‘Ayn Jalout

 

Le vendredi 25 du mois de Ramadan, le soleil se leva sur la vallée pleines de troupes ou les deux armées se faisaient face et sur le battement persistant des tambours du sultan et des émirs. Les Tatars montèrent alors à cheval et engagèrent la bataille. Une des ailes de l’armée du sultan fut enfoncée et al-Malik al-Mouzaffar retira son casque qu’il jeta à terre et cria de toute ses forces : « Ya Islama, ya Islama, ya Islama ! » avant de se jeter en personne sur l’ennemi, accompagné de ceux qui l’entouraient et combattit avec une extrême bravoure. Et Allah Exalté seconda ses efforts.

Kitbougha, le général des Tatars, fut tué dans l’assaut ainsi qu’al-Malik as-Sa’id al-Houssayn l’apostat qui combattait dans l’armée des Tatars. Allah Exalté à lui les Louanges et la Gloire mit en fuite le reste de leurs troupes poursuivit par les Musulmans qui massacrèrent un très grand nombre d’entre eux et en prirent autant prisonniers. L’émir Baybars se distingua particulièrement par son courage lors de la bataille.

L’armée égyptienne poursuivit les Tatars jusqu’à Balsan ou ces derniers firent volte-face et livrèrent un combat plus violent que le premier mais par la grâce d’Allah sur Ses serviteurs, ils furent de nouveau écrasé et mis en déroute après avoir perdu leurs commandants et un grand nombre de leurs soldats. A trois reprises durant la bataille, le sultan cria encore de manière à être entendu par tous : « Ya Islama ! Ô Grand Seigneur, protège Ton serviteur Qoutouz et fait le triompher des Tatars ! » Lorsque ces derniers furent vaincus la seconde fois, le sultan descendit de sa monture et se prosterna dans la poussière dont il se couvrit le visage pour rendre grâce à Allah Exalté de la victoire qu’Il lui avait accordé.

 

 

La vengeance des Musulmans de Damas

 

La nouvelle de la défaite des Tatars arriva à Damas le dimanche 27 de ce même mois tandis que la tête de Kitbougha, le général tatar fut emmenée au Caire. Zayn al-Hafidi, et les Tatars qui restaient quittèrent en hâte la ville, accompagnés de leur suite mais les habitants des villages les attaquèrent et pillèrent tout leur bagage. Damas resta au pouvoir des Tatars durant sept mois et dix jours.

Ce même jour, le sultan vint camper à Tabariyah d’où il écrivit aux habitants de Damas pour leur notifier la victoire qu’Allah Exalté l’avait gratifié et de la défaite des Tatars. Ce fut la première lettre qu’il adressa à la population de cette ville.

Lorsque les habitants reçurent la lettre, ils furent transportés de joie et se jetèrent sur les maisons des Chrétiens qu’ils pillèrent et détruisirent. Les églises furent incendiées et un grand nombre de Chrétiens furent tués et autant prit en esclavage. Ainsi les Musulmans se vengèrent de ce leur avaient fait subir les Chrétiens pendant le règne des Tatars, des mosquées qu’ils avaient détruits et de leurs constantes offenses comme nous l’avons précédemment mentionné.

Ensuite, les habitants de Damas pillèrent les habitations des Juifs et incendièrent leurs magasins avant de se tourner vers leurs synagogues mais des soldats les en empêchèrent. Puis, les gens attaquèrent plusieurs apostats qui avaient soutenus les Tatars, les tuèrent et détruisirent leurs maisons. Tous les Tatars qui se trouvaient dans la ville furent aussi exécutés.

 

A l’aube du 29, l’émir Jamal ad-Din Muhammad as-Salahi arriva à Damas avec une lettre du sultan al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz qui fut lue publiquement dans Dar as-Sa’adah et qui accordait aux habitants une amnistie générale.

 

Le mercredi, dernier jour du mois de Ramadan, al-Malik al-Mouzaffar, à la tête de ses troupes, arriva sous les murs de Damas et établit son camp où il resta jusqu’au deuxième jour de Shawwal avant d’entrer dans la ville.

 

Les Musulmans reprennent toutes les villes de Syrie tombées aux mains des Tatars

 

L’émir Rouqn ad-Din Baybars qui avait été envoyé par le sultan à Homs, massacra et fit prisonniers un grand nombre de Tatars avant de rentrer victorieux à Damas. Al-Malik-Mouzaffar reconquit toutes les villes de Syrie, depuis les rives de l’Euphrate jusqu’à la frontière de l’Egypte.

 

Al-Malik al-Ashraf Moussa, le prince de Homs, et qui avait exercé le pouvoir au nom d’Houlakou, demanda des garanties qui lui furent accordées.

 

Les Tatars qui s’étaient enfuis se virent poursuivis jusqu’à Homs, ils abandonnèrent leurs bagages et relâchèrent leurs prisonniers et prirent la route vers la Palestine cependant, les Musulmans les surprirent et en tuèrent un certain nombre et tous les autres furent fait prisonniers.

 

Lorsqu’al-Malik an-Nassir Youssouf Ibn al-Malik al-‘Aziz, le prince de Damas se rendit chez Houlakou, il fut honoré et un salaire lui fut alloué. Le commandant tatar le rapprocha et le fit asseoir sur un trône auprès de lui. Il le nomma alors souverain des royaumes de la Syrie et de l’Égypte et lui offrit des robes d’honneur, un grand nombre de chevaux et des richesses considérables avant de lui ordonner de partir pour la Syrie quand il fut informé de la défaite de son armée et de la mort de son lieutenant Kitbougha. Il éprouva un vif chagrin, leva aussitôt son camp et repartit vers ses terres sans avoir fait rappeler auparavant le prince de Damas qu’il fit tuer.

 

Le 12 du mois de Shawwal, al-Malik az-Zahir al-Ghazi Ibn an-Nassir, al-Malik as-Salih Ibn Shirkouh, et plusieurs autres princes, partagèrent le même sort. L’épouse de Houlakou, Toukouz Khatoun, intercéda en faveur d’al-Malik al-‘Aziz Ibn an-Nassir et il fut le seul qui échappa à la mort. Houlakou retourna dans ses États.

 

La mort d’al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz et Baybars devient le nouveau sultan

 

Le mardi 26 du mois de Shawwal, le sultan quitta Damas pour l’Égypte. Il voulut se rendre à Alep mais lors d’un retour de chasse, il fut tué le 15 du mois de Dzoul Qi’dah.

Al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz (qu’Allah Exalté lui fasse miséricorde) régna onze mois et dix-sept jours. On a rapporté que le véritable nom de Qoutouz était Mahmoud Ibn Mamdoud et que sa mère était une des sœurs sœur du sultan Jalal ad-Din Khwarizm Shah et que son père était cousin de ce même prince.

 

L’émir al-Malik az-Zahir Rouqn ad-Din Baybars al-Boundouqdari, d’origine turque, fut acheté par al-Malik as-Salih Najm ad-Din Ayyoub et entra à son service ou il gravit les échelons. Après la mort tragique de son maître, il passa au service d’al-Malik al-Mou’azzam ou il resta jusqu’à son assassinat puis, il poursuivit son ascension et à la mort de Faris ad-Din Aktay (Aqtaï), il quitta le Caire pour la Syrie avant d’y revenir quelques temps après pour entrer au service de Qoutouz. Après l’assassinat de ce dernier, le 17 du mois de Dzoul Qi’dah, les émirs lui portèrent allégeance et le nouveau sultan prit le surnom d’al-Malik az-Zahir.

 

 

 

En l’an 659 de l’Hégire (1261), il y eut une épidémie de rats dans la région de Hawran peu après la moisson et dévorèrent la plus grande partie des grains qui se trouvaient dans les entrepôts. Les dégâts causés par ces rongeurs s’élevèrent à trois cent mille sacs de froment.

 

Cette même année, un corps de Tatars de six mille cavaliers firent une incursion dans le territoire de Homs. Al-Malik al-Ashraf Moussa Ibn Shirkouh, le souverain de la ville et al-Malik al-Mansour, le souverain de Hamah à la tête d’environ 1 400 cavaliers sortirent à la rencontre de l’ennemi. Ils furent rejoints par un grand nombre d’Arabes commandés par l’émir Zamil Ibn ‘Ali et ensemble, ils attaquèrent les Tatars près de Rastin, le vendredi 5 du mois de Mouharram. Les Tatars furent tous tués ou fait prisonniers et leurs têtes des morts ramenées à Damas qui à cette époque traversait une crise de famine.

 

Des travaux ordonné par le sultan al-Malik az-Zahir Baybars

 

Cette même année, al-Malik az-Zahir confia de l’agent et des objets précieux, à l’émir ‘Ala' ad-Din Laqmouri pour restaurer la mosquée du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui). Il envoya aussi des charpentiers et des matériaux pour reconstruire le dôme d’as-Sakhrah de Bayt al-Maqdis qui menaçait de s’effondrer et affecta des Waqf pour l’entretien de la ville d’al-Khalil. Il ordonna aussi de rebâtir la forteresse d’ar-Rawdah dont une partie s’était effondrée, des arches dans le district de Gizeh pour bénéficier de la crue du Nil, de reconstruire les fortifications d’Alexandrie et une tour de garde près de Rashid pour observer la mer. Il fit combler une partie de l’embouchure de Damiette et y envoya un grand nombre de tailleurs de pierres, avec des blocs de pierres, et des poutres pour combler le lit de cet affluent pour empêcher les grands navires d’y pénétrer.

Le sultan Baybars fit rebâtir toutes les forteresses de Syrie qui avaient été détruites par les Tatars, la citadelle de Damas, de Sayt, d’Ajloun, de Sarkhad, de Bosra, de Baalbek, de Shayzar, de Soubaybah, de Shimaymis et de Homs. Les fossés furent nettoyés, les tours agrandies et remplies de munitions et de provisions. D’immenses quantités de grains furent envoyées à Damas et distribuées dans les districts voisins pour encourager les cultivateurs. Il fit construire à de Damas Dar al-‘Adl, pour rendre la justice et Mashhad an-Nasr à ‘Ayn Jalout, un monument pour rappeler la victoire sur les Tatars.

Il fit de même établir sur toutes les routes des relais de poste pour accélérer la transmission des nouvelles et dépensa de grande somme d’argent pour ce service. Il fit surveiller avec une attention particulière la construction de navires de guerre qui avait été précédemment négligé et leur attribua des équipages. Le sultan fit aussi construire un grand nombre de galères dans les ports de Damiette et d’Alexandrie et visita l’arsenal maritime si bien que rapidement, il établit une flotte navale de plus de quarante galères sans compter un grand nombre de barques, de bâtiments de transport et d’autres embarcations,

 

Raids sur les terres occupées par les croisés

 

Cette même année, le sultan fit des incursions dans le territoire d’Antioche et ne revint que lorsque ses troupes eurent amassé un butin considérable et incendié les champs des croisés puis, il se rendit à Alep et y nomma l’émir ‘Ala' ad-Din al-Boundouqdari gouverneur de la ville. A peine le sultan avait-il quitté la ville que les croisés lui envoyèrent des cadeaux et lui demandèrent la paix mais il leur fixa des conditions qu’ils refusèrent alors il marcha avec ses troupes sur les terres de l’ennemi près de Baalbek. Les croisés supplièrent le sultan de retourner sur ses pas car la famine régnait dans toute la Syrie. La paix fut donc conclue sous les conditions que les choses resteraient telles qu’elles l’avaient été à la fin du règne de Malik an-Nassir et que tous les prisonniers qui avaient été faits depuis cette époque seraient mis en liberté.

Des messagers croisés arrivèrent pour signer le traité et négocier une trêve pour les seigneur de Jaffa et de Beyrouth. Les croisés firent des difficultés sur la clause des prisonniers et le sultan ordonna de faire transférer de Nablous à Damas, les prisonniers croisés et de les employer aux constructions. Les croisés prétendirent aussi une indemnité pour la ville de Zarin mais il leur fut répondu : « Sous le règne d’an-Nassir, vous avez reçu en échange de cette place celle de Marj al-‘Ouyoun et en plus de cela, vous avez conclu un autre accord du même genre avec le souverain de Sis dont vous avez reçu les prix. Comment osez-vous réclamer un double dédommagement ? Si vous vous en tenez aux clauses du traité, c’est parfait sinon, sachez que notre seul but est de combattre les mécréants. »

 

Entre temps, à la tête d’une armée, l’émir Jamal ad-Din Muhammad pénétra les terres des croisés et  revint sain et sauf chargé de butin. Un autre corps de troupes tomba sur des Arabes des Bani  Zoubayd qui semaient la corruption sur terre, tua un grand nombre d’entre eux et revint aussi avec du butin. Le sultan somma les émirs arabes, leur fit des présents, leur accorda des propriétés territoriales, leur confia la surveillance des diverses provinces et les obligea à garder les passages jusqu’aux frontières de l’Irak.

 

Cette même année, le sultan Baybars apprit que le commandant tatar Barakah s’était convertit à l’Islam. Il lui envoya donc une lettre pour l’inciter à faire la guerre à Houlakou.

 

Les Tatars qui étaient restés en Syrie firent une incursion sur le territoire d’Alep qu’ils ravagèrent et Baydirah leur chef, vint camper sous le mur de la ville qu’il assiégea cependant, lorsqu’il fut informé de l’approche de l’armée du sultan, il leva le siège et retourna d’où il venait.

 

La mort al-Moustansir Billah, le premier calife abbasside du Caire

 

En l’an 660 de l’Hégire (1262), après être retourné de ses terres natales, le commandant tatar Karbougha qui avait été nommé gouverneur de Baghdad par Houlakou, sortit pour combattre le calife al-Moustansir Billah (le premier calife abbasside d’Egypte). Il ravagea la ville d’Anbar et tua tous les habitants avant d’être rejoint par le reste des Tatars qui se trouvaient à Baghdad.

Au mois de Mouharram, le calife marcha à la rencontre de l’ennemi et rangea ses troupes en bataille. Il donna l’aile droite aux Turcomans, l’aile gauche aux Arabes et resta dans le centre avec un corps d’élite avant de se lancer en personne sur les Tatars et enfoncer leur avant-garde. Cependant, les Turcomans et les Arabes s’enfuirent aussitôt du champ de bataille quand ils virent les Tatars qui avaient été posté en embuscade. Le calife et son corps d’élite furent alors submergés par les tatars et tués jusqu’au dernier excepté environ cinquante d’entre eux qui réussirent à s’enfuit dont l’émir Abou al-‘Abbas Ahmad s’échappa qui se rendit en Égypte où il reçut le surnom d’al-Hakim Bi-Amrillah. Nul ne sut ce qui était advenu du calife. Certain ont dit qu’il fut tué dans le combat le 3 du mois de Mouharram et d’autres disent qu’il fut blessé et se réfugia dans une tribu d’Arabes ou il mourut après avoir régné moins d’une année.

 

Cette même année, l’émir Shams ad-Din Sounqour ar-Roumi ainsi que les émirs de Homs et de Hamah firent une incursion dans le territoire d’Antioche, assiégèrent le souverain de cette ville et incendièrent le port et tous les navires qui s’y trouvaient. Ensuite, ils attaquèrent et prirent la ville de Sou’aydah ou ils tuèrent ou firent prisonniers un grand nombre de croisés. Il retourna alors et arriva au Caire le dernier jour du mois de Ramadan, conduisant avec lui environ deux cent cinquante prisonniers. Le sultan les accueillit, les honora et leur donna des robes d’honneurs.

 

L’arrivée de Tatars convertis à l’Islam

 

Le 4 du mois de Ramadan, le gouverneur de la Syrie, l’émir ‘Ala' ad-Din Hajj Taybars al-Waziri fut arrêté, conduit en Égypte et emprisonné dans la citadelle de la Montagne. L’émir Jalal ad-Din Idaqdi Hajj Rouqni prit le commandement de la ville quand des rumeurs annoncèrent l’arrivée des Tatars.

Le sultan ordonna alors aux habitants de la Syrie de quitter le pays avec leurs familles et de se retirer en Égypte et bientôt des multitudes de personnes arrivèrent. Sur les ordres du sultan Baybars, les gouverneurs des provinces qui les faisaient escorter ne devaient absolument rien exiger d’eux et ni toucher à leurs biens. Des lettres furent envoyées à Alep pour ordonner aux soldats d’incendier les pâturages et des soldats furent envoyer vers Amid et autres places, ou ils mirent le feu aux prairies ou Houlakou avait l’habitude de camper. Le feu s’étendit dans une distance de dix journées de marche et tout cet espace fut couvert de cendres. Tout la province de Khilat fut incendiée et les épis encore verts coupés.

En même temps, des espions envoyés de Damas et d’autres villes tombèrent sur un grand  nombre de Tatars qui se dirigeaient vers l’Égypte pour se soumettre au sultan après que Barakah les eut envoyés en renfort à Houlakou mais la division avait éclaté entre les deux princes et Barakah avait ordonné à ses soldats de venir le rejoindre, ou si cela leur était impossible, de se rendre en Egypte pour joindre l’armée égyptienne. La raison de cette division était due au fait qu’une bataille avait eu lieu entre Barakah et Houlakou ou le fils de ce dernier avait trouvé la mort et ses troupes écrasée et mise en fuite. Houlakou s’était retiré dans une forteresse au milieu du lac d’Azerbaïdjan où il fut assiégé.

Ces nouvelles enchantèrent le sultan et tous furent heureux de savoir qu’Houlakou, occupé par des problèmes internes, était dans l’impossibilité de partir en guerre en Syrie. Les gouverneurs des villes reçurent l’ordre d’accueillir avec honneur les Tatars et de leur fournir tout ce dont ils auraient besoin. Des robes d’honneur et des présents leur fut aussi envoyé.

 

Le 26 du mois de Dzoul Hijjah, deux cents cavaliers tatars accompagnés de leurs familles arrivèrent au Caire et le sultan sortit à leur rencontre ainsi que tous les habitants sans exception pour les voir. Il leur fut assigné des logements qui avaient été construits pour eux dans le quartier de Louk, situé hors du Caire ou un grand festin leur fut organisé et ou robes d’honneur, des chevaux et des sommes d’argent considérables leur fut octroyés. Les principaux d’entre eux reçurent le grade d’émir et les autres furent incorporés parmi les Mamelouk Bahri et embrassèrent l’Islam. Le sultan écrivit une lettre à Barakah qu’il confia à deux messagers, le juriste Majd ad-Din et l’émir Kashtak.

 

Les Tatars prennent Mossoul

 

Cette même année aussi, le général tatar Sadaghoun à la tête de ses troupes arriva devant la ville de Mossoul et déploya vingt-cinq mangonneaux et comme la place n’était fournie ni en armes et ni en provisions, la famine ne tarda pas à se faire sentir. Lorsque le siège se prolongea, le vendredi 15 du mois de Sha’ban, al-Malik as-Salih Isma’il, le fils de l’atabek Lou'lou' fit une sortie mais fut fait prisonnier avec tous ceux qui l’accompagnaient. Lorsque les remparts de la ville furent en partie ruinés, les Tatars entrèrent dans celle-ci et tuèrent tous les habitants après neuf jours consécutifs de massacres. ‘Ala' ad-Din Ibn al-Malik as-Salih fut coupé en deux et la ville pillée. Les vainqueurs tuèrent tous les hommes, prirent en captivité les femmes et les enfants, détruisirent les édifices et transformèrent la ville en décombre avant de partir avec al-Malik as-Salih qu’ils tuèrent par la suite.

 

L’émir Shams ad-Din Aqoush al-Baraki quitta Alep au secours d’al-Malik as-Salih. Les Tatars le rencontrèrent près de Sinjar et le combattirent. Forcé de fuir, il se réfugia dans la ville de Bira, le 14 du mois de Joumadah Thani et après avoir demandé la permission de se retirer en Égypte, il prit la route du Caire où il arriva le premier jour de Dzoul Qi’dah. Le sultan l’accueillit avec honneur et lui attribua le grade d’émir et soixante-dix cavaliers.

Le gouvernement d’Alep fut donné à l’émir ‘Izz ad-Din Aydamouri ash-Shahabi qui attaqua les Arméniens de Sis et fit un grand nombre de prisonniers qui furent envoyés en Égypte ou ils furent exécutés.

 

Cette même année, peu de temps après la défaite d’al-Moustansir, les Sheikh des tribus arabes de ‘Abadah et de Khafajah, dont le territoire s’étendait d’Hit et d’Anbar jusqu’à Hillah et Koufah, dont Khidr Ibn-Badran al-Abadi, Shihri Ibn Ahmad al-Khafaji, Mouqbil Ibn Salim, ‘Ayash Ibn al-Hadithah al-Wishah arrivèrent à la cour du sultan qui les combla de présents car ils lui servaient d’espions auprès des Tatars.

 

 

Le 15 du mois de Joumadah Thani de l’année 661 de l’Hégire (1263), suite à l’invitation qui lui avait été envoyée, al-Malik al-Ashraf, le souverain de Homs, arriva chez le sultan qui sortit à sa rencontre, l’honora et lui envoya soixante-dix gazelles en lui disant : « Je les ai chassé aujourd’hui et réservées pour toi. »

 

 

 

L’emprisonnement d’al-Malik al-Moughith, le seigneur de Karak

 

En même temps, al-Malik al-Moughith quitta Karak pour les mêmes raisons après avoir longtemps refusé ses invitations pour plusieurs prétextes. Le sultan Baybars voulait à tout prix le rencontrer et gardant ses projets secrets, il l’amena par la ruse.

 

Le 26 du mois de Joumadah Awwal, al-Malik al-Moughith arriva à Bayssan et le sultan sortit à sa rencontre en apparat. Al-Moughith l’accompagna jusqu’à la tente royale et à peine fut-il entré, il se retrouva prisonnier. On somma alors les princes, les émirs et le Qadi al-Qoudat Shams ad-Din Ahmad Ibn-Khallikan de Damas, les témoins, les soldats et les des croisés. Il fut produit en leur présence les lettres adressées par al-Malik al-Moughith aux Tatars et les réponses de ces derniers, les autorisations des juristes à lui faire la guerre et toute la correspondance entre lui et Houlakou.

L’émir Atabek dit aux assistants : « Le sultan vous salue, et vous dit : « Ceci est le seul motif qui a justifié l’arrestation d’al-Malik al-Moughith. » Après quoi, toutes les lettres furent publiquement lues et un rapport fut consigné sur lequel les Qoudat apposèrent leurs signature avant de congédier l’assemblée. Le soir même, escorté par l’émir Shams ad-Din Aqsounqour al-Farakani, al-Malik al-Moughith fut envoya en Égypte dans la citadelle de la Montagne où il fut emprisonné. Sa suite fut libérée et ses épouses envoyées en Égypte ou il leur fut attribué un revenu.

 

Les agressions répétées des croisés

 

Le sultan ayant éliminé sa menace put enfin tourner toute son attention vers les croisés qui s’appuyant sur des prétentions mensongères, demandaient la restitution de Zar’in. Le sultan leur répondit : « Vous avez déjà reçu sous le règne d’al-Malik an-Nassir en échange de celle-ci, plusieurs villages de Marj al-‘Ouyoun. » Le sultan reçut au même moment des plaintes de gouverneurs qui se plaignaient des agressions répétées des croisés qui de ce fait avaient rompu la trêve.

Le sultan était déjà arrivé au milieu de leur territoire quand il lui fut remis les lettres de ces derniers dans lesquelles, ils affirmaient n’avoir point été informés de son arrivée. Il leur répondit : « Quiconque est à la tête d’une affaire doit être vigilant. Qui a pu ignorer la marche de cette armée et ne pas connaître le nombre élevé de ses soldats quand les animaux des déserts et les poissons sous les eaux en ont connaissance ? Il n’est pas un endroit où la poussière levée par nos les chevaux de notre armée n’a pas pénétré dans vos demeures. Peut-être même, le bruit de leurs sabots est parvenu aux croisés qui habitent au-delà de la mer et aux Tatars de Moukan. Si ces troupes sont arrivées près du seuil de vos maisons sans que vous en ayez connaissance, que savez-vous donc ? »

Les gouverneurs de Jaffa et d’Arsouf arrivèrent alors avec des présents qui furent acceptés et le sultan défendit à ses soldats de s’arrêter dans les champs des croisés, d’y lâcher un cheval, d’abimer une feuille, de saisir un animal ou de causer un seul tort aux fermiers.

 

Auparavant, le sultan avait reçu des lettres des croisés ou ils exprimaient leur regret d’avoir conclu une trêve et leur intention de la rompre cependant, qu’ils virent le sultan sur leur terre, ils changèrent d’opinion et préférèrent la paix et s’en tenir au traité.

Le jour de l’arrestation d’al-Malik al-Moughith, le sultan somma les croisés des différentes classes et leur demanda quelle était leur intention. Ils répondirent : « Nous voulons maintenir la trêve qui a été conclue entre nous. » Le sultan leur dit alors : « Pourquoi vous apprêtiez-vous à faire le contraire avant notre arrivée, avant que nous ayons sacrifié des richesses, qui si elles étaient fondues formeraient des mers ? Bien que nous n’avons ni endommagé vos récoltes ni un seul de vos biens vous avez empêché que nos troupes de recevoir des provisions. Alors que nous étions à Damas, vous nous avez envoyé une demande que nous avons acceptée mais quand nous vous avons envoyé la nôtre, vous avez refusé de l’accepter et écrit une autre sur laquelle vous avez prêté serment. Or les clauses du premier acte devaient se retrouver dans le second. Nous avons envoyé nos prisonniers à Naplouse puis à Damas mais vous nous n’en avez envoyé aucun et trompé. Nous vous avons envoyé Kamal ad-Din Ibn Shayth comme messager pour vous informer de l’arrivée de nos prisonniers mais vous nous avez envoyé personne. Vous n’avez eu aucune pitié pour les prisonniers qui professent pourtant la même religion que vous et qui étaient déjà à vos portes afin de ne pas vous priver des travaux que vous exigiez des prisonniers musulmans. Vous vous êtes engagés à rendre les sommes que vous avez volées aux marchands puis avez dit : « Ces richesses n’ont point été enlevées sur notre territoire mais dans la ville de Tortose. » Elles ont été ajoutées au trésor des templiers chez qui se trouvent nos prisonniers. Si Tortose ne vous appartient pas, Allah Exalté prouvera la vérité de votre affirmation. Lorsque nous envoyâmes des messagers à l’empereur des Grecs, nous vous avons écrit pour vous demander de faciliter leur voyage mais vous les avez envoyé vers Chypre ou vous les avez arrêtés, enchainés et soumit aux privations si bien que l’un d’entre eux mourut en prison. Quant à nous, nous avons toujours bien traité vos envoyés et vous savez pourtant que les envoyés ne sont jamais maltraités même en temps de guerre et qu’ils sont libres de tout mouvement. Si un acte a eu lieu contre votre gré vous le prenez comme un affront comment donc les rois peuvent-ils conserver leur vie et leurs richesses, si ce n’est en maintenant leur honneur ?

D’ailleurs, c’est dans la ville d’Acre que se trouvent la plupart des biens appartenant au prince de Chypre, ses vaisseaux et ses marchands sont stationnés chez vous et il n’est pas un souverain indépendant puisque des templiers, des chevaliers et le comte de Jaffa résident à ses côtés. S’il était autrement, vous n’aurez pas hésité à combattre contre lui et prendre ses biens.

D’autre part, sous le règne d’al-Malik as-Salih Isma’il, vous avez reçu les forteresses de Safad et de Shaqif en échange de votre aide contre le sultan al-Malik as-Salih Najm ad-Din. Vous lui avez porté secours mais vos soldats furent tués ou faits prisonniers et la force d’Isma’il fut écrasée cependant, le sultan vainqueur, loin de vous punir, vous combla de bienfaits et pour le remercier, vous vous êtes joints au roi de France avec toutes vos forces et l’avez suivi en Égypte et on sait quel fut le résultat de vos vains efforts. Avez-vous donc tenu vos engagements envers l’Egypte et quel succès avez-vous remporté ?

Enfin, vous aviez reçu les villes susmentionnée d’as-Salih Isma’il pour défendre la Syrie et les pays voisins mais je n’ai besoin ni de votre aide ni de votre secours. Restituez donc les terres que vous avez envahis et libérez tous les prisonniers musulmans car je n’accepterai aucune autre condition. »

 

Les croisés répondirent : « Nous n’avons aucune intention de rompre la trêve et nous implorons la bonté du sultan et le prions de maintenir le traité. Nous prendrons soin à ne plus causer de désagréments aux gouverneurs et libérons les prisonniers. » Le sultan leur répondit : « C’est ce qu’il fallait faire avant que nous quittions l’Egypte en hiver et sous la pluie et que nos armées ne foulent vos terres. » Et il ordonna de renvoyer les envoyés pour qu’ils ne passent pas la nuit dans le camp.

 

L’émir ‘Ala' ad-Din Taybars fut alors envoyé vers l’église de Nazareth qu’il détruisit sans qu’aucun croisé ne tente de la défende. L’émir Badr ad-Din Aydamouri à la tête d’un corps de troupes fit des raids jusqu’aux portes de la ville d’Acre avant de se retirer puis, lors d’une autre expédition, il tomba sur des troupeaux appartenant aux croisés (qu’ils avaient certainement eux même volés aux paysans musulmans) qu’il ramena dans le camp.

 

Le sultan Baybars assiège Acre

 

Le samedi 4 du mois de Joumadah Thani, le sultan se mit en marche après avoir choisi un cavalier sur dix et donné le commandement du camp en son absence à l’émir Shouja’ ad-Din Shibli. Il quitta son camp de Tour vers le milieu de la nuit et arriva le matin sous les murs d’Acre qu’il assiégea. Il envoya un corps de troupes pour assiéger une des proches tours sur qui les sapeurs s’activèrent immédiatement. Puis lorsque le soleil fut sur le point de se coucher, le sultan ordonna le retrait après avoir procédé à une reconnaissance totale des lieux pour démentir les croisés qui prétendaient que personne n’oserait s’approcher de la ville. Ainsi, ils purent constater du haut de leur rempart les activités du sultan sans pouvoir faire un seul mouvement.

Le lendemain, à la pointe du jour, le sultan repartit avec son armée pour Acre. Les croisés entre temps avaient creusé un fossé autour de la colline de Tall Foudoul, placé des chausse-trapes sur la route, et se tenaient en ordre de bataille sur la colline. Lorsque le sultan arriva devant eux, il arrangea ses troupes pour  la bataille et tous les Musulmans se mirent à invoquer le nom d’Allah Exalté, à Le Louer et proclamer Sa Grandeur. Le sultan encouragea cet élan, et toutes ces voix réunies formaient un immense choeur.

Le fossé fut rapidement comblé par les pages et ceux qui avaient voulu participer au combat dans la voie d’Allah Exalté puis, les Musulmans escaladèrent la colline que les croisés avaient évacuée pour se réfugier dans la ville et entreprirent de détruire toutes les tours qui se trouvaient près de la ville. Les arbres furent incendiés et une lourde fumée se propagea. L’armée arriva alors jusqu’aux portes de la ville et en court instant, un grand nombre de croisés furent tués ou faits prisonniers tandis que le sultan, debout sur le sommet de la colline, donnait les ordres adéquats pour permettre de prendre la ville. Les émirs venaient les uns après les autres provoquer en duel les croisés devant les portes et en tuèrent de nouveau un très grand nombre. Vers la fin de la journée, le sultan s’avança vers la tour qui avait été minée et elle s’écroula sous ses yeux. Quatre cavaliers et plus de trente fantassins furent capturés.

 

Le 7 du mois de Dzoul Qi’dah, les courriers de la poste en provenance de Bira et d’Alep apportèrent la nouvelle.

 

Le 6 du mois de Dzoul Hijjah, 1 300 cavaliers tatars se rendirent à la Haute Porte pour se soumettre au sultan qui ordonna de les recevoir avec bienveillance. Les principaux d’entre eux étaient Karamoun, Amtaghiah, Noukiah, Jarak, Kayan, Nassaghiah, Tayshour, Bantou, Soubhi, Jawjalan, Aj-Karka, Ad-Karak, Kiray, Salaghiah, Moutaqaddim, et Daraqan et le sultan sortit à leur rencontre. Dès qu’ils l’aperçurent, ils descendirent de cheval, et baisèrent la terre devant le monarque, qui resta en selle. Le sultan, après les avoir honorés, retourna à la citadelle du château.

Le 8 du même mois, le sultan leur fit revêtir des robes d’honneur puis alla visiter le tombeau du fils de Barakah Khan. Peu après, des nouvelles annoncèrent l’arrivée d’un autre corps de Tatars suivit d’un troisième et le sultan les reçut avec honneur après être sorti à leurs rencontres. Les principaux d’entre eux furent nommés émirs. Le sultan les invita alors à embrasser l’Islam ce qu’ils firent et se firent tous circoncire.

 

Toujours cette même année, le roi des croisés al-Firansi rassembla ses troupes pour retenter la conquête de Damiette mais ses officiers lui conseillèrent plutôt d’attaquer Tunis et que la prise d’al-Mahdiyyah faciliterait celle de Damiette. Il arriva donc devant Tunis et était sur le point de s’en emparer lorsqu’Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, leur envoya une maladie virulente qui emporta le roi et un grand nombre de ses principaux officiers. Les autres retournèrent alors dans leur pays et cette nouvelle croisade faillit comme la précédente.

 

 

 

Au mois de Mouharram de l’an 662 de l’Hégire (1264), il fut proclamé dans les villes du Caire et de Foustat, qu’aucune femme ne devrait porter de turban ni s’habiller de vêtements pour homme et que si après trois jour l’une d’entre elle le faisait, elle se verrait ôter ces habits.

 

Cette année, les croisés demandèrent au sultan la permission de cultiver les terres qu’ils avaient en Syrie, et pour la circonstance, une trêve de quelques jours leur fut accordée.

 

La marche du roi d’Arménie sur Konya

 

Cette année aussi, la nouvelle arriva que Haythoum, le roi d’Arménie avait rassemblé des troupes, marché sur Konya et établit son camp devant la forteresse de Sarfand. Des courriers de la Citadelle de la Montagne arrivèrent à Hamah et à Homs qui ordonnaient aux troupes de se rendre à Alep. Les troupes musulmanes se mirent en route et tombèrent sur l’armée arménienne qu’ils écrasèrent et firent un grand nombre de prisonniers ennemis. Les Arméniens s’enfuirent et demandèrent de l’aide aux Tatars qui étaient campés dans le Sultanat de Roum qui envoyèrent plusieurs centaines de cavaliers mais lorsqu’ils arrivèrent sous les murs de Harim, la neige tomba et les contraignit à rebrousser chemin après qu’un grand nombre d’entre eux mourut.

 

Au mois de Joumadah Awwal, l’émir Sayf ad-Din al-Bilban az-Zayni partit pour la Syrie pour inspecter les forteresses et passer en revue les troupes de Hamah, d’Alep et des frontières ainsi que d’ordonner aux émirs d’avoir leurs effectifs au complet ainsi que leurs armements et leurs munitions toujours prêts et de ne pas tenir compte des excuses de ceux qui refusaient de pas participer à la guerre. D’autre part, il lui fut confié un importante somme d’argent qu’il devait transporter de Damas à Bira pour les dépenses de la ville.

Plusieurs Arabes de la tribu de Khafajah arrivèrent au même moment avec des lettres des membres de leur tribu qui habitaient l’Irak et qui informaient qu’ils avaient conduit un certain nombre de raids sur les terres des Tatars et jusqu’aux portes de Baghdad. Ces messagers furent honorés

 

Ce même mois, des messagers furent envoyés au prince Barakah et un grand nombre de Tatars qui étaient arrivés en Égypte, embrassèrent l’Islam sur l’invitation du sultan suivit par un certain nombre de croisés qui se soumirent de leur plein gré ainsi que des émirs nubiens qui avaient été envoyés par leur roi. En un seul jour, l’émir trésorier Badr ad-Din leur distribua cent quatre-vingts chevaux.

 

Au mois de Joumadah Thani, deux espions apostats envoyés par les Tatars furent arrêtés.

 

Ce même mois, la construction de la tour que le sultan avait fait construire à Kara fut achevée et les travaux d’une plus grande, qui devait servir à protéger les routes contre les incursions des croisés, débutèrent.

 

Cette année, le roi d’Arménie, qui envisageait de déclarer la guerre en Syrie, fit préparer mille manteaux et mille coiffes tatars qu’il fit vêtir à ses troupes pour faire croire qu’ils avaient été envoyés par les Tatars. Dès que la nouvelle fut reçue, des courriers furent envoyés à Damas et à Hamah ordonnant aux troupes de ces villes de marcher sur Homs. Les armées se mirent en marche et livrèrent un certain nombre de batailles au cours desquelles, les Arméniens furent une nouvelle fois écrasés. Les troupes vinrent alors camper sous les murs d’Antioche ou ils tuèrent ou firent prisonniers un grand nombre d’ennemis et prirent un immense butin. Un autre corps de troupe pénétra en Palestine pour attaquer les croisés et marcha jusqu’aux portes d’Acre et entreprit de rebâtir la ville de Shaqif Tiroun, qui était en ruine depuis l’année 658 de l’Hégire (1259). Dès que les travaux de rénovation furent achevés, la ville fut approvisionnée en armements et en vivres. Le sultan envoya aux troupes de Palestine deux cent mille pièces d’argent qui furent partagée entre les soldats.

 

Un message fut envoyé à l’émir Nassir ad-Din al-Qaymari lui ordonnant de faire des incursions et des raids sur les territoires de Césarée et de ‘Atlit. Il fit donc ce qui lui était demandé et pilla, tua et prit un grand nombre de prisonniers. Les croisés qui étaient en marche pour attaquer Jaffa furent saisis de crainte et retournèrent sur leurs pas cependant, un peu plus tard des nouvelles arrivèrent que ces derniers avaient pillés les Musulmans et prit un butin considérable. Le sultan écrivit aux gouverneurs de Syrie et leur ordonna de ne ménager aucun effort pour récupérer ce qui avait été pris. Bientôt, une lettre de l’émir Nassir ad-Din al-Qaymari arriva pour informer que les croisés avaient rendu tout ce qu’ils avaient capturé et qui consistait en un grand nombre d’hommes et d’animaux.

 

L’empereur byzantin intercepte les messagers envoyés à Barakah

 

Le vendredi 25 du mois de Ramadan, la nouvelle arriva que l’empereur byzantin avait retenu les messagers envoyés au prince Barakah, et les avait empêchés de continuer leur voyage de sorte que les présents qu’ils transportaient avaient été perdus. Le sultan somma les patriarches et les évêques et leur demanda ce que méritait un homme qui avait violé ses serments et ses engagements. Tous répondirent qu’un pareil homme devait être excommunié. Le sultan, après leur avoir fait écrire leur déclaration leur présenta les traités signés par l’empereur puis leur dit : « En retenant mes envoyés, ce souverain a violé ses engagements et démontré son entente avec Houlakou. » Il envoya alors des messagers chrétiens à l’empereur pour lui notifier son excommunication ainsi qu’une lettre très dure. Il écrivit aussi au prince Barakah et la fit remettre à l’émir Faris ad-Din Aqoush Mas’oudi qui avait été chargé de se rendre auprès de Barakah et lui apporter des présents. Quand l’empereur reçut le message du sultan, il libéra les ambassadeurs qui partirent pour la cour de Barakah.

 

Un courrier expédié de Syrie apporta la nouvelle qu’un très grand nombre de Tatars, de Turcs et d’habitants de Baghdad étaient entrés sur leur terre pour venir faire leur soumission. Le sultan somma les émirs, les informa et leur dit : « Je crains que l’arrivée de tous ces hommes à la fois ne cache un sinistre but. Sortons donc à leur rencontre, s’ils arrivent pour se soumettre, nous les traiterons en conséquence et dans le cas contraire nous serons prêts à toute éventualité. Je pourvoirais aux dépenses de tous ceux de mes soldats qui viendront avec moi et je serais dans l’armée comme l’un d’entre vous. Toutes mes montures et mon argent leurs reviennent de droit et à tous ceux qui combattent dans la voie d’Allah Exalté.»

 

Cette même année, une comète très lumineuse dont la queue se dirigeait vers l’occident apparut du côté de l’orient. Elle apparaissait un peu avant la levée du jour et avança lentement jusqu’à ce qu’elle atteigne un point élevé. Sa queue jetait une lueur très-vive et ne s’éloigna de la constellation de Hakah qu’à environ la distance d’une grande lance. Elle apparut à la fin du mois de Ramadan jusqu’au premier jour du mois de Dzoul Qi’dah.

A la fin du mois de Ramadan et dans les premiers jours de Shawwal, à la tombée de la nuit profonde, apparurent au nord-ouest, des lignes brillantes qui ressemblaient à des doigts et qui se trouvaient dans la partie la plus élevée du ciel.

Le quatrième jour de Shawwal, peu avant le coucher du soleil, celui-ci prit une teinte rouge, perdit son éclat et s’éclipsa totalement jusqu’à sa disparition de l’horizon puis, à la tombée de la nuit, la lune prit la même apparence.

 

Toujours cette année, un enfant mort qui avait deux têtes, quatre yeux, quatre pieds et quatre mains fut découvert dans un quartier  hors du Caire.

 

L’affaire des cadavres

 

Toujours cette même année, des cadavres d’hommes assassinés apparurent sur l’un des canaux du Caire. Plusieurs personnes disparurent sans que l’on pût découvrir la cause de leur mort et après un mois d’enquête, il apparut qu’une femme d’une grande beauté nommée Jaziyah sortait quotidiennement dans une parure attrayante en compagnie d’une vieille femme. Lorsqu’un inconnu s’approchait d’elle et lui faisait des propositions galantes, la vieille femme lui disait alors : « Ma maîtresse ne peut aller chez personne mais celui qui a des vues sur elle peut venir dans notre logement. » Et dès que le malheureux était entré dans cette maison, des hommes embusqués se jetaient sur lui, le tuait et enlevaient tout ce qu’il avait sur lui. Cette femme changeait continuellement de demeure. Alors qu’elle habitait à l’extérieur de la Porte de Shari’ah, sur les bords du canal, la vieille femme alla un jour trouver une célèbre coiffeuse du Caire et l’invita à venir pour un mariage. La coiffeuse partit avec elle, portant suivant l’usage, une quantité de bijoux et accompagnée d’une jeune fille qui était à son service. Lorsqu’elles arrivèrent à la maison, la coiffeuse entra et la jeune esclave s’en retourna. Les hommes cachés tuèrent la coiffeuse et prirent tout ce qui était sur elle. Lorsque la jeune servante revint au logis pour demander sa maîtresse on lui dit répondit qu’on ne l’avait pas vue. Elle se rendit alors chez le Wali et lui raconta l’histoire.

Ce dernier se rendit aussitôt et entra à l’improviste dans la maison qui lui avait été désignée où il surprit la vieille et la jeune femme qu’il arrêta et tortura. Bientôt, elles avouèrent leurs crimes et furent emprisonnées. Un homme venu s’informer du sort de ces deux femmes fut saisi et torturé à son tour si bien qu’il dénonça son associé qui était le propriétaire des fours à briques qui fut immédiatement arrêté et questionné. Il apparut, suite à leurs aveux, que dès qu’ils avaient tué un homme, ils le jetaient dans la fournaise afin de le faire disparaitre puis, ils indiquèrent des caves sous la maison et qui étaient remplies de cadavres. Tous les coupables furent crucifiés et deux jours après, la jeune femme fut remise en liberté mais elle ne tarda pas à mourir.

 

Cette même année, l’empereur de Constantinople, fit arrêter ‘Izz ad-Din Kaykaous Ibn Kaykhousrou Ibn Kaykoubad, le souverain du Sultanat de Roum qui était en guerre contre son frère Rouqn ad-Din Kilij Arsalan qui le vainquit et le força de fuir. ‘Izz ad-Din se retira chez l’empereur qui lui accorda asile et le reçut dans son palais avec tous les gens de sa suite. Cela dura quelque temps, jusqu’à ce qu’il fut informé qu’ils avaient l’intention de l’assassiner et de s’emparer de son royaume. Il les fit alors arrêter, emprisonna ‘Izz ad-Din et fit aveugler, au moyen d’un fer chaud, tous ses compagnons.

 

Du siège de Bira par les Tatars

 

Au mois de Mouharram de l’année 663 de l’Hégire (1265), le sultan al-Malik az-Zahir Baybars quitta la citadelle de la Montagne pour la chasse. Après avoir séjourné quelques temps à Wassim, il se rendit à ‘Abbassah ou il s’exerça à tirer à l’arquebuse quand il fut informé que les Tatars assiégeait Bira. Le sultan fit aussitôt partir sur les chevaux de la poste, l’émir trésorier Badr ad-Din avec l’ordre d’envoyer quatre mille cavaliers des troupes de Syrie. Puis, il retourna à la citadelle de la Montagne ou il séjourna une seule nuit alors que les chevaux étaient dans les pâturages.

Le sultan donna alors le commandement de son avant-garde à l’émir ‘Izz ad-Din al-‘Iqan surnommé Sam al-‘Arab à qui il attribua les émirs Fakhr ad-Din Hamsi, Badr ad-Din Bilik al-Idmouri et ‘Ala' ad-Din Kistajoudi ash-Shamsi. Cette avant garde quitta aussitôt la ville du Caire, le 4 du mois de Rabi’ Awwal puis, sur ses ordres, les émirs Jamal ad-Din Mahmoudi et Jamal ad-Din al-Ijoudi al-Hijabi, à la tête d’également quatre mille soldats se mirent en marche, deux jours après le départ de l’émir Izz ad-Din al-‘Iqan, et établirent leur camp hors du Caire. Enfin, le 10 de ce même mois, ils partirent sur les traces de l’avant-garde.

Le sultan qui voulut personnellement prendre part à cette expédition, quitta le Caire, le 5 du mois de Rabi’ Thani, à la tête d’une armée nombreuse. Une épidémie toucha alors les montures qui périrent en grand nombre et furent abandonnées sur la route avec leur chargements malgré cela, le sultan ne ralentit pas sa marche et lorsqu’on se plaignit à lui du manque de bêtes de charge, il répondit : « Mon souci majeur est la défense de l’Islam et non pas les chameaux. »

Il arriva à Gaza où il établit son camp, le vingtième jour du mois quand il fut informé que l’ennemi avait dressé contre la ville de Bira dix-sept mangonneaux. Il tint la nouvelle secrète et n’en informa que les émirs Shams ad-Din Sounqour ar-Roumi et Sayf ad-Din al-Qalawoun. Il écrivit à l’émir al-‘Iqan et lui : « Puisque tu n’es pas encore arrivé à Bira, je vais m’y rendre en personne, à la tête d’une troupe légère. »

Il quitta alors aussitôt Gaza et vint camper près de Sa’idah ou il partit chasser mais il tomba de sa monture et se meurtrit le visage cependant, cela ne l’empêcha pas de poursuivre sa marche. Le prince de Jaffa vint alors lui offrir des présents. Le sultan Baybars arriva à Bana le vingt-sixième jour du même mois et alors qu’il prenait un bain dans sa tente, un courrier arriva de Damas. Le prince, sans attendre un instant, se fit lire la lettre qui disait qu’un message envoyé par al-Malik al-Mansour le souverain de Hamah et relayé par pigeon avait été reçu et qui annonçait son arrivée et celle de ses troupes à Bira, accompagné de l’émir Izz ad-Din al-‘Iqan et de quelques autres émirs, le lundi précédent. Et, que les Tatars, à la vue de l’armée du sultan, avaient pris la fuite, détruit leurs machines, et coulé leurs navires. Entre le temps où ce message avait été écrit à Bira et le moment de son arrivée à Bana, il s’était écoulé quatre jours. Peu après, d’autres lettres envoyés par les émirs, confirmèrent ces nouvelles, qui furent transmises au Caire et ailleurs.

Le sultan ordonna alors de rebâtir tout ce que l’ennemi avait détruit dans la ville de Bira. Il y fit transporter d’Égypte et de Syrie, des machines de guerre, des armes, des munitions et tout ce qui pouvait être utile à la population, pour soutenir un siège de dix ans. Il écrivit aux émirs et au prince de Hamah pour leur ordonner de rester à Bira jusqu’à ce que le fossé fût complètement vidé de ce que l’ennemi y avait jetés pour le combler. Par conséquence, et durant quelque temps, les émirs participèrent aux travaux en personne et en informèrent le sultan. Lorsque le prince reçut le message du sultan, il était debout sur le rempart de Césarée ou il aidait à la démolition de sa muraille et tenait un instrument tranchant. Il se blessa la main ce qui ne l’empêcha pas de lui écrire cette réponse : « Louanges à Allah ! Chacun de nous est occupé nuit et jour à faire la guerre, à transporter des pierres, et à surveiller les mouvements des mécréants. »

 

Le sultan écrivit au Caire, pour faire venir deux cent mille pièces d’argent et deux cent robes d’honneur et à Damas, cent mille pièces d’argent et cent robes qui furent tous et sur son ordre, envoyés à Bira. Le prince ordonna à l’émir al-‘Iqan de sommer les habitants de la forteresse de Bira et de revêtir chacun d’entre eux, émir, soldat, serviteur et civil, d’une robe d’honneur et une gratification en argent, et de n’oublier personne, ni les gardes ou les hommes préposés à l’éclairage, ce qui fut exécuté à la lettre.

 

 

Plus tard, le sultan envoya en Egypte un ordre pour proscrire l’usage de la bière, de supprimer totalement cette boisson, de détruire les maisons de sa vente et les instruments servant à sa fabrication, et de rayer des registres financiers les taxes en provenant. Ceux qui en tiraient un revenu devraient recevoir en échange, un dédommagement pris sur des fonds licites. Tout cela fut exécuté et ceux qui touchaient des revenus sur la bière reçurent d’autres allocations.