L’attaque ennemie contre la Bosnie et Midillu (Mytilène) et la deuxième campagne du Sultan en Bosnie
Lorsque le roi de Hongrie entra en Bosnie, le commandant de
la garnison et Voïvode de Yayce lui cédèrent traitreusement
la forteresse sans combat. Le reste de la Bosnie, cependant,
resta aux mains de fonctionnaires fidèles du Sultan.
Néanmoins, la perte d’une forteresse aussi importante que
Yayce rendit impérative une deuxième campagne pour le
Sultan. En même temps, les Vénitiens envoyèrent une
puissante flotte contre Midillu et assiègent la forteresse.
De ce fait, la campagne de Bosnie fut forcément reportée. Mahmoud
Bacha fut envoyé à Gelibolu où il prépara une flotte en
douze jours et s’avança contre l’ennemi. Quand l’ennemi eut
vent de son approche, ils prirent la fuite. Mahmoud,
arriva à Midillu et fut déçu de ne pas trouver l’ennemi.
Bien qu’il ait voulu les poursuivre, ce plan fut refusé par
d’autres commandants qui pensaient que l’on pouvait utiliser
à meilleur escient le temps court. La forteresse de Midillu
fut réparée et fortifiée en trois ou quatre jours, et les
troupes rejoignirent le Sultan à Edirne où elles se
reposèrent trois ou quatre jours.
Le 12 Rabi’ Awwal 865 (26 décembre 1460), le Sultan marcha
sur la Bosnie et encercla Yayce. Les artilleurs mirent
immédiatement les batteries de gros canons en place et,
après les avoir espacés dans les tranchées, le bombardement
des murs commença. Les mineurs et les sapeurs furent emmenés
aux endroits appropriés pour placer leurs mines. Malgré la
résolution de l’ennemi qui avait confiance en la solidité de
ses fortifications, les murs furent presque entièrement
détruits par les tirs de canon. Un jour, une attaque
soudaine fut ordonnée. Les commandants de l’armée convinrent
qu’une semaine supplémentaire était nécessaire pour prendre
la forteresse mais le Sultan insista sur l’attaque frontale.
La raison de son insistance était le fait que le roi de
Hongrie, traversait la rivière Sava avec d’innombrables
troupes à cheval et d’infanterie et s’approchait par la
forteresse d’Izvornik et Srebrenik avec l’intention
d’intercepter le Sultan sur son chemin de retour. Ces
développements n’étaient connus que du Sultan et des
principaux hommes d’état. Cette attaque soudaine planifiée
ne donna aucun résultat, sur quoi le siège fut laissé au
sancak-beg, Minnet-oglu Muhammad, tandis que le
Sultan marcha sur les Hongrois.
Les Hongrois s’étant retirés en direction d’Izvornik, le
Sultan envoya un contingent de renfort de cinq cents hommes
choisis sous Mihal-oglu Iskandar Bek pour aider à sa défense
pendant qu’il se rendait à Sofia, son quartier général pour
la saison d’hiver. De là, il envoya Mahmoud Bacha
avec les forces rumilliennes contre l’ennemi. L’ennemi avait
considérablement réduit les défenses d’Izvornik sous le feu
de l’artillerie et
Mahmoud Bacha était encore à trois jours de
route de là. L’ennemi contrôlait également les cols étroits
des montagnes avec des canons qu’ils avaient placés dans les
passes de montagnes. Les Eflak s’étaient joints à l’ennemi
et avaient bloqué tous les passages dans la région. Mahmoud
Bacha convoqua un martolos expérimenté à ses côtés et, avec
la promesse de lui accorder un timar, et lui ordonna de
voler rapidement par tous les moyens possibles lui et un
groupe d’hommes à travers les bois jusqu’au au sommet de la
montagne pour avertir les défenseurs de la forteresse que le
Sultan approchait à trois jours de distance et qu’ils
devaient tenir jusqu’à son arrivée. Quand l’ennemi entendit
la nouvelle il paniqua. Le lendemain, le roi fit un dernier
grand assaut sur la forteresse mais échoua. Laissant
derrière lui les canons, les wagons, les trains de
ravitaillement et la plupart des blessés, il s’enfuit. Les
défenseurs de la forteresse les poursuivirent de près et
envoyèrent un message à Mahmoud Bacha qui parcourut
les trois jours de marche en une seule nuit de marche. Un
contingent ottoman de mille hommes traversa la rivière sur
de petits bateaux et des radeaux et attaqua l’ennemi tandis
que Mahmoud passait par bateau de l’autre côté où se
trouvait la forteresse et rejoignit l’attaque. La plupart
des ennemis en fuite se noyèrent dans la confusion en
traversant la Sava, et leurs wagons s’enlisèrent dans la
boue. Une grande partie de leurs armes et wagons tomba entre
les mains des Ottomans qui les stockèrent dans la
forteresse. Mahmoud Bacha retourna ensuite avec ses
troupes au quartier général du Sultan.
Les provisions de la forteresse n’étant pas encore arrivées,
je fus laissé à Izvornik avec Mihal-oglu Iskandar Bek et
reçut l’ordre de recevoir les provisions à leur arrivée, de
faire leur inventaire et de les remettre au commandant de la
garnison. Une fois cette tâche accomplie, nous suivîmes
également Mahmoud Bacha. L’hiver était déjà bien
avancé lorsque Mahmoud rejoignit le Sultan à Sofia.
Le Sultan ordonna que les prisonniers soient amenés en sa
présence et les fit exécuter. Il montra une grande faveur à
Mahmoud Bacha du fait de ses réalisations militaires
lors de cette campagne, et cet hiver-là, ils résidèrent à
Edirne.
La campagne albanaise du Sultan et la construction de la forteresse d’Elbasan
Au printemps 870 (1466), le Sultan partit avec son armée
d’Edirne en direction de l’Albanie. Le camp impérial était
installé dans la plaine autour de Manastir, point de
rencontre établit pour les troupes. Il se rendit ensuite en
Albanie. L’ennemi tenait obstinément les tours et les cols
des régions montagneuses escarpées mais les troupes du
Sultan étaient encouragées à faire de grands efforts en
pensant au Jihad et au butin. Ils chassèrent les forces
ennemies de leurs cachettes, les pillèrent et firent de
nombreux prisonniers. À chaque arrêt, les hommes matures
parmi les prisonniers étaient amenés par ordre du Sultan en
sa présence sur quoi il ordonna impitoyablement leur
exécution. À ce stade, une puissante forteresse
quadrilatère, fut construite en très peu de temps à
Yund-ovasi, une plaine entourée de tous côtés par des
montagnes escarpées et des cols élevés. Les habitants de ces
régions montagneuses dépendaient pour leur existence de la
plaine en contrebas où des Musulmans de toutes parts vinrent
s’établir. Aujourd’hui encore des colons sont toujours en
train de s’installer dans cette zone prospère. Le Sultan
attacha cette forteresse d’Elbasan au Sancak d’Ohri et
retourna à Edirne.
La deuxième campagne albanaise du Sultan
La raison de cette seconde campagne était le fait que les
Albanais, bien que soumis au Sultan par crainte de son épée
sanglante, se dressèrent contre lui dès qu’il fut éloigné.
Sous la direction d’Iskandar, surnommé al-Kha’in (le
traître), ils prévoyaient d’attaquer la forteresse
d’Elbasan. Le Sultan ne pouvait pas supporter cette menace
et décida de partir en campagne. Il était résolu à passer
l’hiver à Filibe (Plovdiv). Il apparut que ce fut un hiver
très rigoureux, mais le temps passa.
Au printemps de l’année 871 (1467), la marche reprit et il
fut décidé de prendre la route par Belgrade (Berat). Des
troupes affluèrent de partout en Albanie et s’avancèrent
contre l’ennemi dans la vallée de Bouzourshek. Les forces
anatoliennes entrèrent dans la vallée d’un bout et les
forces rumilliennes de l’autre. Cette région fut conquise et
toute l’Albanie soumise. Les mâles matures qui furent
capturés furent passés par l’épée dans chaque station où
l’armée s’arrêta. Ceux qui restèrent se soumirent
craintivement au Sultan et acceptèrent de payer la jizyah
religieuse et d’autres taxes d’état.
Le Sultan passa la rivière Mat et entreprit le voyage de
retour. Il envoya Mahmoud Bacha contre la forteresse
vénitienne d’Iskandariye (Shkoder). Mahmoud attaqua
la forteresse, pilla la ville et l’incendia. Ils
traversèrent la profonde rivière Bojana à la nage et
continuèrent leur raid, retournant au côté du Sultan chargé
de riche butin. Le rebelle Iskandar s’échappa et s’enfuit
sur le littoral où il mourut. Sur ce, la population qui
s’était cachée dans les montagnes autour d’Elbasan descendit
dans la plaine et s’installa dans les villages et dans les
fermes. La région devint prospère et pacifique. Lorsque
l’Albanie tomba ainsi complètement sous contrôle ottoman, le
Sultan retourna à Istanbul.
La campagne de Karaman du Sultan et l’expulsion de Pir Ahmed
Après avoir acquis la maîtrise complète du côté rumillien de
son empire, Muhammad al-Fatih considéra le
retrait du Sultanat d’Égypte des mains des Mamelouks. Il
rassembla des soldats de toutes les parties de l’empire et
se dirigea vers l’Arabie. Conformément à leurs accords, Pir
Ahmed Bek avec un contingent de Karaman reçut l’ordre
de rejoindre l’armée ottomane en tant que force
d’avant-garde. Lorsque le Sultan atteignit Kara-Hisar, le
messager qu’il avait envoyé à Pir Ahmed revint avec
la nouvelle que Pir Ahmed avait rompu son serment et
refusé de venir. Al-Fatih fut extrêmement fâché et
décida de renvoyer Pir Ahmed et de prendre Karaman,
la zone tampon entre les terres ottomane et mamelouke, comme
la première étape de sa conquête de la Syrie et de l’Égypte.
Les troupes ottomanes envahirent Karaman et Pir Ahmed
s’enfuit à Tas-Ili. Le Sultan prit Kevele, Konya, la
capitale des Karamanides, et Larende et confia la
responsabilité de l’administration de la province de Karaman
au prince Mustafa.
Lorsque le Sultan atteignit Kara-Hisar sur le chemin du
retour à Istanbul, il renvoya le grand Vizir Mahmoud
Bacha. La raison apparente de son licenciement était le fait
que Mahmoud avait promis la loyauté de Pir Ahmed,
apaisant les doutes du Sultan chaque fois qu’il le demandait
en l’assurant que Pir Ahmed serait présent pour le
service. Cette affaire eut lieu en l’an 872. (1467-68). Au
printemps 873 (1469), le Sultan resta à Istanbul et envoya
une armée à Karaman pour nettoyer le reste des rebelles.
La conquête d’Agriboz (Eubée)
Le Sultan partit pour la conquête de l’Eubée au printemps
874 de l’Hégire (1470).
Des ordres furent envoyés pour que des soldats de toutes les
régions viennent rejoindre l’armée et des préparatifs furent
faits pour préparer une grande flotte. Mahmoud Bacha
fut nommé Bek of Gelibolu et kapudan, et sous sa direction
experte, une flotte digne de feu ‘Umur Bek fut préparée. Une
force navale sous son commandement s’approcha par mer tandis
qu’une force terrestre sous le commandement du Sultan
s’approcha par voie terrestre. En temps normal, il y avait
un pont-levis reliant le continent musulman et l’île, mais à
cette époque, des ponts de fortune de bateaux devaient être
construits sur lesquels les soldats traversaient l’île. Pour
empêcher l’entrée de navires ennemis de l’autre côté de
l’île, les navires furent traînés par voie terrestre et
attachés ensemble comme barrière de ce côté également. Les
navires étaient remplis de troupes, des tranchées furent
creusées à des endroits stratégiques et l’artillerie ouvrit
le feu sur la forteresse.
La forteresse était extrêmement bien fortifié et les Vizirs
convinrent qu’il serait impossible de la prendre et
conseillèrent au Sultan de lever le siège. Le Sultan,
cependant, ne tint pas compte du conseil de se retirer. Mahmoud
Bacha s’opposa également à un retrait. La flotte vénitienne
fut soudainement aperçue de la direction prévue, mais elle
resta ancrée hors de portée des navires ottomans. Les Vizirs
commencèrent à critiquer Mahmoud Bacha par jalousie
mais leurs critiques furent réduites au silence lorsque Mahmoud
rasa complètement les murs de la forteresse avec les canons
et demanda la permission du Sultan de lancer un assaut
général. Alors que la flotte ennemie semblait impuissante à
faire quoi que ce soit, les troupes ottomanes lancèrent le
cri de guerre, commencèrent l’attaque et combattirent avec
acharnement. À la fin, l’ennemi du côté de Mahmoud
Bacha fut vaincu. Après la prise de la forteresse par les
Ottomans, les Vénitiens, qui avaient considéré la forteresse
invincible, retirèrent leurs navires et rentrèrent chez eux.
Le Sultan n’accompagna pas l’armée en campagne en 875
(1470-71). D’abord Roum Muhammad puis Ishaq
Bacha furent envoyés pour achever la conquête de Karaman.
Cette année-là, des ambassadeurs vinrent de loin et de près,
d’Iran, de Bohême, d’Hongrie et d’autres endroits, et de
grandes festivités eurent lieu.
La conquête de ‘Ala’iyye (Alanya)
En l’an 876 de l’Hégire (1471-72), Ahmed Bacha Kadik
reçut des troupes et une flotte avec ordre d’assiéger
‘Ala’iyye par terre et par mer. Les citadins et les soldats
demandèrent quartier, et le seigneur du lieu sortit pour se
soumettre à Ahmed Bacha Kadik. Son pays devint un
sancak, une partie des dominions ottomans. Kadik Ahmed
retourna au côté du Sultan et fut récompensé par Gumulcine
(?) en tant que zi’amet (?).
La campagne contre Ouzoun Hasan
Le Sultan Abou al-Fath (Muhammad al-Fatih), en plus
d’Istanbul, avait annexé vingt pays au territoire qu’il
avait hérité de ses ancêtres et avait montré de grands
signes d’être un conquérant du monde.
Le fils du Karamanide Ishaq Bek résidait à Silifke et
régnait sur Ich-Il et Kara-Tash. Il envoya un messager à
Fatih exprimant son désir de rendre la forteresse. Le
Sultan renforca l’armée de Ahmed Bacha Kadik et
l’envoya à Silifke. Le fils d’Ishaq rendit le
château. Kadik Ahmed apprit alors que Pir Ahmed
et son fils se trouvaient à la forteresse de Meynan. Il
assiégea et captura la forteresse et envoya les enfants et
la famille de Pir Ahmed à Fatih à Istanbul.
Puis, il marcha contre la forteresse de Luluva qu’il
assiégea et captura également.
Les Karamanides, utilisant l’intercession de certains des
Begs et compagnons proches d’Ouzoun Hasan,
demandèrent son soutien contre les Ottomans. Ouzoun Hasan
envoya une armée sous le commandement de son Beylerbeyi,
Emir Bek, à Karaman qui était à l’époque sous occupation
ottomane. Dans cette force se trouvaient Mirza Youssouf, les
princes karamanides, Pir Ahmed et Qasim, et
Isfendiyar-oglu Kizil Ahmed.
Le plan était d’attirer Ahmed Bacha Kadik hors de
Karaman, de fortifier leurs châteaux et de garder le pays
pour Pir Ahmed. À leur arrivée à Erzincan, ils
envoyèrent un messager au fils aîné de Fatih,
Bayazid, dans l’Eyalet de Roum. Ils demandèrent sa
permission de traverser le territoire ottoman, affirmant
qu’ils étaient en route pour les terres des Dzou al-Kadr
afin d’aider à introniser Kilij Arslan-oglu à la place de
son père. A cette époque, Hamza Sharabdar Bek, qui
résidait à Tokat, était le Beylerbeyi de Roum. Lorsque les
envoyés arrivèrent chez Hamza Bek, il crut leur
histoire et, sans avertir Bayazid, leur accorda la
permission de passer avec leurs troupes. Lorsqu’ils
apprirent les actes d’Ahmed Bacha Kadik à Karaman,
ils devinrent furieux. Arrivés dans la région de Sivas, tôt
le matin, ils attaquèrent soudainement la ville de Tokat et
la soumirent au pillage et butin.
Il était inconcevable qu’un ennemi ait l’audace de marcher
contre cette région directement sous la juridiction du
Sultan Bayezid. De plus, à cette époque, les Ottomans
étaient en paix avec Ouzoun Hasan, et Bayazid avait
spécifiquement ordonné à ses Begs d’éviter toute action qui
pourrait servir à rompre la paix. Sur ce, Muhammad
ordonna que les tentes impériales soient dressées sur la
côte anatolienne pour une campagne contre Ouzoun Hasan.
À ce stade, il rappela Mahmoud Bacha et le fit à
nouveau Grand Vizir.
Mahmoud s’occupa des préparatifs militaires en l’an 877
(1472-73).
L’ennemi ne s’arrêta pas à ce pillage de Tokat. Emir Bek
envoya Mirza Youssouf avec Kizil Ahmed à Karaman
pendant qu’il partait pour l’Iran chargé de butin et de
prisonniers de Tokat. Ils intronisèrent à nouveau Pir Ahmed
en tant que dirigeant et commirent de nombreux outrages
contre la vie, les familles et les biens des Musulmans qui y
vivaient. Le prince ottoman Mustafa, qui était alors en
charge de l’Eyalet de Karaman, s’avança contre eux avec un
contingent des forces anatoliennes et les défit, faisant
prisonnier Mirza Youssouf et deux cents autres Begs
influents.
Certains de ceux qui tentèrent de s’échapper furent exécutés
tandis que d’autres qui avaient réussi à s’échapper des
Ottomans furent faits prisonniers par la tribu Varsak. Sur
une armée de vingt mille hommes, à peine un millier s’en
échappa. Les Begs capturés furent envoyés à Fatih. Le
Sultan jeta en prison Mirza Youssouf, le fils de la sœur
d’Ouzoun Hasan tandis que les autres furent passés
par l’épée.
Au printemps 878 (1473), le Sultan passa en Anatolie avec
les janissaires et d’autres forces à sa Porte après avoir
laissé le prince Cem à Edirne pour se prémunir contre les
attaques ennemies en Roumanie. Le commandement de l’aile
droite de l’armée avec les troupes de Roum (Amasya et Sivas)
fut donné à Shehzade Bayazid, tandis que l’aile gauche avec
les soldats Karaman était commandée par Shehzade Mustafa.
Arrivé à Sivas aux confins des terres ottomanes, le camp fut
installé face au territoire ennemi. L’ennemi, qui avait été
informé depuis longtemps des préparatifs de guerre de Fatih,
était prêt à y faire face. Ils se retirèrent devant l’armée
du Sultan dans les zones montagneuses escarpées, mais Fatih
ordonna qu’ils soient poursuivis, quel que soit leur lieu de
fuite. Ouzoun Hasan était inquiet mais attendait une
occasion de frapper.
Un jour, le Sultan campa sur les bords de l’Euphrate avec
l’armée. Ouzoun Hasan avait placé une force sélective
en embuscade près de cet endroit. Soudainement, alors que le
Sultan arrivait à la halte, Ouzoun Hasan ordonna à
quelques régiments d’attaquer l’avant-garde ottomane. Comme
cette force d’attaque semblait assez forte, Fatih
envoya Mahmoud Bacha avec un groupe restreint de Begs
et Mourad Hashsh, le Beylerbeyi de Roumélie, avec quelques
akinci pour s’opposer à eux. L’ennemi feignit de fuir.
Occupés par la collecte du butin, les Ottomans rompirent les
rangs.
Mahmoud Bacha demanda à Mourad Hashsh de rassembler
ses forces à un endroit donné et d’attendre. Il décida
d’attaquer lui-même l’ennemi dans sa cachette. Les soldats
de Mourad Hashsh, se plaignirent que si l’attaque ennemie
devait être repoussée, Mahmoud Bacha obtiendrait tout
le crédit, romprait à nouveau les rangs et chargerait leurs
chevaux contre l’ennemi. Sur ce, Ouzoun Hasan attaqua
soudainement Mahmoud Bacha depuis sa cachette et une
bataille féroce serrée s’ensuivit.
Mahmoud réussit à se retirer avec beaucoup de
difficulté de l’endroit où se trouvaient les troupes de
Mourad Hashsh, mais il ne put pas les rejoindre à nouveau.
Mourad Hashsh était tombé sur le champ de bataille tandis
qu’Ahmed Fenari-oglu, ‘Omar Tourahan-oglu et Haji
Aydin Bek-oglu Bek furent tous faits prisonniers.
Ouzoun Hasan vit ce bouleversement comme une
opportunité à saisir, se prépara au combat et organisa ses
troupes en formation de combat. En face du Sultan Bayazid,
sur le flanc droit ottoman, il plaça Muhammad Mirza
Ugurlu et Mirza Zayn al-‘Abidin en face du Sultan Mustafa
sur le flanc gauche ottoman et les combats commencèrent. Au
début, Mahmoud Bacha avec les forces ‘azeb et sipahi
de Roumélie et Daoud Bacha avec les forces ‘azeb et sipahi
d’Anatolie marchèrent contre Ouzoun Hasan. Alors
qu’il se battait au corps à corps, la tête de Mirza Zeynel
fut tranchée par l’épée d’un ghazi et amenée au Sultan
Mustafa. Elle fut piquée au sommet d’une lance et amené à
Fatih. La section de l’armée placée sous le
commandement de Zeynel fut dispersée et les troupes de Muhammad
Ugurlu ne purent résister longtemps aux attaques du Shehzade
Bayazid et commencèrent à fuir. La plupart des soldats en
fuite furent passés par l’épée.
À ce moment-là, le centre de l’armée s’était joint à
l’attaque avec Mahmoud et Daoud Bacha et les ‘azeb en
première ligne. Ouzoun Hasan vit la futilité de
tenter de résister et lui aussi choisit de fuir. Son armée
entière était maintenant en fuite. Certains d’entre eux
furent passés par l’épée et d’autres furent faits
prisonniers. Certains Musulmans sunnites furent dépouillés
de leurs biens et libérés. Les troupes ottomanes pillèrent
le camp d’Ouzoun Hasan et libérèrent tous les Begs
qui avaient été auparavant faits prisonniers.
Plus de dix mille soldats ennemis furent emmenés en présence
de Fatih. Certains d’entre eux furent exécutés et
plus de trois mille furent envoyés à Istanbul. Au lieu
d’avancer plus loin dans le pays ennemi, le Sultan assiégea
alors la forteresse de Kara-Hisar qui se rendit bientôt à
lui. Le pays environnant ainsi que les mines d’alun
passèrent également sous contrôle ottoman. Puis le Sultan se
tourna ensuite vers Istanbul.
La conquête de Keje (Caffa)
En l’an 879 de l’Hégire (1474-75), Muhammad al-Fatih
résida dans sa capitale durant un certain temps puis envoya
des armées dans diverses directions qui capturèrent plus de
forteresses pour lui. Une de ces expéditions fut la conquête
de Kefe (Caffa). Ahmed Bacha Kadik, commandant une
large flotte, fut envoyé contre Kefe qu’il captura en peu de
temps et prit un riche butin et de nombreux prisonniers
La campagne moldave
Bien que le prince de Moldavie était un vassal payant tribut
au Sultan ottoman, il envoya un soutien à ses relations de
Crimée pendant la campagne ottomane contre Kefe. Punir le
prince moldave pour avoir aidé l’ennemi était une tâche
facile pour tout Beg ottoman mais Fatih voulut
étendre la sphère de jihad. La Moldavie étant limitrophe des
terres hongroises, il proposa de les attaquer également si
l’occasion se présentait. Avec cette intention en tête, il
partit pour la Moldavie avec une grande armée au printemps
881 (1476).
Il envoya une flotte sur le Danube au moyen de laquelle il
transporta son armée sur la rive opposée. Le prince de
Moldavie se retira dans les régions montagneuses escarpées.
Un jour, l’armée du Sultan campa tout près de la cachette de
l’armée du prince dans les montagnes. Se rendant compte que
la voie de l’évasion était bloquée, le prince se fortifia
pour affronter les Ottomans. Attelant les chariots ensemble,
il les plaça devant l’armée comme barrière, et derrière eux
il installa des canonniers, des mousquetaires et des
arbalétriers. Il espérait pouvoir tenir jusqu’à la nuit puis
s’échapper dans l’obscurité. Le Sultan, pour empêcher la
bataille de se prolonger jusqu’au soir, donna l’ordre
d’attaque. Le prince s’enfuit et son camp fut pillé par les
assaillants ottomans. Le Sultan poursuivit le prince en
fuite, pillant et ravageant son pays et sa capitale. Des
raids furent menés contre la Hongrie, puis l’armée revint à
Edirne chargée de butin.
La nouvelle arriva que les Hongrois avaient entrepris de
construire trois forts (Hisar) près de Semendere sur
les rives du Danube. Bien que l’hiver fût déjà bien avancé,
Fatih décida de lancer une campagne pour détruire les
trois forts. Au moment où le Sultan atteignit Semendere, le
roi hongrois avait déjà construit trois robustes forts en
bois, entourés de profondes tranchées remplies d’eau du
Danube et était retourné dans son pays. Lorsque le Sultan
arriva, une grande bataille eut lieu. L’eau des douves avait
gelé à cause du froid extrême, facilitant ainsi la capture
des trois forts. Pris par les armes ou autrement, ils furent
tous détruits puis Fatih retourna ensuite à Istanbul.
L’année suivante, 882 (1477), Fatih ne partit pas en
campagne par considération pour ses soldats et des épreuves
auxquelles ils avaient été soumis pendant la précédente
campagne d’hiver.
La conquête d’Iskandariye (Shkoder)
Au printemps 833 (1478), Fatih marcha sur l’Albanie
pour la conquête d’Iskandariye qui était entourée de trois
côtés par les
puissantes forteresses de Dirigoz (Drivasto), Gol-bashi
(Zhabljak) et Less (Alessio).
La forteresse d’Iskandariye surplombait et protégeait un lac
dont la récolte de poissons fournissait un revenu annuel de
quarante mille ducats d’or. Cette forteresse fut encerclée
et soumise au feu de gros canons qui avaient été déployés
sur place. Des catapultes et des mortiers se joignirent
également au bombardement. Finalement, les soldats donnèrent
l’assaut sur la forteresse en escaladant les murs sur des
échelles cependant l’assaut échoua. Après cet échec, il fut
décidé de prendre d’abord les trois petites forteresses qui
l’entouraient. Le Sultan conserva sa position devant
Iskandariye mais envoya les Beylerbeyi de Roumélie, Daoud
Bacha, contre Gol-bashi et les Beylerbeyi d’Anatolie,
Souleyman Bacha, contre Dirigoz. Les deux accomplirent leurs
missions en peu de temps puis s’associèrent contre la
forteresse de Lesh. Une flotte ennemie s’approcha par la mer
et les habitants de Lesh mirent le feu à leurs maisons et
s’enfuirent vers les navires pendant la nuit. Avant son
départ, le Sultan ordonna que les forces rumilliennes et
anatoliennes concentrent leurs efforts contre Iskandariye.
Il ordonna la construction de tours à chaque extrémité du
pont traversant la Bojana. Les troupes travaillèrent en
continu pendant douze jours et achevèrent les deux tours
ainsi l’espoir d’un soutien par la mer impossible, l’ennemi
rendit la forteresse d’Iskandariye. |