Règne
: 844 - 850
(1444-1446) (Premier Mandat)
855 - 886 (1451-1481) (Second Mandat)
Titres honorifiques et pseudonymes
: al-Fatih (le Conquérant), Avni (Dépendant de l’Aide
Divine), Abou al-Fath (le Père de la Conquête), et
Ghazi Hunkar (Combattant Souverain).
Nom du Père
: Mourad II.
Nom de la Mère
: Houma Khatoun.
Lieu et date de naissance
: Edirne, le 27 Rajab 835 (30 mars 1432).
Âge à l’accession au trône
: 13 ans (Premier Mandat) et 19 ans (Deuxième Mandat).
Territoires :
2214000 km2.
Cause et date du décès
: Goutte, poison : 4 Rabi’ al-Awwal 886 (3 mai 1481).
Lieu de décès et de sépulture:
Hunkarchayiri près de Maltepe, Istanbul. Sa tombe se trouve
près de la Mosquée al-Fatih qu’il construisit dans le
quartier Muhammad al-Fatih, à Istanbul.
Héritiers
: Bayazid, Sem et Mustafa.
Héritières
: Sultan ‘Ayshah et Sultan Gevherhan.
Un thème récurrent dans les sources sur sa vie décrit le
sultan Mehmed III se levant immédiatement, par respect,
chaque fois qu’il entendait le nom du Prophète Muhammad,
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Puisqu’à tout seigneur tout honneur nous avons
particulièrement étendu sa biographie.
Succédant au Sultan Mourad II après sa mort en 855 (1451),
le Sultan Muhammad II est considéré dans l’histoire
mondiale ainsi que dans l’histoire Islamo-turque comme le
souverain dont la conquête d’Istanbul marqua la fin du Moyen
Âge et le début de l’ère moderne.
Jeune gouverneur de Manisa dans l’ouest de l’Anatolie, Muhammad
II devint le seul héritier du trône après la mort subite de
son frère aîné ‘Ala' ad-Din.
En 844 de l’Hégire (1444), il était physiquement présent
dans la capitale ottomane d’Edirne, où son père avait signé
le traité de paix avec le roi hongrois, le despote serbe et
les ambassadeurs du prince valaque. Il occupa le trône pour
la première fois en 1444 lorsque son père décida de se
retirer dans la solitude à Bursa, pour ensuite reprendre le
commandement de l’armée ottomane lors de la bataille de
Varna, sur la côte ouest de la mer Noire, contre la nouvelle
armée croisée. Il rendit le trône à son père une deuxième
fois, alors que la lutte entre les Bachas et la mutinerie
des janissaires devint trop accablante pour lui. Il s’avéra
que les deux années de Sultanat, entre 844 et 846 (1444 et
1446), procurèrent à ce jeune Sultan une expérience de
gouverneur si profonde qu’il maîtrisera ses talents de
diplomate, apprendra à commander ses soldats et défendra
avec succès l’autorité de l’état. Pour cette raison, il put
mettre en pratique les plans sophistiqués de la conquête
d’Istanbul une fois installé définitivement sur le trône. Au
cours de ses années d’héritier au trône, il livra des
batailles navales contre les Vénitiens, marcha sur le
rebelle Iskandar Bey et combattu personnellement dans l’aile
gauche lors de la deuxième bataille de Kosovo, qui
conférèrent au jeune Shehzade l’expérience formidable qu’il
utilisera efficacement dans ses vigoureuses ghazwa pour la
cause de l’Islam.
La deuxième accession au trône de Muhammad II eut
lieu le 16 Mouharram 855 (18 février 1451) après le
décès de son père, ce qui le transforma en un Sultan Ottoman
âgé alors de 19 ans. Durant les premières années de son
règne, il affronta les Karamanides, qui s’étaient alliés
avec les Vénitiens et agité d’autres beys d’Anatolie contre
les Ottomans dans le cadre de leur objectif plus large de
bénéficier de la succession immédiate du trône ottoman. À la
fin de la marche sur les Karamanides, un traité de paix fut
signé, à la demande d’Ibrahim Bey le Karamanide.
Avant de s’embarquer dans sa conquête d’Istanbul, le Sultan
Muhammad Il voulut réaliser la paix en Anatolie : il
fit d’abord la paix avec les Karamanide puis noua des
relations amicales avec les Mamalik. Il exploita ensuite au
maximum toute une gamme de conflits entre les états
vénitiens, napolitains et siciliens en Italie. De manière
assez brillante, il accorda des privilèges commerciaux aux
Vénitiens et aux Génois, ce qui leur permit de prendre parti
pour les Ottomans, comme il l’avait prédit.
Parmi les principales raisons pour lesquelles le Sultan Muhammad
II voulut conquérir Istanbul est qu’il voulut vraiment être
le conquérant professé et loué par le Prophète Muhammad
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dans son Hadith
suivant : « Constantinople (Istanbul) sera conquis ; quel
brillant commandant qui la conquerra et quelle brillante
armée que la sienne. » Les Ottomans savaient où les soldats
bénis par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) iront
s’ils mouraient ce qui exerça une forte motivation pour
conquérir Istanbul. Le Sultan Bayazid Ier, Moussa Chalabi et
le Sultan Mourad II avaient précédemment tenté en vain de la
conquérir.
Sur le plan stratégique, la conquête d’Istanbul signifiait
l’unification des terres ottomanes dans deux continents
adjacents, l’Anatolie (Asie mineure) et le Roumélie en
Europe. En outre, les obstacles présentés par Byzance à la
mobilisation militaire des Ottomans d’Anatolie en Roumélie
seraient éliminés.
Éveilleur de l’esprit de croisade de l’Europe chrétienne à
chaque occasion et instigateur de l’organisation des
croisades, Byzance se dissoudrait avec la conquête ottomane
d’Istanbul. Pire encore, Byzance avait incité les Beys des
principautés anatoliennes voisines à se soulever contre les
Ottomans. Elle avait également soutenu les Shehzades à
fomenter plus tard des contestations pour le trône ottoman,
qui conduisit à un bain de sang fraternel et aggravé la
situation de l’Empire Ottoman. À plus long terme, les
rébellions que Byzance dirigeaient en utilisant Shehzades
ottomans entravèrent les conquêtes ottomanes et ruinèrent
l’esprit en Anatolie.
Le Sultan Muhammad II, un planificateur prévoyant
dans la conquête d’Istanbul, hâta les préparatifs pour
conquérir la ville peu de temps après son retour de sa
marche sur les Karamanides. Le processus préparatoire
illustre bien le fait que le jeune Sultan tira les leçons de
ses expériences passées. Un exemple évident est sa
construction de Bogazkesen, également connu sous le nom de
Rumeli Hisari (forteresse Rumillienne) en 856 (1452) du côté
européen du Bosphore, sur la rive opposée d’Anadolu Hisari
(forteresse anatolienne), dans une tentative judicieuse de
couper les renforts des colonies génoises sur les ports de
la Mer Noire à Byzance.
Il accéléra la construction des quatre grandes tours en en
attribuant une chacune à ses Vizirs préférés. En quatre mois
et demi, de Rabi’ al-Awwal à Rajab 856 (avril-août 1452) la
construction de la forteresse européenne (Hisari Roumélie ou
Bogazkesen) fut achevée grâce aux Vizirs ambitieux et à la
mobilisation de toute la région occidentale de la Mer Noire.
Même si la conception et l’architecture de Hisari Roumélie
avec de hauts murs de maçonnerie et quatre tours circulaires
appartenaient certainement au style médiéval classique,
c’était toujours une réalisation remarquable. Les principaux
ouvrages furent conçus pour protéger les extensions de la
forteresse (Hisar-i Beççe) contenant des canons de gros
calibre surplombant la mer des attaques terrestres et
amphibies. Cette extension avec ses parois inférieures et
ses ouvertures appropriées était une position de tir idéale
jusqu’à 20 gros canons. De plus, des canons légers et de
l’artillerie cinétique furent positionnés sur diverses
parties de la forteresse principale. Roumélie Hisari avec
son homologue plus ancien de l’autre côté bloqua
effectivement tout le trafic maritime à destination et en
provenance de la Mer Noire.
Tout comme il conclut un accord avec les Karamanides en
Anatolie, le Sultan Muhammad II signa plusieurs
traités (par le biais de Khalil Basha le Jandaride) avec les
Vénitiens et les Hongrois en Europe. Muhammad II
convaincu ensuite le despote serbe et le Roi de Bosnie de se
ranger du côté des Ottomans. En outre, il captura Vize et
Silivri, ainsi que d’autres territoires en dehors du
centre-ville d’Istanbul, qui déconnecta finalement Byzance
du côté occidental. Maintenant que l’Empire Ottoman était à
l’abri de toute menace, le Sultan expliqua son plan de
conquête. Parallèlement, il investit fortement dans l’envoi
de troupes de réserve atypiques dans la Morée et dans les
Balkans en cas de besoin, confirmant ainsi la valeur des
leçons tirées des expériences de son grand-père Bayazid Ier
et de son père.
Après avoir effectivement réprimé les Janissaires, Muhammad
II se tourna vers le corps technique de l’armée, en
particulier l’artillerie. Sa fascination pour la technologie
militaire contribua à la refondation du corps d’artillerie,
qui était auparavant une unité timariot ad hoc avec une
structure organisationnelle très lâche. Il transforma
d’abord l’artillerie en une unité de l’armée permanente
salariée, ce qui lui permit de la déployer rapidement vers
des points éloignés. Il mobilisa également tous les
techniciens militaires, artisans et armuriers locaux
disponibles. Edirne (Andrinople) devint un grand lieu de
fonderie où divers groupes de fondateurs et de techniciens
affinèrent leurs créations sous la supervision personnelle
de Muhammad II. De nombreux canons en fonte et en fer
forgé furent produits. Ses batteries d’artillerie
nouvellement réorganisées testèrent ces nouveaux canons dans
le cadre de leur programme d’entraînement continu.
Malheureusement, les détails de la réorganisation de
l’artillerie et de la préparation des opérations de siège, y
compris les industries de la poudre à canon et du salpêtre,
restent flous. Mais nous savons qu’au moins quatre bombardes
géantes (d’un diamètre supérieur à 40 cm) et environ 74
canons moyens furent produits et organisés en 14 batteries
de siège et quatre batteries d’artillerie de forteresse. Il
y avait également environ 15 autres batteries de campagne
équipées de pièces légères en fer forgé.
En plus des préparatifs du siège par voie terrestre, Muhammad
II assembla une force navale, notamment pour soutenir le
siège d’Istanbul depuis la mer. Il fabriqua également des
boulets de canon massifs à Edirne, assez puissants pour
abattre les murs de Byzance ; le plus grand de ceux-ci est
venu à être appelé Shahi (impérial) et était plus grand que
tout ce qui avait été vu auparavant. En outre, il prépara
des mortiers à longue portée qui franchiraient les murs de
la ville. Muhammad II soumit la question de la
conquête lors d’une réunion avec son conseil consultatif.
Voyant que la majorité des hommes d’état choisissaient la
conquête et malgré l’approche pessimiste adoptée par
plusieurs responsables pour justifier une stratégie plus
ambivalente, il quitta la capitale Edirne, pour tenter
d’assiéger Istanbul le 26 Rabi’ al-Awwal 857 (6 avril 1453).
La réponse de Byzance à la suggestion que l’ambassadeur de
Muhammad proposa directement du camp impérial,
établit derrière les murailles entre les portes d’Edirnekapi
et Topkapi, à l’Empereur Byzantin fut négative : ils ne
soumettraient pas la ville pacifiquement. L’offensive
ottomane commença alors que des canons résonnaient autour
des murs de la ville.
Le plus grand revers que les Ottomans eurent à affronter
lors du siège d’Istanbul survint lorsque l’Empereur ferma la
Corne d’Or avec des navires et des chaînes. De plus, ce que
les Byzantins appelaient grejuva (feu grec), un élément
inflammable même dans l’eau, posa de grandes difficultés à
l’armée ottomane.
Deux peuples différents vivaient à Istanbul : les Grecs et
les Latins. Les Grecs locaux, qui détestaient les colons
latins, rejetèrent et protestèrent en présence de l’Empereur
contre le premier rituel conduit selon les principes de
l’unification ecclésiastique tels que signés précédemment
avec le Pape dans l’église d’Ayasofya (Hagia Sophia) afin de
mobiliser l’Europe chrétienne contre un ennemi commun. Dans
la ville, l’idée dominante était « mieux valait le turban du
Turc que la mitre latin mitre. »
Pendant le siège de cinquante-quatre jours entre le 26 Rabi’
al-Awwal 857 (6 avril 1453) et le 20 Joumadah al-Oula (29
mai 1453), l’armée ottomane lanca des attaques non seulement
par terre mais aussi par mer. La Corne d’Or était
infranchissable grâce au grand barrage de chaînes tendu le
long de l’embouchure de la Corne d’Or pour empêcher les
navires d’entrer dans cette entrée du Bosphore coupant en
deux le côté européen de la ville. Mais les Byzantins
n’avaient pas anticipé le plan du jeune Sultan de
transporter les navires de guerre ottomans par voie
terrestre sur des rails graissés dans la rive nord de la
Corne d’ Or pour contourner à la fois le barrage de chaînes
et de forteresses qui bloquaient l’entrée de la ville. Les
Ottomans conquirent Istanbul le 20 Joumadah al-Oula (29 mai
1453). Muhammad II, connu comme le Sultan Muhammad
II le Conquérant (al-Fatih), entra dans la ville par
Edirnekapi (la Porte d’Edirne). Il effectua sa prière
rituelle à Ayasofya et annonça que la vie et la propriété
des Byzantins qui s’étaient réfugiés de toutes les parties
de la ville dans l’église d’Ayasofya seraient sécurisées. Le
Conquérant confirma que les populations locales qui
paieraient leur rançon pourraient rester à Istanbul ; ceux
qui avaient fui la ville commencèrent à revenir et le Sultan
leur fournit un logement et les exempta de taxes.
Le Sultan Muhammad II, qui fit d’Istanbul la
troisième et dernière capitale ottomane après Bursa et
Edirne, était non seulement un conquérant mais également un
constructeur. En effet, la nouvelle capitale impériale du
Conquérant était destinée à devenir le nouveau centre de la
Demeure de l’Islam, ainsi que la capitale d’une grande
civilisation. Au moment où les Ottomans conquirent la ville,
la gloire impériale d’Istanbul avait presque disparu et elle
était déjà largement dépeuplée depuis l’occupation latine.
Ainsi, les politiques suivantes du Sultan Muhammad II
le Conquérant portèrent sur la reconstruction et le
repeuplement la ville épuisée, reflétèrent le caractère
multiethnique de l’empire. Le système de millets[1]
(peuples) multinational et multiconfessionnel des Ottomans
fut en effet initié par le Conquérant après la conquête
d’Istanbul. Il accorda aux communautés chrétiennes et juives
la liberté de religion et de conviction qui conquit leurs
cœurs. Le Conquérant ne dissout pas le patriarcat orthodoxe,
qui était dépourvu de patriarche à l’époque, mais se
proclama en personne protecteur de l’Église orthodoxe
grecque et la soumit à un contrôle étroit en nommant le
patriarche Gennadius Scholarius en 858 (1454). Le Conquérant
établit les droits de diverses communautés chrétiennes en
publiant des décrets impériaux appelés
ahdnama.
L’ahdnama du Muhammad II le Conquérant pour les
chrétiens franciscains à Fojnica, en Bosnie, par exemple,
est un exemple célèbre d’un esprit de tolérance et de
libéralisme dans l’Empire Ottoman. Publié en 1463, année de
la conquête du territoire de la Bosnie par Muhammad
II, cet ahdnama donna la liberté de pratique religieuse aux
catholiques de Bosnie à travers les siècles. Dans ce décret
impérial, toujours conservé dans l’ancien couvent des
franciscains, le Conquérant proclamait :
« Moi, Sultan Muhammad Khan, déclare par la présente
au monde entier que ceux qui possèdent ce décret impérial,
les franciscains de Bosnie, sont sous ma protection. Et
j’ordonne que :
Personne ne doit déranger ou faire du mal à ces gens et à
leurs églises ! Ils vivront en paix dans mon état. Ces
personnes qui sont devenues émigrées ont droit à la sécurité
et à la liberté. Ils peuvent retourner dans leurs monastères
situés aux frontières de mon état.
Personne de mon altesse royale, ni de mes Vizirs ou
employés, ni de mes serviteurs, ni des citoyens de mon état
ne doit déranger, insulter ou nuire à la vie, aux propriétés
et aux églises de ces personnes ! Et tous ceux qu’ils
amèneront de l’étranger dans mon pays auront les mêmes
droits.
En déclarant ce décret, je fais ici un grand serment au nom
du Créateur des cieux et de la terre, au nom du Messager de
Dieu, Muhammad et 124000 anciens Prophètes, et au nom
de l’épée, que personne ne fasse contrairement à ce qui a
été stipulé dans ce décret ! »
En effet, il existe de nombreux exemples de tels décrets
impériaux proclamant la liberté de religion dans l’Empire
Ottoman et montrant la fameuse permissivité et tolérance des
pratiques administratives ottomanes. La tolérance en tant
que composante principale de l’identité ottomane trouve son
expression à la fois dans la domination de l’état et dans la
vie culturelle quotidienne.
Peu de temps après la conquête d’Istanbul, le Conquérant
commença un plan de reconstruction à grande échelle pour la
nouvelle capitale impériale, avec une vision islamique
turque. Il ordonna la construction de la Mosquée Sultan
Eyub, qui porte le nom d’un compagnon du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), Abou Ayyoub al-Ansari
(radhiyallahou ‘anhou), décédé sous les murs de la ville
alors qu’il assiégeait la ville en 669 (Voir notre
Abrégé de l’Histoire
des Omeyyades). Avec une attention particulière portée à
l’amélioration de son économie, le Conquérant donna des
instructions pour la construction d’un grand bazar et
d’autres bâtiments. En ajoutant trois grandes tours aux
quatre byzantine préexistantes sur les murs du centre-ville,
le Conquérant forma la Forteresse des Sept Tours, appelée
Yedikule, qui fut utilisée comme Trésor Public pendant la
majeure partie de la période ottomane.
Suivent une série de textes différents sur la Biographie de
Muhammad al-Fatih.
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