Les
Conquêtes d’al-Jazīrah et d’Arménie
Après que Sa‘d (qu’Allah
soit satisfait de lui) fut entré à Madā'in (Ctésiphon), il écrivit à
‘Umar Ibn Khattāb pour l’informer de la bonne nouvelle de sa
victoire et lui envoya le butin, ainsi qu’une requête pour pouvoir
conquérir le reste des territoires perses.
Cependant, ‘Umar
(qu’Allah soit satisfait de lui) ne le lui autorisa pas car il était
contre l’idée d’expansion sans nécessité. Il lui permit cependant de
nettoyer les poches de résistance perses autour de Madā'in, y
compris Jaloūlā' et Houlwān. Puis les renseignements commencèrent à
s’accumuler prouvant à ‘Umar (qu’Allah soit satisfait de lui) que
les Perses étaient en train de rassembler une autre armée à
Nahāvand, afin de combattre les Musulmans. ‘Umar (qu’Allah soit
satisfait de lui) donna donc sa permission de reprendre la guerre
afin de prévenir tout danger, et un certain nombre de larges unités
militaires de l’armée de Sa‘d se mirent en route pour conquérir le
reste de l’empire sassanide.
Ces unités étaient ainsi
constituées :
(a)
Un conduit par Souhayl Ibn ‘Adiyy marcha sur Raqqah via al-Firād,
qui se rendit.
(b)
Une seconde menée par ‘AbdAllah Ibn ‘AbdAllah Ibn ‘Itbān (qu’Allah
soit satisfait de lui) marcha sur Mossoul puis acheva la conquête de
Nusaybīn (Nisibe) par un traité de paix.
(c)
Après la chute de Raqqah sur l’Euphrate et de Nusaybīn sur le Tigre,
Souhayl et ‘AbdAllah joignit ses forces à ‘Iyād Ibn Ghanm et conquit
ar-Rouhā (Edesse) et Harrān par des traités de paix. Puis ils
complétèrent la conquête de Soumayssat, ainsi que de Sinjār,
Mayyāfāriqīn, Saroūj, Rā‘skayfā (Hisn Kayfā, Kiphas), Ard a1-Baidā',
Jisr Manbij, Kafratoūthā, Toūr Abdīn, Māridīn, Ras al-‘Ayn, Dārā,
Qourada, Ya Zabda, Zoūzān, Arzan, Bidlīs (Bitlis), Khalāt et ‘Ayn
al-Hāmidah qui font partie de l’Arménie. Ces conquêtes furent
achevées en 17 H (638 EC) et al-Jazīrah (Al-Jazīrah était un
territoire situé entre le Tigre et l’Euphrate, appelé Mésopotamie
par les Grecques, et al-Jazīrah (l’ile) par les Arabes, parce que sa
forme géographique était celle d’une ile, entourée de deux grands
fleuves. Sa partie sud était nommée as-Sawād et la partie nord était
la province d’al-Jazīrah, séparée de l’Irak. De nos jours,
al-Jazīrah est partagée entre l’Irak, la Syrie et la Turquie. Au
moment de l’avènement de l’Islam, al-Jazīrah était constituée de
Diyār Rabi‘āh (ديار
ربيعة)
à l’est, Diyār Moudar (ديار مضر)
à l’ouest et Diyār Bakr (دياربكر)
au nord. (Mou‘jam al-Bouldān : 2/134, Al-Mounjid fil-A‘lām). Harrān,
al-Rouhā (Urfa), Raqqah, Nusaybīn, Diyarbakir (Diyār Bakr), Mossoul,
Falloūjah, Sinjār, Hadīthah, Habbāniyah, Tikrīt et Mardīn sont des
célèbres villes d’al-Jazīrah) fut la terre la plus facile à
conquérir.
Yazdgard mobilisa la
dernière armée de son pays et rassembla une force de 150.000 soldats
à Nahāvand.
Les Musulmans marchèrent
de Koūfa et Basra et se rejoignirent à Qarmīssīn Kirmānshāh. Ils
étaient conduits par Nou‘man Ibn Mouqarrin al-Mouzani et avancèrent
vers Nahāvand, qui était une forteresse au sommet d’une montagne, et
dont la route conduisait à ce qui se trouvait au-delà, qu’il était
impossible de prendre d’assaut.
Les Perses sortaient de
leur forteresse et combattaient les Musulmans en combat rapproché,
et en cas de défaite, se retiraient dans leur forteresse pour y
chercher refuge. L’hiver approcha et la situation des Musulmans
devint grave car ils se trouvaient sur un espace ouvert et ne
pouvaient pas atteindre les Perses dans leur forteresse. Ils mirent
au point le plan de simuler la défaite dans leur combat contre les
Perses, puis l’avant-garde se retirerait et attirerait les Perses
dans une embuscade qu’ils auraient organisés en arrière. L’auteur de
cette idée fut Toulayhah Ibn Khouwaylid al-Assadi. Qa‘qā‘ Ibn ‘Amr
débuta donc le combat contre les Perses, feignit la défaite et se
retira lentement devant l’ennemi, afin de leurrer leur armée en
dehors de la forteresse. Puis, quand ils furent à une certaine
distance, le piège se referma sur eux et la défaite de la plus
grande armée que les Perses aient jamais mobilisée fut complète.
Nahāvand tomba le vendredi 16 Mouharram 19 H (15 janvier 640 EC) ou
le vendredi qui suivit. Nou‘man Ibn Mouqarrin (qu’Allah soit
satisfait de lui) trouva le martyre pendant cette bataille.
Les Musulmans
s’élancèrent ensuite vers Hamadān dont le commandant, Khosro
(Khousrau) Shanoum, voyant ce qui était arrivé à l’armée de Nahāvand
et sachant qu’il ne possédait qu’une petite force constituée des
vaincus de Nahāvand, se hâta de soumettre Hamadān et Doustbai, puis
Māhīn suivit l’exemple et s’acheva le nettoyage des protectorats de
Nahāvand.
Hamadān s’étant rebellée
contre la loi musulmane, ‘Umar (qu’Allah soit satisfait de lui) y
envoya Nou’aym Ibn Mouqarrin et la ville se rendit à lui. Ensuite,
il se mit en route pour Wajroūd, puis Doustbai (Carte 59), et
Zanbadī. Le gouverneur provincial perse se rendit à Nou’aym, après
quoi il marcha avec lui sur Rey et une bataille commença aux pieds
de ses montagnes, les forces perses étant commandées par Siyāwakhsh.
Zanbadī guida les Musulmans vers une entrée de Rey qu’ils
conquirent, puis Danbāwand (Damāvand) fit la paix avec Nou’aym Ibn
Mouqarrin, sur l’accord qu’ils payeraient la Jizyah et que
les Musulmans n’y entreraient pas.
De Rey, Souwayd Ibn
Mouqarrin marcha sur Qoūmis (Carte 60), à 350 km à l’est, puis vers
le Khorāsān (Le Khorāsān (خراسان) est actuellement une
province orientale de l’Iran, où l’ancient Khorāsān s’étend jusqu’à
Takhār, Ghazni et l’Oxus, incluant Nishapur, Herāt, Merv, Jouwayn,
Bayhaq, Nasā, Sarakhs, Taloqan et Balkh. De nos jours, le Khorāsān
est divisé entre l’Iran, l’Afghanistan et le Turkmenistan. La
capitale de la province iranienne du Khorāsān est Meshed (Mashhad).
(Al-Mounjid fil-A‘lām, Mou‘jam al-Bouldān : 2/350)) dont les
habitants firent la paix avec lui le 22 H (642 EC). Ensuite, il
conquit Jourjān (Gorgān) par un traité de paix, et les habitants du
Tabaristān (Le Tabaristān, connu sous le nom de Mazandran en Iran
actuel, est une des provinces littorale de Perse, située sur la Mer
Caspienne et dont la capitale est Bābul, à ne pas confondre avec
l’ancienne Babylone/Babil en Irak. (Al-Mounjid fil-A’lām)) et de
Jilān (Gīlān, est une province septentrionale d’Iran dont la
capitale est Rasht, située sur la Mer Caspienne et dont la région
montagneuse est nommée Daylam. La soie est un produit célèbre de la
région. (Al-Mounjid fil-A‘lām)) vinrent demander la paix, que
Souwayd accepta de leur part, toujours en 22 H (642 EC).
Telles furent les
victoires obtenues lors de la marche entre Hamadān et le Tabaristān.
Au même moment, deux autres forces marchaient sur l’Azerbaïdjan, et toutes deux participèrent à la conquête :
1.
Le première s’élança de Houlwān et était commandée par Boukayr Ibn
‘AbdAllah al-Laythi. Ils marchèrent sur Garmīdān puis sur Ardabīl.
Nou’aym Ibn Mouqarrin al-Mouzani envoya Simāk Ibn Kharshah al-Ansari
depuis Rey pour renforcer Boukayr Ibn ‘AbdAllah qui, en route,
affronta Asfandyār, le frère de Roustoum. Nou‘aym l’avait auparavant
vaincu à Wajroūd et Boukayr et le mit en déroute une fois de plus et
le fit prisonnier. C’est à lui que l’on doit le traité de paix avec
l’Azerbaïdjan.
2.
Quant à la seconde force, elle s’était mise en route de Mossoul en
direction de l’ouest de l’Azerbaïdjan, commandée par ‘Outbah Ibn
Farqad, qui vainquit en chemin Bahrām Ibn Farroukhzād, puis
rencontra Boukayr à Ardabīl qui se rendit.
Ensuite, Boukayr,
Sourāqah Ibn ‘Amr al-Ansari et Habīb Ibn Maslamah marchèrent sur
al-Bāb, c'est-à-dire la cité de Darband (Derbent), sur la côte
occidentale de la Mer Caspienne (Mer de Qazvīn), qu’ils prirent par
la reddition de Shehrbrāz, le gouverneur d’al-Bāb, en 22 H (642 EC).
Puis Sourāqah mourut, en ayant désigné pour successeur ‘Abder
Rahmāne Ibn Rabī’ah. Pendant ce temps, Boukayr Ibn ‘AbdAllah
avançait et conquit Moūqān.
‘Abder-Rahman Ibn Rabī’ah
pénétra jusqu’à Balanjar, qu’il attaqua sous le califat de ‘Umar
(qu’Allah soit satisfait de lui) sans que ses forces n’eurent à
subir aucune perte. Son cheval blanc couvrit une distance de plus de
1.100 km après la victoire de Balanjar. Les récits historiques ne
nous aident pas à déterminer la longueur exacte de cette marche mais
il est clair qu’il contourna la Mer Caspienne par le nord et parvint
à arriver avec ses forces à Jourjān, au sud-est de cette mer.
L’est et le nord-est
était sous la responsabilité de la base militaire de Basra. La Perse
(Fars) fut à l’origine de l’empire sassanide et avait gouverné
pendant quatre siècles les territoires environnants d’Ahvāz jusqu’à
l’Irak et al-Jazīrah, l’Arménie et l’Azerbaïdjan jusqu’au Kermān, le
Sijistān et le Khorāsān. La Perse était l’un des pays les mieux
protégés de par sa topographie naturelle montagneuse et ses
nombreuses citadelles et forteresses, au point qu’Istakhri rapporta
qu’elle en comportait plus de 5.000. Personne ne pouvait collecter
tous les détails sur ces dernières et nul n’était prêt à essayer
exepté les gens du gouvernement. La Perse était constituée de cinq
régions :
2.
Ardsher Khourrah, sur le littoral du golfe, était la
seconde plus grande région de Perse dont la capitale était Gūr ou
Jūr (actuellement Ferozabād).
3.
Dārābgerd (Dārābjird), dont la capitale était Dārājird et où
se trouvait la cité de Fasā qui était plus grande que Dārābjird.
4.
La région d’Istakhr (Pasargadae) : était la plus grande région de
Perse et celle comportant le plus grand nombre de villes et de
districts.
5. Shāpoūr
est la plus petite région de Perse, communément connue sous le nom
de Shehristān.
Les forces perses se regroupaient à Touwwaj en
prévision de l’arrivée des Musulmans, mais les Musulmans
l’ignorèrent ; ils avaient assignés trois armées pour conquérir la
Perse et chaque armée marcha vers sa destination désignée, laissant
les troupes perses où elles se trouvaient. Toutes ces armées avaient
traversé la première région, Arrajan, dont la conquête fut accomplie
par un traité de paix, sans aucun combat.
1.
Moujashi‘ Ibn Mas‘oud Soulaymī marcha sur Shāpoūr et Ardsher Khourra
et les nouvelles d’Arrajan atteignirent l’armée perse rassemblée à
Touwwaj qui se dispersa, chaque unité se dirigeant vers sa ville
d’origine pour la défendre. Ce fut leur première défaite, et
Moujashi‘ affronta les Perses restés à Touwwaj et les mit en
déroute.
2.
‘Uthman Ibn Abi al-‘Ās ath-Thaqafi arriva du Bahreïn avec une force
navale, apportant une grande armée des tribus des ‘Abdel Qays, Azd,
Tamīm, Banoū Nājiyah et autres et attaqua l’ile de Barkāwān puis, de
là, avança vers Touwwaj, en 23 H (643 EC), d’après le récit le plus
fiable. Dans une autre narration, il est rapporté que l’expédition
débarqua sur les côtes d’Ardsher Khourreh et, de là, ils
bifurquèrent vers Istakhar dont ils rencontrèrent l’armée à Jūr
(actuelle Ferozabād) qu’ils vainquirent et éparpillèrent, tuant leur
commandant, Shahrak.
3.
Sāriyah Ibn Zounaym al-Kinānī marcha sur Fasā et Dārābjird et les
conquit toutes les deux.
Moujashi‘ Ibn Mas‘oud,
‘Uthman Ibn Abi al-‘Ās ath-Thaqafi et Sāriyah Ibn Zounaym conquirent
les zones rurales de la Perse.
Les Conquêtes de Basra à
Kermān
Les Conquêtes de Basra
au Sijistān
D’après les récits les
plus fiables, le Sijistān (Sistān) fut conquis par ar-Rabī‘ Ibn
Ziyād Ibn Anas al-Hārithī, sous l’autorité de ‘AbdAllah Ibn ‘Āmīr,
quand il se tourna vers le Khorāsān en 30 H (650 EC). Il campa à
Fihraj puis marcha environ 415 km pour rejoindre la forteresse de
Zaliq, située environ 28 km avant le Sijistān. De là, il marcha sur
un village appelé Karkouwaih, à environ 9 km. Il campa à Roustāq
Haisoūn et de là, il se rendit à Hindmand(Helmand) et traversa Wadi
Noūq pour Zoūsht dont il vainquit la garnison, après quoi il marcha
sur Nashroūd et en vainquit aussi la garnison. Ensuite, il marcha
sur Sharwād, après quoi il assiégea Zaranj puis signa avec eux un
traité. Après cela, il traversa Wadi Sanāroūd et marcha sur
Qaryatayn puis retourna à Zaranj.
Makrān était un des
territoires du Sindh vers lequel se dirigea Hakam Ibn ‘Amr
at-Taghlibi qui y rencontra Shihāb Ibn Makhāriq, puis Souhayl Ibn
‘Adiyy et ‘AbdAllah Ibn ‘AbdAllah Ibn ‘Itbān. Ils rencontrèrent la
résistance de Rasil, le Raja de Sindh, et de son armée mais le
vainquirent, après quoi ‘Umar (qu’Allah soit satisfait de lui) leur
ordonna de ne pas avancer plus loin.
Ahnaf Ibn Qays at-Tamīmi
prit le commandement de l’armée pour le conquérir. Cette conquête
avait une importance spéciale qui fit que le Khorāsān était le lieu
où Yazdgard opposa sa dernière résistance et sa chute signifia la
fin officielle de l’empire perse et sa propre fin.
La marche vers le
Khorāsān fut le pivot de la conquête, qui traça un chemin d’est en
ouest à travers l’Iran. Ahnaf se mit en route avec ses forces depuis
Basra en 21 H (641 EC), empruntant la route de Mihijān Qoudhaq, puis
vers Ispahan, Tabas, après quoi il bifurqua vers Herāt et de là :
(b)
Il envoya Hārith Ibn Hassān ad-Dawsi à Sarakhs.
Des renforts arrivèrent à
Ahnaf depuis Koūfa et Hātim Ibn Nou’mān Bāhili fut désigné
gouverneur de Merv Shāhjān. Ahnaf marcha sur Merv Roūd, après quoi
Yazdgard s’enfuit pour Balkh et Merv Roūd tomba aux mains d’Ahnaf.
Les Musulmans marchèrent ensuite à la poursuite de Yazdgard et
affrontèrent les forces qui lui restaient ; les Perses furent
vaincus et Yazdgard traversa le fleuve Balkh ou Oxus (Jaihoūn ou
l’Amou Darya (Daria)). Les habitants du Khorāsān firent un traité de
paix avec Ahnaf qui désigna Rib’ī Ibn ‘Āmīr at-Tamīmi comme
gouverneur du Takhāristān, puis retourna à Merv Roūd. Yazdgard
rechercha l’aide des voisins de son empire, les Turcs et les Soughd
et, en réponse, le Khaqan des Turcs avança avec son armée, recrutée
parmi les habitants de Farghanah (Ferghana) et Soughd. Cette armée
était grande et Yazdgard la rejoignit et se retira avec eux. Ils
traversèrent l’Oxus (Jaihoūn) et avancèrent sur Balkh. Les Musulmans
se retirèrent devant eux jusque derrière les frontières de Merv Roūd
puis Yazdgard et les Turcs se dirigèrent vers Merv Roūd mais y
furent vaincus. Après la bataille, les Turcs firent demi-tour ou,
selon un récit, repartirent sans combattre, parce que la guerre
n’était pas leur soucis. Yazdgard les quitta et alla à Merv Shāhjān
pour récupérer ses trésors. Il en assiégea la petite force
musulmane, mais il tomba sur les habitants et des combats éclatèrent
entre eux. Ensuite, Ahnaf arriva de Merv Roūd et Yazdgard s’enfuit
et traversa à nouveau l’Oxus pour se rendre à Farghanah et aux
Turcs. Les Perses restants firent volontairement un traité de paix
avec Ahnaf Ibn Qays, en fonction duquel leur situation resterait
stable. De cette manière, l’empire sassanide disparut.
Peu après, en 31 H (651 EC) pendant le
califat de ‘Uthman Ibn ‘Affan (qu’Allah soit satisfait de lui),
Yazdgard fut tué par des Perses.