La Restructuration d’Istanbul en ville Ottoman-Turque
Après la conquête. Muhammad II ajouta le titre Kaiser
à ses autres titres tels que Hakan (Khan), Sultan et
Padishah. Comme le répètent les sources italiennes
contemporaines, Muhammad II après avoir conquis
Istanbul et l’avoir déclarée capitale, se considérait comme
le successeur des Empereurs Byzantins. Il prévoyait de
conquérir toutes les terres qui étaient auparavant soumises
à l’Empire Byzantin, et de les incorporer à Istanbul en
mettant en œuvre une politique strictement centralisatrice.
Son plan comprenait des lieux en dehors de l’Anatolie et des
Balkans qui étaient autrefois soumis à l’Empire Byzantin,
comme le sud de la Crimée et le sud de l’Italie. D’un point
de vue stratégique, la conquête d’Istanbul, le contrôle du
Bosphore et des Dardanelles et la souveraineté en Anatolie,
dans les Balkans, la Mer Noire et la Mer Égée marquèrent la
véritable fondation de l’Empire Ottoman proprement dit.
Après la conquête, Muhammad II accepta le titre de
« Sultan des Deux Continents et Khan des Deux Mers » et, en
858 (1454), envoya sa flotte vers la Mer Noire et la Mer
Égée, demandant aux gouvernements locaux de la région de le
reconnaître comme leur suzerain. De plus, il construisit
deux forteresses des deux côtés des Dardanelles, le Kale-yi
Sultaniye (Canakkale) et le Kilidulbahr, pour amener
Istanbul à une position clé sûre reliant l’Anatolie et les
Balkans. D’autre part, les forteresses d’Anadolu et de
Roumélie devaient protéger Istanbul et le trafic entre ses
deux rives d’une éventuelle attaque de la Mer Noire. Ces
fortifications établirent pour la première fois un contrôle
turc réel dans le détroit. Les Ottomans, sous le règne de Muhammad
II al-Fatih et surtout sous celui de Bayazid II
(886-918/1481-1512), entreprirent la construction d’une
immense flotte, qui pouvait défier les Vénitiens, la grande
puissance maritime contrôlant la Méditerranée. Au cours du
XVIe siècle, les Ottomans accomplirent avec succès cette
tâche.
Le contrôle de la Mer Égée et de la Mer Noire et la sécurité
du détroit étaient d’une importance vitale pour
l’approvisionnement d’Istanbul. Pendant la période
byzantine, le gouvernement dû laisser le contrôle de la Mer
Noire et de la Mer Égée aux Génois et aux Vénitiens, et le
détroit était devenu un passage libre pour tous. La ville
était donc confrontée à des difficultés pour se procurer les
vivres nécessaires et était devenue totalement dépendante du
pouvoir discrétionnaire des Italiens en matière
d’approvisionnement. Il convient de noter que le seul moyen
de transport de marchandises telles que les céréales, la
viande et le bois vers Istanbul était les routes maritimes,
alors que le transport par voie terrestre était extrêmement
difficile et coûteux. C’est le contrôle du gouvernement sur
les routes maritimes qui permit à Istanbul de devenir l’une
des plus grandes villes d’Europe sous domination ottomane au
XVIe siècle. Riz, haricots et épices d’Egypte, blé, graisse
et poisson mariné de Kefe, viande et céréales de
Dobroudja,
Belgorod-Dniestrovski (Akkerman) et Bogdan (Moldavie), bois
et charpenterie du nord de l’Anatolie, fruits secs
d’Anatolie occidentale, blé de Thessalie et Thrace, fruits
et légumes de la région de Marmara furent tous transportés à
Istanbul par voie maritime. En bref, c’est la position
qu’Istanbul reprit en tant que centre d’un empire géant
régnant sur « les deux continents et les deux mers » qui la
conduisit à devenir l’une des plus grandes métropoles du
monde à l’époque ottomane. Après 1453, la « Constantinople »
Byzantine décéda et l’« Istanbul » Ottomane naquit.
La composition patrimoniale de la société ottomane dirigée
par un souverain donna à la ville un caractère particulier.
Les quartiers de la ville s’établirent autour des mosquées
et les complexes socio-économiques qui les entourent, furent
construits par le Sultan, par l’élite ou les notables du
quartier. La destruction des murs et la conquête de la ville
en 55 jours révéla le haut niveau de technologie et
l’efficacité institutionnelle distinguée de l’Empire Ottoman
à cette époque et prédestina son évolution en un empire
mondial au cours du siècle suivant. L’historien roumain
Nicolae Iorga décrivit le Conquérant d’Istanbul comme suit :
« Pour lui, la victoire ne signifiait pas laisser d’énormes
ruines derrière lui. Son objectif était plutôt de
reconstruire systématiquement la ville conquise et de la
recréer. »
Les campagnes militaires de Muhammad II al-Fatih
en Roumanie ainsi qu’en Anatolie visaient à établir un
empire centralisé, souverain des « deux continents et des
deux mers. » Un autre objectif de Muhammad II était
de co-reconstruire Istanbul en tant que ville métropolitaine
et capitale digne de l’immensee. Il acheva l’infrastructure
nécessaire à l’installation et à la subsistance des peuples,
sans discrimination ethnique ou religieuse. La tradition
ottomane bien développée de l’urbanisme, dont le succès
auparavant prouvé dans les villes de Bursa et d’Edirne, fut
maintenant mise à profit pour la restructuration d’Istanbul.
Ce point important a généralement été omis dans la
littérature occidentale tout comme les bonnes qualités et
accomplissements des Musulmans. On pense généralement que la
ville islamique, et avec elle la ville ottomane, est une
colonie amorphe, se développant par elle-même, sans plan au
sol. Les détails suivants prouvent cependant que le
contraire est vrai. Comme les anciennes villes grecques et
romaines, les villes ottomanes furent construites autour
d’une zone centrale planifiée, comprenant des édifices
caritatifs et religieux et des marchés. La construction du «
Bedestan, » considérée comme le cœur de la zone commerciale
et industrielle de la ville, fut décidé en 860 (1456) Durant
l’époque byzantine, ces bâtiments s’appelaient Basilica
(Kaysariyya). Le premier Bedestan d’Istanbul, un bâtiment en
forme de dôme où étaient vendus des textiles, des armes et
des objets de valeur similaires, comprenait 140 magasins et
« coffres forts. » Les marchands les plus aisés résidaient
dans ce bâtiment sûr et envoyaient leurs agents dans des
pays lointains par bateaux ou caravanes pour ramener des
marchandises étrangères avec eux. Alternativement, ils
conclurent des accords de partage des bénéfices appelés
Mudaraba, avec les marchands itinérants qui étaient
principalement engagés dans le commerce des caravanes.
En 898 (1493), les marchands du Bedestan se composaient de
dix Arméniens, cinq Juifs, trois Grecs et cent vingt-deux
Musulmans. Cependant, plus tard, cette composition changea
en faveur des marchands non musulmans. Au cours des années
suivantes, avec le développement du commerce, Muhammad
II al-Fatih construisit le Sandal Bedestan
(aujourd’hui utilisé pour les enchères publiques), où des
tissus de soie étaient vendus. Comme dans toute grande ville
ottomane, autour du Bedestan, les boutiques des Carsi
étaient situées dans des allées parallèles aux quatre rues
principales à partir des quatre portes du Bedestan. Les
magasins vendant des turbans et autres, considérés comme les
plus « nobles » selon la philosophie orientale, étaient
situés le plus près du Bedestar. Les magasins les plus
éloignés, au contraire, formaient le marché aux puces, où
étaient vendus des objets d’occasion. Tous ces magasins
constituaient ensemble le Grand Bazar ou Carsi (Bazar
Couvert d’aujourd’hui).
En 894 (1489), le Grand Bazar comprend 641 boutiques, dont
33 cordonniers, 33 bottiers, 44 chapeliers, 50 couturiers et
tailleurs, 76 bijoutiers et autres artisans. Au cours des
années suivantes, le nombre de magasins atteignit un millier
et les magasins furent couverts d’un toit, constituant ainsi
le « Grand Bazar, » le centre commercial d’Istanbul.
Le deuxième plus grand complexe commercial avec 265
magasins, construit par le Mahmoud Bacha, Grand Vizir
de Muhammad II al-Fatih, est situé à côté du
Grand Bazar construit par le Sultan lui-même.
Toutes ces installations qui étaient louées à des marchands
étaient organisées en Waqf (fondation pieuse) liées chacune
à une mosquée. L’institution islamique du Waqf constitue la
base de l’urbanisme ottoman et cette institution développa
toutes sortes d’organisations sociales, économiques et
caritatives. Waqf est la cession de biens meublés et
immeubles à durée illimitée à une institution religieuse, au
nom d’Allah, à Lui les Louanges et la Gloire. Le Waqf était
géré selon une charte, assurant son fonctionnement
ininterrompu. Un Waqf se composait de deux parties, la
première partie étant l’institution caritative elle-même et
la seconde partie les sources de revenus du Waqf. La
première partie comprenait l’édifice religieux et autour de
lui les fondations pieuses suggérées par la religion
islamique : la Madrasa, la bibliothèque, l’hôpital, la
cuisine publique pour les pauvres et les voyageurs, l’école
primaire et la fontaine. La seconde partie était constituée
de biens immobiliers générant des revenus, le bazar,
l’arasta, le caravansérail, le han (auberge), les magasins,
l’entrepôt, la salle des marchés et le bain public. Les
salaires des fonctionnaires religieux et des employés ainsi
que les frais de réparation du Waqf étaient payés sur les
revenus de ces sources. On sait que Muhammad II
al-Fatih organisa les magasins, les halles publiques,
les auberges et les bains publics en tant que Waqf qui
servaient de source de revenus aux Mosquées Sainte-Sophie et
Fatih. Les loyers des maisons, églises, monastères et
entrepôts laissés par les Byzantins furent également
utilisés pour les travaux de construction comme Waqf. Les
autres institutions commerciales liées aux mêmes fondations
étaient les suivantes : Le Bey Caravansérail, les Halles à
farine, les Halles aux fruits. Le dépôt de sel, la fabrique
de bougies, la fabrique de savon, la maison de finition du
textile, la tannerie, l’abattoir, la maison de teinture.
De plus, deux bains publics, 46 boucheries, 41 restaurants,
28 bozahares (les magasins de boza ?), des boulangeries et
2000 autres magasins tout autour de la ville furent inclus
dans les Waqf de Muhammad II al-Fatih. 14000
pièces d’or, obtenues de diverses sources de revenus Waqf,
furent affectées à la réparation de la Mosquée Sainte-Sophie
et aux salaires de ses employés. Un architecte fut employé
en permanence pour les travaux de sa réfection. Grâce à ces
rénovations et à cet entretien, ce magnifique bâtiment
survécut jusqu’à nos jours.
La construction des installations d’approvisionnement en eau
alimentant en eau les mosquées et les maisons de la ville
était considérée comme un devoir religieux. Dans ce but, Muhammad
II al-Fatih rénova les anciens aqueducs byzantins et
construisit les célèbres fontaines Kirkcesme. La mise en
place de nouveaux quartiers autour d’une zone centrale
planifiée se fit de la manière suivante : Tout d’abord, un
groupe de personnes appelées communauté, qui avaient été
soit exilés, soit étaient venus dans la ville de leur propre
gré, furent installés dans une zone vide. Par exemple, deux
communauté juives exilées d’Italie et d’Espagne, furent
installés séparément sous des noms différents tels que les
Catalans et les Siciliens (non pas comme les envahisseurs de
la Palestine qui ont non seulement volés les terres de ses
habitants mais les ont expulsés quand ils ne les ont tout
simplement massacrés et cela dure jusqu’à nos jours.
Cependant la délivrance est toute proche).
Au fil du temps, chacune de ces communautés créa un quartier
séparé organisé autour d’un édifice religieux et les membres
de ces communautés furent dispersés dans les quartiers juifs
existants de la ville. L’intégration des communautés dans la
ville était vraisemblablement un processus graduel.
Sous le règne de Muhammad II al-Fatih,
Istanbul se composait essentiellement de trois unités
administratives appelées Istanbul intra murale. Galata et
Ayyoub (Haslar). Chaque zone était divisé en cantons
(municipalités) administrés par les Na'ib (juges de
substitution) et des Qadi. Les cantons se composaient à leur
tour de district administrés par l’Imam (guide-prière) de la
mosquée du district et l’intendant de la ville ou
le représentant des habitants du district.
L’expansion des districts fut lancée par des particuliers
plutôt que par l’état. Les quartiers se sont développés
autour d’une mosquée construit majoritairement par un riche,
un marchand ou un artisan.
Conformément à la règle du respect de la vie privée de la
religion islamique, l’état n’intervenait pas directement
dans le quartier, considéré comme relevant du domaine de la
vie privée. Les affaires quotidiennes du district étaient
traitées par l’Imam ou le représentant local.
La population de 160 villages autour de la ville, située
dans la zone s’étendant des rives européennes du Bosphore à
la Mer Noire et Ayyoub fuit ou fut asservie pendant le
siège. Dans les conditions qui prévalaient, la production
faite dans ces villages avait une importance profonde pour
l’alimentation de la ville et il fallait donc les peupler
immédiatement. La stratégie de Muhammad II al-Fatih
pour la mise en valeur de ces villages fut la suivante :
Il installa d’abord de force les Yoraks dans certains de ces
villages. Une centaine de villages étaient peuplés de
villageois grecs et serbes, qui avaient été faits
prisonniers lors de ses campagnes militaires dans les
Balkans. Ces villageois reçurent le statut métayers
puisqu’ils étaient considérés comme des prisonniers de
guerre et furent contraints de devenir des métayers
travaillant sur des terres appartenant à l’état.
Muhammad II le Conquérant construisit d’abord le
complexe et les infrastructures attachées à la Mosquée
Sainte-Sophie. Puis en 867 (1463), conformément à la
tradition ottomane de la construction de la ville, il
ordonna la construction d’une Mosquée et d’un Complexe
Sultanesque en son propre nom. Les bâtiments des pieuses
fondations de ce complexe, achevé en huit ans, s’étendent
sur une superficie de 100000 m2. Le complexe comprenait une
mosquée, huit grandes et huit petites madrasas des deux
côtés de la mosquée, un hospice d’hiver chauffé, une cuisine
publique et maison d’hôtes, un hôpital, une école primaire
et une bibliothèque. De plus, des maisons pour les ‘Ulémas
(érudits en théologie) furent construites autour du
complexe.
Les installations mises en place comme source de revenus
pour les fondations pieuses comprenaient un grand bazar (le
Bazar Sultan) avec 280 magasins, une salle des selliers avec
110 magasins entourés d’un mur et deux Hammams (le
Hamam Chukur et le Hamam Irgatlar). Au nord, il y
avait le marché aux chevaux et les écuries. Au sud de
Sarachane, de nouvelles casernes pour les janissaires furent
construites. Le revenu annuel du complexe provenant de
diverses sources atteignit 1321219 akfas (environ 32000
pièces d’or). Le nombre de fonctionnaires, dans la mosquée
et dans les autres fondations pieuses qui recevaient leurs
pensions du Waqf de Fatih était de 383. De plus, les
théologiens et les soldats invalides touchaient des pensions
sur ces revenus, Outre la nourriture gratuite cuisinée à
l’Imaret (cuisine publique), 3300 miches de pain furent
distribuées gratuitement par jour. En bref, ces
installations constituaient le cœur d’une ville ottomane
typique, offrant toutes sortes de services religieux,
sociaux et économiques. Les emplacements des installations
byzantines à l’intérieur d’Istanbul intra mural restèrent en
général inchangés pendant la période ottomane.
Les sections Bedestan et Grand Bazar de la ville, par
exemple, avaient également les mêmes fonctions pendant la
période byzantine. L’hippodrome des Empereurs Byzantins fut
transformé en Atmeydani de la période ottomane, où des
spectacles et des spectacles étaient organisés lors
d’événements tels que les mariages, les circoncisions ou les
lancées de javelot. L’Un-kapani, lieu de la région portuaire
de la Corne d’Or, utilisé pour le pesage et la distribution
de farine, avait la même fonction à l’époque byzantine.
Cependant, la ville d’Ayyoub, au-delà des murs de la ville,
était de ses racines établie en tant que ville turque. Ici,
un mausolée, une mosquée et un complexe imaret (cuisine
publique) construits par Muhammad II al-Fatih
près de la tombe du Compagnon du Prophète Muhammad
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), Aba Ayyoub (radhiyallahou
‘anhou) se développèrent avec le temps pour devenir une
ville ottomane typique. Les premiers habitants de cette
ville furent amenés de force de la ville de Bursa. Plus
tard, Aba Ayyoub commença à être considéré comme le patron
d’Istanbul. A l’image des villes saintes européennes du
Moyen Âge qui s’établissaient autour des tombes des saints,
la ville d’Ayyoub devint un point de visite pour tout le
Monde Islamique et acquit un caractère unique.
En 863 (1459), les Vizirs du Sultan commencèrent, sur ses
ordres, à construire des complexes similaires dans d’autres
parties de la ville et les nouveaux quartiers d’Istanbul se
développèrent autour de ceux-ci. Les complexes les plus
importants construits par et après Muhammad II
al-Fatih pendant le règne de Bayazid II, étaient les
complexes de Mahmoud Bacha, Mourad Bacha, Ahmed
Bacha Gedik (Kadik), Mustafa Bacha, Ibrahim Bacha Chandarli
et Khadim ‘Ali Bacha. Avec le temps, des nouvelles
municipalités émergèrent autour de ces complexes, qui
fournirent à la ville des mosquées, des madrasas, des
écoles, des imaret et d’autres services religieux et sociaux
et en l’an 905 de l’Hégire (1500), les 12 cantons d’Istanbul
avaient déjà vu le jour. L’Istanbul intra mural, qui couvre
une superficie de 13 km2, ne peut être considérée comme une
ville prototypique organisée en cercles concentriques autour
d’un centre-ville. La ville s’est plutôt développée en
diverses municipalités au sein de cette immense zone, autour
des complexes construits par le Sultan ou ses Vizirs. Chaque
canton avait un grand complexe au centre et les quartiers se
développaient à leur tour autour d’une mosquée, d’une église
ou d’une synagogue. Ainsi, ces complexes reflètent un ordre
patrimonial et hiérarchique dans la constitution de la
ville. Aucun Vizir ne pouvait construire des complexes plus
grands que ceux du Sultan.
Les gens ordinaires n’étaient autorisés à construire des
mosquées que dans les districts. Si nous devons attribuer un
« centre » à la ville d’Istanbul, ce centre devrait
probablement être la région portuaire de la Corne d’Or et le
marché où se trouvait le Grand Bazar.
La région du Port, point d’arrivée de la nourriture et
d’autres marchandises par la mer et l’emplacement d’immenses
halles commerciales et de peseuses, et le Grand Bazar, le
point final des caravanes, étaient reliés entre eux par des
rues parallèles. Les magasins étaient situés des deux côtés
de ces rues comme à l’époque de l’Empire Byzantin, cette
région était la zone commerçante la plus distincte et le
centre d’Istanbul ottomane, comme c’est encore le cas
aujourd’hui.
La ville islamique, comme la ville de l’Antiquité, semble se
composer de deux parties. La vie économique et sociale de la
ville se concentre autour du temple principal et du marché
principal, qui ont tous deux un caractère hautement planifié
et organisé. Au-delà des complexes se trouvent les quartiers
situés au hasard, où vivent les habitants de la ville. On
peut dire que l’Istanbul ottomane proprement dite apparue
sous le règne de Bayazid II, lorsque la population de la
ville atteignait probablement 200000 habitants dans ses 12
districts. L’Istanbul intra mural était la véritable zone
métropolitaine de l’époque.
Uskudar, le point final des caravanes venant d’Asie, Galata
et Ayyoub (Haslar), constituaient des villes séparées. Au
XIXe siècle, la région de Galata-Pera se développa
rapidement vers le nord et éclipsa le vieil Istanbul. La
transformation de la zone de villégiature d’été existante le
long des rives d’Uskudar-Kadikoy et de Pendik en une ville
métropolitaine dû attendre la période 1369-1440 (1950-1990).
Cependant, la fonction de la zone commerciale
Istanbul-Galata en tant que centre de la ville ne changea
pas avec aucun de ces développements.
Sans aucun doute, c’est Muhammad II al-Fatih
qui jeta les bases de la ville turque d’Istanbul. Comme le
dit la Charte : « Ce qui compte vraiment, c’est de donner
naissance à une ville et d’accorder ses habitants. » Ces
mots reflètent l’objectif fondamental de la tradition
ottomane bien établie de l’urbanisme, qui reposait sur
l’institution du Waqf.
Galata
Le 23 Joumadah al-Oula 857 (1er juin 1453), la région de
Galata, avec la plupart de ses habitants et des bâtiments
importants, passa sous la domination ottomane, après avoir
obtenu un ahdname (un document écrit conférant au porteur
certaines immunités) par le Sultan Muhammad II. Avec
ce document, les habitants de Galata se virent octroyer un
aman (la sécurité), ce qui signifie que leur vie et leurs
biens étaient garantis par le Sultan conformément aux règles
de la religion islamique. Ce document cependant, n’est en
aucun cas un document accordant un droit d’autonomie en
matière intérieure, comme cela fut généralement suggéré par
les étrangers d’Europe et des Levantins au XIXe siècle.
Après la soumission de Galata, le Sultan nomma immédiatement
un voïvodat (gouverneur) et un Qadi, établissant ainsi la
domination ottomane directe dans la ville.
Pendant la période de l’Empire Byzantin, les Génois avaient
transformé Galata en une colonie génoise indépendante en
encerclant la ville avec de solides murs de la ville. Sous
le règne des Ottomans cependant, ce statut de la ville
changea complètement. Selon le recensement ottoman de 859
(1455), la population non musulmane de Galata se composait
de trois catégories. La première catégorie comprenait les
marchands génois et vénitiens qui vivaient temporairement
dans la ville. La deuxième catégorie comprenait les génois
natifs qui acceptèrent la nationalité ottomane et la
troisième et dernière catégorie était composée des Grecs,
des Juifs et des Arméniens installés dans la ville depuis
l’époque des Génois. Les marchands génois avaient obtenu des
garanties de résidence et de commerce et le reste du peuple
génois devint soumis aux Ottomans, comme les autres peuples
Dhimmis, sujets non musulmans de l’Empire.
Muhammad II al-Fatih accorda une importance
particulière à ce que Galata reste un port commercial très
actif, comme par le passé. Avec cet objectif en tête, il
déclara que les habitants qui quittaient la ville se
verraient restituer leurs maisons et leurs biens s’ils
revenaient dans les trois mois. Le recensement de 859 (1455)
indique que certaines personnes revinrent effectivement. Les
riches génois et les grecs constituaient une part importante
des fugitifs. Il n’y avait que deux Arméniens parmi eux et
aucun Juif.
De toute évidence, les Juifs, les Arméniens et les Grecs,
qui étaient contre le gouvernement génois, jouèrent un rôle
important dans la soumission de la ville aux Ottomans. Avec
l’augmentation de la population et la création de nouveaux
quartiers à l’époque génoise, de nouveaux murs furent
construits autour de la ville, transformant ainsi Galata en
une forteresse à cinq sections. Le Sultan ordonna que
certaines parties des murs de terre de Galata soient
partiellement démolies pour des raisons de sécurité.
Cependant, la ville conserva fondamentalement sa topographie
de l’époque génoise. Le noyau génois initial de la ville, la
zone entre Azep-kapi et Karakoy, s’étendit au fil du temps
vers la Grande Tour et est resté la zone commerciale la plus
animée de Galata pendant la période ottomane. Cette section
de la ville comprenait la Vieille Logia et la Nouvelle Logia
des Génois et les principales églises des Latins telles que
St Michael, St Francis, St Anne, St Mary, St Domenic et St
Zani. Les Juifs étaient installés dans la région de
Karakoy-Yuksekkaldirim à l’est des premiers remparts de la
ville et les Grecs vivaient dans la zone entre la tour de
Galata et les premiers murs génois ainsi que sur la Corne
d’or entre Karakoy et Tophane, alors que les Arméniens
étaient installés sur la pente derrière.
Selon le recensement de 859 (1455), les Grecs constituaient
le plus grand groupe de Galata. Le deuxième plus grand
groupe était les Latins (Génois, Vénitiens et Catalans). Les
Arméniens se classaient au troisième rang et les juifs en
dernier. Le processus d’établissement des Turcs à Galata
s’est poursuivi pendant près d’un demi-siècle. Ils
préféraient s’installer dans les quartiers occidentaux peu
peuplés de la ville. Les soldats de la marine
azerbaïdjanaise, les capitaines et le transport entre
Istanbul et Galata à travers la Corne d’Or se faisaient
principalement par bateau.
Le premier pont sur la Corne d’Or fut construit entre
Azep-kapi et Un-kapani en 1252 (1836). En 1313 (1896), un
tunnel souterrain fut ouvert entre Karakoy et Beyoglu, qui
fut l’un des premiers tunnels souterrains du monde.
Fin du texte d’Inalcik. |