Comment les croisés prirent la ville d’Antioche

 

Au mois de Rajab de l’année 490 de l’Hégire (1097), ils (les croisés) arrivèrent dans les terres de Kilij Arsalan Ibn Souleyman Ibn Qoutloumish, dont  Konya et d’autres villes. Ils furent interceptés par Kilij Arsalan et son armée qui les attaquèrent et les mirent en déroute cependant ils réussirent à sortir de ses terres et parvinrent dans celle d’Ibn Arman (fils de l’Arménien) qu’ils traversèrent avant d’arriver à Antioche qu’ils assiégèrent.

Lorsque Yaghi Siyan le gouverneur d’Antioche fut informé de leur arrivée, il craignit les chrétiens de la ville. Il envoya donc uniquement des Musulmans et leur ordonna de creuser les douves puis le jour suivant, il envoya les chrétiens à leur tour si pour creuser sans être accompagné par un seul musulman. Ils creusèrent jusqu’au soir et quand ils voulurent entrer dans la ville il les empêcha et leur dit :

- « Vous ne pourrez entrer tant que je n’aurais pas vu comment les choses seront entre nous et les croisés. » Ils demandèrent :

- « Qui prendra soin de nos fils et de nos femmes ? »

- « Je le ferais à votre place », leur répondit-il.

Alors ils partirent et s’établirent dans le camp croisé. Les croisés (qu’Allah les maudisse) assiégèrent la ville durant neuf mois. Yaghi Siyan déploya un grand courage, d’excellents conseils, une forte résolution et des plans minutieux comme il n’a jamais été vu auparavant si bien que la plupart des croisés périrent. S’ils étaient restés aussi nombreux que lorsqu’ils avaient quittés leur pays, ils auraient submergé les terres d’Islam. Yaghi Siyan protégea les familles des chrétiens de la ville qu’il avait empêché d’enter et retint les mains de ceux qui auraient pu leur faire du mal.

Comme le siège d’Antioche dura longtemps, les croisés contactèrent un des hommes gardant la tour, par une fenêtre près de la vallée, qui était un armurier nommé Rouzbah et lui offrirent de l’argent et des terres. Lorsqu’ils prirent leurs dispositions avec cet armurier maudit, ils grimpèrent vers la fenêtre ouverte à l’aide de corde et entrèrent. Quand ils furent plus de cinq cents, ils soufflèrent dans leur trompette à l’aube tandis que les défenseurs étaient si fatigués de tant de nuits sans sommeil et de garde. Yaghi Siyan se réveilla et demanda ce qui arrivait. On lui  dit :

- « Ce son vient de la citadelle et il ne fait aucun doute qu’elle a déjà été prise. » Cependant, ce n’était pas de la citadelle, mais simplement de cette tour. Il fut soudain terrifié, ouvrit la porte de la ville et s’enfuit avec trente serviteurs. Quand son député vint s’enquérir des nouvelles, il fut informé que le gouverneur s’était enfui et il fit de même par une autre porte, une bénédiction pour les croisés. S’il avait tenu juste patienté un peu plus, les croisés auraient tous périt mais ils entrèrent dans la ville qu’ils ravagèrent après avoir tué tous les Musulmans qui s’y trouvaient au mois de Joumadah Awwal de cette même année.

 

Quand le jour suivant se leva, Yaghi Siyan qui s’était affolé retrouva la raison. Il se regarda après avoir couvert plusieurs kilomètres et dit à ceux qui étaient avec lui :

- « Où suis-je ? »

- « Vingt-deux kilomètres d’Antioche », lui répondit-on. Il regretta alors sa fuite vers la sécurité et de ne pas avoir lutté jusqu’à ce qu’il les ait reconduits de sa ville ou qu’il ait trouvé la mort. Il  commencé à pleurer et se lamenta d’avoir abandonné sa femme, ses enfants et la population musulmane. À cause de la violence qui l’affligea, il s’évanouit et tomba de son cheval. Quand il tomba à terre, ses serviteurs le remontèrent mais il fut incapable de tenir sa monture car il était près de la mort. Ils le laissèrent alors et quittèrent la place. Un Arménien, qui ramassait du bois de combustion le trouva alors qu’il rendait son dernier souffle. Il le tua alors et trancha sa tête qu’il ramena aux croisés à Antioche.

 

Les croisés, qu’Allah les maudisse, écrivirent aux souverains d’Alep et de Damas, en leur disant qu’ils n’avaient aucun  dessein sur les terres autre que celles qui avaient appartenu aux Byzantins et qu’ils n’avaient nulle autre ambition. C’était une ruse et une tromperie pour leur faire cesser d’envoyer de l’aide vers Antioche.

 

 

Le massacre d'Antioche - Gustave Doré

 

Comment les musulmans marchèrent contre les croisés et ce qui leur est arrivé

 

Quand Qiwam ad-Dawlah Karbougha entendit les actions des croisés et leur conquête d’Antioche, il réunit ses forces et marcha sur la Syrie. Il campa à Marj Dabiq, où les troupes de Syrie, Turcs et Arabes, se rassemblèrent, excepté ceux qui étaient à Alep. Il fut rejoint par Douqaq Ibn Toutoush, l’Atabeg Toughtakin, Janah ad-Dawlah le seigneur de Homs, Tash Arsalan le seigneur de Sinjar, Souqman Ibn Artouq et d’autres émirs, dont leurs semblables ne peuvent pas être trouvés. Informés de cela, les malheurs des croisés augmentèrent et ils devinrent craintifs à cause de leur faiblesse et de leur manque de provisions. Les musulmans arrivèrent et les assiégèrent dans Antioche, mais Karbougha se comporta mal avec les Musulmans qui étaient en sa compagnie. Il mit en colère les émirs et les souverains en imaginant qu’ils resteraient avec lui en dépit de cela. Cependant, exaspérés, ils projetèrent secrètement de le trahir, s’il devait y avoir une bataille et de l’abandonner au moment où les  armées s’affronteraient.

 

Les croisés, après avoir pris Antioche, restèrent douze jours sans rien pour manger. Les nobles se nourrirent de leurs chevaux tandis que les infortunés mangèrent les charognes et les feuilles. A ce point, ils envoyèrent un messager à Karbougha, pour lui demander de les laisser quitter la ville selon des conditions  mais il refusa et leur dit : «  Seule mon sabre vous chassera. »

 

Les princes suivants étaient avec les croisés : Baldwin, Saint Gilles, le comte Godefroi, le seigneur et comte d’Edesse et Bohémond le seigneur d’Antioche, leur chef. Il y avait un moine parmi eux qui avait de l’influence parmi eux et qui était un homme rusé. Il leur dit : « Le Messie (paix sur lui) avait une lance qui fut enterrée dans l’église d’Antioche, qui était un grand édifice. Si vous la trouvez, vous prévaudrez, mais si vous ne la trouvez pas, la destruction sera assurée. » Il avait pris soin auparavant d’enterrer une lance et effaça les traces. Il leur ordonna de jeuner et de se repentir durant trois jours. Le quatrième jour, il les ramena à l’endroit où il avait caché la lance, accompagné par les gens du commun et les ouvriers. Ils creusèrent partout et finirent par la trouver comme il leur avait dit.

- « Réjouissez-vous de votre future victoire «  leur dit-il alors[1].

 

Le cinquième jour, ils sortirent de la porte par petits groupes de cinq ou six. Les musulmans dirent à Karbougha :

- « Tu dois aller près de la porte et éliminer ceux qui sortent tant qu’ils sont dispersés et que cela est facile. » Il répondit :

- « Non, ne le faites pas. Laissez-les en paix jusqu’à ce qu’ils soient tous partis et ensuite nous pourrons les tuer. » Il ne permit pas à ses hommes de les combattre cependant, un groupe de musulmans tuèrent plusieurs de ceux qui étaient sortis mais Karbougha vint en personne et leur ordonna de cesser.

 

Quand tous les croisés sortirent et pas l’un d’entre eux ne resta dans la ville, ils établirent une grande ligne de bataille et les musulmans s’enfuirent, d’abord à cause du dédain et du mépris avec lequel Karbougha les avait traités et parce qu’il les avait empêchés de tuer les croisés. Tous s’enfuirent et pas un seul d’entre eux ne se servit de ses armes. Les derniers à s’enfuirent furent Souqman Ibn Artouq et Janah ad-Dawlah parce qu’ils étaient postés en embuscade. Karbougha s’enfuit avec eux. Quand les croisés les observèrent, ils pensèrent que c’était une ruse, du fait qu’aucune bataille n’avait été livrée qui aurait pu donner raison à une fuite et ils craignirent de les poursuivre. Cependant un groupe de sincères Moujahidine restèrent sur place et luttèrent avec bravoure et fermeté recherchant le martyre. Les croisés les tuèrent jusqu’au dernier d’entre eux et saisirent tout ce qui était dans le camp abandonné des musulmans comme provisions, argent, mobilier, chevaux et armes si bien que leur situation s’améliora et leur force restituée

 

Récit de la conquête de Ma’arrat an-Nou’man par les croisés

 

Après leur victoire sur les Musulmans, les croisés marchèrent sur Ma’arrat an-Nou’man ou ils établirent leur camp et assiégèrent la ville. Les habitants luttèrent violemment contre eux et les croisés furent éprouvés et connurent des difficultés face à la résistance acharnée et l’opposition âprement menée. Ils construisirent alors une tour de bois qu’ils approchèrent le long de la muraille et la bataille qui s’ensuivit près de la tour ne causa pas de mal aux Musulmans. Quand la nuit tomba, certains Musulmans devinrent effrayés et tombèrent dans le défaitisme et l’abattement. Ils pensèrent que s’ils se fortifiaient dans certaines des grandes maisons, ils pourraient tenir et ainsi descendirent des remparts qu’ils gardaient et abandonnèrent l’endroit qu’ils avaient défendu. Un autre groupe de garde les virent et firent comme eux abandonnant la surveillance et tous les gardes firent de même si bien qu’aucun mur ne fut plus protégé. Les croisés grimpèrent avec des échelles et pénétrèrent dans la forteresse tandis que les Musulmans perdus entrèrent dans leurs maisons. Durant trois jours les croisés, qu’Allah les maudisse, les passèrent par l’épée et tuèrent plus de cent mille d’entre eux. Le reste fut pris en esclavage et les croisés prirent possession de la ville.

 

Ils restèrent quarante jours avant de marcher sur ‘Arqa, qu’ils assiégèrent durant quatre mois. Ils minèrent plusieurs endroits mais sans toutefois pouvoir prendre la place. Mounqid, le gouverneur de Shayzar envoya des messagers et parvint à un accord avec eux. Ils marchèrent alors sur Homs, qu’ils assiégèrent, jusqu’à ce que le souverain, Janah ad-Dawlah conclus aussi un traité avec eux. Puis empruntant la passe (défilé) de Naqourah, les croisés partirent pour Acre mais qu’ils furent incapables de prendre.

 

Cette même année, Tamim Ibn al-Mou’iz Ibn Badis, le souverain d’Ifriqiyah conquit l’île de Djerba, l’île de Kerkennah et la ville de Tunis. Il y eut une famine sévère en Ifriqiyah au cours de laquelle beaucoup de personnes périrent.

 

Toujours cette année, le calife envoya un envoyé au sultan Barkyarouq pour chercher de l’aide contre les croisés, soulignant l’importance de cette affaire et du besoin de s’en occuper d’urgence avant qu’elle ne devienne plus dramatique.

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Scène de cannibalisme lors de la prise de Ma’arrat an-Nou’man (rapporté par les historiens occidentaux)

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Comment les croisés (qu’Allah les maudisse) prirent Jérusalem

 

Jérusalem avait été tenu par Taj ad-Dawlah Toutoush qui l’attribua à l’émir Souqman Ibn Artouq le Turcoman. Quand les croisés vainquirent les Turcs à Antioche et les massacrèrent, le pouvoir des Turcs s’affaiblit et ils perdirent leur cohésion. Quand les Egyptiens virent leur faiblesse, ils marchèrent sur Bayt al-Maqdis (Jérusalem), commandé al-Afdal Ibn Badr al-Jamali (al-‘oubaydi) ou ils assiégèrent Souqman et Ilghazi, les fils d’Artouq, leur cousin Safani et aussi leur neveu Yaqouti. Ils déployèrent plus de quarante trébuchets contre la ville et les parties détruites de son mur. Les habitants résistèrent tandis que les combats et le siège durèrent un peu plus de quarante jours, jusqu’à ce que les Egyptiens prennent la ville sur des conditions au mois de Sha’ban de l’année 489 de l’Hégire (1096). Al-Afdal traita courtoisement Souqman, Ilghazi et leurs suivants, leur donna des cadeaux généreux et les envoya à Damas. Par la suite ils traversèrent l’Euphrate. Souqman prit résidence dans Edesse tandis qu’Ilghazi se rendit en en Irak.

 

Les Egyptiens nommèrent sur Bayt al-Maqdis un homme appelé Iftikhar ad-Dawlah, qui y resta jusqu’à présent (au temps de l’auteur), quand les croisés attaquèrent la ville après le siège infructueux d’Acre. Après leur arrivée, ils érigèrent plus de quarante trébuchets et construisirent deux tours, une du côté du Jabal Sahyoun que Musulmans incendièrent et tuèrent leurs occupants. Après qu’ils l’aient complètement détruite par le feu, leur aide fut requise puisque les défenses de la ville avaient été submergées de l’autre côté. Les croisés prirent effectivement la ville au nord dans la matinée du vendredi, sept jours avant la fin de Sha’ban de l’année 492 de l’Hégire (1099), Les habitants devinrent la proie des épées et durant une semaine,  les croisés, qu’Allah les maudisse, massacrèrent tous les Musulmans de la ville. Un groupe de musulmans se refugia dans la Tour de David ou ils se défendirent. Ils résistèrent trois jours et ensuite les croisés leur offrirent la sécurité et ils abandonnèrent l’endroit pour quitter la ville de nuit pour Ascalon, où ils s’établirent.

 

Les croisés massacrèrent plus de 70 000 Musulmans qui s’étaient réfugiés dans la Mosquée al-Aqsa et parmi eux se trouvaient des Imams, des ‘Oulama, des hommes vertueux et des ascètes musulmans qui avaient quitté leurs pays natals pour mener une vie dévote dans ce respectable endroit. Les croisés prirent plus de quarante candélabres en argent du Dôme de la Roche, dont chacun pesait 3 600 dirhams et aussi un candélabre en argent pesant quarante rotls syriens. Ils emportèrent aussi 150 petits bougeoirs d’argent et environ vingt d’or. Le butin qu’ils emmenèrent fut incalculable et en dehors de toute proportion.

 

Au mois de Ramadan de cette même année, des hommes arrivèrent à Baghdad de la Syrie, accompagnés par le Qadi Abou Sa’d al-Harawi, pour chercher de l’assistance. Ils rapportèrent dans le Diwan un récit qui déchira les cœurs et fit pleurer. Ils se manifestèrent dans la mosquée lors de la prière du vendredi en appelant à l’aide en pleurant et firent pleurer. Ils racontèrent les massacres des hommes, l’asservissement des femmes et des enfants et le pillage des propriétés qui était tombé sur les Musulmans de cette place révérée et solennelle. À cause de la sévérité de leur souffrance ils ne purent observer leur jeûne. Le calife ordonna au Qadi Abou Muhammad ad-Damghan, Abou Bakr ash-Shashi, Abou al-Qassim az-Zanjani, Abou al-Wafa Ibn ‘Aqil, Abou Sa’d al-Houlwani et Ibn Sammak Abou al-Houssayn de partir en mission. Ils se mirent en route pour Houlwan mais apprirent la nouvelle de la mort de Majd al-Moulk al-Balassani, comme nous le rapporterons et revinrent donc sans accomplir ni mission ni parvenir à un but. Les gouverneurs étaient tous en désaccord, comme nous le rapporterons et ainsi les croisés conquirent leurs terres.

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Récit de la guerre entre les croisés et les Egyptiens

 

Au cours du mois de Ramadan de cette année, il y eut une bataille entre les troupes égyptiennes et les croisés. La raison est que lorsqu’al-Afdal, l’émir al-Jouyoush (armées), entendit ce qui était arrivé aux gens de Jérusalem, il rassembla et mobilisa ses forces avant de marcher sur Ascalon. Il envoyé un message aux croisés condamnant leurs actions et les menaçant. Ils transmirent leur réponse à l’envoyé qui partit, les croisés sur ses talons qui tombèrent sur les Egyptiens peu après l’arrivée de l’envoyé. Les Egyptiens n’eurent aucune intelligence de leur arrivée ou de leurs mouvements et n’étaient donc pas prêts pour la bataille. Le cri « à cheval » résonna mais les croisés étaient trop rapides pour eux et les mirent en fuite après leur avoir infligé des pertes. Les croisés prirent tout ce qui était dans le camp, propriétés et armes comme butin.

 

Al-Afdal s’enfuit et entra dans Ascalon. Un certain nombre de soldats mis en déroute se cachèrent dans un bosquet d’arbres de sycomore, qui se trouvait en grande quantité dans la région. Les croisés l’incendièrent si bien qu’une partie péri et ceux qui tentèrent de s’enfuir furent tués. Al-Afdal revint en Egypte avec sa garde rapprochée tandis que les croisés assiégèrent Ascalon et renforcèrent le siège. La population paya alors un tribut de 12 000 dinars, bien qu’un autre rapport dise 20 000 et les croisés, maudit soient-ils, revinrent à Jérusalem.

 

Cette même année Abou al-Qassim, le fils de l’Imam des Deux Sanctuaires Abou al-Ma’ali al-Jouwayni, fut tué à Nishapour, où il était le prêcheur. Les gens du commun pensèrent qu’Abou al-Barakat ath-Tha’labi avait conspiré pour le faire tuer et ils l’attaquèrent donc, le tuèrent et mangèrent sa chair.

 

Il y eut aussi une grande famine au Khorasan ou les provisions furent introuvables durant deux années. La raison est que la pluie détruisit toutes les récoltes et qu’ensuite une épidémie virulente toucha le peuple. Le nombre de morts fut si important qu’ils ne purent être enterrés.

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Compte-rendu de la victoire des musulmans sur les croisés

 

Au mois de Dzoul Qi’dah de l’année 493 de l’Hégire (1100), Ghoumoushtakin Ibn ad-Danishmand Taylou, surnommé Ibn al-Danishmand parce que son père avait été un enseignant des Turcomans et dont les fortunes prospérèrent si bien qu’il devint seigneur de Malatya, de Siwas et d’autres endroits, affronta lors d’une bataille Bohémond, qui était un des commandants croisés, près de Malatya dont le gouverneur avait écrit à Bohémond et lui avait demandé de venir. Il vint donc à son aide avec 5 000 hommes et Ibn al-Danishmand le rencontra et le vaincu dans la bataille ou Bohémond fut pris prisonnier.

 

Sept comtes croisés avec leurs troupes vinrent en bateau avec l’intention de libérer Bohémond. Ils attaquèrent un fort appelé Ankara, qu’ils prirent et tuèrent tous les Musulmans qui s’y trouvaient avant de se diriger vers un autre fort dans lequel se trouvait Ismail Ibn al-Danishmand et qu’ils assiégèrent mais Ibn al-Danishmand rassembla une grande force et les affronta. Après avoir posé une embuscade, il les combattit et sur les 300 000 croisés seuls 3 000 blessés réussirent à s’enfuir lorsque la nuit tomba.

 

Ibn al-Danishmand marcha sur Malatya qu’il prit et saisit le gouverneur captif. Plus tard l’armée des croisés marcha contre lui d’Antioche mais il les anéantit au cours de la bataille qui s’ensuivit. Ces événements se sont produits juste au cours de quelques mois.

 

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Au mois de Sha’ban de cette même année, le pouvoir des gangs urbains s’étendit de la rive ouest à Baghdad et les dommages qu’ils causèrent devinrent sérieux. Le calife ordonna à Kamal ad-Dawlah Youmn de ramener l’ordre dans la ville. Il captura plusieurs de leurs chefs et pourchassa le reste qui s’enfuit.

 

Toujours cette année, les prix chutèrent en Irak. Un Kour de blé atteignit 70 dinars et peut-être beaucoup plus à certaine époque. Les pluies cessèrent et les fleuves s’asséchèrent. La mortalité fut si élevée qu’il fut impossible d’enterrer les morts. Par moments six cadavres étaient mis dans une seule tombe. Les médecines et les produits basiques devinrent introuvables.

 

Au mois de Rajab de cette année, Bohémond le seigneur d’Antioche, marché sur Apamée qu’il assiégea. Il lutta contre les habitants plusieurs jours et détruisit les récoltes avant de se retirer.

 

Au mois de Ramadan, l’émir Bilj Beg Sarmaz fut tué à Ispahan dans le palais du sultan Muhammad. Il avait toujours été très méfiant des batini (hashashiyine), n’omettait jamais porter son plastron et avait toujours une escorte. Ce jour particulier il ne portait pas son plastron et entra dans le palais du sultan avec juste quelques hommes ou les batini l’assaillirent. L’un d’entre eux fut tué tandis qu’un autre s’échappa.

 

 

De ce qui arriva au Qadi de Jabalah

 

Son nom était Abou Muhammad ‘Oubaydallah Ibn Mansour et il était connut sous le nom d’Ibn Soulayhah. Son père était le chef de Jabalah quand les Byzantins gouvernèrent les Musulmans et il fut leur Qadi. Quand le pouvoir du Byzantins s’affaiblit et que les Musulmans prirent le contrôle, la ville se retrouva sous l’autorité de Jalal al-Moulk Abou-Hassan ‘Ali Ibn ‘Ammar, le seigneur de Tripoli ou Mansour conserva sa position de juge. Quand ce dernier mourut, son fils Abou Muhammad lui succéda. Il aimait la vie militaire et favorisait les soldats. Son énergie ambitieuse était parfaitement claire et Ibn ‘Ammar voulu l’arrêter. Conscient de cela, Abou Muhammad se révolta et rétablit la Khoutbah (sermon) en faveur des Abbassides. Ibn ‘Ammar offrit de l’argent à Douqaq Ibn Toutoush pour l’attaquer et l’assiéger ce qu’il accepta de faire toutefois sans succès. Son compagnon, l’Atabeg Toughtakin, fut atteint d’une flèche au genou qui eut un effet durable.

 

Abou Muhammad resta maitre jusqu’à l’arrivée des croisés, qu’Allah les maudisse, qui l’assiégèrent. Il lança la rumeur que le sultan Barkyarouq était en route pour la Syrie, et obtint l’effet escompté puisque les croisés se retirèrent. Quand il leur fut confirmé que le sultan était occupé ailleurs, ils reprirent leur siège. Jabalah lanca de nouveau la rumeur que les Egyptiens étaient en route pour les affronter et ils se retirèrent une deuxième fois mais revinrent peu après. Il se mit donc d’accord avec les Chrétiens locaux qu’ils devraient communiquer avec les croisés et leur promettre la capitulation d’une des tours de la ville et de la capture de la ville. Quand le message leur parvint, ils expédièrent 300 de leur chefs et hommes les plus braves qui se présentèrent à ladite tour et qu’ils grimpèrent les uns après les autres et où les attendaient Ibn Soulayhah qui finalement les tua tous et quand le matin se leva, il lanca les têtes en bas aux croisés, qui partirent alors.

 

Plus tard, ils revinrent pour assiéger Jabalah et érigèrent une tour de bois pour l’attaquer. Ils détruisirent une tour de la ville mais avant le matin Abou Muhammad l’avait reconstruit. Alors ils minèrent le mur de la cité mais il fit une sortie, les attaqua et feignit la fuite. Les croisés le poursuivirent mais ses hommes émergèrent des mines et les prirent à revers. Ils s’enfuirent alors mais leur commandant nommé Constable fut capturé et il se rançonna contre une grande somme d’argent.

 

Abou Muhammad se rendit alors compte qu’ils ne renonceraient pas à leurs attaques et qu’il n’avait pas la force nécessaire pour résister. Il envoya donc un messager à l’Atabeg Toughtakin lui demandant d’envoyer quelqu’un à qui il se fiait pour reprendre le fort de Jabalah et le défendre, pour qu’il lui-même puisse venir à Damas avec ses biens et sa famille. Sa demande fut accordée et Toughtakin lui envoya son fils, Taj al-Moulouk Bouri. Abou Muhammad lui abandonna la ville et se mis en route pour Damas d’où il demanda d’être envoyé à Baghdad, ce qui lui fut accordé. Il fut accompagnée par des hommes pour le garder tout le long du voyage jusqu’à ce qu’il arriva à Anbar.

 

Après son arrivée à Damas, le seigneur de Tripoli, Ibn ‘Ammar, avait envoyé au prince Douqaq, un message disant : « Livrez-moi Ibn Soulayhah, nu. Prenez toutes ses possessions et je vous donnerai 300 000 dinars », mais cela ne fut pas fait.

 

Après son arrivée à Anbar, Abou Muhammad y resta quelques jours avant de partir pour Baghdad, où se trouvait le sultan Barkyarouq. A son arrivée, le vizir al-A’azz Abou al-Mahassin le convoqua et lui dit :

- « Le sultan est dans le besoin. Les troupes lui demandent ce qu’il n’a pas. Donne-nous 30 000 dinars. Ce sera une grande faveur que tu lui feras, qui te vaudras récompense et remerciement. » Il répondit :

- « J’entends et obéis » sans lui demander de réduire la somme. Il continua :

- « Mes bagages et possessions sont dans Anbar dans la maison dans laquelle je me suis arrêté. » Le vizir envoya plusieurs hommes et ils trouvèrent beaucoup d’argent et d’objets précieux dont 1 100 articles d’or et en argent merveilleusement faits, des vêtements et des turbans rares.

 

La suite de ces événements couvre plusieurs mois et pour éviter toute coupure, nous continuons la narration avant de revenir à notre chronologie.

 

Quand Taj al-Moulouk Bouri prit le contrôle de Jabalah, lui et ses hommes traitèrent les habitants de mauvaise manière. Ils leur firent des choses que les gens critiquèrent. Ils écrivirent au Qadi Fakhr al-Moulk Abou ‘Ali ‘Amrar Ibn Muhammad Ibn ‘Ammar, le seigneur de Tripoli et se plaignirent de ce qui leur était fait. Ils lui demandèrent d’envoyer certains de ses hommes à qui ils pourraient abandonner la ville. Il accepta et envoya une force, qui entra dans Jabalah et, s’unissant avec les habitants, lutta contre Taj al-Moulouk et ses hommes. Les Turcs furent vaincus et les troupes d’Ibn ‘Ammar prirent le contrôle de Jabalah. Ils prirent Taj al-Moulouk prisonnier et l’envoyèrent à Tripoli, où il fut bien reçu par Ibn ‘Ammar et traité avec bonté. Ibn ‘Ammar l’envoya à son père à Damas avec ses excuses, en lui expliquant la situation, et lui disant combien il craignait que les croisés prennent Jabalah.

 

Le massacre des batini

 

Au mois de Sha’ban de cette année, le sultan Barkyarouq a ordonné le massacre des batini, aussi connu sous le nom des ismaéliens, que l’on appelait autrefois les qarmates. Nous allons maintenant mentionner leurs origines et ensuite les raisons de leur massacre.

 

Au départ rien n’est n’était connu à propos de ce dernier mouvement, qui devint notoire sous le nom de batini ou d’ismaéliens et sous le règne du sultan Malik Shah. Dix-huit d’entre eux se réunirent et prièrent au moment d’un banquet à Saveh. Le préfet de la ville entendit parler d’eux, ordonna leurs arrestations et les emprisonna. Plus tard, après avoir enquêtés à leurs sujets, ils furent libérés. Ce fut leur première réunion.

 

Ils prêchèrent leur message à un muezzin, un homme de Saveh, qui vivait à Ispahan, mais il ne répondit pas à leur appel puis craignant qu’il les rapporte, ils le tuèrent et ce fut leur première victime. Le soupçon tomba sur un charpentier, appelé Tahi qui fut exécuté comme avertissement aux gens et tiré par une jambe par les marchés. Il fut leur premier « martyr ». Son père était un prêcheur qui était venu à Baghdad avec le sultan Barkyarouq en l’an 486 de l’Hégire (1093) et avait monté les échelons à son service. Il alla plus tard à Basra en tant que Qadi. Par la suite il partit en mission au Kirman, où les gens le tuèrent lors d’une émeute prétendant qu’il était un batini.

 

La première place dont ils prirent le contrôle et en firent leur refuge fut une forteresse près de Qa’in. Leur chef était persuasif et ils se rassemblèrent autour de lui et devinrent forts. Une grande caravane allant à Qa’in de Kirman passa par eux. Avec ses hommes et les batini, il attaqua la caravane et tua tous les gens qui s’y trouvait seul un Turcoman réussit à s’enfuir et parvint à Qa’in pour raconter l’histoire. Les gens se hâtèrent de se rendre vers la forteresse avec le Qadi al-Kirmani, pour lutter contre eux mais ils ne purent rien accomplir. Plus tard, lorsque Nizam al-Moulk fut tué et le sultan Malik Shah décédé, leur pouvoir grandit ainsi que leur puissance militaire et leurs ambitions.

 

Leur pouvoir grandit à Ispahan après que le sultan Barkyarouq assiégea la ville où se trouvaient son frère Mahmoud et la mère de ce dernier Oumm Jalaliyah qui s’y étaient retiré, le credo batini devint largement répandu et au loin. Après avoir été dispersés dans différents endroits, ils se réunirent et commencèrent à enlever tous les adversaires qu’ils pouvaient et les tuèrent. Ils le firent avec un grand nombre de gens et devinrent un danger si sérieux, que, si un homme tardait à rentrer chez lui, les gens étaient persuadé qu’il avait été éliminé et s’asseyaient pour recevoir des condoléances. Les gens devinrent prudents et évitèrent de sortir seul. Un jour, un muezzin fut enlevé par son voisin batini. Comme sa famille commença à pleurer sa perte, le batini le monta sur le toit de sa maison et lui montra comment sa famille battait leurs visages et pleurait. Il fut incapable de dire un mot si terrifié qu’il était d’eux.

 

Comment les gens du commun réagirent à Ispahan

 

Après que cette affliction eut touché un grand nombre de gens à Ispahan, Allah le Tout Puissant permit l’humiliation et la vengeance contre les auteurs. Il arriva qu’un homme entra dans la maison de son ami et remarqua des vêtements, des sandales et des sous-vêtements qu’il ne reconnut pas. Il ressortit et parla de cette affaire aux gens qui enquêtèrent et apprirent qu’ils appartenaient aux hommes qui avaient été tués. Les citoyens se mirent en colère, cherchèrent qui avait été tué et demandèrent des renseignements. Puis, ils prirent le contrôle du quartier des batini. Ces derniers, chaque fois qu’un homme passait près d’eux, ils l’emmenaient de force dans une de leurs maisons, le tuait et ensuite le jetait dans une fosse dans une des maisons qui avait été préparée.

 

Un homme aveugle entra dans leur quartier et se tint près d’un mur. Quand quelqu’un arriva, il lui demanda de le mener quelques pas jusqu’à la porte du quartier. L’homme l’accompagna quelques pas et le fit entrer dans une maison, ou il fut saisit et tué. Le juriste Shafi’i Abou al-Qassim Mas’oud Ibn Muhammad al-Khoujandi se consacra alors à le venger. Il rassembla une foule considérable avec des armes et leur ordonna de creuser des tranchées et de les remplir de combustibles et d’y mettre le feu. Les gens commencèrent apporter des batini, un par un ou en groupe et les jetèrent dans les flammes. Ils confièrent la charge des fosses à un homme qu’ils surnommèrent Malik et une multitude de batini furent ainsi massacré.

 

Les forteresses qu’ils conquirent dans les terres perses

 

Les batini conquirent plusieurs forteresses y compris celle d’Ispahan qui n’était pas ancienne mais avait été construite par le sultan Malik Shah. La raison de sa construction est qu’un officier byzantin vint le trouver, accepta l’Islam et rejoignit son service. Un jour Malik Shah partit pour la chasse et un chien de meute, un excellent chasseur, s’enfuit et monta la colline. Le sultan et le Byzantin le suivirent et le trouvèrent sur le site de la forteresse. Le Byzantin lui dit : « Aurions-nous une telle colline que nous y mettrions un château qui s’avérerait utile pour nous. » Quand le sultan ordonna sa construction, Nizam al-Moulk l’interdit mais son point de vue fut ignoré et lorsqu’elle fut bâtie, le Byzantin reçut le commandement de la forteresse.

 

À la fin du règne de Malik Shah, quand Ispahan entra en possession des mains de son épouse, elle désista le commandant et nomma quelqu’un d’autre, un homme de Daylam appelé Ziyar qui mourut et un homme du Khouzistan vint au château qui fut rejoint par Ahmad Ibn ‘Attash, à qui le batini avait donné une couronne. Ils collectèrent de l’argent pour lui et en firent leur chef en dépit de son manque d’érudition car son père avait été un chef parmi eux. Il devint un associé et resta avec le commandant de la forteresse qui lui accorda sa confiance et lui permis d’administrer des affaires. Après la mort du commandant, Ahmad Ibn ‘Attash en pris le contrôle. Les Musulmans souffrirent énormément de lui, de la saisie de leurs marchandises, de meurtres, de brigandages et vécurent dans une peur constante. Ils avaient l’habitude de dire « Un château mené par un chien et suggéré par un mécréant doit inévitablement finir dans le mal ! ».

 

Un autre château se trouvait à Alamout dans le district de Qazwin. On dit qu’un prince Daylami qui aimait chasser, vit un jour un aigle voler et quand il le suivi, il le vit posé sur le site de cette forteresse. Il constata que c’était une position imprenable et ordonna d’y construire un fort et l’appela Alouh Mout, qui dans la langue daylami signifie « l’enseignement de l’aigle ». On nomma cet endroit et sa région Taliqan et il s’y trouve de puissantes forteresses dont la plus célèbre est Alamout. Cette région fut réservée comme une ferme fiscale par Sharaf Shah al-Ja’fari, qui y nomma son député un Alid, un simple d’esprit et franc.

 

Al-Hassan Ibn as-Sabbah était un homme énergique et capable avec des connaissances en géométrie, arithmétique, astronomie, magie et d’autres affaires. Le chef de Rayy était appelé Abou Mouslim et il était le beau-fils de Nizam al-Moulk. Il soupçonna al-Hassan Ibn as-Sabbah d’accueillir plusieurs agents égyptiens (des ‘oubaydi). Ibn as-Sabbah s’inquiéta à son sujet puisque Nizam al-Moulk le tenait en respect. Un jour, et parce qu’il était un physiologiste, Abou Muslim lui dit : « Bientôt cet homme induira les simples gens du commun en erreur ». Quand Ibn as-Sabbah fuit Abou Muslim, ce dernier le poursuivit mais sans pouvoir l’attraper.

 

Ibn as-Sabbah était un disciple d’Ibn ‘Attash, le médecin qui occupa le château d’Ispahan. Il partit pour différents lointains voyages qui le conduisirent en Egypte. Il eut une audience avec le calife ‘oubaydi al-Moustansir, qui le reçut avec honneur,  lui donna de l’argent et lui ordonna d’appeler les gens pour reconnaître son imamat. Ibn as-Sabbah lui demanda : «  Qui est l’Imam après toi ? » et il indiqua son fils Nizar.

Après l’Egypte Ibn as-Sabbah se rendit en Syrie, en Mésopotamie, à Diyar Bakr et en Anatolie avant de revenir au Khorasan. Il visita Kashghar et la Transoxiane, errant parmi les peuples et les induisant en erreur.

 

Quand il vit Alamout et fit connaissance avec les habitants de cette région, il resta parmi eux et, désireux de les induire en erreur, il poursuivit ses prêches en secret. Il se montra comme un ascète et porta des vêtements rudes si bien que la plupart des gens le suivirent. Le gouverneur Alid du château avait une bonne opinion de lui et avait l’habitude de croire que les séances avec lui donnaient des avantages spirituels. Quand Ibn as-Sabbah consolida sa position, il alla, un jour, trouver l’Alid dans le château et lui dit : « Quitte ce château. » L’Alid sourit croyant qu’il plaisantait, mais Ibn as-Sabbah ordonna à certains de ses hommes de l’expulser, ce qu’ils firent. Il l’envoya à Damghan, lui ayant donné sa propriété et ainsi prit le contrôle de la forteresse.

 

En entendant ces nouvelles, Nizam al-Moulk envoya une armée au château d’Alamout qu’ils assiégèrent après avoir bloqué toutes les routes. Ibn as-Sabbah souffrit du siège et envoya des hommes assassiner Nizam al-Moulk. Lorsqu’il fut tué, l’armée se retira d’Alamout. Le prochain sultan Muhammad Ibn Malik Shah envoya de nouveau une armée qui assiégea la forteresse. Ce qui sera ultérieurement rapporté, s’il plait à Allah Exalté.

 

Une de leur autre forteresse est celle de Tabas et une partie du Qouhistan. La raison pour laquelle ils gouvernèrent est qu’il y dans le Qouhistan des survivants de la famille Simjour, des émirs du Khorasan sous le règne des Samanide. Un des survivants de la dynastie s’appelait al-Mounawwar, un homme respecté par tous. Quand Koul Sarigh dirigea le Qouhistan, il traita les gens injustement et tyranniquement. Il voulut prendre une sœur d’al-Mounawwar sans autorisation juridique. Cela contraignit al-Mounawwar à demander le soutien des ismaéliens et à s’allier avec eux. De cette manière, ils prirent de l’importance dans le Qouhistan, dont ils prirent le contrôle ainsi que les villes de Khour, Khoussaf, Zawzan, Qa’in, Fout et les régions voisines.

 

Les batini prirent aussi le fort de Wasnamkouh près d’Abhar en l’an 484 de l’Hégire (1091). Les gens souffrirent et particulièrement les habitants d’Abhar qui demandèrent de l’aide au sultan Barkyarouq qui prit des dispositions pour que les hommes l’assiègent ce qui fut fait durant huit mois puis le fort tomba en l’an 489 de l’Hégire (1096) et tous ses occupants furent tués jusqu’au dernier.

 

Il y eut aussi le fort de Khalanjan à 22 kilomètres d’Ispahan qui avait été sous le contrôle de Mouayyad al-Moulk Ibn Nizam al-Moulk avant de passer à Jawouli Saqaou qui le confia à un Turc. Un charpentier batini se fit ami avec lui et lui donna un magnifique cadeau. Le Turc l’instruisit jusqu’à ce qu’il devienne confident à son sujet et lui donna même les clés du fort. Le batini invita alors le Turc et ses hommes à un festin et leur servit du vin jusqu’à ce qu’ils soient ivres puis il appela Ibn ‘Attash, qui arriva avec un groupe de ses disciples. Le château lui fut remis et il tua la garnison excepté le Turc qui réussit à s’enfuir. Cela augmenta le pouvoir d’Ibn ‘Attash qui acquis d’immenses sources de revenu payé par les gens d’Ispahan.

 

Parmi leurs forts était le célèbre Oustounawand entre Rayy et Amoul qu’ils acquirent après Malik Shah. Le seigneur de l’endroit le quitta et fut tué et ainsi le fort fut pris.

 

Le château d’Ardahnou fut pris par Abou al-Foutouh, le neveu d’al-Hassan Ibn as-Sabbah et il y avait aussi Girdkouh, qui était célèbre. Les autres forts sont ceux du Commissaire au Khouzistan, le château d’at-Tounbour à 4 kilomètres d’Arrajan, qui fut saisi par Abou Hamza le cordonnier, un citoyen d’Arrajan qui après être allé en Egypte revint comme un de leur principal agent (des batini). Le château de Khaladkhan entre Fars et le Khouzistan qui était le repère de vils hommes qui coupèrent les routes durant 200 ans jusqu’à ce que ‘Adoud ad-Dawlah Ibn Bouwayh le conquit et tua ses habitants. Quand le pouvoir de l’état passa à Malik Shah, il l’assigna à l’émir Ounour dont il fit le châtelain. Les batini d’Arrajan lui envoyèrent un messager pour lui demander de le vendre mais il refusa et ils lui dirent donc : « Nous t’enverrons quelqu’un pour débattre avec toi jusqu’à ce qu’il te fasse clairement comprendre la vérité, » ce qu’il accepta et ils lui envoyèrent un Daylami pour débattre avec lui. Le châtelain avait un mamelouk qu’il avait élevé et à qui il avait confié les clés du château. Le batini le convainquit et il fut d’accord avec l’arrestation de son maître et la capitulation du château. Le châtelain fut ainsi saisi (bien que libéré plus tard) et le château abandonné. Ensuite ils prirent le contrôle de plusieurs châteaux cependant ceux-ci sont les plus connus.

 

Comment Jawouli Saqaou traita les batini

 

Durant cette année Jawouli Saqaou exécuta une grande multitude d’entre eux du fait qu’il gouvernait la région entre Ramhourmouz et Arrajan. Quand les batini prirent les forts dans le Khouzistan et Fars et qui ont déjà été mentionnés, en augmentant leurs dommages, car ils interrompirent les voyages sur les routes de ces régions, il concerta un plan avec un groupe de ses disciples, qui feignirent être en désaccord avec lui, le quittèrent et rejoignirent les batini, en faisant semblant d’être avec eux et de leurs point de vues. Ils restèrent ainsi avec eux jusqu’à ce que la confiance leur fût accordée.

 

Alors Jawouli annonça que les émirs, les fils de Boursouq, projetaient de l’attaquer et prendre ses terres et qu’il était déterminé à partir et aller à Hamadan parce qu’il ne pouvait pas leur résister. Lorsque cela fut connu, il se mit en route et ses suivants qui étaient avec les batini et dans le complot dirent : « Laissez-nous aller là où il passera et nous saisirons tous ses biens. » Ils se mirent en route avec trois cents de leurs chefs et champions et quand ils rencontrèrent les hommes de Jawouli dans leurs rangs se retournèrent contre eux et les passèrent par le sabre. Seul trois individus s’enfuirent en grimpant une colline. Jawouli prit leurs chevaux, leurs armes et leurs effets comme butin.

 

Le meurtre du seigneur de Kirman, un batini et le changement de gouverneur

 

Touranshah Ibn Touranshah Ibn Qawourt Beg fut celui qui tua les isma’ili (et non pas les ismaéliens) turcs qui ne doivent pas être associés à la secte batini. Ils furent simplement appelés ainsi d’après un de leur émir nommé Isma’il et ils étaient Sounnis. Il tua 2 000 d’entre eux de sang-froid et trancha les mains de 2 000 autres.

 

Un homme appelé Abou Zour, qui était un employé de bureau dans le Khouzistan, vint à Touranshah et le convainquit avec succès des avantages de la doctrine batini. Il y avait avec Touranshah, un juriste Hanafi appelé Ahmad Ibn al-Houssayn al-Balkhi, qui était beaucoup respecté par les gens. Il le convoqua une nuit et tint une longue séance avec lui. Quand il partit, Touranshah envoya des hommes après lui pour le tuer. Le matin suivant, lorsque les gens vinrent le trouver et avec eux, son commandant militaire, il dit à Touranshah :

- « O prince, qui a tué ce juriste ? » Il répondit :

- « Tu es le préfet de la ville et tu me demande qui l’ai tué ! »

- «  Je connais son tueur » dit-il en se levant et en quittant l’assemblée. Il quitta alors son service avec trois cents cavaliers et alla à Ispahan. Touranshah envoya 2 000 cavaliers pour le pister et le rapporter mais il se défendit et les vaincus puis poursuivit sa route vers Ispahan, où se trouvait le sultan Muhammad et Mouayyad al-Moulk. Le sultan le reçut avec honneur et dit : « Tu es le père des princes. »

 

Après son départ les troupes de Kirman devinrent mécontentes, s’unirent ensemble et luttèrent contre Touranshah qu’ils expulsèrent de Bardsir qui est la ville principale de Kirman. Quand il la quitta, le Qadi et l’armée acceptèrent de remettre sur pied Arsalan Shah Ibn Kirman Shah Ibn Qawourt Beg. Touranshah se rendit dans la ville de Bam au Kirman mais les habitants s’opposèrent à lui, lui interdirent l’entrée et saisirent l’argent et les bijoux qu’il avait. Il partit alors pour le château de Soumayram dirigé par un émir nommé Muhammad Bihsoutoun et s’y fortifia. Arsalan Shah envoya une armée qui assiégea le château. Muhammad Bihsoutoun a dit à Touranshah : « Part. Je ne tiens pas à te trahir. Je suis un Musulman et ta présence ici me cause des tords. Ma religion peut-être soupçonné à cause de toi. » Quand Touranshah décida de partir, Muhammad Bihsoutoun envoya un messager au commandant des forces les assiégeant pour l’informer du départ de Touranshah. Un détachement de troupes fut alors envoyé pour l’intercepter. Ils l’attrapèrent et le saisirent avec ce qu’il avait avec lui. Ils prirent aussi Abou Zour. Arsalan Shah dépêcha des hommes pour les éliminer tous les deux et reprit ainsi toutes les terres de Kirman.

 

Pourquoi Barkyarouq tua les batini

 

Quand l’importance des batini grandi, leur pouvoir militaire augmenta et leurs nombres se multiplia tandis que, la haine et la rancœur s’établit entre eux et leurs adversaires. Après qu’ils aient tué plusieurs émirs supérieurs, dont la plupart étaient loyaux envers Muhammad et hostiles envers le sultan Barkyarouq, comme les préfets d’Ispahan, de Sarmaz, d’Arghoush et de Koumoush, des Mamalik de Nizam al-Moulk, son beau-fils et d’autres encore, les ennemis de Barkyarouq lui attribuèrent ces actes et le soupçonnèrent de sympathie envers les batini.

 

Quand le sultan Barkyarouq fut victorieux et mit en déroute son frère, le sultan Muhammad et tué le vizir de ce dernier, Mouayyad al-Moulk, un certain nombre de batini commencèrent à agir ouvertement dans son armée et induisirent beaucoup de soldats en erreur, en leur présentant leur doctrine. Ils devinrent alors presque dominants tant en nombre qu’en pouvoir. L’armée vint à contenir un groupe de leurs chefs, donc leur importance augmenta et ils commencèrent à menacer de mort ceux qui ne les approuvaient pas. Ceux qui s’opposèrent à eux devinrent craintifs, au point que ni émir et ni sous l’officier, n’osait sortir de chez lui sans protection et portait un plastron sous ses vêtements. Même le vizir al-A’azz Abou al-Mahassin avait l’habitude de mettre une cotte de mailles sous ses vêtements. Ses proches associés demandèrent au sultan Barkyarouq la permission de se présenter devant lui avec leurs armes et lui firent part de leur crainte de ceux qui pourraient les attaquer. Il leur donna donc la permission de faire ainsi.

 

Ils conseillèrent au sultan de les attaquer tant qu’ils n’étaient pas en position de contrer la situation et lui dirent combien les gens le soupçonnait d’avoir une inclination envers leur doctrine, au point que les troupes de son frère Sultan Muhammad en faisait leur raillerie. Sur le champ de bataille, ils se moquèrent d’eux disant « batini ! » Toutes ces remarques firent leur chemin et le sultan donna la permission d’attaquer et de tuer les batini. Il partit avec l’armée et les pourchassa. Il saisit plusieurs de leurs tentes et seules quelques insignifiantes personnes s’enfuirent.

 

Un l’entre eux suspectés d’être leur chef était l’émir Muhammad Ibn Doushmanziyar Ibn ‘Ala' ad-Dawlah Abi Ja’far Ibn Kakouya, le seigneur d’Yazd. Il s’enfuit en voyageant un jour et une nuit et le deuxième jour, il se retrouva parmi l’armée, après s’être égaré et ignorant l’endroit où il se trouvait. Il fut exécuté et le proverbe suivant est approprié ici : « Ses propres jambes vous amenèrent un traître ». Ses tentes furent pillées et on constata qu’il avait une réserve d’armes. Certains suspects furent emmenés au champ de courses et exécutés. Plusieurs personnes innocentes qui n’étaient pas d’entre eux furent aussi tuées ont été tuées parce qu’elle avait été faussement accusé par leurs ennemis. Parmi les exécutés se trouvait le fils de Kaykoubad, le gouverneur de Tikrit. Son père n’avait pas changé le sermon au nom de de Barkyarouq mais avait entrepris la réparation et la fortification de la citadelle. Il démolit la mosquée d’une congrégation de la ville, qui se trouvait près de la citadelle, pour éviter qu’une attaque soit lancée depuis ce lieu et convertit une église dans la ville en mosquée où des prières furent tenues.

 

Une lettre fut envoyée à Baghdad pour l’arrestation d’Abou Ibrahim al-Assadabadhi qui s’y trouvait déjà comme envoyé de Barkyarouq pour saisir la propriété d’al-Mouayyad al-Moulk. Il était l’un des principaux notables des batini. Il fut arrêté et emprisonné. Quand il fut sur le point d’être exécuter, il  dit : « Supposez que vous me tuez, pourrez-vous tuer tous ceux qui se trouvent dans les châteaux et les villes ? » Il fut donc exécuté et aucune prière de fut récitée sur lui puis, il fut lancé à l’extérieur de la muraille. Son fils adulte fut aussi tué par l’armée avec ceux qui étaient en leur compagnie.

 

Les habitants de ‘Ana s’étaient joint à cette doctrine dans le passé et leur attitude fut dénoncée au vizir Abou Shouja’ durant le règne d’al-Mouqtadi bi-Amrillah qui les convoqua à Baghdad et questionna leur Sheikhs sur ce qui était racontés à leurs sujets. Ils renièrent et rejetèrent ces affirmations et il les laissa aller. De même, al-Kiya al-Harras qui était un enseignant de la Nizamiyyah (école religieuse fondée par Nizan al-Moulk) fut aussi soupçonné d’être un batini. Cette accusation fut transmise au sultan Muhammad, qui ordonna son arrestation. Le Calife al-Moustadhir Billah envoya pour le faire libérer et témoigna de la sûreté de ses convictions et sa haute réputation dans les études religieuses si bien qu’il fut libéré.

 

 

 

 

 

 

Les conquêtes des croisés en Syrie

 

Godefroi, le roi des croisés en Syrie, qu’Allah les maudisse, et le gouverneur de Jérusalem, marcha sur Acre en longeant la côte et assiégea la ville mais il fut touché par une flèche et tué. Il reconstruisit la ville de Jaffa et la remit à un comte des croisés nommé Tancrède. Lorsque Godefroi fut tué, son frère Baldwin alla à Jérusalem avec 500 croisés à cheval et à pied. Ces nouvelles parvinrent au prince Douqaq, le seigneur de Damas, qui leva son armée pour l’affronter, accompagné par l’émir Janah ad-Dawlah et ses troupes et dans la bataille qui s’ensuivit, il remporta la victoire sur les croisés.

 

Durant cette année, les croisés prirent la ville de Sarouj en Mésopotamie. La raison est qu’ils avaient déjà pris la ville d’Edesse par traité avec ses habitants, dont la plupart étaient des Arméniens et très peu de Musulmans s’y trouvait. A ce moment, Souqman rassembla une grande force de Turcomans dans Sarouj et attaqua les croisés mais il fut vaincu dans la bataille qui s’ensuivit au mois de Rabi’ Awwal et après la déroute complète des Musulmans, les croisés marchèrent sur Sarouj, qu’ils reprirent après un siège. Ils tuèrent un  très grand nombre d’habitants, asservirent leurs femmes et pillèrent leur propriété. Seuls ceux qui s’enfuirent survécurent.

 

Aussi cette année, les croisés conquirent par la force des armes Hayfa qui est près d’Acre sur la côte. Ils prirent aussi Arsouf par traité et mirent les habitants à la porte puis au mois de Rajab, ils prirent Césarée par l’épée, tuèrent tous ses gens et pillèrent ce qui s’y trouvait.

 

 

Au mois de Ramadan de cette même année, le calife al-Moustadhir Billah ordonna l’ouverture de la mosquée du Palais afin que les prières surérogatoires en ce temps de jeûne puissent être exécutées, ce qui était inhabituel. Il ordonna aussi de prononcer à haute voix la formule « Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux » bien que cela ne soit pas de coutume et bien que la déclaration à haute voix de la Bismillah ait été seulement abandonnée dans les mosquées de Baghdad parce que les ‘oubaydi (ismaéliens), les gouverneurs d’Egypte, avait l’habitude de le pratiquer. Elle fut abandonnée pour se distinguer d’eux et pour ne pas suivre la pratique de l’école de l’Imam Ahmad. Il ordonna aussi l’emploi du Qounout selon l’école Shafi’i. Lors de la vingt-neuvième nuit, la récitation du Qur’an fut complétée et une grande foule des gens se rassembla.

Le chef d’ar-Rou’asa', Abou al-Qassim ‘Ali Ibn Fakhr ad-Dawlah Ibn Jahir, le frère de ‘Amid ad-Dawlah qui avait été juste été libéré de prison se mêla à la foule et quitta Baghdad par une brèche dans la muraille. Il rejoignit Sayf ad-Dawlah Sadaqah Ibn Mazyad, qui l’accueillit avec honneur et lui donna des logements.

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[1] Et ainsi en est-il pour la fameuse croix sur laquelle, ‘Issa Ibn Maryam, paix sur lui,  aurait-il été crucifié ; mythes et mensonges.