L’achèvement de la conquête de la Morée par Muhammad al-Fatih et la Capture des Despotes Grecs
Comme nous l’a dit Mahmoud Bacha, il arriva un moment
où les officiers et les soldats commencèrent à montrer des
signes de mécontentement face aux campagnes militaires trop
fréquentes du Sultan. Pour la défense de Fatih, Mahmoud
Bacha répondit à leurs plaintes en disant que le Sultan
avait été choisi par Allah pour accomplir le devoir du
Jihad. Mahmoud poursuivit également en disant que la
conquête du monde ne pouvait être accomplie sans verser de
sang, et qu’il n’était pas non plus possible d’atteindre le
pouvoir sans écraser les ennemis de l’état.
Lors du conseil concernant la prochaine campagne, le Sultan
raisonna comme suit :
« Il ne reste qu’une seule forteresse à conquérir dans toute
la Serbie. Sa capture pourrait être attribuée à un simple
sancak-beg. La Morée par contre est un pays riche, à la fois
lointain et difficile d’accès. Nous devons saisir l’occasion
tant que nous l’avons. J’ai donc l’intention de marcher
maintenant contre la Morée. »
Pendant ce temps, un nouveau
sancak-beg fut
nommé sur la Serbie tandis que les
qadis et
subashis furent
nommés selon le système traditionnel.
Au printemps 863 (1459), le Sultan partit en campagne avec
l’armée. Lorsque l’armée atteignit le voisinage de la Morée,
le despote, Kir Dimitri, s’enfuit et se fortifia dans la
forteresse de Mezistre (Mistra). Le Sultan choisit une force
et les envoya à toute vitesse sous le commandement de Mahmoud
Bacha pour assiéger la forteresse.
Voyant qu’il n’avait aucun moyen de résistance, le despote
demanda l’amnistie (aman) et sortit de la forteresse. Mahmoud
Bacha envoya des robes d’honneur et un cheval sur lequel Kir
Dimitri lui fut amené puisque le despote avait rendu la
forteresse sans combat en demandant quartier, il reçut un
salaire pour son entretien et envoyé à Edirne.
Toute la Morée et ses habitants acceptèrent la domination
ottomane. Seuls les châteaux bien fortifiés aidés par les
Vénitiens tels que Salmenik (Salmenikon), Hulomuc
(Khlomoutsi), Gardik (Gardhiki), Yildiz-Hissar, Mahlu
(Machla), Levendar (Leondarion), Toprak-Hissar, Helidon, et
quelques autres maintinrent leur résistance. Pendant son
règne, tous furent pris l’un après l’autre. Certains d’entre
eux furent pris par la force des armes tandis que d’autres
se soumirent volontairement sans combat. La population
masculine de ces forteresses prises de force fut passée par
les armes, tandis que leurs enfants furent vendus et leurs
biens saccagés. Bref, toutes les forteresses de la Morée se
soumirent. Les monastères et églises furent convertis en
mosquées. Le reste de la population fut maintenu intact et
soumis aux impôts religieux et coutumiers. Des sancak-beg,
des qoudates
(pluriel de qadi), des commandants de garnison, des subashis
et des sipahis furent nommés et le pays fut placé sous
contrôle ottoman ferme. Après ces conquêtes, le butin était
si abondant parmi les troupes qu’un mouton était vendu pour
aussi peu que deux akca et un veau pour cinq akca. Chaque
tente avait l’apparence d’un marché aux esclaves avec de
jolies jeunes filles et garçons pullulant aux entrées.
La conquête de Semendere (Smederevo)
Au printemps 864 (1460), Fatih avec son armée établit
un camp à Sofia. Par crainte de l’assaut du Sultan, les
habitants de Semendere lui remirent volontairement les clés
de la forteresse. Par la suite, une garnison de ‘azeb et de
janissaires fut affectée à la garde sous les ordres d’un
commandant et la forteresse fut affectée à un sancak-beg.
Le Sultan renvoya alors les troupes et retourna à Istanbul.
La saison de la campagne n’étant pas encore terminée, le
moment était venu pour une autre conquête.
Il y avait une petite forteresse appelée Amasra surplombant
les abords de la Mer Noire qui était contrôlée par un
certain seigneur qui payait un tribut au Sultan ottoman,
mais les habitants du pays environnant se plaignirent du
harcèlement constant des corsaires à cause de leurs liens
avec la forteresse. Tout en faisant semblant d’être en
tournée en Anatolie avec l’armée permanente, le Sultan se
tourna soudainement vers cette forteresse.
Après qu’il s’approcha en passant par Khidr Bek-Ili et en
traversant les montagnes près de Mengen, les habitants de la
forteresse lui cédèrent la possession de la forteresse et de
la campagne environnante. Une force de garnison et un
commandant furent nommés ainsi qu’un qadi et la région fut
annexée au Sancak de Bolu.
La conquête de la province d’Isfendiyar et la soumission d’Isma’il Bek
Après la double victoire en Serbie et à Amasra en 864, les
préparatifs pour la préparation de la flotte furent ordonnés
et une campagne annoncée.
Au printemps 865 (1461), des navires furent envoyés en Mer
Noire pour la conquête de Trabzon. Un ordre fut adressé à
Isfendiyar-oglu Isma’il Bek lui demandant de permettre à la
flotte d’entrer dans le port à son arrivée à Sinope et aux
troupes d’acheter tout ce dont elles avaient besoin en guise
de provisions. Le Sultan lui-même arriva à Ankara. Avec lui,
servant dans l’armée ottomane, se trouvaient Karaman-oglu
Qasim et Isfendiyar-oglu Hasan Chalabi. Hasan
Chalabi était retenu captif et livré aux
cavouses. Il fut
décidé de marcher contre Isfendiyar. Isma’il Bek entendit
parler de ces développements et s’enfuit pour se réfugier
dans la forteresse de Sinope. Al-Fatih entra à
Kastamonu et envoya une force sélective sous le commandement
de Mahmoud Bacha contre Isma’il Bek à Sinope. Lorsque
Mahmoud entra sur le territoire d’Isfendiyar, les
soldats et la population de cette terre vinrent lui prêter
serment d’allégeance. Les noms de ceux qui appartenaient à
la classe des ‘askeri furent inscrits dans un registre et
reçurent l’ordre d’unir leurs forces dans l’assaut contre
Sinope. Les troupes étaient maintenant prêtes à avancer sur
la ville depuis la terre et la mer. A cette époque, j’étais
secrétaire au diwan. Mahmoud Bacha ordonna que
j’écrive une lettre à Isma’il Bek. Dans cette lettre, je lui
ai adressé ce qui suit:
« Tu es maintenant encerclé terre et mer. Il n’y a aucune
chance de s’échapper. Tu dois penser à ton honneur et à
celui de ta famille. Ton peuple n’est pas encore la proie de
l’armée. Ait pitié d’eux et abandonne tes forteresses et
terres. En échange, le Sultan te donnera d’autres terres à
administrer, et tu vivras une vie d’aisance sous sa
protection. Dans le cas où tu ne te soumettrais pas,
rappelle-toi qu’il n’y a rien qui puisse arrêté nos soldats.
Considère cet avertissement comme un signe de notre amitié. »
Quand Isma’il reçut cette lettre, il sortit de la
forteresse. Il rencontra Mahmoud Bacha et se mis
d’accord, prêtant serment d’allégeance aux Ottomans. Muhammad
al-Fatih arriva et Isma’il Bek fut emmené en sa
présence avec honneur et respect. Le Sultan s’avança à
quelques pas de la tente impériale pour le saluer, le serra
dans ses bras et l’embrassa. Il se vit attribuer un timar
composé de la ville de Yenishehir avec ses dépendances et
fut immédiatement envoyé là-bas pour y résider. La province
d’Isfendiyar ainsi que ses mines de cuivre furent
entièrement soumises et un sancak-beg, des qoudat et des
commandants de garnison y furent nommés. Le Sultan tourna
ensuite ses énergies contre Ouzoun Hasan.
La conquête de Koyulhisar et les menaces contre Ouzoun Hasan
Le Sultan installa son camp à Koyulhisar, aux limites
des territoires ottomans et en trois jours, la forteresse
avait été prise.
De ce point, le Sultan déplaça le camp jusqu’au pâturage
d’été à Yassi-Chimen au-delà de la plaine d’Erzincan. Ouzoun
Hasan envoya sa mère avec certaines personnes de
confiance au camp du Sultan pour plaider en faveur de
l’intercession de Mahmoud Bacha auprès du Sultan. Muhammad
al-Fatih lui accorda le pardon cependant, comme
Ouzoun Hasan n’était pas venu en personne demander pardon,
il demanda à sa mère et aux autres envoyés de l’accompagner
pendant la campagne.
Le Sultan marcha sur Trabzon par la route de Baybourd pour
empêcher l’Empereur de s’échapper. Il envoya Mahmoud
Bacha en avant sur le flanc gauche avec une partie de
l’armée, tandis qu’il s’approcha lui-même par la droite avec
l’armée permanente et les troupes anatoliennes. Après avoir
franchi les sommets escarpés des montagnes, il rejoignit les
forces de Mahmoud Bacha. La flotte était déjà arrivée
et encerclait la forteresse par la mer. Puisque le Takfour
(empereur, prince) avait jugé l’approche de l’armée peu
probable en raison de la rugosité du terrain, il avait déjà
engagé les forces navales lorsque le Sultan arriva et
encercla la forteresse par voie terrestre. Les canons furent
mis en place et le Takfour, voyant qu’il n’avait aucun
espoir de s’échapper, offrit sa reddition sans qu’un coup de
feu ne soit tiré. Il fut amené en présence du Sultan et
revêtu d’une robe d’honneur. Après avoir reçu un salaire
pour son entretien, il fut envoyé à Istanbul avec sa famille
et ses biens. La forteresse et toutes ses terres passèrent
complètement sous le ferme contrôle ottoman tandis que des
sancak-beg, des qoudat et des commandants de garnison y
furent désignés. Les jeunes filles et garçons de la
population chrétienne de Trabzon furent emmenés au service
du Sultan, mais les autres furent laissés libres et en
pleine possession de leurs biens. Les lourds bagages et les
prisonniers furent chargés à bord de navire et envoyés à
Istanbul, tandis que le Sultan rentra dans la capitale par
la difficile route côtière. Chaque fois qu’en cours de route
il avait besoin de provisions ou de fourrage, pour les
animaux, les navires l’assistaient. Après de grandes pertes
parmi les animaux de transport, ils arrivèrent finalement à
Tokat d’où le Sultan rentra sans encombre à Istanbul. Cette
année, les Ottomans eurent la chance de remporter trois
conquêtes.
Les campagnes contre le Beg de Valachie, Kaziklu Voyvoda et Midillu
Comme de coutume, le Bek of Valachia payait tribut chaque
année au Sultan. Il venait personnellement en présence du
Sultan, chargé de cadeaux, pour délivrer le tribut. Le
Sultan de son côté le revêtait d’une robe d’honneur, d’un
chapeau de feutre rouge et d’un
ilskuf doré (une
autre sorte de chapeau de cérémonie) et le renvoyait dans
son pays. Ce Kaziklu Voyvoda[1],
cependant, était un homme très tyrannique. Si un individu
d’un certain village commettait un crime, il punissait tout
le village, hommes, femmes et enfants en les empalant sur
des pieux. Dans sa capitale, Agach-Hisar, il avait un
immense jardin s’étendant sur six milles de long et entouré
de clôtures des deux côtés. Entre les clôtures étaient
exposés les corps de tous les Hongrois, Valaques et Moldaves
qu’il avait empalés. Mais sa cruauté ne s’arrêtait pas ici
et le nombre de ceux qu’il avait pendus aux arbres à
l’extérieur de la forteresse est indéterminé. Il interdit à
quiconque de retirer les cadavres pour les enterrer
affirmant que quiconque retirait un corps de la potence d’un
arbre devait lui-même prendre la place de cet homme. C’est
grâce à l’aide du Sultan qu’il put surpasser en nombre les
Hongrois et les soumettre à tant de défaites, gagnant ainsi
la prééminence parmi les autres beg et devint vaniteux et
arrogant. Malgré tout cela, il montra l’audace d’attaquer
les terres de l’Islam alors que le Sultan était en campagne
contre Trabzon.
Après son retour de cette campagne, le Sultan décida de
tester le degré de loyauté du Beg de Valachie en lui
ordonnant de venir à Istanbul pour présenter son tribut
annuel. Kaziklu Voyvoda, craignant la colère du Sultan,
présenta diverses prétextes et excuses et refusa de
comparaitre. Kaziklu Voyvoda affirma que le devoir de
protection contre les Hongrois lui avait été confié et qu’il
avait dépensé tout son argent dans les récents combats avec
l’ennemi.
Par conséquent, a-t-il soutenu, il n’était ni en mesure de
quitter le pays ni de payer de tribut cette année-là.
Confirmant le cas, le Sultan entreprit une campagne contre
lui et au printemps de l’année 866 (1462), il traversa le
Danube avec une armée de 300000 et entreprit de frapper la
Valachie. Chaque fois que le Sultan était présent au combat,
l’issue était favorable.
Un jour, Mahmoud Bacha choisit soigneusement un lieu
de halte où le Sultan devait camper. Lorsque le Sultan
arriva à cette station, il fut informé qu’il n’y avait pas
d’approvisionnement en eau disponible. Il devint très en
colère car il était donc devenu nécessaire de marcher une
étape supplémentaire.
Il se trouve que Kaziklu Voyvoda avait laissé une force
sélective de sept mille hommes de garde dans cette région
contre son ennemi, le prince de Moldavie, et que
simultanément ‘Ali Bek-oglu Evrenouz Bek avait été envoyé
dans cette direction pour un raid. Afin de frapper Evrenouz
sur ses arrières lors de son retour, l’ennemi attendait à
proximité en embuscade. En raison de la forêt profonde, ils
ne remarquèrent pas que les forces du Sultan s’étaient
également approchées et prirent ces troupes pour les akinci
d’Evrenouz Bek. Le Sultan ordonna à Mahmoud Bacha de
se déplacer contre l’ennemi. Mahmoud déploya l’armée
dans un flanc droit avec Tourahan Bek-oglu ‘Omar Bek, ‘Ali
Bek-oglu Ahmed Bek, Mihal-oglu ‘Ali Bek, Malkoch-oglu
Bali Bek, et d’autres Beg (ou Bek) distingué, et un flanc
gauche avec le Bek d’Albanie, Nasouh Bek, le Bek de
Yanya, Develu-oglu Oumur Bek, Mihal-oglu Iskandar Bek et
d’autres.
Lorsque l’ennemi sortit des bois et vit cette armée, ils
réalisèrent leur erreur et commencèrent à fuir. Les forces
ottomanes les poursuivirent, passèrent une partie d’entre
eux par l’épée et capturèrent un très grand nombre. L’un des
régiments ennemis en fuite rencontra Evrenouz Bek qui
n’était pas au courant de la situation. Voyant que l’ennemi
était ainsi mis en déroute, les ghazis ottomans se jetèrent
dans la mêlée et, de la force valaque originelle de sept
mille hommes, pas plus de sept cents s’échappèrent. Même
après avoir chargé les chameaux et les mules avec des têtes
ennemies coupées, il en restait assez pour que chaque ghazi
parade avec une tête sur la pointe de sa lance. Plus de
mille furent faits prisonniers, enchaînés et emmenés en
présence du Sultan. Les janissaires et les membres de
l’armée permanente tirèrent soudainement tiré leurs épées et
en un instant abattirent les captifs. Pour résumer, l’armée
ottomane se battit pendant une trentaine de jours en
Valachie. Le camp ottoman regorgeait de butin et de captifs.
Une nuit, Kaziklu Voyvoda lanca une attaque surprise contre
le camp du Sultan. Au début, il attaqua les troupes
anatoliennes mais ne put pénétrer dans leurs rangs. Il tomba
ensuite sur les tentes de l’armée permanente du Sultan et de
certains des janissaires, mais ne fit pas beaucoup de
dégâts. Ensuite, au milieu de la nuit, il s’enfuit, avec de
nombreux blessés vers Ordu-Bazar. Cependant, en chemin, il
tomba dans le camp des troupes rumilliennes. Dans chaque
tente, des bougies brûlaient et Kaziklu Voyvoda fut
complètement pris par surprise. Trois mille sept cents de
ses hommes furent capturés et emmenés au Sultan qui ordonna
l’exécution par éviscération. Le reste de l’armée valaque
fuit avec Kaziklu Voyvoda en Hongrie où il fut fait
prisonnier et rencontra sa fin. Le Sultan remplaça ensuite
Kaziklu Voyvoda dans le rôle du Bek de Valachie par son
frère, Radul, en l’investissant avec un étendard avec une
tête d’or, une épée et une ceinture. Le Sultan congédia
alors les troupes et retourna à Edirne.
C’était l’une des bonnes coutumes du Sultan que, si dans une
année une campagne était facilement gagnée, grâce à Allah
Exalté, il s’efforcerait d’obtenir une deuxième victoire. Il
prépara donc la flotte et l’envoya contre Midillu (Mytilène)
tandis qu’il se rendait par voie terrestre à Ayazmend. Le
Sultan embarqua à bord d’un des navires et alla sur l’île.
Il installa la tente impériale sur une colline surplombant
la forteresse et commença le transport des troupes du
continent à l’île par bateau. Des canons furent amenés des
navires et immédiatement placés dans les tranchées pour
commencer à bombarder les murs.
En quelques jours, des brèches s’ouvrirent dans les tours et
dans les murs. Des passages souterrains de tranchées menant
aux murs furent également construits et le Sultan retourna à
Ayazmend, laissant la prise de la forteresse à l’armée
permanente. La forteresse fut prise en quinze jours. Le
prince (Takfour), sa suite et sa famille furent capturés et
amenés en présence du Sultan. Les citadins et les paysans
qui s’étaient réfugiés dans la forteresse pendant le siège
furent pris prisonniers. Le Sultan revint sur l’île et les
prisonniers furent divisés en trois groupes. Un groupe de
plus d’un millier de combattants croisés furent exécutés
tandis que certains des citadins et des paysans furent
choisis pour être présentés comme esclaves aux hommes
d’état, aux officiers et à certains soldats. Le reste des
citadins et des paysans furent laissés en paix à leur place
et soumis à la jizyah et à l’impôt de l’état. L’île entière
fut soumise. Lorsque Midillu devint une partie du royaume
ottoman, un sancak-beg, des qoudat, des commandants de
garnison, des subashis et des sipahis furent nommés tandis
que les églises furent converties en mosquées.
La conquête de la Bosnie
En l’an 867 de l’Hégire (1463), Muhammad al-Fatih
décida de conquérir la Bosnie. La Bosnie était une vaste
terre riche en gisements d’or et d’argent. Son roi payait la
jizyah au trésor du Sultan. En raison de son mariage avec la
fille du despote serbe décédé, le Roi de Bosnie revendiqua
des droits sur Semendere. Par ces prétentions, il avait
retardé la conquête ottomane de cette région en plus,
d’avoir atteint sa royauté actuelle en assassinant son père
et en prenant sa place. Muhammad lui proposa tout
d’abord d’accepter l’Islam et, après avoir reçu son refus,
marcha sur la Bosnie.
Bien que la Bosnie fût un pays lointain, les troupes
ottomanes participèrent volontiers à cette campagne,
attirées par l’espoir d’un riche butin. Lorsque l’armée
atteignit la région frontalière, un groupe de raiders
(d’akinci) attaqua la forteresse de Bobofca et réussit à la
prendre avant que le Sultan n’arrive avec le corps principal
de l’armée. Suite à cela, Visoka et plusieurs autres
forteresses se rendirent de leur plein gré. Certains des
ennemis qui étaient déterminés à maintenir la résistance se
réfugièrent dans des tours et des refuges dans les
montagnes. Au fur et à mesure que le Sultan avançait le long
des sentiers de montagne escarpés, il s’arrêtait de temps en
temps et ordonnait à Mahmoud Bacha ou à l’un des
autres suppliants de chasser les résistants de leurs
cachettes. Certains furent débusqués par la fumée ; d’autres
virent leur approvisionnement en eau coupé tandis que
d’autres furent subjugués par des incursions soudaines. De
nombreux prisonniers furent faits car de grandes foules de
gens s’étaient réfugiées dans ces cachettes.
Lorsque le Sultan installa son camp à Travnik, il apprit des
prisonniers que le roi se trouvait actuellement dans la
forteresse de Yayce. Il envoya immédiatement contre lui Mahmoud
Bacha avec les forces rumilliennes. Lorsque Mahmoud
atteignit la rivière Vrba, il apprit que le roi s’était
réfugié dans la forteresse de Sokol. Il se tourna donc vers
Sokol et de violents combats éclatèrent entre les camps
opposés sur ce terrain escarpé. Le roi, cependant, n’y resta
pas non plus et on apprit qu’il se trouvait maintenant dans
la région autour de la forteresse de Klouc.
Mahmoud fut informé par le commandant des raiders, le
Bek de Tirhala, Tourahan Bek-oglu ‘Omar Bek, que le roi
était actuellement à l’intérieur de la forteresse et
ignorait leur présence. Mahmoud Bacha ordonna
aussitôt ses rangs et marcha contre la forteresse. Les
éclaireurs d’avant-garde avancèrent. Puisque l’ennemi avait
détruit le pont, ils traversèrent la rivière à la nage. Le
roi prit ces éclaireurs pour des akinci. Il déploya ses
troupes à cheval et d’infanterie en rangées et plaça au
centre les arbalétriers, les mousquetaires et les
canonniers. Il plaça ces forces autour des limites de la
ville pendant qu’il regardait l’action depuis une tour. Les
soldats ottomans attaquèrent cette force et de violents
combats débutèrent devant la forteresse. Les tirs de
mousquet et les flèches d’arbalètes remplirent l’air.
Avant que Mahmoud Bacha n’atteigne la bataille, les
éclaireurs avaient complètement vaincu les forces ennemies.
Ceux qui restaient s’étaient réfugiés dans le château.
Lorsque Mahmoud Bacha arriva enfin, la forteresse
était encerclée de tous côtés. La ville en dehors des
fortifications fut incendiée. La forteresse, qui avait
maintenant perdu tout espoir de survie, se rendit. Le roi
sortit de la forteresse et, pour assurer sa propre sécurité,
accepta de céder d’autres forteresses et de céder son
trésor. Mahmoud Bacha l’envoya chez le Sultan et se
tourna vers Izvecay où résidait le jeune frère du roi. Il
encercla le château et les défenseurs, voyant qu’ils
n’étaient pas en mesure d’offrir la bataille, soumirent leur
reddition et remirent le frère du roi. À ce stade, le Sultan
avançait contre Yayce. Quand ceux de la forteresse de Yayce
virent que leur roi et son frère avait été capturé, ils se
livrèrent volontairement au Sultan. Le Sultan donna
quelques-uns des prisonniers de la forteresse de Yayce comme
esclaves aux Begs et aux soldats tout en en maintenant
d’autres dans la forteresse. Bref, ce vaste territoire avec
toutes ses forteresses fut entièrement maîtrisé.
Suite à cela, le Sultan envoya Mahmoud Bacha contre
Hersek (Stjepan Vukcic d’Herzégovine). Hersek s’enfuit sur
le littoral et la plupart des forteresses de son territoire
furent capturées. Plus tard, Hersek envoya son fils à la
cour du Sultan comme otage et souhaita faire la paix. Son
fils devint un
grand compagnon préféré et proche du Sultan. Il (Hersek-zade
Ahmed bacha) épousa une des Sultana, devenant ainsi
un parent du Sultan, et se vit déléguer le poste d’Anadolu
Beylerbeyi et même pour un temps d’amiral. Après un an ou
deux, Hersek mourut, et sa terre devint également une partie
des dominions ottomans.
En plus de ces annexions, les terres appartenant aux
principicules du nom de Kovac-oglu et Pavli-oglu, situées
entre la Bosnie et les terres de l’Islam, furent jointes au
royaume ottoman. Bref, au cours de cette campagne quatre
provinces furent annexées et organisé sous l’administration
de sancak-beg et qoudat.
Les mines furent placées sous le contrôle des amins et les
ri’aya
(résidents) furent soumis à la jizyah. Le Sultan retourna
alors à Istanbul avec d’innombrables butins et richesses.
La nouvelle de la mort de Karaman-oglu Ibrahim Bek
Après son retour de cette campagne, le Sultan apprit que
Karaman-oglu Ibrahim était mort et qu’avec l’aide d’Ouzoun
Hasan son fils aîné, Ishaq, était devenu Beg
de Karaman à sa place. Le deuxième fils d’Ibrahim, Pir Ahmed,
s’était enfuit et trouvé refuge auprès du Sultan. Pir Ahmed
fut envoyé contre son frère à Karaman avec une force sous le
commandement du Sancak-beg d’Antalya, Kose Hamza Bek.
Ishaq Bek, se rendant compte que la résistance était
vaine, installa sa famille dans la forteresse de Silifke et
se réfugia chez Ouzoun Hasan. Pir Ahmed devint
ainsi Beg de Karaman. En échange de l’aide d’al-Fatih,
Pir Ahmed donna plusieurs provinces aux Ottomans.
Après son succès, Hamza Bek revient au côté du
Sultan. Cet événement eut lieu en l’an 868 de l’Hégire
(1463-64).
L’alliance entre les états chrétiens et leur attaque contre les Ottomans
La Bosnie est limitrophe de la Hongrie. Grâce à la
correspondance entre les dirigeants de divers états
chrétiens, une alliance fut formée. En outre, les Vénitiens
envoyèrent une flotte avec l’intention de reconstruire les
murs de l’Isthme de Corinthe. La population musulmane de
Morée se réfugia et s’enferma dans ses forteresses. D’autre
part, les Hongrois envoyèrent une force importante en Bosnie
pour assiéger la forteresse de Yayce. Enfin, même les
Albanais commencèrent à se rebeller sporadiquement.
Face à cette situation, le Sultan estima que soumettre les
Albanais était une chose facile. Les forteresses de Bosnie
étaient fortement fortifiées et difficiles à conquérir pour
l’ennemi mais laisser la Morée aux mains de l’ennemi était
impensable. Les Musulmans piégés dans leurs forteresses
devaient être secourus. Ainsi, tandis que des renforts
étaient envoyés aux Begs en Albanie et en Bosnie, Mahmoud
Bacha fut envoyé en Morée avec les forces rumilliennes. Le
Sultan lui-même suivit ses traces avec les janissaires et
l’armée permanente.
Après avoir achevé les fortifications de l’Isthme de
Corinthe, les Vénitiens procédèrent au siège des forteresses
l’une après l’autre, en commençant par Corinthe. Des canons
furent placés sur la colline escarpée et commencèrent à
bombarder les murs de la forteresse.
Le commandant, Elvan Bek-oglu Sinan Bek, se rendit compte
qu’il n’y avait plus aucun espoir de tenir le coup. Résigné
à mourir, il résolut de faire une dernière sortie dans
l’obscurité de la nuit avec un groupe d’élite de soixante
hommes. Ils surprirent l’ennemi dans leur sommeil et le camp
ennemi tomba dans la confusion et la panique et s’enfuit
dans l’Isthme, laissant derrière lui son artillerie.
Lorsqu’ils apprirent que le Sultan s’approchait également
avec ses forces, ils se replièrent sur leurs navires. Ces
ouvriers et citoyens de la classe inférieure parmi l’ennemi
pour qui il n’y avait pas de place sur les bateaux se
dispersèrent dans les campagnes. Lorsque Mahmoud
Bacha apprit que l’ennemi s’était enfui, il continua sa
marche nuit et jour à un rythme soutenu. Au cours de cette
marche, il m’envoya comme messager pour annoncer au Sultan
la victoire. J’atteignis le camp du Sultan à la périphérie
d’Izdin (Zituni) et rencontra Ishaq Bacha, le
deuxième Vizir qui me conduisit en présence du Sultan à qui
j’ai également relaté les développements. L’armée fut ravie
d’apprendre la bonne nouvelle de cette victoire.
[1]
Kazikli Voyvoda (prince empaleur en turc) n’était
autre que Vlad IV, le prince de Valachie. C’était un
dirigeant très cruel qui tyrannisait surtout les
Turcs. Fils du prince Dracula. Il se battit contre
les Ottomans durant le Sultanat de Muhammad
al-Fatih. Il tua des captifs turcs en les
torturant et en les empalant. Avec sa cruauté, il
laissa un signe sanglant dans les Balkans. Il empala
Vidin Bey et Hamza Bacha. Il tortura des gens
de manière incroyable. Il écorcha, par exemple, la
peau des captifs et saupoudra de sel leur corps,
puis fit lécher le sel aux chèvres. Il cloua les
turbans des ambassadeurs turcs sur leur tête. Il
coupa les tétons des femmes et mis la tête de leurs
bébés dans leur sein. Toutes ces méthodes de torture
incroyables furent des inventions de Vlad. C’était
un dirigeant sauvage. Le Sultan Muhammad
al-Fatih tenta de l’attraper mais il
s’échappa avant d’être finalement tué en 1462 par
l’un de ses propres soldats. |