Fetih Ve Istanbul ‘Un Yeniden Insasi

Khalil Inalcik

 

Sur les causes du siège et de la capture d’al-Constantiniyah

 

Le Conquérant, La conquête et la Restructuration d’Istanbul 

Les Ottomans et Byzance 699 - 857 (1300 - 1453)

 

Istanbul perdit sa fonction de capitale l’Empire Byzantin sous la domination latine entre 597 et 659 (1201 et 1261), lorsque l’Empire fut divisé en un certain nombre de petits états. Entre 659 et 855 (1261et 1451) pendant la période des Paléologues qui conquirent la ville des Latins, l’empire était devenu obligé de laisser le contrôle de l’Anatolie occidentale aux principautés turkmènes.

 

Au cours de la même période, la Mer Noire et les îles de la Mer Égée étaient passés sous la domination des Vénitiens et des Génois, qui contrôlaient également le détroit et le commerce outre-mer d’Istanbul. Dans les années 699 (1300), lorsque la principauté ottomane fut fondée, la domination byzantine était déjà limitée à Thrace dans les Balkans et à Bithynie en Anatolie. Bref, Constantinople avait depuis longtemps cessé d’être un centre impérial. La ville avait perdu son caractère urbain et sa population avait diminué. On estime que la population de la ville pendant cette période se situait entre 30000 et 60000 habitants, alors qu’à l'époque prospère de Constantinople, elle n’était pas inférieure à un demi-million. 1338 maisons et 144 boulangeries furent recensées dans le Notia Urbis du 5ème siècle. Pendant la période des Paléologues, le commerce d’outre d’Istanbul était entre les mains des Vénitiens qui étaient installés dans la région portuaire de la Corne d’Or. La région de Galata, de l’autre côté de la ville, était contrôlée par les Génois. Pendant cette période, les recettes douanières de Galata avaient atteint 200000 pièces d’or, tandis que celles d’Istanbul s'élevaient à 30000.

 

Les Ottomans avaient déjà conquis l’ensemble de la Bithynie et de la région de Kocaeli dès les années 740 (1340), et étendu leur territoire jusqu’aux Dardanelles et au Bosphore. En 753 (1352), ils s’installèrent dans la péninsule de Gallipoli et en 762 (1361) conquirent Thrace avec sa ville centrale Edirne. Ainsi, la ville d’Istanbul était déjà entourée de tous côtés par l’État Ottoman et la domination byzantine se limitait à quelques villages autour de la ville et à quelques ports de la Mer Noire.

La menace ottomane contre Istanbul était à l’ordre du jour en Italie dès 761 (1360), lorsque les Ottomans marchèrent sur Qorlu. Un an après la victoire ottomane contre les alliés byzantins dans les Balkans (bataille de Chermanon, 772 (1371)), l’Empereur reconnut le Sultan Ottoman comme le suzerain et accepta de lui remettre un tribut de 15000 pièces d’or par an. Ainsi, l’Empire Byzantin était devenu une partie de l’Empire Ottoman dès 773 (1372). Les tentatives d’établissement de la souveraineté ottomane directe sur la ville débutèrent sous le règne de Bayazid I (791 - 804 (1389-1402)). L’État Ottoman, après avoir conquis les Balkans jusqu’au Danube et l’Anatolie jusqu’au fleuve Euphrate, devint un empire et Bayazid commença à être appelé « Empereur » dans les sources européennes. Istanbul était considérée comme le centre naturel de l’Empire Ottoman, qui avait remplacé l’Empire Byzantin dans les Balkans et en Anatolie. La dynastie byzantine et l’élite dirigeante croyaient que l’aide militaire de l’Europe, c’est-à-dire une croisade, était le seul remède pour la survie d’Istanbul. En 772 (1371), l’Empereur Byzantin Joannes V Paléologue rendit visite au Pape à Rome et discuta des perspectives de l’union des deux églises et d’une nouvelle croisade contre les Ottomans. Les préparatifs de cette croisade étaient dirigés par les Vénitiens qui avaient établi le contrôle économique d’Istanbul. La ville de Constantinople était sous le siège de Bayazid I depuis 796 (1394).

 

Enfin, en 798 (1396), une immense croisade formée par des volontaires de nombreux pays, dont l’Allemagne, la France et l’Italie, procéda jusqu’à Nicopolis sous le commandement du Roi Hongrois Sigismond, dans le but de libérer Istanbul et d’expulser les Ottomans des Balkans. Pendant ce temps, la flotte vénitienne avait navigué vers la Mer Noire et établi le contact avec les croisés le long du Danube. Les croisés furent écrasés par Bayazid près de Nicopolis (21 Dzoul Hijjah 798 - 25 septembre 1396). L’Empereur Byzantin, de retour à Constantinople, dû faire la paix avec les Ottomans, accepta la création d’un quartier turc et la présence d’un Qadi ottoman (juge) dans la ville ainsi que de de payer un tribut annuel de 10000 pièces d’or. Bien que les Vénitiens aient commencé à être sérieusement préoccupés par la chute de la ville aux mains des Ottomans, lorsque Tamerlane vaincu Bayazid et le fit prisonnier pendant la bataille d’Ankara (804 (1402)), Constantinople fut libérée.

 

Les Ottomans firent deux autres tentatives pour conquérir Byzance, l’une en 814 (1411) et l’autre en 825 (1422).

 

Le Sultan Muhammad II et l’idée de conquête

 

Le Sultan Muhammad II, qui marqua le début d’une nouvelle ère dans l’histoire du monde, monta sur le trône en 848 (1444), à l’âge de 13 ans. Au cours de cette première période de deux ans de Sultanat, le contrôle effectif était détenu par son puissant Grand Vizir Khalil Chandarli Bacha. Les espoirs de Byzance de se débarrasser de la menace ottomane atteignirent leur paroxysme lorsque, à l’automne 848, une nouvelle croisade dirigée par le Roi de Hongrie traversa les Balkans et atteignit la forteresse de Varna près d’Edirne. Dans ces conditions critiques, Khalil Chandarli appela de toute urgence Mourad II à prendre le commandement de l’armée. La victoire ottomane à Varna (28 Rajab 848 - 10 novembre 1444) sauva l’État Ottoman de la destruction. Les Ottomans tinrent l’Empereur Byzantin responsable pour avoir encouragé cette croisade lors de sa visite à Florence en 842 (1439).

 

C’est à ce moment que les Ottomans décidèrent qu’il était devenu inévitable de conquérir Constantinople et d’anéantir Byzance à tout prix. Après la victoire à Varna, malgré les objections de Chandarli, Mourad II laissa son fils Muhammad II sur le trône, sur lequel Orkhan Chalabi à Istanbul revendiquait également le droit. D’autre part, Shihab ad-Din et Zaganos Bacha, les tuteurs de Muhammad II, véritables héros de la victoire de Varna, insistèrent sur une action immédiate pour la conquête d’Istanbul afin de s’assurer que Muhammad II reste au pouvoir. Cependant, après une rébellion organisée par Chandarli en 850 (1446), il fut affirmé que Muhammad II était incapable de diriger l’état et Mourad II restauré sur le trône. Le jeune sultan fut envoyé à Manisa. Les cinq années qui se sont écoulées jusqu’à la mort de son père le 16 Mouharram 855 (18 février 1451), date à laquelle il fut de nouveau intronisé, contribuèrent grandement au talent et à l’expérience du jeune Sultan.

 

Muhammad II, maintenant pour la deuxième fois monta sur le trône à l’âge de 19 ans, était considéré comme un souverain faible tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

 

Pour cette raison, la conquête d’Istanbul était devenue impérative pour Muhammad II pour renforcer sa position, Shihab ad-Din et Zaganos Bacha, qui avaient des antécédents militaires contrairement à Chandarli qui était d’origine religieuse, pensaient que la conquête d’Istanbul ne devait pas s’avérer très, difficile, surtout après la victoire à Varna.

Ils considéraient la conquête absolument nécessaire pour la réaffirmation des pouvoirs du Sultan ainsi que de leurs propres pouvoirs. L’Empereur Byzantin menaça le Sultanat de Muhammad II en gardant Orkhan Chalabi, le rival du jeune Sultan, à Istanbul.

En 848 (1444), Orkhan Chalabi se rendit à de d’al-Constantiniyah en Roumélie et tenta d’organiser une rébellion. Pendant le siège de 857 (1453), il était parmi les combattants contre Muhammad II. La politique byzantine pour forcer les Ottomans à la paix consistait à inciter à de nouvelles croisades et à garder un prétendant au Sultanat Ottoman à Constantinople. Les développements ci-dessus expliquent dans une certaine mesure pourquoi le Sultan lanca le siège de Constantinople exactement au printemps de l’année 857 (1453).

 

Il est clair que, depuis 796 (1394), les Ottomans étaient conscients du fait qu’ils devaient conquérir Constantinople si l’empire qu’ils avaient établi en Anatolie et en Roumanie devait survivre, mais ils ne purent pas pu atteindre cet objectif en raison de certaines conditions défavorables. De plus, le report de la conquête avait également des raisons stratégiques. Tout d’abord, Constantinople était alors protégée par l’un des systèmes de murailles les plus solides au monde. La ville pourrait facilement recevoir une aide militaire et des provisions par voie maritime.

Deuxièmement, les armées et les flottes de croisades occidentales étaient à tout moment prêtes à s’avancer pour soutenir la ville, comme elles l’avaient fait en 798 (1396). Troisièmement et dernièrement, il était possible pour les dynasties locales et les seigneurs en Anatolie et en Roumanie de se révolter, tandis que l’armée ottomane était occupée par le siège de Constantinople.

Chandarli, qui avait le contrôle absolu du gouvernement, s’opposa à l’idée d’un nouveau siège, en raison des dangers mentionnés ci-dessus. Il fonda ses arguments sur l’échec de l’ancien siège par Bayazid I. Un autre facteur important était que le dirigeant byzantin avait en général accepté la soumission aux Ottomans et avait ainsi établi un modus vivendi entre les parties. En outre, Constantinople et Pera (Beyoglu) étaient d’une importance primordiale pour les membres de la classe supérieure ottomane et les marchands et ils n’avaient donc aucune intention de perturber le statu quo.

Muhammad II et ses Vizirs, après avoir soigneusement examiné tous ces facteurs, et sans négliger aucune mesure, commencèrent à faire des préparatifs pour le siège. Le jeune Sultan, après être monté sur le trône en 855 (1451), fut incapable d’éliminer son puissant Vizir Chandarli, mais le força à la place à servir ses propres objectifs. Chandarli était conscient du fait que la conquête serait peut-être la fin de son pouvoir et peut-être même de sa vie ; néanmoins il prit habilement les mesures diplomatiques nécessaires pour le siège. Il signa des traités de paix contenant des conditions satisfaisantes pour Venise et la Hongrie, empêchant ainsi une éventuelle croisade de l’Occident. Certaines terres en Anatolie furent été accordées à la principauté de Karaman pour garantir sa neutralité. De plus, dans un court laps de temps (Dzoul Hijjah - Rajab 855/856 (janvier-août 1452)), une nouvelle et grande forteresse (Roumélie Hisari) fut construite sur le Bosphore juste en face de l’ancien Anadolu Hisari et le Sultan déclara qu’aucun navire ne serait autorisé à traverser le Bosphore sans un permis. Une autre fonction de cette forteresse, dont l’emplacement et le plan avaient été déterminés par Muhammad II lui-même, était de couper l’accès à Istanbul de la Mer Noire, une source majeure de nourriture pour la ville. De plus, en cas d’échec du siège, la forteresse serait utilisée comme base militaire pour le blocus de la ville. Des canons très grands et puissants furent coulés pour le Sultan par le maître hongrois Urban. Pendant ce temps, des mortiers furent construits pour bombarder les navires dans la Corne d’Or depuis les hauteurs de Galata. Ces innovations dans le domaine de l’artillerie marquent le début d’une nouvelle époque dans l’histoire car elles jouèrent un rôle important dans le renversement des seigneurs locaux qui se réfugiaient dans leurs châteaux en Europe et dans les Balkans, et contribuèrent ainsi à l’effondrement du système féodal et l’émergence de monarchies centralistes. Les canons de Muhammad II devaient détruire complètement les murs de la ville et ouvrir la voie à l’armée ottomane pour entrer dans la ville.

 

Le jeune Sultan  avait scruté chaque détail (son intelligence contredit les propos de l’auteur, ndt) : des sapeurs qualifiés pour placer des explosifs sous les murs de la ville furent amenés des mines de Serbie et la flotte ottomane fut fortifiée avec de nouveaux navires afin d’empêcher toute aide possible à la ville par la mer et de faire face à toute flotte ennemie. La flotte ottomane comprenait 30 galères, le principal navire de guerre de l’époque.

 

Des sources contemporaines rapportent que cette flotte se composait de 130 à 300 navires, y compris les petits navires. Cependant, comme nous le verrons plus loin, l’échec de la flotte pendant le siège conduisit pendant un certain temps à une grave crise. Le jeune Sultan réorganisa ses forces territoriales avec l’aide de ses Vizirs expérimentés Shihab ad-Din et Zaganos, augmentant le nombre de janissaires de 5000 à 10000.

 

Le siège et la Conquête

 

Après la construction de la forteresse Roumélie en 856 (1452), l’Empereur Byzantin commença à se préparer à un éventuel siège. Les murs de la ville furent réparés ; des messagers furent envoyés à Venise pour demander une aide immédiate et une force militaire qualifiée de 700 soldats commandée par le Génois Giovanni Giustiniani-Longo fut amenée à Constantinople. Tous les habitants de la ville d’origine latine et en particulier les Vénitiens, les Catalans et les Génois de Pera étaient prêts à défendre la ville. Un total de 26 navires de guerre, dont cinq vénitiens et cinq génois, furent préparés pour la bataille, à la Corne d’Or. Selon un recensement, il y avait 983 Byzantins et 2000 étrangers dans la ville capables d’utiliser des armes. Les forces de défense totalisaient 7000 personnes. Orkhan Chalabi, qui s’était réfugié auprès de l’Empereur Byzantin, rejoindra également les forces de défense avec ses hommes.

 

Muhammad II quitta Edirne avec ses canons et ses principales forces de 70000 hommes. La flotte quitta Gallipoli en mars. Le 22 Rabi’ al-Awwal 857 (2 avril), les forces d’avant-garde ottomanes arrivèrent à Constantinople. Le même jour, l’Empereur ordonna que l’entrée de la Corne d’Or soit fermée par une chaîne. Le 26 Rabi’ al-Awwal (6 avril), le jeune Sultan, avec ses principales forces, arriva à Constantinople et érigea sa tente impériale devant la porte St Romanus. Les événements majeurs du siège sont décrits ci-dessous par ordre chronologique.

 

26 - 27 Rabi’ al-Awwal (6 et 7 avril) : Début des premiers bombardements.

Une partie des murs de la ville près d’Edirnekapi s’effondra. La brèche dans le mur fut comblée par les Byzantins durant la nuit. Le limage des tranchées et le creusement des tunnels souterrains débutèrent.

 

29 Rabi’ al-Awwal (9 avril) : La première attaque pour entrer dans la Corne d’Or fut lancée par Souleyman Bey Baltaoglu.

 

1 Rabi’ ath-Thani (11 avril) : Les gros canons bombardèrent les murs de la ville. Les murs s’effondrèrent partiellement, mais les forces de défense essayèrent de les réparer avec des piles de bois et des sacs remplis de terre.

 

2 Rabi’ ath-Thani (12 avril) : Baltaoglu attaqua les navires chrétiens gardant la Corne d’Or de l’autre côté de la chaîne. Les navires chrétiens, avec des flancs plus élevés, remportèrent la bataille navale. Le succès des navires donna lieu à des célébrations parmi les habitants de la ville et les forces de défense. L’armée ottomane commença à se démoraliser. Des mortiers furent construits avec les instructions du Sultan et les navires ennemis dans la Corne d’Or commencèrent à être bombardés. Le naufrage d’un navire ennemi contribua à remonter le moral des forces ottomanes.

 

8 Rabi’ ath-Thani (18 avril) : Première attaque majeure. Cette nuit-là, des soldats ottomans, tambours et torches à la main, attaquèrent la brèche causée par les canons. Les tentatives d’incendier les palissades en bois, qui durèrent quatre heures, n’aboutirent cependant pas.

 

10 Rabi’ ath-Thani (20 avril) : Trois navires génois transportant de la nourriture et des armes envoyés par le Pape et un navire byzantin transportant du blé traversèrent les Dardanelles et arrivèrent vendredi matin à Constantinople. Le Sultan vint sur le rivage et ordonna à Baltaoglu de capturer ou de couler ces navires. De plus, il envoya de gros cargos transportant des soldats et des armes pour un soutien supplémentaire. Les habitants de la ville se rassemblèrent à l’Acropole (la colline du Palais de Topkapi), attendant impatiemment le résultat. Un vent du sud-ouest se leva et les navires ottomans eurent du mal à manœuvrer sur la mer agitée. Les flèches et les lances tirées des navires ennemis ne donnèrent aucune chance aux soldats ottomans qui approchaient de se remettre. Le jeune Sultan, observant l’impuissance de sa flotte, était furieux et entra à cheval dans les eaux peu profondes, comme s’il voulait se joindre personnellement à la bataille. Vers le soir, le vent changea soudainement de direction vers le nord-est et quatre navires chrétiens toutes voiles larguées traversèrent la flotte ottomane et se s’approchèrent de la Corne d’Or. Baltaoglu retourna à Dolmabahce avec sa flotte et la nuit les quatre navires chrétiens entrèrent dans la Corne d’Or, profitant que de chaîne relâchée par les Byzantins. Il fut estimé que les Chrétiens perdirent 23 hommes et les Ottomans environ 300 hommes dans cette bataille.

 

La défaite rendit le Sultan furieux et Baltaoglu échappa de peu à l’exécution. Après cet événement, Hamza Bey fut nommé nouveau commandant de la flotte. Cette défaite créa une grave crise parmi les Ottomans et certains soldats qui avaient pris part à la bataille commencèrent à quitter l’armée. Malgré ces événements, le Sultan ordonna l’intensification des bombardements et les grandes tours de la Vallée de Lycos furent détruites.

 

D’autre part, le Sultan fit des plans pour lancer la flotte vers la Corne d’Or depuis Dolmabahce. De toute évidence, ces plans avaient été élaborés bien avant que le siège et les glissières ne soient construits sur la route reliant Tophane et Qassim Basha, le long des murs de terre de Galata.

 

12 Rabi’ ath-Thani (22 avril) : Dans la matinée, environ 70 navires, conduits par des bœufs et équilibrés des deux côtés par des cordes tirées par des centaines d’hommes, commencèrent à se déplacer par voie terrestre. À midi, les 70 navires furent lancés dans la Corne d’Or, les forces de défense byzantines regardèrent avec étonnement et peur cet incroyable événement.

 

18 Rabi’ ath-Thani (28 avril) : La tentative des forces de défense de mettre le feu aux navires qui étaient entrés dans la Corne d’Or fut découverte à temps par le Sultan et cette attaque fut empêchée par de lourds bombardements depuis les côtes. Deux navires ennemis furent détruits. La victoire dans la Corne d’Or fut une grande source d’encouragement pour les Ottomans. Avec cette victoire, toutes les digues de la ville furent encerclées par les forces ottomanes.

Bien qu’ils prétendirent être impartiaux, les Génois approvisionnèrent secrètement les forces de défense en vivres et en soldats. Cependant, lorsque la flotte ottomane apparue dans la Corne d’Or, ils devinrent obligés d’agir en toute neutralité. Le Sultan ordonna la construction d’un pont entre Ayvansaray et Sutluce pour faciliter le transport des forces militaires situées des deux côtés de la Corne d’Or. Le pont se composait de rondins de bois placés sur de gros tonneaux fermement attachés les uns aux autres. Des voitures lourdes pouvaient être transportées à travers le pont, qui était assez large pour que cinq hommes marchent côte à côte, des canons pour bombarder les murs de la ville du quartier de Blachernes furent également été placés sur le pont.

 

Cependant, la flotte ottomane ne fut pas en mesure d’établir un contrôle complet dans la Corne d’Or. Les navires ennemis attendaient dans les parties inférieures.

 

La pénurie alimentaire dans la ville devint plus grave, augmentant la possibilité de se rendre si aucune aide extérieure n’arrivait. Le seul espoir était l’arrivée ponctuelle de la flotte vénitienne. Le 3 Rabi’ ath-Thani (13 avril), l’amiral Alviso Longo reçut l’ordre de se rendre immédiatement sur l’île de Ténédos, où il attendrait que le capitaine Loredano le rejoigne. Ensuite, toute la flotte se rendrait à Constantinople et demanderait des ordres à l’Empereur. D’après Venise, un accord de paix entre le Sultan et l’Empereur n’était pas impossible, si la conquête avait été accomplie, l’ambassadeur Bartolomeo Marcello, partit avec la flotte, se rendrait auprès du Sultan et l’assurait des bonnes intentions de Venise. Il est évident que les Vénitiens craignaient beaucoup l’échec de la ville et agissaient donc lentement. De plus, le Pape n’était pas pressé de préparer les cinq navires de guerre qu’il envisageait de louer à Venise pour être envoyés à Constantinople. Cette situation était en faveur des Ottomans. Le Sultan, après la victoire dans la Corne d’Or, continua à bombarder les murs de terre de la ville. La flotte dans la Corne d’Or réveilla l’ennemi en faisant semblant d’attaquer de temps en temps et les canons situés sur le pont continua à bombarder le Quartier de Blachernes. À ce stade, l’Empereur, par la médiation des Génois, demanda à entrer en négociations avec le Sultan. Les avantages d’une paix pour les Génois étaient évidents. Le Sultan promit de garantir la vie et les biens des habitants contre la reddition inconditionnelle de la ville. L’Empereur serait alors libre de se rendre en Morée. Après la défaite, Lukas Notaras déclara qu’ils avaient envisagés de céder la ville au Sultan, mais que les Italiens s’y étaient opposés et il fut également proposé que l’Empereur s’échappe vers les Balkans et lève une nouvelle armée pour sauver la ville.

 

Cependant, l’Empereur refusa, pensant que son départ de la ville entraînerait l’effondrement des forces défensives. Quand un navire génois chargé de soie fut coulé dans la Corne d’Or sous le feu ottoman, le gouvernement génois se plaignit au Sultan et lui rappela leur neutralité. Le Sultan répondit que l’incident ferait l’objet d’une enquête après la conquête et serait dûment indemnisé. Il est clair que les Ottomans ne voulaient pas que les Génois s’impliquent dans le combat.

 

27 Rabi’ ath-Thani (7 mai) : Suite à de violents bombardements, aux premières heures de la nuit, les forces ottomanes franchirent les tranchées remplies et lancèrent une attaque massive sur la région de Topkapi. La bataille dura trois heures ; les forces ottomanes ne purent cependant pas pu percer les palissades de la tranchée.

 

3 Joumadah al-Oula (12 mai) : A minuit, une attaque infructueuse fut lancée au point de jonction des murs de Blachernes et de Théodose, point faible du système de murailles de la ville.

 

4 Joumadah al-Oula (13 mai) : Les navires chrétiens de la Corne d’Or se réfugièrent dans le Port de Neorion. Des membres d’équipage et des canons furent amenés dans le Quartier de Blachernes pour réparer et garder les murs.

 

6 Joumadah al-Oula (15 mai) : Les canons qui bombardaient les Blachernes furent déplacés vers la vallée du Lycos, point focal de l’attaque.

 

7-8 Joumadah al-Oula (16 et 17 mai): La flotte ottomane quitta Dolmabahce pour la Corne d’Or mais dû se retirer lorsqu’elle fut confrontée aux forces de défense derrière la chaîne.

 

7 -16  Joumadah al-Oula (16 mai - 25 mai) : Le bombardement sur le terrain et le creusement de tunnels se poursuivirent.

 

9-14 Joumadah al-Oula (18 mai - 23 mai) : Un nouveau plan surprise du Sultan fut mis en œuvre : une tour mobile en bois fut poussée vers les murs de la ville dans la zone de Meseteinon (Topkapi). Sous la protection de la tour, le remplissage des tranchées se poursuivit. Cependant, les forces de défense incendièrent la tour et bouchèrent les tunnels, rendant ainsi impossible la mise en œuvre du plan.

 

14 Joumadah al-Oula (23 mai) : Un brigantin vénitien échappa à la vigilance des navires ottomans et entra dans la Corne d’Or. Il n’y avait aucun signe d’une flotte vénitienne ou des Hongrois. Pendant ce temps, le découragement se répandit plus loin dans la ville. L’armée ottomane était impatiente car elle était toujours retenue de ne pas lancer une attaque générale, alors que les murs de la ville étaient déjà détruits. Les envoyés hongrois informèrent le Sultan que le Roi ne reconnaissait pas l’armistice signé avant le siège.

 

16 Joumadah al-Oula (25 mai): La flotte vénitienne arriva en Mer Égée et la situation devient critique. Isfendiyar Isma’il Bey Beyoglu fut envoyé à l’Empereur comme médiateur pour demander la reddition de la ville. Il revint avec l’envoyé de l’Empereur. Le Sultan leur demanda de payer 100000 pièces d’or et de rendre la ville. Ceux qui souhaitaient partir seraient libres de le faire, ainsi que tous leurs biens. Cependant, les Italiens refusèrent d’abandonner.

 

17 Joumadah al-Oula (26 mai) : Des rumeurs selon lesquelles l’aide vénitienne et hongroise était en route se propagea parmi les soldats, qui se découragèrent et ne s’abstinrent pas de critiquer amèrement le jeune et inexpérimenté Sultan (le texte prouve tout le contraire). Dans ces conditions, le Conseil de Guerre se réunit pour examiner les possibilités d’une finale attaque générale. Khalil Bacha Chandarli répéta ses objections précédentes et insista pour une retraite. Bacha Zaganos, cependant, s’opposa fermement à l’idée et déclara que les forces occidentales ne pouvaient pas lancer une attaque alliée et que l’armée ottomane était de loin supérieure à tout ennemi venant par mer et que les attaques devraient donc être poursuivies sans délai. Koja Turahan Bey et Shihab ad-Din Bacha le soutinrent et une décision d’attaque générale fut prise. Bacha Zaganos fut chargé de déterminer la date de l’attaque et de faire les préparatifs.

 

18 Joumadah al-Oula (27 mai) : Des crieurs publics informèrent l’armée que dans deux jours une attaque générale serait lancée. Tout le monde commença à se préparer pour l’attaque. Le bombardement de la brèche s’intensifia et durant la nuit, les soldats ottomans commencèrent à remplir les tranchées.

 

19 Joumadah al-Oula (28 mai) : Les soldats obtinrent un repos. Au petit matin, le jeune Sultan se rendit à Dolmabahce et ordonna à la flotte de bombarder les murs de la ville lorsque l’attaque commencerait. Il rendit ensuite visite aux soldats pour remonter le moral. Dans l’après-midi, il rassembla ses commandants dans sa tente et exprima sa foi en la victoire dans les circonstances qui prévalaient. Zaganos déplaça ses forces de la Corne d’Or de l’autre côté pour rejoindre l’attaque dans la zone du Quartier de Blachernes. Un silence profond régna au sein de l’armée ottomane cette nuit-là. Les habitants de la ville, sentant que leur fin était proche, se réunirent pour une grande cérémonie religieuse. La ville était remplie de sons de cloches et d’hymnes. L’Empereur, lors de la dernière assemblée, exhorta tout le monde à défendre la ville. La nuit, il se rendit à Sainte-Sophie, puis retourna dans son palais de Blachernes.

 

20 Joumadah al-Oula (29 mai) : À une heure et demie de la nuit, le Sultan ordonna à son armée d’attaquer. Les forces de défense sur les murs de la ville se préparaient au combat tandis que les habitants de la ville se pressaient dans les églises et priaient. L’ensemble de l’armée ottomane sur terre et mer procéda sous les sons assourdissants des tambours, des fanfares militaires et des prières. L’attaque initiale pour affaiblir l’ennemi fut lancée par l’infanterie légère et les soldats azerbaïdjanais. L’attaque suivante, après leur retraite, fut lancée par les soldats anatoliens dirigés par Ishaq Bacha. Une heure avant l’aube, les canons ouvrirent une brèche dans les protections en bois posés en hâte pour colmater la brèche. Environ 300 soldats anatoliens entrèrent par celle-ci mais ils furent cependant anéantis par les forces de défense. Observant cela, le Sultan ordonna à ses forces spéciales, les janissaires, d’attaquer. Les janissaires, inébranlables devant le feu nourri des flèches et des lances, se dirigèrent vers les tranchées. Le Sultan monta jusqu’à la brèche et encouragea ses soldats, les janissaires qui combattaient désormais au corps à corps avec l’ennemi.

 

Pendant ce temps, une force ottomane de 50 soldats réussit à entrer dans la ville par la porte de Belgrade du Quartier de Blachernes. Le commandant en chef Giustiniani, qui combattait dans la brèche faites par le canon fut gravement blessé et s’échappa vers un navire génois de la Corne d’Or. Ses soldats le suivirent, laissant l’Empereur seul (Ces mêmes soldats qui avaient refusés la capitulation furent les premiers à se sauver !)  Apprenant l’événement, le Sultan y envoya les janissaires. Hassan Ulubatli, une hache de combat à la main, ouvrit la voie au-dessus des palissades, où il fut tué par l’ennemi. Les janissaires derrière lui réussirent cependant à établir le contrôle de la brèche. De là, ils se dirigèrent vers les murs intérieurs et gravirent les murs après avoir anéanti l’ennemi venant des tranchées. Le drapeau ottoman érigé à Kerkoporta pouvait maintenant être observé de loin. La défense de Blachernes s’était effondrée et l’ambassadeur vénitien avait été capturé. Pendant ce temps, les forces navales azeb entrèrent dans la ville par les digues.

 

L’Empereur fut confronté à un groupe de soldats azerbaïdjanais et fut tué alors qu’il tentait de s’échapper avec son trésor vers un navire qui l’attendait à la Corne d’Or. Selon Toursoun Bey, auteur du Tarikh Abou al-Fath et qui prit personnellement part à la bataille, la ville fut conquise par la brèche du canon.

Bien que contraire à la vérité, comme d’habitude et selon l’implacable syndrome de la mouche tsé-tsé qui accable les mécréants toujours de mauvaise foi, la rumeur selon laquelle les forces ottomanes conquirent la ville par la Porte de Kerkoporta, qui aurait été laissée ouverte par les Byzantins et la mort héroïque de l’Empereur les armes à la main est répétée par toutes les sources chrétiennes.

 

Les troupes ottomanes entrèrent dans la ville par la brèche ouverte dans les murs à l’aube, le 20 Joumadah al-Oulah (29 mai 1453) et les combats ne prirent fin que vers le milieu de l’après-midi. Pratiquement tous les survivants furent faits prisonniers et emmenés sur les navires ou au camp ottoman hors des murs.

 

Le 21 Joumadah al-Oula (30 mai), le Sultan fit son entrée cérémonieuse ; il visita la ville pour inspecter ses bâtiments et le quartier du port. En entrant dans Aya Sofya, il proclama que ce devrait être la Grande Mosquée et annonça que désormais Islamboul (Istanbul) devrait être sa capitale.

 

Avant de retourner à Edirne le 13 Joumadah ath-Thani (21 juin), le Sultan nomma Souleyman Bek Karishdiran préfet militaire de la ville, avec une garnison de 1500 janissaires et Khidr-Bek Chalabi, Qadi. Il ordonna la réparation des murs, la construction d’une citadelle près de la Corne d’Or et la construction d’un palais pour lui-même au Forum Tauri dans le centre de la ville (plus tard connu sous le nom d’Eski Saray). Pour commencer le repeuplement de la ville, il installa le cinquième des prisonniers avec leurs familles, le long des rives du port de la ville, c’est-à-dire le long de la Corne d’Or. Il leur donna des maisons et les affranchis des impôts pendant un temps déterminé.