L’événement de Djerba
Lorsque Turgut Beg était capitaine des marins, Cigala, parmi
les capitaines mécréants et un capitaine vénitien, vint avec
cent cinquante navires et assiégea le détroit de ce port et
le saisit pendant qu’il se reposait et espalmait ses
sept-huit navires dans l’île de Djerba et le port de
Kantara. Ils pensaient qu’ils pourraient le capturer ainsi
que ses navires lorsque toute leur nourriture serait épuisée
et qu’ils seraient faibles. Ainsi, ils attendirent heureux.
Ils envoyèrent même des lettres à Gênes, en disant : « Nous
avons attrapé le capitaine des marins, Turgut, qui incendia
et détruisit nos maisons et nos terres, avec ses navires. »
Beaucoup de messieurs équipèrent leurs navires et
naviguèrent vers Djerba en pensant : « Laissez-nous aller et
voir. » Le capitaine Turgut plaça sa confiance en Allah. Il
y avait une rivière dans cette zone qui coulait vers la mer
et un bateau pourrait voyager sur cette rivière. Il employa
aussitôt des marins et des galériens pour faire un canal du
port à cette rivière. Ils naviguèrent environ deux milles et
de là, il prit la mer. Il laissa une tente dressée sur le
rivage. Quand les mécréants virent cela, ils pensèrent que
Turgut était là. Le capitaine entra dans un port à soixante
milles de la mer, il espalma le reste de ses navires et
partit pour la mer. Sur le chemin, il attaqua les messieurs
qui étaient venus le surveiller et les captura. Après cela,
les mécréants furent étonnés de cela et dirent : « Bien sûr,
Turgut connaît la magie ; il peut déplacer ses navires sur
la terre ferme. »
Les navires saisis des mécréants
Ce capitaine était l’épée dégainée de l’Islam et il était le
célèbre pirate habile des mers. Plusieurs fois il attaqua
les navires des mécréants et vainquit leurs barges qui
étaient aussi grandes que des montagnes. Au cours d’une de
ces attaques, il vainquit et saisi dix-huit galères des
mécréants. Pendant qu’il allait à Venise avec deux barges de
blé, il les trouva à Manya, dans la Baie de Salonique ; il
ne les épargna pas mais les captura. Il a beaucoup de
conquêtes similaires.
L’expédition de Turgut Beg au Maghreb et l’appel du Sultan
Ce Beg rencontra un jour un navire vénitien quand il était
le Beg du Karhili. Leurs capitaines principaux baissèrent
les voiles pour saluer et comme ils naviguaient ainsi, ils
l’ignorèrent en disant : « Ce n’est pas le capitaine en
chef, » et ils comptèrent sur leurs barges car il y avait du
vent. Turgut Beg fut ennuyé par cela et il commença à tirer
des canons avec ses trois navires. Puisque le vent devint
plus léger, il les affaiblit en bombardant avec les canons
et les captura. Quand un de ses habiles camarades tomba, il
les passa tous par l’épée et brûla la barge. En apprenant ce
sujet, l’ambassadeur se rendit à Roustam Bacha et se
plaignit de lui. Pensant qu’il était contre son frère,
Roustam Basha n’aimait pas Turgut. Il envoya un officier
avec un décret et le convoqua au bureau d’état. Mais Turgut,
apprenant ses mauvaises intentions, partit au Maghreb avec
ses propres navires et pendant deux ans il se rebella et
n’écouta pas les ordres. Puis, lorsque la conquête de
Tripoli devint nécessaire, le Sultan Souleyman Khan, même
s’il était offensé, l’épargna à contrecœur et, avec un ordre
d’appel, lui envoya une copie du Qur’an et une épée d’or.
Quand Tripoli fut conquise, on dit que le grade de
gouverneur général lui serait donné et que ce serait sa
province jusqu’à sa mort. Le capitaine Sinan Bacha attaqua
avec la flotte et, grâce aux conseils de Turgut, Tripoli fut
conquise. Comme la province fut donnée à quelqu’un d’autre,
le Beg se fâcha, leva l’ancre et mit les voiles vers
l’Afrique du Nord. Quand ils le virent, les autres
capitaines le suivirent également parce qu’ils avaient reçu
l’ordre de lui obéir. Sinan Bacha fut laissé seul et avec la
permission de Turgut Beg, il revint. Beaucoup de capitaines
le persuadèrent de revenir après l’avoir supplié et le
ramenèrent aux bureaux du gouvernement.
La campagne militaire de Turgut Beg à Peshtiye
Dans quelques livres, il est écrit que ce Beg devint
commandant et alla à Nobo Faga avec approximativement cent
vingt galères en 960 (1553). Puis, en Rajab 961
(juin-juillet 1554), il entra dans la mer de Corfou avec
quarante-cinq galères et assiégea le château Peshtiye sur la
côte italienne. Au moment, où il était sur le point d’être
vaincu avec beaucoup de difficultés, quatre mille cavaliers
et trois mille mécréants d’infanterie vinrent à leur secours
et attaquèrent ensemble les Musulmans. Avec l’aide d’Allah,
les maudits (les mécréants) furent vaincus et ils fuirent le
septième jour du mois sacré de Ramadan (6 août 1554). Alors
les mécréants dans la forteresse partirent à contrecœur et
abandonnèrent le fort. Quarante à cinquante de leurs
notables furent épargnés et les autres furent enchaînés et
pris prisonniers. Le butin et environ sept mille prisonniers
musulmans dans le château furent emmenés et ils allèrent à
Avlonia. Les Albanais rebelles dans les régions voisines
furent également capturés et vaincus sur la terre et la mer
par le major général Ahmed Beg. Quand ils revinrent
au bureau de l’état avec plus d’argent et de butin qu’ils ne
l’avaient prévu, le Sultan reconnaissant lui donna le grade
de gouverneur général d’Algérie, avec le grade de capitaine.
Cependant, Roustam Bacha empêcha cela en disant qu’il dirait
: « Je me suis entraîné en dehors du centre, » et qu’il ne
voudrait pas servir aux portes nobles du Sultan, et il fut
laissé au Karhili. Cependant, il n’accepta pas cela et comme
le noble Sultan s’apprêtait à partir pour Edirne, il prit
son cheval, s’approcha de lui et rendit ses hommages au
Sultan. Ainsi, la province lui fut accordée quand il la
demanda lui-même. Après cela, il alla à Tripoli et y resta
jusqu’à ce qu’il atteigne le martyre à Malte.
|