Abou ‘AbdAllah as-Safah, le premier calife abbasside

 

Donc après les évènements sanglants perpétrés par les Abbassides, dont ils avaient certainement des raisons, Abou ‘AbdAllah as-Safah, se concentra sur Abou Salamah al-Khalal qui avait voulu porter allégeance à un membre des Banou Hashim et retirer la succession au Banou ‘Abbas comme nous l’avons vu précédemment. Il ordonna alors à Abou Mouslim al-Khorassani de le tuer ce qu’il fit faire par ses hommes. Lorsqu’il tua Hafs Ibn Souleyman (Abou Salamah al-Khalal), il le fit suivre par Souleyman Ibn Kathir al-Khouza’i qui était un des plus grands prédicateurs des Banou ‘Abbas. Abou Mouslim se débarrassa de lui quand il vit qu’il devenait un potentiel danger contre lui.

 

Ensuite as-Safah se concentra sur la politique et il s’occupa à renforcer les structures de l’état surtout en Syrie. Le plus grave danger auquel il eut à faire face vint du frère du calife abbasside, Yahya Ibn Muhammad Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah Ibn ‘Abbas avec les gens de Mossoul. Quand son frère le nomma gouverneur de la ville, il partit à la tête d’une armée de dix-mille combattants et lorsqu’il arriva à Mossoul, il trouva que les gens s’étaient révoltés contre le précédent gouverneur Muhammad Ibn Sawl, des Bani Khaf’am Qahtaniyah. A son arrivée, Yahya tua onze habitants de Mossoul et alors les gens s’armèrent et se levèrent contre lui. Mais, il les trompa en leur promettant la sécurité et lorsqu’ils entrèrent dans la mosquée en déposant leurs armes à l’extérieur, il les fit massacrer et onze-mille personnes trouvèrent la mort.

Le soir venu, la ville résonna des pleurs des femmes et des enfants et le criminel Yahya Ibn Muhammad ordonna de tous les égorger à leur tour ! Et il n’y a de force et de puissance qu’en Allah ! Puis, il lâcha sur la ville quarante-mille esclaves noirs (‘abid soud) qui étaient dans son armée sur les femmes des Musulmans. Le troisième jour une mère de famille arabe musulmane lui dit : « N’es-tu donc pas de la famille des Banou Hashim ? Ne fais-tu pas partie des oncles du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) ? As-tu ordonné qu’il soit fait ainsi aux femmes arabes ? » Il se tut et ne lui répondit rien. Mais le lendemain, il réunit tous les pauvres de la ville et les fit égorger à leurs tours.

 

Ce sont des évènements terrifiants extrêmement difficiles à rapporter ! Notre Communauté a vraiment connut des heures sombres dans son Histoire ! Tous ces crimes et ces massacres amenèrent un très grand nombre de partisans des Abbasides à se rebeller contre eux de peur qu’ils ne leur arrivent ce qui arriva aux Musulmans. Regardez ce que dit Sharik Ibn Shaykh al-Mouhri lorsqu’il se révolta à Boukhar : «  Nous n’avons pas porté allégeance à la famille de Muhammad (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) pour tout ce sang versé et toutes ces tueries ! »

 

Les oncles du calife étaient les plus enragés des Abbassides contre les Omeyyades. Nous avons vu ce qu’a fait ‘AbdAllah Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah Ibn ‘Abbas et son frère Salih Ibn ‘Ali, à Yahya Ibn ‘Ali à Mossoul et Daoud Ibn ‘Ali, l’oncle du calife lorsqu’il devint gouverneur du Hijaz en 133 de l’Hégire (750). Et bien qu’il ne resta que trois mois à son poste, Il massacra un groupe des Bani Oumayyah à Médine et à La Mecque si bien qu’un protégé de la Maison du Prophète (saluts et bénédictions d’Allah sur lui) ‘AbdAllah Ibn Hassan Ibn ‘Ali Ibn Abi Talib lui dit : «  O mon frère, ne tue pas ceux-là ! » Mais le tyran ne se retourna même pas vers lui et tua les Omeyyades.

 

La dynastie des Abbassides fut fondée sur la crainte, la peur, la terreur, le châtiment et les massacres sanglants. Un très grand nombre de Musulmans furent tués, la garde des frontières fut relâchée si bien qu’à son époque Constantin V, le fils de l’empereur Leo III, s’aventura dans les terres musulmanes. Tous ces sinistres évènements n’allaient qu’attirer les ennemis de l’Islam sur l’état islamique et les Musulmans.

 

Abou Daoud, Tirmidi et Ibn Majah ont rapporté d’Abou Sa’id al-Khoudri que le Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) a dit : « Le meilleur Jihad est une parole de vérité dite à un gouvernant oppresseur « ou » « à un commandant tyran » ».

Suite à la terreur abbasside, pensez-vous que quelqu’un aurait pu être capable de désapprouver tout ce mal ou dire une parole de vérité ?

Lorsque ce tyran sanguinaire ‘AbdAllah Ibn ‘Ali eut commit tous ces massacres envers les Omeyyades et les Musulmans, peut-être réalisa-t-il l’ampleur de ses actes, il chercha une sortie juridique (shar’iyane) pour couvrir ses actes. Il ne trouva devant lui qu’un seul homme, un savant juriste (faqiyan), un Imam syrien du nom de ‘AbderRahmane Ibn ‘Amr, un Awza’ des Bani Marhid Ibn Zayd Ibn Himyar al-Qahtaniyah. L’Imam al-Awza’i décéda dans la ville de Beyrouth au Liban en l’an 157 de l’Hégire (773).

Lorsque l’Imam al-Awza’i fut questionné à propos de sa séance avec l’émir tyran ‘AbdAllah Ibn ‘Ali, il dit : « Lorsque ‘AbdAllah Ibn ‘Ali eut terminé les Omeyyades en Syrie, il s’assit dans son conseil entouré par quatre rangs de ses soldats, chaque rangs portant des armes différentes, des sabres aux masses de fer, et me fit demander. Lorsque j’arrivais dans son conseil, deux soldats me saisirent et me firent passer à travers les rangs de soldats. Lorsque j’arrivais près de lui, je le saluais et il me demande :

- « Es-tu al-Awza’i ? » Je lui répondis :

- « Oui ».

- « Que dis-tu du sang des Omeyyades », me demanda-t-il ? L’Imam lui répondit :

- « Tu leur as fait la promesse que tu ne les tuerais pas ».

Lorsque l’Abbasside entendit cette réponse il se fâcha et dit :

- « Sois perdu ! Fait qu’il n’y entre eux et nous aucun pacte[1] ! »

Mais ce grand Imam n’était pas de ces gens-là, vous savez comme ces pseudo-imams récents à dollars du Hijaz et d’al-Azhar, qui vendent leur religion et le sang des musulmans au plus offrant ! Al-Awza’i continue : « Quand l’émir se mit en colère, j’eus peur qu’il me tue et je n’avais aucun doute en cela mais je me suis rappelé l’instant ou je comparaitrais devant le Miséricordieux, Exalté et Loué soit-Il et je lui dis :

- « Leurs sang t’es interdit ! » Alors il s’enragea et je le vis devenir rouge. Il me demanda :

- « Pourquoi donc ? » je répondis :

- «  Le Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) a dit :

- «  Le sang du Musulman ne devient licite que dans trois circonstances : L’adultère marié (az-zani), le meurtrier d’un musulman (nafs bil nafs) et l’apostat (tariki li dini) ». L’émir tyran lui dit :

- «  Sois perdu, notre affaire n’est pas religieuse ». L’Imam al-Awza’i (qu’Allah lui fasse miséricorde) lui demanda :

- « Que veux-tu donc dire ? » Le tyran répondit :

- «  Le Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) n’a-t-il pas recommandé ‘Ali ?» L’Imam dit :

- « S’il l’avait recommandé, les deux justes[2] (hakamayn) n’aurait pas gouverné ». L’Imam poursuit : « Le tyran resta silencieux alors qu’il était au summum de la colère et je crus que ma tête allait tomber entre ses mains mais il me fit signe de sortir et je partis ».

Il y a dans l’histoire de cet homme des leçons à tirer encore faut-il avoir le courage nécessaire !

 

Il arriva à peu près la même histoire sous le règne du deuxième calife Abbasside Abou al-Ja’far al-Mansour le tyran lorsqu’il convoqua ‘Abdallah Ibn Taous[3] Ibn Kayssan al-Khawlani al-Hamdani al-Yamani, un Mawlah des Hamdan, et l’Imam Malik Ibn Anas (qu’Allah à Lui les Louanges et la Gloire leur fasse miséricorde). 

L’Imam Malik Ibn Anas a raconté : « Quand nous assistâmes au conseil d’al-Mansour, alors qu’ils avaient tués des kharijites[4], et que nous entrâmes chez lui, il dit à ‘AbdAllah Ibn Taous : « Rapporte-moi un  Hadith de ton père ». ‘AbdAllah Ibn Taous dit : « Mon père m’a rapporté que celui qui aura le plus dur châtiment le Jour du Qiyamah est celui qui aura rivalisé avec Allah Exalté dans Sa gouvernance ». Al-Mansour le frappa si violemment avec sa lanière en cuir que l’Imam Malik dut reculer pour ne pas être éclaboussé par le sang. Puis al-Mansour questionna ‘AbdAllah Ibn Taous sur une question religieuse plusieurs fois de suite mais il resta silencieux pour lui dire à la fin : « Je crains si je te réponds que tu te serves de ma réponse pour une désobéissance et que tu m’associe ainsi dans ton péché ». Al-Mansour lui dit alors : « Disparait de ma vue » et Ibn Taous lui dit alors : « C’est tout ce que j’attendais ».

L’Imam Malik Ibn Anas (qu’Allah lui fasse miséricorde) dit : « Depuis ce jour, je ne cessais de respecter ‘AbdAllah ».

 

 

En l’an 133 de l’Hégire (750), Abou Mouslim envoya Abou Daoud Khalid Ibn Ibrahim de la Transoxiane au Khouttal ou il entra dans le pays. Hanash Ibn as-Souboul, le roi ne s’opposa pas à lui, et les chefs parmi les dihqans de Khouttal vinrent le trouver dans sa forteresse, tandis que d’autres résistèrent le long des routes, dans les passages montagneux et dans certains forts. Quand Abou Daoud pressa Hanash, il sortit la nuit de sa forteresse accompagnée par son dihqan[5] et son Shakiriyah[6] pour Ferghana, ou il se dirigea vers la terre des Turcs, jusqu’à ce qu’il arrive chez le Roi de Chine. Abou Daoud revint à Balkh avec tous les prisonniers qu’il envoya à Abou Mouslim.

 

 

En l’an 134 de l’Hégire (751), Abou Daoud Khalid Ibn Ibrahim attaqua les gens de Kashand et tua son souverain, al-Ikhrid à Kandak, près de Kash. Abou Daoud prit un butin qui consistait en de la vaisselle chinoise ornementée dont nulle semblable n’avait encore été vue. Il prit aussi des selles chinoises, des meubles, du brocart et beaucoup d’autres raretés de Chine. Il amena tout cela à Abou Mouslim qui était à Samarkand. Abou Daoud tua le dihqan de Kash ainsi qu’un certain nombre d’autres dihqans, mais il épargna Taran, le frère d’al-Ikhrid, qu’il nomma gouverneur de Kash. Puis, Abou Daoud ordonna de construire une enceinte de fortification autour de Samarkand et nomma Ziyad Ibn Salih sur Soughd et Boukhara avant de revenir à Balkh avec Ibn An-Najah.



Abou Ja’far Al Mansour, le deuxième calife abbasside

  

Abou ‘AbdAllah as-Safah, le premier calife abbasside resta occupé à mettre fin aux différentes séditions, qui étaient devenu une habitude, qui s’élevèrent ci et là dans l’état islamique. Il resta calife quatre années et décéda au mois de Dzoul Hijjah de l’année 136 de l’Hégire (753) des suites de la variole (al-joudari). Sa mère était Raytah Bint ‘Oubaydillah al-Harithiyah.

Abou ‘AbdAllah était des Bani ‘Abdel Madan, des princes de Madhaj et du Yémen, qui était une grande famille à l’époque antéislamique et de l’Islam. La première capitale où il exerça son pouvoir fut Koufa avant d’aller à Anbar (en Irak). Il mourut alors qu’Abou Ja’far al-Mansour était au pèlerinage (hajj) en compagne d’Abou Mouslim al-Khorassani.

 

Lorsque Abou Ja’far apprit que son frère le calife était mort et que la succession lui revenait, il demanda à Abou Mouslim de lui porter allégeance que ce qu’il fit. Lorsqu’Abou Mouslim vit qu’Abou Ja’far était soucieux, il lui demanda :

- « Qu’as-tu donc ? » qu’Abou Ja’far al-Mansour lui répondit :

- « Je crains les représailles de mon oncle ‘AbdAllah Ibn ‘Ali » et Abou Mouslim lui dit :

- « Si tu crains quoi ce que soit, je me chargerais de lui ».

Lorsqu’al-Mansour arriva dans la nouvelle capitale des abbasside à Anbar, il envoya aussitôt Abou Mouslim al-Khorassani combattre son oncle ‘AbdAllah Ibn ‘Ali. La bataille dura longtemps et l’armée du « boucher » de Damas, ‘AbdAllah Ibn ‘Ali fut écrasée tandis qu’il s’enfuit à Basra chez son frère Souleyman Ibn ‘Ali l’oncle du calife, ce qui poussa le calife à lui pardonner mais juste pour un certain temps.

 

Abou Mouslim al-Khorassani joua un immense rôle dans le gouvernement des Abbassides. Son activité fut intense et ce dès les jours secrets ou les Abbassides n’était qu’un projet et les armées du Khorasan étaient pour les Abbassides ce que l’armée de Syrie fut pour les Omeyyades : le pilier de l’état. Et le dernier à avoir de l’importance dans l’état islamique à ses yeux était bien Abou Ja’far al-Mansour avant qu’il ne devienne calife et c’est pour cela qu’Abou Ja’far détestait profondément Abou Mouslim d’autant plus que ce dernier l’avait critiqué lors du pèlerinage et avait dit : «  Abou Ja’far ne pouvait-il pas faire son pèlerinage une autre année que celle-ci ? ». Il avait même suggéré à son frère, le calife Abou ‘AbdAllah as-Safah, juste avant sa mort, de se débarrasser de lui. As-Safah fut sur le point de l’écouter mais il réalisa que cela risquait de conduire le Khorasan à se rebeller contre lui et à échapper à son contrôle.

 

Lorsqu’al-Mansour prit le califat et qu’il chargea Abou Mouslim de venir à bout de son oncle ‘AbdAllah Ibn ‘Ali, il envoya une lettre à Abou Mouslim lui disant : « Je t’ai nommé à la tête de la Syrie, de l’Egypte et la Syrie est meilleure pour toi que le Khorasan. Reste en Syrie de manière à être prêt de moi[7] ». Quand Abou Mouslim reçut la lettre, il se mit en colère et dit : « Le Khorasan est à moi. Prends donc plutôt la Syrie et l’Egypte pour toi ». Il désobéit ainsi au calife et voulut partir pour le Khorasan mais al-Mansour le faisait étroitement surveiller. Lorsqu’il connut ses intentions, il quitta Anbar et partit rapidement vers Mada'in[8] ou il appela Abou Mouslim à lui rendre visite. Mais Abou Mouslim répondit à sa lettre et lui dit : « Je t’obéis et t’écoute mais du Khorasan car je ne me sens pas en sécurité à tes côtés ».

Après ces événements al-Mansour envoya un de ses hommes les plus rusés du nom d’Aba Houmayd al-Mawrawdi[9]. D’autres ont rapporté qu’il envoya Jarid Ibn Yazid Ibn Jarir Ibn ‘AbdAllah al-Bajri le petit-fils du respectable Compagnon Jarir Ibn ‘AbdAllah al-Bajri (qu’Allah soit satisfait de lui) et lui dit : « Utilise tous les moyens pour le ramener chez moi et si jamais il ne vient pas, menace-le que je serais obligé de sévir contre lui ».

 

Lorsque l’homme du calife arriva auprès d’Abou Mouslim, il lui délivrera le message et Abou Mouslim consulta Malik Ibn Haytham al-Khouza’i qui était un des plus grands prédicateurs des Abbassides. Malik lui dit : « Ne te laisse pas tromper par ces paroles, il veut simplement te tuer ». Il consulta aussi Nayzak al-Khorassani et lorsqu’il l’eut écouté, il dit au messager retourne chez le calife et dis-lui que je vais me révolter contre lui.

L’homme du calife le pressa par tous les moyens de le faire changer d’avis, tantôt par la gentillesse et tantôt par la menace et Abou Mouslim  resta indécis sur ce qu’il devait faire.

Al-Mansour qui était le prince des rusés avait envoyé Ibrahim Ibn Khalid au Khorasan et lui avait promis le poste de gouverneur s’il venait à bout d’Abou Mouslim. Lorsqu’Ibrahim entendit cela, il écrivit à Abou Mouslim et le mit en garde contre la désobéissance au calife et lui conseilla d’aller voir al-Mansour. Abou Mouslim reçut la mise en garde d’Ibrahim alors qu’il était indécis après avoir entendu les mises en garde de l’envoyé du calife. Est-il possible qu’Abou Mouslim le terrifiant tyran du Khorasan fut à ce point inquiété par les menaces d’un envoyé du calife ? Pourtant, il n’était pas dans le conseil du calife mais bien loin de lui aux Khorasan ! Cet Abou Mouslim qui avait pourtant tué des centaines de milliers de Musulmans, pas des mécréants ou des polythéistes !

 

L’Imam Muhammad Ibn Jarir at-Tabari a dit dans son livre « at-Tarikh ar-Roussoul wal-Moulouk » : « Abou Mouslim tua lors de ses guerres plus de six-cent-mille musulmans de sang-froid ! » Tuer six personnes de sang-froid sans émotion en les regardants droits dans les yeux est déjà terrible. Il tua, non pas 60, non pas 600, non pas 6000, non pas 60.000 mais dix fois plus, 600.000 Musulmans qui ont attesté qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Muhammad est Son Messager !

Les musulmans connurent de redoutables événements dans leur histoire. Et si nous devions passer en revue tous les actes de cet homme terrifiant, il faudrait un volume complet pour décrire la terreur que causa cet abject criminel, Abou Mouslim al-Khorassani.

Laissez-moi vous raconter cette histoire : « Un jour alors qu’Abou Mouslim s’adressait à des gens tandis qu’il était au Khorasan, et leur parlait des vêtements des Abbassides, un homme qui était assis lui demanda : « Quels sont ces vêtements noirs dont tu es vêtu ? » Abou Mouslim lui répondit de manière tranchante et décisive : « Abou Zoubayr a rapporté de Jabir Ibn ‘AbdAllah que le Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) rentra à La Mecque le jour de sa conquête alors qu’il était vêtu d’un turban noir ». Ces vêtements noirs sont les vêtements de l’état et son signe de reconnaissance. Sa signification est : « O jeune, tranche son coup ! »

 

Abou Mouslim al-Khorassani fut terrifié par les menaces du calife et à la fin, il décida d’aller le trouver parce que les gens du Khorasan le lui avaient conseillé du fait que beaucoup d’entre eux avait été menacé après son refus. Ils lui dirent : « Va le voir et fait ce qu’il attend de toi ». Mais un des chefs d’Abou Mouslim, Nayzak al-Khorassani, le mit en garde d’aller voir al-Mansour. Lorsqu’il vit qu’il était décidé à partir, Nayzak lui dit : « Si tu décides de partir, et que tu rentres chez le calife, attends-toi à ce qu’il te tue. Tu ferais donc mieux de nommer le successeur que tu désires, nous t’écouterons et t’obéirons alors ».

Abou Mouslim en compagnie de trois-mille hommes du Khorasan alla trouver le calife à Mada'in. Al-Mansour l’attendait et avait fait ses dispositions pour l’accueillir et le tuer. Après des événements qui seraient trop longs a rapporté, Abou Mouslim rentra chez le calife et le salua. Le calife lui demanda de se représenter le lendemain et lorsqu’il revint, il lui rappela toutes les fautes qu’il avait commises et particulièrement celle qui avait mis le calife en colère. Puis il fit un signe de la main, et un des hommes du calife du nom de ‘Uthman Ibn Mahik, le chef de sa garde, en compagnie de quatre de ses hommes se lancèrent sur Abou Mouslim et le tuèrent. Ils l’enveloppèrent dans un vêtement et le jetèrent dans le Tigre, le 24 Sha’ban de l’année 137 de l’Hégire (754).

Ainsi devait finir cet homme, ce tyran sanguinaire, jeté comme un moins que rien dans le fleuve. Certes comment peut-il être fait miséricorde à celui qui ne l’est pas lui-même !

Al-Mansour ordonna que des cadeaux soient distribués pour acheter le silence des chefs du Khorasan qui avaient accompagné Abou Mouslim ainsi qu’à ses soldats. Et ainsi le calife al-Mansour mit fin à la plus grande menace qui l’inquiétait.

Avec la mort d’Abou Mouslim al-Khorassani, prend fin le chapitre sur la fondation et l’établissement de la dynastie des abbassides.

 

 

En l’an 137 de l’Hégire (754), un mage du Khorasan du nom de Sinbad se rebella contre le calife et appela à la vengeance de l’assassinat d’Abou Mouslim. Le calife lui envoya aussitôt une armée sous le commandement de Jahwar Ibn Marar al-‘Ijli qui réussit à venir à bout de cette révolte. Jahwar recouvrit une immense somme d’argent que Sinbad avait pris des gens du Rayy. C’était l’argent qu’Abou Mouslim avait mis de côté avant de partir voir al-Mansour. Mais Jahwar voulut pour lui cette somme d’argent et ne l’envoya pas au calife. Comme il désobéit, al-Mansour lui envoya une force qui mit la main sur lui, récupéra l’argent et le tua.

 

 

En l’an 138 de l’Hégire (755), Constantine, le tyran de Byzance, entra à Malatyah, une ville de l’Anatolie de l’Est, près de l’Euphrate de l’ouest, qui devint une des forteresses avancées des Musulmans durant la période omeyyade, ou il vainquit la population, rasa les murs mais accorda l’amnistie aux habitants et aux combattants.

 

Parmi les événements de cette année, il y eut aussi le raid, qu’al-Waqidi appelle « une campagne d’été », d’al-‘Abbas Ibn Muhammad Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah Ibn al-‘Abbas, le frère du calife al-Mansour, accompagné de Salih Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah. Salih le récompensa avec quarante-mille dinars. ‘Issa Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah sortit avec eux et Salih lui donna aussi quarante-mille dinars. Salih Ibn ‘Ali reconstruisit ce que le chef des Byzantins détruisit dans Malatyah.

D’autres ont rapporté que l’expédition de Salih et d’al ‘Abbas eut lieu en l’an 139 de l’Hégire (756).

 

 

En l’an 139 de l’Hégire (756), le calife ordonna d’agrandir al-Masjid al-Haram et cette même année, al-Mansour désista son oncle Souleyman Ibn ‘Ali, le boucher de Damas, suite à sa défaite devant Abou Mouslim quand celui-ci parti chez son frère à Basra (Bassora) et lorsque le calife désista son oncle, ‘Abdallah Ibn ‘Ali s’enfuit. Lorsqu’al-Mansour fut informé de sa fuite, il ordonna à son oncle Souleyman de retrouver ‘Abdallah Ibn ‘Ali car il s’était porté garant pour lui. Souleyman lui accorda la sécurité et lorsqu’il revint, le calife ordonna son arrestation et le mis en résidence surveillée.

 

Cette même année, Salih Ibn ‘Ali et al-‘Abbas Ibn Muhammad restèrent à Malatyah jusqu’à ce que la forteresse soit totalement reconstruite. Alors, ils menèrent la campagne d’été empruntant la route de Darb al-Hadath, et pénétrèrent profondément en territoire byzantin. Les  deux sœurs de Salih, Oumm ‘Issa et Loubabah firent campagne avec lui. Elles étaient toutes les deux les filles de ‘Ali, et elles avaient fait le serment que si le règne des Omeyyades prenait fin, elles lutteraient dans le sentier d’Allah. Ja’far Ibn Handalah al-Bahrani effectua un raid à partir du défilé de Malatyah.

 

Cette même année, al-Mansour et l’empereur byzantin se mirent d’accord et le calife lui versa une rançon pour qu’il libère les prisonniers musulmans. Après cet accord, le rapporteur a dit que les musulmans ne menèrent aucune campagne d’été jusqu’en l’an 146 de l’Hégire (763), parce qu’Abou Ja’far était occupé avec les deux fils de ‘AbdAllah Ibn al-Hassan.

Cependant, d’autres ressources ont rapporté qu’al-Hassan Ibn Qahtabah conduisit une campagne d’été en l’an 140 de l’Hégire (757) avec ‘Abdel Wahhab Ibn Ibrahim al-Imam Ibn Muhammad, le fils d’Ibrahim al-Imam. Ils ont rapporté que le chef byzantin, Constantine, avec une armée de cent-mille hommes arriva et établit son camp à Jayhan. Quand, il fut informé de l’arrivée des forces musulmanes, il se retira. Et après cet incident, il n’y eut plus aucune campagne d’été jusqu’à l’an 146 de l’Hégire (763).

 

Cette même année, ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah Ibn Hisham Ibn ‘Abdel Malik Ibn Marwan parti pour l’Andalousie, où le peuple accepta son hégémonie et où ses descendants règnent à ce jour[10]. Nous reviendrons plus longuement sur les évènements d’Andalousie dans un volume consacré.

Cette même année fut une année très fertile qui en conséquence fut appelée « l’année d’abondance ».

 

Sous le règne d’al-Mansour, en l’an 141 de l’Hégire (758), apparue une nouvelle secte mécréante du nom d’« ar-rawandiyah ». C’était une secte du Khorasan qui croyait en la résurrection des âmes et que leur dieu était Abou Ja’far al-Mansour, louange à Allah Exalté qui est au-dessus de leur mesquine prétention. Un jour, ils se réunirent autour du palais du calife ou ils se mirent à circumambuler comme font les pèlerins musulmans autour de la Ka’bah. Al-Mansour ordonna d’emprisonner une partie d’entre eux tandis que les autres se rebellèrent contre lui. Une terrible bataille s’ensuivit entre ces hérétiques et l’armée du calife et les gens sortirent combattre aux côtés de l’armée du calife. Les rawandiyah furent écrasés. Ils affirmaient à propos du calife : « Il est le Seigneur Exalté, Celui qui nous s’abreuve et nous nourrit ! »

On ne peut que rester étonné que des gens puissent affirmer et croire stupidement à de telles inepties ! C’était certainement une épreuve.

Al-Mansour, se nommait ‘AbdAllah Ibn Muhammad Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah Ibn ‘Abbas et il porte aussi le même prénom que son frère ‘AbdAllah as-Safah. 

 

 

En 136 de l’Hégire (753), al-Mansour effectua le pèlerinage en compagnie d’Abou Mouslim comme nous l’avons déjà mentionné. À cette occasion, les gens vinrent le saluer et parmi eux les Banou Hashim. Mais, Muhammad et Ibrahim, les fils de ‘Abdallah Ibn Hassan Ibn Hassan Ibn ‘Ali Ibn Abi Talib (qu’Allah soit satisfait d’eux) étaient absent et il apprit par la suite que Muhammad disait : « Abou Ja’far lui avait porté allégeance alors qu’il était à la Mecque, à l’époque des Omeyyades quand les Abbassides étaient pourchassés et qu’Abou Ja’far avait porté allégeance à Muhammad Ibn ‘Abdallah. Al-Mansour sut alors que Muhammad Ibn ‘Abdallah allait se rebeller contre lui.

La principale préoccupation d’al-Mansour, au début de son règne, était son oncle ‘AbdAllah Ibn ‘Ali dont il incita Abou Mouslim contre lui. Lorsqu’Abou Mouslim fit ce qu’on lui demandait, al-Mansour se débarrassa de lui. Et après lui, il se concentra sur la menace représentée par Muhammad Ibn ‘Abdallah Ibn Hassan. Mais Muhammad et son frère Ibrahim se cachèrent pour ne pas tomber entre ses mains et à cette époque, al-Mansour désista deux gouverneurs successifs à Médine par ce qu’ils n’avaient pas réussi à mettre la main sur les enfants d’al-Hassan. Il nomma donc Riyah Ibn ‘Uthman Ibn Hayyan al-Mourri ad-Doubayran al-Ghatafani et cette brute était un homme violent et un tyran. Et parce qu’il fut chargé de trouver Muhammad et Ibrahim, il causa de grands torts aux Musulmans mais, il ne put venir à bout de sa mission et faillit comme les deux gouverneurs précédents car Muhammad s’était réfugié dans la tribu des Jouhaynah dans leurs montagnes.

 

 

En l’an 140 de l’Hégire (757), al-Mansour ordonna l’emprisonnement de ‘Abdallah Ibn Hassan Ibn Hassan Ibn ‘Ali. Il fut emprisonné à Médine et quatre ans après il ordonna aussi l’emprisonnement de l’ensemble des Bani Hassan Ibn ‘Ali. Treize membres de sa famille furent emprisonnés à Médine. Puis, il les fit transférer à la prison de Rabadah en Iraq. Là, fut aussi emprisonné avec eux Muhammad Ibn ‘Abdallah Ibn ‘Amr Ibn ‘Uthman Ibn ‘Affan et son fils.

Pourquoi Muhammad Ibn ‘Abdallah a-t-il été emprisonné ? Parce qu’il était le frère de ‘Abdallah Ibn Hassan par leur mère commune qui était Fatimah Bint Houssayn Ibn ‘Ali Ibn Abi Talib (qu’Allah soit satisfait d’eux). Et la fille de Muhammad Ibn ‘Abdallah Ibn ‘Amr était l’épouse d’Ibrahim Ibn ‘AbdAllah Ibn Hassan. Lorsque Muhammad Ibn ‘Abdallah Ibn ‘Amr, qui était un homme très beau d’ailleurs surnommé « ad-Dibadj[11] », rentra chez le calife tyran al-Mansour, ce dernier le menaça et le frappa tellement fort avec sa lanière de cuir, qu’il ressortit de chez lui complètement défiguré à cause de la dureté des coups qu’il reçut, il perdit un œil. Ensuite, il fut jeté en prison. Qu’avait donc fait cet homme pour mériter un tel châtiment et quel crime avait-il commis ?

Quant à Muhammad Ibn Ibrahim Ibn ‘Abdallah Ibn Hassan Ibn Hassan Ibn ‘Ali Ibn Abi Talib (qu’Allah soit satisfait d’eux), qui était aussi surnommé « ad-Dibadj al-Asfar» (le brocart blanc) à cause de sa grande beauté et lorsque les gens le regardaient, il se rappelait la Toute-Puissance d’Allah dans Sa création tellement cet homme était beau. Al-Mansour ordonna que ce pauvre homme, puisse Allah lui faire miséricorde, soit enfermé vivant dans un tonneau (istwana) qui fut scellé, enterré et il fut construit par-dessus.

Lorsque le gouverneur du Khorasan écrivit à al-Mansour, pour l’informer que les Khorassani attendaient la sortie de Muhammad Ibn ‘Abdallah, et qu’ils avaient commencé à désobéir, al-Mansour ordonna de le tuer. Puis, il ordonna d’envoyer sa tête au Khorasan et il leur jura que c’était la tête de Muhammad Ibn ‘Abdallah et que sa mère était Fatimah, la fille du messager d’Allah (saluts et bénédictions d’Allah sur lui). Et ainsi ce tyran rusé mis fin à la sédition du Khorasan.

Qu’ont donc fait tous les hommes pour être tué ?

Quant au reste des prisonniers de la famille d’al-Hassan, ils moururent pratiquement tous empoisonnés, puisse Allah leur faire miséricorde.

 

Trois gouverneurs ne purent saisir Muhammad Ibn ‘Abdallah Ibn Hassan alors le calife Abou Ja’far al-Mansour décida de s’occuper lui-même de l’affaire et prépara des plans en conséquence pour faire sortir cet homme de sa cachette. Que fit donc al-Mansour ?

Al-Mansour envoya à Muhammad Ibn ‘Abdallah une lettre écrite au nom des grands chefs d’al-Mansour l’incitant à se rebeller contre le calife et que lorsqu’il sortirait, ils le rejoindraient. En même temps, il ordonna au gouverneur de Médine, Riyah Ibn ‘Uthman Ibn Hayyan al-Mourri, de presser Muhammad Ibn ‘Abdallah afin de le faire sortir plus rapidement.

Muhammad Ibn ‘Abdallah sorti au mois de Rajab de l’année 145 de l’Hégire (762), et lorsque Abou Ja’far al-Mansour en fut informé, ce tyran rusé, dit : « Je suis Abou Ja’far, j’ai sorti le loup de sa tanière ».

 

Muhammad Ibn ‘AbdAllah qui était surnommé « al-Mahdi » et aussi « an-Nafs az-Zakiyyah » (l’âme pure) sorti à Médine et harangua les gens et leur dit entre autres : « Par Allah, je ne suis pas sorti à Médine parce que vous êtes des gens forts et respectables mais je vous ai choisi pour moi-même » et il dit aussi : « Je ne suis pas venu à Médine dans la terre sur laquelle Allah est adoré mais par ce qu’il m’a été porté allégeance ».

De tels événements, ne pouvaient conduire qu’à la sédition, et un groupe de gens lui porta allégeance est parmi ceux qui ne le firent pas, Isma’il Ibn ‘AbdAllah Ibn Ja’far Ibn Abi Talib (qu’Allah soit satisfait d’eux), qui était un homme âgé. Lorsque Muhammad lui demanda de lui porter allégeance, il lui dit : « O fils de mon frère, comment puis-je te porter allégeance ? » Et, cette réponse amena beaucoup de gens à ne pas lui porter allégeance.

Quant aux Banou Mou’awiyyah Ibn ‘AbdAllah Ibn Ja’far, ils lui portèrent allégeance.

Voici comment la sédition naquit : Hamadah Bint Mou’awiyyah Ibn ‘AbdAllah Ibn Ja’far vint trouver son oncle Isma’il, lui demanda de revenir et lui dit : « Mes sœurs ont porté allégeance au fils de leur oncle (sous-entendu Muhammad « an-Nafs az-Zakiyyah ») et si tu ne reviens pas sur ta parole, le fils de mon oncle et mes frères seront tués ». Mais le vieil homme ne se retourna pas vers la fille de son frère et elle décida de tuer son oncle.

 

Muhammad Ibn ‘Abdallah resta à Médine où il captura le gouverneur tyran Riyah Ibn ‘Uthman al-Mourri qu’il emprisonna et qui devait mourir par la suite en prison. Lorsqu’al-Mansour fut informé de ces nouvelles alarmantes, il se leva pour y faire face. Et avant de faire quoi que ce soit, il voulut avoir l’avis des gens et il ne le trouva que chez un homme du gouvernement, un homme âgé et rusé comme lui, son oncle le boucher de Damas, ‘Abdallah Ibn ‘Ali qui était emprisonné en résidence surveillée.

Al-Mansour envoya ses oncles chez son oncle pour lui demander son avis. Il leur dit : « Dites à al-Mansour qu’un prisonnier n’a pas d’avis. Libère moi et je te conseillerais ». Al-Mansour lui dit : « Par Allah, même s’ils étaient arrivés devant ma porte je ne te sortirai pas mais je suis le fils de ton frère et cet homme menace le pouvoir des Bani ‘Abbas ». Par cette parole, son sentiment tribal l’emporta et il dit sa parole très connue : « Part aussitôt pour Koufa, afin que les gens ne se rebellent pas contre toi car ils sont les partisans des Gens de la Maisonnée (ahl al-bayt). Encercle la ville par des soldats et empêchent quiconque d’entrer ou de sortir ». Et il lui dit aussi d’utiliser les soldats de Syrie et de dépenser de l’argent pour eux.

 

Il est connu qu’al-Mansour était un homme avare. Il suivit donc les conseils de son oncle, donna beaucoup d’argent aux soldats et arriva à ses fins. Al-Mansour envoya une lettre à Muhammad « an-Nafs az-Zakiyyah » lui promettant de lui pardonner et de lui donner des garanties ainsi qu’à ses partisans. Il promit de donner à chacun d’entre eux mille dirhams et tout ce qu’il voulait, s’il revenait sous l’autorité du calife.

Muhammad « an-Nafs az-Zakiyyah » ne se laisse pas berner par les promesses du calife et il lui dit dans une longue lettre ce passage : « Quelle sécurité pourrais-tu me donner, celle d’Ibn Houbayrah (Yazid Ibn ‘Omar Ibn Houbayrah al-Fazari, le gouverneur omeyyade de l’Iraq), celle de ‘Abdallah ‘Ali ton oncle ou celle d’Abou Mouslim[12] ? » Al-Mansour sut alors que la menace n’avait aucun effet et il prépara l’armée avec ses meilleurs éléments dont Houmayd Ibn Qahtabah. Il donna le commandement au gouverneur d’état ‘Issa Ibn Moussa Ibn Muhammad Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah Ibn ‘Abbas.

 

As-Safah Abou al-‘Abbas, avant sa mort en l’an 136 de l’Hégire (753), avait promis la succession à son frère Abou Ja’far al-Mansour et qu’après lui la succession soit transmise au fils de son frère ‘Issa Ibn Moussa Ibn Muhammad. Lorsque la succession passa à al-Mansour, il voulut que la succession soit transmise à son fils al-Mahdi Ibn Mansour et il trouva dans cette sédition, une bonne occasion pour se débarrasser d’an-Nafs az-Zakiyyah ou de ‘Issa Ibn Moussa. Au regard de ses actes, al-Mansour était vraiment un tyran.

 

Muhammad an-Nafs az-Zakiyyah, se fortifia à Médine l’Illuminée, il creusa la même tranchée que le Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui), le jour d’al-Ahzab et lorsque l’armée Abbasside arriva, ‘Issa Ibn Moussa lui offrit la sécurité mais Muhammad refusa. Une terrible bataille s’ensuivit et les soldats Abbassides purent traverser la tranchée. La plupart des gens qui étaient avec Muhammad l’abandonnèrent et il ne resta avec lui qu’une poignée de partisans sincères. Muhammad combattit farouchement avec le sabre « Dzoul Fiqar[13] » de son grand-père, l’émir des croyants ‘Ali Ibn Abi Talib (qu’Allah soit satisfait de lui). Il combattit avec ce puissant sabre et tua sept hommes avec. Muhammad était connu pour sa puissante stature et son combat ressemblait à celui de Hamzah (qu’Allah soit satisfait de lui). Mais en fin de compte, il fut submergé par le nombre, tué et sa tête tranchée au mois de Ramadan de l’année 145 de l’Hégire (762).

 

Quant à son frère Ibrahim qui vivait caché à Basra, il était aussi recherché par le calife. Lorsqu’il entendit que son frère s’était rebellé au mois de Safar 145 de l’Hégire (762) comme nous l’avons déjà mentionné, il se rebella à son tour contre al-Mansour au mois de Ramadan de cette même année. Il prit Basra, al-Ahwaz, Fars et il était sur le point de battre l’armée d’al-Mansour sous le commandement de ‘Issa Ibn Moussa lors de la bataille de Bakhamrah[14] mais l’Abbasside resta ferme sous le féroce assaut bien qu’une partie de son armée s’enfuit et par l’ordre d’Allah Exalté la situation se renversa en sa faveur et il arriva à Ibrahim ce qui était arrivé à son frère Muhammad, à savoir que la majeure partie de ses partisans s’enfuirent et l’abandonnèrent. Il fut touché par une flèche dans la gorge et s’effondra. Alors ils se jetèrent sur lui, le tuèrent et lui tranchèrent la tête. Sa tête fut envoyée à al-Mansour et lorsqu’il l’a vit, il se mit à pleurer à chaudes larmes. Et il dit : « J’ai été contraint de le faire et je l’ai détesté mais j’ai été éprouvé par toi et tu as été éprouvé par moi ». Un de ses gardiens, un hypocrite voulant ainsi plaire au calife, cracha sur la tête lorsqu’elle lui fut présentée. Al-Mansour ordonna de frapper cet homme jusqu’à ce que mort s’ensuive. La mort d’Ibrahim Ibn ‘ Abdallah eut lieu au mois de Dzoul Qi’dah de l’année 145 de l’Hégire (762).

 

 

Récapitulatif des évènements militaires qui eurent lieu ces dernières années

 

En l’an 141 (758), avant la construction de Baghdad, al-Mansour envoya al-Mahdi à ar-Rayy  pour lutter contre ‘Abdel Jabbar Ibn ‘AbderRahmane et le vainquit. Abou Ja’far ne voulut pas que les dépenses effectuées pour al-Mahdi soit gaspillées, alors il lui ordonna d’attaquer le Tabaristan, de camper à ar-Rayy et d’envoyer les troupes sous le commandement d’Abou al-Khassib et Khazim Ibn Khouzaymah contre l’Isbahbadh. Au même moment, l’Isbahbadh se querellait avec Masmoughan, le roi de Dounbawand et campait en face de lui. L’Isbahbadh fut informé que les troupes du calife étaient entrées dans son territoire et qu’Abou al-Khassib se dirigeait vers Sariyyah. Ces nouvelles successives inquiétèrent Masmoughan, qui dit à l’Isbahbadh : « Quand ils viennent contre toi, ils viennent contre moi ». Alors, ils agréèrent de lutter ensemble contre les Musulmans. L’Isbahbadh revint dans son territoire et mena de longues batailles contre les Musulmans.

 

Le Calife envoya ‘Omar, comme Abarwiz le frère du Masmoughan le lui avait conseillé en lui disant : « O commandant des croyants, ‘Omar connaît mieux que quiconque la terre du Tabaristan, envoie-le donc ». Abarwiz connut ‘Omar durant la révolte de Sinbad et des rawandiyah. Abou Ja’far envoya Khazim Ibn Khouzaymah rejoindre ‘Omar, qui entra et conquis ar-Rouyan. Il prit alors la citadelle d’at-Taq et son contenu lors d’une bataille prolongée. At-Taq était une forteresse entourée par des montagnes infranchissables et accessibles uniquement par un long tunnel. L’entrée était fermée par une pierre si grande que cinq cent hommes ne pouvaient la déplacer et il courait un ruisseau à l’intérieur de la forteresse.

En menant une guerre implacable, Khazim conquis le Tabaristan et tua beaucoup de ses habitants. Alors l’Isbahbadh retourna  dans sa citadelle et demanda la clémence en échange d’abandonner la forteresse avec tous ses trésors. Al-Mahdi écrivit à Abou Ja’far pour l’informer et le calife envoya Salih, le compagnon d’al-Moussallah, avec une groupe de Musulmans qui inventorièrent le contenu de la forteresse et repartirent ensuite. L’Isbahbadh partit pour la région de Jilan[15] dans la province de Daylam[16] ou il mourut finalement. La fille de l’Isbahbadh fut capturée et devint plus tard la mère d’Ibrahim Ibn al-‘Abbas Ibn Muhammad. Les Musulmans se tournèrent alors vers Masmoughan qu’ils capturèrent à son tour avec al-Bahtariyah, qui devint la mère de Mansour Ibn al-Mahdi. La fille de Masmoughan devint l’épouse de ‘Ali Ibn Raytah. Ce fut la première conquête du Tabaristan.

Quand Masmoughan mourut, les habitants des régions montagneuses redevinrent des hommes sauvages comme les animaux.

 

 

En l’an 142 de l’Hégire (759), l’Isbahbadh du Tabaristan mis fin au pacte qu’il y avait entre lui et les Musulmans et tua tous ces derniers vivaient dans son pays.

 

Il est rapporté que lorsqu’Abou Ja’far entendit les nouvelles de l’Isbahbadh et de ce qu’il fit aux Musulmans, il lui envoya Khazim Ibn Khouzaymah, Rawh Ibn Hatim et Marzouq Abou al-Khassib, le Mawlah d’Abou Ja’far. Ils assiégèrent la forteresse de l’Isbahbadh et le bloquèrent ainsi que ceux qui étaient avec lui, par un implacable et long siège. Pour venir à bout de lui, Abou al-Khassib dû recourir à un stratagème pour résoudre l’affaire. Il demanda aux Musulmans de le battre, de raser sa tête et sa barbe, ce qu’ils firent et il se sauva vers la forteresse d’Isbahbadh. Abou al-Khassib dit au commandant de la forteresse : « On m’a atrocement traité, j’ai été battu, ma tête et ma barbe ont été rasées par mes propres frères, par ce qu’il pensait que j’étais avec vous ». Abou al-Khassib parla longtemps avec l’Isbahbadh, lui affirma qu’il était sur son côté et que pour se venger, il lui montrerait les points faibles du camp musulman ».

L’Isbahbadh accepta la proposition d’Abou al-Khassib, le rapprocha de son cercle d’intimes et lui accorda des faveurs spéciales. La porte de leur forteresse était un rocher contrebalancé que les hommes levaient ou baissaient en fonction de l’ouverture ou de la fermeture de la porte. L’Isbahbadh avait confié cette tâche rotative aux hommes en qui il avait le plus de confiance. Abou al-Khassib leur dit : « Il me semble que vous ne me faites pas confiance, ni acceptez ma sincérité ! » « Qu’est-ce qui te fait dire cela » demanda l’Isbahbadh ? « Par ce que, » répondit Abou al-Khassib, « vous ne me demandez pas de vous aider dans les tâches les plus sensibles et que vous ne m’autorisez pas à faire ce que vos hommes les plus sûres font ». Après cela, l’Isbahbadh chercha plus souvent l’aide d’Abou al-Khassib et fut satisfait par ce qu’il vit, pour lui confier une place dans le groupe qui était assigné à l’ouverture et la fermeture de la porte de sa forteresse. Abou al-Khassib effectua ce devoir pour l’Isbahbadh, et bientôt gagna sa pleine confiance. De ce point, Abou al-Khassib écrivit une lettre à Rawh Ibn Hatim et Khazim Ibn Khouzaymah, qu’il accrocha sur une flèche qu’il leur envoya. Il les informa que sa ruse avait réussie et il leur donna une nuit désignée où il ouvrirait la porte. Lorsque la nuit arriva, la porte fut ouverte pour les forces du calife qui pénétrèrent à l’intérieur de la forteresse et ils tuèrent les guerriers et prirent beaucoup de captif. Al-Bahtariyah fut capturée et devint la mère de Mansour Ibn al-Mahdi. Sa mère était Bakand, la fille d’un Isbahbadh connu sous le nom d’al-Assamm (le sourd) qui n’était pas un roi. C’est le frère de Bakand qui était le roi. Shaklah qui fut aussi prise, devint la mère d’Ibrahim Ibn al-Mahdi. Elle était la fille de Kharnaban, l’intendant d’al-Masmoughan. L’Isbahbadh se tua en léchant un sceau empoisonné qu’il possédait.

D’autres sources ont dit que Rawh Ibn Hatim et Khazim Ibn Khouzaymah entrèrent au Tabaristan en 143 (760).

 

Toujours cette même année, selon al-Waqidi, Abou Ja’far nomma son frère, al-‘Abbas Ibn Muhammad, gouverneur d’al-Jazirah et des frontières byzantines « ath-Thoughour[17] » et mis sous son commandement un certain nombre de commandants militaires mais il ne resta quelque temps

 

 

En l’an 143 de l’Hégire (760), al-Mansour autorisa les Musulmans à attaquer le territoire de Daylam. On a rapporté que lorsqu’Abou Ja’far reçu les nouvelles que les Daylamites assaillaient et massacraient les Musulmans à grande échelle, il dépêcha Habib Ibn ‘AbdAllah Ibn Roughban à Basra alors qu’Isma’il Ibn ‘Ali en était le gouverneur. Le calife ordonna à Isma’il de faire une liste de tous les habitants de Basra qui avaient dix-mille dirhams ou plus et de leur ordonner d’aller personnellement conduire le Jihad[18] contre Daylam. Abou Ja’far envoya une autre personne à Koufa dans le même but.

 

 

En l’an 144 de l’Hégire (761), Muhammad, le fils d’Abou al-‘Abbas ‘AbdAllah Ibn Muhammad Ibn ‘Ali, le fils du précédent calife, conduisit un raid contre Daylam avec les troupes levées à Koufa, Basra, Wassit, Mossoul et d’al-Jazirah.

 

 

En l’an 145 de l’Hégire (762), les Turcs et les Khazars se révoltèrent à Bab al-Abwab[19] (la Porte de Portes) et tuèrent un grand nombre de Musulmans en Arménie.

Cette même année, le calife Abou Ja’far al-Mansour ordonna la construction de la ville de Baghdad afin d’en faire le siège de sa résidence, d’être éloigné de Koufa et de ces gens, et de faire de la ville une forteresse pour le siège de son pouvoir afin de ne pas pouvoir être pris par surprise comme cela lui arriva précédemment avec les rawandiyah en l’an 141 de l’Hégire.

 

Après avoir éliminé toutes les séditions qui secouèrent son règne, les personnalités les plus dangereuses, il se consacra à ses proches et particulièrement le fils de son frère ‘Issa Ibn Moussa, le futur calife. Il lui demanda de se retirer de la succession en faveur d’al-Mahdi Ibn Mansour. ‘Issa Ibn Moussa refusa et al-Mansour le pressa d’abandonner ses prétentions si bien qu’il finit par le menacer de le tuer. Puis, il lui offrit une immense somme d’argent et la succession après al-Mahdi et ‘Issa Ibn Moussa accepta en l’an 147 de l’Hégire (764). Et vous connaissez comme moi les promesses d’al-Mansour !

Après cela, al-Mansour convoqua secrètement ‘Issa Ibn Moussa, car il voulait le tuer, et lui dit : « Je pars au pèlerinage et je te confie mon oncle ‘Abdallah Ibn ‘Ali, s’il te joue des tours tue le ».

Al-Mansour partit au pèlerinage et ‘Issa Ibn Moussa consulta l’un de ses proches Younous Ibn Farwah qui lui dit : « Al-Mansour t’a convoqué secrètement et t’a ordonné de tuer son oncle et lorsqu’il reviendra du pèlerinage, il te demandera lors de son conseil des nouvelles à propos de son oncle dont il t’a confié la garde. Si tu dis, je l’ai tué par ton ordre, il affirmera ne jamais t’avoir donné un tel ordre et te fera tuer. Mon avis est que tu lui remettre son oncle. Puis que tu demandes à quelqu’un d’arranger l’affaire entre toi et al-Mansour ».

Il arriva exactement ce que Younous avait dit. Alors qu’il était en route pour La Mecque, al-Mansour envoyait une lettre à ‘Issa Ibn Moussa pour lui demander ce qu’il avait fait. ‘Issa Ibn Moussa lui répondit : « J’ai fait ce que tu m’as demandé ».

Lorsqu’al-Mansour revint du pèlerinage, il demanda à certains de ses proches d’aller trouver ses oncles et de leur dire qu’al-Mansour leur avait pardonné et que s’il voulait intercéder pour le fils de leur oncle, ils étaient les bienvenus. Lorsque les oncles vinrent pour intercéder en sa faveur, il se tourna vers ‘Issa Ibn Moussa et lui dit : « Je t’ai confié mon oncle est maintenant je lui pardonne ramène le donc ». ‘Issa Ibn Moussa était un Abbasside clairvoyant qui avait demandé l’avis de ses proches avant d’exécuter les ordres du calife.

‘Issa Ibn Moussa dit : « Mais tu m’as ordonné de le tuer ! » Et al-Mansour de lui répondre : « Je ne t’ai pas donné de tels ordres ! Je t’ai ordonné de l’emprisonner, menteur ! » Al-Mansour se retourna vers ses oncles et leur dit : « Je n’ai pas ordonné à ‘Issa Ibn Moussa de tuer votre frère, chargez-vous de lui ». Al-Mansour salua ses oncles et les quitta tandis que ceux-ci se tournèrent vers ‘Issa Ibn Moussa pour le tuer. Après ces événements, les gens se réunirent et un de ses oncles se présenta à ‘Issa Ibn Moussa pour le tuer, il dit : « Tu veux donc me tuer ? Amène-moi chez l’émir des croyants ».

Lorsqu’ils se présentèrent devant le calife, il dit : « ‘Abdallah Ibn ‘Ali est vivant. Je ne l’ai pas tué car j’étais persuadé que tu me chargerais de son assassinat si je l’avais fait ! » Al-Mansour demanda à le voir et lorsqu’ils le ramenèrent, il le fit emprisonner dans une maison dont les murs furent construits avec un mélange de sel. Puis de l’eau fut jetée sur la maison. Le sel fondit, et la maison s’effondra sur son occupant et le tua, en l’an 147 de l’Hégire (764).

 

 

Récapitulatif des évènements militaires des dernières années

 

En l’an 146 de l’Hégire (763), Ja’far Ibn Handalah al-Bahrani mena l’expédition d’été contre les Byzantins.

 

 

En l’an 147 de l’Hégire (764), l’Istarkhan al-Khwarizmi, accompagné d’une armée de Turcs, attaqua les Musulmans dans une région d’Arménie et prit beaucoup de Musulmans et des « Gens de la Dimmah[20] »  (ahl ad-dimmah) prisonniers avant de revenir à Tiflis[21] et de tuer Harb Ibn AbdAllah ar-Rawandi en mémoire de qui, le quartier de Harbiyah à Baghdad porte son nom.

Il a été rapporté que Harb était en poste à Mossoul avec deux-mille soldats à cause des kharijites qui se trouvait à al-Jazirah. Quand Abou Ja’far entendit parler du rassemblement des Turcs dans ces régions, il envoya Jibra'il Ibn Yahya pour lutter contre eux et écrivit à Harb d’aller avec lui. Harb fit ce qu’on lui demandait et rejoignit Jibra'il avant d’être tué. Quant à Jibra'il, il fut dérouté et s’enfuit tandis que les Musulmans (que nous avons précédemment mentionné) furent tués.

 

 

En l’an 148 de l’Hégire (765), al-Mansour envoya Houmayd Ibn Qahtabah en Arménie pour combattre les Turcs qui avaient tué Harb Ibn ‘AbdAllah et détruit Tiflis. Houmayd le rejoignit en Arménie pour constater qu’il était déjà parti et ne put le rencontrer.

Cette même année, il a été rapporté que Salih Ibn ‘Ali campa à Dabiq mais ne conduisit aucun raid.

 

 

En l’an 149 de l’Hégire (766), al-‘Abbas Ibn Muhammad mena le raid d’été contre les terres byzantines. Il fut accompagné par al-Hassan Ibn Qahtabah et Muhammad Ibn al-Ash’ath qui devait mourir en cours de route.

 

 

En l’an 150 de l’Hégire (767), Il n’y eut aucune expédition d’été contre les Byzantins. Il a été rapporté qu’Abou Ja’far confia la charge de l’expédition contre l’ennemi à Oussayd mais qu’il resta à Marj Dabiq.

 

Toujours en l’an 150 de l’Hégire, un grand problème se posa à al-Mansour en la personne de Stansis, un homme du Khorasan qui se prétendit prophète. Il se mit à combattre les soldats du calife au Khorasan et tua des milliers d’entre eux. Le calife prépara une immense armée bien équipée qu’il envoya contre lui, sous le commandement du puissant Khazim Ibn Khouzaymah an-Nahshali ad-Darimi at-Tamimi qui mit fin à la sédition de Stansis et tua des milliers de ses partisans. Stansis était Walid Marajil al-Jariyah.

 

Cette même année, décéda le grand Imam Abou Hanifah Nou’man Ibn Thabit né en en 82 l’Hégire (qu’Allah lui fasse miséricorde) (701). Nous parlerons un peu plus longuement de lui lors d’une autre occasion. Il refusa d’accepter le poste de Qadi (juge) sous le règne d’al-Mansour et al-Mansour lui dit : « Vis tu sur une autre terre que la nôtre ? » Abou Hanifah lui répondit : « Je ne suis pas qualifié pour ce poste ». Al-Mansour lui répondit : « Tu as menti ». Abou Hanifah lui dit : « Le commandant des croyants a déjà jugé que j’étais incompétent car si je mens je suis incompétent et si je dis la vérité, je t’ai dit que je suis incompétent pour ce poste. » Al-Mansour ordonna son emprisonnement et il a été rapporté qu’il fut empoisonné en prison et qu’il est mort six jours après, puisse Allah Exalté lui faire miséricorde.

Yazid Ibn ‘Omar Ibn Houbayrah al-Fazari, qui fut le gouverneur d’Iraq sous le dernier calife omeyyade Marwan Ibn Muhammad avait aussi ordonné de frapper l’Imam Abou Hanifah par ce qu’il avait aussi refusé le poste de Juge (qadi).

 

Quant au grand Imam Malik Ibn Anas de Dar al-Hijrah fut aussi frappé sous les ordres du calife tyran al-Mansour en 147 de l’Hégire (764) et celui qui ordonna de le frapper à Médine, fut son gouverneur Ja’far Ibn Souleyman Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah Ibn ‘Abbas. Ce misérable ordonna de dévêtir l’Imam et de le fouetter. Il fut si violemment fouetté que la peau de ses épaules se détacha et qu’il devait en souffrir jusqu’à la fin de ses jours en l’an 179 de l’Hégire (795), qu’Allah lui fasse miséricorde. Les gens l’avait consulté avant de sortir avec Muhammad Ibn ‘AbdAllah an-Nafs az-Zakiyyah lors de sa rébellion en 145 et lui avait dit : « Nous avons déjà sur les épaules l’allégeance à Abou Ja’far » l’Imam leur répondit ; « Vous avez porté allégeance sous la contrainte et les contraints ne sont pas obligés d’obéir ».

Lorsque les gens entendirent cet avis juridique de l’Imam de Dar al-Hijrah, tous ceux qui voulaient sortir pour supporter Muhammad Ibn ‘AbdAllah le firent. Quant à l’Imam Malik Ibn Anas, il  resta chez lui et n’en sortit plus.

Quant à Abou Ja’far al-Mansour, il ne devait pas oublier cet avis juridique et lorsqu’il mit fin à la révolte de Muhammad Ibn ‘AbdAllah an-Nafs az-Zakiyyah, il ordonna à l’Imam de n’informer personne sur cette affaire afin que les gens ne se transmettent pas et ne prennent pas son avis juridique pour semer les troubles dans l’état islamique. Puis, al-Mansour voulut éprouver l’Imam sur son avis juridique (fatwah) et lui envoya un de ses espions pour le questionner à ce sujet. L’Imam Malik Ibn Anas l’informa de son avis juridique alors qu’il se trouvait parmi les gens. Cela suffit à Abou Ja’far qui attendait l’occasion de sévir, pour punir l’Imam et il ordonna au fils de son oncle, le gouverneur de Médine, de le faire fouetter.

 

 

En l’an 151 de l’Hégire (767), le calife al-Mansour construisit la ville d’ar-Roussafah sur la rive est de Baghdad où il fit habiter son fils al-Mahdi. Il construisit une tranchée autour de la ville ainsi que des fortifications. Il l’a construisit sous la supervision de Ghoutham Ibn ‘Abbas Ibn ‘Oubaydillah Ibn ‘Abbas, un des Sheikhs et des personnalités des Banou ‘Abbas. Puis, le calife al-Mansour y posta une grande garnison de soldats lui étant dévoués prêts à venir aussitôt prêt de lui, à Baghdad, s’il leur ordonnait.

 

Cette même année, Jeddah fut attaqué par la mer par les Kourk qui sont des pirates d’origine inconnue et que mentionna Muhammad Ibn ‘Omar.

 

Cette même année, ‘Abdel Wahhab Ibn Ibrahim Ibn Muhammad mena le raid d’été contre les Byzantins.

 

 

En l’an 152 de l’Hégire (768), il a été rapporté que ‘Abdel Wahhab Ibn Ibrahim mena l’expédition d’été, mais qu’il n’emprunta pas les défilés. D’autres ont dit, que Muhammad Ibn Ibrahim mena l’expédition d’été cette année.

 

 

En l’an 153 de l’Hégire (769), al-Mansour, quand il arriva à Basra, alors qu’il revenait de La Mecque après avoir accompli le pèlerinage, prépara une expédition navale pour lutter contre les Kourk. Les Kourk avaient précédemment pillé Jeddah et il voulut être prêt dans le cas où ils reviendraient.

Le commandant de l’expédition d’été de cette année fut Ma’youf Ibn Yahya al-Hajouri. Il attaqua de nuit une forteresse Byzantine alors que ses habitants étaient endormis. Il captura la garnison et les fit prisonniers avant de marcher sur Laodicée qu’il captura et prit six-mille prisonniers.

 

 

En l’an 155 de l’Hégire (771), le commandant de l’expédition d’été cette année fut Yazid Ibn Oussayd as-Soulami.

 

Cette même année, sous la pression des forces islamiques, l’empereur byzantin Constantin V, le fils de l’empereur Léo III, demanda à faire la paix avec al-Mansour en échange d’un tribut annuel (al-jizyah).

 

En l’an 156 de l’Hégire (772), l’expédition d’été fut menée par Zoufar Ibn ‘Assim al-Hilali.

 

 

En l’an 157 de l’Hégire (773), al-Mansour passa en revue les armées musulmanes avec leurs armes et leurs chevaux lors d’un rassemblement sur la rive ouest du Tigre près de Qatraboul. Il ordonna à sa famille, ses parents et ses courtisans de prendre leurs armes ce jour-là et il apparut habillé d’une cotte de mailles et coiffé d’une petite Qalansouwah[22] égyptienne sous son casque.

 

L’expédition d’été de cette année fut menée par Yazid Ibn Oussayd as-Soulami. Il envoya Sinan, l’affranchi d’al-Battal contre une des forteresses qu’il captura et prit des prisonniers et du butin.

Muhammad Ibn ‘Omar, quant à lui, a dit que l’expédition d’été cette année fut menée par Zoufar Ibn ‘Assim.

 

 

Au moins de Dzoul Hijjah de l’année 158 de l’Hégire (774), alors qu’il se rendait à La Mecque pour le pèlerinage, le deuxième calife Abbasside Abou Ja’far al-Mansour décéda près de La Mecque alors qu’il était âgé de 63 ans. D’autres, ont rapporté qu’il mourut à l’âge de 68 ans.

Au regard de toutes les personnalités politiques, les césars, les empereurs, les rois, les califes, les ministres et les généraux qui se succédèrent sur la terre, depuis l’aube de l’humanité jusqu’à ce jour, le calife abbasside Abou Ja’far al-Mansour fait partit de l’élite politique et il est considéré parmi l’un des dirigeants les plus intelligents et le plus rusés. Certains ont dit que seul le respectable Compagnon Mou’awiyyah Ibn Abi Soufyan (qu’Allah soit satisfait d’eux) fut son équivalent en matière politique.

 

Nous nous sommes étendus assez longuement sur sa biographie car il fut un des piliers de la fondation de la dynastie des Abbassides. Voici ce qu’ont rapporté les historiens à son sujet : « C’était un homme grand, brun de peau, maigre qui avait une barbe clairsemée ». Un de ses employés a dit : « C’était un homme qui avait un excellent caractère tant qu’il restait chez lui. Quand il s’habillait pour se rendre à son travail, il changeait complètement. Ses yeux devenaient rouges ». Un jour, il dit à l’un de ses domestiques : « Si tu me vois mettre mes vêtements ou que je suis revenu de mon travail, que personne ne m’approche de peur que je ne lui fasse du mal ».

Il a été rapporté qu’al-Mansour a dit : « Les piliers de l’état sont quatre et sans eux il n’y a pas de royauté. Si l’un d’entre eux manque, l’état s’effondre. Un juge ne craignant pas le blâme, un chef de police qui secours le faible sur le fort, un trésorier qui partage équitablement et un scribe qui écrit avec exactitude ».

Il a aussi été rapporté, que lorsqu’al-Mansour s’asseyait dans son conseil, il était très organisé. Le matin, il s’occupait des affaires politiques, militaires et civiles. Après la prière de ‘Asr, il se réservait à sa famille et lorsqu’il priait al-‘Isha, il s’occupait de l’important courrier qu’il recevait des quatre coins de l’état islamique. Lorsque le premier tiers de la nuit était passé, il allait se coucher. Il se levait au troisième tiers, faisait ses ablutions puis allait prier dans son alcôve jusqu’à l’heure du Fajr. Alors il sortait de chez lui pour aller guider les gens dans la prière, d’où il se rendait au siège de son pouvoir.

Il laissa dans son testament pour son fils al-Mahdi de très nombreux conseils. Il lui dit :

- Quiconque veut être loué doit s’appliquer dans la vie et celui qui déteste la louange la néglige.

- Ne prend aucune décision avant de réfléchir.

- Le pouvoir n’a aucune valeur sans crainte (d’Allah Exalté) et son avis n’a aucune valeur sans obéissance.

- Ne règne que par la justice.

- Le pouvoir et l’obéissance au dirigeant ne peut durer sans argent.

- Ne t’assois dans aucun conseil excepté en compagnie des gens de science qui peuvent t’informer.

Bien que le Calife al-Mansour fût connu pour son extrême avarice, si bien qu’il fut surnommé « ad-Dawaniqi[23] », il laissa derrière lui les caisses de l’état pleines et nul calife ne laissa à sa mort autant d’argent que lui.

Sa mère était une femme berbère du nom de Sallamah. Elle fut aussi la mère d’un homme fort de l’état, ‘Abdallah Ibn ‘Ali Ibn ‘Abdallah Ibn ‘Abbas et aussi  du « Faucon de Qouraysh » : ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah Ibn Hisham Ibn ‘Abdel Malik Ibn Marwan appelé aussi ‘AbderRahmane ad-Dakhil, le calife et le fondateur de la dynastie omeyyade d’Andalousie.

 

Ainsi, les Berbères un peuple fort joua un grand rôle dans l’Islam comme nous l’avons vu lors de la conquête de l’Andalousie avec le commandant musulman berbère Tariq Ibn Ziyad, le grand Moujahid (qu’Allah lui fasse miséricorde). Les Berbères furent un puissant bouclier contre les armées croisées successives qui déferlèrent sur l’Andalousie comme ils furent le fer de lance de l’armée des Mourabitine puis celui des Mouwahhidine, des Marinyine et des Hafsiyine[24]. Hélas, à la sortie de la colonisation de l’Afrique du Nord, les Français implantèrent la sédition « Amazighiyah » nationaliste afin que les Musulmans se divisent entre eux après avoir été une nation unie et se combattent pour la grande satisfaction du colonisateur. Et les Berbères oublièrent qu’ils avaient été massacrés eux-mêmes par les troupes françaises et qu’il n’avait jamais été question de « Berbérisme » pour eux avant les massacres.

 

Lorsqu’al-Mahdi sortit pour faire ses adieux à son père qui partait au pèlerinage qu’il ne devait jamais accomplir puisqu’il est mort le 7 du mois de Dzoul Hijjah, ce dernier lui donna de nombreux conseils dont : « Prends garde à ne pas mêler les femmes à tes affaires et méfie-toi du sang illicite car il est chez Allah énorme ».

 




[1] Il demande à l’Imam de trouver une parade juridique à ses actes, un peu comme les dirigeants actuels demandent à leurs pseudos savants religieux corrompus de trouver des prétextes juridiques pour justifier leur actes de désobéissances à Allah Exalté pour tromper ainsi les gens.

[2] Abou Bakr et ‘Omar, qu’Allah Exalté soit satisfait d’eux.

[3] Il fut surnommé at-Taous (le paon) car il avait une merveilleuse récitation du Qur’an. Il était parmi les psalmodieurs du Qur’an comme le paon parmi les oiseaux.

[4] Il est question ici de ceux qui se sont rebellés contre le calife et non pas de la secte déviante des khawarije.  

[5] Roi.

[6] Corps d’armée turque.

[7] Il ne voulait pas le voir partir au Khorasan mais l’avoir sous les yeux.

[8] Mada'in, ville d’Iraq. Pluriel de Madina. Mada'in veut dire : les villes.

[9] De Mawrouroud et non par de Merv.

[10] A l’époque où l’Imam at-Tabari écrivait son livre d’histoire.

[11] Brocart ou soie.

[12] Le calife al-Mansour avait promis la sécurité à tous ces hommes justes pour les capturer et soit les tuer ou les emprisonner.

[13] Il fut appelé ainsi car il avait 18 Faqrah. Faqrah veut dire entaille ou trou.

[14] Une ville proche de Koufa.

[15] Jilan est une région de la Perse qui se trouve au sud de la Mer Caspienne et au nord de la gamme d’Albourz.

[16] Daylam est la région montagneuse derrière la région côtière de Jilan. Les deux termes Jilan et Daylam furent utilisés pour désigner la province du sud-ouest de la Mer Caspienne.

[17] Les Thoughour étaient les forteresses avancées qui gardaient les frontières en Syrie contre les Byzantins et en Mésopotamie contre les Turcs.

[18] Jihad : Effort. Ce terme est aussi utilisé dans les actions militaires pour l’expansion et la défense des territoires musulmans, de leurs biens, de leurs vies, de leur religion, de leurs honneurs, de leurs familles, de leur Prophète,    qui demandent des efforts tant physiques que psychiques, matériels et financiers.

[19] Bab al-Abwab ou Derbent : Ville actuelle du Daguestan, au Caucase. Elle est située entre la Mer Caspienne et les contreforts du Caucase, au sud-est de Makhatchkala. Les Portes correspondent à l’entrée des monts caucasiens pour la vallée de l’est.

[20] Gens protégés : Nom donné aux non-musulmans vivant sous la loi musulmane, mais libres de pratiquer leur propre religion moyennant un tribut symbolique et protégés par les Musulmans.

[21] Tiflis ou Tblisi : Capitale de la Géorgie actuelle, stratégiquement localisée à la source du fleuve Koura dans les montagnes du Caucase du Nord aux larges plaines de l’Azerbaïdjan. C’était l’avant-poste musulman (ribat) le plus éloigné dans cette direction.

[22] Coiffe en forme d’icône.

[23] Le Daniq est une monnaie inférieure au dirham.

[24] Les Mourabitine, les Mouwahhidine, les Marinyine et les Hafsiyine furent différentes tribus qui se succédèrent en Afrique du Nord et vinrent au secours de l’Andalousie.