En
l’an 508 de l’Hégire (1114), le roi croisé Adafonsht alias Alfonsh
VI mourut sans successeur mâle pour lui succéder. S’ensuivit une
guerre pour le trône du royaume de Castille entre les partisans de
sa fille Arakah alliée à son mari Alfonsh I, le roi d’Aragon
surnommé al-Mouharib, le combattant et les partisans
de leurs fils Alfonsh Rimondez.
Cette
même année, les Mourabitine mirent définitivement fin aux états
indépendants en prenant Saragosse unifiant ainsi l’Andalousie sous
leur bannière. Ils pouvaient dorénavant se concentrer sur Tolède.
Les croisés pressentant le grand danger appelèrent l’Europe à l’aide
et de lourds renforts arrivèrent de France et d’Italie.
Cette
même année, une triple alliance se forma entre, Barcelone (barshalona)
la capitale navale des Chrétiens au nord-est, faisant face aux îles
Baléares alors aux mains des Mourabitine, la ville italienne de Pise
(biza) et l’état de Gênes (jinoa) qui envoyèrent un
nombre considérable de navires.
Trois-cents navires croisés mirent le blocus sur les îles Baléares.
‘Abdallah al-Mourtadah, gouverneur de la partie est de l’île, envoya
un pressant appel à l’aide aux Mourabitine mais les Mourabitine
n’étaient pas prêt pour une bataille navale impliquant une flottille
aussi nombreuse.
L’alliance des croisés captura la plus petite île d’Ibiza (jaziratoul
liabissa) puis mit le blocus sur l’île de Majorque (jaziratoul
mayworqa).
‘Ali
Ibn Tashfine réunit une flotte trois-cents navires sous le
commandant de l’amiral Taqirtas qui réussit à faire lever le blocus
de Majorque et poursuivit la flotte ennemie qui s’enfuyait et dont
il coula un grand nombre de navires.
L’ensemble de l’Andalousie était sous le contrôle des Mourabitine
excepté un nombre réduit de places : le nord, et le centre dont la
capitale Tolède, une place imprenable, était
aux mains des croisés. Le plan des Mourabitine appliqué avec
succès leur permit d’acheminer et de concentrer leur force à Tolède.
‘Ali
Ibn Tashfine dut retourner au Maghreb pour affaire d’état puis il
revint en Andalousie en l’an 511 de l’Hégire (1117) pour conduire de
nouvelles manœuvres militaires contre l’ennemi et particulièrement à
l’est du pays. Il assaillit avec succès la ville de Calmera (qalmira)
la capitale $pm=4çdu Portugal resserrant ainsi l’étau autour de Tolède.
Alfonsh I le combattant, gouverneur de Tolède, pressentit à nouveau
le danger dans la perte de Calmera et de nouveau appela à l’aide les
pays d’Europe. La France, l’Italie et d’autres pays lui envoyèrent
rapidement de l’aide ainsi qu’une armée de 50.000 hommes de diverses
nationalités et 50.000 n’est pas un petit nombre !
Alfonsh envoya aussitôt une armée vers Saragosse, la capitale du
nord-ouest vers laquelle se dirigea aussi les nouveaux renforts
venus de France et les armées réunies assiégèrent les Mourabitine
dans la ville.
Le
siège dura 9 mois et les habitants commencèrent à mourir de faim
quant à ‘Ali Ibn Tashfine, il ne put réunir une armée suffisante
pour faire face si bien qu’au mois de Ramadan 512 de l’Hégire
(1118), Saragosse dut ouvrir les portes de la ville et la menace qui
pesait sur Tolède disparut.
‘Ali
Ibn Youssouf Ibn Tashfine poursuivit son plan en réunissant de plus
en plus de troupes et en l’an 514 de l’Hégire (1120), il envoya un
de ses commandants, Ibrahim Ibn Youssouf sur Saragosse.
Informés de son approche, les croisés envoyèrent une armée pour
l’empêcher d’approcher et les deux troupes se rencontrèrent à
Qotenda, une ville proche de Saragosse. Participa à cette bataille
un grand nombre de Musulmans, mais aussi un nombre important de
juges et parmi eux, le Qadi Sadafi et Ibn Farar le Qadi
d’Almeria (mariya).
La
grande bataille commença mais les Musulmans, loin de leur arrières
et de leur approvisionnement et pas assez nombreux face à l’immense
armée qui leur faisait face et qui recevait, en permanence d’Europe,
des renforts d’hommes, de matériels et d’argent, furent battus.
Périrent les Qouda Sadafi et Ibn Farar, puissent Allah le
Très Haut leur faire miséricorde.
Abou
Bakr Ibn ‘Arabi, le juge (qadi) de Séville, l’écrivain
renommé, auteur du livre « al-‘awassim minal qawassim », a
rapporté qu’il participa à cette bataille et qu’il assista à la mort
de milliers de Musulmans et il n’y de force et de puissance qu’en
Allah.
Ne
pensez surtout pas que les affaires des Mourabitine furent faciles
et aisées bien au contraire comme nous le prouve cette bataille.
En
l’an 515 de l’Hégire (1121) et alors que les Mourabitine étaient
occupés sur le front d’Andalousie contre les croisés mais aussi à
mettre fin pacifiquement à une rébellion des habitants de Cordoue
contre leur gouverneur, des nouvelles inquiétantes du Maghreb
parvinrent à ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine, des rebellions suite à
l’apparition d’un nouveau mouvement fondé par Muhammad Ibn
Toumart.
Nous
verrons par la suite quel impact eut ce groupe sur les Mourabitine
occupés à combattre dans la voie d’Allah le Très Haut. Les
Mourabitine avaient pourtant besoin de toute l’aide disponible pour
faire face au violent déferlement des croisés d’Europe en Andalousie
mais certains profitèrent de leur absence du Maghreb pour les
poignarder dans le dos.
La traitrise des gens du pacte de Grenade
Comme
vous le savez, les Chrétiens et non-Musulmans ont toujours vécut
parmi les Musulmans sous le pacte des gens de la Dimmah (gens
protégés par les Musulmans moyennant un impôt), al-Mou’ahidoun,
les gens du pacte, et vivaient en paix parmi les Musulmans mais ceux
de Grenade rompirent le pacte qui les unissait aux Musulmans.
A
Grenade, à l’extrême sud de l’Andalousie, les Mou’ahidoun
envoyèrent secrètement des messagers au gouverneur de Tolède Alfonsh
I et lui dirent : « Si tu veux, viens conquérir Grenade nous
t’aiderons de l’intérieur ». Alfonsh I saisit aussitôt l’occasion et
réunit une armée de 50.000 soldats et un très grand nombre de
Mou’ahidoun vinrent lui porter assistance de toutes les villes
d’Andalousie suite au mort d’ordre qui avait été donné pour chasser
tous les Musulmans d’Andalousie.
En
l’an 520 de l’hégire (1125), Alfonsh marcha vers le sud à la tête de
son armée en détruisant et brûlant tout ce qu’il trouva sur sa route
avant de parvenir à Grenade et d’y mettre le siège. Tolède au centre
était perdue, Saragosse à l’ouest perdue après être tombée au mois
de Ramadan de l’année 512 de l’Hégire suivit de la Forteresse
d’Ayyoub (qal’at ayyoub) en 514 et maintenant Grenade au sud
et si Grenade tombait, la route du Maghreb deviendrait inaccessible
et ceci représentait le pire danger pour les Musulmans.
Et
bientôt l’armée initiale d’Alfonsh de 50.000 hommes devint une
immense armée du nombre de tous les Chrétiens qui se joignirent à
lui dans cette entreprise. Les Mourabitine s’efforcèrent de faire
lever le siège en envoyant plusieurs détachements mais Alfonsh les
écrasa tous les uns après les autres et le siège dura de longs mois.
Et
Allah le Très Haut protégea les Musulmans en envoyant Ses soldats
car les Musulmans furent incapables de venir à bout de leurs ennemis
par la force. « Et à Allah des soldats que vous ne voyez point » en
envoyant sur eux la fièvre et la fatigue si bien qu’après un certain
temps Alfonsh I ordonna le retrait des troupes de Grenade avant
qu’elle ne devienne trop faible pour faire face aux Mourabitine et
ainsi la ville fut libérée du blocus.
Le
grand juge (qadi) Ibn Roushd se rendit au Maghreb aussitôt
pour rencontrer ‘Ali Ibn Tashfine, l’émir des Mourabitine pour
l’entretenir de plusieurs sujets dont l’autorisation d’expulser les
Mou’ahidine, les gens du pacte, de Grenade, pour trahison de
leurs engagements et pour cause d’intelligence avec les ennemis des
Musulmans. Et il émit sa fameuse fatwa ordonnant l’expulsion de tous
les Mou’ahidine de Grenade. Et ‘Ali Ibn Tashfine fut
entièrement d’accord avec lui. Ce Qadi Ibn Roushd n’est pas
le philosophe du même nom mais son grand père.
Lorsqu’Ibn Roushd visita Ibn Tashfine à Marrakech, il fut étonné de
voir la ville sans mur d’enceinte la protégeant. Et il dit à ‘Ali :
« Il ne convient pas que ta capitale ne soit pas fortifiée et ainsi
sans protection ouverte à toute attaque ! » Alors ‘Ali Ibn Tashfine
ordonna la construction d’une enceinte autour de la capitale des
Mourabitine.
Puis
Ibn Roushd lui dit de graves propos : « L’Andalousie est en grave
danger tandis que les affaires des croisés s’améliorent de jours en
jours. La division entre les Musulmans est profonde et l’Andalousie
a besoin d’un homme fort pour la diriger et ton grand frère Abou
Tahir Tamim qui dirige l’Andalousie n’a pas cette force ».
Le
Qadi, préoccupé du futur des Musulmans et non pas seulement des
affaires religieuses, lui demandait simplement de retirer son frère
du pouvoir parce qu’il s'il était un homme juste il n’était
néanmoins pas ferme.
Et
‘Ali Ibn Tashfine répondit favorablement à sa demande en faisant
immédiatement retirer son frère du commandement en Andalousie
suivant les conseils du savant. Il savait pertinemment que c’était
un homme sage et qu’il était uniquement poussé par les intérêts de
l’Islam, des Musulmans et de la communauté.
‘Ali
Ibn Tashfine lui demanda quel était l’homme le plus apte à tenir ces
fonctions et Ibn Roushd lui répondit qu’il était mieux que cela soit
quelqu’un de l’élite des Mourabitine afin qu’il soit obéit et que
son fils faisait parfaitement l’affaire. ‘Ali Ibn Tashfine nomma
donc son fils Tashfine Ibn ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine nouvel
émir d’Andalousie, ainsi étaient les affaires entre les Musulmans à
cette époque.
En
l’an 523 de l’Hégire (1128), Ibn Rannak se détacha des Chrétiens du
nord et annonça l’indépendance du Portugal, un état chrétien à part
entière et détaché du royaume d’Alfonsh I. Désormais les Chrétiens
étaient divisés en trois états :
-
Alfonsh I, au nord et au centre,
-
Alfonsh VII, qui perdit le Portugal, au nord et l’ouest, notamment
Léone et Galice et,
- Ibn
Rannak, au Portugal.
Cette
même année Alfonsh I réussit à battre durement une armée des
Mourabitine à al-Qoulay’ah près de l’ile de Shouqour au sud de
Valence. Douze-mille combattants Musulmans furent tués ou fait
prisonniers au cours de cette bataille. L’armée des Mourabitine
était commandée par l’émir Abi Muhammad Ibn Abi Bakr Ibn Syr
al-Lamtouni, surnommé Bin Qannounah (le fils de Qannounah), le fils
de la sœur (Qannounah) de l’émir des Mourabitine ‘Ali Ibn Youssouf
Ibn Tashfine.
En
l’an 524 de l’Hégire (1129), une trêve fut conclue entre Alfonsh I,
le roi d’Aragon, et le fils de son épouse Arakah, Alfonsh Rimondez
le roi de castille. Alfonsh put ainsi avoir les mains libres et se
concentrer sur la conquête du reste du royaume de Saragosse qui
était toujours entre les mains des Mourabitine dont les villes de
Tortose, Lérida, Ifraghah et Miknassah.
Alfonsh I se prépara en conséquence pour la bataille ou un très
grand nombre de français y participèrent ainsi qu’un très grand
nombre du clergé espagnol. En l’an 527 de l’Hégire (1132), il
réussit à prendre Miknassah avant de marcher sur Ifragah, dirigée
par Sa’d Ibn Muhammad al-Mardanish, ou il mit le siège.
Les
habitants de la ville réussirent à envoyer secrètement des messagers
demander de l’aide à l’émir des Mourabitine Abou Zakariyyah Yahya
Ibn ‘Ali Ibn Ghaniyah, gouverneur de Murcie et de Valence, qui était
le plus puissant et plus fort commandant des Mourabitine.
Yahya
Ibn ‘Ali Ibn Ghaniyah en appela à ses voisins et Zoubayr Ibn ‘Amr
al-Lamtouni arriva de Cordoue à la tête de deux-mille cavaliers,
cinq-cents cavaliers sortirent de Valence ainsi ‘Abdillah Ibn ‘Iyad,
le gouverneur de Lérida à la tête de sa force armée vinrent pour
porter assistance aux assiégés.
Lorsque Alfonsh I fut informé de leur approche, il fit le serment
sur la croix avec vingt commandants de ne pas quitter la place
jusqu’à la capture de la forteresse ou la mort.
Le 23
du mois de Ramadan[1]
de l’année 528 de l’Hégire (1133) et sous les murs fortifiés de la
ville d’Ifraghah, à l’est de Saragosse, eut lieu une des plus
violente et terrible bataille de l’histoire d’Andalousie entre les
croisés commandés par Alfonsh I et les Mourabitine commandé par Abou
Zakariyyah Yahya Ibn ‘Ali Ibn Ghaniyah gouverneur de Murcie
et de Valence.
Une
bataille entre deux armées inégales, une immense armée croisée
commandée par le gouverneur du centre et du nord de l’Andalousie
Alfonsh I et une toute petite armée de Mourabitine commandée par Yahya
Ibn Ghaniyah, gouverneur de Valence et de Murcie.
Une
petite armée de croyants avec très peu de moyen mais le cœur pieux
plein de crainte d’Allah le Très Haut ou la foi l’emporta sur la
mécréance. S’ensuivit une terrible et violente bataille ou l’armée
d'Alfonsh I fut pratiquement anéantie et où ce dernier s’enfuit avec
une poignée de croisés. Quant aux Musulmans, ils patientèrent
vigoureusement, furent lourdement éprouvés mais grandement
récompensés.
Tous
les commandants et les personnalités des croisés furent aussi tués
au cours de la bataille dont très peu échappèrent. Cette victoire
d’une petite armée de croyants sur une immense armée de mécréants
réjouit non seulement tous les Musulmans d’Andalousie mais aussi
ceux du Maghreb et de l’empire musulman et continu de réjouir encore
à ce jour comme le font toutes les autres batailles ou les Musulmans
furent vainqueurs.
Quant
à Alfonsh I, le combattant que personne n’avait pu stopper
auparavant et qui avait juré de ne pas fuir, mourut huit jours après
de dépit et de honte, détruit par la foi et la sincérité envers
Allah le Très Haut qui accorde Sa victoire et Sa grâce à qui Il veut
de Ses serviteurs.
Tamim
Ibn Youssouf Ibn Tashfine, l’émir d’Andalousie mourut en l’an 520 de
l’Hégire et nous avons déjà mentionné qu’il avait été remplacé par
Tashfine, le fils de (ibn) ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine qui
conduisit aussi un nombre important de bataille contre les
castillans et leur roi Alfonsh Di-Rimondez aussi appelé Alfonsh VII
et que les Musulmans surnommèrent as-Soulaytine.
Alfonsh VII profita aussitôt de l’occasion de la mort d’Alfonsh I,
pour annoncer qu’il était le successeur du royaume de ce dernier et
ainsi les terres chrétiennes furent unifiées sous un même roi,
excepté le Portugal aux mains d’Ibn Rannak. Alfonsh VII, se fit
nommer as-Sultan et c’est pourquoi les Musulmans l’appelèrent
as-Soulaytine, le non sultan.
Alfonsh VII alias Alfonsh Di-Rimondez marcha aussitôt sur Badajoz ou
le rencontra Tashfine Ibn ‘Ali, l’émir des Mourabitine, près du lieu
de Zallaqa ou il écrasa à son tour Alfonsh VII et les Musulmans
remportèrent après cela un certain nombre d’autres batailles jusqu’à
celle d’al-Biqar.
Au
mois de Dzoul Hijjah de l’année 528 de l’Hégire (1134) eut
lieu une nouvelle grande et terrible bataille : la bataille
d’al-Biqar, entre les croisés de Castille et les Mourabitine sous le
commandement de Tashfine Ibn ‘Ali Ibn Youssouf. Cette bataille eut
lieu dans la région d’al-Biqar, à vingt kilomètres au nord de
Cordoue, entre Cordoue et Tolède.
Habituellement, pour se combattre les armées attendaient le lever du
jour, ou du moins juste quelques temps avant, après s’être fait
face. Les Musulmans à peine arrivés commencèrent à établir leur
campement mais les croisés qui étaient arrivés avant eux et avaient
eu le temps de se déployer attaquèrent les Musulmans en pleine nuit
alors qu’il n’était ni organisé, ni prêt pour la bataille et qu’il
n'était pas encore de coutume d’attaquer la nuit.
Tashfine n’eut pas le temps d’organiser ses troupes car déjà les
croisés étaient dans le campement et s’ensuivit une grande panique
et les Musulmans fuirent le campement. Les croisés appelèrent
Tashfine et lui demandèrent de se montrer et de se rendre sans quoi
il serait tué. Et Tashfine leur répondit cette fameuse réplique :
- «
Je ne me rendrais pas ni même ma communauté et je ne me sauverais
pas laissant ma communauté se perdre ». Voulant dire qu’il préférait
le martyr dans la voie d’Allah le Très Haut que de fuir devant
l’ennemi.
Mais
son armée avait déjà fui et il ne restait à ses côtés que quarante
cavaliers. Tashfine Ibn ‘Ali Ibn Tashfine tint fermement sa position
et quelqu’un qui assista à cette bataille raconta plus tard :
- «
Je n’ai jamais vu quelqu’un comme Tashfine qui malgré sa faible
position, ne fut ni ébranlé ni inquiété. Il combattit fermement sûr
de lui avec ceux qui étaient resté avec lui jusqu’à que son sabre se
brise. Et ensuite il combattit avec tout ce qu’il trouva en fer près
de lui ».
Les
nouvelles de son acte héroïque parvint aux fuyards de son armée qui
revigoré par la force de leur émir revinrent au combat. Et petit à
petit, au fur et à mesure du retour des Musulmans un mur de
combattants se dressa près de lui et Tashfine par son courage, sa
force et sa volonté nous rappelle son grand père Youssouf Ibn
Tashfine, ash-Shiblou minal Assad, le lionceau fils du Lion !
Sitôt
qu’il eut un nombre suffisant de guerriers près de lui Tashfine
commença à réorganiser ses forces et il transforma la défaite en
victoire et le commandant de l’armée d'Alfonsh VII fut tué. Et les
Musulmans furent victorieux bien qu’ils tombèrent dans une embuscade
grâce à la fermeté d’un groupe d’hommes combattant près de leur chef
Tashfine Ibn ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine, tel un rempart d’acier
d’une inébranlable forteresse, puisse Allah le Très Haut leur faire
tous miséricorde.
Quels
hommes étaient-ils avec une si grande patience et cette ferme
volonté de réussite à tout prix, cet amour de l’au-delà et du martyr
préférable à tout ce que la terre contient.
Cela
nous fait rappeler le Prophète (Saluts et bénédictions d’Allah sur
lui) et sa fermeté le jour de la bataille de Hounayn alors
que les Musulmans étaient battus et qu’il résista seul avec une
poignée d’hommes et de femmes et que la défaite se transforma en
victoire selon ses propres propos.
Tashfine Ibn ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine renouvela cette héroïque
bravoure, cette Sounnah de persévérance alors que son armée
s’était enfuie.
Ces
batailles durèrent un certain temps. Tantôt les Mourabitine et
tantôt les croisés furent victorieux tour à tour et aucune de ces
différentes batailles ne fut décisive.
En
l’an 531 de l’Hégire (1136), ‘Ali Ibn Tashfine demanda à son fils
Tashfine de retourner au Maghreb ou il arriva au mois de Joumadah
l’année suivante.
La mort de ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine
Tashfine Ibn ‘Ali rencontra son père qui le nomma successeur des
Mourabitine en l’an 533 de l’Hégire (1138) et lui fit porter
allégeance. Cet évènement de succession est de prime importance
d’autant plus que le nouveau mouvement de Muhammad Ibn
Toumart, qui se fit après appeler al-mahdi, prenait de l’ampleur
après que ses partisans lui créèrent un état à Kinmallal qui devint
leur capitale.
Avant
de finir avec l’histoire des Mourabitine en Andalousie, marquons une
petite parenthèse pour parler des îles Baléares et sur lesquelles
nous reviendront plus longuement.
Comme
nous l’avons déjà mentionné, les îles des Baléares sont composées de
trois îles principales, Majorque, Minorque et Ibiza.
Lorsque les Mourabitine en prirent le contrôle en l’an 509 de
l’Hégire (1115), ils nommèrent Wannour Ibn Abi Bakr al-Lamtouni qui
le resta durant vingt années mais il était un tyran injuste. Et
comme nous l’avons aussi vu ce genre de comportement du dirigeant ne
peut que pousser les gens à se rebeller. Les Musulmans de l’île
principale Majorque se levèrent contre lui, le capturèrent et
l’emprisonnèrent.
Puis,
ils écrivirent à l’émir des Musulmans pour l’informer de ce qu’ils
avaient fait et en l’an 520 de l’Hégire (1125), ce dernier leur
nomma un nouvel émir pour l’île de Majorque du nom de Muhammad
Ibn ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Ghaniyah, le frère de Yahya Ibn
‘Ali Ibn Ghaniyah, le célèbre commandant. Le père de Muhammad
Ibn ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Ghaniyah, ‘Ali Ibn Youssouf était un des
chefs de la tribu de Massoufah Sanhadjiyah qui prirent le matronyme
de leur mère Ghaniyah al-Lamtouniyah, une proche de Youssouf Ibn
Tashfine.
Muhammad Ibn ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Ghaniyah exerça le pouvoir d’une main ferme et assurée avant de passer la succession à son grand fils ‘AbdAllah mais un autre de ses fils du nom d’Ishaq conçut de la rancune envers son père et son frère et les fit assassiner en l’an 550 de l’Hégire (1155) pour prendre le pouvoir de l’ile de Majorque. Nous reviendrons plus tard sur ces évènements.
La délégation des habitants de Séville
Avec
la chute de Marrakech, en l’an 541 de l’Hégire (1146), prit fin la
dynastie des Mourabitine et sa chute marqua aussi le début de la
dynastie des Mouwahhidine mais pendant neuf années
successives jusqu’en l’an 549 de l’Hégire (1154), ‘Abdel Mou'min Ibn
‘Ali allait faire face à un nombre importants de rebellions
auxquelles il mit toute fin dans un bain de sang.
Alors
qu’il était à Marrakech, il reçut une délégation des habitants de
Séville qui lui remirent une lettre du Qadi Abi Bakr Ibn
‘Arabi al-Mou’afiri qui lui portait allégeance au nom des gens de la
ville. ‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali fut enchanté, accepta leur allégeance
et couvrit la délégation de présents.
Le
célèbre Qadi Abi Bakr Ibn ‘Arabi al-Mou’afiri était tout le
contraire du soufi du même nom Mouhyi ad-Din Ibn ‘Arabi et l’Imam
ad-Dahhabi a dit sur lui : « L’Imam, al-‘Allama, al-Hafiz,
al-Qadi, Abou Bakr Ibn Muhammad Ibn ‘Abdillah Ibn ‘Arabi
al-Andalousi ash-Ashfilli, al-Maliki et son père était un des grand
ami du savant Ibn Hazm az-Zahiri et Abou Bakr Ibn Muhammad
et son père partirent à Bagdad pour apprendre la science auprès des
grands savants de l’époque ainsi qu’à Damas, Jérusalem (bayt
al-Maqdis), la Mecque et Misr ».
Comme
vous le voyez les savants de l’époque ne se contentait pas seulement
de leur propre science mais il allait aussi étudier chez les autres
savants du monde islamique et parfois malgré leurs âges avancés et
le Qadi Abi Bakr Ibn ‘Arabi était un des grands savants de
l’époque. L’Imam Ad-Dahhabi continue : « Il étudia aussi chez
l’Imam Abou Hamid al-Ghazali et Abou Bakr ash-Shashi,
auteur du livre « al-‘awassim al-qawassim » et décéda dans la
ville de Fès en l’an 543 de l’Hégire (1148) ».
Cette
même année, les Mouwahhidine envoyèrent une grande armée à
Ceuta, dirigée par le célèbre Qadi ‘Iyad Ibn Moussa
al-Ya’soubi, car la ville ne s’était pas soumise et l’assiégèrent.
Lorsque le Qadi vit cela et connaissant la réputation des
Mouwahhidine de ne laisser aucune âme en vie, il sortit de la
ville et dit au commandant de l’armée qu’il désirait porter
allégeance à ‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali au
nom
de son peuple ce qui fut accepté et ainsi il préserva intelligemment
les habitants la ville de leur mal.
Le
Qadi ‘Iyad fut aussi un des célèbres savants de l’Islam de
l’époque et l’Imam ad-Dahhabi a dit à son sujet : « Al-Imam,
al-‘Allama, al-Hafiz, Sheikh al-Islam al-Qadi Abou Fadl ‘Iyad
Ibn Moussa Ibn ‘Iyad al-Ya’soubi al-Andalousi as-Sabti (de Sabta ou
Ceuta) du Madhhab Maliki. Il étudia chez un grand nombre de
savants du Hadith et était une mer de science si bien
qu’il figure auprès des lumières étoilées des savants de l’Islam. Il
m’est parvenu qu’il fut tué d’une flèche après avoir manifesté son
dégout pour le nom d’Ibn Toumart, en l’an 575 de l’Hégire (1179) »
Les rebellions des juges et des savants en
Andalousie
La
période précédant la chute des Mourabitine en l’an 541 de l’Hégire
(1146) affaiblit considérablement l’Andalousie et cette chute
conduira à de bien plus graves évènements.
Le
premier d’entre eux fut la cruciale et terrible perte des Musulmans
en l’an 540 de l’Hégire (1145) de la bataille de Loudj wal Bassit,
entre Tolède et Dénia, ou les Mourabitine occupés par la guerre au
Maghreb ne purent envoyer des renforts en Andalousie. Lors de cette
bataille, l’armée des Mourabitine fut décimée et les affaires
allèrent très rapidement de mal en pire.
Profitant de la faiblesse de l’état central, des Mourabitine, les
rebellions, menés tant par les juges que les savants (al-qoudat
wal ‘oulama) se succédèrent les unes après les autres contre les
Mourabitine. C’est ce qui arriva entre autre à Cordoue, Jaén,
Grenade, Malaga et Valence qui fut la plus célèbre des révoltes.
Les
historiens ont rapporté que les juges et les savants eurent un grand
prestige sous le règne des Mourabitine, qui les avaient honorés et
approchés d’eux à cause de leur science et de leur culture, si bien
qu’ils devinrent les chefs (zou’ama al-bilad) du pays. Mais,
que certains d’entre eux appelèrent à l’aide les croisés contre les
Mourabitine dont parmi eux, Abou Ja’far Hamdin Ibn Muhammad
Ibn Hamdin, le Qadi de Cordoue, qui faisait pourtant
partie d’une des familles les plus fameuses d’Andalousie.
Pourtant, Allah Exalté a dit dans Son livre : « Que les croyants
ne prennent pas, pour alliés, des infidèles, au lieu de croyants.
Quiconque le fait contredit la religion d’Allah, à moins que vous ne
cherchiez à vous protéger d’eux. Allah vous met en garde à l’égard
de Lui-même. Et c’est à Allah le retour[2] ».
Et le
Très haut a dit aussi : « Ô les croyants ! Ne prenez pas pour
alliés les Juifs et les Chrétiens ; ils sont alliés les uns des
autres. Et celui d’entre vous qui les prend pour alliés, devient un
des leurs. Allah ne guide certes pas les gens injustes. Tu verras,
d’ailleurs, que ceux qui ont la maladie au cœur se précipitent vers
eux et disent : Nous craignons qu’un revers de fortune ne nous
frappe. Mais peut-être qu’Allah fera venir la victoire ou un ordre
émanant de Lui. Alors ceux-là regretteront leurs pensées secrètes.
Et les croyants diront : Est-ce là ceux qui juraient par Allah de
toute leur force qu’ils étaient avec vous ? Mais leurs actions sont
devenues vaines et ils sont devenus perdants…Vous n’avez d’autres
alliés qu’Allah, Son messager, et les croyants qui accomplissent la
Salat, s’acquittent de la Zakat, et s’inclinent (devant Allah). Et
quiconque prend pour alliés Allah, Son messager et les croyants,
[réussira] car c’est le parti d’Allah qui sera victorieux. Ô
les croyants! N’adoptez pas pour alliés ceux qui prennent en
raillerie et jeu votre religion, parmi ceux à qui le Livre fut donné
avant vous et parmi les mécréants. Et craignez Allah si vous êtes
croyants. Et lorsque vous faites l’appel à la Salat, ils la prennent
en raillerie et jeu. C’est qu’ils sont des gens qui ne raisonnent
point[3] ».
En
effet, pour mettre fin à son conflit avec Yahya Ibn Ghaniyah
as-Sahraoui, l’émir des Mourabitine d’Andalousie, Ja’far Hamdin
Ibn Muhammad Ibn Hamdin, le Qadi de Cordoue
appela à l’aide le roi de Castille Alfonsh VII au mois de Dzoul Hijjah
de l’année 540 de l’Hégire (1145). Les Castillans entrèrent dans la
partie-est de Cordoue, ou ils ruinèrent la mosquée de l’université
et détruisirent les Qur’an mais lorsqu’ils entendirent parler
de la traversée des Mouwahhidine en Andalousie, ils se
hâtèrent d’établir un traité de paix avec les habitants de Cordoue
et nommèrent Yahya Ibn Ghaniyah, gouverneur de la ville.
A
Malaga, le Qadi Abou Hakam al-Houssayn Ibn Hassoun
al-Kalbi se rebella en l’an 547 de l’Hégire (1152) et lorsque les
Mourabitine vinrent pour le combattre, il demanda de l’aide aux
croisés mais les habitants de la ville se rebellèrent contre lui et
l’attaquèrent dans son palais si bien qu’il but une fiole de poison
(samm) pour se donner la mort. Malheureusement pour lui, il
ne mourut pas sur le champ, et il s’empala alors sur une lance pour
en finir. Mais Allah Soubhanahou wa Ta’ala, voulut lui donner
une leçon, car étant un savant, le Qadi connaissait
parfaitement la destinée de celui qui se suicide, et il ne mourut
point non plus. Il resta ainsi agonisant durant deux jours avant de
finalement trouver la mort. Les habitants de la ville le laissèrent
ainsi durant son agonie et ne lui tranchèrent la tête que lorsqu’il
mourut et le crucifièrent pour avoir appelé à l’aide les mécréants
et pour prix de sa trahison. Qu’Allah Exalté nous préserve de la
mauvaise fin (souh al-khatimah).
La chute d’Almeria et de Lisbonne
Pour
revenir à notre chronologie, en l’an 542 de l’Hégire (1147), les
croisés, qui recevaient en permanence de l’aide de toute l’Europe
devinrent de plus en plus forts et marchèrent sur Almeria au sud-est
de l’Andalousie.
Almeria était une ville portuaire loin de leur territoire et la
capitale de la flotte militaire des Musulmans. Les troupes
espagnoles et italiennes commandées par Alfonsh VII assiégèrent la
ville par terre et mer un long moment jusqu’à ce que les Musulmans
n’aient plus rien à manger.
Ils
ne reçurent ni renforts et ni soutiens et leur résistance, leur
patience et leurs combats furent exemplaires mais leur armée bien
trop peu nombreuse ne put contenir l’armée ennemie. Les Musulmans
furent battus et les croisés entrèrent dans la ville et prirent un
immense nombre de prisonniers se chiffrant par centaine de milliers.
Les femmes musulmanes furent prises en esclavage et les historiens
ont rapporté que 14.000 jeunes filles musulmanes furent vendues.
D’autres milliers trouvèrent aussi le martyr et parmi eux l’Iman
‘Abdallah ar-Rashati un des plus grands juristes d’Almeria. Et tout
cela à cause des Mouwahhidine qui ne permirent pas aux Mourabitine
d’envoyer de l’aide !
Ibn
Rannak, le gouverneur du Portugal qui avait déclaré son indépendance
et son détachement des royaumes du nord, voulut aussi agrandir son
territoire.
A
cette même époque, en Palestine, les Musulmans faisaient face à une
nouvelle croisade orchestrée par l’Europe qui envoyait des vagues
successives de combattants et de logistique de guerre. L’Allemagne
et l’Angleterre voulurent aussi participer et envoyèrent leurs
armées par la mer. Et ainsi contournant l’Espagne par l’Océan
Atlantique (mouhit atlassi), ils entraient dans le
détroit de Tariq et empruntaient la Mer Méditerranée (bahr
moutawassit) pour rejoindre la Palestine (al-filistine).
Ibn
Rannak voyant ces navires non loin de ses côtes profita de cette
occasion et leur envoya un messager pour leur demander de l’aide
contre ses voisins musulmans : « Vous partez pour combattre les
Musulmans en Palestine, tuez-les d’abord en Andalousie ! » Les
croisés répondirent favorablement à sa demande et Ibn Rannak profita
des combats fratricides entre les Musulmans au Maghreb pour attaquer
ses voisins. Et ainsi, après un long siège, il fit tomber la
capitale des Musulmans de l’extrême ouest, Lisbonne (ashbona).
Et en
l’an 542 de l’Hégire (1147), les croisés marchèrent sur l’importante
ville de Santarem (shantarine), un an après la chute des
Mourabitine.
Le savant Ibn al-‘Arabi demande de l’aide aux Mouwahhidine
L’Andalousie sans émir central pour diriger le pays, aucune aide
leur parvenant et les villes qui tombaient les unes après les
autres, annonçait le tragique futur de l’Andalousie. Le danger plus
pressant fit rappeler l’exactitude de la situation des Musulmans
lors de la période des états indépendants.
Ibn
al ‘Arabi, le savant que nous avons déjà mentionné et non pas le
soufi, décida de faire quelque chose. Il se rendit au Maghreb pour
rencontrer l’émir des Mouwahhidine et leur demanda
d’intervenir en Andalousie avant qu’il ne soit trop tard.
Les
Mouwahhidine envoyèrent aussitôt une petite armée dont la
première préoccupation fut de reprendre le pouvoir des mains des
Mourabitine et asseoir leur propre pouvoir. Et alors qu’ils étaient
encore une fois occupée par la recherche de leurs propres intérêts,
les croisés en profitèrent pour attaquer Tortose (tartosha)
une autre ville majeure des Musulmans au nord qu’ils capturèrent en
l’an 543 de l’hégire (1148) puis en l’an 544 (1149), Liarida, une
autre grande ville musulmane du nord.
Que
restait-il aux Musulmans sinon encore quelques petites villes et
qu’allait-il arriver ?
- Le
nord était entièrement aux mains des croisés,
-
L’ouest aux mains des croisés,
- Le
centre aux mains des croisés.
Seul
le sud et le sud-est restaient entre les mains des Musulmans quant
aux deux autres tiers, ils étaient perdus.
Mais
Allah le Très Haut fit que les Mouwahhidine réussissent à
contrôler ces régions du sud et à repousser temporairement la
menace.
Au
mois de Sha’ban de l’année 543 de l’Hégire (1148), à Grenade, mourut
l’émir des Mourabitine Yahya Ibn ‘Ali Ibn Ghaniyah ou il fut
enterré.
En
l’an 552 de l’Hégire (1157) mourut Alfonsh VII.
Son
royaume se divisa entre ses deux successeurs ; Ferdinand (fardlande)
gouverna Léon au nord-ouest et Alfonsh VIII gouverna Castille (qishtallah)
au nord et au centre.
Lorsque les évènements connurent une petite accalmie et que la
division pénétra les rangs des Chrétiens, les Mouwahhidine en
profitèrent pour marcher vers le danger le plus immédiat à leurs
yeux, la présence d’une ville au sud-est aux mains des croisés à
partir de laquelle ils pouvaient être attaqués dans le dos. Ils
marchèrent donc sur Almeria et la capturèrent cette même année et
cela pouvait annoncer un bien.
Les
Mouwahhidine profitèrent de ces périodes de calme pour
asseoir plus confortablement leur pouvoir au Maghreb, en Afrique et
en Andalousie jusqu’en l’an 555 de l’Hégire.
En
l’an 555 de l’Hégire (1159), l’émir des Mouwahhidine, avant
de traverser pour l’Andalousie pour y organiser le pouvoir, ordonna
d’habiter l’île de Tariq. Il fortifia Grenade (gharnata) qui
devint une ville fortifiée et un bastion des forces militaires
musulmanes.
Alfonsh Ibn Abi Rannak profita aussi de cette année pour poursuivre
ses conquêtes et capturer la forteresse d’Abi Danis qui était une
des principales forteresses musulmanes.
Les
Mouwahhidine organisèrent leur défense, leurs forces et leurs
logistiques en prévision des dures années qui allaient venir.
En
l’an 556 de l’Hégire (1160), les Mouwahhidine reprirent
finalement toutes les régions des Mourabitine après que les
gouverneurs les aient abandonnés et portés allégeance soit aux Mouwahhidine,
soit aux mécréants.
En
l’an 560 de l’Hégire (1164), l’émir des Mouwahhidine envoya
en Andalousie, une nouvelle armée de support aux troupes déjà
présentes pour repousser les attaques des croisés.
Cette
même année eut lieu un nouvel évènement en la rébellion d’un homme
appelé Muhammad Ibn Sa’d Ibn Mardanish surnommé Ibn Mardanish
à l’est de l’Andalousie. Il s’éleva contre les Mouwahhidine
avec son armée principalement constituée de 13.000 mercenaires
chrétiens et petit à petit, conquit les terres des Mouwahhidine.
En
l’an 560 de l’Hégire (1164), eut lieu entre eux la terrible bataille
de Fahsil Jalab à douze kilomètres de la ville de Murcie et Allah le
Très Haut fut miséricordieux envers les Musulmans en donnant la
victoire aux Mouwahhidine qui écrasèrent l’armée d’Ibn
Mardanish et mirent fin à son expansion.
La mort de ‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali
Lorsque finalement ‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali mourut, et nul n’est
éternel excepté Allah Exalté wa Hamdoulillah, au mois
de Joumadah Thani de l’année 568 de l’Hégire (1172), dans la ville
de Salah près de la ville actuelle de Rabat, sa dépouille fut emmené
à Thimanlan où il fut enterré près de son maitre Ibn Toumart. Et à
sa mort, le royaume des Mouwahhidine était le plus grand
royaume qu’une dynastie eut au Maghreb.
Peu
avant sa mort, ‘Abdel Mou'min eut l’intention de monter un immense (ha'ilah)
expédition terrestre et navale pour faire face aux croisés en
Andalousie. Et effectivement, il envoya ses commandants faire les
préparatifs pour une telle expédition qui demandait des moyens et
une logistique considérable.
Ses
proches partisans lui conseillèrent de diviser sa force en quatre
divisions :
-
L’une pour attaquer le Portugal dirigée par le roi Alfonsh Indik Ibn
Rannak, surnommé par les Musulmans Bidinrik.
- Une
pour combattre Fernando II Ibn Alfonsh VII, surnommé par les
Musulmans Fardlande.
- Une
pour combattre le roi de Castille qui à cette époque était un jeune
enfant sous la tutelle d’Alfonsh VIII et enfin,
- Une
dernière pour se diriger vers le Royaume d’Aragon et de Barcelone
pour y combattre le roi Alfonsh II.
Alors
que les préparatifs allaient de bon train, la maladie de ‘Abdel
Mou'min Ibn ‘Ali s’aggrava et sentant l’inévitable échéance décrétée
pour les fils d’Adam (paix sur lui), il réunit un conseil des
Shouyoukh des Mouwahhidine et les informa qu’il ne
désirait pas que son fils Muhammad prenne sa succession après
lui mais plutôt son fils ‘Abi Ya’qoub Youssouf. Ce qui le fit
changer d’avis est que son fils Muhammad s’enivrait
régulièrement et qu’il s’était plus d’une fois rebellé contre les
Mouwahhidine.
D’autres historiens ont rapporté que c’était parce qu’il était
atteint de la lèpre (al-joudzam) et c’est pour cette raison
que son père le retira de la succession.
L’historien savant ‘Allama Muhammad ‘AbdAllah ‘Inan[4],
spécialiste de l’histoire d’Andalousie, a rapporté : « ‘Abdel
Mou'min Ibn ‘Ali fut l’un des plus grands tyrans que l’histoire n’ai
jamais connu » fin de citation.
Le
grand historien musulman Ibn al-Athir auteur du livre « al-kamil
fit-tarikh » a rapporté : « Abdel Mou'min était rapide et fit
beaucoup couler le sang des Musulmans pour leurs petits péchés. Il
faisait tuer l’ivrogne (sauf son fils bien sûr) et celui qui
abandonnait la Salat. Il était dur avec les gens du Livre, les Juifs
et les Chrétiens et fit écrire des édits sur leur interdiction de
vivre dans l’état des Mouwahhidine excepté s’ils se
convertissaient à l’Islam. Il leur donnait de fréquent rendez-vous
et celui qui omettait de se présenter était tué sans autre
manière ».
Certains historiens ont rapporté qu’en conséquence des lois qu’il
promulgua, un nombre importants de Juifs se convertirent à l’Islam
et affichèrent leur Islam tel que le renommée docteur Moussa Ibn
Maymoun de l’époque et de Cordoue qui, lorsqu’il en trouva
l’occasion quitta l’Andalousie pour Misr ou il se mit au service du
Sultan Malik an-Nassir Salah ad-Din al-Ayyoubi, le fléau des
croisés.
Je
voudrais préciser que lorsque nous mentionnons l’état des Mouwahhidine,
il s’agit bien évidemment du Maghreb et de l’Andalousie qui comme
nous l’avons rapporté était désormais sous leur contrôle.
De
même, ‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali fit part aux Shouyoukh de son
idée de diviser les Mouwahhidine en trois groupes (tabaqat)
:
- Le
premier appelé « as-sabiqoun al-awaloun », les précurseurs
les premiers, soit tous ceux qui connurent Ibn Toumart, qui
combattirent à ses côtés et qui prièrent derrière lui. Mais aussi
tous ceux qui combattirent lors de la Bataille de Bouhayrah
qui eut lieu en l’an 524 de l’Hégire (1129) ou les Mourabitine
écrasèrent les Mouwahhidine et ou ‘Abdel Mou'min fut blessé.
Nous avons déjà mentionné cette bataille précédemment.
- Le
deuxième « man amana bit-tawhid », ceux qui crurent au
Tawhid, et qui sont ceux qui rejoignirent les Mouwahhidine
d’après la Bataille de Bouhayrah jusqu’à leur entrée à Oran
en l’an 539 de l’Hégire (1144).
- Et
le troisième, tous ceux qui les rejoignirent après la Bataille
d’Oran.
En
lisant l’histoire nous apprenons des faits et témoignons des choses
qui n’existèrent pas durant l’époque du Messager d’Allah (Saluts et
Bénédictions d’Allah sur lui) ni même de ses respectables Compagnons
(qu’Allah soit satisfait d’eux).
Depuis que nous sommes entrés dans l’histoire des Mouwahhidine,
nous nous demandons quelle voie (minhadj), quel dogme (‘aqidah)
et quel Tawhid suivaient-ils ? Je vous pose donc les
questions : Suivaient-ils la Sounnah du Messager d’Allah
(Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) ? Suivaient-ils la voie des
Ancêtres Pieux (salaf) ?
Abou
Ya’qoub Youssouf Ibn ‘Abdel Mou'min traverse pour l’Andalousie
Après
la mort de ‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali, (Sayd) Abou Ya’qoub Youssouf lui
succéda. Tous les enfants de ‘Abdel Mou'min portaient d’ailleurs le
titre de « Sadah » précédant leur nom parce qu’il (soit
disant) descendaient de la famille Ahl al-Bayt du Prophète Muhammad
(Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui).
Lorsque Abou Ya’qoub Youssouf devint l’émir des Mouwahhidine,
il organisa les affaires de l’état et mit fin aux différentes
rebellions du Maghreb.
Au
mois de Rajab de l’année 567 de l’Hégire (1171), il reçut la bonne
nouvelle de la mort du sanguinaire Muhammad Ibn Sa’d Ibn
Mardanish, qui utilisa tous les occasions de tirer profit de ce qui
avait un intérêt pour lui et son royaume en Andalousie dura près
d’un quart de siècle grâce aux mercenaires (mourtaziqa)
croisés qui lui portèrent assistance.
En
l’an 568 de l’Hégire (1172) Abou Ya’qoub Youssouf Ibn ‘Abdel Mou'min
surnommé Abou Ya’qoub, déterminé à mettre fin à l’expansion des
croisés dans sa province d’Andalousie, décida de traverser en
personne pour y conduire des opérations préventives et les empêcher
de se rapprocher.
Il
ordonna alors à son armée et à ses commandants de se préparer et
lorsqu’ils furent fin prêts, ils s’embarquèrent pour l’Andalousie ou
ils posèrent les pieds avant de se diriger vers Séville, la capitale
des Mouwahhidine en Andalousie.
De
là, il se fixa pour but d’attaquer Santarem (shantarine) sur
laquelle il se dirigea et assiégea, au mois de Rabi’ Awwal de cette
même année. L’immense armée des Mouwahhidine pas vraiment
motivée et comme c’est toujours le cas dans les circonstances de
surnombre, n’était pas implacable (shadid al-bass) à
combattre les croisés comme le furent les petites armées des
Mourabitine qui ne comptèrent jamais sur leur nombre mais sur l’aide
d’Allah Exalté.
Alfonsh Indik, le roi du Portugal, et son armée supportèrent le
siège durant six jours quand Abou Ya’qoub Youssouf Ibn ‘Abdel
Mou'min ordonna de le lever. Son armée désassembla le camp et sans
attendre ses ordres finals traversèrent le fleuve par lequel ils
étaient venus pour rentrer chez eux laissant l’émir des Mouwahhidine
seuls avec ses gardes. Lorsque les croisés virent cela, ils
saisirent l’occasion et sortirent d’un seul homme attaquèrent
l’arrière garde des Mouwahhidine qui prise par surprise fut
anéanti tandis que l’armée des croisés se retourna et attaqua
aussitôt ceux qui étaient resté dans le camp.
Abou
Ya’qoub Youssouf reçut un coup mortel dans l’abdomen et mourut
quelques jours après au mois de Rabi’ Thani (ou akhir) de
l’année 580 de l’Hégire (1184) après avoir été extrait du champ de
bataille et ramené à Séville après cette humiliante défaite.
Ce
même mois, il fut porté allégeance à Abi Youssouf Ya’qoub Ibn
Youssouf Ibn ‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali al-Qoumi qui devint le nouvel
émir des Mouwahhidine qui l’appelèrent émir des croyants quand il se
rendit de Séville à Marrakech, la capitale des Mouwahhidine,
ou les gens lui portèrent allégeance.
La rébellion des Bani Ghaniyah
Nous
allons parler maintenant des évènements qui eurent lieu sous le
règne de ce nouvel émir et qui allait non seulement jouer un grand
rôle et conduire inexorablement à la fin de l’état des Mouwahhidine,
à chacun son tour et telle est la loi universelle. Vous pouvez donc
aussi espérer, un jour ou l’autre, de bonnes nouvelles pour la
Palestine et les terres des Musulmans occupées.
Ces
évènements eurent lieu dans l’ile principale de l’ouest des Baléares
de Majorque dirigée depuis l’an 520 de l’Hégire (1125) par Muhammad
Ibn Ghaniyah qui fut un émir des Mourabitine sous le règne de ‘Ali
Ibn Youssouf Ibn Tashfine. Muhammad Ibn Ghaniyah régna durant
trente années avant d’être succédé par son fils ‘Abdillah Ibn Muhammad
qui ne resta pas longtemps au pouvoir et qui fut remplacé par son
frère Ishaq qui était résolu (haziman). Il fit
fortifier l’île et construisit une force navale si bien qu’il se
retrouva à la tête d’une importante force navale qui lui permit de
prendre le port de Toulon (tolone) en l’an 574 de l’Hégire
(1178). Son importante force navale harcela (ajbarah) les
villes de Venise (al-boundouqiyah), Gênes (jinoa),
Pisa (biza) qui les poussèrent à demander la paix qui leur
fut accordée en l’an 573 de l’Hégire (1177).
Lorsque Youssouf Ibn Ghaniyah mourut, en l’an 579 de l’Hégire
(1183), suite à une blessure lors d’un combat naval, son grand fils
Muhammad Ibn Ishaq lui succéda et au début du règne de
ce dernier, l’émir des Mouwahhidine, Youssouf Ibn ‘Abdel
Mou'min, envoya à Majorque une délégation de plusieurs navires dont
l’ambassadeur était Abou al-Hassan ‘Ali Ibn Roubartir, le
fils du chrétien Robert (roubartir) qui était le commandant
de la faction des Chrétiens qui combattirent au côté des Mourabitine
contre les Mouwahhidine, si vous vous rappelez. Robert fut
tué lors d’une bataille et laissa deux enfants ‘Ali qui devint
musulman et un autre qui resta chrétien. Abou al-Hassan ‘Ali
à la chute des Mourabitine se mit au service des Mouwahhidine.
Le
but de cette ambassade était d’inciter Muhammad Ibn Ishaq
à porter allégeance aux Mouwahhidine en faisant une annonce
officielle. Muhammad Ibn Ishaq accueillit favorablement la demande
de ‘Ali Ibn Roubartir d’autant plus que l’émir des Mouwahhidine,
Youssouf Ibn ‘Abdel Mou'min, avait débarqué en Andalousie au mois de
Safar de l’année 580 de l’Hégire (1184) et qu’il n’avait pas
vraiment le choix s’il voulait garder son poste.
Mais
les fils d’Ishaq Ibn Ghaniyah refusèrent de porter allégeance
aux Mouwahhidine, se rebellèrent contre Muhammad et le
capturèrent avant de nommer à sa place ‘Ali Ibn Ishaq. La
délégation des Mouwahhidine fut emprisonnée et ‘Ali Ibn Ishaq
annonça clairement son refus de leur porter allégeance.
Le
conflit se propagea du coup au Maghreb et ‘Ali Ibn Ishaq Ibn
Ghaniyah, surnommé al-Mayorki,
en fut l’instigateur en s’alliant avec les tribus arabes de
bédouins des Bani Hilal et des Bani Soulaym, qui avait été
intelligemment expulsé d’Egypte par les ‘Oubaydi, ainsi qu’avec les
Mamalik[5]
Ghouz qui était commandé à cette époque par at-Tawashi Qaraqoush
al-Armini qui est le Mamelouk Taqi ad-Din, le fils du frère de Malik
an-Nassir, le Roi Victorieux, Salah ad-Din al-Ayyoubi, le
fléau des croisés. Qaraqoush qui auparavant avait repris Tripoli au
profit des Ayyoubi. Ce Qaraqoush n’est pas Baha ad-Din[6],
le fameux ministre de Salah ad-Din al-Ayyoubi mais les deux
étaient les partisans des Ayyoubi.
Un
grand nombre de mercenaires joignirent aussi les rangs de ‘Ali Ibn
Ishaq dans son combat contre les Mouwahhidine et
bientôt ce dernier réussit à mettre la main sur l’Ifriqiyah
(l’Algérie et la Tunisie actuelle) excepté les villes de Tunis et
d’al-Mahdiyah qui refusèrent de se joindre à lui, puis sur la partie
ouest du Maroc actuel. Mais ‘Ali Ibn Ishaq était un tyran
injuste et les tribus arabes de Soulaym et de Hilal connues pour
leur brutalité comme nous l’avons déjà vu, semèrent la corruption et
la misère sur la terre et il ne put rien faire pour les arrêter car
ils étaient le fer de lance de ses partisans face aux Mouwahhidine.
L’émir des Mouwahhidine al-Mansour Ya’qoub Ibn Youssouf, pour
faire face à cette grave menace de déstabilisation et l’arrêter,
prépara une grande armée et au mois de Sha’ban de l’année 583 de
l’Hégire (1187) une bataille eut lieu près de al-Hamlah ou
‘Ali Ibn Ishaq Ibn Ghaniyah et ses partisans furent écrasés.
Néanmoins ce dernier réussit à s’enfuir vers le désert en compagnie
d’at-Tawashi Qaraqoush ou ils poursuivirent leur rébellion.
Cette
même année, ‘Ali Ibn Ishaq Ibn Ghaniyah mourut des suites
d’une blessure par flèche reçue lors d’une bataille contre la tribu
Nafzawah et son frère Yahya Ibn Ishaq Ibn Ghaniyah
prit sa succession et poursuivit la politique de son frère, du
combat acharné contre les Mouwahhidine, si bien que ces
derniers décidèrent d’étendre le combat aux iles Baléares et
principalement Majorque, le royaume des Bani Ghaniyah. Et à la tête
d’une large flotte navale, ils mirent le blocus sur les îles qu’ils
prirent au mois de Rabi’ Awwal de l’année 600 de l’Hégire (1203)
sous le règne de l’émir ‘Abdillah an-Nassir.
Ainsi
prit fin la grande rébellion des Bani Ghaniyah qui affecta
profondément les Mouwahhidine.
Suite
à cela, ‘Abdillah an-Nassir décida de mettre fin à la menace des
Bani Ghaniyah au Maghreb islamique et la force des Mouwahhidine
y mit fin lors d’une bataille victorieuse contre Yahya Ibn Ishaq
Ibn Ghaniyah, au mois de Rabi’ Awwal de l’année 602 de l’Hégire
(1205) près de la petite montagne de Rass Tajrah des Monts Doummar,
le bastion des forces de
Yahya Ibn Ishaq Ibn Ghaniyah.
Après
cette bataille, les Mouwahhidine réussirent à reprendre
toutes les terres perdues au profit des Bani Ghaniyah tandis que Yahya
Ibn Ishaq Ibn Ghaniyah resta faible dans le profond et
éloigné désert jusqu’à sa mort en l’an 632 de l’Hégire (1234).
Il
est uniquement reconnut que cette longue rébellion eut un effet
dévastateur sur l’état des Mouwahhidine.
Après
la mort de l’émir Mouwahhid Ya’qoub Ibn Nassir au mois de
Sha’ban de l’année 610 de l’Hégire (1213), son fils Abou Ya’qoub
Youssouf al-Moustansir Billah lui succéda alors qu’il était âgé de
seize ans et il n’était pas comme ses prédécesseurs du fait qu’il
passa sa vie dans le luxe et les luxures, comme c’est souvent la cas
pour les enfants des dirigeants et des nobles qui profitent de la
fortune de leur père pour se laisser aller au dévergondage. Et comme
nous l’avons précédemment vu, les Mouwahhidine étaient les
premiers à châtier durement les pauvres citoyens pour leurs péchés
mais étaient totalement aveugles sur ceux que leur propre famille
commettaient et il est pourtant toujours mieux de faire d’abord le
ménage dans sa propre cour que celle des autres. Hélas c’est une
tare universelle répandue dans tout le monde passé, présent et futur
excepté ceux à qui Allah a fait miséricorde.
Abou
Ya’qoub Youssouf al-Moustansir Billah laissa donc le pouvoir au
Shouyoukh des Mouwahhidine et finit par mourir au mois de
Dzoul Hijjah de l’année 620 de l’Hégire (1223).
Certains historiens ont rapporté qu’il mourut empoisonné et d’autres
qu’il mourut encorné par un taureau et avec sa mort, la division et
les conflits s’infiltrèrent dans les rangs des Mouwahhidine
et leurs émirs.
Bien
sur les croisés profitèrent grandement du conflit entre les Bani
Ghaniyah et les Mouwahhidine pour étendre leur contrôle sur
l’Andalousie.
En
l’an 581 de l’Hégire (1185), Alfonsh Indik Ibn Rannak le gouverneur
du Portugal mourut et lui succéda son fils Sancho (shanja)
qui dut faire face à quelques problèmes liés à la succession.
Et
pendant ce temps, en Palestine, puisse Allah le Très Haut la rendre
aux Musulmans, il se passait des évènements majeurs.
En
l’an 583 de l’Hégire (1187) le combat entre les Musulmans et les
croisés atteignit son point culminant et Salah ad-Din
al-Ayyoubi, puisse Allah le Très Haut lui faire miséricorde, réussit
à reprendre la Palestine après quatre-vingt-dix ans d’occupation par
les croisés.
Ces
guerres dans l’orient occupèrent les Chrétiens d’Europe pour un
certain temps et cela permit aux Mouwahhidine de faire
quelques gains en Andalousie. Mais avec la chute de la Palestine ce
sont des masses d’armées qui allaient venir augmenter les rangs des
croisés espagnols.
En
l’an 585 de l’Hégire (1189), Sancho au Portugal profita que les
Mouwahhidine étaient occupés par la sédition d’Ibn Ghaniyah
au Maghreb pour préparer son armée et avancer vers le sud aidé en
cela par l’armée d’Angleterre et d’Allemagne qui avaient été envoyés
en renfort pour reprendre la Palestine.
Par
terre et mer, les armées marchèrent sur Shilb, une importante ville
musulmane au bord de l’Océan Atlantique au sud-ouest de l’Andalousie
ou ils mirent le siège.
Les
Musulmans résistèrent trois mois et envoyèrent des messagers aux
Mouwahhidine pour demander de l’aide qui ne purent leur venir
en aide. Bientôt les Musulmans n’eurent plus rien à boire et ils
envoyèrent des messagers à Sancho pour négocier la reddition de la
ville selon des conditions.
Mais
les croisés anglais et allemands refusèrent de négocier et
interdirent à Sancho de négocier et ils conditionnèrent leur aide en
lui faisant promettre de tuer tous les Musulmans de la ville, à
cause de leur éternelle haine envers l’Islam et les Musulmans et
pour venger la perte de Jérusalem (bayt al-maqdis).
Mais
Sancho insista tant et si bien que la condition fut d’expulser tous
les Musulmans de la ville sans qu’ils n’emportent rien avec eux. Et
effectivement, les Musulmans sortirent au mois de Rajab en laissant
tout derrière eux et ainsi tomba Shilb en faveur du Portugal.
Shilb
était à l’ouest de Séville. Séville était une très importante ville
musulmane dont la plus proche ville voisine était Cordoue, la
capitale des Mouwahhidine. Le danger s’accrut
considérablement pour les Musulmans après la perte de Shilb d’autant
plus que le roi de Castille à Tolède mit aussi la pression sur les
Musulmans de son voisinage.
Au
mois de Rabi’ Awwal de l’an 586 de l’Hégire (1190), al-Mansour
al-Mouwahhidi, l’émir des Mouwahhidine leva une armée
et se rendit en Andalousie à la tête de celle-ci.
En
passant par Cordoue, l’armée locale se joignit à lui et ensemble
marchèrent sur Shilb. Mais il ne put rien faire à cause de la ville
puissamment défendue par les croisés et les portugais et il revint à
Séville.
Là,
il fit de nouveaux préparatifs, passa en revue son armée et la
réorganisa puis se concentra sur la logistique pour conduire un
siège mais aussi pour renforcer la protection des Musulmans. Il
savait très bien qu’il n’avait ni les forces et ni les moyens de
conduire une guerre sur plusieurs front mais qu’il devait régler de
manière urgente le problème qui mettait la capitale en danger
immédiat.
Pour
protéger ses arrières, al-Mansour conclut un acte de paix de cinq
années avec le roi de Castille Alfonsh VIII qui se trouvait à
Tolède. Le problème réglé, al-Mansour prépara le maximum de moyen
pour faire face au danger de l’ouest. Il faut rappeler qu’il n’y
avait aucun rapport ni accord entre Alfonsh et Sancho du fait
qu’Alfonsh détestait les portugais pour s’être détaché de son
royaume et qu’il n’était pas question de leur accorder une aide
quelconque. Al-Mansour profita de ce désaccord entre eux pour mener
à bien ses projets
En
l’an 587 de l’Hégire (1190), al-Mansour quitta Séville à la tête de
son armée et se dirigea vers l’ouest vers la forteresse d’Abou Danis
qui avait été un bastion des forces musulmanes avant de tomber aux
mains des portugais qui en avait fait aussi un bastion pour leur
force.
Al-Mansour réussit à capturer la forteresse et de ce fait l’état
portugais se retrouva divisé en deux parties, le nord et le sud
séparé par les Musulmans. Alors que le sud et l’ouest de Shilb
donnait sur l’océan, al-Mansour assiégea la ville au nord et à l’est
avant de la capturer, au mois de Joumadah Thani, puis de retourner
en vainqueur à Séville, mettant ainsi fin au danger qui le menaçait.
Après
la défaite, le Portugal resta tranquille et fut incapable de
récupérer ce qui avait été perdu. La paix ayant été conclu avec le
roi de Castille, le roi de Léon et de Galice, bien trop loin pour
constituer une menace, fit que la paix dura jusqu’en 590 de l’Hégire
(1193).
Au
mois de Ramadan de l’année 587 de l’Hégire (1190), al-Mansour revint
à Marrakech au Maghreb ou il reçut ‘AbderRahmane Ibn Mounqid,
l’envoyé de Malik an-Nassir Salah ad-Din al-Ayyoubi, qui vint
lui demander de l’aide contre les croisés qui se trouvaient en
Syrie. Cet envoyé attendit durant une année à Marrakech le retour de
l’émir des Mouwahhidine qui était lui-même occupé à combattre
les croisés comme nous l’avons mentionné.
Néanmoins ce dernier ne put rien faire pour lui venir en aide et les
historiens ont rapporté différentes causes. Certains ont rapporté
que l’émir des Mouwahhidine se mit en colère lorsqu’il lut la
lettre de Salah ad-Din al-Ayyoubi parce qu’il s’adressa en
lui en utilisant le terme émir des Musulmans et non pas émir des
croyants (mou'minin) ! Comme vous le savez et comme nous le
verrons dans notre « Abrégé des Croisades », Salah ad-Din ne
reconnaissait ce titre qu’au calife abbasside officiel (shar’i)
à Bagdad, al-‘Abbas Nassir li-Dinillah à qui il avait porté
allégeance et c’est le calife abbasside de l’époque qui lui attribua
le titre de « al-Malik an-Nassir » ou « le Roi Victorieux »,
après sa victoire contre les croisés lors de la décisive Bataille de
Hattin.
D’autres historiens, qui avaient peut-être de la sympathie pour les
Mouwahhidine, ont réfuté cette version et ont rapporté que
c’est plutôt parce qu’il était occupé à combattre la sédition des
Bani Ghaniyah au Maghreb et la menace des croisés sur son dominion
en Andalousie.
[1]
Nous reparlerons de ces évènements dans l’Abrégé de
l’Histoire des Ottomans.
[2]
Qur’an, Sourate 3, verset 28.
[3]
Qur’an, Sourate 5, versets 51 à 53, 55 à 58.
[4]
L’historien savant ‘Allama Muhammad ‘AbdAllah ‘Inan,
spécialiste de l’histoire d’Andalousie qu’il écrivit en six
larges volumes sur une durée de vingt cinq années, et qui
passa les dernières années de sa vie à visiter les
librairies spécialisées dans l’’Histoire islamique. Il avait
l’habitude de beaucoup pleurer lorsqu’il visitait les villes
d’Andalousie qui furent jadis des villes rayonnantes de
l’essor islamique et il visita aussi toutes les grandes
librairies européennes qui disposent d’un large département
islamique tel que celle de Madrid, d’Escurial, de Londres,
d’Oxford, du Vatican, de Rabat, de Fès et du Caire qui comme
vous le savez dispose d’un très large patrimoine d’œuvres
musulmanes. Il visita aussi les principaux champs de
batailles musulmanes comme celle de ‘Iqab, de Zallaqa et
d’al-Arak que vous allez bientôt témoigner, de Santarem et
de Shilb. Il visita de même, la plupart des villes
espagnoles et la totalité des villes du Maghreb.
[6]
Commandant, ministre et auteur d’une célèbre biographie de
Salah ad-Din al-Ayyoubi, qui est dans ma liste de
livre à traduire.
[1]
Et encore une autre bataille qui se déroula au mois de
Ramadan, le mois de la révélation du Qur’an, le mois
de l’effort, le mois du Jihad fis-Sabilillah, le mois
de la victoire.