La conquête ottomane de l’Égypte
Extrait de Bada'i’ az-Zouhour fi Waqa'i’ ad-Douhour
Les admirables fleurs des événements du temps
Muhammad Ibn Ahmad Ibn Iyas
(Le point de vue Egyptien sur la Bataille de Marj Dabiq et
autre)
Alors commença l’année 922 et le premier jour du mois de Mouharram
fut un lundi. Le calife était à l’époque l’émir des
croyants, al-Moutawakkil ‘ala Allah Muhammad Ibn Amir
al-Mou’minin al-Moustamsik Billah Ya’qoub et le Sultan
d’Egypte, al-Malik al-Ashraf Abou Nasr Qansouh
al-Ghawri.
Des nouvelles furent reçues cette année des hostilités entre
Shah Isma’il as-Soufi, dirigeant des deux Irak, et Salim
Shah Ibn ‘Othman, Sultan de Constantinople. Les combats
avaient apparemment commencé en 920 avec l’invasion du
territoire de Salim Shah par Shah Isma’il as-Soufi. Lorsque
la nouvelle parvint au Sultan d’Égypte, al-Ghawri, il jugea
nécessaire d’envoyer une expédition à Alep et de
l’accompagner lui-même, avec l’intention d’y rester pour
observer les résultats de la guerre entre Shah Isma’il
as-Soufi et Ibn ‘Othman, car il était d’avis que celui des
deux vainqueurs envahirait immédiatement ses territoires
égyptiens.
Mercredi et jeudi 20 et 21 du premier mois du printemps, le
Sultan al-Ghawri paya le reste des troupes, et le samedi 23,
le Sultan paya tous les Qaranisah et les Mamalik importés,
et leur annonça que l’expédition partirait le 1er du mois
suivant. Cela causa une certaine confusion parmi les
troupes, et généralement dans tout Le Caire. Les chevaux et
les mulets se firent rares, les Mamalik se mirent à piller
les moulins, emportant leurs chevaux et leurs mules, ce qui
fit fermer tous les moulins.
Aucun pain ni farine n’était disponible sur les marchés. Les
gens affamés et affligés offrirent de nombreuses prières.
Les marchés des tissus fermèrent également à cause des
Mamalik. Les artisans et les tailleurs se cachèrent, et Le
Caire fut livré à la confusion générale. De nombreux
marchands se cachèrent de peur des Mamalik et de nombreux
esclaves aussi, de peur d’être contraints de partir en
expédition.
Ce fut peut-être le Jour du Jugement en Egypte, tout le
monde s’exclama : « Ô Seigneur ! Sauve mon âme ! »
Les troupes blâmèrent le Sultan pour toute cette excitation
qui n’agit pas comme les autres Sultans l’avaient fait quand
ils partaient en expédition, et malgré tout, rien ne
justifiait cette grande agitation. Les nouvelles qu’Ibn
‘Othman ou ses troupes avancées avaient atteint Alep n’était
pas encore parvenue ni qu’il n’avait non plus envahi le
territoire du Sultan. Ils blâmèrent également le Sultan
d’avoir inspecté et payé l’ensemble des troupes en quatre
jours car ils craignaient que cela ne soit rapporté dans les
domaines d’Ibn ‘Othman et d’as-Soufi, et que les troupes
soient considérées numériquement insignifiantes en
conséquence. Ils se plaignirent qu’il n’y avait pas d’armée
en Égypte et que la convoitise de l’ennemi serait excitée en
entendant cela. Mais ce n’était pas correct, et tout cela
montrait un mauvais état des choses.
Le calife n’avait jamais accompagné le Sultan dans une
expédition en Syrie sans indemnité. Ses bagages et son
équipement pour les expéditions étaient généralement
supportés par le Sultan, qui lui accordait en général 500
dinars comme salaire pour ses partisans ; mais ce Sultan ne
prêta aucune attention à quoi que ce soit de ce genre et se
montra avare envers lui en ce qui concerne les allocations,
de sorte que le calife fut durement traité.
Le Sultan inspecta ensuite les Qaranisah Mamalik, les
vieillards et les invalides et les força à se passer
d’indemnités. Ils s’élevaient à environ 500 Mamalik.
Le mardi 26, le Sultan descendit de la citadelle et se
rendit à Ridaniyah, et montra aux Farrash comment installer
la tente royale pendant l’expédition. Il organisa également
les quartiers des émirs à Ridaniyah. Le même jour, le Sultan
chargea son fils, le Grand Maître de la Cavalerie, de faire
ses préparatifs pour partir avec lui. Au début, le Sultan
lui ordonna d’attendre son arrivée à Bab al-Silsilah puis
annula cela et lui ordonna de préparer ses bagages pour
l’expédition.
Le dimanche 2 du mois de Rabi ‘al-Akhir, le Sultan distribua
aux Mamalik importés des ensembles de vêtements de cheval en
soie de couleur, des casques, des boucliers et des ensembles
de brides, des étriers en acier, des armes, etc., provenant
de l’arsenal. Les Mamalik se pressèrent autour de lui et
commencèrent à se servir des beaux vêtements, insatisfaits
de ce que le Sultan distribuait. Il ne réussit pas à les
pacifier ce jour-là, et devinrent alors extrêmement
insolents.
Le même jour, on rapporta
qu’une femme donna naissance à un garçon avec deux
têtes, quatre bras et quatre jambes. Le Sultan fut étonné
quand il le vit.
Parmi les faveurs de la Providence aux croyants, il y eut
l’annulation de son ordre par le Sultan pour le départ des
Bédouins, qu’il avait attribués aux provinces de Sharkieh et
Gharbieh et de Haute Egypte car le Sultan avait décidé
d’emporter avec lui dans l’expédition un corps de cavalerie
arabe pour se déplacer devant les troupes en guerre. Il
convoqua donc les Sheikhs arabes et leurs chefs et leur
ordonna de fournir 500 hommes à cheval, soit environ 5000
hommes.
Ils parcoururent le pays en imposant à chaque petit village
l’entretien de deux cavaliers à 100 dinars, et de quatre aux
plus grands villages à 200 dinars. Quand les paysans des
districts entendirent cela, ils quittèrent leurs villages et
leurs récoltes et s’enfuirent, de sorte que certains
villages devinrent déserts dans cette agitation.
Quand les émirs apprirent cela, ils allèrent voir le Sultan
et se plaignirent de cela, et lui dirent : « Nous partons
avec toi, et nos villages sont détruits. D’où allons-nous
trouver de la nourriture et payer nos suivants ? » Le Sultan
fut réduit à la honte et ordonna que ces actes cessent.
Il publia donc des édits impériaux aux surveillants et aux
Sheikhs des Arabes annulant les ordres précédents et leur
disant de rendre ce qui avait été pris aux paysans. Les
édits impériaux atteignirent les villages, et sans eux toute
l’Égypte aurait été dévastée et envahie par la famine. Dieu
soit loué pour cette délivrance !
Le jeudi 6, le Sultan remit de l’argent au lieu de trois
mois de rations aux soldats expéditionnaires, afin qu’ils
puissent s’approvisionner amplement. Il ne donna rien à ceux
qui restaient en Egypte, mais laissa aux cuisiniers le soin
de subvenir à leurs besoins en son absence. Ce jour-là, le
Sultan envoya ses tentes à Ridaniyah, et son expédition en
Syrie devint une certitude. Il annonça aux troupes du Maydan
que tout homme prêt, et n’ayant plus rien qui le retenait,
devait partir devant le Sultan. Jusque-là, le Sultan n’hissa
pas l’étendard qui allait devant l’armée quand ils prirent
le champ pour la Syrie.
Le drapeau était hissé quarante jours avant le départ, mais
le Sultan ne suivit pas les traces des anciens rois. Ce
jeudi, le Sultan envoya 1000 dinars pour les frais de
l’expédition à l’émir des croyants Muhammad
al-Moutawakkil ‘ala Allah, par la main de Houssam
ad-Din al-Alwahi, le gardien de Dahishah.
Vendredi 7, un important corps de Mamalik du Sultan partit
pour la Syrie, selon les ordres donnés précédemment.
Un certain nombre de soldats quitta les casernes mais sans
partir. Ce jour-là, le successeur de Sidi Ahmed
al-Badawi comparut devant le Sultan en réponse à une
convocation, qui lui dit de se préparer à partir avec lui
pour Alep. Il prétendit qu’il était dans un état de santé
faible et incapable de sortir. Cela vexa le Sultan, qui
insista et affirma qu’il n’accepterait aucune excuse.
Le dimanche 9, ‘Ajmi ash-Shenkji, le messier du Sultan, qui
s’était rendu avec les éléphants chez les gouverneurs de
Damas et d’Alep, arriva aux portes du palais ; il avait
était absent depuis si longtemps qu’il avait été déclaré
mort plus d’une fois. Il semble que le Sultan l’envoya en
mission secrète à Shah Isma’il as-Soufi ; c’est du moins ce
qui fut généralement rapporté.
Le mardi 10 Rabi ‘al-Akhir, le cortège militaire du Sultan
reçut l’ordre de quitter le Maydan avant le lever du soleil
et prit la route de Roumaylah par Hadarat al-Bakar et
Salibah.
Il se composait de quinze dromadaires dirigés avec des
noumnah brodés d’or ; trois cents chevaux, dont cent avaient
des caparaçons d’acier ciselées d’or et certains du velours
de différentes couleurs ; trois chevaux avec des noumnah
brodés d’or et des selles incrustées d’or et trois paires de
chevaux avec des selles et des tambours de bédouins. Il y
avait aussi dans la cavalcade vingt-quatre litières avec des
couvertures de soie jaune brillant, et deux litières de
velours sur des mulets également recouverts de soie jaune,
six caisses à trésors avec les mêmes tentures ; cinq chevaux
bien dressés, dont deux portaient des étoffes de cheval, des
étriers dorés, des selles de cristal et de mosaïques d’or,
et des tambours de cristal et d’or ; deux juments avec des
étoffes de cheval brodées d’or, des mors dorés et des
selles, cette dernière avec des tentures d’or ornées de
croissants d’or au lieu d’oiseaux.
À cheval avec le cortège, un certain nombre d’émirs portant
des turbans de mousseline et des serviteurs eunuques
également montés. Il y avait un certain nombre de
fonctionnaires, les princes et d’autres hauts
fonctionnaires. Puis vinrent l’étendard royal, les cymbales
et les pavillons du Sultan et du Calife.
Le cortège du Sultan sorti par la Porte de Roumaylah, les
troupes furent rassemblées et un vaste cortège de personnes
pour le voir. Mais quand la procession passa, les gens
furent insatisfaits car il n’y avait pas assez de chevaux,
et celui qui avait vu la procession d’al-Ashraf Bars Bey
quand il se rendit à Amad, dit qu’il avait 400 chevaux
magnifiquement caparaçonnés avec une armure de cheval, du
velours coloré et de l’acier. Certains autres préférèrent la
procession de Yashbak, le Dawadar quand il marcha contre
Shah Souwar, à celle du Sultan, en donnant la préférence au
premier. Il sortit par la Porte du Vizir et entra par la
Porte de Zawilah et traversa Le Caire. Cela fut observé
comme un grand jour et tout Le Caire fut en émoi.
La procession se déroula jusqu’à ce qu’elle émerge à Bab
an-Nasr, et se dirigea vers le camp royal de Ridaniyah. Ce
jour-là, les bagages de l’Amir al-Mou'minin al-Moutawakkil
‘ala Allah sortirent précédés par deux tambours et fifres et
un trompettiste.
Le Sultan monté tenant une hache dans la main se rendit de
la Porte de Maydan à as-Sowwah. On dit que de coutume
des anciens Sultans partaient pour la Syrie lorsque le
soleil était sous le signe du Bélier, au début du printemps,
pendant la saison humide. Mais al-Ghawri partit quand la
chaleur était extrême et le soleil sous le signe du Cancer.
Les troupes subirent donc de grandes difficultés pendant le
voyage.
Ce n’était pas non plus l’ancienne coutume que le Sultan
devait traverser le Caire en sortant, mais qu’il devait
sortir par Souwwah et traverser le Caire à son retour
mais ce Sultan suivit sa propre ligne en tout.
Jeudi 13, il fut rapporté qu’un des Mamalik importés du
Sultan nommé Janam al-Ifranji (le Franc), un dépensier
rapace qui était parti avec le premier détachement des
Mamalik royaux avant le départ du Sultan, saisit tout ce sur
quoi il put mettre la main et agressa les gens sur son
chemin. Lorsque le Sultan entendit cela, il donna l’ordre à
la police de l’arrêter et de le pendre sur-le-champ sans
jugement. On dit qu’ils l’arrêtèrent et le pendirent à un
arbre à Bilbeis dans son uniforme, portant son épée, son arc
et son carquois. Ils mirent ses serviteurs dans des fers et
les amenèrent à Maksharah.
Le vendredi 14, le Sultan descendit de la citadelle, se
rendit à Karafah et visita les tombes des Imam ash-Shafi’i
et al-Leyth, avec son fils, le Grand Maître de la Cavalerie.
On dit que le Sultan dépensa une somme considérable en
charité ce jour-là. Les bagages du Sultan et ceux des émirs
partirent pour Ridaniyah.
Samedi 15, le Sultan et Malik al-Ashraf Abou an-Nasr Qansouh
al-Ghawri partirent pour la Syrie et Alep.
Il y avait longtemps que les gens n’avaient pas vu un Sultan
partir de cette manière pour ces pays, jamais depuis
qu’al-Ashraf Bars Bey al-‘Ala’i était parti pour Amad, en
836, environ 87 ans plus tôt.
Au lever du soleil de ce même jour, les troupes des émirs,
formant l’escorte personnelle du Sultan, se déplacèrent dans
l’ordre suivant :
Le corps commandé par l’émir Qourt Bey, l’un des principaux
émirs et ancien gouverneur du Caire.
Le corps commandé par l’émir Aq Bey at-Tawil, second maitre
de la cavalerie, un des membres de la cour.
Le garde du corps sous l’émir Tani Bey, le trésorier.
Le garde du corps sous l’émir Abraq al-Ashrafi, un des
membres de la cour.
Le garde du corps sous l’émir ‘Allan Ibn Karajah et Dawadar,
l’un des juges.
Le corps sous l’émir Baybars, un parent du Sultan.
Le corps sous l’émir Jan Balat, connu sous le nom de
Mouwattir.
Le corps sous l’émir Qansouh Qourt.
Le corps sous l’émir Tamr al-Hassani, connu sous le
nom de Zardkash.
Le corps sous l’émir Qansouh Ibn Sultan Chirkas.
Le corps sous l’émir Anas Bey Ibn Mustafa, chef chambellan.
Le corps sous l’émir Soudoun Dawadari, chef du corps des
gardes.
Le corps sous le fils du Sultan, an-Nassir Muhammad,
grand écuyer.
Le corps sous l’émir Arkmas Ibn Tara Bey émir Majlis, qui
avait été nommé émir Silah.
Le corps sous l’atabek Soudoun Ibn Jani Bey, connu sous le
nom d’al-‘Ajmi. Son corps était remarquable par sa splendeur
et son bon ordre.
Quand le dernier de ces corps fut passé, le Sultan lui-même
sortit par la Porte de l’Écurie près des marches. Il était
précédé du trompettiste royal, nommé Bourghashi. La
cavalcade du Sultan était magnifique et fut rarement égalée
en splendeur. A sa tête venaient trois éléphants,
magnifiquement caparaçonnés, suivis par les troupes
victorieuses en grande tenue, suivies des émirs qui étaient
les chefs de garde, portant des bâtons pour retenir le
peuple.
Après ceux-ci vinrent les émirs de la Tablkhanah et d’autres
puis les fonctionnaires exécutifs.
Il y avait aussi présents dans cette cavalcade les
distingués frères du Sharif Barakat, émir de la Mecque ;
ceux-ci marchaient devant le chef des émirs. Puis vinrent
tous les principaux émirs, parmi lesquels le fils du Sultan,
son Altesse an-Nassir, Grand Maître de la Cavalerie, et à
ses côtés se trouvait l’Atabek Soudoun al-‘Ajmi. Puis
suivirent les quatre juges des écoles Shafi’i, Hanafi,
Maliki et Hanbali. Puis vint le calife, portant le
turban de Bagdad avec deux rubans, et un manteau Ba’labek
avec des broderies en soie noire. Il ne fit pas tenir le
drapeau du calife au-dessus de lui réduisant de nombreuses
coutumes observées par d’anciens califes qui étaient ses
parents.
Puis vinrent les chevaux conduits par le Sultan. Un corps de
chefs de la garde suivait à pied avec des haches. Puis
vinrent les bagages et les cartons, les étuis à vêtements et
le porte-encens à pied avec l’encensoir devant lui, suivis
du Sultan al-Malik al-Ashraf Qansouh al-Ghawri, précédé par
le calife.
Ainsi, le Sultan s’avança avec le drapeau royal au-dessus de
lui, immédiatement derrière lui se trouvait le chef Mamelouk
Sounboul al-‘Othmani. Il était accompagné des armuriers en
uniforme et d’un grand nombre de sa suite et de ses
jimadars. Il entra au Caire par la Porte Zawilah et traversa
les rues. Tout le Caire trembla de sa présence ce jour-là,
les habitants de la ville le saluèrent par des prières pour
son bien-être et les femmes l’acclamèrent des fenêtres. Le
Sultan marcha dans cette cavalcade jusqu’à ce qu’elle sorte
par la Porte Bab an-Nasr.
Le dimanche 16, le Sultan fit proclamer au Caire que l’armée
marcherait le vendredi 21, que chaque soldat expéditionnaire
devait être présent ce jour-là et qu’aucune excuse d’aucune
sorte d’absence ne serait acceptée. Lorsque le Sultan
s’établit dans le camp, il nomma un certain nombre de
députés des juges en chef pour l’accompagner dans
l’expédition. Il avait aussi avec lui un grand nombre de
constructeurs, de charpentiers et de forgerons, comme il
était d’usage, et le chef Sheikh avec ses troupes, ses
drapeaux et ses tambours. Il ouvrit la cavalcade du Sultan à
son entrée à Damas, conformément à l’ancienne coutume des
expéditions.
Les 18, 19 et 21, un certain nombre d’émirs partirent avec
leurs Mamalik, au nombre de 944 hommes. Les Mamalik
Qaranisah, les Mamalik importés et ceux nés dans le pays
étaient au nombre de cinq mille.
Il fut rapporté et Allah est plus Savant qu’environ deux
mille Mamalik Qaranisah, avec des incapables, des Sheikhs,
des Mamalik importés et certains nés dans le pays, restèrent
au Caire, dans les casernes et dans la citadelle.
Alors que le Sultan était dans le camp de Ridaniyah, une
lettre arriva du gouverneur d’Alep, lui disant qu’Ibn
‘Othman avait envoyé un messager avec une lettre, qu’il
transmettait au Sultan par le même messager. Exprimée en
termes agréables, le sens était le suivant :
Après avoir appelé le Sultan son père et offert des prières
pour son bien-être, Ibn ‘Othman affirma qu’il n’avait
empiété sur les domaines de ‘Ali Doulat qu’avec la
permission du Sultan et qu’il s’était rebellé contre lui.
C’est lui qui avait attisé l’ancienne hostilité entre son
père et le Sultan Qout Bey (Qaytbay), qui avait conduit à ce
qui s’était passé et qui avait causé le plus grand tort au
pays du Sultan, de sorte que sa mort était entièrement
justifiée. Quant à Ibn Souwar, qui avait succédé à ‘Ali
Doulat, si le Sultan jugeait bon de le conserver ou de le
remplacer, la question lui appartenait entièrement. Quant
aux marchands importateurs de Mamalik circassiens, Ibn
‘Othman déclara ne pas s’être opposé à eux, mais se plaignit
de leur traitement en ce qui concerne leur paiement en or et
en argent et avoir refusé de faire venir les Mamalik. Il
ajouta qu’il était prêt à rendre au Sultan les domaines
qu’il avait pris à ‘Ali Doulat et qu’il ferait tout ce que
le Sultan voudrait.
Sur ce, le Sultan convoqua les principaux émirs et leur lut
la lettre d’Ibn ‘Othman, dont le contenu leur plut beaucoup
et au Sultan et suscita dans leur esprit le sentiment que la
paix et un retour rapide chez eux étaient à portée de main.
Le lendemain arriva au Caire l’émir Inal Bay, Dawadar
Sikkin, qui s’était rendu à Alep pour obtenir des nouvelles
d’Ibn ‘Othman. A son arrivée, il découvrit que le Sultan
avait déjà commencé l’expédition et avait quitté Le Caire.
Il rapporta que le messager d’Ibn ‘Othman était arrivé à
Alep, qu’il désirait la paix et avait envoyé de nombreux
cadeaux à Inal Bey.
Le samedi 22, le Sultan quitta le camp royal de Ridaniyah,
accompagné du calife, des quatre juges, de son fils,
an-Nassir, Grand Maître de la Cavalerie, et Aq Bey at-Tawil,
Grand Écuyer.
Il accomplit les prières matinales et parti pour Khankah
Siriakous après être resté sept jours dans le camp. Il fit
halte un jour et une nuit dans le monastère de Siriakus et
partit le dimanche 23. Lundi 24, une troisième tranche de
salaire fut versée aux troupes restées en Egypte.
Lundi 24, émir Nawrouz, Tajir al-Mamalik, l’un des émirs de
la Tablkhanah décéda. Il était à l’origine un des Mamalik
d’Ashraf Qout Bey. Il était devenu très gros et lourd, et
était si gros qu’il pouvait à peine bouger, et resta dans
cet état jusqu’à sa mort.
Ce même jour, le ciel devint noir de nuages, il y eut du
tonnerre, des éclairs et des torrents de pluie. La pluie
dura pendant trois jours d’affilée et ce fut considéré comme
un prodige.
Cela fut suivi par des vents violents et le ciel devint
assez jaune au coucher du soleil. Les gens en tirèrent des
mauvais présages. Le même jour, le Sultan apprit que
lorsqu’il avait quitté le monastère, un homme avait été
trouvé dans sa tente, que l’on croyait être un assassin,
envoyé par ‘Alam ad-Din, le barbier du Sultan, qui avait
encouru son mécontentement. Les ennemis d’Alam ad-Din
déclarèrent qu’il avait envoyé ce fanatique tuer le garçon
nommé ‘Abd ar-Razzaq, devenu barbier du Sultan au lieu
d’Alam al-Din.
L’homme, considéré comme un fanatique, fut arrêté et amené
devant le Sultan, qui tenta de le faire avouer, mais il nia
et reçut l’ordre d’être pendu.
Puis le Sultan envoya un message à Ilmas, gouverneur du
Caire, pour arrêter Alam ad-Din et ses parents, et pour le
pendre à sa propre porte. Quand Alam ad-Din apprit cela, il
s’enfuit de chez lui et se dissimula. Les Wali arrêtèrent un
certain nombre des parents d’Alam al-Din et les mirent aux
fers.
Certains ont rapporté qu’ils furent pendus à Maksharah ou
emprisonnés jusqu’à ce que le Sultan revienne.
Une recherche soutenue fut faite pour la capture du barbier
Alam al-Din, et il a été dit que le wali, après la fuite
d’Alam ad-Din, envoya ses Mamalik, en tenue complète, à sa
recherche mais sans succès.
Il a été rapporté qu’en l’absence du Sultan un des Mamalik
importés voulut acheter du maïs d’un bateau au bord du
fleuve mais ne put trouver de porteur. Trouvant l’un des
paysans avec un âne et un sac, il essaya de les lui prendre.
Cela conduisit à une querelle, au cours de laquelle le
Mamelouk frappa le paysan d’un coup sévère à la tête qui fit
couler son sang et que l’homme se jeta dans la rivière et se
noya. Cela rassembla une foule autour du Mamelouk, qu’ils
saisirent et emmenèrent chez le Dawadar, où il fut mis aux
fers et envoyé au wali. Lorsque ses camarades entendirent
parler de cela, ils allèrent chez le Dawadar qui s’était
absenté pour le barrage d’al-Fayd qui était bloqué. Les
Mamalik apprirent que le Dawadar avait remis le Mamelouk à
Ilmas le wali. Sur ce, un grand nombre de Mamalik importés
descendirent de leurs quartiers en vue de piller et de
brûler la maison du wali et de libérer le Mamelouk. Le
Dawadar, cependant, ne prit aucun acte suite à ce meurtre et
plus rien ne fut entendu à ce sujet.
Le même jour arriva la nouvelle de l’arrivée du Sultan à
Salahiyah mardi, le 25 Rabi’ al-Akhir, et il a été dit que,
sur le point de partir, il donna la permission au calife et
aux quatre juges d’aller de l’avant aussi loin que Gaza.
Puis vint la nouvelle de l’entrée du Sultan à Gaza le jeudi
4. On dit qu’il resta cinq jours, puis qu’il partit.
Le mardi 8 arriva la nouvelle de l’entrée du Sultan à Damas
et qu’il avait été accueilli par l’émir Bars Bey, le
gouverneur de la Syrie. Le Sultan entra avec une nombreuse
cavalcade, précédé par le calife, les quatre juges, et le
chef des émirs, les émirs de Tablkhanah, les principaux
titulaires de fonctions, les fonctionnaires exécutifs, un
corps solide de troupes, et bien d’autres. Il fut accueilli
par les émirs et les troupes de Syrie. Il avait au-dessus de
sa tête le parapluie en forme de dôme utilisé par les
anciens rois. La ville de Damas était magnifiquement décorée
en son honneur, et les trompettes de bonne nouvelle
sonnaient pour lui dans la citadelle.
Le Sultan passa neuf jours à Mastabah à al-Qaboun.
Il a été dit que le Qadi Kamal ad-Din at-Tawil prêcha dans
la mosquée des Bani Oumayyah deux vendredis, et que le
Sultan n’assista pas aux prières du vendredi. Après cela, le
Sultan partit pour Homs, puis de là se rendit à Hamah
où il fut accueilli par le gouverneur Jan Birdi al-Ghazali.
On a rapporté que lundi soir, le 14 de ce mois, il y eut une
terrible éclipse de lune et la terre fut complètement
assombrie. L’éclipse dura plus de cinquante minutes ; l’orbe
entier de la lune fut obscurci et le resta jusqu’au dernier
tiers de la nuit. |