La rupture de la trêve
avec les croisés d’Acre
Cette année, les croisés répandirent la rumeur
de la mort du sultan mais envoyèrent toutefois un messager pour
demander une trêve. Quatre Mamalik du sultan qui s’étaient enfuis se
réfugièrent à Acre mais ce dernier les fit demander. Les croisés
refusèrent de les renvoyer à moins qu’un dédommagement leur soit
versé ce qui le mit en colère et leur exprima des sévères reproches.
Les Mamalik lui furent alors remis bien qu’ils aient apostasiés et
embrassé la religion chrétienne. Le sultan Baybars fit alors arrêter
les envoyés des croisés qui furent enchaînés et il écrivit à leurs
différents souverains pour les informer que la paix était rompue.
L’émir al-Aqoush ash-Shamsi fit une expédition sur leur territoire
et tua ou fit prisonniers un grand nombre des leurs et le 20 du mois
de Ramadan, le sultan marcha sur Tyr ou il tua ou prit un grand
nombre d’ennemis avant de regagna son camp. Quelques temps après, il
envoya des troupes pour moissonner leurs récoltes et intercepter les
convois à destination de Tyr.
Le 26 du même mois, les officiers du sultan
prirent la puissante forteresse de Balatounous et le même jour, des
troupes parties de Bira prirent la route de Karkar ou ils
incendièrent tout ce qu’ils trouvèrent sur leur passage et prirent
un immense un grand butin. Les Musulmans s’emparèrent d’une
forteresse située entre cette ville et Kakhtah par la force des
armes, massacrèrent la garnison et prirent un butin considérable sur
lequel ils prélevèrent le cinquième pour le Trésor Public.
Cette même année, les croisés de Beyrouth
envoyèrent un messager au sultan avec un présent et des prisonniers
musulmans qui furent aussitôt remis en liberté. Le sultan accepta de
leur accorder une trêve.
Du raid
conjoint des Tatars et des croisés près d’Alep
Au mois de Safar de l’année 668 de l’Hégire
(1269), le sultan Baybars qui était alors à Alexandrie fut informé
que les Tatars de concert avec les croisés de Palestine s’étaient
mis en campagne. Il retourna à la citadelle de la Montagne quand les
nouvelles arrivèrent que les Tatars avaient fait un raid sur le
territoire de la ville de Sajourj près d’Alep. Le sultan envoya
aussitôt un corps de troupes sous le commandement de l’émir ‘Ala'
ad-Din al-Boundouqdari à qui il recommanda de stationner à la
frontière de la Syrie et d’être toujours prêt à marcher.
Accompagné d’un petit nombre de personnes, le
sultan quitta la citadelle dans la nuit du lundi 21 du mois de Rabi’
Awwal pour Gazali avant d’entrer à Damas, le 7 du mois de Rabi’
Thani après avoir extrêmement souffert du froid sur la route. Le
sultan campa alors à l’extérieur de Damas et apprit peu de temps
après que les Tatars qui avaient été informé de son arrivée,
s’étaient hâtés de prendre la fuite. Par la grâce d’Allah Exalté,
tous les ennemis étaient convaincu que sa seule présence équivalait
à une nombreuse troupe suffisante pour vaincre les ennemis et que la
seule mention de son nom avait la vertu de faire fuir les mécréants.
D’autres nouvelles arrivèrent que des armées de
croisés avaient quitté l’occident et avaient envoyé des messagers à
Abaghah, le fils de Houlakou, pour lui annoncer qu’ils venaient sur
de nombreux navires et qu’ils le rejoindraient près de Sis, comme
cela avait été convenu. Mais Allah Exalté à Lui les Louanges et la
Gloire, fit lever un vent violent qui détruisit un grand nombre de
ces bâtiments qui tombèrent dans l’oubli car on n’entendit plus
parler des autres vaisseaux ou des survivants.
Les croisés marchent sur Safad
Peu de temps après la réception de ces
nouvelles, il fut informé que l’armée des croisés d‘Acre était
sortie de la ville et établit son camp hors de celle-ci avant de se
mettre en marche, encouragé par les renforts qu’ils avaient reçus de
l’occident, qu’un de leur corps de troupe se dirigeait vers les
troupes musulmanes postées à Jinayn (Jinan) et un autre contre
celles de Safad.
Le sultan quitta alors Damas sous prétexte
d’aller chasser à Barqout et envoya en même temps des courriers avec
l’ordre de lui apporter sa logistique de guerre et d’activer toutes
les troupes de la Syrie qui se trouvèrent rassemblées au complet à
Barqout dans la matinée du mardi 28 de ce même mois.
Sous son commandement, l’ensemble des troupes
et le sultan se dirigèrent vers Jisr Ya’qoub où ils arrivèrent à la
fin du jour et en repartirent durant la
nuit pour se retrouver au matin levant à l’entrée de la
plaine.
Il avait précédemment fait prévenir les troupes
qui stationnaient à ‘Ayn Jalout et Safad, qu’une attaque imminente
allait avoir lieu et leur avait recommandé de prendre la fuite
lorsqu’elles verraient arriver les croisés.
Le sultan se plaça en embuscade et lorsque les
croisés, qu’Allah les maudisse, se présentèrent pour attaquer les
troupes de Safad, l’émir al-‘Iqan marcha à leur rencontre, suivit
par l’émir Jamal ad-Din al-Hajji accompagné des émirs de Syrie puis,
par les émirs Itmish as-Sa’di, al-Kidqadi qui commandait le corps
d’élite al-Halqah. Les émirs de Syrie combattirent avec la plus
grande bravoure tandis que le sultan suivit avec sa garde rapprochée
les émirs de la Halqah. Cependant, lorsqu’il les rejoignit, les
cavaliers des croisés étaient renversés avec leurs chevaux et leur
armée écrasée. Un grand nombre de leurs chefs furent fait
prisonniers et les Musulmans ne perdirent dans la bataille que
l’émir Fakhr ad-Din at-Tounbal al-Fayzi.
Les nouvelles de la victoire furent envoyées
dans les diverses provinces et le sultan retourna à Safad, faisant
porter devant lui les têtes des ennemis tombés sur le champ de
bataille. De là, il se dirigea vers Damas, où il entra précédé par
les prisonniers et par ceux qui portaient les têtes. II offrit des
robes d’honneur aux émirs avant de repartir pour Hamah d’où il prit
la route de Kafartab sans que personne ne sache quels étaient ses
desseins.
Il divisa ses troupes en plusieurs corps après
avoir laissé ses bagages et prenant avec lui l’élite de son armée,
il marcha sur Markab mais les pluies diluviennes qui tombaient
l’empêchèrent d’aller plus en avant et il retourna à Hamah où il
campa dix-neuf jours sous les murs de la ville avant de reprendre la
route de Markab. Lorsqu’il arriva près des villes des ismaéliens,
des tempêtes de pluies et de neige stoppèrent son avance et le
sultan fut contraint de revenir sur ses pas.
Il se remit en campagne le troisième jour du
mois de Joumadah Thani, escorté de deux cents cavaliers et descendit
sur la forteresse d’al-Akrad puis accompagné d’environ quarante
cavaliers, il gravit la montagne sur laquelle s’élevait la
forteresse. Les croisés en très grand nombre et couverts de fer
sortirent pour l’attaquer. Il en tua alors une partie et mit le
reste en fuite qu’il poursuivit jusqu’au bord des falaises. Là, pour
témoigner son mépris envers l’ennemi, il s’écria : « Laissez les
faire une sortie après tout, nous ne sommes que quarante cavaliers
qui ont pour toute armure que des vêtements blancs. » Mais personne
ne sortit le défier alors, il regagna son camp et sur sa route de
retour, les chevaux ruinèrent les champs de la région.
Le sultan retourna à Damas où il reçut la
nouvelle que le roi de France accompagné de plusieurs princes
croisés, s’était mis en mer et que sa destination était inconnue. Le
sultan s’activa avec ardeur à mettre les places fortes en état de
défense et fit construire des navires. Puis il partit pour l’Egypte,
où il arriva le second jour du mois de Shawwal.
Comment le
Sultan Baybars s’apprêta à marcher sur Tunis
Au mois de Mouharram de l’année 669 de l’Hégire
(1270), une lettre écrite par Bisou Noujay, un proche parent de
Barakah Khan le souverain des Tatars et le principal commandant de
ses troupes de ce prince arriva et dans laquelle, il annonçait qu’il
avait embrassé l’Islam. Il lui fut répondu par des félicitations et
des louanges.
Plus tard, les nouvelles arrivèrent que le roi
de France, accompagné de plusieurs princes croisés, s’était dirigé
vers Tunis et avait attaqué les habitants de cette ville. Le sultan
écrivit au souverain de Tunis, pour lui annoncer que ses armées
allaient se mettre en marche pour le secourir contre les croisés. En
même temps, il écrivit aux Musulmans de Barqah et des provinces du
Maghreb pour leur demander de porter assistance à
leurs frères assiégés. Il leur ordonna de creuser des puits
sur la route que ses troupes suivraient. Il faisait les préparatifs
de l’armée, lorsqu’il reçut les nouvelles que le roi de France était
mort, ainsi que son fils et une partie de son armée, que les Arabes
auxiliaires étaient arrivés à Tunis, que les puits avaient été
creusés et qu’enfin, les croisés avaient quitté l’Ifriqiyah après
s’être embarqué le cinquième jour de Safar.
Le septième jour de ce même mois, le sultan se
rendit à Ascalon afin de raser ce qui restait de cette ville par
crainte qu’elle ne fût occupée par les croisés. Il établit son camp
dans la place et travailla en personne à détruire tout ce qui
restait de la citadelle et des murailles et tout fut rasé jusqu’au
sol. Le sultan Baybars retourna alors en Egypte et arriva à la
citadelle de la Montagne, le 8 du mois de Rabi’ Awwal.
La chute de la forteresse de
Safithat et de Hisn al-Akrad
Le 10 du mois de Joumadah Thani, le sultan
quitta le Caire, accompagné de son fils al-Malik as-Sa’id, et se
dirigea vers la Syrie ou il fit son entrée à Damas, le 8 de Rajab.
De là, il se rendit à Tripoli en tuant ou faisant prisonniers tous
les croisés qui tombèrent sur sa route. Puis, il se dirigea vers la
forteresse de Safithat qu’il prit et les croisés, au nombre de sept
cents hommes sans compter les femmes et les enfants, furent forcés
de quitter la ville. Le sultan s’empara successivement des forts et
des tours qui se trouvaient dans le voisinage de la forteresse
d’al-Akrad et le 9 de ce même mois, il assiégea cette dernière. Il
fut alors rejoint par le prince de Hamah, de Sahyoun, et Najm
ad-Din, le chef de la secte des hérétiques ismaéliens. A la fin du
même mois, il fit déployer contre la place plusieurs mangonneaux et
la citadelle fut prise par la force des armes le 16 du mois de
Sha’ban. Comme les occupants avaient demandé des garanties pour la
capitulation, le sultan accepta que les croisés quittent la place,
ce qu’ils firent le 24 de ce même mois. L’émir Sarim ad-Din Kafari
fut nommé gouverneur et laissé dans la forteresse après avoir reçu
l’ordre de rebâtir ce qui avait été ruiné.
Le souverain de Tortose envoya des messagers
pour demander la paix qui lui fut accordée mais uniquement pour la
ville de Tortose. Le sultan reprit ainsi aux croisés tout ce qu’ils
avaient pris sous le règne d’al-Malik an-Nassir. Il exigea qu’ils
abandonnent tous les revenus ses territoires soumis à l’Islam et que
les revenus des territoires de Markab et de ses dépendances
reviendraient en moitié à lui et l’autre aux Hospitaliers. De même,
qu’aucune nouvelle construction dans la ville de Markab ne serait
tolérée et sur ces conditions, la paix fut conclue et les croisés
évacuèrent plusieurs forteresses, dont le sultan prit possession.
Le 17 du mois de Ramadan, le sultan Rouqn
ad-Din Baybars assiégea la forteresse de ‘Aqqar et après avoir
déployé plusieurs mangonneaux, il commença l’assaut. L’émir Rouqn
ad-Din al-Mankouris fut tué par une pierre lancée d’une catapulte et
qui l’atteignit alors qu’il priait dans sa tente.
Le 29, les croisés demandèrent des conditions
et les drapeaux du sultan furent hissés sur les tours. La garnison
abandonna la forteresse et le sultan y célébra la fête des
Musulmans. Puis, il retourna dans son camp à Marj d’où il écrivit au
prince de Tripoli pour lui donner des conseils et lui recommander
l’extrême prudence.
De nouveaux
croisés débarquent à Acre
Le quatrième jour du mois de Shawwal et sans
ses bagages, le sultan, à la tête de ses troupes, se dirigea vers
Tripoli lorsqu’il fut informé que, dans les derniers jours du mois
de Ramadan, le roi d’Angleterre était arrivé sur environ trente
navires et débarqué à Acre avec trois cents cavaliers dans le but
d’accomplir le pèlerinage à Bayt al-Maqdis et que d’autres navires
qui transportaient sa suite l’avaient précédés. Le sultan vint
camper près de Tripoli et après plusieurs entretiens avec le
souverain de la ville, les croisés demandèrent la paix, et obtinrent
une trêve de dix années. L’émir Fakhr ad-Din Ibn al-Jilban et le
Qadi Shams ad-Din al-Akhnani furent envoyés, avec une somme de trois
mille dinars égyptiens, pour racheter les prisonniers. Le sultan
regagna son camp avant de retourner à la forteresse d’al-Akrad ou il
surveilla l’avancée des travaux et régla l’administration du
district.
Le 11 de ce même mois, le sultan Rouqn ad-Din
Baybars s’empara de la forteresse de ‘Oulayqah occupée par les
ismaéliens et après avoir laissé une garnison, il retourna à Damas,
où il entra le 15. Il en repartit le 24 pour camper à Safad et
envoya les machines de siège vers Qourayn ou il arriva sous les murs
de la ville qu’il assiégea. De là, Il se mit en marche et arriva tôt
dans la matinée devant les portes d’Acre mais voyant que les croisés
restaient à l’abri de leurs murailles, il regagna son camp à Qourayn
dont la forteresse avait appartenu aux hospitaliers arméniens, leur
seule et unique possession en Palestine. C’était une place
imprenable qui contraignit grandement la ville de Safad. Alors que
le sultan s’apprêtait à lancer une flèche contre la citadelle, il
vit passer un pigeon qu’il abattit. L’oiseau était porteur d’une
lettre écrite par un espion de son camp au service des croisés qui
contenait des détails sur le sultan.
De
l’expédition navale musulmane vers Chypre
Le premier jour du mois de Dzoul Qi’dah, le
sultan prit la périphérie de la citadelle puis le lendemain la
bastille. Les sapeurs s’attaquèrent alors à la muraille après que le
sultan promit de donner mille dirhems pour chaque pierre qu’ils
arracheraient. Pendant ce temps, les attaques se poursuivirent avec
acharnement jusqu’à ce que les assiégés demandent des termes pour
une capitulation. Il fut convenu qu’ils quitteraient librement la
forteresse et se retireraient où ils voudraient sans emporter ni
argent et ni armes. Lorsque cela fut fait, il ordonna de la raser le
24 ce de même mois.
Le sultan quitta alors la place et se rendit
près d’Acre ou il campa à Lajoun après avoir précédemment envoyé des
messages en Égypte avec l’ordre d’envoyer la flotte musulmane pour
faire une incursion dans l’île de Chypre. Les navires quittèrent le
port d’Alexandrie au mois de Shawwal mais, arrivés près de l’île,
ils se brisèrent sur des rochers et les habitants firent prisonniers
tous les équipages de ces navires. Le roi de Chypre écrivit au
sultan une lettre pleine de menaces et dans laquelle il lui disait :
« Onze galères égyptiennes qui faisant voile pour envahir Chypre ont
été brisées par le vent et leurs équipages sont tombées entre mes
mains. » Le sultan, à la lecture de ce message dit : « Louange à
Allah ! Depuis mon intronisation, mon drapeau n’avait essuyé aucun
échec et je craignais le mauvais œil. Cet échec me met à l’abri d’un
autre. » Il envoya au Caire l’ordre de construire vingt galères et
de faire revenir cinq autres bâtiments qui se trouvaient à Qous et
adressa au prince de Chypre une réponse hostile.
L’échec de l’expédition arriva comme suit :
Le sultan avait donné l’ordre d’équiper
dix-sept galères pour mener une expédition contre l’île de Chypre
après avoir été informé que le souverain de Chypre venait d’arriver
à Acre avec sa flotte et profiter ainsi de son absence. L’amiral Ibn
al-Hassoun conseilla de peindre les navires en noir pour imiter ceux
des croisés et d’y hisser des pavillons ornés de croix pour tromper
et surprendre ces derniers, ce qui fut suivit bien que vu d’un
mauvais œil. Les navires voyagèrent et arrivèrent en vue de l’île et
du port de Limassol mais furent surprises par la nuit. Le premier
navire croyant entrer dans le port se fracassa sur les écueils où il
se brisa et les autres vaisseaux qui le suivaient connurent le même
sort. Un vent violent se leva et repoussa les épaves loin du port en
les jetant les uns sur les autres. Onze galères furent perdues et
tous leurs équipages, soit plus de 1 800 hommes, tombèrent aux mains
de l’ennemi. Ibn al-Hassoun, le commandant de la flotte, regagna le
port d’attache avec le reste des navires. Les croisés échangèrent
les officiers et les archers contre leurs confrères aussi
prisonniers exceptés les six Raïs (navigateurs) dont ceux
d’Alexandrie et de Damiette.
Le sultan, voulut les racheter et envoya l’émir
Fakhr ad-Din al-Moukri à Tyr pour négocier leur libération
cependant, les croisés demandèrent un prix excessif. Les prisonniers
avaient été transférés à Acre et enfermés dans une prison fortifiée.
Le sultan ordonna alors à l’émir Sayf ad-Din, un des commandants de
Safad, de faire tout son possible pour les libérer. Cet émir réussit
à acheter avec de grandes sommes d’argents leurs gardiens qui leur
apportèrent des limes et des scies et ainsi, les prisonniers
s’échappèrent des cachots de la citadelle et s’embarquèrent sur une
barque puis sur des chevaux qui avaient été préparé pour la
circonstance et se rendirent au Caire. Personne, dans la ville
d’Acre ne fut informé de leur évasion mais lorsque l’information
perça, de violents troubles s’ensuivirent dans la ville.
Cette même année, des messagers envoyés par le
prince de Tyr arrivèrent à la cour du sultan pour demander la paix.
Après des pourparlers, il fut décidé que les croisés conserveraient
quinze villes du territoire de Tyr et que les cinq autres qui
étaient plus grandes reviendraient au sultan et que le revenu serait
partagé en deux. Le traité agrée fut signé et assermentés par les
deux partis.
Toujours cette année, la nouvelle arriva que
les croisés avaient fait un raid sur le territoire de Shaqour, qu’il
avait pris la place après avoir ruiné la région et incendié les
grains.
Cette année aussi et en été, une inondation
ruina Damas et la furie des flots emporta un grand nombre de
personnes, déracina les arbres, combla les rivières, et renversa les
maisons. L’eau s’éleva si haut qu’elle submergea les créneaux du
rempart et passa par-dessus.
Au mois de Sha’ban de cette même année, La
Mecque fut inondée et l’eau pénétra à l’intérieur de la Ka’bah.
Nouvelle
expédition des Tatars et des croisés
Le 26 du mois de Safar de l’année 670 de
l’Hégire (1271), le chef des ismaéliens Shams ad-Din Ibn Najm
ad-Din, se rendit chez le sultan où il fut arrêté et emprisonné avec
ses compagnons puis tous furent envoyé en Égypte. Le siège de leurs
forteresses se poursuivit jusqu’à ce que les émirs du sultan
prennent celles de Khawabi et de ‘Oulayqah.
Les nouvelles arrivèrent qu’au milieu du mois
de Rabi’ Awwal, les Tatars avaient fait une incursion sur le
territoire de ‘Ayntab et avancés vers ‘Ouq. Le sultan envoya un
message en Égypte pour ordonner à l’émir al-Bayssari de se mettre en
marche à la tête de trois mille cavaliers. Le courrier quitta Damas,
à la troisième heure du dimanche 18 et arriva au Caire, à la
troisième heure de la nuit du vendredi 21 de ce même mois.
Al-Bayssari quitta la ville du Caire le mercredi suivant.
Les Tatars marchèrent sur Harim et tuèrent un
très grand nombre de personne. Les troupes d’Alep se retirèrent vers
Hamah tandis qu’Aqsounqour à la tête de son armée arriva de Janin.
La population de Damas abandonna la ville et
l’émir al-Bayssari fit son entrée à Damas le 4 du mois de Rabi’
Thani. Le sultan se dirigea alors vers Alep avec ses troupes et
envoya l’émir Aqsounqour al-Farikani avec un grand nombre d’Arabes à
Mar’ash. Al-Hajj Taybars al-Waziri et l’émir ‘Issa Ibn Mouhannah
furent envoyés vers Harran et Edesse ou ils tuèrent tous les Tatars
qui se trouvaient dans Harran forçant le reste d’entre eux à
s’enfuir.
Puis, le sultan fut informé qu’une alliance de
croisés et de Tatars avaient mené une expédition contre la
forteresse de Qakoun ou l’émir Houssam ad-Din avait été tué, l’émir
Rouqn ad-Din al-Jalik blessé et que le gouverneur al-Bijka al-Alay
avait abandonné la place. Le sultan quitta alors aussitôt Alep sans
se faire précéder afin d’empêcher les croisés d’être informé de sa
marche et entra à Damas, faisant conduire devant lui un grand nombre
prisonniers Tatars pris à Harran.
L’émir Aqoush ash-Shamsi à la tête des troupes
d’Ayn Jalout s’était entre temps rendu à Qakoun mais les croisés
informés de son arrivés s’étaient enfuis devant lui cependant, il
partit à leur poursuite et tua un grand nombre d’entre eux et
délivra un grand nombre de Turcomans.
Du reproche
fait au souverain de Tunis pour avoir pris les croisés à son service
Le sultan quitta Damas, le troisième jour du
mois de Joumadah Awwal, à la tête des armées d’Égypte et de Syrie
pour entreprendre des incursions sur le territoire d‘Acre. Lorsqu’il
arriva dans la plaine de Barqout, il tomba des trombes de pluies
diluviennes qui allaient en croissant si bien que les soldats furent
sur le point de mourir de froid. Le prince congédia aussitôt les
troupes de Syrie et se dirigea vers l’Égypte ou il arriva à la
citadelle de la Montagne, le 23 de ce même mois et trouva un présent
envoyé par le souverain de Tunis mais, ce dernier avait employé dans
sa correspondance des expressions inconvenantes, si bien que le
présent fut partagé entre les émirs. Le sultan lui écrivit une
sévère réponse mélangée de menaces et de conseils, lui reprochant de
se livrer ouvertement à des actes coupables, d’avoir pris les
croisés à son service, de ne pas avoir fait de sortie contre ces
derniers qui l’assiégeaient mais qu’il s’était tenu caché et il
poursuivit : « Un homme comme toi est indigne de régner sur les
Musulmans. »
Quelques temps après, des messagers envoyés par
Roger le souverain de Sicile arrivèrent pour intercéder en faveur du
prince d’Acre. Le sultan les reçut alors qu’il était assis dans le
chantier naval au milieu des pièces de bois et des ouvriers. Les
émirs en personne portaient les mats des navires qui étaient en
construction et à ce spectacle, les envoyèrent furent frappés
d’épouvante.
Au mois de Rajab, le sultan sortit pour la
chasse et se dirigea vers Salahiyah mais il fut informé que les
Tatars s’étaient mis en campagne et retourna à la citadelle de la
Montagne pour en ressortir le 3 du mois de Sha’ban et marcher vers
la Syrie. Lorsqu’il arriva à Sawadah, il reçut des messagers envoyés
par les croisés d’Acre venus demander une trêve. Il poursuivit sa
marche et le 21 du mois de Ramadan, après avoir envoyé aux croisés
l’émir Fakhr ad-Din al-Ayar al-Moukri et le secrétaire Fatah ad-Din
Ibn al-Qayssirani, il campa dans les plaines de Césarée et conclut
avec les croisés une trêve, qui devait durer dix ans, dix mois, dix
heures.
Le sultan retourna alors à Damas ou il entra le
second jour du mois de Shawwal. Des envoyés Tatars se présentèrent
devant lui pour demander la paix. Le sultan leur envoya les émirs
al-Moubariz ad-Din Toussi, at-Tabardar et Fakhr ad-Din al-Moukri
avec des présents destinés à Abaghah, le fils de Houlakou et pour
d’autres personnes. Ils quittèrent la ville le 15 de ce mois et
lorsqu’ils arrivèrent à la cour d’Abaghah, ce dernier les combla
honora, leur accorda des robes d’honneurs et leur accorda la
permission de repartir.
Cette même année, le sultan s’occupa avec
passion à fabriquer des flèches. Tous les émirs et ses proches
s’empressèrent alors de suivre son exemple. Il écrivit à al-Malik
as-Sa’id et aux autres gouverneurs pour les inciter à faire de même.
En conséquence, tous ses émirs se livrèrent à cette activité. Le
sultan fabriqua un grand nombre de flèches, qu’il tailla, polit et
garnit de plumes.
Après avoir célébré la fête du Sacrifice, il se
dirigea vers la forteresse d’al-Akrad où il arriva le 21 du mois de
Dzoul Hijjah et inspecta les travaux de construction. Il ordonna à
ses émirs de remplir la forteresse de pierres pour les mangonneaux
et participa en personne à creuser et réparer le fossé. Puis, il
quitta la place et se dirigea vers la forteresse de ‘Aqqar où aida
aussi aux travaux de construction. Il ordonna d’activer les machines
de sièges pour voir la portée des pierres lancées.
Au mois de Joumadah Thani, une girafe qui se
trouvait dans la citadelle de la Montagne mit bas un petit qui fut
nourri par une vache.
Cette année aussi, une femme de Damas mit au
monde, en une seule couche, sept fils et quatre filles, après une
grossesse qui dura quatre mois et dix jours mais tous les enfants
moururent tandis que la mère survécut.
Le 5 du mois de Mouharram de l’année 671 de
l’Hégire (1272), le sultan arriva à Damas quand il fut informé que
les Tatars s’étaient mis en campagne. Dans la nuit du 6, après la
dernière heure du soir, le sultan quitta la ville sur les chevaux de
la poste, accompagné des émirs al-Bayssari, Aqoush ar-Roumi, Jarmak,
Jarmak an-Nassiri, Sounqour al-Alfi, et ‘Alim ad-Din Shakir le
préposé de la poste. Poursuivant sa marche sans interruption, il
arriva à la citadelle de la Montagne, le samedi 13 de ce même mois
et comme il n’était pas attendu, son entrée dans la citadelle
surprit tout le monde. Il donna l’ordre aux troupes de se préparer
pour partir pour la Syrie. Il écrivit aux émirs de Damas qu’il
allait bientôt se rendre à Bira pour inspecter la province.
Le lundi 15, le sultan se rendit à Misr ou il
s’embarque sur le Nil et la flotte musulmane simula devant lui un
combat naval.
Le mercredi 17, le sultan fit partir les
troupes pour la Syrie et le 19, il les rejoignit avec ceux qui
étaient venus avec lui sur les chevaux de la post et entra de nuit
dans la citadelle de Damas.
Les Tatars
assiègent Bira
Au mois de Safar, des envoyés du roi Abaghah et
du Sultanat de Roum arrivèrent et furent reçus sans d’honneur. On
les laissa faire le pied de grue devant la porte des gouverneurs
d’Alep et de Hamah. Ils étaient venus demander que Sounqour
al-Ashkar négocie la paix puis changèrent leur requête et
demandèrent que le sultan ou son premier lieutenant se rende chez
Abaghah pour conclure le traité. Le sultan dit aux envoyés : «
Puisque c’est Abaghah qui veut la paix, il faut qu’il vienne
négocier en personne ou qu’il envoie au moins un de ses frères. »
Et sous le regard de ces envoyés, le sultan
ordonna aux troupes complètement en arme de manœuvrer et de simuler
un combat dans un champ situé hors de la ville puis, le 4 du mois de
Rabi’ Awwal, les messagers furent congédiés.
Ce même mois, le sultan prit la ville de
Sahyoun qui lui fut remise par as-Sabiq ad-Din et Fakhr ad-Din, tous
deux fils de Sayf ad-Din Ahmad Ibn al-Mouzaffar ad-Din ‘Othman Ibn
al-Mankouris, après la mort de celui-ci et en vertu de ses volontés
testamentaires. Le sultan combla de bienfaits les deux frères, leur
accorda le rang d’émirs et envoya leurs familles à Damas.
Cette même année, la nouvelle arriva que les
Tatars étaient venus camper devant Bira ou ils avaient déployé des
machines de siège, qu’ils surveillaient les rives de l’Euphrate et
gardaient les passages pour empêcher quiconque de les attaquer
pendant leur opération. Le sultan Baybars envoya aussitôt à Harim
l’émir Fakhr ad-Din al-Himsi à la tête d’une partie des troupes
d’Egypte et de Syrie et l’émir ‘Ala' ad-Din al-Hajj Taybars
al-Waziri partit dans une autre direction. Le sultan quitta alors à
son tour Damas emmena avec lui des embarcations démontées sur des
chariots. Après une marche forcée, il arriva près des rives de
l’Euphrate ou il trouva les Tatars postés. Il immergea les barques
qu’il avait amenées et les remplit de combattants. Les Égyptiens et
les Tatars se couvrirent alors mutuellement d’une pluie de flèches.
Puis, l’émir Qalawoun se jeta dans l’Euphrate, qu’il traversa à gué
suivit de nombreux soldats et attaqua les Tatars qu’il écrasa et mit
en déroute. Alors, les autres troupes musulmanes s’élancèrent dans
l’Euphrate et le traversèrent à la nage. Les cavaliers tout en
armure ainsi que leurs montures, étaient serrés les uns contre les
autres, tenaient d’une main la bride de leurs chevaux et se
servaient de leurs lances dans l’autre en guise d’appui.
Le sultan fut un des premiers à traverser et à
mettre pied sur l’autre rive ou il prit le camp qui avait été
abandonné par l’ennemi et rendit grâce à Allah Exalté, en faisant
deux unités de prières de remerciements. Il envoya alors dans
plusieurs directions différents corps de troupe qui tuèrent ou
firent prisonniers un grand nombre d’ennemis. L’armée campa dans la
place la nuit du lundi et le lendemain reçut les nouvelles que les
Tatars, sous le commandement de leur chef Darbay, avaient
précipitamment quitté Bira, abandonnant leurs bagages et leurs
provisions qui avaient été récupéré par les habitants de la ville.
Le sultan resta un certain temps s’attendant à
une attaque des Tatars mais personne ne vint. Après avoir retraversé
l’Euphrate avec ses troupes et non sans difficultés, le sultan se
rendit à Bira ou il donna au gouverneur une robe d’honneur et mille
pièces d’or. Tous les habitants reçurent des présents et il leur fit
distribuer la somme de cent mille dirhems. Le sultan laissa alors un
corps de troupes pour renforcer la garnison et reprit la route de
Damas où il entra le 3 du mois de Joumadah Thani puis partit pour
l’Egypte et arriva à la citadelle de la Montagne, le 25 du même
mois.
Après quoi, les ambassadeurs de Mankou Timour,
ceux de l’empereur Lascaris et ceux des ismaéliens, reçurent leur
audience de congé, et se mirent en route dans le mois de Sha’ban.
La chute
des forteresses ismaéliennes de Maynaqah, Qoudmous et Qalif
Le 22 du mois de Dzoul Hijjah, le sultan
s’empara des forteresses de Maynaqah, Qoudmous et Qalif qui avaient
appartenu aux hérétiques ismaéliens ou fut conduit la prière du
vendredi et les invocations pour la bénédiction sur les Compagnons
(qu’Allah soit satisfait d’eux) du Messager d’Allah (Saluts et
Bénédictions d’Allah sur lui). Les innovations hérétiques furent
abolies et le dogme salutaire islamique réintroduit.
Cette année, le gouverneur de Qous quitta
Assouan, marcha sur la Nubie et arriva jusqu’à Dounkoulali avant de
revenir sur ses pas après avoir tué un grand nombre d’ennemis et
prit autant de prisonniers.
Durant ce même temps, le sultan prit toutes les
villes et les forteresses du territoire de Barqah. Puis des rumeurs
coururent que les croisés se préparaient à faire une expédition
contre l’Égypte alors le sultan ordonna la mise en chantier de
nouveaux navires et de placer des mangonneaux sur les remparts
d’Alexandrie ce qui fut fait et bientôt, plus de cents machines
furent disposées.
Cette même année, la forteresse de Kaynouk en
Arménie fut conquise par la force des armes par l’émir Houssam
ad-Din al-Lajin al-‘Atabi.
Cette même année aussi, l’esplanade de Bayt
al-Maqdis fut achevée. Le sultan s’exerça dans le Nil à nager revêtu
de son armure.
Le 24 du mois de Joumadah Thani de l’année 672
de l’Hégire (1273), informé par des lettres qui se succédaient
rapidement que les Tatars s’étaient mis en campagne, le sultan Rouqn
ad-Din Baybars ordonna à l’émir des Arabes ‘Issa Ibn Mouhannah, de
sortir à la rencontre de l’ennemi. ‘Issa arriva près de la ville
d’Anbar, le 18 du mois de Sha’ban et les Tatars qui croyaient que
c’était le sultan qui arrivaient, se retirèrent et rejoignirent
Abaghah qui retourna dans ses terres.
Cette même année, une épidémie se propagea en
Égypte et un grand nombre de personnes, principalement des femmes et
des enfants moururent. Ramlah et Jérusalem furent également ravagés
par une maladie et des fièvres causées par l’usage de l’eau de
puits.
En l’an 673 de l’Hégire (1274), le sultan se
rendit à Alexandrie et ordonna de rebâtir la partie du phare qui
s’était écroulée puis revint dans la citadelle de la Montagne d’où,
il envoya un message aux troupes d’Alep leur ordonnant de faire une
incursion sur le territoire de l’ennemi ce qu’elles firent. Les
troupes musulmanes pénétrèrent dans le district de Sis ou ils
récupérèrent un immense butin après avoir arraché
les portes de Mar’ash.
Du raid
Musulman sur Massissah et Sis en Arménie
Le 3 du mois de Sha’ban, le sultan quitta la
citadelle de la Montagne, prit la route de la Syrie, et entra à
Damas, le dernier jour du mois où il resta quelque temps avant de
partir à la tête de ses troupes pour Hamah, le septième jour du mois
de Ramadan. Il envoya alors à Bira un corps d’armée dont il donna le
commandement aux émirs ‘Issa Ibn Mouhannah et Houssam ad-Din
al-‘Atabi.
Les émirs Sayf ad-Din Qalawoun al-Alfi et Bilik
al-Khazindar se rendirent à Massissah ou ils entrèrent dans la ville
par surprise après avoir transporter sur le dos de montures des
barques démontées pour traverser les fleuve de Jahan et an-Nahr
Aswad dont tout compte fait ne furent pas nécessaires.
Après avoir traversé an-Nahr Aswad, le sultan,
à la tête des troupes restantes, rejoignit les deux émirs et malgré
les nombreux obstacles sur la route, l’armée s’empara d’un immense
butin. Le sultan entra dans la ville de Sis, en ordre de bataille et
y célébra la fête de la rupture du jeûne. Il livra la place au
pillage et fit détruire le palais du roi, ses pavillons et ses
jardins. Il envoya un escadron vers le Défilé de Roum qui s’empara
de Tatars dont un grand nombre de femmes et d’enfants. Les troupes
envoyées vers la côte, s’emparèrent de plusieurs vaisseaux dont ils
tuèrent l’équipage. D’autres corps, envoyés dans les régions
adjacentes tuèrent un grand nombre de soldats et prirent aussi un
très large butin. D’autres soldats envoyés vers Ayas, trouvèrent la
ville abandonnée, qu’ils pillèrent et incendièrent. Environ deux
mille croisés et Arméniens qui s’étaient enfuis sur des navires
coulèrent corps et âmes et furent tous engloutis par la mer. .
Les troupes musulmanes qui avaient été envoyées
à Bira, se dirigèrent vers ‘Ayntab et prirent un grand butin et
après que les Tatars s’enfuirent, les Musulmans s’en retournèrent.
Le sultan quitta Sis pour Massissah en passant par Darband.
Lorsqu’il traversa le défilé, il fit déposer le butin dans la plaine
d’Antioche qui se trouva remplie et procéda au partage entre tous
les soldats tandis que le Sultan ne prit rien pour lui-même. Lorsque
la distribution fut achevée, il se dirigea vers Damas où il entra au
milieu du mois de Dzoul Hijjah.
Au mois de Safar de l’année 674 de l’Hégire
(1275), le souverain du Maghreb le sultan Abou Yousouf Ibn
‘Abdel-Haqq partit en campagne pour combattre les croisés. Le prince
des croisés fut tué dans le combat avec environ dix mille hommes,
sept-mille furent fait prisonniers tandis que les musulmans
perdirent seulement environ trente soldats. Un butin considérable
fut recueilli et il ne fallut pas moins de quatorze-mille-six-cents
chameaux pour transporter le matériel de guerre.
Cette même année, les Banou Marine ouvrirent
les tombeaux des souverains Mouwahhid ‘Abdel-Mou'min Ibn ‘Ali et son
fils Ya’qoub al-Mansour auxquels ils tranchèrent la tête. A la même
époque, la nouvelle ville de Fez fut fondée et elle devint la
capitale des Banou Marine.
Le 23 du mois de Joumadah Awwal, le sultan
s’empara de Qoussayr, la principale forteresse du territoire
d’Antioche et donna le choix aux habitants de se rendre ou ils le
désiraient. Peu après, après avoir été informé que les Tatars
marchaient sur Bira, il rassembla ses troupes et quitta Damas pour
Homs cependant, il apprit en cours de route que les Tatars étaient
repartit d’où ils étaient venu et retourna à Damas.
De
l’expédition en Nubie
Cette année, le fils de la sœur du roi de
Nubie, nommé Mishkir arriva à la cour du sultan pour se plaindre des
injustices que lui faisait subir David le souverain de ce pays. Le 1
du mois de Sha’ban, le sultan envoya avec lui l’émir Aqsounqour
al-Farighani à qui il donna le commandement d’un corps de troupes et
alors qu’il se trouvait au-delà d’Assouan, il vit venir à sa
rencontre des Noirs, montés sur des chameaux. Il les attaqua, les
mit en déroute et prit un grand nombre de prisonniers. L’émir Izz
ad-Din al-‘Afrim prit la forteresse de Daw et tua ou fit prisonniers
beaucoup d’ennemis. Aqsounqour le suivit et arriva jusqu’à l’île de
Mika'il près des chutes de la Nubie, tuant ou prenant captifs tout
ce qui se trouvait sur son passage. Qamar ad-Dawlah qui avait sous
son commandement la moitié de la Nubie fut maintenu dans sa
possession.
Aqsounqour rencontra dans une bataille le roi
David qui perdit au cours de celle-ci un grand nombre de ses hommes.
Le roi réussit à s’enfuir mais son frère Shinkou fut prisonnier. Les
troupes d’Aqsounqour poursuivirent durant le roi en fuite durant
trois jours et prirent tout ce qui tomba sous leur main si bien que
tous habitants des villes se soumirent tandis que la mère du roi
ainsi que sa sœur furent prise prisonnières.
Mishkir fut alors intronisé à la place de David
et il lui fut imposé un tribut annuel de trois éléphants, trois
girafes, cinq panthères femelles, cent chameaux roux et cent bœufs.
Il fit convenu que le revenu du royaume serait partagé en deux,
qu’une moitié reviendrait au sultan et l’autre au roi pour être
consacré à l’entretien et à la garde du royaume. De même, les deux
régions d’al-‘Ali et de Jabal proche d’Assouan, soit un quart de la
Nubie, seraient cédées au sultan. Du coton et des dattes seraient
aussi livrées ainsi que les droits anciennement établis. Il fut
offert aux Nubiens le choix entre l’Islam, la Jizyah ou la guerre et
ils choisirent la Jizyah s’engageant à payer un dinar pour chaque
jeune homme pubère.
La bataille
de Houwayn
En l’an 675 de l’Hégire (1276), le sultan Rouqn
ad-Din Baybars fit ses préparatifs pour conquérir le pays des
Salajik (Sultanat Seljouk de) Roum et donna aux émirs de cette
province des chevaux, des tentes et tout ce dont ils auraient pu
avoir besoin pour l’expédition.
Le jeudi 20 du mois de Ramadan, le sultan
quitta la citadelle de la Montagne et le samedi suivant, il prit la
route de la Syrie, accompagné des émirs et des troupes de l’Islam.
Il fit son entrée à Damas le mercredi 17 du mois de Shawwal ou il
resta jusqu’au 20 du même mois avant de partir pour Alep où il
arriva le premier jour du mois de Dzoul Qi’dah. Le lendemain, un
jeudi, il prit la route de Jilan et envoya l’émir Nour ad-Din ‘Ali
Ibn al-Mahalli, le gouverneur d’Alep, à la tête de ses propres
troupes vers les rives de l’Euphrate pour empêcher que des Tatars ne
le traversent pour entrer en Syrie.
L’émir Sharf ad-Din ‘Issa Ibn Mouhannah vint
rejoindre l’armée du sultan et ce dernier après avoir laissé à Jilan
une partie de ses bagages, il la quitta le vendredi 3 de ce même
mois et marcha sur ‘Ayntab. Il franchit le Darband (passe) et campa
la nuit dans une plaine. Les troupes avançaient séparément et sous
forme d’escadrons, comme il était de coutume lors des marches, et en
état constant d’alerte.
L’émir Sounqour al-‘Ashqar qui commandait
l’avant-garde tomba sur environ trois mille cavaliers Tatars qui
s’enfuirent aussitôt dès qu’ils le virent laissant derrière eux un
grand nombre de prisonniers. Lorsque leur commandant (des tatars)
fut informé, il envoya un corps d’Arabes de Khafajah pour prendre
par surprise l’armée d’Alep qui était stationnée sur les rives de
l’Euphrate cependant, il fut informé de leur approche par ses
espions et marcha sur eux puis les attaqua, les défit et leur prit
mille-deux-cents chameaux.
Le sultan fut bientôt informé que l’armée des
Tatars alliée à celle du Sultanat de Roum s’étaient réunies et
s’apprêtaient à l’attaquer. Il se prépara donc pour l’affrontement,
gagna avec ses troupes les hauteurs avoisinantes qui dominaient la
plaine de Houwayn dans la province d’Ablastine puis plaça ses
troupes en ordre de bataille.
Onze corps de Tatars de plus de mille cavaliers
arrivèrent suivit par l’armée du Sultanat de Roum qui formait un
corps à part et distinct. Lorsque l’ennemi approcha de l’ennemi, les
cavaliers musulmans déferlèrent du haut de la montagne tel un
torrent impétueux et se rangèrent en ordre de bataille comme un seul
homme. Le sultan envoya en avant certains Mamalik et des commandants
de sa garde rapprochée qui luttèrent bravement avant qu’il ne charge
à son tour l’ennemi suivit par l’ensemble de ses troupes. Les Tatars
descendirent alors de leurs chevaux et combattirent résignés à périr
avant qu’ils ne soient écrasés et anéantis. Une partie de leur armée
qui s’était enfuie fut rattrapée par les troupes égyptiennes qui les
encerclèrent.
Mou’in ad-Din Souleyman, le commandant de
l’armée du Sultanat de Roum, s’échappa du combat et s’enfuit à la
tête de ses troupes vers Césarée ou il entra dans la matinée du
dimanche 12 du mois de Dzoul Qi’dah. Il rassembla alors, le sultan
Ghiyath ad-Din Kaykaous Ibn Kaykhousrou, le souverain du Sultanat de
Roum, ainsi que les hommes les plus distingués de la ville et quitta
aussitôt la ville par la route de Tawqat.
Après la défaite des coalisés, le sultan
Baybars occupa le camp des Roumi, fit amener les prisonniers dont
les émirs et des personnages éminents, la mère du commandant, son
fils, et le fils de sa fille à qui il pardonna tous et remit en
liberté. Les émirs Dayah ad-Din Ibn Khatir, Sayf ad-Din Qiran
al-‘Alay un des commandants de la Halqah, Sayf ad-Din Kafjak et un
grand nombre de soldats trouvèrent la mort au cours de la bataille.
Le nombre des blessés fut aussi très élevé. Le commandant des Tatars
tomba au cours de la bataille et le sultan fit exécuter tous les
prisonniers Tatars puis envoya l’émir Sounqour al-‘Ashqar à la
poursuite des fuyards avec une lettre adressée aux habitants de
Césarée ou il les exhortait à se soumettre. L’émir Sounqour tomba
sur un corps de Tatars qui transportaient des tentes et captura
certain d’entre eux mais le reste s’enfuit avec la tombée de la
nuit.
Comment le
sultan Baybars s’assit sur le trône des Seljouks à Césarée
Le sultan marcha alors sur Césarée (il s’agit
bien évidemment de Kayseri ou Césarée de Cappadoce appelée aussi
Mazaca), la capitale du Sultanat de Roum et prit toutes les places
qui se trouvaient sur sa route. Les habitants de Césarée, les
savants, les personnages éminents, les femmes et les enfants
sortirent à la rencontre du sultan. Les juristes et les soufis se
pressèrent autour de lui et l’accompagnèrent jusqu’à près du
pavillon du sultan Ghiyath ad-Din, le souverain du Sultanat de Roum,
ou ses tentes étaient dressées. Les habitants arrivèrent de toutes
parts et suivant leur coutume exécutèrent la cérémonie des Seljouks.
Les musiciens se présentèrent à leur tour mais il leur fut défendu
de faire usage de leurs instruments et de chanter. Il leur fut dit :
« Cette coutume, n’existe point chez nous et la circonstance ne
réclame pas des chants mais des témoignages de reconnaissance envers
Allah Exalté. »
Le sultan entra alors dans la ville de Césarée,
la capitale du royaume, s’assit sur le trône des descendants des
Seljouks et les gens le félicitèrent. Le commandant Mou’in ad-Din
Souleyman lui écrivit pour le congratuler et il fut invité à revenir
pour reprendre son trône. Il demanda un délai de quinze jours car il
espérait que le roi tatar Abaghah qu’il avait appelé à l’aide
viendrait et attaquerait al-Malik az-Zahir (Rouqn ad-Din Baybars).
Cependant, le sultan fut informé de son projet et quitta Césarée
après avoir envoyé vers l’Arménie l’émir Taybars al-Waziri qui
rejoignit l’armée, après avoir ravagé la région. Puis, le sultan
marcha sur Ablastine pour se rendre sur le champ de la dernière
bataille et voir les ossements des Tatars qui avaient péri au cours
de celle-ci. Les habitants d’Ablastine l’informèrent qu’ils avaient
compté sept-mille-six-cent-soixante morts et le sultan donna l’ordre
de rassembler les morts musulmans pour les ensevelir et d’en laisser
seulement un petit nombre sur le sol pour montrer aux Tatars que les
pertes de l’armée égyptienne étaient infimes. Alors, il continua sa
marche et traversa difficilement le défilé le 4 du mois de Dzoul
Hijjah.