Règne : 918 - 926 (1512-1520) 

 

Titres honorifiques et pseudonymes : Yavouz (le courageux, pour son grand courage et ses prouesses martiales).

Nom du Père : Bayazid II.

Nom de la Mère : ‘Ayshah Khatoun.

Lieu et date de naissance : Amasya, 14 Rabi’ ath-Thani 875 (10 octobre 1470).

Âge à l’accession au trône : 42 ans.

Territoires : 6.557.000 km2.

Cause et date de décès : Cancer, 8 Shawwal 926 (21 septembre 1520).

Lieu de décès et de sépulture : Qorlou. Sa tombe se trouve près de la Mosquée de Yavouz Salim à Istanbul.

Héritier : Souleyman (le Magnifique).

Héritières : Sultan Khadija, Sultan Fatima, Sultan Hafsa, et Sultan Shah.

 

Avant son ascension sur le trône, Shehzade Salim, l’un des plus jeunes fils de Bayazid II, était le gouverneur de Trabzon, qui était assez loin d’Istanbul. Ses campagnes réussies contre les Géorgiens et Safavides le distinguèrent de ses frères. Voyant que son père n’avait pas pris les mesures nécessaires pour faire face à la menace safavide, Yavouz se retourna contre lui et rivalisa avec lui, ce qui lui valut le respect et le soutien des janissaires et, éventuellement, le trône.

 

L’objectif principal du Sultan Salim I était de maintenir l’unité dans le monde turc et musulman. Il passa des accords de paix avec les puissances européennes et dirigea toutes ses forces vers l’orient durant ses premières années de règne. Pour consolider ses objectifs, il fit dessiner une carte du monde par les géographes, comme l’avait fait son grand-père Sultan Muhammad al-Fatih, qui avait localisé sur la carte les lieux à conquérir.

 

En réponse à la menace Safavide en Anatolie, le Sultan Salim I ferma d’abord les portes de la frontière ottomane à l’État Safavide. Avec cet acte, il perturba les relations commerciales safavides avec l’Anatolie. Le fait que le Safavide Shah Ismaël se soit allié aux Mamelouks et Venise contre les Ottomans aggrava encore les relations entre les deux régimes. Finalement, l’armée ottomane quitta Istanbul pour une marche contre la perse shiite (safavide).

 

Le Sultan Salim I prédit qu’une révolte était probable et que l’armée pourrait être exposée à de graves dangers en cours de route. C’est ainsi qu’il installa une troupe de réserve de quarante mille soldats entre Sivas et Kayseri. Les soldats devinrent épuisés et se plaignirent que la campagne prendrait trop de temps et que le ravitaillement ne durerait pas ; les janissaires tentèrent même de provoquer une mutinerie à un moment donné. Le Sultan réagit sévèrement contre tous et punit Ahmed Dukakinzade Bacha, qui avait secrètement soutenu les janissaires dans leurs tentatives de se rebeller, et mena des pourparlers clandestins avec les Dulkadirides. En conséquence, les janissaires ne purent rien faire d’autre que de continuer à lui obéir. En fait, Salim I fut l’un des Sultans les plus compétents de l’histoire ottomane pour ce qui est de commander l’armée.

 

L’armée ottomane affronta les Safavides dans les Prairies de Qaldiran (Chaldiran) et infligea une lourde défaite à l’armée des Safavides en 1514. Alors que Shah Ismaël s’échappa du champ de bataille, laissant tous ses biens derrière lui, les vainqueurs ottomans défilèrent dans la capitale safavide de Tabriz. Bien que la campagne n’ait pas abouti à la conquête de la Perse shiite, le Sultan Salim le Brave élimina la menace safavide visant l’Anatolie. Le flanc oriental de l’Anatolie était maintenant sûr et dégagé. Conscient du mécontentement de ses soldats, le Sultan renonça à son projet plus général d’atteindre le Turkestan et retourna à l’ouest, passant l’hiver à Amasya. Après cette victoire décisive contre les Safavides, les stations de la Route de la Soie entre Tabriz-Alep et Tabriz-Bursa passèrent sous contrôle ottoman.

 

Le Sultan Salim I rattacha les Dulkadirides aux Ottomans à la suite de la bataille de Turnadag, que l’armée ottomane livra le printemps suivant, après l’expédition en Perse ; de ce fait, les Ottomans arrivèrent à la frontière des Mamelouks. Les relations ottomanes-mamelouks étaient chancelantes depuis le règne du Sultan Muhammad II al-Fatih. Mais après que le dirigeant mamelouk Qansouh al-Ghawri se soit allié aux Safavides contre les Ottomans au moment de l’annexion de la principauté des Dulkadirides par les Ottomans, la guerre devint une possibilité. Le Sharif de La Mecque, chargé de protéger la Terre Sainte et d’assurer la sécurité des pèlerins, proposa à Qansouh al-Ghawri de demander l’aide de Salim le Brave, le Sultan de la plus puissante force de l’Islam, pour défendre le monde arabe des attaques portugaises dans la mer Rouge. Qansouh al-Ghawri fut en profond désaccord avec cette proposition ; cependant, les Arabes fondèrent leurs espoirs sur le Sultan Salim le Brave pour sauver les villes saintes de La Mecque et de Médine. Le Sultan Salim le Brave visait à atténuer les dommages infligés aux Musulmans et à leurs villes saintes par les Portugais qui se trouvaient dans la Mer Rouge et l’Océan Indien, prêts à contrôler la route des épices si sa campagne en Égypte s’avérait fructueuse. Un autre objectif de la campagne était d’établir l’unité turco-Islamique.

 

Les Mamelouks tenaient Malatya et Divrigi et empêchèrent le Grand Vizir, Sinan Bacha, de passer sur l’Euphrate en route pour la Perse shiite. De plus, Qansouh al-Ghawri forma une alliance avec Shah Ismaël des Safavides. Dans une dernière analyse de la situation, le Sultan Salim le Brave consulta les érudits islamiques sur ce qu’il fallait faire face au Sultan mamelouk. Le Sultan Salim, après avoir obtenu l’autorisation de faire la guerre aux Mamelouks, mobilisa son armée contre un autre état musulman.

 

Le Sultan Salim le Brave envoya sa marine sur les rives de la Syrie pour renforcer son avance sur terre. Alors que l’armée était à Adana, la principauté ramazanide brandit également le drapeau ottoman. Les armées ottomane et mamelouke s’affrontèrent à Marj Dabiq (ou Mercidabik), au nord d’Alep, le 25 Rajab 922 (24 août 1516), et les Ottomans écrasèrent les Mamelouks grâce à leurs techniques militaires supérieures. En fin de journée, le Sultan Salim le Brave annexa la Syrie, le Liban, la Palestine et ouvrit la voie de l’Égypte. L’humble caractère du Sultan Salim est illustré par sa rencontre avec le calife abbasside al-Moutawakkil (décédé en 980 (1543)) dans la mosquée Ulu à Alep. Lorsque le calife l’appela Hakim al-Haramayn (gouverneur des villes sacrées de la Mecque et de Médine), il déclara qu’il devait plutôt être appelé Khadim al-Haramayn (le Serviteur des villes sacrées). Les Sultans Mamelouks, d’autre part, étaient appelés Hami al-Haramayn (gardien des villes sacrées).

 

Le Sultan Salim envoya son messager au Sultan mamelouk Touman Bay, qui succéda à Qansouh al-Ghawri, et l’exhorta à reconnaître la domination ottomane ; cependant, Touman Bay s’opposa à son appel. Pour le Sultan Salim le Brave, la victoire de Marj Dabiq (Mercidabik) aurait été nulle tant que l’Egypte n’était pas tombée aux mains des Ottomans ; par conséquent, il entra en Égypte. Il annonça aux Égyptiens, citadins et paysans, que les Ottomans ne leur seraient pas hostiles car la guerre en cours ne les opposait pas, mais à l’armée mamelouke.

Pour sa part, Touman Bay pensait que le Sultan ottoman suivrait le chemin de Gengis Khan et de Tamerlan et retournerait avec son armée de Palestine sans jamais oser marcher sur l’Egypte. L’armée ottomane sous la direction du Sultan Salim le Brave traversa toutefois le désert impénétrable du Sinaï à la faveur d’une grâce divine étonnamment surprenante, la pluie tombant sur le désert ! L’armée atteignit finalement les portes du Caire le 22 Dzoul Hijjah 922 (16 janvier 1517).

 

Le Sultan Salim le Brave apprit que Touman Bay avait creusé des fossés et des tranchées et que les lignes de front de son armée étaient positionnées avec les canons fixes qu’il avait achetés à Venise. Ainsi, le Sultan Salim encercla le mont al-Mouqaddam et attaqua l’armée mamelouke du sud-est à Ridanieh, près du Caire. Les Mamelouks ne furent même pas en mesure d’utiliser leurs canons. Tandis que le flanc droit ottoman perdait momentanément sa discipline, le grand Vizir Sinan Bacha Khadim risqua une blessure grave et s’avança pour le rapprocher. La guerre se termina par un certain et remarquable triomphe ottoman qui assura de même le martyre de Sinan Bacha qui avait été blessé.

 

Barakat Ibn Muhammad al-Hassani, le Sharif de la Mecque, envoya un délégué émissaire dirigé par son fils Abou Noumayy Sharif, âgé de 12 ans, au Sultan Salim le Brave pendant que le Sultan se trouvait en Égypte afin d’annoncer son allégeance au Sultan ottoman. Le délégué présenta ensuite les clés de la Mecque, un geste symbolique reconnaissant le leadership du Sultan sur le monde musulman, ainsi que certaines des fiducies sacrées, notamment le manteau et la bannière sacrés du Prophète Muhammad, que la paix et les bénédictions d’Allah soient sur lui. En renvoyant le délégué, le Sultan Salim accorda un édit au Sharif Barakat, faisant de lui l’émir de La Mecque. Il fit également fait don de 200000 duchés d’or à distribuer aux habitants des villes sacrées et leur livra d’abondantes provisions. Les deux responsables et les deux juges qui raccompagnèrent le délégué chez lui participèrent à la distribution des dons et des provisions.

 

Au cours de cette période, les Portugais avaient pénétré dans la Mer Rouge et la nouvelle que ceux-ci allaient frapper La Mecque et Médine causèrent beaucoup d’inquiétude chez les Musulmans. Du Caire, le Sultan Salim ordonna la construction d’une énorme flotte à Suez pour faire face à cette menace potentielle et envoya l’amiral Salman Reis à cet endroit. Plus tard, à un moment où même le shérif de La Mecque avait fui la Mecque pour sa vie, Salman Reis protégerait héroïquement La Mecque des Portugais lorsqu’ils attaqueraient Jeddah, la principale porte d’accès à La Mecque, sur la côte de la Mer Rouge.

 

Avant de partir pour Istanbul, le Sultan envoya le calife abbasside et sa famille, ainsi que les érudits musulmans et les Sheikhs du Caire à Istanbul, à titre de précaution ; ces derniers deviendraient des enseignants et des érudits dans les madaris ottomanes à Istanbul. Les premières pièces de la collection des trusts sacrés furent placées dans le Palais de Topkapi. L’arrivée des fiducies sacrées dans le palais inspira le début d’une tradition vieille de cinq siècles et encore pratiqué : la récitation du Qur’an vingt-quatre heures tous les jours dans la salle du trône du palais de Topkapi devant le manteau sacré du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) comme une surveillance spirituelle par quarante Hafiz, mémorisant le Qur’an, le quarantième serait le Sultan Salim lui-même.

 

Maintenant que le Sultan ottoman avait reçu le califat, la loi Islamique commença à jouer un rôle encore plus profond dans les affaires de l’état. La procession annuelle, qui avait été envoyée pour répondre aux besoins des Haramayn depuis le règne du Sultan Bayazid Ier, eut lieu plus régulièrement et les dirigeants ottomans prirent la responsabilité de la protection des musulmans du monde entier.

 

Le Sultan Salim le Brave abolit l’État Mamelouk lors de son expédition en Égypte, amenant la Syrie, la Palestine, le Hijaz et l’Égypte sous une administration ottomane directe. De ce fait, une grande partie du monde musulman passa sous domination ottomane. En outre, la route des épices traversant la Mer Rouge passa sous le contrôle des Ottomans. Les gains financiers à obtenir de la route des épices, combinés aux gains de la guerre, rempliraient le trésor ottoman. Un revenu supplémentaire proviendrait de Chypre, les Ottomans commencèrent à recevoir le tribut de Venise pour Chypre, qui avait été versé auparavant aux Mamelouks. Les gains de la guerre sous le règne du Sultan Salim le Brave étaient trop nombreux pour être entreposés dans la chambre des trésors du Palais de Topkapi. Ainsi, le surplus fut expédié dans des dépôts situés à Yedikule (Forteresse des Sept Tours) à Istanbul. Conformément à l’ordre du Sultan Salim le Brave qui dit : « Le trésor que j’ai rempli d’or soit scellé avec le cachet de quiconque de mes successeurs le remplira d’argent ; ou bien mon sceau devrait rester en vigueur, » la porte extérieure du Trésor Impérial continuait à être scellée avec le cachet du Sultan Salim jusqu’à ce que le Palais de Topkapi soit transformé en Musée quatre siècles plus tard. Le centre du sceau affiche le nom du Sultan autour duquel cette expression est écrite : « En Allah, je place confiance inébranlable et dépendance. » En matière de fait, l’immense trésor que le Sultan Salim laissa derrière lui fournit à son fils successeur Sehzade Souleyman la formidable sécurité financière dont il aurait besoin pour conquérir le monde connu.

 

Le Sultan Salim le Brave ordonna la préparation de sa marine pour une nouvelle campagne lors de son retour d’Egypte à Istanbul. Ses hommes se hâtèrent pour maximiser la capacité navale ottomane. Le chantier naval s’agrandit, davantage d’ingénieurs navals furent recrutés et l’amiral de la flotte de la Mer Rouge fut appelé à Istanbul. En très peu de temps, une énorme flotte navale composée d’environ 250 navires émergea, prête à partir en guerre.

 

Deux obstacles empêchèrent le début de la campagne, dont seul le Sultan lui-même connaissait la destination. La première fut la révolte que Jalal de Bozok déclencha en Anatolie mais qui fut étouffée en peu de temps. Néanmoins, les révoltes qui allaient frapper plus tard en Anatolie vinrent à être appelées « les Révoltes Jalali. » Le deuxième était le furoncle qui était apparu sur le dos du Sultan avant son départ d’Edirne et avait été diagnostiqué comme la maladie de l’Anthrax. Le furoncle, qui fut touché par Hasan Jan, l’un de ses assistants, devint une lésion importante. Finalement, le Sultan mourut, comme son père, près de Qorlu le 8 Shawwal 926 (21 septembre 1520), alors qu’il était transféré à Istanbul. Les sources racontent qu’il lut la Sourate Ya Sin du Qur’an au cours des dernières minutes de sa vie.

Les savants ont prétendu que le Sultan Salim le Brave aurait fait sa dernière campagne en Sicile, en Italie ou sur l’île de Rhodes dans la Mer Égée.

 

Le Sultan Salim le Brave fut un Sultan extraordinaire qui mit en œuvre quatre-vingts ans de travail avec succès au cours de son règne de sept ans et demi ; ainsi, il est considéré comme l’un des Sultans étonnamment universels de l’Histoire Turque et Islamique. Il conserva en outre son statut exceptionnel dans l’histoire de la dynastie ottomane en tant que Sultan à envier par les futurs Sultans Ottomans. Comme son père et son grand-père avant lui, le Sultan Salim était un poète distingué qui écrivit de nombreux poèmes en Arabe et en Perse sous le pseudonyme de Salimi. Il est bien connu qu’il fut très favorable à la recherche scientifique et très respectueux des chercheurs. Sa période de règne coïncida avec la montée en puissance d’érudits tels que ‘Ali Efendi Zenbilli et Ibn Kemal. Alors que le Sultan Salim le Brave était simple et discret dans sa vie privée, il était plutôt féroce et autoritaire dans les affaires de l’état.

 

Le Sultan épousa la liberté d’expression, aussi opposées soient-elles ses idées ; et il écouta attentivement toutes les idées disponibles. Parfois, il changeait d’avis après une contemplation de plusieurs jours ; toutefois, il reconnut toujours la règle de la majorité dans les affaires d’état et punit sévèrement ceux qui faisaient pression clandestinement contre la décision déjà approuvée et prise d’effet. Malgré sa rigueur et son tempérament fougueux, il appréciait les mérites. Il était généralement difficile de travailler avec lui, mais ceux qui le savaient étaient très appréciés à ses yeux. Il détestait et évitait le gaspillage, le luxe et l’ostentation ; il préférait avoir un plat par repas et aimait utiliser des objets en bois. Il était très préoccupé par la force du Trésor Impérial. Il ne construisit aucun palais d’été de style turc ou de maison sur le Bosphore pour lui-même. Il parlait peu et souriait peu, et quand il parlait, il articulait et répétait les mots au besoin.

 

On sait que le Sultan aimait lire ; il prit même beaucoup de livres avec lui durant ses campagnes. Sur le chemin du retour du Caire à Istanbul, il demanda a Ibn Kemal de traduire an-Noujoum az-Zahirah Fi Moulouk Misr wal-Qahirah d’Ibn Taghri Birdi et lu la traduction faite sur la route pièce par pièce. Ibn Kemal, qui gagna la faveur de Sultan, voyageait devant le Sultan lors de leur retour de la victoire de Marj Dabiq, et son cheval éclaboussa de boue les robes du Sultan. Toujours respectueux de ses professeurs et de ses érudits, le Sultan sourit et dit que la boue était un ornement pour ses robes avant d’ordonner qu’elles soient laissées dans l’état, non lavées, et qu’elles recouvrent son cercueil.

Salim I, poète, philosophe et Sultan érudit, est considéré comme l’un des Sultans Ottomans les plus intellectuels et les plus sages. Le fait qu’il n’ait pas permis une démonstration de triomphe lors de son retour d’Egypte et d’avoir attendu minuit pour entrer tranquillement au Palais de Topkapi illustre bien son humble caractère. Puisse Allah Exalté lui faire miséricorde.