Les Raïs algériens

 

Alger devint un grand port barbaresque, comme de nombreux ports d’Europe puisque la piraterie était couramment pratiquée par les Européens comme nous l’avons vu et un grand nombre de marins européens se convertirent à l’Islam et certains d’entre eux accèderont au poste suprême à la tête de la Régence.

Les plus célèbres corsaires de la régence algérienne entre les années 906 à 1230  de l’Hégire (1500-1815) furent : Les frères ‘Arouj et Khayr ad-Din Barberousse, Dragut Turgut (Reis) Raïs, Hassan Corso, ‘Oulouj ‘Ali al-Fartas le Calabrais, Hassan Veneziano, De Veenboer ou Souleyman Raïs, Ja’far Raïs, ‘Ali Mami l’Albanais qui devint Pacha en l’an 991 de l’Hégire (1583),  Farhat Bey, Hajj Muhammad qui devint Dey en 1082 de l’Hégire (1671), Houssayn « Mezzo-Morto » qui devint Dey de 1094 à 1099 de l’Hégire (1683 à 1688), Mourad le Flamand, Piccini le Vénitien qui devint ‘Ali Bitchin, chef de la Taïfa de 1030 à 1055 de l’Hégire (1621 à 1645), Salah Raïs alias Tête de Feu, Sinan al-A’war le Borgne, et Raïs Hamidou de 1184 à 1230 de l’Hégire (1770-1815).

Voici l’histoire abrégée de certains d’entre-deux, les frères Barberousse et Raïs Hamidou et nous parlerons de Dragut ou Turgut Raïs alias Darghout dans le chapitre du Maghreb al-Adna ou la Lybie.

 

 

‘Arouj et Khayr ad-Din Barberousse

 

‘Arouj, Eliyyah, Ishaq et Khizir qui prendra plus tard le prénom de Khayr ad-Din furent quatre frères de Roumélie et ‘Arouj et Khayr ad-Din plus connus sous le nom de Barberousse deviendront deux corsaires renommés et craints par leurs ennemis.

‘Arouj et Khayr ad-Din fondèrent la Régence d’Alger pour servir de base dans la lutte entre les Ottomans musulmans et l’Europe chrétienne qui pendant trois siècles, sillonnèrent la Méditerranée contre les croisés depuis les ports d’Alger, de Jijel, de Tunis et de Djerba. Leur frère Ishaq participa à l’effort avant d’être assassiné en l’an 924 de l’Hégire (1518).

‘Arouj, qui était déjà un habile marin, vendait des objets en poterie dans toutes les îles de la mer Egée avec son frère Eliyyah quand un jour, ils furent attaqués par des pirates qui détruisirent leur cargaison, endommagèrent leur felouque, et les blessèrent mais peu de temps après ‘Arouj et son frère partirent en expédition pour se venger cependant Eliyyah fut tué tandis que ‘Arouj fait prisonnier fut emmené à Rhodes ou il fut vendu comme esclave et retenu captif dans une île ou, il fut traité durement. Enchaîné à bord d’une galère, il parvint à se détacher lors d’une tempête et regagna la côte à la nage où il fut engagé par Raïs ‘Ali en partance pour l’Egypte.

A Alexandrie, le sultan Malik al-Ashraf le chargea de diriger une flotte mais ses navires furent attaqués et détruits par des corsaires génois et il regagna encore une fois la côte à la nage. Son tempérament fougueux attira l’attention de Korkhoud, le frère du calife ottoman Salim I, qui pour le récompenser, lui confia un shabak armé pour attaquer les côtes italiennes et il s’installa sur l’île de Zerbi, pas très loin d’Alger où il retrouva son frère Khizir qui était également devenu un barbaresque redouté.

 

Un jour, ‘Arouj attaqua un puissant galion napolitain et prit le commandement de deux galiotes et assisté de ses deux frères, Khayr ad-Din et Ishaq, il se rendit en Tunisie en 909 de l’Hégire (1504) et se mit au service du souverain de Tunis.

Au mois de Mouharram de cette même année, appuyé par le souverain de Tunis qui l’autorisa à utiliser l’île de Djerba, puis la Goulette (halq al-oued) et le port de Tunis, il ravagea les côtes de la Sicile et de la Calabre et étendit peu à peu ses incursions sur tout le littoral de la Méditerranée.

Puis, les frères Barberousse vont convoyer de l’Andalousie vers l’Afrique du Nord, les Andalous Musulmans et les Juifs sépharades qui fuirent l’Espagne sous la pression de l’inquisition espagnole et les conversions de force décrétées par Isabelle la fanatique catholique en 897 de l’Hégire (1492). C’est à cette époque qu’Arouj sera surnommé affectueusement « Baba ‘Arouj » qui deviendra « Barberousse » pour les occidentaux, d’autant plus que cela correspondait à la couleur de sa barbe.

 

Durant cinq ans, les frères Barberousse sillonnèrent les mers d’Italie pillant et ravageant les côtes, et ils prirent un certains nombres de navires qui allaient accroitre leur flotte.

Quand les Espagnols prirent Mers al-Kabir au mois de Joumadah Awwal de l’année 911 de l’Hégire (23 octobre 1505), Oran au mois de Mouharram 915 (mai 1509) et Bejaïa ou ils construisirent la forteresse du Penon au large d’Alger en 916 de l’Hégire (1510), les souverains algériens les appelèrent à leur secours.

 

En l’an 919 de l’Hégire (août 1512), à la demande du souverain de Bejaïa, chassé de sa ville par les Espagnols, les frères Barberousse, à la tête de douze galiotes et mille hommes attaquèrent Bejaïa sans succès et grièvement blessé au bras gauche pendant le siège et après une douloureuse amputation, il rentra à Tunis pour y soigner sa blessure qu’il remplaça par une prothèse en argent.

Khayr ad-Din quant à lui, continua à harceler les croisés qui se livraient à un massif trafic d’esclaves mais l’amiral Andrea Doria attaqua La Goulette et détruisit une partie de sa flotte cependant, les deux corsaires reprirent peu après la mer avec une nouvelle flotte.

 

En l’an 920 de l’Hégire (1514), les frères Barberousse prirent Jijel aux Génois et en firent une de leur base ou ils ramenaient leur riche butin et bientôt un nombre important de barbaresques les rejoignirent tandis que les Espagnols menaçaient l’Algérie pour le contrôle maritime depuis leur forteresse du Penon bâtie sur un des îlots qui commandait le port d’Alger.

 

En l’an 922 de l’Hégire (1516), le gouverneur d’Alger, Salim at-Toumi, incapable de se débarrasser de ces derniers, appela à l’aide les frères qui vinrent aussitôt. Khayr ad-Din à la tête d’une puissante flotte se dirigea vers Alger tandis que son frère ‘Arouj à la tête d’une armée de Berbères, alla s’emparer de Cherchell ou il laissa une petite garnison avant de revenir sur Alger où il déploya aussitôt une batterie contre la forteresse espagnole de Penon qui menaçait toujours la ville. Le Sheikh Salim at-Toumi ayant réalisé la force de ces hommes craignit pour son poste et décida d’en finir avec eux mais ‘Arouj informé, le fit étrangler dans son bain et se fit proclamer souverain d’Alger, au mois de Sha’ban de l’année 922 de l’Hégire (17 septembre 1516).

L’un des fils de Salim at-Toumi chercha de l’aide auprès des Espagnols qui envoyèrent pour le soutenir une escadre espagnole de 35 navires et de 3.000 hommes à Alger mais l’expédition échoua et tourna au désastre.

Quelques jours plus tard, une autre escadre sous le commandement de Diego de Vera, aborda près d’Alger et marcha sur la Casbah quand le vent se leva subitement et voyant sa flotte exposée aux éléments déchaînés, le général ordonna la retraite. Au même moment, ‘Arouj sortit de la Casbah et chargea les envahisseurs qui s’enfuirent en désordre mais 1.500 d’entre eux furent pris prisonniers tandis que le reste furent tués et la plupart de leurs navires furent coulés par la tempête.

 

Le gouverneur de Ténès qui redoutait les frères Barberousse marcha contre eux en l’an 923 de l’Hégire (juin 1517) mais fut littéralement écrasé à Oued Djar et ‘Arouj entra dans Ténès où une délégation des habitants de Tilimsen vinrent le trouver pour lui demander de les aider à chasser Abou Zayyan qui avait usurpé le trône son neveu Abou Hammou. ‘Arouj accepta et il se mit en marche avec son armée de 1.500 arquebusiers et laissa son frère Ishaq, dans la petite ville de Qal’ah avec 300 soldats pour assurer sa retraite en cas de désastre et ‘Arouj vainquit Abou Zayyan qui était sorti à sa rencontre avant d’entrer dans Tilimsen.

 

En l’an 924 de l’Hégire (janvier 1518), le Marquis de Cosmarès, le gouverneur d’Oran, après avoir obtenu des renforts attaqua al-Qal’ah mais Ishaq après avoir résisté obtint une capitulation honorable, mais le contingents des partisans d’Abou Hammou les tuèrent jusqu’au dernier.

La nouvelle de la chute de la Qal’ah arrivèrent à Tilimsen suivie par les Espagnols et leur alliés apostats et assiégèrent la ville durant plus de six mois et les habitants de Tlemcen s’entendirent secrètement avec les Espagnols et tuèrent une grande partie des Turcs. ‘Arouj réussit à s’enfuir avec quelques-uns de ses compagnons vers Oujda cependant, ils furent rejoints à Oued al-Malah et tués par les partisans d’Abou-Hammou au mois de Joumadah Awwal de cette même année (mai 1518).

 

Khayr ad-Din prit la succession de son frère et devint le souverain d’Alger. N’ayant plus assez de force suffisante et craignant une invasion imminente des croisés, il demanda protection au calife ottoman Salim I qui envoya à son nouveau vassal une armée de 6.000 artilleurs. Ainsi, en l’an 921 de l’Hégire (1519), l’Algérie devient une province de l’empire ottoman et Khayr ad-Din fut nommé gouverneur officiel. Grâce à cet appui et celui des autochtones, Khayr ad-Din déploya tous ses efforts pour contrer la menace chrétienne.

 

Charles Quint le maudit, sur les sollicitations du gouverneur d’Oran, donna l’ordre de s’emparer d’Alger à Hugo de Moncade, le gouverneur de Sicile et chevalier de Malte, qui rassembla une escadre de 40 navires et 5.000 combattants et navigua vers Alger où il débarqua et se dirigea sur les hauteurs d’Alger où il déploya ses batteries de canons et attendit l’arrivée de la troupe d’Abou Hammou avant d’attaquer la Casbah. Khayr ad-Din simula l’attaque de leur camp qui attira une partie des espagnols postées sur les hauteurs.

Khayr ad-Din attaqua alors et prit les batteries de canons qu’il retourna contre les Espagnols qui furent pratiquement anéantis et seuls quelques-uns réussirent à s’enfuirent dont Hugo de Moncade.

Khayr ad-Din repeupla Alger avec 60.000 Musulmans andalous qui fuyaient l’Espagne et qu’il transporta en personne sur ses navires. Cependant, Barberousse dut faire face aux Berbères qui le menaçait et, Ahmad Ibn al-Qadi avec l’aide du sultan des Banou Hafs de Tunis, Muhammad Ibn ‘Ali l’obligèrent à quitter Alger et Khayr ad-Din dut à son tour se réfugier à Jijel puis à Djerba.

 

Après avoir une série d’expéditions navales qui servirent à renflouer ses caisses Khayr ad-Din reprit l’offensive et en l’an 927 de l’Hégire (1521), s’empara de Constantine, en 928 (1522) de ‘Annaba et toute la Mitidja pour entrer en maître à Alger en l’an 931 de l’Hégire (1525), où Ahmad Ibn al-Qadi fut tué par ses propres troupes. Puis, en l’an 932 de l’Hégire (1526), il prit Mostaganem. Ayant rétablit son pouvoir sur l’Algérie, il se consacra à l’administration de son royaume reprit ses expéditions navales.

 

Le 27 du mois de Sha’ban de l’année 935 de l’Hégire (6 mai 1529), Khayr ad-Din décida de chasser les espagnols qui menaçait la ville d’Alger depuis leur forteresse du Penon. Il déploya plusieurs unités de batteries et bombarda la forteresse tandis que les espagnols répliquèrent en tirant sur la Casbah, endommageant maisons et mosquées. L’Espagne envoya des renforts mais l’escadre fut interceptée et engagée au large de Mostaganem par les corsaires de Khayr ad-Din et après un violent combat naval, les Espagnols s’enfuirent.

Khayr ad-Din reprit l’assaut de la forteresse qui finit par se fissurer puis, le 19 du mois de Ramadan de cette même année, il donna l’assaut final et après de lourd combat, Martin Vargas fut pris prisonnier avec 90 de ses soldats. Khayr ad-Din proposa à l’ennemi d’Allah d’embrasser la religion musulmane en lui promettant de grands honneurs mais ce dernier refusa et quelques temps plus tard, le mécréant fut bastonné, son corps traîné dans les ruelles de la ville, puis jeté à la mer et la forteresse rasée à l’exception d’un bastion circulaire sur lequel fut construit plus tard le phare de Bordj al-Fanar. Khayr ad-Din construisit avec les pierres de la forteresse un môle, de 200 mètres de long et 25 de large qui donna ainsi naissance à l’actuel port d’Alger.

 

Ainsi libéré de la menace intérieure, Khayr ad-Din concentra toute son attention vers les mécréants et durant trois siècles, les Musulmans feront des razzias et des incursions navales en Europe.

 

En l’an 937 de l’Hégire (1531), l’amiral génois Andrea Doria attaqua Cherchell et les croisés débarquèrent leurs troupes qui furent rapidement anéanties. Mille-quatre cents furent tués et six-cents réduits en esclavage tandis que Khayr ad-Din prit aussitôt la mer et partit à la poursuite de l’amiral Andrea Doria qu’il ne put rattraper mais ravagea néanmoins sur son passage les côtes de Provence et d’Italie.

 

En l’an 938 de l’Hégire (1532), les Tunisiens demandèrent à Khayr ad-Din d’étendre son autorité sur leur pays et ce dernier demanda de l’aide au calife Souleyman (Soliman) I qui lui envoya une armée de 8.000 Turcs. Deux ans après, laissant Alger sous la garde de son fils adoptif, Hassan Aghah, il partit au-devant des troupes et débarqua à La Goulette, puis s’empara de Bizerte ou il fut accueilli par une population en liesse.

Plus tard, Khayr ad-Din apparut avec sa flotte à l’entrée de Tunis, entra dans la ville et annonça la fin de la dynastie des Bani Hafs. Mais le sultan des Banou Hafs détrôné appela à l’aide les Espagnols et Charles Quint, qui rêvait de débarrasser le littoral africain et Islamboul des « impies », prit le commandement, au mois de Dzoul Qi’dah de l’année 941 de l’Hégire (14 mai 1535), d’une expédition de 412 navires et des dizaines de milliers de croisés de toute la chrétienté à l’exception de Venise et de la France. Il débarqua au mois de Dzoul Hijjah de cette même année (16 juin 1535), entre Carthage et La Goulette, à Porto-Farina au même endroit, où, trois siècles plus tôt, le 6 du mois de Mouharram de l’année 669 de l’Hégire (25 Août 1270), Saint Louis débarqua lors de sa dernière croisade ou son armée fut décimée par la peste. La Goulette et Tunis furent assiégées ainsi que la forteresse de La Goulette.

Pendant trente-deux jours, Khayr ad-Din résista à la double attaque de l’armée de Charles Quint et de la flotte d’Andrea Doria, mais le 3 du mois de Mouharram de l’année 942 de l’Hégire (4 juillet 1535), la forteresse, à bout de souffle, ouvrit ses portes tandis que Khayr ad-Din s’enfuit vers l’intérieur du pays.

Deux semaines plus tard, l’armée espagnole rencontra les Ottomans alliés aux Berbères dans la plaine de l’Ariana et assiégèrent Tunis le 13 Mouharram (14 juillet 1535) tandis que 25.000 esclaves chrétiens s’échappèrent des bagnes de la ville et se rendirent maîtres de la Casbah et d’une partie de la ville.

Le 20 Mouharram (21 juillet 1535), les esclaves chrétiens ouvrirent les portes de Tunis et  Charles Quint pénétra dans Tunis, ou les Espagnols massacrèrent, avec l’accord du souverain apostat des Bani Hafs déchu, un tiers de la population de la ville pendant trois jours,

Après avoir lutté contre les croisés, Khayr ad-Din se replia dans les montagnes avec le reste de son armée d’où il rejoignit ‘Annaba, puis Alger d’où il embarqua et navigua vers les Baléares ou il pilla Majorque, débarqua à Port-Mahon (Minorque), prit la ville et s’empara d’un butin considérable ainsi que 800 prisonniers avant de regagner Alger tandis que la nouvelle de cette razzia parvint à Rome au milieu des fêtes de célébration de la chute de Tunis.

 

Khayr ad-Din dut se rendre à Istanbul en l’an 943 de l’Hégire (1536) pour demander au calife ottoman de l’aide pour reprendre Tunis aux croisés. Le calife connaissant sa valeur le nomma alors grand-amiral de ses flottes et lui donna le titre de Capitaine Pacha (bashah) pour faire face à la menace de Charles Quint. Khayr ad-Din se retrouva à la tête d’une flotte de 80 vaisseaux et il fut chargé de patrouiller la Méditerranée pour effrayer la chrétienté. Khayr ad-Din envoya alors son fameux corsaire Dragut (darghout) contre Charles Quint et Andrea Doria.

Khayr ad-Din réorganisa l’armée navale du sultan et prit part à la guerre entre les Turcs et les Vénitiens puis s’empara de Castia dans la province d’Otrante avant de rejoindre le calife Souleyman.

Pendant ce temps, les flottes croisées ayant répondu à l’appel du pape Paul III pour une nouvelle croisade contre « l’infidèle », firent voile vers Corfou, où elles se réunirent sous le commandement de l’amiral de Charles Quint, Andrea Doria qui envoya trois galères pontificales dans les iles de l’Archipel qu’ils razzièrent et à Mytilène, où elles ravagèrent la villa de Khayr ad-Din. Informé, ce dernier partit avec 40 vaisseaux vers les îles des  Cyclades  et des Sporades, qu’il mit à feu et à sang avant de revenir à Islamboul offrir au calife le riche butin de cette expédition dont 500.000 pièces d’or et 400 captifs.

 

Khayr ad-Din prit en charge 150 galères fraichement sorties des chantiers d’Islamboul, en l’an 945 de l’Hégire (septembre 1538), qu’il fit équiper pour le combat tandis que les flottes d’Espagne, du Portugal, de Gênes, de Venise et des Etats pontificaux se trouvaient à Corfou prêtes pour le combat.

Quelques semaines plus tard, Khayr ad-Din enfin prêt, mouilla dans le golfe d’Arta, sur la côte grecque, à une quinzaine de lieues au sud de Corfou ou il jeta l’ancre près de la forteresse turque de Préveza. Tandis qu’Andrea Doria naviguait à la tête d’une escadre de 200 vaisseaux portant 250 canons et 60.000 hommes à la recherche de la flotte ottomane. Dès qu’il aperçut la flotte ancrée dans la rade d’Arta, il donne l’ordre de prendre la formation de combat et le 3 Joumadah Awwal de l’année 945 de l’Hégire (27 septembre 1538), les galères croisées avancèrent. Mais Andrea Doria hésita à engager ses lourds galions à travers l’étroit goulet et Khayr ad-Din décida d’attaquer le premier.

La bataille tourna à l’avantage des Ottomans et l’amiral génois, une fois de plus battit en retraite poursuivi par Khayr ad-Din quand soudain, un violent orage éclata et dispersa les combattants. La flotte turque regagna difficilement le golfe d’Arta tandis que les flottes croisées prises dans le violent orage s’échouèrent sur les côtes des îles avoisinantes et la fuite des croisés permis aux  Ottoman d’assoir leur domination sur la Méditerranée.

 

Après avoir tué la garnison de mercenaires espagnols, Khayr ad-Din prit Castelnuovo en Dalmatie en l’an 946 de l’Hégire (1539) puis Cattaro ou Kotor aux Vénitiens.

 

En l’an 950 de l’Hégire (1543), Khayr ad-Din Barberousse était alors âgé de 77 et sa barbe devenue blanche ne l’empêcha pas d’harceler les ennemis d’Allah et des Musulmans en ne leur laissant aucun repos. Le calife ottoman Souleyman l’envoya porter secours à François I contre Charles-Quint et sur sa route, il brûla Reggio, saccagea les côtes de la Calabre, prit Gaète dans le royaume de Naples et vient ensuite mouiller à Villefranche qu’il s’empara avant d’apparaître à l’embouchure du Tibre.

Khayr ad-Din mouilla à Toulon où il resta jusqu’à la conclusion de la paix entre François Ier et Charles-Quint en l’an 951 de l’Hégire (1544) et lorsqu’il retourna cette même année (mai à juillet 1544), à Islamboul, il ravagea au passage l’île d’Elbe, les Etats de Sienne et les îles d’Ischia, Procida et Lipari et ce fut sa dernière expédition.

Lorsqu’il rentra à Islamboul, Khayr ad-Din prit sa retraite et décéda le 5 Joumadah Awwal de l’année 953 de l’Hégire (4 juillet 1546), alors qu’il était âgé d’environ quatre-vingts ans. Sa dépouille repose à Beshiktasch sur les rives du Bosphore.

 

 

Raïs Hamidou

 

Hamidou naquit en l’an 1770 de l’Hégire (1770) à Alger. Son père, ‘Ali, était un tailleur qui enseigna le métier à son fils à l’âge de onze ans mais souvent ce dernier s’absenta de l’atelier pour aller sur le port voir les marins qui revenaient d’expéditions et qui racontaient des histoires extraordinaires si bien qu’un jour, il s’embarqua comme mousse à bord de l’un des navires corsaires.

Hamidou brave et hardi prit rapidement du galon grâce à ses qualités et devint capitaine malgré son jeune âge et ce fut le Bey d’Oran qui l’employa le premier et lui offrit le commandement d’un petit shabak avant de lui confier le commandement de sa flotte qui se composait de quelques navires à peine.

Un jour que son escadre de trois Shabak croisait dans les eaux des Baléares, il tomba nez à nez avec deux polacres de guerre génoises et ses manœuvres habiles et hardies éloignèrent les navires ennemis.

 

Raïs Hamidou fut certainement le commandant corsaire le plus renommé de la flotte de la Régence d’Alger et il devint célèbre grâce à ses nombreux exploits. Hamidou Ibn ‘Ali, était bien formé, de taille moyenne, blond, le teint blanc, les yeux bleus ou gris-bleus et comme les Raïs, il se rasait la barbe et ne gardait que les moustaches à qui toute liberté de croître était donné. Il était aimé de tous, courageux, généreux, éloquent, élégant et avenant avec tout le monde.

Hamidou était un homme organisé qui exigeait de son équipage une discipline de fer et ses ordres devaient être exécutés rapidement avec précision. Il était très rusé et savait dérouter ses adversaires et les approcher de nuit sans se faire repérer et son fin et élancé shabak, était aussi rapide par vent que par calme plat grâce à ses 20 rameurs choisis pour leur force. Son navire manœuvrable permettait de dérouter l’adversaire par de brusque changement de cap dut à l’extrême rapidité dans les changements de voilure.

Si les corsaires étaient habituellement réputés pour leur brutalité sanguinaire Hamidou au contraire, était un homme juste envers ses hommes et savait les récompenser à leur juste valeur. Le Dey d’Alger recevait régulièrement des rapports sur l’audace de cet homme pour s’emparer des navires pris en chasse et qui en plus d’être juste avec ses hommes, prenait grand soin du navire qu’on lui avait confié.

 

Hassan Ibn Houssayn le Dey d’Alger fit demander auprès de lui le jeune Raïs dont la réputation s’était répandu jusqu’à lui et lui confia le commandement d’un shabak de douze canons, dirigé par une soixantaine d’hommes. Mais un jour au retour d’une expédition vers l’Italie, le mauvais temps le détourna vers le port d’al-Qal’ah (La Calle) et malgré les précautions qu’il prit pour sécuriser le navire à l’ancrage, la tempête emporta le vaisseau qui se fracassa contre le rivage.

La perte d’un vaisseau était sévèrement punie par la Dey à l’époque ce qui poussa Hamidou à se sauver à Tunis puis à Constantine ou il fut pris par de Dey de la ville et ramené à Alger ou le Dey lui pardonna et lui confia le commandement d’un autre shabak en attendant de lui confier un navire plus volumineux, une corvette en l’an 1211 de l’Hégire (1797), qui était alors le plus puissant navire de la flotte de le Régence d’Alger et avec lequel et certains autres corsaires, il fit un nombre impressionnant de capture de navires de commerce et de guerre mettant à contribution Français, Anglais, Italiens, Napolitains, Espagnols, Portugais, Génois, Suédois, Américains, Hollandais etc.

Au mois de Rabi’ Awwal de l’an 1211 de l’Hégire (1797), le Pacha Hassan décéda des suites d’une maladie et fut remplacé par Mustapha, Khanaji le trésorier de la Régence qui sera assassiné en l’an 1220 de l’Hégire (1805), après un règne de huit ans, et remplacé par Ahmad Pacha.

Hamidou conserva le commandement de la corvette qui lui avait été précédemment confiée par Hassan Pacha tandis que les relations entre la Régence d’Alger et la France se dégradèrent à cause des dettes que cette dernière, comme à son habitude, faisait traîner.

 

Le 2 du mois de Rajab de l’année 1213 de l’Hégire (10 décembre 1798), Raïs Hamidou captura 2 vaisseaux de guerre français et prit la base militaire française d’al-Qal’ah, sur les côtes algériennes.

 

Le 4 Rajab de l’année 1213 de l’Hégire (12 décembre 1798), un navire grec fut capturé par des corsaires algériens alors qu’à cette époque, la Grèce était encore une province ottomane et les Ottomans adressèrent des menaces au Dey d’Alger. Mais ces agressions contre les intérêts des Ottomans se poursuivirent qui donnèrent l’ordre de poursuivre les navires algériens tout en préparant une expédition contre Alger qui échoua avec l’assassinat d’al-Hajj ‘Ali Pacha, le 11 Rabi’ Thani de l’année 1230 de l’Hégire, qui fut succédé par al-Hajj Muhammad le trésorier de la Régence, qui sera lui-même assassiné 17 jours après, sera succédé à son tour par ‘Omar Pacha qui envoya un messager à Islamboul pour présenter ses excuses au calife qui furent acceptées.

 

La corvette commandée par le Raïs Hamidou avait une batterie de 36 canons et le puissant navire ayant subi des avaries, exigeait de longues réparations. Hamidou dut laisser son navire et s’embarqua, provisoirement en attendant mieux, sur une polacre avec laquelle il fit quelques prises. Raïs Hamidou prit bientôt le commandement d’une frégate de 44 canons après que sa corvette de 36 canons fut mise en cale sèche pour réparations.

C’est avec cette nouvelle frégate qu’il se rendit célèbre par des exploits et s’empara d’un navire de guerre, une frégate portugaise de 44 canons.

Voici la mention consignée à ce sujet dans le registre des prises : « La frégate du Raïs Hamidou a pris un navire de guerre portugais, armé de 44 canons, sur lequel 282 prisonniers mécréants ont été capturé. Deux de ces mécréants ont été donnés au premier matelot qui se lanca à l’abordage et le Pacha a sanctionné ce don. Un autre mécréant a été donné à Sidi AbderRahmane, et, après ces donations, il restait 279 mécréants. Le Pacha a envoyé le prix de cette capture en doublons, et, aussitôt que cette somme est arrivée à la Marine, elle a été distribuée à l’équipage. 25 Mouharram 1217 (28 mai 1802) ».

Voici le récit de ce qui a été transmis verbalement par tradition : « Le Raïs Hamidou appareilla et prit le large en même temps que la frégate al-Marikaniyah (l’Américaine), commandée par le Raïs Ahmad Ezzemirli, qui plus tard devint trésorier et les deux navires ne tardèrent pas à se séparer, chacun allant de son côté chercher fortune. Après quelques jours de croisière, le Raïs Hamidou fit la rencontre d’une frégate portugaise, et conçut l’audacieux projet de s’en emparer.

Pour exécuter son téméraire dessein, il employa la ruse et hissa les couleurs anglaises pour se rapprocher. La portugaise accepta sans méfiance cette métamorphose et laissa tranquillement celle-ci entrer dans ses eaux, croyant sans doute qu’elle avait quelque communication à lui faire. Quand il ne fut plus possible de garder le moindre doute sur les intentions suspectes de la fausse anglaise, il était trop tard, et la portugaise ne put éviter l’abordage.

Quand les deux navires furent accrochés l’un à l’autre, les Algériens sautèrent à bord du navire portugais, malgré les filets anti-abordage dont il était équipé. L’équipage algérien eut bientôt raison de la résistance des Portugais.

Quand, à son tour, Hamidou arriva à Alger, avec sa prise il fut reçut par Mustapha Pacha qui le félicita et lui donna des vêtements et un yatagan d’honneur ».

 

En l’an 1222 de l’Hégire (1807), le Raïs Hamidou partit en mission à Smyrne, et il profita de son voyage pour effectuer des captures avant de reprendre ses expéditions dès son retour à Alger.

Les janissaires se révoltèrent contre Ahmad Pacha qui avait ordonné un certain nombre d’exécutions et il fut assassiné et remplacé par le Pacha ‘Ali qui subira le même sort que son prédécesseur quatre mois après son élection. Le nouveau Dey exila Hamidou à Beyrouth à cause de sa popularité mais le Hajj ‘Ali Pacha, le trésorier de la Régence qui prit le pouvoir le 24 Mouharram 1224 de l’Hégire (11 mars 1809), s’empressa de le rappeler auprès de lui.

 

De retour à Alger, Hamidou en plus du commandement de sa frégate, il reçut celui d’une escorte de quatre navires, une frégate de 44 canons commandée par lui-même, une frégate de 44 canons commandée par le Raïs ‘Ali Gharnaout, la frégate portugaise de 44 canons commandée par le Raïs Ahmad Zmirli, un brick de 20 canons, commandé par le Raïs Mustapha le Maltais et le Dey l’autorisa à aller croiser dans l’Océan Atlantique ce que fit le Raïs Hamidou sous le couvert de la nuit.

L’escadre algérienne captura trois navires et Hamidou se prépara de nouveau à repasser le détroit, après avoir déjà expédié à Alger deux de ses prises, la troisième étant restée près de lui. Les navires algériens se présentèrent à l’embouchure du détroit à la pointe du jour pour trouver en face d’eux, leur barrant le passage trois frégates et un vaisseau portugais. Hamidou donna ses ordres et les trois frégates algériennes resserrèrent leur ligne de marche, et, toutes voiles dehors, s’avancèrent hardiment vers le vaisseau ennemi tandis que sa prise naviguait vers Gibraltar.

Grâce à une série d’époustouflantes manœuvres, Hamidou s’éloigna de ses adversaires et regagna Alger.

 

Hamidou continuera ses exploits et au mois de Joumadah Awwal de l’année 1226 de l’Hégire (24 mai au 22 juin 1811), commandant six navires de guerre, il captura sur un navire anglais des marchandises tunisiennes ayant une valeur de 53.874 francs 60 centimes.

Le 28 Rabi’ Thani de l’année 1226 de l’Hégire (22 mai 1811), avec une flotte de six navires de guerre et de quatre canonnières, il captura une frégate tunisienne qu’il ramena à Alger après un vaillant combat contre une flotte tunisienne de douze navires de guerre. Voici que qui a été consigné : « L’engagement dura six heures et ne cessa qu’après le coucher du soleil. Nous avons perdu 41 hommes et la frégate tunisienne 230. Que Dieu ait pitié d’eux et de nous, car nous sommes tous Musulmans, et qu’il favorise notre avenir, Amine ! »

Suite à cette bataille navale, Hamidou reçut une ovation populaire après que le Pacha l’ai complimenté en audience publique.

 

Raïs Hamidou enregistrera rencontrera un certain nombre d’autres succès entre les années 1227 à 1230 de l’Hégire (1812 à 1815) et il décèdera le 8 du mois de Rajab de l’année 1230 de l’Hégire (16 juin 1815) sur son banc de commandement, sous le feu d’une escadre américaine, qui l’encercla par traitrise et à laquelle il fit honorablement face, malgré le nombre des vaisseaux ennemis au nombre de dix et ce après la rupture du traité signé entre Alger et les USA.

Le 8 du mois de Rajab de l’année 1230 de l’Hégire (6 juin 1815), une escadre de dix navires hissèrent le pavillon britannique pour pouvoir approcher le navire du Raïs Hamidou « le Mashoudah » quand ce dernier réalisa que des américains, il se laissa approcher sans méfiance et lorsque les américains furent assez près, ils tirèrent deux bordées, dont la première tua sur le coup, le Raïs Hamidou à son poste de combat.

Après plusieurs bordées la frégate algérienne fut démâtée et criblée de boulets alors les matelots hissèrent le pavillon de reddition et jetèrent les corps des morts à la mer conformément à la volonté de Raïs Hamidou pour que son corps ne tombe pas entre les mains de l’ennemi qui vint prendre possession du reste de la frégate.

Deux jours plus tard, l’escadre américaine capturera un autre navire algérien avant de se diriger vers Alger pour renégocier le traité entre la Régence et les USA.