Ba’labek avec des broderies en soie noire. Il ne fit pas tenir le drapeau du calife au-dessus de lui réduisant de nombreuses coutumes observées par d’anciens califes qui étaient ses parents.

Puis vinrent les chevaux conduits par le Sultan. Un corps de chefs de la garde suivait à pied avec des haches. Puis vinrent les bagages et les cartons, les étuis à vêtements et le porte-encens à pied avec l’encensoir devant lui, suivis du Sultan al-Malik al-Ashraf Qansouh al-Ghawri, précédé par le calife.

 

Ainsi, le Sultan s’avança avec le drapeau royal au-dessus de lui, immédiatement derrière lui se trouvait le chef Mamelouk Sounboul al-‘Othmani. Il était accompagné des armuriers en uniforme et d’un grand nombre de sa suite et de ses jimadars. Il entra au Caire par la Porte Zawilah et traversa les rues. Tout le Caire trembla de sa présence ce jour-là, les habitants de la ville le saluèrent par des prières pour son bien-être et les femmes l’acclamèrent des fenêtres. Le Sultan marcha dans cette cavalcade jusqu’à ce qu’elle sorte par la Porte Bab an-Nasr.

 

Le dimanche 16, le Sultan fit proclamer au Caire que l’armée marcherait le vendredi 21, que chaque soldat expéditionnaire devait être présent ce jour-là et qu’aucune excuse d’aucune sorte d’absence ne serait acceptée. Lorsque le Sultan s’établit dans le camp, il nomma un certain nombre de députés des juges en chef pour l’accompagner dans l’expédition. Il avait aussi avec lui un grand nombre de constructeurs, de charpentiers et de forgerons, comme il était d’usage, et le chef Sheikh avec ses troupes, ses drapeaux et ses tambours. Il ouvrit la cavalcade du Sultan à son entrée à Damas, conformément à l’ancienne coutume des expéditions.

 

Les 18, 19 et 21, un certain nombre d’émirs partirent avec leurs Mamalik, au nombre de 944 hommes. Les Mamalik Qaranisah, les Mamalik importés et ceux nés dans le pays étaient au nombre de cinq mille.

 

Il fut rapporté et Allah est plus Savant qu’environ deux mille Mamalik Qaranisah, avec des incapables, des Sheikhs, des Mamalik importés et certains nés dans le pays, restèrent au Caire, dans les casernes et dans la citadelle.

 

Alors que le Sultan était dans le camp de Ridaniyah, une lettre arriva du gouverneur d’Alep, lui disant qu’Ibn ‘Othman avait envoyé un messager avec une lettre, qu’il transmettait au Sultan par le même messager. Exprimée en termes agréables, le sens était le suivant :

Après avoir appelé le Sultan son père et offert des prières pour son bien-être, Ibn ‘Othman affirma qu’il n’avait empiété sur les domaines de ‘Ali Doulat qu’avec la permission du Sultan et qu’il s’était rebellé contre lui. C’est lui qui avait attisé l’ancienne hostilité entre son père et le Sultan Qout Bey (Qaytbay), qui avait conduit à ce qui s’était passé et qui avait causé le plus grand tort au pays du Sultan, de sorte que sa mort était entièrement justifiée. Quant à Ibn Souwar, qui avait succédé à ‘Ali Doulat, si le Sultan jugeait bon de le conserver ou de le remplacer, la question lui appartenait entièrement. Quant aux marchands importateurs de Mamalik circassiens, Ibn ‘Othman déclara ne pas s’être opposé à eux, mais se plaignit de leur traitement en ce qui concerne leur paiement en or et en argent et avoir refusé de faire venir les Mamalik. Il ajouta qu’il était prêt à rendre au Sultan les domaines qu’il avait pris à ‘Ali Doulat et qu’il ferait tout ce que le Sultan voudrait.

Sur ce, le Sultan convoqua les principaux émirs et leur lut la lettre d’Ibn ‘Othman, dont le contenu leur plut beaucoup et au Sultan et suscita dans leur esprit le sentiment que la paix et un retour rapide chez eux étaient à portée de main.

 

Le lendemain arriva au Caire l’émir Inal Bay, Dawadar Sikkin, qui s’était rendu à Alep pour obtenir des nouvelles d’Ibn ‘Othman. A son arrivée, il découvrit que le Sultan avait déjà commencé l’expédition et avait quitté Le Caire. Il rapporta que le messager d’Ibn ‘Othman était arrivé à Alep, qu’il désirait la paix et avait envoyé de nombreux cadeaux à Inal Bey.

 

Le samedi 22, le Sultan quitta le camp royal de Ridaniyah, accompagné du calife, des quatre juges, de son fils, an-Nassir, Grand Maître de la Cavalerie, et Aq Bey at-Tawil, Grand Écuyer.

Il accomplit les prières matinales et parti pour Khankah Siriakous après être resté sept jours dans le camp. Il fit halte un jour et une nuit dans le monastère de Siriakus et partit le dimanche 23. Lundi 24, une troisième tranche de salaire fut versée aux troupes restées en Egypte.

 

Lundi 24, émir Nawrouz, Tajir al-Mamalik, l’un des émirs de la Tablkhanah décéda. Il était à l’origine un des Mamalik d’Ashraf Qout Bey. Il était devenu très gros et lourd, et était si gros qu’il pouvait à peine bouger, et resta dans cet état jusqu’à sa mort.

 

Ce même jour, le ciel devint noir de nuages, il y eut du tonnerre, des éclairs et des torrents de pluie. La pluie dura pendant trois jours d’affilée et ce fut considéré comme un prodige.

Cela fut suivi par des vents violents et le ciel devint assez jaune au coucher du soleil. Les gens en tirèrent des mauvais présages. Le même jour, le Sultan apprit que lorsqu’il avait quitté le monastère, un homme avait été trouvé dans sa tente, que l’on croyait être un assassin, envoyé par ‘Alam ad-Din, le barbier du Sultan, qui avait encouru son mécontentement. Les ennemis d’Alam ad-Din déclarèrent qu’il avait envoyé ce fanatique tuer le garçon nommé ‘Abd ar-Razzaq, devenu barbier du Sultan au lieu d’Alam al-Din.

L’homme, considéré comme un fanatique, fut arrêté et amené devant le Sultan, qui tenta de le faire avouer, mais il nia et reçut l’ordre d’être pendu.

Puis le Sultan envoya un message à Ilmas, gouverneur du Caire, pour arrêter Alam ad-Din et ses parents, et pour le pendre à sa propre porte. Quand Alam ad-Din apprit cela, il s’enfuit de chez lui et se dissimula. Les Wali arrêtèrent un certain nombre des parents d’Alam al-Din et les mirent aux fers.

Certains ont rapporté qu’ils furent pendus à Maksharah ou emprisonnés jusqu’à ce que le Sultan revienne.

Une recherche soutenue fut faite pour la capture du barbier Alam al-Din, et il a été dit que le wali, après la fuite d’Alam ad-Din, envoya ses Mamalik, en tenue complète, à sa recherche mais sans succès.

 

Il a été rapporté qu’en l’absence du Sultan un des Mamalik importés voulut acheter du maïs d’un bateau au bord du fleuve mais ne put trouver de porteur. Trouvant l’un des paysans avec un âne et un sac, il essaya de les lui prendre. Cela conduisit à une querelle, au cours de laquelle le Mamelouk frappa le paysan d’un coup sévère à la tête qui fit couler son sang et que l’homme se jeta dans la rivière et se noya. Cela rassembla une foule autour du Mamelouk, qu’ils saisirent et emmenèrent chez le Dawadar, où il fut mis aux fers et envoyé au wali. Lorsque ses camarades entendirent parler de cela, ils allèrent chez le Dawadar qui s’était absenté pour le barrage d’al-Fayd qui était bloqué. Les Mamalik apprirent que le Dawadar avait remis le Mamelouk à Ilmas le wali. Sur ce, un grand nombre de Mamalik importés descendirent de leurs quartiers en vue de piller et de brûler la maison du wali et de libérer le Mamelouk. Le Dawadar, cependant, ne prit aucun acte suite à ce meurtre et plus rien ne fut entendu à ce sujet.

 

Le même jour arriva la nouvelle de l’arrivée du Sultan à Salahiyah mardi, le 25 Rabi’ al-Akhir, et il a été dit que, sur le point de partir, il donna la permission au calife et aux quatre juges d’aller de l’avant aussi loin que Gaza.

Puis vint la nouvelle de l’entrée du Sultan à Gaza le jeudi 4. On dit qu’il resta cinq jours, puis qu’il partit.

 

Le mardi 8 arriva la nouvelle de l’entrée du Sultan à Damas et qu’il avait été accueilli par l’émir Bars Bey, le gouverneur de la Syrie. Le Sultan entra avec une nombreuse cavalcade, précédé par le calife, les quatre juges, et le chef des émirs, les émirs de Tablkhanah, les principaux titulaires de fonctions, les fonctionnaires exécutifs, un corps solide de troupes, et bien d’autres. Il fut accueilli par les émirs et les troupes de Syrie. Il avait au-dessus de sa tête le parapluie en forme de dôme utilisé par les anciens rois. La ville de Damas était magnifiquement décorée en son honneur, et les trompettes de bonne nouvelle sonnaient pour lui dans la citadelle.

Le Sultan passa neuf jours à Mastabah à al-Qaboun.

 

Il a été dit que le Qadi Kamal ad-Din at-Tawil prêcha dans la mosquée des Bani Oumayyah deux vendredis, et que le Sultan n’assista pas aux prières du vendredi. Après cela, le Sultan partit pour Homs, puis de là se rendit à Hamah où il fut accueilli par le gouverneur Jan Birdi al-Ghazali.

 

On a rapporté que lundi soir, le 14 de ce mois, il y eut une terrible éclipse de lune et la terre fut complètement assombrie. L’éclipse dura plus de cinquante minutes ; l’orbe entier de la lune fut obscurci et le resta jusqu’au dernier tiers de la nuit.