L’opération de la flotte méditerranéenne russe 1771-1774

 

Après la levée du siège de Lemnos, le Comte Orlov demanda aux navires de la flotte de l’Amiral Elphinstone, au nom de l’Impératrice russe, d’être soumis aux ordres de l’Amiral Spiridov, en levant et en hissant un groupe spécial de fanions de signalisation sur le mât principal du navire amiral. Mais l’Amiral Elphinstone, ne pouvait accepter qu’un ordre impérial signé par l’Impératrice, et il ne pouvait être que l’Amiral indépendant de sa propre flotte et ne pouvait accepter l’offre d’un commandement commun que dans les circonstances où cela pourrait servir le but d’une attaque combinée contre l’ennemi avec la flotte de Spiridov et dans des conditions plus appropriées.

D’abord Elphinstone, puis le 17 Sha’ban 1184 (6 décembre 1770), les flottes de Spiridov quittèrent Thassos et se rencontrèrent dans le port de Naussa le 26 Sha’ban (15 décembre). Le 10 Ramadan (28 décembre), tous les membres d’équipage de nationalité britannique demandèrent l’autorisation de se rendre à Livourne.

 

Le 24 Ramadan 1184 (11 janvier 1771), Elphinstone et tous les marins britanniques partirent pour Livourne. L’Amiral Spiridov craignait que les Turcs ne soient encouragés à entendre que l’Amiral Elphinstone partait et demanda à l’Amiral de dire à tout le monde qu’il partait en patrouille. Le Comte Orlov demanda également à l’Amiral Elphinstone de ne pas se présenter à son arrivée à Livourne jusqu’à la fin de la période requise pour être incognito. L’Amiral Elphinstone obéit aux ordres du Comte Orlov. Il se présenta et ses fils comme les Howard.

 

La vraie raison du renvoi de l’Amiral Elphinstone en Russie sans explication n’est pas claire. Même l’Impératrice russe montra les réactions similaires de l’Amiral Spiridov et du Comte Orlov de haine et de jalousie contre lui. Les salaires et récompenses que le gouvernement russe avait précédemment promis à l’Amiral britannique ne furent pas exactement payés.

L’arrière-petit-fils d’Elphinstone allait donc faire appel au gouvernement russe et dépenser ses efforts pour obtenir les revenus de son arrière-grand-père.

 

Le galion ottoman qui fut saisit à Chisma fut conduit à terre dans la Péninsule du Péloponnèse en raison d’une fuite extrême, mais ne put être sauvé et coula. La perte du navire Rodos déprima plus les Russes que de voir le Svyatoslav couler. C’était le seul navire turc qu’ils purent saisir et était le souvenir de la brillante victoire sur Les Turcs. Ils voulurent l’emmener au port de Saint-Pétersbourg et le montrer à leur Tsarine et au peuple.

 

Entre-temps, l’Amiral danois Arf, au service de la Russie, arriva dans le port de Naussa avec deux galions, une frégate et quatorze navires de marchandises le 18 Ramadan 1184 (5 janvier 1771). Les 12 navires britanniques parmi les navires de fret transportaient des fournitures, des munitions et 3000 soldats.

 

La flotte russe qui passa l’hiver dans les îles de Paros et Patmos voulut être active dès le printemps 1771. Entre-temps, l’Algérien Gazi Hassan Bacha fit réparer et préparer une flotte de dix navires après qu’il devint Grand Amiral. Dix autres navires allaient arriver d’Istanbul. Après Bar et Ulgun, 6 navires venus des environs de la Péninsule du Péloponnèse et 4 navires algériens rompirent le blocus russe, entrèrent dans le détroit et rejoignirent la flotte.

 

De cette manière, la marine ottomane sous le commandement de l’Algérien Gazi Hassan Bacha se composait d’un total de 30 navires. A cette date, huit galions devaient être construits, dont 2 dans chacun des chantiers navals d’Istanbul, Sinop, Midilli et Rhodes.

 

Les Russes voulaient une victoire avant que cette flotte ne reçoive un soutien et leur compétence au combat augmentée, ils devaient les forcer à sortir du détroit de Canakkale et gagner la bataille comme ils l’avaient fait à Chisma. Le Comte Orlov se retenait en fait d’attaquer à nouveau Lemnos parce qu’il savait que cet endroit était en fait soutenu par les forces de l’Algérien Gazi Hassan Bacha. Il savait qu’il pouvait attaquer et s’emparer de Lesbos et espérer pouvoir piéger la flotte ottomane qui commençait tout juste à récupérer.

 

Bien que la flotte russe ait perdu deux galions et une frégate à Chisma en 1184 (1770), et que le nombre de leurs navires diminua à 7 galions et trois frégates, elle était encore plus forte puisqu’ils avaient saisi sept navires et reçut une aide importante de la Russie. Au début de 1771, les Russes avaient sept galions, huit frégates et quelques navires armés dans la Mer Égée.

 

Le 20 Rabi’ ath-Thani 1185 (2 août 1771), la flotte russe se réunit au sud-est de Paros (10 galions, 9 frégates, une bombarde et un cargo). Orlov arriva de Livourne à l’île de Paros et reprit de nouveau le commandement.

 

Le 6 Joumada al-Oula 1185 (17 août 1771), le frère du Comte Alekseï Orlov, le Comte Fyodor Orlov, arriva à Rhodes avec un galion et deux frégates et commença à se battre, mais face à la résistance qu’il affronta, il fut obligé de se retirer dans les trois jours.

 

Le 16 Joumada al-Oula 1185 (27 août 1771), les flottes unies de Spiridov et d’Arf, débarquèrent des troupes sur Eubée et combattirent, mais la forte résistance de l’ennemi les obligea à regagner leurs navires.

 

Le 6 Rajab 1185 (15 octobre 1771), toute la flotte russe se rassembla à nouveau devant le détroit de Canakkale et partit pour Lesbos. Le 3 Sha’ban (11 novembre), ils se retrouvèrent devant la forteresse de Lesbos et la bombardèrent.

 

Le 5 Sha’ban (13 novembre), les Russes débarquèrent mais firent face à une résistance similaire qu’ils avaient rencontrés sur les autres îles. Les Russes purent tenir pendant deux jours et le 7 Sha’ban (15 novembre), ils embarquèrent de nouveau leurs troupes sur les navires et partirent pour Naussa le lendemain.

 

Selon Hassan Bacha, l’opération de Lesbos des Russes aboutit à ceci :

« Les Russes brûlèrent le galion et deux galères qui étaient construits à terre à l’intérieur des chantiers navals. Tout comme il courut chercher de l’aide à Lemnos, l’Algérien Gazi Hassan Bacha poursuivit les actions des Russes et il pensait qu’il était de son devoir de sauver Lesbos. Il réussit à mobiliser les petites forces qu’il avait préparées sur de petits bateaux à partir de l’endroit appelé Cakmak sur le Rives anatoliennes jusqu’à l’île de Lesbos et attaqua les Russes qui maintenaient l’île en état de siège. Il les vainquit et les força à lever le siège.

 

Dans l’intervalle, un galion de la flotte russe qui ne put pas quitter le port, fut saisi avec son équipage de 25 personnes. Le galion fut brûlé plus tard, et ce fut la vengeance du galion turc qui avait été incendié.

 

Après les préparatifs nécessaires pour la défense de Lesbos, l’Algérien Gazi Hassan Bacha retourna à Canakkale.

 

Pour les Russes, la bataille de Chisma marqua le jour où les côtes méditerranéennes de l’Empire Ottoman furent soumises à un blocus. Mais un blocus physique de ces côtes de plusieurs milliers de kilomètres dépassait la puissance et la capacité de la flotte russe. L’explication du gouvernement russe aux ambassadeurs à Saint-Pétersbourg sur le blocus lors de la mobilisation de la flotte de la Mer Baltique et l’acte de blocus se contredisaient :

« Nos amiraux ne bloqueront pas la navigation des navires chrétiens au contraire ils les protégeront contre les attaques des pirates nord-africains. Tous les navires de commerce de chaque pays seront partout sous la protection de nos flottes. »

 

Mais les Britanniques qui suivirent une politique neutre contre les Russes ne s’opposèrent pas à cela. Seuls les Français se plaignirent de la confiscation du matériel et des esclaves de 39 passagers turcs à l’intérieur d’un navire de commerce français l’Hevreux en route pour Izmir. L’ambassadeur de France à Pétersbourg envoya une note au Comte Panin sur la libération des passagers turcs qui avaient été arrêtés et la restitution du matériel confisqué, et en plus, de payer une indemnité aux propriétaires du navire français et en envoyant un ordre définitif à l’Amiral pour l’empêcher de répéter une telle erreur. Bien que la demande du navire français ait été acceptée, le blocus ne fut pas levé. Après que les Russes aient abandonné leurs espoirs de s’emparer des îles Lemnos et Lesbos, ils utilisèrent l’île de Paros comme base et continuèrent le blocus.

 

À la fin de 1185 (1771), la flotte russe en Méditerranée se composait de :

-10 galions.

- 22 frégates.

- 5 navires de fret armés.

- 3 bombardes.

- 3 Galères.

 

Opération égéenne de la marine russe en 1185 (1772)

 

En 1184 (1770), les Russes qui débarquèrent dans la péninsule du Péloponnèse essayèrent également de déclencher un grand soulèvement en Égypte. Une frégate, trois galères et six galères grecques qui quittèrent Patmos en avril furent rassemblées le 3 Safar (29 mai) à Damiette et ensemble elles se rendirent à Haïfa. Après cela, le 17 Rabi’ al-Awwal 1186 (18 juin 1772), la forteresse de Beyrouth fut bombardée pendant trois jours. Le 21 Rabi’ al-Awwal (22 juin), les troupes débarquèrent mais après avoir affronté une résistance féroce, les troupes retournèrent à leurs navires. Les navires russes revinrent à Naussa le 29 Rabi’ ath-Thani (30 juillet).

 

Le 28 Rabi’ al-Awwal (29 juin 1772), la flotte russe signa un traité de paix pour une durée de quatre mois.

 

Le 2 Sha’ban 1186 (29 octobre 1772), alors que le traité était terminé, la bataille reprit. L’Amiral Greig bombarda Chisma avec quatre galions, cinq frégates et une bombarde le 6 Sha’ban (2 novembre 1772).

 

Après le bombardement de Chisma, un galion de la flotte de Greig se rendit à terre entre son voyage d’expédition-patrouille entre Tenedos-Thassos, sur le chemin de Canakkale. Dans l’ouest de la péninsule du Péloponnèse, la flotte russe de Konyef combattit la flotte d’Ulgun dans les environs de l’île de Patros le 8 novembre, et elle retourna en mer Égée le 15 novembre 1772.

 

À la fin de 1772, la flotte russe en Méditerranée était composée de :

- 13 galions.

- 18 frégates.

- 5 navires de fret armés.

- 2 bombardiers.

- 4 Galères.

 

Opération égéenne de la marine russe en 1773

 

Le 21 février 1773, le galion Asia, partit de l’île de Mykonos, coula avec tout son équipage à bord et aucune trace ne fut trouvée.

 

Le Keulemen Bey, connu sous le nom de Bulut Kapan ‘Ali Bey, tenta de mettre fin à l’hégémonie turque en Égypte grâce à l’aide qu’il recevait des Russes depuis 1185 (1772).

 

Au cours de cette opération, une flotte plus petite, séparée de la flotte russe (3 frégates, 6 galères, 2 galères, 5 galères grecques, 1 cargo armé) bombarda le port de Beyrouth le 15 Rabi’ ath-Thani 1187 (6 juillet 1773) et débarqua des troupes. Mais il y eut de nombreuses victimes, la plupart de ces troupes se noyèrent dans la mer. Après un certain temps, les rebelles en Égypte et en Palestine furent anéantis par l’Algérien Gazi Hassan Bacha et les 400 soldats russes amenés en Égypte pour aider ‘Ali Bey furent également tués. Plus tard, la flotte russe navigua dans ces eaux jusqu’à la fin de l’année.

 

La flotte russe sous le commandement d’Elmanov (4 galions, 3 frégates, 3 bombardes, 1 cargo armé) amarré devant la forteresse de Bodrum le 22 Joumada al-Oula 1187 (11 août 1773) débarqua des troupes et bombarda la forteresse. Le même jour, l’autre flotte russe sous le commandement de Spiridov (4 galions, 1 frégate) jeta l’ancre près de l’île de Samos. Bien qu’Elmanov ait continué le combat à Bodrum le  23 Joumada al-Oula (12 août), il partit pour l’île de Kos le 24 (13 août) car il n’eut aucun résultat.

 

Le 27 (16 août), la flotte russe commença à tirer sur la forteresse de Kos et débarqua des troupes sur l’île. Il y eut des combats féroces qui durèrent trois longs jours. Mais les défenseurs turcs de Kos inspirés par les exemples glorieux de l’Algérien Gazi Hassan Bacha sur les côtes égéennes de l’Anatolie et des îles de la Mer Égée n’allaient pas se contenter de défendre seuls leurs positions. Ils firent une sortie surprise de la forteresse et après une bataille qui dura huit heures, forcèrent les Russes à courir vers leurs navires. De cette façon, le siège fut complètement terminé. Au cours de cette bataille 500 soldats russes furent tués, 7 canons et 5,5 tonnes de poudre à canon furent saisis.

 

Après leur échec, les Russes embarquèrent leurs soldats le 29 Joumada al-Oula (18 août) et partirent le lendemain. Le 10 Joumada ath-Thani (29 août), deux flottes russes se retrouvèrent entre les îles de Lipsoarki. Plus tard, il y eut une bataille en Eubée entre les navires tunisiens et la flotte russe.

 

À la fin de 1187 (1773), la flotte russe en Méditerranée était composée de :

- 11 galions.

- 17 frégates.

- 3 navires de fret armés.

- 3 bombardes.

- 6 galères.

 

Le 27 Rabi’ al-Awwal 1188 (7 juin 1774), la flotte russe composée de cinq galions, trois frégates et une bombarde, sous le commandement d’Elmanov arriva à Chisma, bombarda la forteresse et la ville les 29 et 30 de ce même mois (9 et 10 juin). La flotte jeta l’ancre près de Lesbos le 5 Rabi’ ath-Thani (15 juin), et près d’Imbros le 15 (25). Finalement se rendit à Thassos le 16 (26) puis la flotte russe commença à battre en retraite à partir de cette date.

 

Leçons apprises et résultats de la bataille de Chisma
 
Réflexions de la bataille de Chisma en Russie

 

Les récompenses à verser aux marins russes qui participèrent à la campagne de la Mer Égée furent définies en 1190 (1776). Le 22 Joumada ath-Thani 1190 (8 août 1776), les sommes d’argent récoltées s’élevaient au total à 630388 roubles.

 

Comparaison des marines ottomane et russe et leçons apprises

 

En 1182 (1768), lorsque le gouvernement ottoman déclara la guerre à la Russie, il possédait 22 galions et 22 galères déjà en service. De plus 8 galions et 40 galères étaient en construction. On suppose que pendant la bataille de Chisma, la flotte ottomane avait environ 24 à 26 galions et 40 galères dans son inventaire.

La flotte ottomane participa à la bataille de Chisma avec dix galions, une galère royale, six galères, cinq brigantins et petits navires de différents types sous le commandement de Houssam ad-Din Bacha qui furent mis à la disposition du Grand Amiral de l’île de Lesbos le 29 Dzoul Qi’dah 1183 (26 mars 1770) où il était de service en tant que gardien de l’île. On suppose que ces navires contenaient environ entre huit cent cinquante et neuf cents canons.

 

Les noms et dates de construction des galions ottomans étaient :

Barq az-Zafir (vaisseau amiral de l’Amiral et Vétéran Gazi Hasan Bacha Cezayirli) avec trois soutes (1770).

Hisn-i Bahri (vaisseau amiral du Vice-amiral ‘Ali Bey) avec trois ponts (1758).

Ziver-i Bahri (navire amiral du Contre-amiral Ja’far Bey) avec trois soutes (1752).

Mukaddeme-i Seref (1760).

Semend-i Bahri (1760).

Mesken-i Bahri (1770).

Peleng-i Bahri (1770).

Tilsim-i Bahri (1770).

‘Iqab-i Bahri (1770).

Sayf-i Bahri (1768).

 

Il y avait neuf galions, trois frégates, un navire bombarde, quatre brûlots et quatre navires de fret armés dans la flotte russe pendant la bataille. Mais pendant cinq ans, les Russes amenèrent continuellement des navires de Russie, confisquèrent ou prirent le commandement des navires grecs, en plus de ceux qu’ils louèrent à la Grande-Bretagne. La flotte russe possédait environ neuf cents canons.

 

Selon la connaissance commune, la bataille de Chisma fut entre les Ottomans et les Grecs. Mais des amiraux de haut rang de Grande-Bretagne et du Danemark furent également en service dans l’état-major du commandement russe, et il y avait du personnel de ressortissants britanniques, français, suédois, albanais et grecs parmi les capitaines de galions et d’autres officiers. À savoir, les Ottomans ne se battaient pas contre les Russes mais contre une flotte de croisés.

 

De nombreuses sources écrivirent que toute la marine ottomane fut détruite à la fin de la bataille de Chisma. Ce qui voulait vraiment dire, c’est que tous les navires de guerre qui avaient contribué à la bataille avaient été détruits. À l’époque, les Ottomans avaient 26 galions et 30 galères. Par conséquent, ce qui fut effectivement perdu à Chisma représentait environ un tiers de l’Armada.

 

Il y a aussi des chiffres dépassant douze mille pour les pertes humaines des Ottomans. En fait, même le nombre de marins impliqués dans les batailles navales n’était pas proche de ce chiffre. Comme vous le savez les mécréants sont toujours prêts à exagérer les chiffres des pertes ennemies lorsqu’ils gagnent une bataille et diminuer les leurs quand ils perdent.

 

Comme on sait la plupart du personnel avait été débarqué dans le port de Chisma la nuit du raid, que les navires n’étaient pas amarrés de la côte plus loin de 100-200 mètres, que les plus petits navires étaient déjà au rivage, le nombre total de pertes pourrait difficilement être plus de cinq mille personnes. Les pertes en termes de larges navires étaient de dix galions et onze galères.

 

L’administration hydrographique russe a un document dans ses archives sur les pertes et les gains de la flotte russe entre 1182 et 1188 (1769 et 1774). Selon ce document, les 18 grands navires envoyés pour la campagne furent perdus et 4518 sur 12200 marins ne purent pas revenir. Compte tenu de ces chiffres, on peut supposer que les deux parties ont en fait subi des pertes similaires.

 

La différence la plus importante entre les flottes ottomane et russe, basée sur des facteurs tels que la fondation, le personnel, l’éducation, l’organisation, la logistique, la culture et l’institutionnalisation, était la formation du personnel. Il n’était pas très probable pour une marine qui était dans la phase de transition vers la période de galion de naviguer et de gagner une bataille avec le personnel rassemblé d’Anatolie qui était en fait des paysans qui travaillaient dans les fermes.

Il pourrait être suffisant pour la navigation d’une galère d’avoir 33 membres du personnel qui comprennent les principes de navigation, d’artillerie et de matelotage. Le reste du personnel fut utilisé comme rameurs ou pour se battre après que le navire ait été abordé. Par conséquent, un paysan qui travaillait en hiver pouvait se battre en été.

 

La tradition se poursuivit après la période de transition vers les galions. Mais le nombre de membres du personnel suffisamment compétents pour un galion n’était pas supérieur à quelques centaines et pour gérer les voiles, il fallait un travail d’équipe, et pour adapter la technologie de l’artillerie, une formation sérieuse était nécessaire. L’unité de marin n’était toujours pas fondée.

Les marins responsables de la bôme, qui déploient et ferment les voiles, qui sont également responsables des gréements et de la propreté et de l’ordre de tous les équipements furent appelés gabyar. Jusqu’en 1188 (1774), la marine turque ne contenait pas d’unité de gabyar. Cela signifie que pendant la bataille de Chisma, il n’y avait aucune unité dans les galions qui connaissait le maniement des voiles des galions et qu’il n’y avait aucune unité qui était directement responsable de cela. Jusqu’en 1242 (1827), seuls les Grecs d’origine Levend travaillaient comme gabyar. En Safar 1283 (septembre 1827), pour la première fois, 1000 jeunes musulmans furent classés comme jeunes gabyar.

 

Bien que les pouvoirs physiques étaient très différents, une marine non institutionnalisée est toujours vouée à être battue contre une marine bien éduquée qui agit sous une certaine discipline.

Le meilleur exemple de cela fut vécu le 2 Safar 1184 (28 mai 1770) lors de la bataille d’Anapoli. Dix galions de la flotte ottomane s’enfuirent devant trois navires de la flotte russe et se réfugièrent sous les batteries de la forteresse d’Anapoli. Il ne peut y avoir qu’une seule raison à la fuite d’une flotte trois fois plus forte que sa rivale : le manque d’éducation et de formation.

 

En 1715, la plupart des officiers de la marine russe étaient des étrangers, seuls quelques-uns étaient des Russes. En 1724, sur 82 officiers supérieurs, 19 seulement étaient russes et 23 britanniques, 17 danois, 13 hollandais et 5 allemands.

De cette manière, les Russes eurent la chance de se renseigner directement sur les inventions technologiques actuelles en Europe et de les mettre en œuvre. Mais la marine ottomane, à l’époque, n’était pas ouverte aux officiers étrangers, ils ne virent donc point ces innovations.

La flotte russe visita les quais de construction navale à Portsmouth, en Angleterre ou elle fut améliorée des soutes aux mâtes, toutes les pièces manquantes et l’instrumentation furent achevées, le personnel formé sur l’artillerie et les voiles. En revanche, les chefs ottomans ne crurent même pas aux informations sur la mobilisation des Russes de la Mer Baltique vers la Méditerranée par l’ambassadeur de France, en raison de leurs ignorances.

 

Par conséquent, la flotte à Istanbul partit sans les compléments nécessaires, sans formation suffisante, en fait complètement sans aucune préparation du tout, vers la Mer Égée.

Le fait que les commandants soient des marins formés par leur propre expérience est très important. Les commandants britanniques dans l’administration de la flotte russe furent en mer toute leur vie. Les pilotes britanniques étaient compétents en navigation. Il n’y avait pas de commandants formés dans la marine ottomane car il n’y avait pas d’écoles à cette fin. Les postes de capitaine pour les galions ou les postes d’amiral n’étaient pas basés sur les qualifications, mais les relations, la corruption et d’autres problèmes étaient les déterminants.

 

Les brûlots étaient très importants en tant qu’armes aux 17 et 18 ème siècles et ont toujours été dans les inventaires de toutes les organisations navales. Les Ottomans n’ont jamais pensé que c’était une manière équitable de combattre l’ennemi, c’est pourquoi ils n’ont jamais été inclus dans leur flotte et aussi une prévention contre ces navires n’a jamais été d’actualité. Ils payèrent pour cette erreur toute leur vie mais sans pour autant apprendre une leçon. Cinquante-deux années après l’incendie de l’Armada à Chisma le 21 Dzoul Hijjah 1237 (8 septembre 1822), notre navire amiral fut de nouveau incendié par un brûlot grec et le Grand Amiral Nassouhzade ‘Ali Bacha mourut sur ce bateau.

De grandes célébrations ont encore lieu en Grèce le 8 septembre, et l’incendie du navire est simulé sur un modèle réduit de bateau.

 

Le feu était le danger le plus important à l’époque des voiliers où tout était en bois. En fait, couler un navire en pleine mer par des tirs de boulets de canon n’était pas si facile. Par contre brûler complètement une flotte dans un port où les navires étaient très étroitement ancré, par un petit navire brûlot et une tactique de raid est très facile. Si les Ottomans avaient coupés les chaînes des ancres tout de suite lorsqu’ils avaient été informés que la flotte russe arrivait, et avaient quitté le port pour combattre l’ennemi, les résultats de la bataille auraient été très différents. Et bien qu’il y ait eu des attaques et des défenses pendant les batailles sur terre, il n’y a pas de techniques de combat défensives pour les batailles en mer. Mais le Grand Amiral Ottoman fuit toujours les combats en pleine mer et préféra rester dans le port et attendre l’ennemi.

 

A l’époque des voiliers où un navire combattait l’ennemi au mouillage, le rival était toujours avantageux en termes de manœuvre et de toutes les initiatives. Le rival pouvait utiliser le vent à son avantage, pouvait se positionner à l’endroit le plus avantageux, de cette manière pour la partie ancrée la défaite était inévitable. Lors de la bataille du Détroit de Chios qui eut lieu deux jours avant la bataille de Chisma, les navires ottomans étaient ancrés parallèlement au rivage et sur deux lignes au nord de Chisma, et à l’endroit appelé aujourd’hui Damla Suyu. Cela permit aux Ottomans de ne pouvoir utiliser que la moitié de la puissance de feu qu’ils pouvaient, alors qu’ils avaient deux fois plus de canons que l’ennemi.

 

De cette façon, seuls les navires en première ligne pourraient ouvrir le feu de large. Ce fut un immense échec tactique. Tant au port de Chisma que devant le Top Burnu-Damla Suyu, le fait de ne pas installer ou de retarder l’installation des batteries de canon pour la défense fut une autre des erreurs les plus importantes.

 

Enfin, il semble nécessaire de rappeler la déclaration de l’amiral Italien Fiorovano :

« Les Turcs n’ont jamais voulu devenir l’autorité en mer, au contraire, ils accordèrent de nombreux privilèges aux étrangers pour le commerce maritime, et ils leur payaient néanmoins beaucoup d’argent pour leur faire transporter leurs marchandises. C’était la raison pour laquelle ils perdirent leur empire ».

Un commentaire important déclaré il y a deux cents ans que si une stratégie basée sur les questions maritimes n’est pas mise en œuvre, un pays ne peut jamais devenir puissant.

 

Résultats et réflexions sur le côté ottoman de la bataille de Chisma

 

La seule raison pour laquelle les navires russes naviguaient librement avec leurs drapeaux hissés dans la Mer Égée et la Mer Méditerranée pendant cinq ans entre 1770 et 1774, était qu’une partie importante de la Marine Ottomane avait été incendiée, ils voulaient donc garder les navires restants dans le Détroit de Canakkale à des fins de défense.

 

Il n’y a aucun moyen d’être fort ou équipé partout autant que nécessaire. Il est important de réduire certaines forces à certains points déterminés pour les concentrer davantage dans des endroits plus stratégiques. Il faut beaucoup de temps et d’efforts pour mobiliser des forces entre ces endroits sur terre. La seule façon de mobiliser des forces de soutien pour les troupes de l’Empire qui étaient dispersées sur un vaste territoire, était d’utiliser les mers.

 

Les Russes, qui voyaient que la terre ottomane n’avait plus les moyens de fournir un soutien depuis les mers, commencèrent à mettre en œuvre la deuxième étape de leur plan et débarquèrent des troupes sur les endroits les plus affaiblis, provoquèrent des soulèvements parmi la population locale et réussirent à un certain niveau. L’Empire Ottoman qui sous-estimait la valeur d’une flotte efficace commença à faire face à ses conséquences par une expérience tragique. Parce que pour les gens qui vivaient dans ces géographies, l’indépendance fut en quelque sorte relancée. Et il n’y avait aucun moyen d’abandonner cette énergie. La résistance commença au Liban, en Syrie, à Beyrouth, en Crimée et en Égypte.

 

L’attribution des galions de la flotte de la Mer Noire à la défense du Détroit de Canakkale créa un déséquilibre dans la Mer Noire, et en raison de ne pas soutenir le Khanat de Crimée, les armées russes entrèrent en Crimée en 1185 (1771) et mirent fin à l’hégémonie ottomane fondée 296 ans auparavant par le Sultan Muhammad al-Fatih.

 

Il était nécessaire pour les Ottomans de réorganiser et de moderniser leur marine conformément aux normes et à la technologie européennes, comme le fit le Tsar Pierre 1er. Mais la méfiance à l’égard des étrangers ne permit pas de progresser dans ce domaine. Après le raid et les défaites, le gouvernement ottoman perçut l’importance de poursuivre de près et de toute urgence les technologies et le système éducatif occidentaux bien qu’il soit un peu tard pour cela.

Mais le prix du réveil fut trop élevé. Sur la base du Traité de Kucuk Kaynarca (1774), l’Empire Ottoman devait partager la Mer Noire qui était autrefois une mer intérieure appelée lac turc avec les navires russes, et de cette manière perdit également beaucoup de prestige.

 

La plus grande partie des personnes formées furent perdues pendant la bataille de Chisma. L’arrivée de la flotte russe qui quitta la Mer Baltique en Méditerranée et leurs succès frappèrent profondément l’Amiral Gazi Hassan Bacha qui avait été élevé parmi les pirates algériens après avoir été libéré par son maître qui était marchand à Tekirdag, où il était esclave tout au long son enfance.

Le niveau d’éducation des marins russes fut le premier objectif qu’il souhaita atteindre. Personne ne croyait plus que lui que les marins devaient d’abord être formés et enseignés à l’école plutôt qu’en mer avec la méthode traditionnelle maître-apprenti.

Gazi Hassan Bacha rencontra et travailla avec le Baron de Tott qui fut envoyé lors du renforcement des systèmes de défense à Canakkale. Les deux fondèrent plus tard le Mekteb-i Riyaziye en 1187 (1773) une école de mathématiques et Tersane Hendesehanesi en 1190 (1776) l’école de Génie Maritime qui devint plus tard la fondation de l’Académie Navale moderne.

 

Bataille de Chisma 1770 

 

Dans les années suivantes, la première école de Génie Maritime devint l’Académie Navale et son extension civile était l’Université technique d’Istanbul. Le raid de Chisma fut en fait propice à la fondation des deux premières écoles modernes d’enseignement des sciences. Par conséquent, cela devrait être analysé en profondeur.

 

Les mots du célèbre professeur d’histoire de la guerre de l’Académie Navale de Guerre qui était connu comme Mekteb-i Bahriye-i Sahane, définit clairement un fait que chaque citoyen de notre pays doit saisir et ne pas oublier :

« Les mers sont des ressources infinies pour la richesse et le pouvoir. Et la Nation Ottomane n’est pas née marin. Mais ce pays doit être habité par une nation qui est la puissance navale dominante pour des raisons stratégiques, locales, politiques, économiques, à l’heure actuelle et à l’avenir. L’Ottoman Asiatique ne pas échapper au chaos jusqu’à ce qu’il se soit procuré un tel maître. L’homme peut ne pas survivre s’il ne peut pas adapter les conditions de son environnement. Les Turcs ottomans doivent devenir et vivre comme des marins ou retourner à leurs origines pour redevenir des bergers de troupeaux de moutons dans les déserts sous un soleil brûlant. »

Historien de l’Académie Navale ‘Ali Haydar Emir (Alpagut)