Les Musulmans
reprennent Césarée
Après le départ des différents corps d’armée,
le sultan quitta la ville d’Awja et partit chasser dans la forêt
d’Oursouf. Il invita ceux des émirs qui voulaient y participer car
la forêt était pleine d’animaux sauvages. Puis, le sultan poursuivit
sa route jusqu’à près d’Oursouf et de Césarée et, après avoir
contemplé les deux places, il regagna sa tente pour trouver que le
bois destiné pour les engins de guerre étaient déjà arrivés avec
tout ce qu’il avait requis. Il donna alors l’ordre de fabriquer un
grand nombre de mangonneaux tandis que lui-même, assis au milieu des
artisans, les incitait au travail. En l’espace d’un jour, quatre
grandes machines furent achevées sans compter les petites.
Le sultan écrivit aux gouverneurs des diverses
forteresses, pour demander des machines de guerre, des ouvriers et
des tailleurs de pierre puis, les soldats reçurent ordre de
fabriquer des échelles. Le sultan alla camper dans le voisinage des
sources d’Assawir des vallées de ‘Arab et de ‘Ararah et après la
dernière heure du soir, toutes les troupes, en vertu du commandement
qu’elles avaient reçu, s’armèrent complètement.
Le sultan se mit en marche vers la fin de la
nuit et se dirigea vers Césarée ou il arriva sous les murs de la
ville, le jeudi matin 9 du mois de Joumadah Awwal, surprenant les
habitants qui ne s’attendaient pas à cette attaque. Il donna alors à
ses troupes le signal du combat et aussitôt, ses soldats
traversèrent le fossé, lancèrent leurs grappins et grimpèrent de
toutes parts. Les batteries de mangonneaux martelèrent la place et
après avoir incendiés les portes, les Musulmans pénétrèrent dans la
ville tandis que les habitants se réfugièrent dans la citadelle
nommée al-Khadrah ou les croisés avaient intégrés des colonnes de
granit dans les fondations pour empêcher la sape et éviter que la
muraille ne s’effondre. La citadelle à son tour fut alors
continuellement bombardée par les missiles des machines de sièges et
des pluies de flèches tandis que les attaques et les assauts se
répétèrent sans interruption.
Le sultan envoya alors vers Bayssan un corps de
troupe dont il donna le commandement à l’émir Shihab ad-Din
al-Qaymari. Un autre corps composé d’Arabes et de Turcomans avança
jusqu’aux portes d’Acre et fit prisonniers un grand nombre de
croisés.
Le siège de la citadelle de Césarée se
poursuivit avec force. Le sultan établit son poste au sommet d’une
proche bâtisse afin d’empêcher les croisés de monter au haut des
remparts de la forteresse. Il se rendait parfois jusqu’au mur pour
voir l’avancée des travaux de
sape et parfois il allait combattre jusqu’à ce que son
bouclier soit criblé de flèches. Enfin, le jeudi 15 du mois de
Joumadah Awwal, les Musulmans escaladèrent les remparts, brûlèrent
les portes et envahirent la place tant par la porte que du haut des
remparts qu’ils prirent par la force des armes. Le lendemain matin,
l’appel du muezzin retentit dans ville appelant les Musulmans à la
prière du matin.
Plus tard, le sultan accompagne des émirs, se
rendit dans la citadelle puis, il partagea la ville en quartier
entre les différents émirs, Mamalik et soldats qui commencèrent
aussitôt à détruire la place et le sultan en personne participa à sa
démolition. Lorsqu’elle fut pratiquement rasée, le sultan envoya les
deux émirs Sounqour ar-Roumi et Sayf ad-Din al-Moustarab à la tête
d’un corps de troupes à Malouhah près de Damas ou ils prirent et
rasèrent jusqu’au sol une forteresse imprenable des croisés.
La
prise de Hayfa et la chute d’Oursouf
Le 26 du même mois, le sultan envoya un
détachement vers ‘Atlit tandis que les émirs Sounqour, ‘Izz ad-Din
al-Hamawi, et Sounqour al-Alfi, marchèrent sur Hayfa ou ils prirent
de force la ville après avoir massacré un grand nombre de croisés et
prit autant de prisonniers. Le reste des croisés abandonnèrent la
ville et s’enfuirent dans leurs navires Ce même jour, les Musulmans
prirent la ville et la citadelle qu’ils ruinèrent avant de retourner
sains et saufs, avec les captifs et un immense butin.
Entretemps, le sultan se rendit à ‘Atlit qu’il
ordonna de raser jusqu’au sol et de couper tous les arbres, ce qui
fut accompli le jour même. Le sultan retourna alors dans son camp à
Césarée ou tous les
vestiges de la ville furent effacés comme si elle n’avait jamais
existée.
Le 29, après avoir reçu de Damas des nouveaux
engins de sièges et des munitions, le sultan quitta Césarée et se
mit en marche sans que personne ne sache la destination puis arriva,
le 1 Joumadah Thani, sous les murs d’Oursouf ou il établit son camp.
Il y ramener les réserves de bois qui étaient stockés dans les
environs telles des marges collines qu’il employa pour fortifier son
camp puis, fit creuser deux mines qui s’étendaient depuis le fossé
de la ville jusqu’à celui de la citadelle qui furent recouvertes de
planches. La garde de l’une d’entre elles fut confiée à plusieurs
émirs dont as-Sounqour ar-Roumi, Badr ad-Din al-Bayssari, Badr
ad-Din al-Khazindar, Shams ad-Din ad-Daqiz al-Karki et d’autres. La
seconde mine fut confiée aux émirs Sayf ad-Din Qalawoun (al-Malik
al-Mansour Sayf ad-Din Qalawoun al-Alfi as-Salihi an-Najmi
al-‘Ali'i), ‘Alim ad-Din al-Halwah al-Kabir, Sayf ad-Din al-Qarmoun
et d’autres.
L’une des mines fut alors plus profondément
creusée sous la citadelle et une immense quantité de bois y fut
transporté mais les croisés réussirent à l’incendier et bientôt,
elle fut réduite en cendres. Le sultan ordonna alors de nouvelles
excavations depuis l’entrée des deux mines jusqu’à la mer. Plusieurs
autres mines furent creusées sous terre de manière à ce qu’elles
soient protégées par le mur du fossé de l’ennemi dans lequel
plusieurs brèches furent ouvertes par lesquelles on jetait la terre
qui tombait dans les mines si bien que bientôt le niveau de
celles-ci se retrouva au même niveau que celui du fossé. Des
architectes furent amenés pour organiser les travaux, dont la
direction fut confiée à l’émir Izz ad-Din Aybak al-Fakhri, et qui
avancèrent rapidement.
Le sultan participait en personne aux travaux,
creusait tantôt la terre, tractait les machines, transportait la
terre, les pierres, afin d’inciter les autres à faire de même par
son exemple. On le voyait marcher seul, armé d’un bouclier, tantôt
dans les mines, tantôt près des passages que l’on venait d’ouvrir,
tantôt près du rivage d’où il tirait des flèches sur les vaisseaux
des croisés, tantôt tirant les cordes des machines, tantôt sur les
palissades d’où il lançait des flèches contre l’ennemi et un jour,
il en tira plus de trois-cent.
Un autre jour, alors qu’il visitait la mine, il
s’assit à son extrémité supérieure derrière une ouverture d’où il se
mit an tirer des traits vers l’ennemi. Les croisés armés de lances
et de crochets sortirent alors de la place contre le sultan mais il
tint ferme et combattit bravement en compagnie des émirs as-Sounqour
ar-Roumi, al-Bayssari et Badr ad-Din al-Khazindar. Le sultan tua de
sa main deux cavaliers croisés tandis que les autres s’enfuirent
dans un désordre complet.
Le sultan al-Malik az-Zahir Rouqn ad-Din
Baybars aimait se déplacer entre ses différents corps de troupes et
personne n’osait le regarder ou le désigner du doigt tant il était
respectable. Parmi les gens qui participèrent à cette expédition, se
trouvait un grand nombre de religieux, d’ascètes, de juristes, de
savants et de volontaires. Ni vin et ni actes honteux ne fut vu dans
son camp. Des femmes vertueuses venaient au milieu des combats
abreuver les soldats et traînaient elles-mêmes les machines de
guerres. Le sultan attribua des récompenses à plusieurs personnages
éminents comme le Sheikh ‘Ali al-Baqqah qui reçut une somme
d’argent.
Il n’a jamais été rapporté qu’un officier
attaché à la personne du sultan manque de combattre pour une
quelconque raison, ou qu’un émir envoya ses pages se battre à sa
place pour qu’il puisse se reposer. Tout le monde travaillait sans
distinction et bientôt les engins de sièges détruisirent une partie
de la muraille, les mines creusées des deux côtés du fossé furent
achevées et de larges brèches furent ouvertes dans le mur.
Le jeudi 8 du mois de Rajab, l’assaut fut donné
sur la citadelle d’Oursouf et la place fut prise par la force des
armes. Ce même jour, la bastille s’effondra et avant même que les
croisés ne réalisent sa chute, les Musulmans avaient déjà escaladé
les remparts et pénétré dans la place. Leurs étendards furent
plantés sur la bastille autour desquels se pressèrent les
combattants. Les portes furent incendiées tandis que les croisés
continuaient de résister.
Le sultan remit alors son étendard à l’émir
as-Sounqour ar-Roumi et lui ordonna de laisser la vie sauve aux
croisés qui cessèrent alors de combattre. L’étendard fut confié à
l’émir ‘Alim ad-Din as-Sanjar al-Masrouri plus connu sous le nom
d’al-Khayat qui fut hissé à l’aide de corde sur le rempart. Après
avoir désarmé les croisés, il les attacha avec des cordes et les
conduisit devant le sultan après avoir traversé les rangs des émirs.
Les prisonniers s’élevaient à plusieurs milliers puis, le sultan
donna l’ordre à ses soldats de piller la ville qui contenait des
quantités considérables de provisions, de munitions, d’argent, de
chevaux et de mulets. Le sultan ne toucha à rien mais se contenta de
racheter quelques objets aux soldats qui les avaient pris. Un très
grand nombre de prisonniers musulmans enchainés furent trouvés dans
les prisons et remit en liberté et les croisés furent mis au fer à
leur place et confié à un corps de troupes. Le sultan partagea les
tours d’Oursouf entre ses émirs et ordonna que la ville soit rasée
par les prisonniers croisés en personne, ce qui fut exécuté.
Le sultan ordonna d’inspecter le territoire de
Césarée et d’en déterminer les revenus, ce qui fut dument accompli
puis, il somma le Qadi de Damas à qui il donna l’ordre d’attribuer
une partie des terres conquises à tous les émirs qui avaient
participé à la bataille et que chaque donation soit consignée dans
les registres sans qu’aucun de ces émirs n’en ait connaissance. Puis
le mardi 23 du mois de Rajab, lorsque la ville fut totalement rasée,
le sultan quitta ce qui avait été la ville d’Oursouf pour Gaza avant
de retourner Égypte.
Comment de
nombreux incendies furent volontairement allumés par les Chrétiens
au Caire
Durant son absence, de nombreux incendies
furent allumés au Caire et à Foustat par les Chrétiens. Ces
accidents causèrent une indicible terreur chez les gens et dans
plusieurs places qui avaient été brulées, du naphte et du soufre
furent trouvés. Le sultan somma alors les Chrétiens et les Juifs,
leur fit de vives remontrance et leur annonça que leurs actions
avaient entrainées l’annulation de tous leurs droits. Puis, il les
condamna à être brûlés vifs mais l’émir Atabek Faris ad-Din Aktay
intercéda en leur faveur. Ils obtinrent donc la vie sauve, sur la
condition qu’ils restitueraient tout ce qui avait été perdu dans les
incendies et payeraient au trésor 500 000 dirhems d’or. Les accusés
promirent aussi de ne plus jamais se livrer à de tels actes ni
d’enfreindre les engagements auxquels ils s’étaient soumis et ainsi,
ils furent remit en liberté.
Vers le milieu du mois de Ramadan, des
nouvelles arrivèrent que ‘Izz ad-Din as-Saqandari, le gouverneur
d’ar-Ralibah, avait pris Qarqissiyah, massacré tous les Tatars et
les Kurdes qui s’y trouvait et fait plus de quatre-vingts
prisonniers.
Une nuit, le sultan déguisé, descendit de la
citadelle de la Montagne et parcourut les rues du Caire afin
d’observer ce qui se passait. Il vit alors un des commandants saisir
une femme puis lui enleva ses dessous sans que personne n’essaye de
s’interposer. Le lendemain matin, le sultan fit trancher les mains
de plusieurs fonctionnaires.
Cette même année, le sultan nomma ‘Issa Ibn
Mouhannah émir des Arabes des Banou al-Fadl qui sitôt nommé, marcha
sur Harran et Bira d’où il chassa les Tatars qui s’y trouvait.
Le 9 du mois de Rabi’ Awwal, le maudit Houlakou
Khan Ibn Touloukan, fils du maudit Shinjiz Khan, mourut d’une
attaque d’épilepsie près de Marajah à l’âge de plus de soixante ans
et après avoir régné dix année. Son fils Abaghah lui succéda et
envoya aussitôt son armée combattre le prince Barakah Khan mais son
armée fut écrasée.
Le 8 du mois de Safar de l’année 664 de
l’Hégire (1265), une bataille eut lieu entre l’émir ‘Alim ad-Din
as-Sanjar al-Bash al-Kourdi, le gouverneur de Homs, et le souverain
des croisés de Tripoli qui fut mis en déroute.
Au mois de Joumadah Awwal, Fakhr ad-Din Ibn
al-Jilban, retourna du pays des croisés en ramenant avec lui un
grand nombre de prisonniers musulmans qu’il avait rachetés avec les
fonds provenant du Waqf et qui lui avaient été remis par l’émir
Jalal ad-Din an-Najibi, le gouverneur de Damas. Parmi ces captifs se
trouvaient des femmes et des enfants. Les femmes furent envoyées à
Damas, afin que le Qadi leur trouve des époux.
La prise
des forteresses d’al-Akrad, de ‘Arqah et d’al-Qal’at
Le 3 du mois de Rajab, le sultan décida de
conduire une nouvelle fois le Jihad contre les ennemis d’Allah et
rappela à lui tous les soldats en envoyant les ordres nécessaires
dans toutes les régions d’Égypte mais comme ils tardèrent à se
présenter, le sultan envoya dans toutes les Wilaya des membres de sa
garde spéciale, les ‘Iladajariyah, qui pendirent par les mains et
pendant trois-jours, tous les Walis en punition pour ne pas avoir
appliquer ses ordres avec la diligence requise pour la circonstance.
Lorsque les troupes furent enfin rassemblées et
prêtes, le sultan quitta la
ville du Caire, le premier jour du mois de Sha’ban pour
camper à l’extérieur de la ville puis deux jours marcha sur Gaza.
Les émirs al-‘Azizi et Sayf ad-Din Qalawoun à la tête d’une partie
de l’armée, se rendirent alors dans la ville d’Awjah ou ils
établirent leur camp tandis que le sultan Rouqn ad-Din Baybars se
rendit à Khalil puis, à Bayt al-Maqdis. Il fit alors interdire
l’entrée du sanctuaire d’al-Khalil aux gens de la Dhimmah qui
précédemment était autorisé à le faire moyennant une somme exigée
d’eux. La permission leur fut donc retirée depuis ce jour.
Le sultan se rendit près de ‘Ayn Jalout tandis
qu’une partie des troupes campée à Homs pénétra sur le territoire
des croisés puis assiégea et prit les forteresses d’al-Akrad, de
‘Arqah et d’al-Qal’at et les dévastèrent.
Lorsque le sultan reçut la nouvelle de ces
succès, il envoya les émirs ‘Ala' ad-Din al-Boundouqdari et ‘Izz
ad-Din al-‘Iqan, à la tête d’un corps de troupes vers Tyr. Ces
derniers pénétrèrent sur les terres des croisés, prirent un grand
nombre de prisonniers et un immense butin. L’émir Itamish quand à
lui fut envoyé à Sa’idah. Puis, le sultan se dirigea vers Acre et
envoya les émirs Badr ad-Din ad-Damouri et Badr ad-Din al-Bayssari
vers al-Qarn. L’émir Fakhr ad-Din al-Hamsi fut envoyé vers Jabal
‘Amilah et ainsi, les croisés se trouvèrent assaillit de toutes
parts. Les Musulmans prirent un butin si immense qu’il n’y eut plus
personne pour acheter un bœuf ou un animal. Ces actes hostiles des
Musulmans s’étendirent de Tripoli jusqu’à Oursouf et l’armée du
sultan vint camper devant Tyr. Quant au sultan, il resta près d’Acre
et l’émir Nassir ad-Din al-Qaymari près de ‘Atlit pour empêcher les
croisés de faire tout mouvement.
Le sultan visita alors la ville de Safad près
d’Acre et fit revenir les troupes qu’il avait envoyées pour diverses
missions. L’émir al-Baktash al-Fakhri rejoignit donc le sultan
suivit des émirs al-Boundouqdari et ‘Izz ad-Din al-‘Iqan, à la tête
de leurs corps respectifs.
La prise de
Safad
Le sultan resta devant Acre jusqu’au retour de
ses troupes et lorsqu’un grand nombre de machines de siège furent
montées, il se mit en marche suivit par ses soldats tous en arme,
avança près de la porte de la ville et s’arrêta sur la colline
d’al-Foudoul. Ensuite, il se rendit à ‘Ayn Jalout puis, le lundi 8
du mois de Ramadan, il vint camper devant Safad et dressa le plan du
siège auquel il participa physiquement en personne. D’autres engins
envoyés de Damas arrivèrent dans le camp.
Le 26 de ce même mois, les catapultes, les
mangonneaux et les autres engins enfin déployés et opérationnels
débutèrent le pilonnage de la ville sous la surveillance du sultan
qui se tenait se tenait constamment près des machines.
Les troupes d’Égypte et de la Syrie arrivèrent
alors et occupèrent les quartiers qui leur avaient été assigné. La
nuit précédant la fête de la rupture du jeûne, l’émir Badr ad-Din
al-Aydamouri vint féliciter le prince quand il reçut une pierre sur
la tête. Le sultan interdit à quiconque dans le camp de visiter ses
amis à l’occasion de la fête ou de quitter son poste de peur que
l’ennemi ne profite de la circonstance pour surprendre l’armée. Le
jour de la rupture du jeûne, il fut annoncé que quiconque boirait du
vin ou en apporterait dans le camp serait pendu.
Les attaques sur la ville de Safad reprirent le
2 du mois de Shawwal et les artificiers lancèrent le naphte. Le
sultan promit aux équarisseurs que celui d’entre eux qui extrairait
la première pierre de la muraille, recevrait trois cents pièces d’or
de même que le second et jusqu’au dixième. Alors, il donna l’ordre à
ses troupes de procéder aux assauts et y prit par en personne. Une
sanglante bataille eut lieu ou un grand nombre de Musulmans
trouvèrent le martyre et Allah sait mieux qui est martyre. Lorsqu’un
Musulman tombait, son compagnon le tirait de côté et prenait sa
place ainsi un grand nombre de mines furent creusés ou les sapeurs
s’introduisirent suivit par le sultan qui distribua ce jour, une
somme considérable d’argent et de nombreuses robes d’honneur. Il fit
dresser une tente pour les médecins, les chirurgiens avec des
boissons et des aliments ou étaient amené les blessés.
Le 8 de ce même mois, les attaques
recommencèrent et dans la nuit du 14, un assaut fut donné qui se
prolongea jusqu’à la mi-journée après qui, les troupes épuisées de
fatigue se dispersèrent ce qui exaspéra profondément le sultan qui
ordonna à ses proches d’aller dans les tentes de ses émirs et
soldats et de lever à coup de massue. Il réprimanda durement les
émirs, et leur dit : « Les Musulmans sont en danger et vous vous
permettez de vous reposer, levez-vous donc ! » Puis, il en fit
arrêter plus de quarante d’entre eux qu’il fit mettre au fer
cependant, peu après sur l’intercession de leurs camarades, il leur
rendit la liberté et leur ordonna de reprendre leurs postes. Les
tambours furent lourdement battus et les attaques recommencèrent.
Les croisés demandèrent alors des conditions de
reddition qui furent acceptées à condition qu’ils n’emporteraient
avec eux ni armes, ni cuirasse, ni aucun objet d’argent, qu’ils ne
détruiraient, ni par le feu, ni par la hache, aucun des objets qui
se trouvaient dans la place. Les négociations se prolongèrent
jusqu’au vendredi 18 du mois ou les étendards de l’Islam furent
hissés sur les remparts et qui fut un jour de fête. Le sultan monté,
se tint près de la porte de Safad et tous les croisés sortirent de
la place et furent amenés devant lui. Il ordonna de les fouiller et
on trouva sur eux, malgré leur engagements, des armes et des objets
en argent ainsi qu’un grand nombre de prisonniers musulmans qu’ils
emmenaient avec eux en prétendant qu’ils étaient chrétiens. Tous
ceux qui furent trouvés avec des objets furent enfermés dans une
tente. Les Musulmans prirent alors possession de la place. Le sultan
nomma l’émir Majd ad-Din at-Touri, commandement de la citadelle et
donna le gouvernement de la ville à l’émir ‘Izz ad-Din al-‘Alay.
Le lendemain matin, le sultan félicita ses
troupes pour leur courage, s’excusa à ceux qui l’avait irrité et
leur dit : « Ma seule intention était de stimuler votre ardeur et
d’hâter la conquête et désormais nous serons amis. » Les prisonniers
croisés furent exécutés et seul deux d’entre eux échappèrent, l’un
pour rapporter à ses camarades son témoignage et l’autre qui se
convertit à l’Islam. Le sultan se rendit alors dans la citadelle ou
il fit transporter un immense stock de matériel de guerre. Il fit
venir de Damas des hommes pour résider à Safad où il fit construire
une mosquée dans la citadelle et dans la ville et alloua le revenu
d’un village pour l’entretien du tombeau de Khalid Ibn al-Walid
(qu’Allah soit satisfait de lui) à Homs.
Le sultan
Baybars s’empare des villes de Hounan, de Hanin et de Ramlah
Ce même mois, le sultan s’empara des villes de
Hounan, de Hanin et de Ramlah qu’il fit rebâtir, y établit une
juridiction et un gouverneur. A la même époque, il détruisit les
cultures de Haschisch et ordonna de punir ceux qui consommaient
cette drogue.
Des Hospitaliers vinrent le trouver pour lui
demander de maintenir les conditions de paix pour leurs territoires
près de Homs et des villes des ismaéliens. Le sultan leur répondit :
« Je refuse à moins que vous ne renoncez aux tributs annuel de Hamah
qui est de quatre mille pièces d’or, celui de Bilad Bouqabays qui
est de huit cents pièces d’or et celui des villes des ismaéliens qui
est de mille-deux-cents pièces d’or et cent moud de froment et
d’orge. » Les Hospitaliers acceptèrent ces conditions et obtinrent
un renouvellement du traité de paix cependant, il fut stipulé que le
sultan pourrait le rompre quand il le voudrait mais qu’il les
informerait à l’avance.
Cette même année, des nouvelles arrivèrent que
les croisés d‘Acre avaient tué quatre Musulmans qu’ils avaient
trouvés à Tin Shayshah. Le sultan donna aussitôt des ordres pour les
représailles et les troupes entrèrent sur le territoire des croisés
ou ils tuèrent plus de deux cents d’entre eux avant de se retirer en
emmenant avec eux un grand nombre de bœufs et de buffles.
Du raid des Musulmans en Arménie et
dans le Sultanat de Roum
Cette année, al-Malik al-Mansour et ses troupes
marchèrent sur Darb Bissak et se rendirent à Darband. Le roi
arménien Haytboum, le fils de Constantin, avait fait élever des
tours de garde sur le sommet des montagnes et cédé le trône à son
fils Lifoun, le roi de Sis, pour mener une vie monacale. Ce dernier
marcha à la rencontre des Musulmans ou il fut fait prisonnier tandis
que son frère et son oncle paternel furent tués. Un de ses autres
oncles réussit à prendre la fuite mais son fils fut aussi
du nombre des prisonniers. Les douze autres princes qui les
accompagnaient s’enfuirent mais les Arméniens perdirent dans la
bataille leurs plus braves soldats. L’armée musulmane poursuivit les
fuyards, tuant ou faisant prisonniers tous ceux qui tombèrent sous
ses sabres. Les Musulmans s’emparèrent aussi par la force des armes
d’une forteresse imprenable des templiers ou tous les hommes en
armes furent exécutés et la citadelle brûlée sur eux avec tous ce
qu’elle contenait. Les Musulmans poussèrent jusqu’à la ville de Sis
qu’ils dévastèrent ainsi que toutes les régions avoisinantes en
prenant un très grand nombre de prisonniers.
Ensuite, l’émir al-‘Iqan se dirigea vers le
Sultanat de Roum et l’émir Qalawoun vers Massissah, Adnah, Ayas, et
Tortose ainsi qu’un grand nombre de places fortes qu’il détruisit et
ruina par les flammes en prenant aussi nombres de prisonniers et un
butin considérable avant de revenir à Sis ou était resté le prince
de Hamah. Un bœuf était vendu deux dirhems sans trouver d’acheteurs.
Le sultan qui reçut la nouvelle de ces succès
alors qu’il était à la chasse près de Jaroud, offrit au messager
mille dinars et lui donna le grade d’émir. Puis, il reprit la route
de Damas et après avoir fait ses préparatifs, il partit à la
rencontre de son armée, le 13 du mois de Dzoul Hijjah. Arrivé à
Qarah, il fut informé que les habitants de cette ville exerçaient
contre les habitants des campagnes de nombreuses humiliations et que
tous ceux qui tombaient entre leurs mains étaient vendus aux croisés
de la ville d’Acre. Le sultan ordonna à ses troupes de piller les
habitants de cette ville, ce qui fut fait. Les hommes furent tués,
les femmes et les enfants pris en captivité.
Les troupes de l’expédition contre Sis
arrivèrent et présentèrent au sultan la part du butin qui lui
revenait et qu’il redistribua aux soldats de même qu’il traita
courtoisement le roi de Sis et les autres prisonniers. Le sultan
retourna alors à Damas le 24 de ce même mois précédé par le roi de
Sis et offrit aux émirs, aux princes et aux soldats des robes
d’honneurs puis, le souverain de Hamah retourna dans son domaine
après avoir été comblé de faveur par le sultan Baybars et avoir reçu
quantité de chevaux, d’objets de valeurs et de robes d’honneurs.
Cette même année, des messagers envoyés par
Abaghah le fils d’Houlakou arrivèrent à la cour du sultan pour
offrir des présents et demander la paix.
Toujours cette année, le sultan décidé à en
finir avec les abus, fit répandre partout le vin et supprima dans
tout son territoire les lieux de débauches.
Cette année aussi, vit le retour de ‘Ali Ibn
al-Mousta’sim, le fils du calife, qui jusqu’alors était retenu
prisonnier chez les Tatars.
Les croisés
reçoivent des renforts de Chypre
Au mois de Mouharram de l’année 665 de l’Hégire
(1266), le sultan envoya les émirs Sayf ad-Din al-Baktimour as-Saqi
et Shihab ad-Din al-Bourana à la tête d’un corps de troupes et des
soldats montagnards en mission et ils revinrent à Safad après avoir
coupé des roseaux sur le territoire des croisés. Ces derniers
reçurent de Chypre environ mille-cinq-cent cavaliers en renforts
avec qui ils effectuèrent des incursions dans le territoire de
Tibériade. Lorsque les Musulmans furent informés de ces nouvelles,
l’armée marcha sur Acre, attaqua les croisés et en tua un grand
nombre d’entre eux.
Le 27 du mois de Joumadah Thani, le sultan
partit pour la Syrie, accompagné d’un nombre considérable d’émirs
dont al-Malik al-Mansour, le souverain de Hamah, laissant derrière
lui la plus grande partie de son armée. Arrivé à Gaza, il congédia
le prince et reçut des messagers envoyés par les croisés qui lui
amenèrent avec des présents, un grand nombre de prisonniers
musulmans. Le sultan fit revêtir ces derniers et leur rendit la
liberté avant de se diriger vers Safad. Sur la route, il fut informé
que les Tatars avaient tenté de prendre Rahbah mais que les
habitants de cette ville les avaient mis en déroute après tué ou
pris prisonniers un grand nombre d’entre eux.
Le sultan s’arrêta à Damas ou il resta cinq
jours avant de reprendre la route de Safad ou il entreprit avec ses
hommes des travaux de fortifications de la ville. Peu après, des
envoyés croisés qui vinrent discuter de la paix furent témoins de
l’empressement que tout le monde mettait à cette entreprise. (A
chaque fois que le sultan se déplaçait, il recevait la visite
d’envoyés des croisés. Si leur mission officielle était pour des
pourparlers de paix et offrir des cadeaux, ils venaient surtout pour
s’informer des intentions secrètes du sultan et espionner les
activités des Musulmans, ce que vous avez certainement bien comprit)
Mais le sultan préparait une expédition secrète et quand les croisés
furent rassurés pensant qu’ils étaient en sécurité, ils partirent.
Le sultan se mit alors aussitôt en marche et ils ne furent informés
de ses intentions qu’au moment où ils le virent avec ses troupes
tous en armes devant les portes d’Acre ou ils tuèrent tous les
croisés qui tombèrent sous leurs mains. Le sultan passa alors la
nuit et la matinée du jour avant de reprendre la route de Safad.
Lorsque les envoyés des croisés arrivèrent, ils
virent les têtes piquées au bout des lances tandis que les
prisonniers prit au cours du raid furent amené et exécuté. Le sultan
somma les envoyés croisés et leur dit : « Cette opération a été
exécuté en représailles des raids que vous avez conduit sur le
territoire de Shaqif. » Et il les renvoya, sans leur avoir accordé
la paix.
Le 21 du mois de Sha’ban, le sultan se mit de
nouveau en route de Safad avec ses troupes et prit la route d’Acre
et encore une fois, les croisés ne furent informé de ses mouvements
que lorsqu’il fut devant les portes de la ville. Le sultan ordonna
alors à ses troupes de génie de détruire tout ce qu’il y avait en
dehors de la ville comme édifices et comme arbre tandis qu’il
veillait à leur sécurité sa lance à la main et durant quatre jours,
tout fuit ruiné et incendié. Ce n’est qu’à ce moment-là, qu’il
reprit la route de Safad.
Le
renouvellement du traité de paix avec Tyr
Au mois de Ramadan de cette même année, des
envoyés la ville de Tyr arrivèrent à la cour du sultan et
demandèrent le renouvèlement de la trêve ce qu’il accepta pour une
durée de dix années à la condition de payer pour l’assassinat
d’as-Sabik ash-Shahin, une expiation de 15 000 dinars souri à ses
enfants. Ils en payèrent la moitié et le reste ne fut pas exigé
d’eux. Les croisés livrèrent aussi un certain nombre de prisonniers
du Maghreb.
Cette même année, Barakah Khan Ibn Sayn Khan
Ibn Joushi Khan décéda et Mango Timour Ibn Touqan Ibn Batou Khan Ibn
Joushi Khan Ibn Shinjiz Khan lui succéda au trône de Kabjak dans la
ville de Saray. Barakah Khan fut très attaché à l’Islam et prit pour
capitale la ville de Saray. Il fut un des monarques les plus
marquants qui régna sur les Tatars.
La
reconstruction de la ville de Safad
En l’an 666 de l’Hégire (1267), les travaux de
reconstruction de la ville de Safad se poursuivirent. Une citadelle
fut construite avec des portes sécrètes qui débouchaient dans le
fossé et lorsqu’elle fut achevée, il fut gravé sur les murs cette
inscription : « « Et Nous
avons écrit dans le Zabour, après l’avoir mentionné (dans le Livre
Céleste), que la terre sera héritée par serviteurs vertueux »,
qui sont les véritables soldats d’Allah et qui serons toujours
vainqueurs. Cette citadelle a été rebâtie, fortifiée, fournie et
achevée par le sultan al-Malik az-Zahir Abou al-Fath Rouqn ad-Din
Baybars après qu’il l’eut pris des maudits croisés et la redonna aux
Musulmans et substitué la vraie religion à l’erreur, l’appel à la
prière au son des cloches et le Qur’an à l’Évangile. Il participa en
personne aux travaux et transporta sur sa tête avec ses serviteurs
la terre et les pierres des fossés. Que tout prince de l’Islam qui
tiendra cette forteresse et défenseur de la religion qui habitera
cette place, accorde à ce souverain la part de récompense qui lui
est due en faisant des invocations de la miséricorde divine pour
lui, en secret comme en public car tous demandèrent : « Puisse Allah
Exalté relever cette citadelle, » après avoir imploré pour sa
reprise. Les vrais croyants triompheront jusqu’au jour du dernier
jugement. » »
Ce même mois, le sultan écrivit au roi Mango
Timour, le successeur de Barakah, pour lui offrir ses condoléances
et l’inciter à faire la guerre contre le fils de Houlakou.
Plus tard, le sultan ordonna de rebâtir la
mosquée d’al-Khalil. L’émir Jamal ad-Din Ibn an-Nahar se rendit sur
les lieux pour superviser les travaux et les achever.
La chute de
Jaffa et de Shaqif
Cette même année, alors qu’il était à le
chasse, il reçut la nouvelle que les Tatars marchaient sur Alep. Il
rentra alors à la citadelle de la Montagne et donna ordre de
préparer les tentes pour de départ. Il passa en revue le matériel de
guerre et tous ceux dont les tentes étaient dans un état déplorable
furent durement blâmés. Des courriers furent aussitôt expédiés en
Syrie ordonnant aux troupes de se mettre en marche et lorsque les
messagers arrivèrent près de Banyas, le messager délivra les lettres
scellées qui étaient destinées aux émirs ‘Alim ad-Din al-Hansi et
Badr ad-Din al-Atabaki et qui leur ordonnait de procéder au siège de
Shaqif. Les croisés ne furent informés que lorsque l’armée des
Musulmans apparut sous les murs de la place.
Le troisième jour du mois de Joumadah Thani, le
sultan quitta son camp à Bab-an-Nasr et se rendit à Gaza. Ayant
appris que plusieurs transporteurs avaient causé des dommages dans
un champ, il les fit punir et l’émir ‘Alim as-Sanjar al-Hamawi qui
avait traversé une plaine cultivée fut contraint de descendre de son
cheval qui fut remis en dédommagement au propriétaire du champ avec
tout ce qu’il avait sur lui.
Le 20 de ce même mois, il quitta la ville de
‘Awjah ou il était descendu après Gaza et prit la route de Jaffa.
Sitôt qu’il arriva devant la ville, il assiégea celle-ci et la prit
le même jour de même que la citadelle qu’il fit totalement détruire.
Le sultan fit construire plusieurs mosquées dans la localité et
abolit quantité d’usages blâmables dans cette ville et celle de
Loud. Puis, il établit des Turcomans dans les provinces de Palestine
et sur la côte pour défendre le pays contre l’ennemi.
Toujours ce même mois, le sultan ordonna de
rebâtir la ville d’al-Khalil puis, le mercredi 19 Rajab, il se
rendit vers la ville de Shaqif accompagné en plus de juristes et de
savants qui venu pour combattre dans la voie d’Allah. Vingt-six
mangonneaux et catapultes furent alors déployés et activées sans
interruption tandis que les assauts se succédèrent les uns aux
autres si bien que la ville tomba par la force des armes, le dernier
jour du mois. Les femmes et les enfants des croisés furent tous
envoyés à Tyr. Les croisés quant à eux furent tous enchainés et
livrés aux soldats.
Au mois de Sha’ban, un envoyé du prince de
Beyrouth se présenta au sultan avec des présents ainsi que les
marchands égyptiens qui avaient été abordé en mer avec leur
chargement et fait prisonniers depuis de longues années. Le sultan
ne cessa de demander leur remise en liberté jusqu’à ce qu’il parvint
à les faire tous libérer avec tous leurs biens.
La prise
d’Antioche
Le 10 de ce même mois, le sultan Rouqn ad-Din
Baybars quitta Shaqif et se rendit dans le voisinage de Banyas après
avoir fait envoyé ses bagages à Damas. Il envoya alors les émirs
‘Izz ad-Din al-‘Iqan et Badr ad-Din al-Aydamouri chacun vers une
destination particulière afin d’empêcher les croisés de s’approcher
de n’importe quelle direction. Puis le sultan marcha sur Tripoli ou
il arriva sous les murs de la ville quelques jours plus tard. Il
exacerba les défenseurs par de nombreuses escarmouches, s’empara
d’un fort proche et fit exécuter tous les croisés de la garnison.
Les troupes firent des raids dans les montagnes, prirent un grand
nombre de prisonniers et un immense butin. Le sultan donna alors
l’ordre de ruiner les environs, ce qui fut fait et le 24 de ce même
mois, ordonna le retrait.
Le prince croisé de Safithah et de Tortose vint
à sa rencontre, pour lui présenter ses hommages en compagnie de
trois cents prisonniers musulmans qui étaient en son pouvoir. Le
sultan le remercia, et ne toucha pas à ses terres. Lorsqu’il arriva
à Homs, il supprima l’usage du vin et d’autres abus blâmables puis
se rendit à Hamah, sans que personne ne sache quelle était sa
destination. Il divisa alors son armée en trois corps; l’un sous le
commandement de l’émir Badr ad-Din al-Khazindar, un autre sous le
commandement de l’émir ‘Izz ad-Din al-‘Iqan tandis qu’il prit le
commandement du troisième corps. Al-Khazindar prit la route de
Souwaydiyah, al-‘Iqan marcha vers Darb al-Bissak ou ils tuèrent ou
firent prisonniers un grand nombre d’ennemis. Le sultan se rendit à
al-Afamiyah ou il établit son camp puis peu après, toutes
se rassemblèrent sous les murs d’Antioche.
Dans la matinée du premier jour du mois de
Ramadan, le sultan Rouqn ad-Din Baybars ordonna d’encercler la ville
qui se trouva bloquée de tous les côtés. Le troisième jour, le camp
de l’armée était complètement établi et durant les trois prochains
jours, le sultan envoya des messagers aux croisés, pour leur
demander soit de se soumettre ou de faire face aux assauts mais ils
rejetèrent ses propositions et les attaques commencèrent dès lors
avec une extrême force.
Les Musulmans escaladèrent les remparts du côté
de la montagne près de la citadelle et descendirent dans la ville.
Les habitants se réfugièrent dans la forteresse et tous ceux qui
furent trouvés dans la ville furent passés par le sabre ou fait
prisonniers. La population de la ville s’élevait à plus de cent
mille hommes et très peu échappèrent du fait que les émirs gardaient
les portes pour empêcher toute fuite. La citadelle quant à elle
contenait huit-mille combattants, sans compter les femmes et les
enfants. Ils demandèrent et obtinrent des garanties. Le sultan monta
vers eux avec des cordes et les prisonniers furent attachés et
livrés à ses soldats tandis que leurs noms étaient consignés sur des
registres en présence du sultan. La ville d’Antioche avait appartenu
jusqu’alors à Bohémond, fils de Bohémond, qui possédait également
Tripoli ou il avait pris résidence.
La nouvelle de ces victoires furent envoyée
dans les différentes provinces. Le butin comparable à des immenses
montagnes fut amené et partagé entre les soldats et il fallut
beaucoup de temps pour tous peser. Puis, le sultan ordonna de mettre
le feu à la citadelle et c’est tout Antioche qui s’embrasa. Une
immense quantité de fer et de plomb fut récupéré et des marchés
établis à l’extérieur de la ville qui attirèrent un grand nombre de
commerçants. Toutes les forteresses dans le voisinage de la ville se
soumirent sans combattre et le 11 de ce même mois, l’émir Bilik
al-Ashrafi prit possession de ces places et fit prisonniers tous les
hommes qui s’y trouvaient.
La
libération de Shams ad-Din as-Sounqour al-Ashkar
Haythoum le roi de Sis, ne cessa de demander la
libération de son fils Lifoun en échange d’une rançon considérables
et plusieurs forteresses. Quand les Tatars conquirent Alep à
l’époque d’al-Malik an-Nassir, ils avaient fait prisonnier l’émir
Shams ad-Din as-Sounqour al-Ashkar. Le sultan demanda donc au roi de
Sis qu’il consentirait à libérer son fils s’il ramenait as-Sounqour
et restituât les forteresses qu’il avait prises et qui dépendaient
d’Alep. Le roi demanda un délai d’une année et lorsque le délai fut
expiré, il envoya un message au sultan pour l’informer qu’il avait
retrouvé as-Sounqour et obtenu sa liberté. Il rétracta aussi la
promesse qu’il avait faite de rendre les forteresses et le sultan
Rouqn ad-Din Baybars lui envoya une lettre disant : « Puisque tu
montres tant de dédain pour ton fils et héritier, j’en montrerai de
même pour as-Sounqour avec lequel je ne suis uni par aucun lien de
parenté. Fais lui donc ce que tu veux. C’est à toi, et non pas à
moi, que l’on doit reprocher le manque de parole. »
Lorsque le roi reçut la lettre datée d’Antioche, il éprouva
une vive crainte et la paix fut aussitôt conclue sur les conditions
initiales, à savoir qu’il rendrait les forteresses et les
territoires musulmans avec toutes les provisions qu’elles
renfermaient et dans l’état où elles se trouvaient lorsqu’il en fit
la conquête. Qu’il libérerait as-Sounqour comme le sultan libèrerait
de son côté le fils et le neveu du roi, ainsi que leurs pages. Des
otages seraient envoyés au sultan chez qui ils résideraient jusqu’au
moment où il aurait pris possession des forteresses. Le traité fut
écrit dans la ville d’Antioche et des émirs furent envoyés chez le
roi Haythoum pour lui faire porter serment. Entre temps le sultan
fit envoyer chercher Lifoun qui se trouvait au Caire.
Le sultan retourna alors à Hamah suivit par
l’armée puis partit pour Homs et prit la route de Damas, où il fit
son entrée, le 26 du mois ou le prince de Sis fut amené devant lui
et qu’il traita avec considération. Le 27, Haythoum jura
l’observation du traité. Le troisième jour de Sha’ban, Lifoun signa
à son tour le traité avant de retourner chez lui le 11 sur les
chevaux de la poste et accompagné de l’émir al-Bijkah qui le remit à
son père. Les otages promis arrivèrent et résidèrent à la cour,
jusqu’au moment où les forteresses furent remises. Ils furent alors
rendus à Haythoum chargés de nombreux présents. Lorsque Lifoun
arriva à Sis, as-Sounqour al-Ashkar fut remis en liberté et envoyé
au sultan. Le sultan sortit à la rencontre de l’émir, dont l’arrivée
n’était connue de personne et qu’il prit soin de tenir secrète. Il
l’amena et le logea dans sa tente où ils passèrent la nuit.
Le lendemain matin, tout le monde se rassembla
pour saluer le sultan quand il sortit de sa tente accompagné
d’as-Sounqour dont la vue causa un vif émoi. Le sultan Rouqn ad-Din
Baybars lui fit remettre de l’argent, des robes d’honneurs, des
ceintures, des chevaux, des mules, des chameaux, des Mamalik et tout
ce qui pouvait lui être nécessaire suivit par les émirs qui lui
offrirent des présents. Le sultan le combla de bienveillance et lui
fit bâtir une maison dans l’enceinte de la citadelle de la Montagne
et lorsqu’il arriva au Caire, il lui attribua le grade d’émir et
l’admit dans le cercle de ses proches.
Le 13 du mois de Sha’ban, l’émir Shams ad-Din
Aqsounqour al-Farighani, le majordome du sultan, conquit la
forteresse de Baqras des croisés. Toute la population avait pris la
fuite excepté une vieille femme bien que la place était abondamment
fournie de provisions et de munitions.
Ce même jour, des envoyés d’Acre arrivèrent
pour le renouvellement du traité. Il fut décidé que Hayfa et trois
villages appartiendrait aux croisés, que la ville d‘Acre et son
territoire serait partagé en deux, que la plaine du voisinage de
Carmel et de Sa’idah resterait sous la domination des croisés tandis
que les parties élevées reviendraient cédées au sultan. La trêve
durerait dix années et que les prisonniers seraient remis en liberté
de part et d’autre.
La libération de ‘Izz ad-Din
Kaykoubad Ibn Kaykhousrou
Cette année, ou suivant d’autres rapport,
l’année 668 de l’Hégire (1269) (70), le Khan Mango Timour Ibn
Touqan, le souverain des Tatars déclara la guerre à Lascaris,
l’empereur byzantin en envoyant une de ses armées sur ses terres qui
enlevèrent ‘Izz ad-Din Kaykoubad Ibn Kaykhousrou qui, comme nous
l’avons déjà mentionné, était prisonnier dans une forteresse. Ce
prince fut amené avec sa famille à Mango Timour qui l’honora et lui
donna une épouse. Kaykoubad séjourna à sa cour jusqu’à sa mort en
l’an 667 ou 668 de l’Hégire. Son fils Mas’oud, retourna dans ses
terres héréditaires ou il monta sur le trône.
En l’an 667 de l’Hégire (1268), le sultan
Baybars, fit construire une estrade dans l’hippodrome de la hors du
Caire près de Bab an-Nasr où il se rendait chaque jour, à l’heure de
midi, pour s’exercer à lancer des flèches et qu’il ne quittait qu’en
fin de soirée. Il encouragea tout le monde à tirer de l’arc et à se
lancer entre eux des défis et cela devint la principale occupation
de tous les émirs et Mamelouk et bientôt cela devint l’activité
favorite des hommes de toutes les classes.
Le 12 du mois de Joumadah Thani, le sultan
partit pour la Syrie accompagné de l’émir Izz ad-Din al-Halabi, des
principaux émirs, et d’un corps de troupes. Il laissa la plus grande
partie de l’armée auprès d’al-Malik as-Sa’id. Lorsqu’il arriva à
Gaza, il distribua à ses soldats une gratification puis vint camper
devant Oursouf ou se trouvait de nombreux pâturages tout autour de
la ville.
Il reçut alors une lettre du roi de Sis, qui
annonçait l’arrivée d’un messager envoyé par Abaghah, le fils
d’Houlakou qui désirait s’entretenir avec le sultan qui envoya
aussitôt l’émir Nassir ad-Din Ibn as-Sayram pour escorter le
messager afin qu’il ne parle à personne et qu’il ramena à Damas, où
il fut reçu sans aucun protocole et qu’un logement lui fut attribué
dans la citadelle. Dès que le sultan fut informé de son arrivée, il
quitta d’Oursouf où il laissa ses bagages, et se mit en marche,
escorté par ses émirs. Arrivé à Damas, il reçut l’envoyé qui était
porteur d’un message qui disait : « Le roi Abaghah partit des
contrées orientales a conquis le monde entier sans que nul n’ai pu
lui résister et tous ceux qui ont essayé périrent de mort naturelle
ou violente. Quant à toi, que tu montes au ciel ou que tu descendes
vers la terre, tu ne saurais nous échapper. Il vaut donc mieux pour
toi de conclure une paix durable avec nous. » L’ambassadeur devait
aussi dire de vive voix au sultan : « Toi qui es un esclave, qui as
été vendu dans la ville de Siwas, comment oses-tu braver les rois,
souverains de la terre. » Une réponse fut donnée à la lettre
l’envoyé congédié.
L’inspection secrète du sultan Baybars
Le 14 du mois de Sha’ban, le sultan feignit une
indisposition et mandat les médecins dans sa tente. Dès le matin,
les émirs entrèrent auprès de lui, et le trouvèrent ayant le corps
ramassé, dans l’attitude d’un homme qui souffre. Puis, lorsque tout
le monde fut convaincu qu’il était malade, il se déguisa, sortit de
sa tente et avec quelques émirs, il se rendit secrètement en Egypte
pour inspecter ce qui se
passait dans ses états, et voir par lui-même de quelle manière son
fils al-Malik as-Sa’id gouvernait l’Égypte. Ayant réussi dans son
dessein, et après être revenu aussi secrètement dans son camp après
un voyage de quelques jours, il ordonna par un édit de supprimer,
dans les villes de Foustat et du Caire, ainsi que dans tous les
territoires d’Egypte, l’usage du vin, les choses blâmables et les
courtisanes et tout le pays se trouva délivrée du vice. Les cabarets
où se tenaient habituellement les hommes débauchés furent renversés.
Les prostituées furent emprisonnées jusqu’à ce qu’elles se marient
tandis qu’un très grand nombre de dépravés furent exilés.