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Ibn Ya’qoub Ibn Youssouf Ibn
‘Abdel Haqq
L’émir des Musulmans ‘AbdAllah Youssouf Ibn Youssouf Ibn ‘Abdel Haqq,
surnommé Abou Ya’qoub an-Nassir li-Dinillah, dont la mère était Oumm
al-‘Iz Bint Muhammad Ibn Hazim al-‘Alawi, naquit au
mois de Rabi’ Awwal de l’année 638 de l’Hégire (1240) et il fut
proclamé calife à Algésiras le jour même de la mort de son père,
alors qu’il se trouvait au Maghreb al-Aqsa.
Les ministres et les Sheikhs des Banou Marine lui envoyèrent
immédiatement la nouvelle qu’il reçut dans les environs de Fès et il
revint aussitôt en toute hâte à Tanger pour s’embarquer aussitôt sur
la flotte qui l’attendait. Il traversa la mer et débarqua à
Algésiras, le 1 du mois de Safar de l’année 685 de l’Hégire, où
s’étaient réunis les Banou Marine, les Arabes et des députations de
tous les Musulmans du Maghreb de l’Andalousie. Il était alors âgé de
quarante-cinq ans et huit mois le jour de sa nomination.
Dès qu’il prit les rênes des affaires, il distribua de l’argent à
toutes les tribus des Bani Marine, Arabes et Andalouses, aux
étrangers et aux troupes. Il donna des présents aux docteurs et aux
pieux, distribua des aumônes aux nécessiteux, rendit la liberté aux
prisonniers dans tout son royaume, dispensa les croyants de remettre
la Zakat al-Fitr à l’état pour l’intérêt, des pauvres, en
laissant à chacun la liberté de faire cette aumône aux pauvres le
jour de la fête de la rupture du jeune du mois de Ramadan.
Il supprima les impôts locaux, corrigea les abus et les injustices
du gouvernement, réprima la débauche et fit fermer les mauvais
lieux. Il assura la sûreté des routes, abolit les taxes de marché et
un nombre considérable d’exactions en usage au Maghreb, excepté dans
les endroits inaccessibles ou qui se percevaient secrètement.
Durant son règne, les affaires de ses sujets prospérèrent et il
engageait toujours le premier la conversation pour encourager ceux
qui venaient à lui. Il était censé, poli, prompt à l’exécution et
persévérant, agissait sans consulter ses ministres et était absolu
dans son gouvernement. Lorsqu’il donnait, il comblait, mais s’il
poursuivait, il détruisait. C’était un homme charitable envers les
nécessiteux et vigilant pour les affaires de ses sujets et de son
pays.
Ses ministres furent Abou ‘Ali ‘Omar Ibn Sa’oud al-Hashimi et Abou
Salah Ibrahim Ibn ‘Imran al-Foudoudi, qui fut remplacé, vers
la fin du règne, par Yakhlaf Ibn ‘Imran al-Foudoudi.
Ses secrétaires furent le Faqhi Abou Zid al-Khazan et le Faqhi Abou
‘AbdAllah al-‘Amrani puis le Faqhi Abou Muhammad ‘AbdAllah
Ibn Abi Maddiyan et le Faqhi Abou ‘AbdAllah al-Moughili, qui était
poète et improvisateur et qui conserva les archives et le sceau de
l’état jusqu’à sa mort pour être remplacé par le Faqhi Abou Muhammad
‘AbdAllah Ibn Abi Maddiyan, et ensuite par le célèbre Faqhi de
l’époque, Abou ‘Ali Ibn Rashiq.
Ses Qadis à Fès furent : le Faqhi Abou Hamid Ibn al-Boukhala,
le Faqhi et prédicateur Abou ‘AbdAllah Ibn Abi as-Sabir Ayyoub et le
Faqhi Abou Ghalib al-Moughili.
A Marrakech : le Faqhi Abou Faris al-‘Amrani, le Faqhi Abou
‘AbdAllah as-Sikati et le Faqhi ‘AbdAllah Ibn ‘Abdel Malik.
A Tlemcen la nouvelle ville, le Faqhi distingué, versé dans les
Hadith, Abou al-Hassan ‘Ali Ibn Abi Bakr
al-Milili.
Ses poètes attachés à la cour furent le Faqhi Abou al-Hassim
Malik Ibn Mirjal, le Faqhi Abou Faris al-Maknassi, le Faqhi Abou
al-‘Abbas al-Fishtali et le Faqhi Abou al-‘Abbas al-Jishi.
Ses médecins furent le Vizir Abou ‘AbdAllah Ibn al-Ghalid
ash-Ashfilli (de Séville), et le Vizir Abou Muhammad Ibn
‘Omar al-Maknassi.
Dans la première décade de Rabi’ Awwal de cette même année, après sa
nomination, l’émir des Musulmans Abou Ya’qoub quitta Algésiras et se
rendit sous les murs de Marbella où il établit son camp puis envoya
un courrier à Ibn al-Ahmar pour lui demander une entrevue.
Celui-ci vint avec une troupe magnifique et nombreuse, lui fit des
condoléance pour la mort de son père et le félicita de son avènement
au califat. Ils ratifièrent l’alliance, et l’émir des Musulmans lui
abandonna toutes ses possessions en Andalousie, à l’exception
d’Algésiras, Bonda, Tarifa. Oued Yash et leurs dépendances.
Les rebellions au Maghreb
Le dimanche 2 du mois de Rabi’ Thani, un envoyé d’Alfonsh arriva
pour renouveler le traité de paix fait avec son père et dès que
l’émir des Musulmans eut régularisé ses affaires en Andalousie, il
manda son frère, l’émir Abou ‘Attiyah et lui confia le commandement
des possessions qui lui restaient en Andalousie, en lui recommandant
bien de servir Allah Exalté, d’entretenir les places et d’être
attentif au gouvernement. Puis, il manda le Sheikh al-Moujahid,
Abou al-Hassan ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Irjan et il lui donna le
commandement en chef des troupes et de la guerre en laissant sous
ses ordres trois-mille cavaliers des Banou Marine et Arabes. Alors
il traversa au Maghreb le lundi 7 et se rendit aussitôt à Fès, où il
entra le 2 du mois de Joumadah Awwal.
Quelque temps après, son cousin Muhammad Ibn Idriss Ibn
‘Abdel Haqq se révolta avec ses enfants, et se retrancha dans
le Jabal d’Ourghah, aux environs de Fès, où il fut rejoint par
l’émir Abou Mahrouf Muhammad, le fils du défunt Abou
Youssouf, qui fit cause commune avec lui. Abou Ya’qoub, après leur
avoir, sans succès, envoyé divers corps d’armée parvint par la ruse,
à ramener son frère à la raison et à forcer Muhammad Ibn
Idriss et ses fils à s’enfuir vers Tlemcen où ils furent arrêtés en
route, enchaînés et ramenés à Ribat, où le frère de l’émir des
Musulmans, Abou Zayyan, les exécuta à Fès au mois de Rajab.
Cette même année, ‘Omar Ibn ‘Uthman Ibn Youssouf al-‘Askouri se
révolta dans la forteresse Fandlawah dans le Jabal des Bani Yazghah.
L’émir des Musulmans donna ordre aux Bani ‘Askar et à d’autres
tribus Berbères de cette partie du pays, les Banou Sidrat, les Banou
Wartine, les Banou Yazghah, les Banou Sitane et d’autres,
d’encercler et de combattre le rebelle, ce qu’ils firent pendant un
mois, au bout duquel l’émir des Musulmans se mit lui-même en
campagne et se rendit au village de Sidourah, chez les Bani Wartine,
à la tête de ses troupes et de ses arbalétriers, de ses balistes et
d’autres machines de guerre. A la nouvelle de son approche, ‘Omar
comprit qu’il ne pourrait pas soutenir plus longtemps ni repousser
l’émir, et il lui envoya sa soumission, en lui demandant la paix et
la sécurité qui lui furent accordés. Il quitta alors les montagnes
et l’émir l’envoya à Tlemcen avec tous les siens et ses biens.
Au mois de Ramadan de cette même année, l’émir des Musulmans Abou
Ya’qoub quitta Fès et se rendit à Marrakech, où il entra au mois de
Shawwal et n’en ressortit que le 3 du mois de Dzoul Qi’dah. Abou
Ya’qoub manda aussitôt son neveu, l’émir Abou ‘Ali Mansour. Le neveu
d’Abou Muhammad ‘Abdel Wahid, et il lui donna le
gouvernement de Souss, avec de l’argent et des troupes pour
combattre al-Hajj Talhah Ibn ‘Ali al-Bathawi qui
s’était déclaré indépendant à Souss. Lorsque Mansour arriva à Souss,
il attaqua les Bani Hassan et tua un grand nombre d’entre eux
au mois Dzoul Hijjah puis se dirigea vers Talhah, qui
fut tué dans un combat, le lundi 13 du mois de Joumadah Thani de
l’année 686 de l’Hégire (1287).
L’émir Abou ‘Ali Mansour envoya sa tête à son oncle, l’émir des
Musulmans, qui ordonna de l’exposer dans tout le pays, et de
l’expédier ensuite à Ribat, à la porte de laquelle elle resta pendue
dans une cage de cuivre durant son règne.
Au mois de Ramadan, l’émir des Musulmans sortit en expédition à la
tête d’une armée de 12.000 combattants des Bani Marine contre les
Arabes de l’est du Dar’a, qui infestaient les routes de Sijilmasa.
Il quitta Marrakech, prit la route par le Jabal ‘Askourah jusqu’au
Dar ‘a et poursuivit son chemin jusque sur la frontière du Sahara,
où il atteignit les rebelles. Un matin, de bonne heure, il les
attaqua et les massacra, s’empara de leurs biens et envoya leurs
têtes à Fès, à Sijilmasa et à Marrakech où il entra à la fin du mois
de Shawwal.
En l’an 687 de l’Hégire (1288), l’émir quitta Marrakech vers le
milieu du mois de Rabi’ Thani et se rendit à Fès, où il reçut une
délégation d’Ibn al-Ahmar, lui amenant la fille de l’émir
Moussa Ibn Rahou, qu’il épousa à Marrakech.
Au mois de Safar de cette même année, l’émir des Musulmans donna à
Ibn al-Ahmar la ville de Guadix et les forteresses de Ranjah,
Biyanah, ad-Dir, al-‘Antir, Gha'oun et Ghou'arib.
Le samedi 26 du mois de Shawwal, le fils de l’émir des Musulmans,
Abou Amir, se révolta et se réfugia chez Muhammad Ibn Athou,
le chef de la tribu berbère des Jinitah, avec lequel il entra à
Marrakech et s’empara du pouvoir, le 1 du mois de Dzoul Qi’dah.
Dès que cette nouvelle parvint à l’émir Abou Ya’qoub, il marcha vers
Marrakech et vint camper sous ses murs. L’émir Abou ‘Amir sortit
pour livrer bataille mais il fut complètement écrasé et réussit
toutefois à rentrer dans la ville et en refermer les portes à la
face de son père. Il se réfugia dans le palais, et, dès que la nuit
tomba, il tua Ibn Abi al-Birqat, le gouverneur du palais, s’empara
du trésor et quitta la ville toujours sous le couvert de la nuit et
s’enfuit vers l’est.
Le lendemain, 9 du mois de Dzoul Hijjah, l’émir des Musulmans
rentra à Marrakech et pardonna aux habitants. Pendant six mois
l’émir Abou ‘Amir erra dans les tribus de l’est avec Ibn Athou et
finit par entrer le 22 du mois de Rajab à Tlemcen d’où il repartit
vers son père, qui lui fit grâce.
En l’an 689 de l’Hégire (1290), l’émir des Musulmans écrivit à
‘Uthman Ibn Yaghmourassan, l’émir de Tlemcen, pour lui demander
l’extradition d’Ibn Athou le rebelle mais ‘Uthman refusa et lui
répondit : « Par Allah ! Je ne te le livrerai jamais ni violerai
l’asile, fais ce que tu voudras contre moi mais je ne l’abandonnerai
point jusqu’à ma mort ». Puis soudainement, il accabla d’injures
l’envoyé de l’émir et le mit aux fers. En apprenant cela, Abou
Ya’qoub entra dans un grand courroux, fit aussitôt les préparatifs
de guerre puis se mit en campagne le 27 du mois de Rabi’ Thani et ce
fut sa première expédition contre Tlemcen et les ‘Abdel Ouad dont il
pilla et dévasta les environs de la ville détruisant les champs et
les habitations.
Le 1 du mois de Ramadan, l’émir ‘Uthman, n’ayant encore tenté aucune
sortie, décida de l’assiéger et durant seize jours, il cerna la
place et la martela avec des balistes avant de revenir à Ribat le 3
du mois de Dzoul Qi’dah.
La traitrise d’Ibn al-Ahmar
et la Chute de Tarif
En l’an 690 de l’Hégire (1290), l’alliance entre l’émir des
Musulmans et Sancho fut rompue. Abou Ya’qoub écrivit à son Sheikh
Abou al-Hassan ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Irjan et lui donna
l’ordre de marcher sur Xérès et de ravager le pays des croisés du
levant au couchant.
A la réception de cet ordre, Ibn Irjan se mit en route avec tous ses
guerriers et arriva sous les murs de Xérès dans le courant du mois
de Rabi’ Thani ou il commença aussitôt la dévastation.
En même temps, l’émir des Musulmans sortit de Fès pour aller en
Andalousie et appela les croyants fidèles du Maghreb au Jihad
fis-Sabilillah. Il arriva au mois de Joumadah Awwal au Qasr
al-Mijaz, où il procéda aussitôt à l’embarquement des Moujahidine
des Bani Marine et Arabes.
Alfonsh, qu’Allah le maudisse, envoya des bâtiments de guerre dans
le détroit pour empêcher l’émir de traverser qui ordonna à sa flotte
d’attaquer les navires des croisés mais au mois de Sha’ban, les
Musulmans se révoltèrent en mer contre leurs commandants qu’ils
tuèrent mettant ainsi fin à leur campagne.
L’émir des Musulmans ayant attendu au Qasr al-Mijaz que de nouveaux
navires fussent armés pour sa traversée, passa le détroit et
descendit à Tarifa dans la dernière décade du mois de Ramadan de
cette même année ou il entra aussitôt en campagne et assiégea
pendant trois mois la forteresse de Bahirah, expédiant chaque
jour des détachements pour ravager les alentours de Xérès et du
fleuve.
Lorsque toute la région fut ravagé et l’hiver approchant, l’émir
revint à Algésiras et repartit au Maghreb le 1 du mois de Mouharram
de l’année 691 de l’Hégire. Bientôt il rompit aussi ses relations
avec Ibn al-Ahmar qui avait fait alliance avec l’ennemi
d’Allah Alfonsh et avait convenu avec lui d’attaquer et de prendre
Tarif pour empêcher un nouveau retour de l’émir Abou Ya’qoub en
Andalousie. Ibn al-Ahmar s’était engagé à entretenir l’armée
des mécréants durant tout le siège.
Alfonsh arriva sous les murs de Tarif le 1 du mois de Joumadah Thani
de l’année 691 de l’Hégire après avoir encercler la ville par terre
et mer. Puis, il martela Tarif sans arrêt avec ses balistes et ses
autres machines de guerre tandis que l’apostat Ibn al-Ahmar
lui fournissait tout le nécessaire jusqu’au moment où les habitants
de la ville lui ouvrirent les portes dans laquelle il entra le 30
Shawwal. Il avait convenu de livrer la place à Ibn al-Ahmar
après la prise mais, une fois qu’il fut à l’intérieur, il y resta et
ne voulut même pas accepter en échange les forteresses de Shaqish,
de Tabirah, de Niklah, d’Aqlish, de Qoushtalah et d’al-Masjine
qu’Ibn al-Ahmar lui offrit.
Au mois de Sha’ban, ‘Omar Ibn Yahya Ibn al-‘Ouzir al-Watassi
s’empara durant la nuit de la forteresse de Tazoutah dans le Rif.
L’émir Abou ‘Ali Ibn Mansour Ibn ‘Abdel Wahid qui commandait
la place, s’enfuit au milieu des ténèbres pardessus les murs et
courut jusqu’à Ribat. ‘Omar massacra la garnison et s’empara de tout
ce qui se trouvait dans cette forteresse, argent et armes, bagages
et lorsque l’émir des Musulmans en fut informé, il envoya
immédiatement son ministre Abou ‘Ali Ibn Sa’oud, à la tête d’une
importante armée, pour aller assiéger Tazoutah en compagnie de
l’émir Abou ‘Ali Mansour qui était tombé malade de chagrin, mourut
peu de temps après.
Au mois de Shawwal de cette même année, l’émir Abou Ya’qoub sortit
de Fès et se rendit lui-même à Tazoutah avec ‘Amir Ibn Yahya
Ibn al-‘Ouzir, qui lui promit de décider son frère ‘Omar à évacuer
la place et lui en assura la prise. L’émir lui ayant donné
l’autorisation de se rendre près de ‘Omar, il entra à Tazoutah, et
après une longue conversation, son frère ‘Omar, prit tous les
trésors qu’il put et s’enfuit la nuit, à l’insu de tout le monde,
vers Tlemcen, en abandonnant le commandement de la place à son frère
‘Amir.
Celui-ci, ayant appris que l’émir des Musulmans voulait lui faire
payer de la vie la fuite de ‘Omar, se renferma lui-même dans la
forteresse et refusa de se rendre. Il resta dans cette situation
jusqu’à l’arrivée d’Abou Sa’id Farraj Ibn Isma’il, envoyé de
l’Andalousie par Ibn al-Ahmar, le roi de Malaga, avec des
présents pour l’émir Abou Ya’qoub, dont il sollicitait l’alliance.
Abou Sa’id arriva avec sa flotte dans le port de Ghassanah, et ‘Amir
Ibn Yahya lui dépêcha aussitôt un message pour le prier
d’implorer pour lui la clémence de l’émir des Musulmans qui parut
être disposé au pardon mais ‘Amir, craignant pour sa personne, se
borna à envoyer au port quelques-uns de ses serviteurs, qui
montèrent à bord des navires d’Abou Sa’id pour partir en Andalousie.
Quant à lui, ayant attendu le milieu de la nuit, il sortit de la
forteresse comme pour s’embarquer mais il prit la fuite vers
Tlemcen. Des cavaliers se lancèrent à sa poursuite mais la rapidité
de son cheval le sauva, et ils n’atteignirent que son fils Abou
al-Khayl, qui fut tué et crucifié à Fès. Abou Sa’id fit descendre
tous ceux qui s’étaient réfugiés à bord et ils eurent la tête
tranchée. Tous ceux qui se trouvaient dans la forteresse, soldats et
autres, furent également mis à mort et leurs femmes et enfants
furent transportés à Ribat, où ils restèrent captifs.
Cette même année, l’émir des Musulmans reçut à Tazoutah même une
délégation de Chrétiens génois qui lui offrirent des présents
magnifiques, au nombre desquels figurait un arbre en or sur lequel
étaient des oiseaux qui chantaient au moyen d’un mécanisme,
exactement comme celui qui avait été inventé par le calife Abbasside
al-Moutawakkil.
Les rebellions des fils de l’émir
Abou Yahya
Ibn ‘Abdel Haqq
Toujours cette même année, les fils de l’émir Abou Yahya Ibn
‘Abdel Haqq se révoltèrent et s’enfuirent à Tlemcen, où ils
restèrent jusqu’à ce que l’émir des Musulmans leur envoya dire de
revenir. Dès qu’ils furent en route pour rentrer à Fès, l’émir Abou
‘Amir, prévenu de leur approche par des espions, sortit du Rif pour
les arrêter en chemin et il les atteignit à Sabra, près de la
Moulouïyyah, où il les tua, persuadé qu’il devançait ainsi
l’accomplissement des désirs de son père mais l’émir des Musulmans
Abou Ya’qoub, en apprenant ce crime, l’exila, et il ne cessa d’errer
dans le Rif et sur les terres des Ghamarah jusqu’à sa mort, au mois
de Dzoul Hijjah de l’année 698 de l’Hégire (1298). Son corps fut
transporté à Fès et enterré près de Bab al-Fath.
L’émir Abou ‘Amir laissa trois enfants, ‘Amir, Souleyman et Daoud,
qui ne sortirent pas de prison tant que vécut Abou Ya’qoub, leur
grand-père mais, à sa mort, ‘Amir et Souleyman montèrent
successivement sur le trône.
Les ambassadeurs
Au début de l’année 692 de l’Hégire (1292) et jusqu’au mois de
Joumadah Thani, l’émir reçut successivement un envoyé d’Ould
ar-Ranak, le fils d’Henri le roi du Portugal, un du roi de Bayonne
et des ambassadeurs des émirs de Tlemcen et de Tunis.
Le vendredi 4 du mois de Joumadah Thani, il entra dans la forteresse
de Tazoutah, et, vers le milieu de Rajab, les envoyés d’Ibn al-Ahmar,
le Raïs Abou Sa’id et Abou Soultan ad-Dani quittèrent Fès et
retournèrent en Andalousie.
Le lundi 26, l’émir Abou ‘Amir se rendit au Qasr al-Mijaz pour
inspecter les affaires de l’Andalousie, et le sultan Abou ‘AbdAllah
Ibn al-Ahmar se mit en voyage pour venir trouver l’émir des
Musulmans, Abou Ya’qoub, s’excuser de sa conduite au sujet de Tarif,
et lui demander le gouvernement de l’Andalousie. Il débarqua près de
Ceuta et vint à Tanger, apportant avec lui de magnifiques cadeaux,
au nombre desquels se trouvait le Qur’an qui avait appartenu
aux rois Omeyyades, et dont il avait hérité dans le palais de
Cordoue. Ce Qur’an avait été écrit par la propre main,
dit-on, de l’émir des croyants, le Calife ‘Uthman Ibn ‘Affan,
qu’Allah soit satisfait de lui.
Abou ‘AbdAllah arriva à Tanger le samedi 2 du mois de Dzoul Qi’dah
et il rencontra les émirs Abou AbderRahmane Ya’qoub et Abou
‘Amir. L’émir des Musulmans sortit de Fès pour aller à sa rencontre
après la prière de ‘Asr, le 12, accompagné de tous ses fils,
mais l’un d’eux, l’émir Abou Muhammad ‘Abdel Mou'min, mourut
en route, dans la ville d’Asjar, le dimanche 30 de ce même mois.
Arrivé à Tanger, l’émir des Musulmans reçut Ibn al-Ahmar,
l’écoula avec bienveillance, le combla de générosités et lui accorda
toutes ses demandes sans tenir compte de ce qui s’était passé. Il
lui fit de magnifiques cadeaux d’une valeur équivalente à celle des
présents qui lui avaient été offerts, et ce dernier repartit pour
l’Andalousie le samedi 20 du mois de Dzoul Hijjah.
Durant cette même année, l’émir des Musulmans, Abou Ya’qoub, donna à
Ibn al-Ahmar la direction d’Algésiras, de Ronda et de toutes
les places qui en dépendaient, telles que Yamnah, ad-Dounah, Ranish,
Sakhirah, Imagh, al-Ghar, Na'ith, Tardilah, Mishwar, Wathit,
al-Midar, Adiyar, ash-Shithil, at-Thibash, Ibn Tounboul, ad-Dlil,
Ashtabounah, Majlous, Shaminah, an-Najour et Noujarish.
En l’an 693 de l’Hégire (1293), l’armée de l’émir des Musulmans se
rendit en Andalousie, sous les ordres de son ministre ‘Ali ‘Omar Ibn
as-Sa’oud, pour assiéger Tarif.
Cette même année, il y eut une famine et une peste désastreuses dans
le Maghreb, où la mortalité fut si grande qu’on plaçait deux, trois
et quatre cadavres sur la même planche de lavage. Le prix du blé et
de la farine atteignirent des prix records si bien que l’émir des
Musulmans convertit les mesures et rétablit le moud du Prophète,
Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui et cela fut fait sur
l’intercession du Faqhi, Abou Faris al-Malzouzi al-Maknassi.
En l’an 694 de l’Hégire (1294), la situation s’améliora, et le prix
des denrées diminua partout.
Au début de l’année 695 de l’Hégire (1295), l’émir Abou Ya’qoub se
mit en campagne sur les terres de Tlemcen et arriva à la forteresse
de Tawrirt, située sur la frontière des deux états et dont il
n’avait que la moitié tandis que l’autre appartenait à ‘Uthman Ibn
Yaghmourassan. L’émir des Musulmans chassa le gouverneur de
Yaghmourassan et se mit en devoir de reconstruire les fortifications
de cette place; il commença les travaux le 1 du mois de Ramadan, et
toutes les murailles munies de leurs portes doublées de fer furent
achevées le 5 du même mois et chaque matin, après sa prière, il
venait assister aux travaux. Alors il laissa à Tawrirt une garnison
des Bani ‘Askar sous le commandement de son frère l’émir Abou Yahya,
fils de l’émir Abou Youssouf avant de retourner à Ribat où il
célébra la fête de la rupture du jeune sur les rives de la
Moulouïyyah.
En l’an 696 de l’Hégire (1296), l’émir des Musulmans rasa les terres
de Tlemcen. En sortant de Fès, il se rendit à Nadromah qu’il
assiégea et martela quelque temps avant de partir pour Oujda qu’il
fortifia et bâtit dans l’enceinte une Casbah, un palais, un bain et
une mosquée puis, il y laissa une garnison des Bani ‘Askar sous les
ordres de son frère, l’émir Abou Yahya. A qui il donna ordre
de harceler la ville et les environs de Tlemcen.
Après être rentré à Fès, il se remit en campagne au début de l’année
697 de l’Hégire (1297), et vint lui-même assiéger Tlemcen.
Cette même année, l’émir ‘Ali, connu sous le nom de Ibn Zarbahata,
trompé par une lettre, contrefaite par Abou al-‘Abbas al-Miliani, de
son père l’émir des Musulmans, fit périr les Sheikhs de Maroc,
‘Abdel Karim Ibn ‘Issa et ‘Ali Ibn Muhammad al-Hantati.
De même, l’émir Abou Zayyan trouva la mort cette année.
Le siège de Tlemcen et la mort d’Abou Ya’qoub
En l’an 698 de l’Hégire (1298), l’émir des Musulmans partit pour
Tlemcen pour la dernière fois et sous les murs de la ville, il
trouva la mort.
La cause première de la guerre contre Tlemcen et les Bani ‘Abdel
Ouad fut la fuite d’Ibn Athou chez ‘Uthman Ibn Yaghmourassan, et le
refus de son extradition qu’opposa ce prince à la demande que l’émir
des Musulmans lui avait adressée. Dès ce moment, les hostilités
furent incessantes mais ce ne fut que lors de sa seconde campagne
contre cette ville, en Rajab de l’année 697, que l’émir ‘Uthman
sortit de la ville pour livrer bataille mais il fut battu et forcé
de se retrancher dans la place, dont il ferma les portes et soutint
le siège.
L’émir des Musulmans, après avoir encerclé la ville pendant quelque
temps, se retira et revint à Fès, laissant à Oujda son frère, l’émir
Ahou Yahya, avec une troupe des Bani ‘Askar, auxquels il
donna ordre de ravager les terres de Tlemcen et de Nadromah.
L’émir Abou Yahya ne cessa, en effet, d’inquiéter tout le
pays, et il resserra tellement l’étau que les habitants de Nadromah
et leurs Sheikhs vinrent capituler. L’émir Abou Yahya leur accorda
la sécurité pour eux et pour les habitants de la ville, dont il prit
possession et envoya aussitôt ces mêmes Sheikhs avec ces nouvelles à
son frère, auprès duquel ils arrivèrent le mardi 8 de Rajab de
l’année 698 de l’Hégire. Ces Sheikhs supplièrent alors l’émir des
Musulmans de venir les protéger contre leurs ennemis.
L’émir partit pour Tlemcen et arriva sous ses murs, le mardi 2 du
mois de Sha’ban, au point du jour et s’empara successivement de
Nadromah, Hounayn, Oran, de Tarnat, Mizgharan, Mostaganem,
Tanas, Cherchell, Barhkas, Batahah, Mazounah, Wansharish. Miliana,
al-Kasbah, al-Médéa, Tafarguint et de toutes les terres et villes
des Bani ‘Abdel Ouad, des Toujini et des Maghrawah.
Le roi d’Alger reconnut sa suzeraineté et un envoyé de l’émir de
Tunis vint chez lui avec des présents, et les habitants de Bejaïa et
de Constantine se rangèrent sous son gouvernement tandis que le
siège de Tlemcen se poursuivait avec rigueur. Quand vint l’hiver,
l’émir des Musulmans fit bâtir un palais sur le terrain même de sa
tente, puis une mosquée dans laquelle la Khoutbah fut établie
et bientôt, sur son ordre, tous les soldats se mirent à bâtir à
droite et à gauche, pendant qu’il entourait de murailles son palais
et sa mosquée.
En l’an 702 de l’Hégire (1302 J. C.), l’émir donna de construire une
enceinte fortifiée autour de ce nouveau Tlemcen (al-mansoura)
et les travaux commencèrent le 5 du mois de Shawwal. C’est durant ce
siège qu’’Uthman Ibn Yaghmourassan mourut et fut remplacé par son
fils Muhammad, surnommé Abou Zayyan, qui prit les rênes du
gouvernement.
En l’an 701 de l’Hégire (1303), Abou ‘AbdAllah Ibn al-Ahmar,
roi de l’Andalousie, mourut et son fils Muhammad al-Makhlou’
lui succéda, et envoya sa soumission à l’émir des Musulmans avec des
présents magnifiques. L’émir Abou AbderRahmane mourut à
Tlemcen Jadida.
A cette même époque, l’émir Abou Ya’qoub reçut à Tlemcen la visite
d’une députation du Hijaz envoyée par an-Nassir, le roi
d’Egypte et de Syrie, avec de magnifiques présents. Il reçut
également un envoyé du roi de l’Ifriqiyah avec de très-beaux
cadeaux.
L’émir fit construire dans sa nouvelle ville de vastes bains
publics, des hospices, des écoles et une grande mosquée pour la
Khoutbah du vendredi, à laquelle il adjoignit un immense
réservoir et un grand minaret, surmonté d’une pomme d’or de 700
dinars. Il envoya ses savants du Maghreb au Hijaz et leur
remit un Qur’an garni de perles et de pierres précieuses pour
la Ka’bah, et de grandes sommes d’argent à être distribuées
aux habitants de la Mecque et de Médine. Il envoya également au roi
an-Nassir quatre-cents chevaux de la plus belle race et élevés pour
le combat dans la voie d’Allah Exalté.
Tandis que les habitants de Tlemcen, toujours sous le siège,
s’affaiblissaient de plus en plus et approchaient de leur fin.
Le 27 du mois de Shawwal de l’année 706 de l’Hégire (1305), les
Andalous surprirent les gens de Ceuta, dont les relations avec
l’émir des Musulmans étaient devenues très mauvaises et le Raïs Abou
Sa’id s’empara de la place. Il envoya tous les Bani al-‘Azfi
enchaînés en Andalousie et confisqua leurs biens. En apprenant cela
et sachant que le Raïs Abou Sa’id n’avait agi que sur l’ordre
d’al-Makhlou’, l’émir des Musulmans outré envoya son fils, Abou
Salim Brahim, avec une forte armée pour assiéger Ceuta mais ce
dernier échoua et s’enfuit. L’émir des Musulmans le chassa de sa
présence et fut dès lors dévoré par le chagrin avant d’être
assassiné dans son palais de Tlemcen Jadida, le mercredi 7 du mois
de Dzoul Qi’dah. Il fut frappé dans le ventre durant son sommeil par
un de ses esclaves eunuques pour le compte d’Abou ‘Ali al-Maliani et
rendit son dernier soupir vers le ‘Asr.
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