Les Batailles d’Anapoli et de Suluca
Bataille d’Anapoli : 2 Safar 1184 (28 mai 1770)
Après la bataille de Menekshe, les deux flottes
s’éloignèrent l’une de l’autre et, au crépuscule, les
navires russes roulèrent leurs voiles et naviguèrent dans le
Golfe d’Anapoli pendant la nuit. Entre-temps, le Grand
Amiral Houssam ad-Din Bacha ne voulut pas se battre
en pleine mer et préféra donc rester à l’intérieur du port
d’Anapoli où il était plus préservé. Ce port contenait 3
forteresses sur la côte, et c’était l’une des plus sûres de
la Péninsule du Péloponnèse.
Houssam
ad-Din Bacha veilla à ce que toute la marine soit amarrée à
l’entrée du port en ordre de cap des navires afin que
ceux-ci puissent utiliser le soutien des canons des
forteresses. Les galions étaient bordés les uns à côté des
autres faisant face au large et ils étaient amarrés à la
fois de l’arrière et de l’avant. De cette façon, le nombre
maximum de canons à bord pourrait affronter l’ennemi. Mais
ce genre de formation avait ses risques et ses avantages. Un
navire en feu ou coulant pendant le combat pourrait
facilement tomber sur un autre navire et l’incendier ou le
désactiver pendant la bataille.
Le lundi 2 Safar 1184 (28 mai 1770), à l’aube, les deux
flottes étaient sur le point de se confronter à nouveau, de
différents côtés du golfe face à face. Une brise fraîche le
matin était dans une direction qui pourrait être à
l’avantage des Ottomans, mais le Grand Amiral Houssam
ad-Din Bacha n’envisagea pas de l’utiliser. Sa flotte de 26
navires dépassait de toute façon la flotte russe.
À 9 heures, tout était calme, vers 11 heures, une brise
fraîche se leva.
Elphinstone décida d’attaquer vers 12h30, après avoir vu que
le vent tournait à son avantage. Il prévoyait de brûler la
flotte ottomane à l’intérieur du port en utilisant le
bombardement au mortier.
Les mortiers existants jouèrent un rôle important pour les
Russes pour éliminer le premier bastion qui était
extrêmement haut. Les Russes ouvrirent un feu nourri en
passant par les bastions de cette région et veillèrent à ce
que les hommes utilisant les canons de ces bastions quittent
momentanément leurs positions. Cette tactique les aida à
contourner ces bastions un peu plus facilement.
Les deux flottes étant maintenant à portée de tir. Les tirs
commencèrent dans les deux sens et les navires ciblés
commencèrent à subir des dommages. Après le duel au canon
avec la flotte ottomane, la flotte russe fit un autre tour
et les tirs se poursuivirent.
Pendant ce temps, alors que les Russes passaient devant la
forteresse, l’infanterie commença à tirer ses canons mais
les balles tirées ne causèrent pas de dommages graves aux
navires, du moins pas assez pour les mettre hors de combat
ou les immobiliser.
En raison de l’augmentation des tirs des deux côtés, le
navire du Commodore Ottoman
Ziver-i Bahri fut
endommagé sur le mât avant et le hauban. Les galions russes
furent également gravement endommagés.
Après deux tours, la flotte russe dû naviguer et se battre
en même temps, ce qui les mit dans une position difficile
face à la flotte ottomane, notamment en termes de personnel.
Tout l’équipage du côté ottoman était sur les canons tandis
que la plupart du personnel russe était occupé avec les
voiles. Elphinstone changea sa tactique et décida de se
battre avec les navires ancrés. Les navires russes de
déplacèrent devant les navires ottomans, mais juste à
l’extérieur du champ de tir des canons dans les bastions.
Comme les conditions des deux flottes étaient quelque peu
égales, les artilleurs devaient montrer leurs compétences.
Le gagnant devait être celui qui chargeait ses canons plus
rapidement et qui atteignait la cible avec plus de
précision. Les vaisseaux qui tiraient par salve bombardaient
avec tous leurs canons, puis utilisaient les ressorts à
chaînes pour utiliser leurs canons sur l’autre bord.
Le duel dura environ quatre heures. Sur certains des galions
ottomans, les mâts et mâts supérieurs étaient cassés. Le feu
se répandit sur certains navires ennemis en raison des tirs
de mortier des canons russes, mais ceux-ci furent éteints
très rapidement.
Elphinstone écrivit dans l’un de ses mémoires
(l’authenticité de ses rapports sont à vérifier, les écrits
des mécréants sont toujours plein de mensonges et
d’exagérations) :
« Les navires ottomans contiennent un certain type de canon
qui peut tirer un boulet pesant environ 220 livres (100kg).
L’un d’entre eux est tombé sur le bord de
Ne Tron Menya,
qui détruisit une brouette de canon et tomba en trois
morceaux qui blessèrent trois des marins. »
En fait, les galions devaient porter un tel canon qui
pourrait tirer un boulet aussi lourd que cela. Ce poids
pourrait à la fois affecter négativement l’équilibre du
vaisseau et ne pouvait être tiré qu’une seule fois en raison
de la complication dans son processus de remplissage.
Lorsque Gazavati Hassan Bacha mentionna cette
bataille, il expliqua : « Deux des boulets de canon lancés
par l’Amiral Impérial Vétéran frappèrent deux galions de
l’ennemi, causèrent des dégâts et puis il y a eu un
cessez-le-feu, » dans sa lettre de Samos il écrivit « Les
deux grands navires de l’ennemi et un galion à trois ponts
ont été coulés par la grâce d’Allah. »
Le vent cessa de souffler. Vers 18 h 00, Elphinstone
craignit que son navire ne reste immobile à l’intérieur du
port, il fit donc couper la chaîne d’ancre, déploya les
voiles avec les autres navires de sa flotte et quitta le
port ce qui évita à Elphinstone d’avoir sa flotte détruite
par la flotte ottomane au cas où les navires resteraient à
l’intérieur du port la nuit.
La flotte russe qui quitta le port navigua autour de l’île
de Spetse et attendit l’arrivée du galion
Saratov. Pendant
ce temps, elle observait les actions de la flotte ottomane.
Le Saratov
rejoignit la flotte après minuit vers 02h00. Elphinstone
continua à naviguer dans l’espoir que le soutien qu’il avait
précédemment demandé à l’amiral Spiridov arriverait.
Dans la matinée du 29 mai 1770, Elphinstone envoya une autre
lettre à Spiridov, qui était à environ 70 miles de là, par
un bateau grec.
29 mai 1770, Baie de Svyatoslav
Napoli de Roumanie
Monsieur
Je vous ai envoyé un officier pour vous expliquer la
situation dans laquelle la flotte ottomane et nous sommes
actuellement à l’intérieur. Maintenant, je vous envoie
encore cette fois cet officier avec un navire grec.
J’ai en ma possession des rapports montrant que sept navires
ont quitté les îles d’Idesa et d’Andres, dont la majorité
étaient des navires turcs. Par conséquent, la participation
de ceux-ci ne constituera pas une correspondance positive en
notre nom. Au cas où le soutien que je demande arriverait ou
si la jonction de mes deux flottes deviendrait réelle, nous
pouvons détruire la puissance navale complète des Turcs.
Avec la chute des îles dans l’Egée, même une attaque contre
Istanbul peut être possible.
Je sollicite également un capitaine qui puisse me comprendre
dûment notamment lors de nos attaques, dans un souci de
qualité de service, sachant qu’il ne peut rien me dire
d’autre que des détails techniques sur le navire. C’est
pourquoi je demande la nomination du Capitaine Roseborough
de votre flotte comme capitaine de mon navire. J’ai
l’intention d’observer les actions des navires ennemis
jusqu’à l’arrivée du soutien. Je déploierai un drapeau
standard sur le mât avant quand je verrai un navire russe
arriver en appui, le navire russe doit déployer un drapeau
anglais en retour sur son mât principal.
Ayant l’honneur d’être sous le soutien de son excellence
l’Amiral Spiridov.
John Elphinstone
Elphinstone écrivit ce qui suit dans son journal sur les
navires, le nombre de canons et le nombre de membres du
personnel de la flotte ottomane à l’intérieur du port
d’Anapoli ;
« La flotte ottomane qui a été forcée de s’amarrer sous la
protection des bastions d’Anapoli par ma flotte qui se
compose de trois galions et de deux frégates est composée de
:
Comme dans la lettre de Samos où la présence de dix galions
et de sept brigantins furent mentionnée, les sources
ottomanes vérifièrent également l’inventaire sur leur
puissance. L’une des trois galères est la bastarda (galère
réelle) qui suit toujours le Grand Amiral. Ce qui est le
plus intéressant ici, c’est ce qu’Elphinstone a écrit au
début.
Alors qu’il mentionna ses propres navires qui étaient un
total de cinq, il utilisé le mot « Squadron, Escadre » qui
est une « compagnie de 4-6 navires, » et pour les navires
ottomans qui étaient au total de 17 navires, « Flotte »
signifiant « Armada. »
Les Ottomans étaient trois fois plus forts que les Russes,
mais ils cherchèrent toujours la protection des batteries
sur la côte d’Anapoli. Elphinstone se vanta à juste titre de
cela et continua à le souligner.
En fait, pendant la bataille d’Anapoli, les Ottomans avaient
environ 900 canons dans leurs navires, la flotte russe n’en
avait que 280. La différence s’accrue encore avec l’ajout
des canons dans les forteresses. Il est difficile de trouver
une explication logique à la raison pour laquelle un Grand
Amiral doté d’un pouvoir aussi écrasant s’est mis à l’abri à
l’intérieur d’un port au lieu d’attaquer l’ennemi et de
remporter la victoire attendue, il est également difficile
de comprendre comment il l’expliqua aux gens autour de lui.
Houssam
ad-Din Bacha pensait que sa tactique était plus sûre puisque
sa flotte avait moins de dégâts que celle de l’ennemi après
la bataille d’Anapoli. En d’autres termes, Houssam
ad-Din Bacha planifia des batailles à l’intérieur du port.
Il affirma que ses artilleurs manquaient de formation, que
c’était la raison pour laquelle il ne voulait pas attaquer
l’ennemi et que la supériorité du nombre de navires
importait peu.
Un esclave grec du nom d’Andrew Somenika, qui s’échappa du
navire de Ja’far Bey dans un moment chaotique de la
bataille, informa Elphinstone de toutes les caractéristiques
des navires ottomans et des noms de leurs capitaines. Un
autre Grec des îles les confirma et en plus il donna des
informations sur l’endroit où les navires ottomans avaient
été construits, leur âge, des informations sur leurs
capitaines, les canons et les spécifications.
Le Commandant du Péloponnèse Mouhsinzade Muhammad
Bacha appela et dit aux capitaines des navires le 3 Safar
(29 mai 1770) qu’ils devraient lever l’ancre et naviguer
pour attaquer l’ennemi.
Mais le Grand Amiral Houssam ad-Din Bacha affirma que
les navires avaient subi de nombreux dommages, que leurs
munitions s’étaient épuisées après la bataille qu’ils
avaient traversée et déclaré qu’il ne soutenait pas l’idée
d’une telle opération.
Après l’insistance de Mouhsinzade Muhammad
Bacha, ils décidèrent de quitter le port. Dans la matinée du
jeudi 4 Safar 1184 (30 mai 1770), ils sortirent du port pour
naviguer en direction sud-ouest vers le cap de Menekshe. Le
vent soufflant de la terre en direction de la mer était très
approprié pour les Ottomans et ils naviguèrent très vite
vers la flotte russe.
L’Amiral Elphinstone ordonna à la flotte de prendre la
position de combat à 8 heures. Mais le Commodore Barsch du
navire Saratov
quitta son poste et envoya un message à Svyatoslav via le
pilote britannique Mc Boyd à 11 heures.
Dans son message, Barsch écrivit que les Turcs approchaient,
et qu’ils étaient supérieurs en nombre, et même si l’Amiral
Elphinstone n’avait pas peur d’eux, il abandonnait pour se
sauver.
Elphinstone savait que ses chances de combattre la marine
ottomane étaient encore plus faibles depuis qu’il avait
perdu la puissance du navire du Commodore Barsch. La flotte
russe se retourna et se dirigea vers Navarin.
Il y a une autre question intéressante à ce stade. Cette
fois, il y avait des problèmes dans la chaîne hiérarchique
de la flotte russe. Mais le Commodore ne serait pas tenu
responsable de ce qu’il avait fait et il avait le droit de
faire ce qu’il a fait. Sur la base des règles de guerre
russes, un capitaine de navire avait le droit de ne pas
obéir à son commandant qui ordonnait d’attaquer une flotte
qui avait plus de pouvoir que la sienne.
Houssam
ad-Din Bacha changea également la route vers le nord-ouest
avec l’excuse que des rafales de vent avaient commencé à
souffler dans la direction opposée. Ensuite, les flottes
s’éloignèrent les unes des autres. Le vendredi 6 Safar 1184
(1er juin 1770) à midi, la flotte russe était à 12 milles du
cap de Saint-Ange. La flotte ottomane s’amarra dans l’île de
Suluca (Spetse).
Les événements de la bataille d’Anapoli furent expliqués en
gros et en détail par un marin du navire de Hassan
Bacha dans une lettre qu’il écrivit au Sultan. L’original de
cette lettre connue sous le nom de lettre Samos se trouve au
musée de Topkapi.
La Bataille de Suluca
À l’aube du septième jour de Safar (2 juin), toute la flotte
russe avait traversé le passage entre le cap de St. Angelo
et Sergio Island. À 09h00, il y avait 4 galions, 1 frégate
et 1 navire de fret dans le Golfe de Mataban. Il s’agissait
de la flotte sous le commandement de Fyodor Orlov et de
l’Amiral Spiridov. Mais les commandants de flotte ne firent
rien fait d’autre que de se battre lors de la première
réunion. Fyodor Orlov qui participa au Conseil de Guerre ne
pouvait pas contrôler les amiraux en colère. Spiridov
demanda les conseils d’Elphinstone pour la flotte combinée.
Spiridov arriva au cap Mataban le 26 Dzoul Hijjah (22
avril 1770) pour récupérer les soldats russes qui y étaient
précédemment débarqués. Les soldats russes reçurent l’ordre
de ne pas rejoindre les troupes du Comte Orlov et
expliquèrent cette situation à l’Amiral russe.
La situation dans laquelle se trouvaient les soldats russes
semblait très impuissante. Les Grecs du Péloponnèse qui
craignaient que les Ottomans ne les punissent si leurs plans
échouaient, ne voulurent pas aider les Russes.
Le messager envoyé à l’Amiral commandant revint et expédia
le message que les navires allaient partir pour les
recueillir et que les marins devaient donc immédiatement
venir au rivage. Alors que les Russes se préparaient à
battre en retraite, les Maniotes, armés de l’idée que les
Russes allaient les soutenir, se mirent en colère et
commencèrent à se retirer vers les montagnes pour échapper
aux Turcs.
Dès que les soldats arrivèrent sur la côte, ils furent
aussitôt embarqués sur les navires et laissèrent les
Maniotes seuls avec leur propre destin. Elphinstone, dit à
Spiridov qu’il pouvait se battre sous son commandement s’il
voulait chasser et combattre les Turcs. L’amiral Spiridov
n’accepta pas l’offre de devenir le Commandant de la flotte.
Il voulait qu’Elphinstone continue sa guidance. L’Amiral
russe devait observer les codes qu’Elphinstone allait lui
envoyer et envoyer les mêmes codes aux navires derrière lui.
À cette fin, le navire de Spiridov fut équipé du même jeu de
drapeaux de code que celui d’Elphinstone.
Le dimanche 8 Safar (3 juin 1770), la flotte russe s’avança
dans le Golfe d’Anapoli sous la direction d’Elphinstone.
Mais la flotte de Spiridov resta en arrière et disparue. A
10 heures, Elphinstone vit la flotte ottomane naviguer près
de l’île de Spetse. Un code fut envoyé à la flotte de
l’Amiral Spiridov en ce sens que l’ennemi était vu et qu’il
devait lever ses voiles mais la flotte de Spiridov ne
répondit pas pendant plusieurs heures. Depuis que la flotte
de Spiridov naviguait avec leurs voiles enroulées deux fois,
et avec des mâts haut de gamme non installés, la distance
entre eux ne cessa de s’allonger.
Le lundi 9 Safar (4 juin) à 10 heures, Elphinstone localisa
la flotte ottomane autour de Sulucalar (îles Spetse) et
ordonna immédiatement de se diriger vers l’ennemi. Ces codes
ne furent pas été répétés par la flotte de Spiridov ni même
n’eut de réaction.
Lors de cet événement, Elphinstone envoya le lieutenant Mc
Kenzie au vaisseau amiral de Spiridov avec un bateau, pour
les informer que l’ennemi avait été vu, qu’ils devaient
obéir aux ordres donnés et informer immédiatement les autres
navires. Il y avait une distance d’environ cinq heures entre
les deux flottes.
À 16 heures, la flotte d’Elphinstone approcha la flotte
ottomane avec les navires
Ne tronmenya,
Saratov,
Adezhda et
Africa à l’avant.
La flotte de Spiridov suivait toujours de loin.
Le Grand Amiral Houssam ad-Din Bacha quitta le port
d’Anapoli et chassa la flotte russe puis estimant que les
conditions météorologiques n’étaient pas propices à la
navigation, il changea de route et s’amarra décidément dans
l’île de Suluca (Spetse). Gazi Hassan Bacha Cezayirli
ne voulut pas y rester amarré et voulut combattre l’ennemi,
mais sa lutte se termina sans solution.
Pendant les deux nuits que Houssam ad-Din Bacha passa
à cet endroit, il fut informé que les flottes russes étaient
unies et qu’elles cherchaient la flotte ottomane. Il décida
alors de lever l’ancre et de s’éloigner de la région, afin
d’éviter une bataille contre eux. Mais le Grand Amiral fut
détecté par la flotte russe avant même qu’il n’ait eu la
chance d’aller loin et un affrontement devint inévitable. À
ce moment, ils se dirigeaient vers l’est au sud de l’île de
Camlica (Hydra).
L’ordre de bataille fut immédiatement pris. Le galion
Burcu Zafer
portait le fanion de Gazi Hassan Bacha Cezayirli, et
un autre galion Housn-i
Bahri portait le fanion de ‘Ali Bey Patrona. Ces
deux-là étaient dans un duel de canons contre les galions
russes Ne tronmenya
et Saratov,
pendant trois heures, jusqu’à ce que le soleil se couche.
Pendant ce temps, les navires d’Houssam ad-Din Bacha
et de Spiridov étaient loin, et ceux-ci finirent par
regarder la bataille.
Les pistolets n’étaient pas vraiment efficaces car la
distance entre eux était trop grande. Le vent cessa de
souffler dans la soirée et les navires étaient dans la même
position que précédemment. Les galères ottomanes et les
autres galères qui les accompagnaient se dirigèrent
directement vers les galions et les remorquèrent hors du
golfe. La nouvelle route de la flotte ottomane était l’île
de Termiye (Kythnos).
Gazavati Hassan Bacha Cezayirli mentionna également
cette bataille : « Mouhsinzade ordonna de chasser
l’ennemi avec acharnement et lorsque nous sommes arrivés au
cap Menekshe, le temps était violent, les vents nous ont
poussés vers Sulucalar nous avons mouillé pendant deux jours
pour nous reposer. Par la suite, les gardiens rapportèrent
que la flotte ennemie était de nouveau arrivée. Huit autres
navires s’étaient joints à la marine maudite de l’ennemi.
Ils attaquèrent la marine islamique avec un total de
dix-sept navires ... dans la soirée, ils se rassemblèrent et
se sont à nouveau confrontés. Puis le vaisseau amiral
attaqua naturellement les dix-sept navires de l’ennemi comme
un dragon. »
Pendant que les flottes restaient inactives et éloignées les
unes des autres, Elphinstone se dirigea vers le navire de
Spiridov en emportant son interprète. Il mentionna à
Spiridov qu’une victoire très brillante avait été ratée
alors qu’ils avaient tous les avantages et que Spiridov
avait agi de manière fautive en ne levant pas ses voiles et
en ne répétant pas les codes : et il ne pouvait pas
comprendre pourquoi il se comportait de cette façon.
Le Comte Theodor Orlov contribua également à cette
conversation, affirmant qu’il ne comprenait pas non plus la
raison d’un tel comportement, qu’il avait personnellement
été témoin au moment où les voiles n’étaient pas déployées
et qu’il garantissait personnellement à l’avenir les codes
envoyés par Elphinstone seraient répétés.
Sur cette promesse, Elphinstone retourna à son navire à
minuit et attendit le vent. Il n’y eut pas de vent jusqu’au
matin et aucune feuille n’avait bougé. Le mardi 10 Safar (5
juin 1770) au matin, une brise fraîche se mit à souffler et
Elphinstone donna ses ordres classiques de chasser l’ennemi.
Cette fois, pour la première fois, l’Amiral Spiridov réitéra
l’ordre. Contrairement à la dernière bataille où ils avaient
dépensé trop de poudre à canon, Elphinstone fit un petit
changement et envoya le code signifiant « Aucune arme ne
doit être tirée avant de nous assurer que nous sommes à
l’intérieur du champ de tir. »
Hassan
Bacha Cezayirli n’aima jamais vraiment les décisions de Houssam
ad-Din Bacha qui les faisait fuir l’ennemi ou ne les laissa
pas combattre l’ennemi (en fait il avait raison selon toutes
ces informations les Musulmans auraient pu à plusieurs
reprises battre les mécréants).
À ce moment, les Russes étaient à environ 8 km sous le vent.
Hassan Bacha ne put plus y résister lorsqu’il sentit
que les vents étaient propices pour déclencher une attaque
et il envoya un sergent au Grand Amiral pour demander la
permission de commencer la bataille. Mais la réponse qu’il
reçut fut : « Aucune permission pour cela. Si au cas où il
décide de les poursuivre, c’est son problème. »
La flotte russe, en revanche, poursuivait toujours la flotte
ottomane, quels que soient les problèmes de la chaîne de
commandement et en particulier la réticence de leur
personnel. Des événements intéressants furent souvent vécus.
Le 11 Safar (6 juin 1770) au matin à 08h00, Elphinstone
envoya le lieutenant Roxborogh à Spiridov sur un bateau et
lui dit de hisser les mâts de perroquets au lieu des mâts de
drapeau, afin de remplir davantage les voiles. La réponse de
Spiridov en retour fut : « Tous les mâts sont cassés et les
voiles ont été mangées par les rats. »
Le 12 Safar (7 juin 1770), les Russes laissèrent les
Ottomans, qu’ils avaient suivis pendant deux jours entre les
îles Terniye et Para (Paros). Mais les problèmes de la
chaîne de commandement russe furent quelque peu résolus car
Spiridov dit à Elphinstone dans le message qu’il envoya au
Lieutenant Roxborough qu’il approuvait le fait
qu’Elphinstone était le commandant de la flotte russe
unifiée et qu’il obéirait à tous les ordres et les
répéterait à sa propre flotte.
Quand Elphinstone entendit que le Commodore Barsch, qui
n’avait jamais obéi à ses ordres pendant les batailles et
les campagnes et était devenu constamment une nuisance,
avait remis son épée au pilote britannique et était resté
dans sa cabine pendant la bataille et prié, il le renvoya de
sa position et fit de lui un soldat régulier. Il assigna
l’officier supérieur présent Stéphane à sa place. (C’était
une pratique courante de punition pour abaisser le grade des
officiers au niveau des soldats et payer son salaire en
conséquence.)
Les problèmes logistiques commencèrent à devenir des
problèmes majeurs sur les navires russes, l’eau se raréfia,
les maladies augmentèrent en raison du manque de conditions
d’hygiène et d’une alimentation suffisante. Les
approvisionnements étaient si faibles que cela avait
commencé à affecter négativement l’opération.
Dans le navire
Svytaslov, quatre-vingts membres de l’équipage
combattaient le scorbut. Le médecin du navire affirma que la
moitié d’entre eux avaient moins de dix jours à vivre et
qu’il ne fallait pas perdre de temps pour les emmener à
terre pour y être soignés quand, les Grecs travaillant dans
les navires découvrirent qu’il y avait de nombreuses
ressources en eau à l’entrée du Golfe d’Egriboz dans le port
de Raptile.
Elphinstone dévia sa route dans cette direction et le 14
Safar (9 juin 1770), ils s’amarrèrent dans le port de
Raptile. L’eau fut transportée dans les navires avec l’aide
de la population locale, la coque des navires fut nettoyée
et tous les gréements remplis. Là, ils furent informés que 3
galions turcs et 20 navires de fret avaient été aperçus
autour de l’île Specia et qu’ils devraient être dans les
environs de Negroponte à présent.
L’Amiral britannique ordonna que son fanion soit hissé sur
le galion des Trois
Saints, et à minuit, il emmena avec lui Effingham Earl,
ses deux fils, le Lieutenant Roxborough et le Lieutenant
Pelikalim et s’installa sur ce navire. Le
Svyatoslav fut
abandonné pour l’approvisionnement en eau. Les six navires
restants continuèrent leur croisière.
Ils naviguèrent toute la journée et arrivèrent près de l’île
de Cavalieri dans le golfe de Negroponte.
Elphinstone hissa le drapeau turc sur son mât principal et
ordonna aux autres capitaines de faire de même et d’imiter
les Turcs.
La flotte de l’amiral Elphinstone n’étant pas encore prête
et ces navires avaient été enlevés à la flotte de l’Amiral
Spiridov. L’Amiral Elphinstone fut déçu du résultat de
l’inspection navale et de la reconnaissance. La raison en
est qu’ils ne trouvèrent qu’un bateau Raguse dans la région
qu’ils avaient signalée, devant la fortification de Volie.
Le dimanche 15 Safar (10 juin) à 16h30, tous les capitaines
se réunirent dans le navire amiral pour recevoir des
instructions.
Elphinstone expliqua aux capitaines qu’ils devraient prendre
les précautions nécessaires dans la préparation des navires
d’incendie en remplissant les bateaux d’explosifs et de
produits inflammables, et s’ils ne pouvaient pas s’approcher
des navires ennemis, ils devraient envoyer ces bateaux vers
les navires ennemis et de les incendier quand ils ne s’y
attendraient pas ou ne l’avaient pas prévu.
La flotte russe s’approcha de la forteresse à l’entrée du
port de Negroponte le lundi 11 juin vers 19h00 mais se
retrouvèrent sous le feu de la forteresse. Les gardiens, qui
n’étaient que quelques-uns, s’enfuirent à cheval ou à pied.
La flotte russe s’amarra à 20 heures et envoya deux bateaux
à la forteresse avec trente soldats.
L’un d’eux fit des sondages jusqu’à ce qu’ils atteignent le
rivage. En atteignant le rivage et en voyant l’état de la
forteresse, ils tirèrent deux roquettes pour montrer qu’elle
était abandonnée. Ils retournèrent à leur navire après avoir
pris les trois canons en cuivre et un mortier qui restaient
dans la forteresse.
Quelques bateaux furent envoyés au Péloponnèse dans la
matinée du 17 Safar (12 juin) pour obtenir de la nourriture
fraîche. Ils virent des bœufs charnus qui y pâturaient et
amenèrent 19 bœufs sur les navires. L’eau fut transportée
dans les bateaux avec l’aide des populations. Les coques des
navires furent également nettoyées et les travaux de
réparation effectués. Puis, la flotte russe quitta le port
dans la matinée du mercredi 18 Safar à 9 heures.
Elphinstone voulut essayer une fois de plus. Il se rendit au
navire de l’Amiral Spiridov et s’enquit de leur intention
pour l’opération à venir. Spiridov voulut retourner à
Navarin et proposa à Elphinstone de les rejoindre mais
Elphinstone pensait complètement différemment.
Puisqu’il pensait que la flotte turque était censée se
trouver sur l’île de Chios, il avait besoin du soutien de
deux galions pour continuer à poursuivre l’ennemi cependant,
Spiridov donna une réponse négative à la demande de soutien.
Après cela, Elphinstone retourna à son navire et envoya une
lettre datée du 14 juin 1770 au Comte Orlov via le
Lieutenant de pavillon le Comte Razoymesky. Il se demandait
s’il pouvait obtenir du soutien puisqu’il était près des
rives de l’île de Zea et qu’il voulait chasser l’ennemi.
Mais Elphinstone ne reçut toujours pas de réponse positive.
Le 20 Safar (15 juin), vers midi, la flotte d’Elphinstone
entra dans le port de l’île Zea et demanda des produits
frais et des fruits au gouverneur de la ville contre
paiement. Le Lieutenant Pollikatim qui fut envoyé par
l’Amiral Spiridov sur l’île de Chios dans la soirée pour des
renseignements, revint et l’informa qu’aucun navire turc ne
se trouvait dans l’île de Chios. Mais Elphinstone n’y crut
définitivement pas car il savait que le navire ne s’était
pas rendu pas sur l’île de Chios, mais au lieu de cela,
avait navigué autour de l’île de Zea et son rapport était
plein d’incohérences.
Le lundi 23 Safar (18 juin), toute la flotte leva l’ancre. À
six heures, ils arrivèrent dans le Golfe de Korent. Les
ruines d’Athènes pouvaient être vues de l’endroit où elles
se trouvaient.
Le mercredi 15 Safar (20 juin 1770), Elphinstone reçut un
message du Comte Tedor Orlov à minuit. Le Comte écrivit que
Navarin avait complètement explosé. Le Comte Orlov voulait
les rejoindre avec sa flotte et savoir s’il pouvait conduire
la flotte jusqu’à l’île de Paros.
Le jeudi 26 Safar (21 juin), Elphinstone donna de nouveau
ordre à sa flotte et définit la route vers l’île de Paros.
Un bateau grec qui apportait auparavant des informations aux
Russes, s’approcha du navire amiral. Le capitaine informa
que les Russes avaient quitté Navarin dans la panique. En
outre, ils avaient laissé tous leurs biens et provisions à
l’intérieur de la forteresse et sur le rivage aux Turcs, ils
avaient également fait sauter la forteresse la nuit sans
même informer leurs propres troupes. Entre-temps, 30 de
leurs artilleurs moururent avec 80 Grecs. Les Turcs prirent
également 8 canons de 24 livres placés par le Commodore
Greig à l’intérieur de la forteresse.
Lorsque les navires russes approchèrent de Navarin pour
l’évacuation de la forteresse, ces canons commencèrent à
tirer sur les Russes. L’une de ces boulets détruisit le mât
principal du navire du Comte Alexeï Orlov et les cabines des
officiers à la poupe furent également détruites. Celles-ci
furent vérifiées par le docteur britannique Blair qui
accompagnait le Comte Alexeï Orlov. (Le docteur Blair devint
le docteur en chef de la marine britannique en 1798).
Les Russes quittèrent Navarin en laissant également 700
tonnes de fournitures et de nourriture qui sont arrivées
avec quatre cargos et des galions. Ce qui était suffisant
pour toutes les flottes pendant deux ans et valait 70000
livres sterling. Une quantité importante de pain et trois
navires pleins de farine figuraient également parmi les
provisions qui restaient.
Pendant ce temps, la flotte ottomane sous le commandement de
Houssam ad-Din Bacha navigua d’abord en direction de
l’île de Samos, puis la contourna à son sud et s’amarra
finalement dans le Détroit de Samos le 14 Safar (9 juin
1770). Là, la flotte se reposa pendant 12 jours et leva
l’ancre le 26 Safar (21 juin) pour naviguer en direction du
nord avant de s’amarrés près de Sigacik devant Cayagzi.
Après avoir passé la nuit là-bas, ils levèrent l’ancre à
nouveau et entrèrent dans le Détroit de Chios et
s’amarrèrent à l’est de Chios à l’entrée du port.
Le 27 Safar (22 juin), la flotte d’Elphinstone était à deux
milles de l’île de Falconera quand ils virent cinq navires
s’approcher d’eux. À l’approche des navires, ils virent que
l’un des galions avait un fanion différent hissé sur le mât
principal. C’était un fanion du Kaiser que seul le
Commandant des forces navales russes avait hissé.
Puisqu’il devait être en Russie à l’époque, très rapidement
il fut compris qu’il était utilisé par le Comte Alexeï
Orlov. En fait, le Comte Orlov avait utilisé ce fanion
lorsqu’il avait pris Navarin.
Dans l’après-midi, l’Amiral Spiridov salua le Comte Orlov à
bord du navire du Commodore Greig avec 13 salves de tirs. Le
Comte le salua de nouveau avec 13 salves. Quelques instants
plus tard, l’amiral Elphinstone fit de même et reçut la même
réponse du Comte.
Les navires sous le commandement du Comte Orlov étaient le
Tri lyerarha avec
66 canons sous le Commodore Greig,
Rostivlav avec 66
canons sous le Lieutenant Lupandin, une bombarde, un navire
de fret britannique et un danois.
Pour la première fois, tous les navires russes se
rassemblèrent sur l’île de Paros. Avec le Kaiser Pennant
hissé, ce fut la fin des arguments sur les ordres à suivre.
Elphinstone dit au Comte Orlov qu’il était content que le
fanion du Kaiser ait été hissé. Il lui dit également qu’il
pouvait venir sur son navire,
Svytoslav, et
commander à partir de là jusqu’à la fin de l’opération s’il
le souhaitait.
Le Comte Orlov écrivit une lettre à l’Impératrice le 1er
juillet 1770 :
« Suite à de nombreux écarts et conflits, j’ai décidé
d’éviter le chaos, les troubles et le malheur dans les deux
flottes, et d’établir une discipline pour que les deux
flottes agissent conformément à notre objectif, et avec
l’approbation de tous, je leur ai demandé de suivre mes
ordres. Pour ce faire, j’ai pris le relais du Fanion Kaiser
et du commandement des deux flottes. Nous battrons la flotte
ennemie avec l’aide de Dieu. Ensuite, nous nous unirons aux
minorités à l’intérieur de l’état turc et agirons ensemble
et profiterons de toutes les possibilités. Si notre flotte
gagne cette guerre, nous n’aurons pas besoin d’argent
supplémentaire, car nous dominerons toutes les îles, ce qui
finira par affamer Constantinople. Dans le cas où nous
échouerions dans la guerre maritime ou si les Turcs sont
dans une meilleure condition que nous ne pouvions prévoir,
je ne peux espérer passer l’hiver sur les îles et je serai
forcé de retourner en Méditerranée. »
Le lendemain, le Comte Orlov et le Prince Dalgarousky,
blessé dans le Péloponnèse, montèrent à bord du
Svyatoslav. Le
Comte fut très impressionné de voir la propreté des planches
et les préparatifs d’Elphinstone. Il demanda à Elphinstone
de continuer et de commander la flotte et qu’il continuerait
à rester sur Tri
Iyerarha jusqu’à ce qu’ils atteignent un port. Puis, il
reçut les instructions sur l’ordre de guerre donné par
Elphinstone et quitta le navire.
Les navires russes se rassemblèrent dans l’île de Paros.
Seul le navire de marchandises avec six canons appelé
St. Paul sous le
commandement du Capitaine britannique Preston fut perdu
pendant quatre jours. Les autres navires complétèrent les
fournitures et l’eau manquantes, et se préparèrent pour la
campagne.
La flotte ottomane, qui se réunie avec une bastarda et douze
galères précédemment laissées à Chios, se rendit dans le
port de Chisma entre la fin du Mois de Safar et le début de
Rabi’ al-Awwal (24/25 juin 1770) et s’y amarra. Houssam
ad-Din appela tous ses capitaines à bord du navire amiral et
réunit le Conseil de guerre. Son objectif était de demander
l’avis de chacun sur l’opération à venir.
Comme il eut le tour de s’exprimer, Hassan Bacha dit
au Grand Amiral : « Puisque tu n’es pas disposé à combattre
la marine ennemie, alors reste à Canakkale ou dans la
Forteresse d’Izmir d’une manière déshonorante afin de ne pas
affronter l’ennemi ici et là. »
Peut-être que l’intention de Hassan Bacha Cezayirli
était de provoquer le Grand Amiral pour le forcer à se
battre avec l’ennemi. Mais le Grand Amiral attendait depuis
longtemps d’entendre une telle suggestion et ordonna
immédiatement, de partir pour Canakkale.
Suit la formation de combat de la flotte russe donnée par
Elphinstone au Comte Orlov :
1 nom du navire, 2 nombre de canons et nom du Commandant :
January,
66, Bexasoff ; Ne
Tron Menya, 66, Besanchoff ;
Tri lerarchov,
66, Teinitifsky ;
Saratov, 66, Polivanoff ;
Tri lyerarha, 66,
Greig Comte Orlov ;
Svyatoslav, 66, Roxborough et Amiral Elphinstone ;
Europe, 66,
Koleachoff ;
Rostislav, 66, Lupandin ;
Afrique, 32,
Cleopin ; Yevstafy,
66, Kruse ; Amiral
Spiridov ;
Nadezhda, 32, Steliphanoff ;
Saint-Nicolas,
36, Polikochin ;
Bombe Grom, 8 ;
Pastellion, 16 ;
Comte Panin, Bodie ;
Comte Orlov,
Arnold ; Comte
Chernichew, Dishington. Soit 19 Navires totalisant 718
canons. |