L’arrivée d’Abou ‘Ali Ibn ‘Abdel
Wahid
en Andalousie
Le mercredi 2 du mois de Rabi’ Awwal, l’émir envoya cinq-cents
cavaliers pour aller raser Ecija et ses environs.
Ce même jour arrivèrent au camp l’émir Abou ‘Ali ‘Omar Ibn ‘Abdel Wahid
venant du Maghreb, accompagné d’un grand nombre de guerriers, de
volontaires, de cavaliers et de fantassins parfaitement armés et
équipés ainsi que le Faqhi al-Qassim, fils du Faqhi Abou al-Qassim
al-‘Azfi, avec cinq-cents arbalétriers de Ceuta. L’émir des
Musulmans se réjouit beaucoup de l’arrivée de ces renforts, et il
donna ordre à l’émir Mouhalhal Ibn Yahya
al-Khoulthi de choisir mille cavaliers arabes des Bani Khilouth pour
aller piller Xérès et l’encercler pendant la nuit, de façon que
personne n’en sorte pour l’approvisionner. Dès ce moment, les Bani
Khilouth encerclèrent la place nuit et jour.
Le jeudi 3, l’émir Abou Youssouf donna à son petit-fils, Abou ‘Ali
Ibn ‘Abdel Wahid le commandement de mille cavaliers pour
ravager le pays des mécréants. Ils partirent du camp au lever du
soleil et marchèrent jusqu’au fort al-Milhah où ils
s’arrêtèrent pour donner la ration aux chevaux avant de repartir
vers Qal’ah Jabir ou ils arrivèrent le lendemain matin et campèrent
jusqu’à la nuit. Ils marchèrent ensuite le tiers de la nuit et
arrivèrent à l’Oued Loukka où ils demeurèrent jusqu’au jour. Alors
Abou ‘Ali, aussitôt après avoir fait sa prière, partagea sa troupe
en deux corps, un qu’il garda avec lui et
divisa l’autre en deux groupes. Le premier alla jusqu’à la
porte de Marshanah renversant tout sur sa route tandis que l’autre
marcha vers Carmona, suivit de près l’émir Abou Hafs qui
s’arrêta devant le fort défendu par trois-cents croisés environ,
auxquels il livra un sanglant combat, et Allah Très-Haut lui donna
la victoire. Les Musulmans entrèrent dans la place, massacrèrent la
garnison et pillèrent tout ce qui pouvait l’être avant de raser le
fort et revenir victorieux, avec ses prises, jusqu’à l’Oued Loukka
où il rallia le reste des troupes rentrait de Marshanah.
Le lendemain matin, il rentra au camp et l’émir des Musulmans Abou
Youssouf se réjouit de son retour et le félicita.
Le samedi 5, l’émir des Musulmans monta à cheval après avoir fait sa
prière du Zouhr et se présenta devant Xérès, où il engagea un
sanglant combat. Les Musulmans incendièrent les jardins, tuèrent
plus de sept-cents croisés et ne perdirent qu’un seul homme.
Le mercredi 9, l’émir des Musulmans donna à son fils Abou Mahrouf,
le commandement de mille cavaliers avec ordre d’aller saccager les
environs de Séville. Ce même jour, quelques Arabes des Bani Khilouth
mirent à sac un fort des environs de Xérès tandis que les archers et
les guerriers de Ceuta attaquèrent une forteresse où ils
massacrèrent la garnison et firent prisonniers les prêtres chez qui
fut trouvé une grande quantité de monnaie musulmane d’or qui fut
ramenée à Abou Youssouf.
D’un autre côté, quelques chefs andalous donnèrent l’assaut sur un
fort de croisés qu’ils anéantirent et où ils trouvèrent une grande
quantité d’arcs et de munitions de guerre.
L’émir Abou Mahrouf se mit en marche avec la cavalerie et son père
l’émir des Musulmans, l’accompagna à cheval pendant quelque temps et
le congédia en lui recommandant bien de craindre Allah Exalté, qu’il
fut seul ou en public, d’être calme, patient et résigné.
L’émir Abou Mahrouf marcha tout le jour et ne fit halte qu’au Jabal
Ahriz pour faire sa prière de ‘Asr puis remonta à
cheval et ne s’arrêta que le soir à l’Oued Loukka pour nourrir les
chevaux avant de repartir et marcher toute la nuit pour atteindre au
matin, la forteresse d’Ayn as-Sakhrah, où il se reposa jusqu’à
l’heure de ‘Asr.
Le lendemain matin, il atteignit al-Qila’ ou il réunit les Sheikhs
de sa troupe et, sur leur avis, cinq-cents cavaliers partirent
aussitôt dans la direction de Séville, tandis que lui-même, à la
tête des autres, déploya ses étendards et suivit leurs traces
doucement.
A la vue du premier corps de cinq-cents cavaliers, les croisés
sortirent de Séville en grand nombre, cavalerie et infanterie, pour
les combattre mais dès qu’ils eurent aperçu l’étendard victorieux
qui guidait le second corps de cavalerie, ils prirent la fuite et
rentrèrent en toute hâte dans leur ville, dont ils fermèrent les
portes et où ils se retranchèrent derrière leurs fortifications.
L’émir Abou Mahrouf s’arrêta alors à une distance convenable pour
être à l’abri des flèches ennemies, et donna ordre à ses soldats de
saccager les environs, d’incendier les moissons et de détruire les
habitations. Il resta lui-même posté ainsi en face de la porte de
Séville, jusqu’à ce que les Musulmans eussent achevé leur œuvre de
destruction et l’eussent rallié. Le tambour battait sans cesse pour
épouvanter les ennemis. Les Musulmans firent un immense butin et
tuèrent plus de trois-mille croisés, le jour anniversaire de la
naissance de notre prophète Muhammad, qu’Allah le comble de
bénédictions, et revinrent au camp chargés de butin.
Le mardi 15 du mois de Rabi’ Awwal, l’émir des Musulmans envoya son
petit-fils Abou ‘Ali ‘Omar ‘Abdel Wahid, avec un corps de
mille archers de Ceuta, de mille Masmoudah et volontaires,
accompagnés de mulets chargés de haches, de lances et d’arcs, pour
attaquer un fort situé à une dizaine de kilomètres du camp, où
l’ennemi coupait la route aux Musulmans isolés.
Abou ‘Ali, aussitôt arrivé, combattit les croisés qui firent preuve
de courage et de résignation et qui avaient placé leurs hommes et
leurs arbalétriers sur toutes les parties du fort, en haut et en
bas. L’émir descendit de cheval, prit son bouclier et s’élança
lui-même à pied, combattant de sa propre main, entouré des cavaliers
arabes qui avaient imité son exemple, suivi des archers de Ceuta et
des Masmoudah. Ils entrèrent dans le fort, tuèrent la garnison et
s’emparèrent de tout ce qu’ils trouvèrent, armes, bagages,
provisions et farines avant de retourner au camp le même jour, après
avoir rasé le fort jusqu’à ses fondations. Quant à l’émir Abou
Youssouf, il s’était porté devant Xérès où il soutint un combat
sanglant avec les croisés de la ville qui avaient fait une sortie
avec toutes leurs forces, cavaliers, fantassins et archers. Les
arbalétriers musulmans les criblèrent de traits et les cavaliers des
Bani Marine et des Arabes achevèrent de les mettre en déroule et
tuèrent un grand nombre d’entre eux devant la porte même de leur
ville.
Le jeudi 17, l’émir des Musulmans monta à cheval avec toutes ses
troupes et marcha vers une forteresse connue sous le nom de
Maniqout, située à environ douze kilomètres du camp, et qui était
gardée par un grand nombre de croisés, qui s’étaient voués à la
guerre et se tenaient prêts à l’attaque. Les Musulmans leur
livrèrent un sanglant combat, où les arbalétriers se distinguèrent
et tuèrent environ soixante hommes et, ayant réussi à accéder dans
la partie inférieure, ils réunirent des combustibles et mirent le
feu. L’incendie dévora le fort jusqu’au lendemain vendredi vers midi
ou les croisés, vinrent se constituer prisonniers aux Musulmans, qui
détruisirent les dernières ruines du fort et, après avoir dévasté la
campagne environnante, ils revinrent au camp.
Le samedi 19, ‘Abd ar-Razzaq al-Batawi vint au camp pour annoncer à
l’émir des Musulmans l’arrivée prochaine de son fils Abou Ya’qoub,
qu’il avait laissé dans la ville d’Ibn Salim, campé dans une plaine
trop étroite pour le nombre de ses troupes et ajouta qu’Abou Ya’qoub
avait livré combat contre les croisés de la ville d’Ibn Salim et
avait tué un grand nombre d’entre eux. Les Musulmans se réjouirent
beaucoup en entendant ces nouvelles, et le Sheikh Abou al-Hassan
‘Ali Ibn Zijdan sortit aussitôt, pour aller au-devant des nouveaux
arrivants, avec un détachement des Bani ‘Askar.
L’arrivée en Andalousie d’Abou Ya’qoub
Lorsque l’émir Abou Ya’qoub traversa en Andalousie pour conduire le
Jihad fis-Sabilillah avec une forte armée de guerriers et de
volontaires, il se dirigea vers le camp de son père qui
monta à cheval pour aller à sa rencontre, accompagné de
toutes ses troupes en grande pompe, composées de corps de tribus des
Bani Marine, des Arabes, des volontaires, des Masmoudah qui étaient
ce jour-là au nombre de treize-mille ainsi que des Berbères du
Maghreb, al-Warabah, al-Ghamarah, as-Sanhadja, al-Maknassah,
as-Sidrata, al-Lamtah, les Bani Wartine, les Bani Yazgha et d’autres
encore tandis que les tambours battirent et firent trembler la
terre. De retour au camp, l’émir des Musulmans descendit sous sa
tente et fit entrer son fils avec les Sheikhs pour prendre part à
leur repas, et l’émir Abou Ya’qoub retourna dans son camp avec
deux-cents archers de Malaga qu’il avait gardés avec lui.
Le lundi 21, l’émir des Musulmans monta à cheval, et, faisant passer
devant lui les fantassins et les arbalétriers, il marcha contre la
forteresse d’al-Qantarah dont il battit les murs avec ses machines
de guerres jusqu’au moment où les Musulmans donnèrent l’assaut,
incendièrent la place et massacrèrent la garnison.
Le mercredi 23, l’émir des Musulmans se mit en campagne avec toute
son armée et changea le camp de place. Il traversa l’Oued Loukka et
les croyants s’établirent au milieu des arbres et des jardins de
Xérès, qu’ils battirent ce jour-là de dix heures du matin jusqu’au
Zouhr.
Le 26, il donna à son fils, Abou Ya’qoub, le commandement d’un corps
de cinq-mille cavaliers avec ordre de marcher vers Séville et de
passer l’Oued al-Kabir pour saccager les terres des ennemis. Abou
Ya’qoub se mit en marche le même jour après la prière de Zouhr
accompagné de l’émir jusqu’en dehors du camp, et il le congédia
après l’avoir béni et recommandé de craindre Allah Exalté.
Le samedi 30, l’émir des Musulmans donna l’ordre à son fils, Abou
Mahrouf, de monter à cheval avec un corps de combattants pour aller
harceler Xérès. Abou Mahrouf se rendit aussitôt sous les murs de
cette place qu’il battit jusqu’au soir, sans relâche et sans cesser
de détruire les ennemis.
Le but de ces perpétuels combats était principalement d’empêcher les
habitants de Xérès de se ravitailler, et afin que les Musulmans
puissent tranquillement moissonner et récolter les blés dans les
campagnes environnantes. Chaque jour, en effet, les croyants
sortaient du camp avec leurs animaux et rapportaient des quantités
considérables de blé, d’orge et de provisions de toute espèce, au
point que nul n’avait besoin de les vendre ou de les acheter
ailleurs. Les guerriers vivaient dans l’abondance et le camp devint
bientôt semblable à une grande ville contenant tous les métiers et
tous les commerces. Ceux qui en furent témoins oculaires peuvent
seuls se faire une idée de ce que c’était. On trouvait là tous les
arts et métiers et des fabriques de toutes choses y compris le
marché de la laine filée et du coton. Les souks couvraient la plaine
et les hauteurs, et si en les parcourant on se séparait d’un
compagnon, on ne le retrouvait pas avant deux ou trois jours après,
tant la foule était grande.
L’émir Abou Ya’qoub partit du camp avec cinq-mille cavaliers des
plus distingués, plus deux-mille volontaires, treize-mille hommes
des Masmoudah, des Berbères du Maghreb et mille archers. Il prit
également avec lui une grande quantité de mulets et de chameaux
chargés de bagages, d’armes et de munitions et ce n’était pas par
crainte des croisés qu’il déployait tant de forces mais parce qu’il
avait la ferme intention de se répandre partout en même temps. Il
fit sa première halte au Jabal Abriz, où il donna la ration aux
chevaux, et de là se rendit à ar-Rouas. Ils marchèrent toute la nuit
sans cesser de glorifier Allah Exalté par des chants et le matin,
ils atteignirent ‘Ayn as-Sakhrah, où ils firent leurs prières et se
reposèrent jusqu’au ‘Asr. Ils se remirent en route, et la
nuit les surprit à l’Oued Loukka, où ils trouvèrent un chemin
couvert de ronces et de pierres.
L’émir Abou Ya’qoub continua sa marche suivit par les troupes mais
les fantassins se perdirent bientôt dans les ténèbres et nul ne sut
plus où était son voisin. Abou Ya’qoub, s’étant aperçu qu’il avait
beaucoup devancé les Musulmans, s’arrêta et donna ordre aux
cavaliers de retourner sur leurs pas pour les rallier. Alors, il fit
battre le tambour et en l’entendant, ceux qui s’étaient égarés
rejoignirent l’émir, qui ne bougea pas de sa place jusqu’au retour
du dernier absent. Alors il se remit en marche avec toute son armée,
et le matin il put faire sa prière près de l’Oued al-Kabir puis, il
avança encore jusqu’au lever du soleil, et, s’étant arrêté, il
descendit de cheval, invoqua le Seigneur et fit ses préparatifs de
combat et tous les Musulmans l’imitèrent et demandèrent l’assistance
au Grand Seigneur. L’émir remonta à cheval, passa le fleuve avec
toutes ses troupes et donna l’ordre aux croyants de commencer les
opérations sur le pays des Moushrikin (polythéistes), et
chaque corps se dirigea vers une direction précise. Les Bani ‘Askar
et les Arabes des Bani Khilouth partirent ensemble et une heure
après, ils rapportèrent à l’émir un butin considérable. Les Arabes
des Bani Soufyan prirent d’assaut une forteresse après avoir mis le
feu aux portes, tuèrent la garnison et prirent tout ce qu’ils
trouvèrent et revinrent vers l’émir chargés de butin. Les autres
détachements se répandirent dans le pays, tuant les croisés ou les
faisant prisonniers, ravageant, incendiant, renversant tout, et
retournèrent également chargés de butins vers l’émir Abou Ya’qoub,
qui couvrait les arrières des combattants avec un corps d’élite des
Bani Marine et de Sheikhs Arabes.
Hasra,
le commandant des Bani Aghzaz s’en alla avec cent cavaliers attaquer
le fort d’al-Oued qu’il prit aussi d’assaut tandis que le reste des
Musulmans s’abattirent sur les campagnes dévastant et incendiant
durant deux jours avant de revenir au camp.
Le lundi 6, l’émir Abou Zayyan partit pour Tarifa avec une forte
troupe de Musulmans, de volontaires et cinq-cents cavaliers arabes
des Bani Jabir et livra le même jour un grand combat à Xérès.
Le mardi 7, l’émir des Musulmans donna à son fils, Abou Zayyan, le
commandement de mille cavaliers avec ordre de parcourir les rives de
l’Oued al-Kabir.
Abou Zayyan sortit avec ses mille cavaliers composés de trois-cents
Arabes des Bani Jabir commandés par Youssouf Ibn Khitoun et
sept-cents des Bani Marine et arriva en soirée près de al-Qwass, où
il passa la nuit, et le lendemain matin, il envoya devant lui
cinquante cavaliers pour ravager les environs de Carmona. Ceux-ci
partirent et tuèrent un bon nombre de croisés tandis que la
cavalerie de Carmona sortit contre eux les Musulmans soutinrent le
combat jusqu’à l’arrivée de l’émir Abou Zayyan, qui mit les
mécréants en déroute et tua un grand nombre d’entre eux.
Les Musulmans se portèrent alors contre une proche forteresse et
après avoir battu la place pendant une heure, une partie des Bani
Jabir descendirent de cheval et, boucliers en mains, ils
s’avancèrent en lançant des flèches jusqu’au fort, où ils donnèrent
l’assaut et massacrèrent la garnison. Alors l’émir Abou Zayyan donna
ordre à ses troupes d’incendier les moissons, de couper les arbres
et de détruire les habitations. Il saccagea ainsi tout le pays entre
Carmona et Séville, jusqu’à une forteresse située au sud de cette
dernière ville, qu’il prit d’assaut et la livra aux flammes.
Il lança ensuite cinq-cents cavaliers contre Séville ou les
Musulmans prirent une innombrable quantité de chevaux, de mulets, de
vaches et de bestiaux avant de se retourner dans le camp de son
père.
Le lundi 13 du mois de Rabi’ Thani, l’émir Abou Ya’qoub partit avec
trois mille combattants dont un grand nombre d’arbalétriers pour
l’île de Kabtour de l’Oued al-Bayrah, Isla Mayor, sur le
Guadalquivir qu’ils attaquèrent avant de partir à Algésiras ou ils
prirent des balistes, des flèches et d’autres instruments de guerre
pour pilonner Xérès.
Le jeudi 30, ‘Ayad al-‘Assami avec un groupe de combattants marcha
vers une forteresse située sur les bords du fleuve qu’il prit
d’assaut et incendia après avoir tué toute la garnison de croisés.
Le samedi 2 du mois de Joumadah Awwal, l’émir des Musulmans donna à
Hajj Abou Zoubayr Talhah Ibn ‘Ali le commandement de
deux-cents cavaliers, avec ordre d’aller vers Séville et de
s’informer de la situation de Sancho, le roi des croisés, dont il
n’avait aucune nouvelle.
Le lundi 4, l’émir des Musulmans et tous ses fantassins et cavaliers
attaquèrent la forteresse de Shaloukah, qu’il martela et prit
d’assaut puis incendia les jardins et les habitations environnantes.
Le jeudi 7, Ayad al-‘Assami embusqua les siens dans les grottes de
Xérès, puis s’avança avec quelques hommes portant lui-même son
pavillon rouge jusque sous la porte de la ville. Les croisés, le
voyant ainsi isolé, sortirent aussitôt de la forteresse pour
l’arrêter mais Ayad, prit la fuite et les attira à sa poursuite
jusqu’à l’endroit où ses soldats se tenaient cachés qui sortirent
alors de leur cachette et tuèrent soixante-treize soldats mécréants.
Ayad était un excellent musulman, un ennemi juré des croisés qu’il
ne cessa de harceler nuit et jour, sans se reposer un seul moment,
depuis le jour de son arrivée du camp à Xérès jusqu’au jour de son
départ.
C’est ainsi que l’émir des Musulmans Abou Youssouf conduisit des
opérations en terre des ennemis d’Allah, depuis le samedi 7 du mois
de Safar 684, jour de son débarquement à Tarifa et de son campement
à ‘Ayn ash-Shams, jusqu’au 38 du mois de Joumadah Awwal de cette
même année ou il ne cessa de ravager les terres ennemies du lever et
au coucher du soleil parfois même la nuit. Les lieux les plus
dévastés furent Niebla, Séville, Carmona, Ecija, Jaén et Jabal
Sharf.
Lorsque le pays entier fut ravagé, les moissons détruites, les bois
coupés, les biens pillés, et que rien d’utile ne resta plus aux
croisés à l’entrée de l’hiver, l’émir des Musulmans décida de
retourner dans son pays. Il était en route lorsqu’il apprit que les
croisés, qu’Allah Exalté les anéantisse, avaient armé une flotte
pour lui couper le passage du détroit. Il se hâta d’arriver à Tarifa
où il donna ordre d’équiper immédiatement des navires, ce qui fut
fait à Ceuta, Tanger, Ribat al-Fath, sur la côte du Rif, à
Algésiras, à Tarifa et à al- Muncar et ainsi il réunit trente-six
bâtiments armés et équipés complètement et montés par de nombreux
arbalétriers et autres guerriers. Lorsque les Chrétiens eurent
connaissance de ces préparatifs et se furent assurés du nombre et de
la force des navires des croyants, ils craignirent d’être écrasés et
prirent la fuite sans attendre l’arrivée de la flotte musulmane qui
rejoignit l’émir Abou Youssouf à Algésiras. Les vaisseaux
s’alignèrent dans la rade, sous ses yeux, pendant qu’il était dans
la salle du conseil de son palais de la ville nouvelle, et firent
des exercices et des simulacres de combat devant lui.
L’émir complimenta chacun des chefs, leur fit des présents, et leur
ordonna d’attendre qu’il eût besoin d’eux. Sancho, le roi des
croisés, voyant son pays ruiné, ses guerriers détruits et apprenant
de plus que les équipages qu’il avait envoyés pour intercepter le
détroit s’étaient enfuis, envoya sa soumission et entra dans la voie
de la paix et de l’humilité.
Sancho demande la paix
Lorsque l’émir des Musulmans, pressé par l’hiver, eut décidé de s’en
retourner chez lui, Sancho, le roi des croisés, sortit de Séville
pour aller à Xérès et vit les ravages, il envoya une députation
composée de prêtres, de religieux et des principaux chefs, au camp
de l’émir des où ils arrivèrent humbles, craintifs et soumis, pour
implorer la paix mais l’émir ne voulut ni entendre leurs discours,
ni leur adresser un seul mot, et ils s’en retournèrent humiliés vers
celui qui les avait envoyés. Cependant, Sancho leur ordonna de
renouveler leur ambassade dans l’espérance d’un meilleur succès. Ils
revinrent donc vers l’émir qui leur dit :
- « Je ne ferai point la paix avec votre roi hormis sous les
conditions que je lui enverrai dans un traité, par un de mes
officiers. S’il les accepte, je lui accorderai le salut sinon je
continuerai à lui faire la guerre ». Alors il fit appeler le Sheikh
Abou Muhammad ‘Abdel Haqq, l’interprète, et lui dit :
- «Va-t’en chez ce maudit, et informe le que je ne lui accorderai ni
paix, ni repos, si ce n’est aux conditions que voici : Rien ne devra
empêcher les Musulmans de circuler librement dans le pays chrétien
et naviguer dans tous les ports. Aucun Musulman ne devra être
inquiété ni sur terre ni sur mer, qu’il s’agisse de mes sujets ou de
tous les autres Musulmans. Le roi Sancho sera sous ma suzeraineté et
soumis à mes ordres sans restriction. Les Musulmans voyageront et
commerceront librement, nuit et jour et en tous lieux, sans être
inquiétés ni empêchés, ni soumis à aucune taxe ou impôt, ni
quelconque paiement d’un dinar ou d’un dirham. Le roi Sancho ne se
mêlera même pas d’un mot des affaires des Musulmans et ne fera la
guerre à aucun d’entre eux ».
Abou Muhammad ‘Abdel Haqq partit pour délivrer le
message de l’émir des Musulmans, et trouva Sancho de retour à
Séville, qu’Allah Exalté la rende à l’Islam, à qui il communiqua les
paroles de l’émir et ses conditions, qu’il agréa et accepta. Abou Muhammad
‘Abdel Haqq lui dit alors :
- « O roi ! Tu t’es soumis au traité mais écoute bien mes
conseils ». Parle, lui
répondit Sancho. ‘Abdel
Haqq reprit donc :
- « O roi ! L’émir des Musulmans Abou Youssouf est l’ami et le
garant de la religion, il est fidèle à sa parole lorsqu’il promet et
il oublie généreusement les injures passées. Mais toi, nul ne
connaît ton caractère autrement que par ta conduite envers ton père,
conduite indigne qui te fait tenir en suspicion par tout le monde.
Si tu sers fidèlement l’émir des Musulmans, je te promets que
tu obtiendras de lui tout ce que tu voudras. La première chose que
tu devras faire c’est de ne pas te mêler, même d’un mot des affaires
des Musulmans, laisse-les voyager et commercer partout où bon leur
semblera. Si Ibn al-Ahmar te fait des propositions
d’alliance, repousse-les et éloigne-toi de lui et s’il t’envoie des
messages, ne les reçois point. Ainsi tu seras agréable à l’émir des
Musulmans, qu’il te laissera la paix et t’aidera à défendre tes
frontières ».
Sancho consentit à signer la paix en présence de l’émir des
Musulmans et lui dit :
- « Ne crois pas que je sois venu de plein gré te faire soumission.
Je ne suis venu à toi que malgré moi, parce tu as ruiné mes états et
massacré mes guerriers et que je suis sans forces et sans puissance
pour te combattre et me mesurer avec toi. Maintenant j’obéirai à tes
ordres et j’accepte toutes tes conditions dans l’espérance de la
paix pour moi et pour mes sujets ».
Après un échange de cadeau, la paix fut signée le dimanche 20 du
mois de Sha’ban et l’émir renvoya Sancho dans son pays en lui
donnant l’ordre de lui envoyer tous les livres arabes qui se
trouvaient dans sa possession et Sancho lui envoya treize navires
chargés de livres, de Qur’an, de Tafsir dont ceux
d’Ibn ‘Attiyah, d’ath-Thalibi, de Hadith et de leurs
Sharh tel que ceux d’at-Tahdib et d’al-lstidkar, des
ouvrages de doctrine, de grammaire, de littérature arabe et des
quantités d’autres livres. L’émir des Musulmans, qu’Allah Exalté lui
fasse miséricorde, envoya tous ces livres à Fès et les fit déposer,
pour l’usage des étudiants, dans l’école qu’il avait fait bâtir par
la grâce d’Allah à Lui les Louanges et la Gloire et Sa générosité.
Ainsi ces livres furent sauvés de la destruction qui allait détruire
l’intégralité du patrimoine musulman quelques temps plus tard.
La mort de l’émir Abou Youssouf
Ibn ‘Abdel Haqq
Après le départ de Sancho, l’émir des Musulmans Abou Youssouf Ibn
‘Abdel Haqq revint à Algésiras le 27 du mois de Sha’ban et
vit avec joie que le palais, al-Mashouar, la salle du conseil et de
réunion, et la mosquée qu’il avait donné l’ordre de bâtir dans la
ville nouvelle étaient achevés. Il descendit dans son palais et y
passa tout le Ramadan.
Dans la dernière décade du mois de Ramadan de l’année 685 de
l’Hégire (1286), l’émir des Musulmans envoya son fils Abou Zayyan
avec un fort détachement pour surveiller les frontières d’Ibn al-Ahmar
tout en lui recommandant bien de ne point l’inquiéter et de
respecter les sujets de ce prince. L’émir Abou Zayyan partit et
établit son camp dans la forteresse d’ad-Dikwan, au sud de Malaga.
Durant ce mois de Ramadan, mourut à Algésiras le ministre Abou ‘Ali
Yahya Ibn Abou Yazid al-‘Askouri.
A la fin du mois de Shawwal, l’émir des Musulmans donna ordre à Ayad
al-‘Assami d’aller s’établir avec tous ses frères à Estepona (istibouna),
où ils arrivèrent le 1 du mois de Dzoul Qi’dah.
Le lundi 16 de ce mois, l’émir Abou Ya’qoub s’embarqua à Algésiras
sur une trirème, commandé par Abou ‘AbdAllah Muhammad, le
fils du chef Abou al-Qassim ar-Rijiraji, pour le Maghreb pour se
rendre compte des affaires et débarqua au Qasr al-Mijaz.
Le 30 du mois de Dzoul Qi’dah, l’émir fut atteint de maladie qui
empira jusqu’à sa mort dans la matinée du mardi 22 du mois de Mouharram
685 (1286), dans son palais de la ville nouvelle d’Algésiras. Son
corps fut transporté à Ribat al-Fath au Maghreb et fut
enterré à Ghillah.
Son califat dura vingt-neuf ans, depuis le jour de sa proclamation à
Fès, après la mort de son frère Abou Yahya, et dix-sept ans
et vingt jours depuis le jour où il renversa la dynastie de ‘Abdel
Mou'min et gouverna tout le Maghreb. Nous appartenons à Allah et à
Lui nous reviendrons tous.
L’Islam entier prit le deuil et sa perte fut grande et douloureuse
pour tous. Le Très-Haut renforca l’Islam par lui, puisse Allah à Lui
les Louanges et la Gloire, lui faire miséricorde et qu’Il salut,
prie et bénit notre seigneur Muhammad, sa famille et ses
compagnons.