Lutte pour le pouvoir et la victoire de Kilij Arsalan II
Après avoir vaincu l’armée byzantine avant Konya et les
armées de la deuxième croisade, qui menaçaient le Monde
Musulman, à l’intérieur de ses frontières, le Sultan Mas’oud
devint l’un des dirigeants les plus puissants de son temps.
Avec ces victoires, la période de crise prit fin pour les
Turcs d’Anatolie, et une ère de stabilité et de progrès
commença. Le calife abbasside envoya les emblèmes de
souveraineté au Sultan Seljouk, tels qu’une robe d’honneur,
un étendard et d’autres cadeaux, avec sa bénédiction. Suite
à ces victoires, Sultan Mas’oud vainquit les croisés en
Syrie et par ses campagnes de 544 et 545 (1149 /1150), et la
conquête de Mar’ash, Göksun, Ayntab, Raban et Delouk,
conduisit les croisés loin de ces régions.
Le Malik (Roi) de Sivas, Yaghi-Basane, avait, quant à lui,
élargi ses frontières vers la Mer Noire et capturé Bafra
(Pabra). Après avoir pris les Danishmand de Sivas et Malatya
sous sa suzeraineté, le Sultan Mas’oud entra en Cilicie avec
leur soutien et en 549 (1154) captura plusieurs villes
arméniennes. La conquête planifiée de l’ensemble de Cilicie
fut empêchée par une épidémie de peste, qui fit
immédiatement revenir le Sultan. Il mourut en 551 (1155). Le
Sultan Mas’oud qui, pendant son long règne, sauva l’État
Seljouk de l’anéantissement par sa politique clairvoyante et
ses efforts patients, le transforma également d’un état
confiné aux environs de Konya en une puissance dominant
l’Anatolie. Grâce à son administration juste et efficace, il
gagna même certains Chrétiens de Byzance. La politique de
construction et la mise en place de services sociaux dans
l’État Seljouk commencèrent également sous son règne.
Son fils Kilij Arsalan II, 551-88 (1155-92), qui lui succéda
sur le trône, poursuivit la politique de son père et
travailla pour l’unité politique et l’amélioration
économique et culturelle de l’Anatolie. Kilij Arsalan II,
qui occupe une place exceptionnelle parmi les Sultans
Seljouk, fut menacé d’alliances hostiles dans ses premières
années. Il dû d’abord se battre contre son frère Shahinshah,
le Malik de Kastamonu et Ankara, et le Malik Danishmand
Yaghi-Basane. Profitant de ce conflit interne, l’Empereur
Manuel et l’Atabeg Nour ad-Din Zanki formèrent une alliance
contre Kilij Arsalan en 1159. Le prince arménien Thoros ne
manqua pas non plus cette occasion d’attaquer les Seljouk.
Face à tant d’ennemis et d’alliances, Kilij Arsalan se
rendit à Constantinople, le centre de ces manœuvres
politiques. L’Empereur, conformément à la politique
byzantine d’encourager la destruction mutuelle des
dirigeants turcs, signa un traité avec le Sultan Seljouk et
lui fournit une aide financière. Après son retour de
Constantinople, Kilij Arsalan marcha immédiatement pour se
battre avec Yaghi-Basane et le vainquit massivement en 559
(1163). Il se débarrassa ensuite de son frère et d’autres
émirs Danishmand. L’émir Zanki fut également contraint de
retourner au Sultan les lieux qu’il avait conquis. Le
Menqouchek beylik reconnut la domination du Sultan, et ainsi
la monarchie Seljouk s’étendit de nouveau du Sakarya à
l’Euphrate.
L’Empereur Manuel, qui était occupé dans les Balkans, fut
troublé lorsqu’il se rendit compte que Kilij Arsalan avait
considérablement augmenté ses forces en se débarrassant de
tous ses ennemis. Sous prétexte de contrôler les attaques et
les conquêtes turcomanes en Anatolie occidentale, l’Empereur
organisa une armée pour expulser les Turcs d’Anatolie et
marcha sur Konya. Il refusa également l’offre du Sultan de
renouveler le traité, qui avait duré douze ans. Kilij
Arsalan conduisit donc son armée devant Akshehir, et
rencontra les forces byzantines à Myriokephalon, un col
escarpé et étroit au nord du lac Eğridir, où en Rabi’
al-Awwal 572 (septembre 1176), il leur infligea un coup
désastreux. Il fut possible de capturer l’Empereur et
d’anéantir l’armée byzantine, comme à Manzikert, mais pour
une raison inconnue, le Sultan accepta la demande de paix de
l’Empereur et se contenta de réajuster favorablement ses
frontières. Il fournit même à l’Empereur trois émirs Seljouk
comme escorte, pour le protéger contre les attaques
turcomanes lors de son voyage de retour. Avec cette deuxième
grande victoire après Manzikert, Kilij Arsalan mit fin aux
illusions byzantines séculaires de récupérer l’Anatolie des
Turcs et de la traiter comme faisant partie de l’Empire
byzantin. L’empire qui avait été à l’offensive et en
progression depuis la première croisade, revint alors à un
déclin et une retraite continue, comme dans la première
période des conquêtes turques. L’importance de cette
victoire, comme celle de Manzikert, fut appréciée en son
temps, et les poètes de Bagdad la célébrèrent comme une
bonne nouvelle.
L’Anatolie était vraiment devenue une terre des Turcs. À la
fin du XIIe siècle, on l’appelait déjà « Turquie » dans les
sources occidentales.
Après cette victoire, Kilij Arsalan envoya ses forces
d’invasion jusqu’à la mer dans l’ouest de l’Anatolie,
conquit les régions d’Uluborlu, Kütahya et Eskishehir en 578
(1182) et assiégea Denizli et Antalya. Grâce à ces
victoires, l’unité politique, la loi et l’ordre furent
établis en Anatolie et une période de progrès économique et
culturel débuta. Après une longue vie de lutte, Kilij
Arsalan, qui se sentait fatigué et vieux, partagea son
royaume entre ses onze fils, suivant la politique
traditionnelle turque, et se retira en 582 (1186) à Konya en
tant que Sultan reconnu. Ces Moulouk (Pluriel de Malik) qui
régnaient indépendamment dans les provinces, poursuivirent
leurs conquêtes contre l’Empire Byzantin affaibli. Le Malik
de Tokat, sous Souleyman, marcha sur la rive de la Mer Noire
et conquit Samsun. Le Malik d’Ankara, Mas’oud, conquit les
régions de Bolu et le Malik d’Uluborlu, Kay-Khousraw,
conquit la vallée de la Menderes.
Lorsque Frédéric I Barbarossa, l’Empereur allemand, entra en
territoire Seljouk à la tête de la troisième croisade en
1190, le vieux Kilij Arsalan avait déjà perdu son pouvoir et
fut témoin de la rivalité entre ses fils. Il y eut des
alliances hostiles entre Kilij Arsalan et l’Empereur
Allemand et entre l’Empereur Byzantin et Salah ad-Din
(al-Ayyoubi). Lorsque la troisième croisade fut organisée, à
la suite de la prise de Jérusalem par Salah ad-Din et
de la défaite du royaume latin, Frédéric obtint de son ami
Kilij Arsalan la permission de traverser l’Anatolie. Mais à
la frontière Seljouk, la grande armée allemande fut d’abord
impliquée dans la guérilla turcomane, puis à Akshehir avec
les armées de Malik Shah et Mas’oud, les fils du Sultan.
Bien que l’intention de Frédéric fût d’atteindre la Syrie en
passant directement par la Cilicie, il fut contraint pour
des raisons de sécurité et de ravitaillement d’avancer vers
Konya. Les Moulouk Seljouk ne purent pas arrêter l’armée
croisée. La périphérie de Konya fut occupée, les marchés
pillés et détruits. Le Sultan qui vivait dans son palais
envoya un ambassadeur auprès de l’Empereur lui proposant la
paix, avec l’excuse que la responsabilité et le pouvoir
étaient entre les mains de son fils Malik Shah. L’Empereur
lui répondit que sa cible n’était pas l’Anatolie, mais Salah
ad-Din et Jérusalem. Un traité fut donc signé et il quitta
l’Anatolie.
L’âge d’or des Seljouk d’Anatolie
Les querelles entre les fils de Kilij Arsalan, qui
commencèrent en 584 (1188), se poursuivirent après la mort
de leur père en 588 (1192) et prirent fin avec l’occupation
de Konya par Souleyman, en 593 (1196). Plus prudent et
énergique que ses frères, il était resté en dehors de leurs
disputes et puis, le moment venu, il rétablit l’unité
Seljouk soit en les prenant sous son pouvoir, soit en s’en
débarrassant. Il imposa un tribut à l’Empereur Alexis III,
dont les hommes avaient pillé les marchands turcs sur la
rive de la Mer Noire pendant les conflits internes. Il
vainquit également le roi arménien, Léon II, qui avait violé
la frontière turque, et le chassa des territoires qu’il
avait reconquis. Quand il réalisa que les Saltouk, qui
régnaient à Erzurum, étaient en déclin, et la route
turco-persane menacée par les Géorgiens, qui s’étaient
avancés jusqu’à Erzurum, le Sultan Seljouk marcha en 1201,
soutenu par les Menqouchek et quelques Artouqid. Après avoir
subjugué l’État de Saltouk, il marcha à la hâte vers la
Géorgie mais lui et son armée furent surpris par l’armée
géorgienne-Kipchak près de Sankamish et durent se retirer,
laissant un grand nombre de soldats prisonniers. Bien qu’il
organisa une autre campagne pour conquérir la Géorgie, après
avoir repris Ankara de son frère Mas’oud, il décéda sur le
chemin, en 1204, sans accomplir ce projet.
Après la mort de Souleyman, son frère, Kay-Khousraw I, qui
avait déjà régné un certain temps avant l’accession de
Souleyman, regagna son trône. Il planifia ses opérations
militaires selon une politique économique et commerciale.
Grâce à la sécurité et à la paix établies sous le règne de
Kilij Arsalan, un commerce de transit florissant se
concentra en Turquie. Mais la conquête latine de
Constantinople en 1204 menaça la sécurité des routes qui
conduisaient aux ports de la Mer Noire et de la
Méditerranée. Les Comnène, qui cherchaient à occuper la rive
de la Mer Noire, bloquèrent les débouchés vers les ports de
Samsun et Sinop, étranglèrent Sivas avec un grand nombre de
marchands venant de pays musulmans et chrétiens, et
causèrent beaucoup de dégâts. Dans ces circonstances, le
Sultan Seljouk forma une alliance avec l’Empereur Théodore
Lascaris de Nicée et ouvrit la sortie de la Mer Noire en
battant les Comnène dans une campagne en 1206. En 603 de
l’Hégire (1207), il conquit Antalya avec le même but,
fournir un port aux Turcs pour le commerce méditerranéen, et
organisé l’installation des marchands turcs là-bas. Il signa
également un pacte commercial avec les Vénitiens. En 606
(1209), il punit les Arméniens. Quand il conquit Denizli et
les régions supérieures des Menderes, une guerre avec
l’Empereur de Nicée était devenue inévitable.
Bien qu’il ait vaincu l’armée byzantine près d’Alashehir
(Philadelphie), il fut tué par un soldat ennemi alors que
l’armée turque était occupée à ramasser le butin.
Kaykaous I, 607-16 (1211-20) poursuivit la politique de son
père et conquit Sinop en 611 (1214). Il invita plusieurs
marchands d’autres villes turques à s’y installer, et en fit
ainsi un port de transit. Il fit également construire de
grands murs autour de la ville pour des raisons de sécurité,
et en fit la base de sa flotte nouvellement construite sur
la Mer Noire. Il relâcha Alexis, l’Empereur de Trébizonde,
qu’il avait fait prisonnier, lui ayant d’abord fait accepter
les liens de vassalité et de tribut. Il expulsa ensuite
d’Antalya le roi de Chypre, qui avait conquis la ville lors
des disputes du Sultan avec son frère Kaykoubad pour le
trône, et en 613 (1216) fit la guerre au roi arménien pour
sa violation de la frontière turque. Conscient qu’il ne
serait pas en mesure de résister aux armées turques qui
avançaient le long de la côte d’Antalya, le roi arménien fut
contraint de signer un traité de vassalité avec les
conditions qu’il paye un lourd tribut annuel, reconnaisse le
droit du Sultan de frapper la monnaie à son nom, de le
mentionner dans la khoutbah et de rendre ses forts
frontaliers. Le Sultan annexa également les parties nord de
la Syrie en 1218, profitant des conflits internes entre les
Ayyoubi. À la suite du dirigeant Artouqid Mahmoud, le
dirigeant d’Erbil, Mouzaffar ad-Din Koukbouri reconnut
également sa souveraineté. Kaykaous, qui est enterré dans le
grand hôpital qu’il construisit à Sivas, accorda une
importance considérable à la construction et aux activités
culturelles en plus de ses victoires militaires et
politiques.
Le règne de ‘Ala' ad-Din Kaykoubad I, 616-34, (1220-37) fut
la période la plus prospère et la plus glorieuse de la
domination Seljouk en Anatolie.
À une époque où l’Asie était bouleversée par la conquête
mongole, ce Sultan puissant et clairvoyant entreprit de
contrer un probable danger mongol en fortifiant des villes
comme Konya, Kayseri et Sivas avec des murs et des
forteresses. Il reconstruisit et agrandit la forteresse de
Kalonoros sur la côte méditerranéenne, qu’il avait capturée,
la rebaptisa ‘Ala'iyya après lui-même, et en fit sa capitale
d’hiver. Il renforca également la puissance navale Seljouk
en y faisant construire un chantier naval. Son expédition à
Soughdak (Crimée) en 622 (1225) avec sa flotte de la Mer
Noire donne une idée de la puissance navale Seljouk. Alors
qu’il était impliqué dans cette opération à l’étranger, il
envoya également des armées vers la Petite Arménie depuis
l’est, le nord et la côte d’Antalya. La réaction nationale
arménienne contre les aristocrates, en raison de leur
tendance à se latiniser, permit à Hethoum, seigneur de
Lampron et ami des Seljouk, d’être déclaré roi. Le royaume
arménien fut encore réduit et devint un état vassal. Les
Turcomans qui s’installèrent dans la région nouvellement
conquise d’Ichel formèrent la base du beylik Karaman qui
devait y être fondé plus tard.
Lorsque Jalal al-Din Minkobarti Khwarazm-Shah, au cours de
sa lutte contre les Mongols, apparut à la frontière
orientale de l’Anatolie et prit les émirs de cette région
sous son autorité, le centre de l’activité politique se
déplaça vers l’est. Pendant ce temps, le Sultan Kaykoubad,
en battant les Ayyoubi et les Artouqid, captura les
forteresses de Hisn Mansour (Adıyaman), Kahta et
Chemishkazek. En 625 (1228), il subjugua le beylik de
Menqouchek. A cette époque, les Comnène de
Trébizonde, convaincu du soutien du Khwarazm-Shah, se
révoltèrent contre les Seljouk et attaquèrent les ports de
Samsun et Sinop. Kaykoubad envoya ses forces de la Mer Noire
depuis la côte et conquit la région jusqu’à Unye. En dehors
de ces forces, l’armée d’Erzinjan avança à travers Machka et
la ville de Trébizonde fut assiégée. Lorsque la ville fut
violemment attaquée, de fortes pluies et des inondations
provoquèrent la retraite de l’armée Seljouk, et un prince
Seljouk fut fait prisonnier par les Grecs alors qu’il
traversait les forêts. Malgré cela, les Grecs furent
contraints de renouveler le traité de vassalité, prévoyant
un tribut annuel et une aide militaire.
Kaykoubad, qui plus que tout autre dirigeant contemporain
vit et prépara la menace mongole, réalisa l’importance d’une
alliance avec Jalal ad-Din Khwarazm-Shah. Il lui rappela
qu’ils étaient tous deux de la même religion et du même
peuple, et, soulignant que le sort du Monde Musulman, sous
la menace d’une invasion, dépendait de leur politique et de
leur action, il recommanda qu’un accord soit conclu avec les
envahisseurs à tous les frais. Mais le Khwarazm-Shah, grand
soldat et pauvre politicien, constituait lui-même un danger
plus urgent pour les Seljouk que celui des Mongols.
Finalement, une violente bataille eut lieu entre les deux
Sultans à Yassichimen, entre Erzinjan et Sivas, le 28
Ramadan 627 (10 août 1230). Le Khwarazm-Shah subit une
défaite amère dont il ne put jamais se remettre. Le Sultan
Kaykoubad renvoya également son cousin, le Malik d’Erzurum,
qui était un allié de Jalal ad-Din. D’Erzurum, il envoya son
armée en Géorgie, captura un certain nombre de forteresses
et subjugua la reine géorgienne. Il chassa ensuite les
Ayyoubi d’Akhlat et des environs du Lac de Van. Il fit
reconstruire et réparer toutes les forteresses de l’est, à
l’aide de fours à chaux ouverts par ses ordres. Alors qu’il
prenait ces précautions contre les Mongols, il signa un
traité de paix avec le Grand Khan Ougedei (Ogoday) Khan en
envoyant un ambassadeur. Il fut traité comme convenant à sa
haute réputation, égalée par aucun dirigeant parmi ses
contemporains, et sauva son pays de l’invasion et des
déprédations des Mongols. Les Ayyoubi de Syrie et les
Artouqid de Diyar Bakr reconnurent sa souveraineté. Sous le
règne de Kaykoubad, l’Anatolie Seljouk atteignit son plus
haut sommet, non seulement politiquement, mais aussi
économiquement. Le Sultan entreprit un grand projet de
construction. Outre la reconstruction des villes et des
forteresses, il construisit les villes de Koubadabad sur les
rives du lac Beyshehir et Kayqoubadiyya près de Kayseri. Les
mosquées, madrasas, caravansérails, ponts et hôpitaux
construits à son époque conservent encore leur magnificence
et leur beauté. Ce fut aussi une période glorieuse pour les
sciences et les arts. En raison de ces qualités, Kaykoubad
devint un dirigeant légendaire parmi les Turcs d’Anatolie,
et pendant une longue période, il resta dans les mémoires
comme Kaykoubad (Kay -Koubad) le Grand.
L’invasion mongole et le déclin du Sultanat de Roum
Le facteur le plus important dans le déclin des Seljouk
anatoliens fut la mort prématurée de Kaykoubad en 634 (1237)
et l’absence d’un puissant Sultan parmi ses successeurs. Son
fils et successeur, Kaykhousrou II, était un personnage sans
valeur qui fut la cause de la première crise. Derrière lui,
il y avait un homme d’état encore plus sinistre appelé Sa’d
ad-Din Kopek, qui l’aida à gagner le trône et avait un
contrôle total sur lui. Il utilisa son influence sur le
Sultan contre ses rivaux de l’état, et par ce faisant,
réduit l’état Seljouk à un corps sans tête, exactement comme
le maudit ‘Alqami fit pour le calife abbasside
al-Moutawakkil. Néanmoins, la vigueur et la puissance des
Seljouk d’Anatolie cachaient des signes de déclin, et il y
eut même des victoires importantes comme celles de Diyar
Bakr et Tarse, tandis que l’Empereur Grec de Trébizonde, le
Roi Arménien de Cilicie et les Ayyoubi d’Alep restèrent les
vassaux de Kaykhousrou.
Toutefois, la rébellion de Baba Ishaq montra que
l’État Seljouk, tout en conservant son apparence extérieure
de force, était corrompu à l’intérieur.
La conquête mongole provoqua la migration d’une population
turcomane en Anatolie similaire à celle de la première
conquête Seljouk. Un « Sheikh » turcoman, Baba Ishaq
ou Baba Rassoul, prétendant être un prophète, annonça
l’arrivée d’un nouvel âge, rassembla autour de lui les
Turcomans en détresse économique et les appela à se rebeller
contre l’administration corrompue de Kaykhousrou. Les
Turcomans rebelles de Mar’ash, Kahta et Adıyaman
s’organisèrent et vainquirent les forces seljouk à Elbistan
et Malatya. De là, ils marchèrent sur Sivas et, après
l’avoir pillé, se tournèrent vers Amasya. Avant que les
Turcomans ne puissent rejoindre leur « Sheikh, » Baba Ishaq,
dans sa retraite, les Seljouk l’avaient tué. Mais les
Turcomans, qui croyaient que Baba Ishaq était saint
et ne pouvait pas être tué par un mortel, suivirent l’armée
Seljouk vaincue vers Konya avec leurs femmes et leurs
enfants, de plus en plus nombreux. Effrayé par eux, le
faible Sultan ne put rester à Konya et s’enfuit à
Koubadabad. L’armée d’Erzurum arriva en renfort et les
Turcomans furent réprimés avec difficulté dans la plaine de
Malya près de Kirshehir en 638 (1240). Baba Ishaq,
qui agissait plus comme un vieux chaman turc que comme un
Sheikh musulman, avait un grand pouvoir spirituel qui
pénétra jusque dans les soldats Seljouk et contribua à leur
défaite. Le fait que même les mercenaires chrétiens francs
de l’armée Seljouk aient tracés des croix sur leur front
avant de combattre ses disciples est significatif de son
pouvoir spirituel.
Lorsque la faiblesse de l’État Seljouk fut révélée à la
suite de cette rébellion, l’invasion mongole commença. En
639 (1242), dans un premier temps, les Mongols capturèrent
et détruisirent Erzurum, où ils rencontrèrent une résistance
considérable. En 640 (1243) avec une armée de 30000 sous le
commandement de Bayju Noyon, les Mongols entreprirent la
conquête de l’Anatolie.
Les Seljouk, renforcés par les forces de leurs vassaux,
rencontrèrent les Mongols avec une grande armée de 80000
personnes sous le commandement du Sultan. Lorsque
l’avant-garde Seljouk fut dispersée par les Mongols à
Kösedagh, à cinquante milles à l’est de Sivas le 6 Mouharram
641 (26 juin 1243), les Seljouk, qui n’étaient plus
gouvernés par des hommes d’état capables des périodes
antérieures, s’enfuirent dans la panique avec leurs Sultan
effrayé parmi eux. Cette fois, le Sultan alla jusqu’à
Antalya. Les Mongols atteignirent Sivas, et de là marchèrent
sur Kayseri. Cette ville fut prise d’assaut malgré la
résistance, pillée et détruite. Au retour des Mongols, deux
ambassadeurs turcs les suivirent dans leurs quartiers
d’hiver à Moughan, où ils purent persuader Baju de faire la
paix moyennant un tribut annuel, en lui disant que
l’Anatolie avait de nombreuses forteresses et soldats.
La défaite de Kösedagh fut le début d’une période de déclin
et de désastre dans l’histoire des Seljouk d’Anatolie. Après
la mort de Kaykhousrou II, la rivalité et les intrigues des
hommes d’état ambitieux, au nom de trois jeunes princes,
préparèrent le terrain pour des interventions mongoles et
occupations militaires, ainsi que les demandes de tribut.
Mou’in ad-Din Souleyman Pervane parvint à un accord avec les
Mongols et, éliminant d’autres princes et hommes d’état,
prit le contrôle des affaires au nom de Kilij Arsalan IV et
Kaykhousrou III.
Après 659 (1261), il réussit à atteindre une période de paix
et de stabilité relatives par sa gestion habile des
relations avec les Mongols. Néanmoins, les Turcs d’Anatolie
s’irritèrent sous la domination des Mongols païens et
cherchèrent des moyens de le renverser. Dans un premier
temps, Baybars, le Sultan Mamelouk d’Egypte, dont le
prédécesseur, Qoutouz, avait vaincu les Mongols à ‘Ayn
Jâlout en 658 (1260), fut invité en Anatolie. Il arriva en
675 (1276) à Kayseri, où il fut intronisé avec cérémonie,
selon les traditions Seljouk. Mais l’inquiétude que Baybars
ne puisse pas rester en Anatolie et la peur des Mongols,
empêchèrent une coopération fructueuse entre lui et les
hommes d’état Seljouk. Le Sultan Mamelouk repartit après un
court séjour.
Après cet épisode, l’Il-Khan Abaqa, le dirigeant mongol de
Perse, entra en Anatolie, tua un grand nombre de personnes
et exécuta Mou’in ad-Din Souleyman en 676 (1277). Bien que
la dynastie Seljouk ait duré jusqu’en 708 (1308), après la
mort de Souleyman, l’administration effective du pays fut
transférée aux gouverneurs et généraux mongols, et
l’administration et l’armée Seljouk furent détruites. Les
soldats et fonctionnaires au chômage devinrent une source
d’anarchie. Le peuple fut opprimé par les lourdes taxes que
lui imposaient les Mongols, et une période de pauvreté et de
révolte commença en Anatolie. Malgré la domination mongole
et la perte du pouvoir politique et militaire, il n’y eut
pas de crise grave ni de changement dans la vie sociale,
économique et culturelle avant la mort de Mou’in ad-Din
Souleyman. Le commerce international continua de fonctionner
; et il n’y eut pratiquement pas de diminution de la
production agricole et industrielle ou des importations et
exportations. Les monuments qui furent construits dans la
période 641-676 (1243-1277) montrent également que la
construction et d’autres activités pour l’amélioration de la
vie communautaire se poursuivirent comme avant, mais après
Mou’in al-Din Souleyman et avec l’administration mongole la
période de déclin commença. Pour cette raison, certaines
sources parlent de «l’ère Pervane» de la paix et de la
stabilité. Néanmoins, l’ère de Kaykoubad resta toujours dans
les mémoires comme une période heureuse, et l’époque de la
défaite de Kösedagh fut considérée comme le début de toutes
les catastrophes et appelée « l’Année de Baju. » Les
rébellions des gouverneurs mongols contribuèrent également à
l’oppression et à la pauvreté croissante en Anatolie. Au
cours de cette période critique, le poste de gouverneur de
Timourtash Noyon se révéla relativement juste et pacifique,
et c’est pour cette raison qu’il fut appelé le Mahdi. Avec
sa rébellion et sa fuite en Egypte en 728 (1328), les
troubles recommencèrent.
La formation des Beyliks et la turquisation des régions
frontalières
Alors que l’État Seljouk s’effondrait sous la pression
mongole, une nouvelle période de vitalité et de turquisation
commença avec l’apparition et l’indépendance des princes de
la frontière turcomane (beys). Les Turcomans, fuyant la
terreur mongole, entrèrent en Anatolie en grand nombre comme
lors de la première conquête ; cette nouvelle migration
augmenta la densité de la population nomade et la pression
contre le territoire byzantin. Ils commencèrent bientôt à se
répandre et à se lancer dans de nouvelles conquêtes. Il fut
impossible à l’Empire byzantine déclinant, qui était en
ruine, d’endiguer ce torrent de Turcomans qui fuyait du
Turkestan devant les Mongols via l’Azerbaïdjan dans toutes
les parties de l’Anatolie. Les éléments d’information, qui
nous racontent comment les Turcs s’installèrent en
territoire byzantin en tant qu’émigrants en accord avec les
prêtres orthodoxes, sont significatifs pour exposer le
déclin spirituel des Byzantins. La colonisation et la
propagation des Turcomans sur la rive de la Mer Noire et en
Cilicie suivirent le même processus.
L’État Seljouk, sous la suzeraineté des Il-Khans (Ilkhan),
dominait l’Anatolie centrale et les plaines, mais les
Turcomans étaient tout-puissants sur les frontières et les
montagnes. Des rebelles et des prétendants parmi les princes
seljouk ainsi que des hommes d’état dans l’adversité, se
réfugièrent auprès de ces Turcomans. Un de ces prince, Kilij
Arsalan, se rebella contre le Sultan Mas’oud II, 682-998
(1283-98) avec le soutien des Turcomans et donna beaucoup de
mal à l’État Seljouk. Un grand nombre de chefs religieux,
Sheikhs et babas turcomans (enseignants soufis) qui fuirent
devant les Mongols du Turkestan, de la Perse et de
l’Azerbaïdjan, se réfugièrent dans les frontières et
convertirent les Turcomans semi-chamaniques à l’Islam. En
procédant ainsi, ils renforcèrent l’Islam, et établirent
l’idéal du Jihad pour la foi dans le territoire frontalier.
Pour cette raison, les conquêtes turcomanes furent appelées
« guerres pour la foi » (combats dans la voie d’Allah,
ghaza) et les Turcomans beys « guerriers de la frontière
pour la foi » (moujahidine, ghazi). C’est pourquoi ces
marches étaient pleines de derviches et de couvents.
Alors que l’État Seljouk touchait à sa fin dans le centre de
l’Anatolie, des principautés turcomanes indépendantes se
formaient aux frontières. Ces principautés, qui étaient
calquées sur les institutions de l’État Seljouk et les
traditions des Turcs nomades, reconnaissaient généralement
la souveraineté des Sultans Seljouk et des suzerains Il-Khan
et leurs émirs recevaient d’eux des emblèmes de pouvoir
comme les robe d’honneur, un standard, un diplôme et le
titre de combattant (moujahid, ghazi). Mais en réalité, ils
étaient indépendants : ils se rebellaient contre l’État
Seljouk et coopéraient très souvent avec le Sultan d’Egypte,
dont ils recevaient des emblèmes de souveraineté. La plus
ancienne et la plus importante de ces principautés était le
beylik Karamanli. Les Karamanlis non seulement conquirent
les terres arméniennes en Cilicie, mais combattirent
également la domination mongole avec le soutien et
l’encouragement du Sultan mamelouk Baybars. Leur dirigeant,
Muhammad Bey, marcha sur Konya en 659 (1261) et 675
(1276), la capturant finalement. Muhammad Bey
proclama un membre de la dynastie Seljouk, que les
chroniqueurs Seljouk appelaient avec mépris « l’Avare, »
comme Sultan. Au cours de son occupation, il établit
également le turc comme la langue officielle au lieu du
perse, pour la première fois en Anatolie.
Cependant, les Karamanlis furent ensuite vaincus par l’armée
Seljouk et se retirèrent à Karaman. Mais après la chute de
la dynastie Il-Khan en 736 (1335), ils s’installèrent à
Konya et, en tant que principautés anatoliennes les plus
puissantes et se prétendirent héritiers des Seljouk.
L’État Germiyani, deuxième en importance et formé à Kütahya
en 682 (1283), devint le noyau des principautés d’Aydin et
de Saroukhan, qui se formèrent dans l’ouest de l’Anatolie.
Dans ces principautés, conformément aux anciennes traditions
turques de la féodalité nomade, la souveraineté était
partagée entre les membres de la famille royale. Les princes
Aydin jouèrent un rôle historique très important en
capturant les îles avec leur flotte et en débarquant en
Grèce et dans les Balkans. Ils occupent une place importante
dans l’histoire navale turque.
Ils encouragèrent également le commerce extérieur en
concluant des traités avec des marchands italiens au début
du VIIIe (XIVe) siècle de l’Hégire. Vers la fin du VIIe
(XIIIe) siècle, les Maisons d’Eshrefoghlu à Beyshehir, Hamid
à Uluborlu et Antalya, et Menteshe à Mughla turquifièrent
ces zones. Antalya fut prise au combat de la Maison de Hamid
en 762 (1361) par le Roi de Chypre, et reprise en 777 (1373)
par Teke Bey. Lorsque, à la chute de la dynastie Il-Khan,
les principautés d’Ertene et plus tard du Qadi Bourhan
ad-Din se formèrent en Anatolie centrale et partagèrent la
domination de cette région avec les Karamanlis.
Lorsque les principautés turcomanes occupèrent et
turquifièrent des régions qui n’étaient pas encore sous la
domination Seljouk, elles apportèrent une contribution
considérable à la culture turque car, en raison de leur
origine nomade, elles n’étaient pas affectées par la culture
perse. La langue turque, considérée comme apte à la
composition littéraire seulement vers la fin du règne
Seljouk, fut grandement améliorée par le travail d’auteur et
de traduction qu’ils parrainèrent. La principauté de
Jandaroghlu, formée à Kastamonu, fit des efforts
considérables dans ce domaine. Les capitales de ces
principautés étaient ornées de monuments et de bâtiments
similaires. Au milieu de ce siècle, la maison de Doulqadir
(Dzoul Qadr) en Elbistan et Mar’ash, et la maison de Ramadan
à Adana et Choukourova (Cilicie) formaient également des
principautés. Au fur et à mesure que les colonies
turcomanes, établies en Cilicie depuis le début du VIe
(XIIe) siècle, furent absorbées par le royaume arménien de
Cilicie, les Seljouk, les Karamanlis et, surtout, les
Mamelouks, l’implantation des Turcomans dans ces régions
augmenta. Toutes ces tribus turcomanes, qui étaient à
l’origine nomades, se transformèrent en habitants
sédentaires en peu de temps. Les tribus Qara-Qoyunlu et
Aq-Qoyunlu, qui arrivèrent dans l’est de l’Anatolie à la
suite de la conquête mongole, formèrent des états qui
conservèrent leurs caractéristiques nomades beaucoup plus
longtemps que les autres.
Ainsi, dans le siècle qui suivit la chute des Il-Khan,
l’Anatolie fut partagée entre ces principautés. La seule
zone qui ne fut pas occupée par les Turcs était la Mer Noire
orientale, avec Trébizonde comme centre. Bien que les
Turcomans aient commencé à descendre sur ces rives en
traversant les montagnes de la Mer Noire, cette région fut
en fait conquise et colonisée par la tribu Oghouz appelée
Chepni, qui suivait la côte depuis Samsun. La tribu
chrétienne locale de Chan (Tzane) disparut finalement et
dans les régions côtières se formèrent des petites
principautés.
Les Turcomans atteignirent Giresun en l’an 702 de l’Hégire
(1302). La principauté ottomane, initialement la plus
modeste d’Anatolie, se développa rapidement, grâce à
certains facteurs moraux et à certaines conditions
géographiques. Plus tard, elle créa une unité politique en
annexant progressivement les principautés anatoliennes et se
transforma en l’un des plus grands empires de l’histoire. Si
la division de l’Anatolie entre les principautés provoqua
des ambitions en Europe pour de nouvelles croisades, la
guerre de Cent Ans et le renforcement des Ottomans
empêchèrent la concrétisation de tels projets. |