Le Siège et bataille de Lemnos
Après la victoire de Chisma, il y eut de nombreux conflits
d’opinion notamment entre Orlov et Elphinstone. Orlov
s’installa dans l’île de Lemnos et voulut bloquer le détroit
pour empêcher le transport de céréales d’Alexandrie et
d’autres ports vers Istanbul. Elphinstone, de son côté,
voulut attaquer Canakkale et il insista également sur un
plan d’attaque contre Istanbul.
L’une des raisons pour lesquelles Orlov préférait l’île de
Lemnos était d’utiliser le port de Moudros tout au long de
l’hiver, pour effectuer les entretiens et les réparations
des navires et donner la possibilité au personnel de se
reposer.
L’ensemble de la flotte russe en Méditerranée resta
solidaire jusqu’au 22 Rabi’ al-Awwal 1184 (16 juillet 1770).
Mais chaque jour, un nouveau problème se posait et les
amiraux ne s’entendaient pas très bien.
Elphinstone évalua la situation car il n’y avait plus besoin
d’être ensemble, leva l’ancre et navigua vers le canal de
Canakkale (Dardanelles). Les navires sous le commandement de
l’Amiral russe levèrent l’ancre du groupe d’îles de Koyun
Adalari dans la soirée du 14 Rabi’ al-Awwal (8 juillet 1770)
et croisèrent vers l’île de Lemnos. La flotte pionnière sous
le commandement de Spiridov s’amarra dans le port de Moudros
le 16 Rabi’ al-Awwal (10 juillet). Le siège de Lemnos
commença et dura plus de trois mois après cette date. Les
habitants musulmans se réfugièrent dans la forteresse et
luttèrent pour survivre avec les gardes à l’intérieur de
cette forteresse. La lutte pour la survie ne fut pas
seulement contre les Russes mais aussi contre la faim et le
manque d’eau qui étaient les principales complications du
siège. Orlov écrivit dans sa lettre de Lemnos sur le début
du siège :
« En raison de la bataille locale qui eut lieu le 3 Rabi’
al-Awwal (27 juin), Elphinstone se rendit à la forteresse
sur le canal et quelques caravelles s’amarrèrent dans la
Péninsule Arabe de Lemnos, la communauté musulmane se
déplaça donc à l’intérieur de la forteresse. Je n’aurais
jamais pu penser qu’il me serait si difficile d’envahir la
forteresse. »
Hassan
Bacha nota ce qui suit sur le débarquement des Russes sur
Lemnos :
« L’ennemi arriva avec ses navires dans le Golfe de Moudros
et y jeta l’ancre. Ils bloquèrent le détroit avec de
nombreux navires pour empêcher toute aide éventuelle et
assiégèrent chaque endroit par mer et terre. Ils utilisèrent
les sujets chrétiens et en firent leurs propres disciples.
Ils abattirent 80000 moutons, 1000 taureaux et préparèrent
des conserves de viande frite sous prétexte qu’il s’agissait
de marchandises d’origine islamique. Ils collectèrent les
céréales dans les autres fermes islamiques et les chargèrent
dans leurs cargos.
Une partie des céréales restantes était stockée dans la
campagne près de Moudros. Après cela, ils embarquèrent
Ibrahim Aga Karakulak dans une frégate et l’envoyèrent à la
forteresse de Lemnos avec une offre de reddition. »
Pendant ce temps, la flotte d’Elphinstone continuait le
blocus des Dardanelles (Détroit de Canakkale). Un galion
patrouillait entre les Imbros et la côte de Roumoi, un autre
galion et une frégate entre Tenedos et la côte anatolienne
et un troisième galion patrouillait entre Tenedos et Imbros
avec une frégate. En plus de ceux-ci, un navire armé
patrouillait dans la région de Thasos. Un galion et un
navire grec armé étaient en service de reconnaissance et de
patrouille entre Lemnos et Lesbos.
Siège et bombardement de la Forteresse de Lemnos
Les Russes découvrirent les conditions de la forteresse par
les Grecs et espérèrent qu’il serait facile d’envahir la
forteresse en leur montrant leur force. Karakulak Ibrahim
Aga, asservit par les Russes lors de la bataille de Chisma,
fut envoyé à la forteresse en tant que négociateur.
Il n’y avait pas suffisamment de gardes présents dans la
forteresse de Lemnos. De plus, la quantité d’armes et de
munitions était rare. Hassan Bacha expliqua la
situation de la forteresse comme suit : « La forteresse du
Sultan était en ruine et dévastée. Elle contenait dix-sept
pièces de canons très anciens dont les barils avaient été
changés et qui n’avaient pas été entretenus récemment. Il y
avait aussi quelques fusils vides et les munitions
comprenaient trois cents caisses de poudre noire. Les
céréales et l’approvisionnement en eau à l’intérieur de la
citerne étaient très rares. »
Une dispute commença avec Ibrahim Aga à l’extérieur de la
forteresse. Le Comte Orlov voulait qu’ils abandonnent la
forteresse dans les 24 heures et en retour, il ne ferait de
mal à aucun Turc tant qu’ils acceptaient de payer une pièce
d’or en impôt (vous connaissez la promesse des mécréants…).
Ceux qui n’accepteraient pas de payer cette taxe pouvaient
aller n’importe où et s’ils ne voulaient pas faire cela,
4000 soldats allaient attaquer et prendre le contrôle de la
forteresse par la force.
Les gens à l’intérieur de la forteresse avaient besoin de
temps. Ils envoyèrent un message à Orlov : « Notre
forteresse est solide et fortifiée. Notre dépôt de munitions
est plein et nos citernes aussi. Nous n’abandonnerons pas la
forteresse s’il n’y a pas de bataille et il n’y aura pas de
gagnants ou de perdants. Dans ce cas, nous sommes ouverts
aux négociations, » et ils gagnèrent un autre jour.
Le Comte Orlov dit en retour :
« Ce que vous appelez une forteresse est plutôt une ferme
laitière en ruines. Elle n’a ni soldats, ni canons et
munitions, ni même d’eau, comme on le sait. Vous essayez de
gagner du temps mais oubliez l’aide. Je ne laisserai même
pas un oiseau voler au-dessus de vous. Alors je vous donne
24 heures de plus, si vous remettez vos armes et munitions
au personnel que je vais affecter et abandonnez la
forteresse, je vous autoriserai à quitter l’île sur des
navires neutres et vous paierai chacun 4 pièces d’or. » Et
la parole des mécréants n’est que pure perte.
Les personnalités de la forteresse discutèrent de ces
conditions en profondeur et décidèrent de défendre la
forteresse jusqu’à leur mort. Allahou Akbar ! C’était la
meilleure chose à faire. Mourir martyr est de loin le
meilleur résultat qu’une humiliante soumission sachant que
les mécréants n’ont aucune parole
Les abords de la forteresse ne furent pas défendus mais
abandonnés. La forteresse était entourée de trois côtés par
la mer et d’un seul côté par terre, les navires russes
s’approchèrent donc de la côte et attendirent de tirer sur
la forteresse de trois côtés.
Avec l’aide du Capitaine Preston du navire
St. Paul, ils
prirent les pierres du cimetière et construisirent une digue
côté terre d’une baie à l’autre. De cette façon, il semblait
qu’il y avait deux forteresses construites l’une contre
l’autre. Les canons qui avaient été déplacés vers la côte y
furent positionnés.
Après la préparation des Russes pour le siège, ils
décidèrent de lancer une attaque générale. Selon les travaux
de Hassan Bacha, les troupes russes commencèrent à
bombarder et à attaquer sur quatre côtés dans la soirée du
26 Rabi’ al-Awwal (20 juillet 1770). Mais les héros turcs
défendirent la forteresse avec succès malgré la rareté des
armes et des munitions. Contre les 4000 soldats russes sur
terre, les personnes qui défendirent Lemnos n’étaient pas
plus de 400.
Spiridov assiégeait la forteresse à l’ouest de Lemnos avec
sa flotte. Le Comte Orlov, quant à lui, leva l’ancre de
Lemnos avec deux galions, trois frégates et une bombarde le
29 de ce même mois (23 juillet) et navigua vers le nord. Il
encercla l’île de Samothrace et revint à Moudros / Lemnos le
2 Rabi’ ath-Thani (26 juillet). Le 6 Rabi’ ath-Thani (30
juillet), il quitta Moudros, croisa à l’avant de la
forteresse de Lemnos et rejoignit la flotte de Spiridov. La
flotte unie bombarda lourdement la forteresse le 7 Rabi’
ath-Thani (31 juillet) mais sans aucun résultat.
Les Russes dirigèrent toutes leurs forces pour l’invasion de
la forteresse de Lemnos et pensaient que les Turcs allaient
se rendre sous peu. Mais quand ils comprirent que leurs
propres plans avaient échoué, ils essayèrent de faire tomber
les fortifications en tirant des boulets de canon, puis
attaquèrent la forteresse pour finalement la reprendre. Les
boulets de canon ne firent que deux trous dans la
fortification et les Russes attaquèrent par l’un de ces
trous. Mais cette attaque faillit soit à cause de la
malchance du côté des Russes, soit de l’incompétence des
forces qui envoyées dans l’autre trou pour simuler une
fausse attaque.
Les jours passèrent, le siège continuait, sans aucun progrès
du côté ottoman ou russe. Mais il n’y avait ni puits ni
fontaine à l’intérieur de la forteresse de Lemnos. Les
habitants de la forteresse buvaient l’eau de la citerne. Ils
craignaient que la diminution de l’eau ne cause leur mort au
cas où il ne pleuvrait pas ou s’ils seraient obligés de se
rendre.
L’attaque des Russes dans la nuit du 23 Rabi’ ath-Thani (15
au 16 août) qui était en fait un raid, fut plus violente que
toutes. La façade de la forteresse appelée Cukur Sarnic
s’effondra et il sembla plus facile d’y pénétrer. Les Russes
avaient préparé des échelles sur lesquelles deux personnes
pouvaient grimper côte à côte tandis que les équipages des
navires s’étaient embarqués pour attaquer la forteresse
depuis la mer. 150 soldats russes moururent au cours de ce
combat. Un mois s’écoula depuis le début du siège, mais
toujours aucune reddition.
Le lundi 27 Rabi’ ath-Thani (20 août), l’Amiral Elphinstone
suivit les ordres du Comte Orlov et envoya des boulets de
canon à Lemnos et d’autres munitions avec le Capitaine
Preston. Certains soldats britanniques volontaires étaient
également sur ce navire, voulant montrer à l’Impératrice
russe leur dévouement et leur utilité.
Elphinstone était toujours impliqué dans le siège du
détroit. Le 25 Joumada al-Oula (16/17 septembre), il navigua
avec le navire amiral
Svyatoslav d’Imbros à Lemnos. Dans la matinée du lundi
26 Joumada al-Oula (17 septembre), le navire s’échoua sur un
banc de sable à 9 milles marins à l’est de Lemnos. Il ne put
pas être sauvé même avec les efforts de l’aide d’Imbros.
Entre-temps, de grands trous furent faits dans les
fortifications de la forteresse de Lemnos en raison des tirs
intenses. Il était extrêmement difficile de réparer les
fortifications qui s’étaient effondrées et la probabilité
des Russes d’attaquer à travers celles-ci augmentait chaque
jour. Ce qui suit est écrit sur le siège de Lemnos dans le
journal de l’officier britannique :
« Entre 40 et 50 marins britanniques et suédois que les
Russes embauchèrent dans le port de Livourne en septembre
envoyèrent une lettre aux officiers britanniques de la
marine russe. Les soldats britanniques sous le commandement
du gentleman britannique Lord Effingham voulaient se porter
volontaires pour une attaque contre la forteresse à travers
les fortifications effondrées. Désormais, les nouveaux
arrivants voulurent également participer à cette attaque,
comme ils le déclarèrent dans leurs lettres (Zerma !).
Le jour suivant, entre 30 et 40 autres soldats britanniques
arrivèrent d’autres navires. Le plan d’attaque fut élaboré
et livré au Commodore Greig. Selon le plan, les marins
britanniques et suédois devaient attaquer en première ligne
avec leurs épées et leurs pistolets. Ceux-ci seraient suivis
par 100 soldats les plus courageux du bataillon grec et le
peloton grec de 200. Entre-temps, le reste des Grecs
devaient également participer à l’attaque en portant des
sacs de sable ou du bois, etc., pour réparer le mur effondré
après être entré.
Ce système fut conçu sur la base de l’idée que le trou
inférieur devait être attaqué en premier. Mais après y avoir
réfléchi, ce plan fut abandonné. Le trou supérieur serait
tout aussi facile à entrer et les résultats également plus
avantageux. Lorsque ce trou deviendrait le nôtre, soit
l’ennemi devait le laisser et défendre la forteresse
intérieure à la place, soit laisser la forteresse intérieure
ouverte contre le risque d’attaque.
Maintenant, tout le monde attendait l’heure d’attaquer et
pensait que la victoire était très proche.
Tout était censé se dérouler comme prévu et les assaillants
allaient être couronnés de gloire et d’honneur. Il allait y
avoir trois fausses attaques contre la forteresse, donc la
défense des Turcs pour garder le trou gardé était censée
être moindre, du moins c’est ce que tout le monde croyait.
A ce moment où tout le monde attendait impatiemment, tout se
détendit quand quelqu’un affirma :
« Il est évident que les Turcs souffrent du manque d’eau.
Ils peuvent se rendre à tout moment. Il faut donc attendre
encore un peu. Au cas où les Turcs ne se rendraient pas et
que nous devions attaquer la forteresse à travers les trous,
l’honneur de l’attaque initiale appartiendrait aux
Britanniques. »
Finalement, le 29 Joumada al-Oula (20 septembre) les Russes
apprirent que leur galion
Svyatoslav était
bloqué. Ce fut démoralisant pour les assaillants mais une
bonne nouvelle pour les Turcs. Quand arriva le 14 Joumada
ath-Thani (5 octobre), les Turcs n’avaient toujours pas
abandonné mais il n’y avait plus d’eau dans la forteresse.
Les deux parties décidèrent donc de conclure un traité pour
laisser la forteresse aux Russes.
Les Turcs promirent de remettre la forteresse aux Russes
lorsque les navires qui les emporteraient seraient arrivés
et ils libérèrent certains des otages. Le lendemain dans
l’après-midi, le camp russe décida de lever leurs tentes et
ils reçurent l’ordre de se rassembler plus loin sur la
colline. Car selon les informations qu’ils avaient reçues
les troupes turques qui débarquaient du nord-ouest de l’île
se préparaient à une attaque. La même nuit, tous les Russes
et leurs partenaires reçurent l’ordre d’embarquer les
navires.
Le Comte Orlov évalua les avantages et les inconvénients de
l’arrivée de l’ennemi sur l’île et agit rapidement pour
abandonner le siège. De cette manière, il renonça à un plan
qui pouvait lui coûter la vie peu importe combien il était
désiré ou combien de gloire il apporterait.
On découvre la présence en plus des Russes, des Suédois, des
Français, des Britanniques, des Danois des Grecs et des
Albanais contre les Ottomans, sur la base du journal de
l’officier britannique.
Le 29 Joumada al-Oula (20 septembre), Elphinstone abandonna
le navire et hissa le drapeau de l’amiral sur le galion
Ne Tron Menya. Le
galion Svyatoslav
fut laissé sur le flanc et rempli d’eau à l’intérieur. Le 3
Joumada ath-Thani (24 septembre), Elphinstone rejoignit avec
sa flotte la flotte d’Orlov à Lemnos.
Le traité sur la remise de la forteresse aux Russes préparé
par les deux parties le 14 Joumada ath-Thani (5 octobre)
incluait :
1. Les Turcs doivent remettre toutes les armes et munitions,
y compris les poignards, à un officier envoyé par les
Russes,
2. Chacun doit emporter avec lui les marchandises qu’il peut
transporter,
3. Chacun doit payer quatre pièces d’or pour le voyage à la
sortie de la porte de la forteresse,
4. Le délai pour le faire est de 24 heures,
5. Les Turcs doivent remettre certains de leurs dignitaires
en otages pour s’assurer qu’ils vont tenir leurs promesses.
Il n’y avait plus rien d’autre à faire pour les quelques
personnes qui avaient défendu la forteresse pendant des
mois. Cependant, l’Algérien Gazi Hassan Bacha refusa
de rendre la forteresse et il était prêt à utiliser tous les
moyens possibles pour la conserver.
L’Algérien Gazi Hassan Bacha apprit que les Russes
avaient lancé une opération pour envahir Lemnos à son
arrivée à Canakkale. Il rendit visite au Commandant en chef
du Détroit de Moldovanci ‘Ali Bacha pour lui expliquer ses
plans de raid sur les côtes de Tenedos et sur l’île de
Lemnos.
L’arrivée de la flotte russe sous le commandement de
l’Amiral britannique Elphinstone dans l’île de Lemnos fut
acceptée comme un obstacle au raid que l’Algérien était
censé effectuer. Mais quand l’Algérien Gazi Hassan
Bacha comprit leurs plans pour faire de l’île une base
militaire au cœur de la Mer Égée, il pensa qu’il devrait
continuer à insister sur ses opinions. Selon lui,
l’installation des Russes sur l’île de Lemnos et y garder
une partie importante de leurs forces navales affecterait
profondément l’état stratégique et économique des Ottomans
en Méditerranée.
Lorsque l’Algérien Gazi Hassan Bacha insista sur son
refus, le Commandant en chef ‘Ali Bacha se sentit obligé de
faire part de sa proposition à Istanbul. Le Sultan ordonna
la mobilisation de 2000 soldats de Canakkale et de 1000
marins pour les galions afin d’établir une unité d’urgence
et d’envoyer cette unité sur l’île de Lemnos sous un
commandant approprié.
Puisqu’il n’y avait personne d’autre de disponible pour le
commandement du raid, l’Algérien Gazi Hassan Bacha
reprit personnellement cette mission. Pendant ce temps, le
Baron de Tott qui était à Canakkale à l’époque pensait que
c’était une idée un peu folle et il ajouta qu’il n’y avait
aucune chance pour qu’une telle opération réussisse.
Le Baron de Tott écrivit dans ses mémoires :
« Il (‘Ali Bacha) construisit des bastions dans la section
la plus étroite du canal (Canakkale - Kilitbahir) plus à
l’ouest des fortifications et à combiner avec celles-ci au
cap Degirmen à Kumeli et au cap Barbiye en Anatolie. Il fit
restaurer les autres bastions. Désormais, les Russes ne
pouvaient plus constituer une menace sérieuse contre la
chaîne. Les artilleurs turcs ayant été jugés trop naïfs, il
se rendit à Istanbul pour fonder le centre d’apprentissage
des artilleurs. Dans l’intervalle, il rencontra l’Algérien
Gazi Hassan Bacha et reçut des informations sur la
bataille de Chisma. Mais l’Algérien Gazi Hassan Bacha
affirma qu’il pouvait lever le siège en débarquant quelques
milliers de volontaires sur Lemnos transportés par de petits
navires et bateaux, sans même emmener de canons, et isoler
la flotte russe. Ce projet semblait le produit de la folie
pour le Baron de Tott et lorsqu’il alla à Istanbul, il fit
part de ses opinions négatives sur le projet et reçut cette
réponse en retour du représentant du gouvernement qui lui
avait effectivement permis cet acte : « Au cas où ils
échoueraient de cette façon, nous nous débarrasserons de
quelques vieux canons ! » Mais les Russes qui maintenaient
la forteresse assiégée furent pris au dépourvu et
s’enfuirent honteusement pour se réfugier dans leur propre
flotte. Les Turcs n’avaient pas d’autres armes à feu que des
pistolets, c’était encore assez pour effrayer la flotte
russe pour lever l’ancre et s’échapper. De cette manière,
l’Algérien Gazi Hasan Bacha accomplit l’impossible
(Bi-idnillah).
L’Algérien Gazi Hassan Bacha se rendit à la
forteresse de Seddulbahir avec les 1070 marins qui retirés
de la marine. ‘Ali Bacha était également censé envoyer les
2000 soldats rassemblés par les seigneurs féodaux de la
région de Canakkale tels que Cihanoglu et Sepetoglu. Mais
après que Hassan Bacha ait attendu sept jours à
Seddulbahir et les débats avec le Grand Amiral Ja’far Bacha,
il rendit visite à ‘Ali Bacha pour l’informer que les
soldats promis n’étaient pas encore arrivés. Sur cette
information, ‘Ali Bacha contacta les seigneurs féodaux et
leur ordonna de préparer ces soldats et de les envoyer.
Les seigneurs féodaux l’informèrent que les soldats seraient
préparés immédiatement et se rendraient à Seddulbahir sur
des bateaux trois heures après le lever de l’aube.
L’Algérien Gazi Hassan Bacha arriva à Seddulbahir et
embarqua les marins sur des bateaux.
Voyant que les forces qui lui avaient été promises
n’arrivaient pas, il décida de partir avec les marins du
galion en main. Parce que le dernier informateur avait
informé que la forteresse de Lemnos était sur le point de
tomber. Quelques galères et frégates de la marine
accompagnaient ces bateaux et navires composés de 23 pièces.
Les bateaux partirent dans la nuit du 5 Joumada ath-Thani
(5/6 octobre) et déployèrent leurs voiles grâce aux vents
qui se mirent à souffler et après avoir navigué vers le nord
de la Péninsule de Gallipoli, ils changèrent de cap et
naviguèrent près des côtes sud des Imbros. Alors qu’ils
naviguaient près du cap de Komur Burnu, les vents tournèrent
en rafales. Les capitaines des frégates signalèrent que la
poursuite de la navigation pourrait comporter des risques.
Mais l’Algérien Gazi Hassan Bacha n’avait rien
d’autre en tête que de sauver la forteresse et donc
n’accorda pas beaucoup de crédit à ces mots. Le 15 (6
octobre), au matin, ils passèrent par les caps de Plako et
Soteri au nord de l’île de Lemnos et entrèrent dans le port
de Yuzbasi.
Le Comte Orlov avait en effet appris en octobre la
mobilisation des troupes turques pour le sauvetage de
Lemnos. Il avertit le Capitaine Edmund Shrieve du navire
Vestal de faire
attention à cette possibilité.
Le Vestal n’était
en fait pas un navire de combat mais il avait été acheté à
la marine britannique après son armement. Mais il manquait
de personnel suffisant. La plupart d’entre eux étaient
malades et il n’y avait que 20 marins qui pouvaient faire
leur travail sur le navire. Mais comme il n’y avait pas
assez de nourriture, ceux-ci devinrent également très
faibles. Les demandes de soutien du personnel du capitaine
ne purent être satisfaites correctement et il n’y avait pas
de personnel pour lever l’ancre, remplir les voiles ou pour
naviguer.
Le journal de l’officier britannique contient les
informations suivantes sur le navire
Vestal :
« Le 5 octobre tôt le matin, les marins du
Vestal virent
cinq navires s’approcher de l’île de Lemnos par le nord-est,
puis le nombre de navires passa à 13. De toute évidence,
l’équipage à bord du
Vestal pensa que ces navires allaient aider les Turcs à
Lemnos.
À l’époque, le Capitaine Edmund Shrieve était malade et
alité à cause d’une forte diarrhée. Lorsqu’il fut informé
que des navires ennemis avaient été aperçus, il ordonna à
l’équipage de se rendre à l’arrière du navire. Parce qu’ils
n’avaient jamais négocié sur la reddition potentielle du
navire à l’ennemi. Il ordonna que les drapeaux russes soient
hissés sur les mâts et les canons remplis de grenades. Dans
l’intervalle, les entrepôts étaient gardés sous des cages et
fermés à clé, pour assurer la meilleure défense. Mais comme
il n’y avait pas assez d’hommes à bord pour lever l’ancre,
ils conservèrent leurs positions antérieures.
Lorsque le Capitaine s’effondra, il fut conduit en bas dans
sa cabine. D’un autre côté, l’équipage s’accrochait toujours
à son courage. Ils firent le vœu de se battre jusqu’à leur
mort et s’ils étaient battus de se venger contre les Turcs
en incendiant leurs munitions au feu plutôt que de leur
demander de faire preuve de miséricorde.
Mais les Turcs ne dépassèrent pas le
Vestal et furent
hors de la vision de son équipage après un certain temps.
Finalement, à une heure de l’après-midi, les Turcs
débarquèrent sans affronter de résistance, renvoyèrent les
navires avec lesquels ils étaient venus en Anatolie et se
dirigèrent vers le nord-ouest de l’île.
Là, ils trouvèrent deux gros bateaux laissés par les Grecs
qui s’étaient enfuis, brûlèrent l’un d’eux et étaient sur le
point de brûler l’autre. À ce moment-là, ils étaient à
portée du Vestal.
Et quand le Vestal
commença à tirer sur eux, ils partirent simplement au lieu
de sauter dans le bateau et d’attaquer le
Vestal.
Puisque les Turcs suivirent la côte et retournèrent à la
citadelle, une partie du personnel du
Vestal navigua
très rapidement vers la côte et ramena le bateau que les
Turcs étaient sur le point de brûler. Si l’aide demandée par
le Capitaine Edmund Shrieve était arrivée à temps, il aurait
coulé la moitié des bateaux turcs et les auraient forcés à
revenir avec la moitié restante. Parce que les bateaux qui
amenèrent les troupes sur l’île étaient soit trop petits,
soit trop faibles. »
L’Algérien Gazi Hassan Bacha débarqua immédiatement
110 marins, contrôla les collines qui surplombaient le port
et distribua les munitions aux marins débarqués. La route de
ce point à la forteresse de Lemnos prendrait neuf heures. La
première pause était après cinq heures et demie de marche.
Ils se reposèrent pendant une heure et demie puis reprirent
la marche et arrivèrent à Kronos près de la forteresse de
Lemnos. Ils firent une longue pause et reçurent des
informations sur l’état de la forteresse.
L’Algérien Gazi Hassan Bacha avait entendu dire que
les Turcs avaient d’abord accepté l’offre de rendre la
forteresse assiégée, mais se détendirent lorsqu’il apprit
que les Russes n’étaient pas encore arrivés dans la
forteresse. Il paya aux Chrétiens locaux quelques pièces
d’or pour transmettre ce message : « Allez dire au
commandant russe que je suis venu ici avec douze mille
soldats en excellent état. »
L’Amiral Spiridov craignait d’affronter une armée turque
plus nombreuse qu’il ne l’avait prévu, les Russes pensèrent
que les forces turques qui débarquaient sur l’île étaient
douze mille personnes.
Après avoir reçu cette information, le Comte Orlov déplaça
ses soldats vers les navires qui étaient amarrés dans le
port de Bacha, également connu sous le nom de Kandiya, à 5 à
10 milles marins au sud de l’île de Lemnos. Il laissa plus
tard deux galions, deux frégates, une bombarde et un navire
de fret armé ainsi que le commandement de la flotte à
l’Amiral Spiridov le 23 Joumada ath-Thani (14 octobre 1770),
qui resta à Lemnos et se rendit sur l’île de Paros.
Après la levée du siège de la forteresse de Lemnos, le
galion appelé
Svyatoslav fut incendié par les Russes pour ne pas
laisser les Turcs l’utiliser. Selon
Gazavat Hassan
Bacha « En plus d’un galion ennemi qui fut détruit, un
autre de leurs navires fut submergé avec toutes ses
munitions entre Lemnos et Tenedos. » Mais cette question ne
fut pas mentionnée dans les sources russes. C’était
probablement l’un des navires loués aux Grecs.
L’Algérien Gazi Hassan Bacha ne s’arrêta pas après
avoir sauvé la forteresse de Lemnos, il installa le quartier
général à l’extérieur de la forteresse. Les personnes
assiégées pendant de nombreux mois ne pouvaient pas
s’acquitter de leurs tâches quotidiennes et ne pouvaient pas
travailler dans leurs champs ni prendre soin de leurs
animaux. Après le bombardement par les Russes, la forteresse
devint ruine. Les gens manquèrent de nourriture et d’eau et
les munitions devinrent très rares.
Les gens commencèrent à remplir leurs stocks aussitôt, ceux
qui pouvaient utiliser des armes furent appelés au service
actif pour remplacer les disparus. Les troupes furent
réorganisées. Quelque temps plus tard, l’Amiral Spiridov
comprit que les Turcs qui avaient débarqués sur l’île après
la défaite n’étaient pas très nombreux.
Et le 26 Joumadah ath-Thani (17 octobre 1770), il prévoyait
à nouveau de débarquer des troupes sur le port de Moudros et
défier l’Algérien Gazi Hassan Bacha.
L’Algérien Gazi Hassan Bacha apprit que les troupes
ennemies débarquaient dans le port de Moudros et avec le
soutien de la population locale, il partit à minuit. Dans la
matinée du 27 Joumada ath-Thani (18 octobre), il fit un
violent raid sur les Russes, les battit et les força à se
réfugier sur leurs navires.
L’Algérien Gazi Hassan Bacha exécuta les tactiques de
combat telles que la recherche minutieuse, la planification,
le déguisement, le raid, la propagande et l’humiliation qui
sont encore utilisées aujourd’hui et qui dépendaient des
courageux hommes des galions et risqua sa propre vie pour
remporter la victoire. Ses qualités sont en bref :
1. Il n’hésita même pas un instant à se rendre à la
forteresse bien qu’il n’avait qu’un tiers des soldats du
nombre initialement prévu.
2. Bien que les gens qui l’entouraient fussent contre son
plan, il ne changea pas d’avis et dépendit toujours du
courage et de la bravoure de ses soldats.
3. C’était un excellent marin qui savait en fait que les
rafales de vent et la mer lourde étaient à son avantage et
qu’il savait que les Russes ne navigueraient pas dans des
conditions aussi difficiles.
4. Après avoir débarqué à Lemnos, il renvoya tous les
vaisseaux qui les avaient amenés disant à ses hommes qu’ils
n’avaient d’autre chance que de réussir. Puisqu’il n’y avait
aucun autre navire sur la côte qui les attendait, les
troupes durent se battre jusqu’à ce qu’elles aient un
résultat.
5. Il dit à ses soldats que la raison de renvoyer les
navires était de faire venir de nouvelles forces. De cette
façon, ils allaient savoir qu’ils ne seraient pas seuls et
se sentiraient assurés.
6. Il avait une autre raison pour renvoyer les navires. Si
les Russes voyaient ces navires, ils sauraient combien de
soldats avaient effectivement été amenés.
7. Le nombre de soldats qu’il amena sur l’île était en fait
inférieur au nombre de soldats de l’ennemi, de cette façon
il bluffait manifestement, c’était un peu similaire à la
propagande du présent.
8. Il étudia à fond les ports et les routes qui étaient
moins utilisés en faisant une expédition à l’avance.
Finalement, il choisit un port et la route du nord qui
n’étaient pas fréquemment empruntés par les Russes et arriva
à la forteresse sans se faire remarquer.
9. Le moment choisit pour une attaque contre la forteresse
était excellent et le plan de raid fut exécuté avec succès.
Sur les événements du 27 Joumada ath-Thani (18 octobre),
l’officier britannique écrivit dans son journal :
« La flotte russe se rendit dans le port de Moudros après
avoir levé le siège de la forteresse de Lemnos. Là, il
construisit des fours à pain pour nourrir les soldats. Mais
les 700 Turcs qui
quittèrent temporairement la citadelle les
incendièrent tous ainsi que tous les approvisionnements sous
les yeux de la flotte russe et revinrent à la citadelle sans
obstruction ou même sans faire tuer un seul soldat par les
Russes.
« Si » les troupes avaient quittés les navires à l’heure et
s’étaient alignés contre les Turcs qui avaient quitté la
citadelle alors les Turcs auraient été punis très durement
pour une action aussi audacieuse en envahissant la citadelle
et toute l’île. Mais les Russes ratèrent cette opportunité.
Les Turcs étaient conscients du danger et se retirèrent
rapidement. Bien que certains Grecs aient eu le courage de
les poursuivre et de tuer une soixantaine de personnes, ils
se retirèrent alors que personne ne venait les aider. »
La bataille fut ainsi définie dans
Gazavati Hassan
Bacha :
« 150 personnes décédèrent et devinrent des martyrs ; 101
furent blessées au cours de cette bataille. Cela pris cinq
heures et demie et les Russes perdirent complètement leurs
espoirs sur l’île de Lemnos. Ils partirent pour les îles
Paros-Noxos. L’Algérien Gazi Hassan Bacha échangea
quelques-uns des esclaves qu’il prit avec ceux asservi par
les Russes dans la forteresse de Lemnos, et de cette manière
il les sauva. »
Après cela, l’Amiral Spiridov comprit que leurs attaques
contre les forces de l’Algérien Gazi Hassan Bacha
seraient sans résultat, et le 28 Joumada ath-Thani (18
octobre), il quitta Lemnos et arriva à Thasos le 10 Rajab
(30 octobre). De nombreux navires y étaient rassemblés dont
5 galions, 3 frégates et d’autres de différentes tailles.
La nouvelle de la sauvegarde de l’île de Lemnos rendit le
Sultan Mustafa 3 très heureux dans la deuxième année de la
guerre où il y avait surtout des défaites sur terre et en
mer. Il promut l’Algérien Gazi Hassan Bacha au poste
de Grand Amiral en lui donnant le grade de Vizir avec trois
Plumes. Le Sultan lui donna également un manteau de fourrure
de zibeline et un vêtement d’or, en plus de ceux qu’il lui
donna, il lui remit quatre cents vêtements et cinq mille
piastres à distribuer aux soldats qui combattirent
courageusement. Les lettres qui furent envoyées à Hassan
Bacha par la suite portaient le titre : Vétéran de guerre.
Hassan Bacha corrigea la situation sur l’île de
Lemnos et retourna à Canakkale. |