Dans la matinée (fajr) du vendredi 12 Rajab de l’année 479 (23 octobre 1086), quelques heures avant le lever du soleil, débuta la bataille de Zallaqa. Une bataille décisive et un des plus grande bataille de l’Histoire des Musulmans. Par elle, Allah le Très Haut protégea l’Islam en Andalousie et comme l’ont rapporté les savants, sans elle la religion aurait été perdue.

 

Alfonsh, qui leur avait proposé pourtant de repousser la rencontre jusqu’au lundi suivant, et les croisés attaquèrent les Musulmans qui étaient tout à fait prêts pour la rencontre. Alfonsh avait demandé à l’avant-garde de son armée de se concentrer sur l’aile commandée par al-Mou’tamid, qu’il escomptait prendre par surprise après sa lettre, car sa chute leur ouvrirait les portes de la victoire et la bataille tourna en un violent affrontement.

Au premier choc, l’armée des andalous fut brisée excepté l’armée de Séville commandée par al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad qui perdit trois fois sa monture sans avoir bougé de sa position et bien qu’il perdit beaucoup de sang d’une blessure à la tête. Son armée combattit farouchement et tint sa position sans reculer et supporta le choc de l’assaut de l’avant des croisés sous le commandement d’Oliver Hand.

Pour libérer l’étau sur l’armée d’al-Mou’tamid sur le point de se disloquer, Youssouf Ibn Tashfine fit avancer la division des cavaliers berbères sous le commandement de Daoud Ibn ‘Ayshah sur qui, Alfonsh VI lanca le corps central de l’armée et qui fut enfoncée sous l’impact du nombre.

L’émir voilé Youssouf Ibn Tashfine en personne déployait la stratégie de combat mais bientôt sous l’intense pression des attaques croisées, la défaite et la division s’infiltra dans les rangs des Andalous qui combattaient dans l’avant-garde alors que le sang coulait à flot. Le sang coula tellement que le champ de bataille en fut totalement recouvert et les gens et les montures glissaient. C’est parce que la terre devint si glissante (zallaqa) qu’elle fut nommée la bataille de Zallaqa.

Alors que la défaite semblait imminente, Ibn Tashfine, le fin et clairvoyant génie militaire regardait le déroulement de la bataille tel un aigle vigilant à qui aucun mouvement n’échappait, attendant le moment opportun de fondre sur sa proie lorsqu’elle serait le plus vulnérable. Il tenait encore en réserve son corps spécial de Noukhbah, son élite personnelle de combattant aguerris, formé de deux divisions et à qui il avait ordonné de ne pas bouger ni de combattre tant qu’il ne leur aurait pas donné l’ordre. C’était son élite spéciale qui avait combattu maintes fois à ses côtés et qui n’outrepassait jamais les ordres.

Lorsqu’il sentit que les croisés pensaient avoir gagné la bataille, il donna l’ordre à la première division de donner l’assaut sur le centre de l’armée des croisés, là où elle était le plus faible, prise entre les deux ailes de l’armée des andalous et de Daoud Ibn ‘Ayshah. Alors l’escadron impatient d’hommes voilés, commandé par Syr Ibn Abi Bakr al-Lamtouni, à son tour prit de la vitesse et se jeta sur les rangs de l’ennemi dont il brisa l’élan, créant un mouvement de stupeur chez les croisés.

Les deux armées étaient exténuées à cause de la force de l’affrontement excepté ce groupe qui n’avait pas encore combattu et lorsque les deux ailes des Musulmans virent l’élan impétueux de la division d’élite des Mourabitine, un nouveau flot d’adrénaline puissant balaya la fatigue qui engourdissait leur corps et animé d’une nouvelle force repoussèrent l’assaut des croisés tandis que les fuyards revinrent aussitôt au combat pour aider leurs frères.

Youssouf Ibn Tashfine, âgé alors de quatre-vingt ans, conduisit en personne le deuxième commando de choc qu’il tenait en réserve et qu’il lanca aussitôt après le corps de Syr Ibn Abi Bakr, profitant de la percée initiale pour transpercer plus profondément le centre de l’armée ennemie l’enfonçant définitivement et sur son élan parvint jusqu’au camp des croisés qu’il incendia.

 

Alfonsh VI, pendant ce temps, avait traversé le fossé de protection du camp des Musulmans quand il vit la fumée s’élever de son camp qui le poussa à faire aussitôt demi-tour pour le protéger. Mais il trouva en face de lui les Noukhbah qui fondirent sur lui et décimèrent sa force. Il réussit toutefois à revenir dans son camp ou un sanglant combat se déroula, les croisés acculés à la mort se défendirent plus énergiquement tandis que Youssouf Ibn Tashfine, au premier rang de l’action, encourageait ses troupes à en finir avec les croisés.

Les Mourabitine utilisaient des techniques de combats particulières jamais vu auparavant sur un champ de bataille. Ils combattaient par rangs et par vagues successives revenant sans cesse les uns après les autres sans oublier que c’étaient des hommes voilés dont on ne voyait jamais le visage. Ils employaient aussi un groupe spécial de percussionnistes qui frappaient d’immenses tambours[1] dont le son était répercuté par le sol en écho et qui avait un lourd impact psychologique sur les croisés de même que sur leurs montures.

C’est alors que le corps de Syr Ibn Abi Bakr parvint jusqu’à lui et fit aussitôt et rapidement la différence sur le champ de bataille. L’un des gardes noirs de la protection rapprochée de Youssouf Ibn Tashfine réussit à s’approcher d’Alfonsh, malédiction d’Allah sur lui, et à le blesser profondément au talon mais aussi dans son amour propre si bien qu’il n’allait plus jamais faire face aux Musulmans en personne.

 

La bataille qui avait commencé à l’aube vit bientôt les couleurs teintées sur l’horizon annonçant le coucher du soleil sur l’empoussiéré champ de bataille ensanglanté. L’innombrable armée de croisés, maintenant totalement disloquée, qui avait enluminée la joie d’Alfonsh et aveuglé sa pensée n’était plus qu’un corps brisé près d’un camp calciné, duquel s’élevait une noir fumée, jonché de grotesques macchabés que la mort avait fauché.

Alfonsh blessé, que la malédiction d’Allah soit sur lui, la mort dans l’âme, le cœur et la face noircie de chagrin, s’enfuit du champ de bataille pour éviter un funeste destin. Lorsque le peu de ses soldats survivants le virent s’enfuir, ils abandonnèrent la bataille et se sauvèrent à leur tour. Les Musulmans se lancèrent à leur poursuite et tuèrent un très grand nombre d’entre eux alors que la nuit commençait à couvrir de son noir manteau,  le champ de bataille terriblement jonchés de morts après que le rideau écarlate de la scène finale soit tombé. Les arrogants croisés mordirent le fer et la terre avant l’enfer sur une débâcle retentissante tandis que les Musulmans, depuis l’émir al-Hajib al-Mansour n’avait pas connu telle victoire éclatante consignée pour l’éternité dans le livre de la destinée.

 

Ibn Tashfine ordonna aussitôt d’arrêter la poursuite et de revenir au camp des Musulmans de peur que certains se perdent dans la nuit et qu’ils soient tués par l’ennemi aux abois.

Alfonsh et environ quatre-cent-cinquante cavaliers, la plupart blessés, s’enfuirent avec lui sans se retourner sous le couvert de la nuit et se réfugièrent dans les montagnes pas très loin du champ de bataille, ou ils se dissimulèrent.

 

Un grand nombre de savants (‘oulama) trouvèrent le martyr lors de la bataille, et Allah le Très Haut Seul sait qui est martyr, dont le juge Ibn Roumaylah à qui, dans son rêve, le Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) annoncèrent la prochaine victoire des Musulmans et son martyr. Mourut aussi le juge (qadi) al-Masmoudi de Marrakech et le juriste Abou Rafi’ al-Fadl le fils du renommé savant Ibn Hazm, puisse Allah leur faire tous miséricorde.

 

Youssouf Ibn Tashfine ordonna d’exécuter tous les prisonniers croisés, de trancher leurs têtes et d’en faire des tours puis, durant quatre jours successifs le muezzin lancèrent l’appel à la prière sur le champ de bataille pour annoncer la victoire décisive des Musulmans, des redoutables bédouins voilés du désert. 10.000 têtes furent envoyées à Séville, autant à Grenade, à Valence, à Saragosse, à Murcie et 4000 au Maghreb ou elles furent partagées entre les différentes villes pour que les Musulmans remercient Allah Exalté pour Sa victoire accordée. 

Un immense butin fut ramassé et présenté à Youssouf Ibn Tashfine qu’il déclina et laissa aux participants de la bataille. Il leur dit qu’il n’était venu que pour combattre dans la voie d’Allah et défendre les Musulmans. La victoire de la bataille fut largement fêtée en Ifriqiyah, au Maghreb et en Andalousie. Les Musulmans donnèrent des quantités d’aumônes pour la circonstance et par remerciements envers le Seigneur pour Ses grâces accordées et après avoir été longuement humiliés, ils retrouvèrent la joie.

 

De nos jours et avec des armes automatiques, après une heure ou deux de combat, les soldats éprouvent déjà la fatigue et beaucoup de soldats, particulièrement ceux des mécréants, recourent à quantités des stimulants dont l’alcool pour se donner de la force, du courage et le moral. Que dire alors de ces Musulmans qui combattaient avec des sabres et des lances, à la force de leurs bras sur des chevaux et des chameaux, durant tant d’heure et sans stimulants ! Incontestablement, ils étaient bien plus forts et plus puissants que nous.

 

Autre récit de l’arrivée de Youssouf Ibn Tashfine 

Ce récit, sans être contradictoire, diffère sensiblement du précédent et du fait de non seulement sa clarté mais aussi des sources dont il est tiré, nous l’avons préféré pour établir le plan de la bataille.

 

Voici un autre compte rendu plus détaillé de l’arrivée d’Ibn Tashfine en Andalousie compilé de plusieurs sources dont Abi Zar’ al-Fassi auteur du livre « annis al-moutrib » dans le pur style du rapporteur musulman. Nous rapportons donc les évènements seulement avec les noms arabes employés dans les textes dont vous êtes maintenant familiers avec les dates de l’Hégire.

 

« Quand Youssouf Ibn Tashfine constata que la remise de l’île n’était pas refusée, il se prépara à traverser pour l’Andalousie et pour cette raison, ayant rassemblé ses commandants et ses troupes, qu’il avait convoqué, il leur annonça qu’il voulait aller en avant contre les croisés et quelques jours plus tard, à la tête d’une grande force, marcha vers Sabta (Ceuta).

 

Alors le gouverneur d’Ashfillia (Séville), al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad, n’oubliant jamais de promouvoir ses propres vues ambitieuses et ayant une bonne opinion de lui-même, impatient d’impressionner l’émir des Musulmans, en espérant qu’à la fin Youssouf pourrait être amené à agir plus particulièrement en sa faveur, décida de partir à la rencontre du souverain du Maghreb. Mais ses affaires atteignirent une crise périlleuse quand des messagers de Sarqasta (Saragosse) vinrent lui annoncer que la ville était cruellement assiégée par le roi Alfonsh et sur le point de capituler. Ayant entendu que Youssouf Ibn Tashfine avait quitté le Maghreb pour Sabta, il pensa que la situation était propice pour son but et, pour cette raison, il s’embarqua avec une brillante compagnie de nobles Andalous, traversa la mer étroite et alla visiter le souverain des Musulmans, qu’il rencontra dans la région de Tanger, à  l’endroit connu comme Melilla, qui n’est qu’à trois jours de voyage de Sabta.

 

Youssouf Ibn Tashfine qui était brun, de taille moyenne, fin, avec peu de barbe, une voix douce, des yeux noirs, un nez aquilin, les cheveux crépus retombant sur le bord de l’oreille, les sourcils joints l’un à l’autre, reçut très amicalement le gouverneur d’Ashfillia et Ibn ‘Abbad lui fit part en grande partie de la condition de l’Andalousie, et lui dit que les Musulmans de ce pays avaient placé en lui tous leurs espoirs de liberté et de sécurité après Allah Exalté. Il lui demanda aussi de les relever rapidement de leurs peurs perpétuelles, de leurs lourdes inquiétudes et de l’injustice auxquels ils étaient soumis.

Le gouverneur d’Ashfillia souligna aussi l’orgueilleuse insolence d’Alfonsh et lui décrivit les victoires que ce monarque avait obtenues, les incursions par lesquelles il avait dévasté les terres, les sièges qu’il avait faits subir aux villes et termina en l’informant que le mécréant bloquait actuellement la ville de Sarqasta qu’il était sur le point de réduire à son obéissance.        

Ibn ‘Abbad parla aussi au souverain des Musulmans des différents émirs de l’Andalousie, décrivant les qualités de chacun et les maux que tous avaient subis à cause de leurs désaccords et conflits qui étaient la cause principale de leur déchéance et de la ruine de l’état.

 

À cela, Youssouf Ibn Tashfine répondit : « Retourne immédiatement vers tes terres et prends en bien soin. Je vous rejoindrai là-bas, si Allah le veut, sans retard. Je suis prêt à être votre chef et votre général et ne doute pas que nous vaincrons. Va, et je suivrai ».

 

Ibn ‘Abbad revint en conséquence en Andalousie et Youssouf procéda vers Sabta, où il prit toutes les dispositions pour sa traversée. Il prépara des navires, rassembla ses bannières, réunit ses gens et ayant soigneusement mit les affaires de l’état et des provinces en ordre, il ordonna à sa force bien préparée d’embarquer et seul Celui qui les a créé sait le nombre d’hommes qui traversa.

Cette innombrable multitude navigua alors vers Jibal Tariq (Gibraltar) et établit le camp sur ses plaines. Youssouf Ibn Tashfine débarqua aussi sur ses rivages, accompagnés par Ibrahim et un nombre considérable de généraux Mourabitine de la tribu de Lamtounah, dont il avait une grande confiance, les honoraient et leur montraient l’estime particulière et la considération qu’il avait pour eux.

 

Lorsque le moment fut venu pour la nouvelle traversée, Youssouf Ibn Tashfine, embarqua sur son navire et lorsque celui-ci prit la mer, il éleva ses mains vers le ciel et implora ainsi : « Allahoumma (Grand Seigneur) ! Si ma traversée de cette mer est un bien pour les Musulmans, que Toi Seul peut connaitre, alors facilite nous la traversée et apaise ses eaux mais si cela n’est pas un bien pour eux, ne me permet pas le passage ». Et aussitôt qu’il eut finit cette supplication, Allah Exalté apaisa les vagues et la mer devint sereine et calme, et la traversée s’effectua rapidement le jeudi de pleine lune du mois de Rabi’ Awwal de l’année 479 (de l’Hégire).

 

L’émir des Musulmans débarqua joyeusement à Jazirat al-Khadrah (l’ile Verte ou Algésiras) ce même jour et accomplit sa prière. Le gouverneur d’al-Jazirat al-Khadrah, Yazid, le plus jeune fils d’Ibn ‘Abbad, le gouverneur d’Ashfillia, vinrent à sa rencontre avec une magnifique compagnie de cavaliers, comme cela lui avait été ordonné par son père, tandis qu’à la porte de la ville, l’attendait al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad en personne, escorté de tous les émirs d’Andalousie, et assisté par un grand nombre de chefs, de commandants et de nobles.

Aucun temps ne fut perdu et sitôt l’arrivée de Youssouf Ibn Tashfine, ce même soir, un conseil fut tenu sur la campagne que les alliés étaient sur le point de conduire.

 

Pendant le temps ou Youssouf Ibn Tashfine resta avec son armée dans le camp établit à Jazirat al-Khadrah, l’émir des Musulmans fit renforcer les murs, restaura les parties délabrées et fit reconstruire les tours qui étaient tombées à l’abandon. Il ordonna aussi de creuser un profond fossé autour de la ville et fournit abondamment le fort de toutes les munitions de guerre ainsi que des provisions pour plusieurs jours. Youssouf Ibn Tashfine, y laissa alors une garnison choisie avec un soin particulier, et recommanda aux officiers choisit, une garde attentive et constante.

 

Ce fut la première traversée en Andalousie de l’émir des Musulmans, Youssouf Ibn Tashfine, qui traversera quatre fois au cours du reste de sa vie.

 

Al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad repartit pour Ashfillia, pour ordonner la préparation des provisions exigées par les Mourabitine qui était venu à son secours et aussi pour préparer les présents qu’il destinait à l’émir et à ses principaux chefs, suivit par Youssouf Ibn Tashfine qui quitta Jazirat al-Khadrah quand il fut satisfait des arrangements et des précautions suffisantes prises pour la protection de la ville.

 

Certains auteurs ont rapporté qu’al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad rencontra Youssouf Ibn Tashfine à une distance d’un jour de voyage d’al-Jazirat al-Khadrah. Ces mêmes historiens ont rapporté que lorsque le gouverneur d’Ashfillia vit approcher l’émir des Musulmans, il voulut descendre de son cheval pour embrasser ses mains en guise de courtoisie mais que Youssouf Ibn Tashfine ne l’autorisa pas à faire ainsi et s’approcha rapidement pour le saluer avant qu’il n’ait eu le temps de descendre. Les deux monarques parlèrent de la guerre et des affaires des Musulmans durant la marche tandis que l’armée fut pourvue de provisions en abondance. Tous ceux-ci qui avaient de l’animosité envers Ibn ‘Abbad oublièrent leurs différents à l’égard des qualités et de la noblesse des émirs à la satisfaction de tous. Le gouverneur d’Ashfillia ne se lassa jamais, pendant ce temps, d’admirer la vaste force des troupes soigneusement choisies et bien équipées que Youssouf Ibn Tashfine avait apporté avec lui et considéra comme une certitude que leur campagne contre Alfonsh serait prospère.

 

 

Aussitôt que Youssouf Ibn Tashfine, sur les traces de son armée, débarqua en Andalousie, la nouvelle parvint à Alfonsh (Alphonse), et ébranla son courage et sa résolution. Néanmoins, il réunit un conseil de ses généraux et il fut décidé qu’Alfonsh écrive à Ibn Radmir (Sancho, roi d’Aragon), qu’Allah le maudisse, qui assiégeait la ville de Tartoshah (Tortose) ainsi qu’à Borhanshe (Sancho roi de Navarre), qui portait la dévastation dans les territoires de Bolansia (Valence).

Lorsque ces derniers reçurent les lettres, ils se dépêchèrent avec leurs forces à l’aide du roi de Qishtallah (Castille) Alfonsh, qu’ils rejoignirent sans retard. Alfonsh, qu’Allah le maudisse, envoya aussi des messagers aux souverains des royaumes de Qishtallah (Castille), de Jiliqyah (Galice) et de Biyounah (Bayonne) desquels il reçut bientôt des innombrables armées de croisés. Lorsque toutes ces hordes de mécréants se rassemblèrent autour du roi, il organisa ses armées, rassembla ses commandants, et quand Alfonsh, que la malédiction d’Allah soit sur lui, eut passé en revue ses effectifs, il constata qu’elle était constituée d’une innombrable force dont plus de quatre-vingt-mille représentait la seule cavalerie et la moitié de ces cavaliers étaient recouverts de lourdes armures de fer tandis que l’autre moitié consistait en une cavalerie légère. Dès qu’Alfonsh les mis en ordre, il convint alors qu’il pouvait désormais marcher à la rencontre de Youssouf Ibn Tashfine et des armées musulmanes.

 

Youssouf Ibn Tashfine, de son côté, quitta en toute hâte al-Khadrah (Algésiras) précédé par son avant-garde, sous le commandement de son général Abou Souleyman Daoud Ibn ‘Ayshah et se dirigea vers Ashfillia où les troupes firent une halte de huit jours, son seulement pour se reposer mais aussi pour parachever les préparatifs nécessaires pour l’inévitable bataille à venir. Les émirs d’Andalousie convièrent aussi leurs gens qui désiraient prendre part à la bataille à qui ils ordonnèrent de rejoindre l’armée en marche vers Batalios quand des Musulmans arrivèrent de toutes les province de l’Espagne, excepté l’émir d’al-Mariyah (Almeria) qui s’excusa de ne pouvoir le faire car étant au contact direct avec les ennemis d’Allah sur la frontière qui lui empêchaient la liberté de mouvement.

 

Le gouverneur d’al-Gharb (Algarve ou du Portugal), ‘Omar Ibn al-Aftas, envoya son frère al-Moustansir en avance sur l’armée, avec l’ordre de fournir des munitions et la logistique nécessaire aux combattants et aux chevaux tout le long de la ligne de marche. Quand tous les émirs et les commandants rejoignirent leurs troupes, les gens considérés inaptes pour la bataille furent invités à rentrer chez eux puis ceci fait, l’armée fin prête quitta Ashfillia.

 

L’émir des Musulmans, Youssouf Ibn Tashfine en personne, prit le commandement de l’avant-garde de l’armée avec pour second, le commandant Daoud Ibn ‘Ayshah, et peu de temps après, il décida de former deux corps d’armée distincte. L’armée des Mourabitine et celle des Andalous, commandée par al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad d’Ashfillia, accompagné des émirs d’Andalousie dont Ibn Habous, le gouverneur de Gharnata (Grenade), Ibn Mouslimah, le gouverneur des régions frontalières du nord ainsi qu’Ibn Danoum, Ibn al-Aftas et Ibn Ghazoun.

Youssouf leur ordonna d’accompagner al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad, afin que toutes les troupes de l’Andalousie ne forme qu’une seule et même armée, suivit par celle des Mourabitine. Ceci exécuté, les mouvements des troupes s’effectuèrent dans un tel ordre qu’au moment où Youssouf Ibn Tashfine arrivait avec ses hommes, l’armée d’al-Mou’tamid qui l’avait précédé quittait aussitôt le campement. Ils avancèrent tous ainsi jusqu’à Tartoshah, où ils restèrent durant trois jours, et c’est là que Youssouf Ibn Tashfine adressa une lettre à Alfonsh, pour lui offrir trois choix : embrasser l’Islam, payer la Jizyah, ou la guerre.

A la réception de cette lettre, Alfonsh entra dans une grande colère, et, plein d’orgueil, dit à l’envoyé de Youssouf : « Dis à ton maître, de ne pas se déranger, et que je viendrai le trouver  moi-même ».

 

Il a été rapporté qu’avant de quitter Toleytela (Tolède), le roi de Qishtallah, Alfonsh, que la malédiction d’Allah soit sur lui, eut un rêve ou il vit une terrible vision et plusieurs fois de suite. Dans son rêve, Alfonsh, crut qu’il était monté sur un éléphant et à ses côtés, se trouvait un tambour élevé sur lequel il lui semblait qu’il le faisait résonner avec ses propres mains; mais les clameurs qui sortaient de l’instrument étaient si prodigieux et effroyables, qu’ils réveillaient instantanément le roi terrifié et stupéfié. Et puisque c’était un rêve incessant, Alfonsh ne pouvait pas s’empêcher d’y penser bien qu’il savait que la plupart des rêves n’étaient que des chimères et il se souvint aussi qu’ils pouvaient être de grands évènements prémonitoires que Dieu présentait aux âmes lors des heures de repos et de quiétude.

Ainsi après plusieurs nuits de ces rêves perturbateurs, Alfonsh fut réveillé par ceux-ci oppressé et inquiet jusqu’à l’aube et quand le jour se leva, il ordonna d’amener les hommes les plus sages en sa présence, les sages parmi les moines, les évêques et les prêtres accompagné par les rabbins des Juifs, qui étaient ses vassaux ainsi que ceux qui étaient qualifiés dans les divinations et l’interprétation de rêves.

Tous ces sages réunis en sa présence, Alfonsh leur fit une description exacte de son rêve et dit : « Ce qui m’étonne le plus et m’inquiète dans cette affaire, c’est la particularité de l’éléphant que je vois dans ces mes visions et qui est un animal non élevé dans notre pays, ni qui s’y trouve ainsi que les tambours qui sont différent que ceux que nous utilisons parmi nous et qui ne sont pas de ce pays. Que ceux qui me peuvent me donner une interprétation et la signification de cela, le fasse sans retard ».

Les sages se retirèrent puis après avoir considéré la vision, ils revinrent en présence d’Alfonsh, à qui ils dirent : « Seigneur roi, la signification de ce rêve est que vous vaincrez ces armées que les Musulmans ont rassemblées contre vous, que vous dévastions leur camp et serons les maîtres des richesses qu’ils apportent avec eux, que vous occuperez leur territoire et retournerez victorieux avec grand honneur et une fameuse gloire. Il indique, en outre, que votre triomphe sera célébré par l’est. Cet éléphant que vous enfourchiez est ce Youssouf Ibn Tashfine, le roi des Musulmans et le seigneur des terres étendues de l’Afrique, de même que les éléphants sont rares dans les déserts de ce pays que vous devrons conquérir quant eux tambours bizarrement formés que vous avez frappés plusieurs nuits indiquent la gloire et la merveilleuse renommée qui résonnera partout dans le monde à la connaissance de vos illustres victoires ».

Alfonsh écouta leur interprétation avec une attention extrême mais quand les sages cessèrent de parler, il dit : « Il me semble que vous êtes bien loin de la véritable interprétation de mon rêve,  et ce que je pressens dans mon cœur, et je me trompe rarement, m’annonce la terreur et la consternation ».

Ayant ainsi parlé, Alfonsh tourna la tête et vit certains cavaliers musulmans qui étaient ses vassaux et qui étaient présent. Il leur demanda : «  Connaissez-vous par hasard n’importe quel ‘Alim de votre nation, qui est habile dans l’interprétation des rêves ? » Les cavaliers savaient qu’il y avait un savant qui enseignait dans une des mosquées et qui interpréterait la vision à la satisfaction du Roi.

 

Alfonsh ordonna alors de leur amener ce savant en sa présence car il désirait le voir et lui parler de l’affaire en question. Les cavaliers allèrent donc trouver l’homme qui était le Faqi' Muhammad Ibn ‘Izza et l’informèrent de la volonté d’Alfonsh.

Muhammad Ibn ‘Izza leur demanda alors pour quelle raison le roi voulait le voir et ils lui répétèrent ce qu’ils avaient entendu de l’affaire, en ajoutant que le roi désirait entendre l’interprétation d’un rêve de sa bouche mais le Faqi' Muhammad refusa et se mit à répéter : « Allah est mon Seigneur et mon Protecteur; dans Ses mains sont le bien et le mal qui doivent être mon sort » et à part cela, les cavaliers ne purent rien obtenir de plus de lui.

Très mécontents, ces messagers retournèrent chez le roi et pour éviter de le mettre en colère qui pourrait causer la destruction du savant, ils lui dirent : « Seigneur roi, ce Faqi' est un homme austère et de grande humilité, dans la mesure où il ne considère pas légal pour lui d’entrer dans les palais et les habitations des grands mais, comme c’est une courtoisie de sa loi et de son humilité religieuse, il nous semble excusable et pour cette raison, si votre Hauteur le permet, nous rapporterons au savant le rêve vous avez eu et vous rapporterons alors l’explication ». Alfonsh accepta cette proposition, leur répéta son rêve et les cavaliers musulmans retournèrent chez le Faqi' et lui racontèrent très minutieusement la vision du roi. Il leur demanda de le laisser réfléchir sur le sujet et après un certain temps leur dit : « Retournez chez lui et dites-lui que l’accomplissement de sa vision est très près et que la signification du rêve est qu’il sera vaincu honteusement lors d’un grand massacre qu’il s’enfuira avec juste quelques-uns de ses soldats et que les Musulmans seront victorieux. Dites-lui, de plus, que cette interprétation est tirée du Noble Qur’an : « N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les gens de l’éléphant. N’a-t-Il pas rendu leur ruse complètement vaine et envoyé sur eux des oiseaux par volées qui leur lançaient des pierres d’argile ? Et Il les a rendus semblables à une paille mâchée ». 

« Ces mots, » poursuivit le savant, « sont une allusion à la défaite et la chute d’Abraha, le roi abyssinien, quand il marcha vers l’Arabie, monté sur un grand éléphant, avec sa vigoureuse armée avec l’intention de détruire al-Haram, la Maison de Dieu qui l’a détruit avec son armée quand des oiseaux lui jetèrent des boules de feu incandescents transformant sa fière et pompeuse détermination en malheur et exécrable poussière. Quant aux tambours suspendu près de lui sur lesquels il frappait avec ses propres mains, cela indique que l’heure de sa destruction approche et que le jour où il entendra le fracas de tambours du rang de ses ennemis, sera un jour de terreur, de défaite et de carnage pour les mécréant ».

 

Cette interprétation fut rapportée à Alfonsh qui changea de couleur lorsqu’il l’entendit et dit : «  Par le dieu de ma vénération ! Que votre savant tremble s’il a menti, car que je ferais de lui un exemple ». Mais quand cette féroce menace fut répétée au savant, il l’a traita avec  mépris et dit : « Ni lui ni personne ne peut me causer du tort, sans la permission d’Allah et ce sera Sa volonté ».

 

 

Youssouf poursuivit sa marche ainsi qu’Alfonsh jusqu’aux environs de la ville de Batalios (Badajoz), où Youssouf établit son camp, à l’endroit nommé Zallaqa à une vingtaine de kilomètres de la ville. Al-Mou’tamid et les autres émirs, arrivés les premiers, établirent leur camp au-delà d’une colline qui les séparait de Youssouf, pour en imposer davantage aux mécréants. Les armées ennemies n’étaient séparées que par le fleuve de Batalios, Nahr Hagir, dont les uns et les autres utilisaient son eau.

Cette situation dura trois jours, durant lesquels les émissaires allaient et venaient entre les deux camps, jusqu’à ce l’accord de la bataille soit fixé au lundi 14 du mois de Rajab, de l’année 679. Sitôt après cette accord, al-Mou’tamid envoya un message à Youssouf pour lui demander de se tenir sur ses gardes et de s’apprêter au combat, parce que les ennemis d’Allah étaient rusés et traîtres.

Dans la nuit du jeudi 10 du mois de Rajab, soit le début du vendredi, Ibn ‘Abbad prépara ses rangs et arrangea son armée. Il plaça des cavaliers sur un mont élevé pour épier l’ennemi et ses mouvements, et lui-même n’interrompit sa surveillance qu’à l’aurore du vendredi. Mais, tandis qu’il achevait la prière du matin, pour laquelle il était un peu en retard, les cavaliers qu’il avait postés arrivèrent en toute hâte, et lui apprirent que l’ennemi s’était mis en mouvement et se portait contre les Musulmans avec une armée nombreuse comme des nuées de sauterelles.

Ibn ‘Abbad informa Youssouf, qui était déjà prêt au combat, et qui avait également mis en ordre de bataille ses troupes durant cette nuit où personne ne dormit. Youssouf fit aussitôt avancer son commandant al-Mouzaffar Daoud Ibn ‘Ayshah, à la tête d’une forte troupe de Mourabitine et de volontaires. Daoud Ibn ‘Ayshah était sans égal dans la détermination, le courage et la persévérance.

De son côté, le mécréant ennemi d’Allah, Alfonsh, partagea son armée en deux corps, et avança à la tête de l’un d’eux, contre l’émir des Musulmans Youssouf Ibn Tashfine. Ayant rencontré l’avant-garde, sous les ordres du commandant Daoud Ibn ‘Ayshah, le sanglant combat débuta et les Mourabitine eurent à déployer la plus grande résignation, car le maudit les écrasa par le nombre de ses soldats, et ils furent presque tous détruits, non sans avoir porté tant de coups, que les lames de leurs sabres s’ébréchèrent et devinrent comme des scies, tandis que leurs lances volèrent en éclats.

La seconde partie de l’armée des maudits, sous les ordres de Borhane et d’Ibn Radmir, marcha sur le camp d’Ibn ‘Abbad qu’elle détruisit. Tous les chefs andalous s’enfuirent vers Batalios, et seul Ibn ‘Abbad avec ses soldats restèrent fermes et soutinrent le choc de la bataille avec obstination et patience.

Youssouf Ibn Tashfine, en apprenant la fuite des gouverneurs d’Andalousie et les résistances héroïques d’al-Mou’tamid et de Daoud Ibn ‘Ayshah, envoya aussitôt à leur secours son commandant Syr Ibn Abou Bakr à la tête des Berbères de Zinata, de Masmoudah, de Ghamarah et de tous les Berbères du camp. Ensuite, il s’élança en personne avec les troupes de Lamtounah, les Mourabitine et les Sanhadja contre le camp d’Alfonsh, et ne s’arrêta que lorsqu’il l’y eut pénétré.

Pendant ce temps, Alfonsh était absent et occupé à combattre Daoud Ibn et Youssouf incendia le camp ennemi, massacra les fantassins et les cavaliers qu’Alfonsh avait laissés en garde dont quelques-uns à peine s’enfuirent et arrivèrent jusqu’à lui, poursuivis par l’émir des Musulmans victorieux, qui avançait étendards déployés, tambours battants, précédé par ses troupes de Mourabitine qui abattaient les mécréants avec leurs sabres. Alfonsh fut surprit de les voir et s’écria : « Qu’est-ce donc cela? » On lui répondit que son camp avait été brûlé, ses gardes massacrés, et ses femmes faites prisonnières.

Alfonsh fit aussitôt volte-face pour attaquer l’émir des Musulmans qui, de son côté, se précipita sur lui. La bataille s’engagea, et elle fut telle, que jamais on ne vit de pareille tandis que l’émir des Musulmans, parcourait les rangs des croyants pour les encourager et les motiver sur la patience nécessaire dans le combat dans la voie d’Allah. Il disait : « O Musulmans ! Soyez forts et patients dans ce Jihad contre les mécréants, les ennemis d’Allah. Celui qui d’entre vous mourra ira au paradis comme un martyr, et celui qui ne mourra pas gagnera, de grandes récompenses et un riche butin ».  Et tout en encourageant ses gens, l’émir des Musulmans combattit bravement et après avoir enfourché un troisième cheval, il plongea dans l’endroit le plus périlleux de ce champ ensanglanté. Les Musulmans combattirent ce jour-là comme combattent ceux qui aspirent au martyr, ne craignant pas la mort.

Cependant, al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad, qui résistait encore fermement avec ses compagnons, combattit avec désespoir sans connaitre l’état général de la bataille. Ignorant ce qui venait de se passer, il fut surpris de voir les ennemis d’Allah reculer et s’enfuir, tandis que les sabres s’abattaient sur les épaules des mécréants battus, ravageaient et créaient la confusion dans leurs rangs. Voyant cela, il appela son peuple : « En avant donc contre les ennemis d’Allah qui a compté leur temps » cria-t-il. Puis, il reprit la lutte avec une ardeur accrue, et aussitôt tous ses compagnons reprirent courage.

Et sur ce, le commandant des Mourabitine Syr Ibn Abou Bakr, arriva avec les Berbères du Maghreb des Bani Masmoudah, des Zinata, des Ghamarah et fondirent sur les mécréants qui furent totalement écrasés et détruits après avoir blessé le maudit Alfonsh et la victoire fut complète. En apprenant la victoire de l’émir des Musulmans, les Musulmans qui avaient pris la fuite revinrent, les cœurs ranimés et combattirent jusqu’au coucher du soleil.

 

Quand le maudit Alfonsh vit, alors que la nuit tombait sur le champ de bataille, que toute ses armées avaient été anéanties avec ses plus braves commandants par la bravoure des forces des Mourabitine et la ténacité des Musulmans et qu’il ne lui restait d’autre alternative que la fuite, dans le total désarroi il abandonna rapidement le champ de bataille, incertain sur la direction à prendre, suivit par environ cinq-cents rescapés seulement, pourchassé par les Mourabitine qui poursuivirent les fugitifs à travers la montagne et la vallée, les cueillant les uns après les autres, jusqu’à ce que la nuit sombre ait interposé son voile sombre entre les Musulmans et leurs proies.

Les Musulmans vainqueurs passèrent la nuit sur le champ de bataille à empiler les corps des mécréants et les objets récupérables, tout en louangeant le Seigneur de leur avoir accordé Son aide, Sa protection et Ses grâces jusqu’à la prière d’as-Soubh qui fut accompli au milieu du champ de bataille.

Ce fut l’une des plus horrible défaite et massacre qu’Allah Exalté infligea à Ses ennemis par les mains de Ses serviteurs, l’une des plus glorieuse bataille et une grande victoire qui coûta la vie aux rois, aux guerriers et aux protecteurs des mécréants.

Bien avant la fin de la bataille, leurs plus illustres commandants avaient tous déjà mordu la poussière et leur maudit roi, s’enfuit dans la plus grande difficulté et seul les rapides chevaux des survivants leur permirent d’échapper. Toutefois, un grand nombre gravement blessés succombèrent sur la route et sur quelques cinq-cents mécréants survivants seuls une centaine qui était les domestiques et des gens de la suite du maudit parvinrent à Toleytela.

 

Cette remarquable bataille eut lieu le vendredi 14 du mois de Rajab de l’année 479. Il fut présenté à environ trois-mille Musulmans la couronne du martyr et Allah, à Lui les Louanges et la Gloire sait mieux qui est martyr, à ceux qui furent tués au combat. L’émir des Musulmans ordonna de couper les têtes des mécréants et elles furent amassées en un tel nombre, qu’on eût dit une montagne.

L’émir envoya dix-mille têtes à Ashfillia, autant à Sarqasta, à Moursiyah (Murcie), à Qortoba (Cordoue) et Bolansia et quarante-mille au Maghreb, où elles furent réparties dans les différentes villes, pour y être exposées aux regards des hommes, invités à rendre grâce à Allah pour cette grande victoire et pour Ses bienfaits.

Le nombre de mécréants tué à Zallaqa s’éleva à quatre-vingt-mille cavaliers et cent-mille fantassins et ainsi Allah, à lui les Louanges et la Gloire, humilia les Moushrikine (polythéistes) d’Andalousie qui ne relevèrent plus leur tête durant soixante ans.

 

Certains ont rapporté que la lettre qui suit fut envoyée après la bataille au Maghreb par l’émir des Musulmans, Youssouf Ibn Tashfine pour les informer de la victoire :

« Les louanges sont tout d’abord dues à Allah le Très Haut, le Défenseur Glorieux de Sa Loi, qui garantit la victoire à ceux qui suivent la religion qu’Il a choisie et Bénédictions augmentées de félicité, de perfection et de miséricorde à notre maitre Muhammad, le plus vertueux de Ses Prophètes, Son excellent messager, le plus noble et le plus honoré des êtres créés.

A peine sommes-nous approché du camp de l’ennemi d’Allah le tyran Alfonsh, qu’Allah le maudisse, et convenu entre nous ce que nous devions faire, que nous montrâmes notre détermination au roi mécréant, et lui firent part de nos propositions, en lui donnant le choix entre trois choses : L’Islam, la Jizyah ou la guerre qu’il préféra.

Puis, il fut décidé que la bataille serait conduite le lundi 17 Rajab après qu’il eut affirmé que, « Le vendredi est le jour de fête des Musulmans, le samedi des Juifs, dont un grand nombre se trouve dans nos rangs tandis que le dimanche est le nôtre ».

Mais ce maudit et ses gens ne tinrent pas leur parole comme c’est leur coutume, ce qui augmenta notre fureur et notre juste colère dans la bataille. Soupçonnant sa perfide intention, nos espions les observèrent et nous informèrent sur leurs mouvements. À l’heure d’as-Soubh (la prière de l’aube) le vendredi 14 de Rajab, nous fûmes informés des préparations du camp de l’ennemi pour l’attaque, qui fondit aussitôt sur nous, mais pour sa propre chute et ruine. Alors les Musulmans les plus vaillants se levèrent comme un pour l’engager et attirer sur lui le malheur et lacérer ses innombrables rangs. Les forces des Musulmans, comme des aigles sur leur proie, fondirent sur la nuée de l’ennemi et la cavalerie s’empressa de repousser l’attaque de la horde mécréante avec la force du vaillant lion. Nos bannières de bonheur, de victoire et de l’illustre martyr, se répandirent largement à travers le champ de bataille et la force des Lamtounah se jetèrent en avant terrifiant Alfonsh Ibn Fridiland le maudit. Quand les mécréants virent nos étendards de foi et de triomphes flottants au-dessus de leurs têtes, la splendeur de notre cavalerie conquérante les confondis et ils furent éblouis et épouvantés, comme frappe de désarroi la terrifiante foudre. Le nuage portant la tempête de nos lances les ombragea et ils furent submergés par les lames des croyants et piétinés par les sabots de leurs propres féroces chevaux, leurs râles étouffés par le tonnerre écrasant des tambours.

Dans leur propre piège tombèrent alors les mécréants et leur maudit tyran Alfonsh qui voulut tromper par ses stratagèmes les fils de la foi mais les impétueux Mourabitine leur montrèrent la vérité de l’affaire. Dans la tornade puissante de ce conflit impétueux, nos sabres empourprés fauchèrent l’air et les pointes des lances acérées se retirèrent des béantes blessures, entrainant de larges et rapides fleuves de sang qui se répandirent des hordes de l’ennemi, tué sur notre passage au nom d’Allah, le Tout Puissant, l’Omnipotent, le Protecteur Exalté.

Chacun de nos propres braves guerriers se tinrent prêt de leurs côtés à faire jaillir les ruisseaux vermeils au-devant des mécréants et d’Alfonsh le maudit, dont seul quatre-cents cavaliers s’enfuirent vivants sur les quatre-vingt-mille cavaliers et les cent-mille fantassins, qu’il apporta dans cette bataille, puissent-ils trouver le même sort. Mais ces hordes de mécréant était des gens qu’Allah le Très Haut avait destiné aux roues de la destruction, pour être broyés jusqu’à l’anéantissement, autorisant seuls quelqu’un de cette maudite race pour en témoigner et vivre avec la vision de leur calamité jusqu’à leur fins 

Quelle terrible vision et grande épreuve pour eux et quelle patience pourraient-ils trouver pour les consoler à cette heure d’irrémédiable désespoir et d’indignation courroucée quand ils considérèrent que toutes les représailles et leur espoir de vengeance étaient impossibles. Et même, s’il ne resta rien à Alfonsh excepté le vain et misérable refuge dans les gémissements et les lamentations, et il n’eut aucun refuge, sauf celui de se cacher dans l’obscurité de la mortelle sombre nuit.

L’émir des Musulmans, le destructeur des mécréants inamicaux, Youssouf Ibn Tashfine victorieux, après voir remercier Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, se reposent maintenant sur le char de son triomphe dans une sécurité bénie, sous l’ombre de ses bannières conquérantes qui sont les enseignes de protection et de gloire. Et déjà les fleuves coulant de sa gloire, le courant de son impétueuse force se répand chez ses guerriers, sur les villes et les forteresses de l’ennemi. Les croyants dévastent les champs des mécréants et chargent de fers ses gens captifs, sous les yeux satisfait de l’émir et sa joie, tandis que le maudit Alfonsh considère consterné et désorienté les mêmes évènements qui donnent le vertige.

De tous les émirs d’Andalousie, seul Ibn ‘Abbad, le roi d’Ashfillia fut constant dans la lutte et refusa de tourner son visage devant la peur du cruel carnage, maintint sa position et lutta fermement comme devrait le faire le plus brave et le plus noble guerrier de sa terre d’une manière digne qui lui valut l’estime de l’émir des Musulmans. Néanmoins, il sortit de la bataille avec seulement une légère blessure au côté et cela lui servira comme un souvenir glorieux de ce conflit prodigieux.

Alfonsh Ibn Fridiland, le maudit, trouva refuge dans les ténèbres de la nuit et sauva sa vie en s’enfuyant précipitamment sur des routes inconnues ni ne put donner de repos à ses yeux affligés. Et pour tout cela les grâces doivent-être rendues à Allah le Plus haut ! »

 

 

Certains historiens ont rapporté qu’al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad supporta six blessures au cours de cette bataille glorieuses d’après certains vers qu’il écrivit peu après à son fils ‘Oubaydillah ar-Rashid et que le gouverneur d’Ashfillia fut contraint à rester dans son pavillon à cause de celles-ci tandis que Youssouf Ibn Tashfine et ses Mourabitine poursuivaient les mécréants. Ibn ‘Abbad blessé prit le fragment d’un rouleau de papier pas plus large qu’un ongle de doigt et écrivit ces lignes à son fils, qui était alors à Ashfillia : « À mon fils ar-Rashid. La force musulmane a rencontré le fier Alfonsh et Allah Exalté a donné la victoire aux croyants, en écrasant les mécréants par leurs mains, pour laquelle grâces doivent Lui être rendues car Il est le Défenseur de toutes choses. Fasse que tous les croyants prêt de toi en soient informés ». Alors il ferma sa lettre, l’attacha sous l’aile d’un pigeon voyageur, qu’il avait apporté d’Ashfillia avec lui, et le relâcha pour qu’il puisse servir transmettre les nouvelles glorieuses ».

Fin du compte rendu.

 

 

Leçons tirées de la bataille de Zallaqa 

On peut tirer deux leçons principales de cette grande bataille, qui sont toutes deux liées entre elles et sont inséparables. 

1. La force de la Oummah est dans l’unité à la fois militaire et politique. D’autre part la désunion conduira seulement à la Fitnah et à l’oppression, et sera la cause principale de la corruption. Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, dit dans le Qur’an Glorieux : « Et ceux qui n’ont pas cru sont alliés les uns des autres. Si vous n’agissez pas ainsi [en rompant les liens avec les infidèles], il y aura discorde sur terre et grand désordre ». (Al-Anfal : 73) 

Il a été mentionné dans le Tafsir de l’Imam at-Tabari que la meilleure interprétation de ce verset est « Et ceux qui mécroient sont alliés les uns des autres (et) si vous (les musulmans du monde entier collectivement) ne faites pas de même (c’est-à-dire vous alliez comme un bloc uni) veut dire  que « si vous ne faites pas ce que Nous (Allah) vous avons ordonné de faire  c’est à dire vous tous (musulmans du monde entier) ne vous alliez pas comme un seul bloc  pour rendre la religion d’Allah victorieuse, il y aura une grande Fitnah ». 

 

L’unité de l’Oummah comme un seul bloc est de la plus haute importance, car cette unité politique et militaire est une des plus grandes causes de la victoire du Din. Le cas d’al-Mou’tamid et de Youssouf Ibn Tashfine (où les liens islamiques surpassent tout lien racial et fut une force conductrice pour la victoire musulmane à Zallaqa) n’est qu’un cas parmi les nombreux cas historiques du besoin de l’unité politique qui va au-delà des frontières et des principautés crées par les mécréants pour désunir la Oummah et la garder sous son propre joug. Ne réfléchirons-nous pas à cela, ne réfléchirons-nous pas à la dévastation et à l’oppression des états nations, même s’ils essayent de nous tromper en se faisant passer pour islamiques. Comment les attributs de l’Islam peuvent-ils être placés à côté de la raison même  de notre désunion, c'est-à-dire les états nations. 

 

2. L’importance de ne pas prendre les Juifs, les Chrétiens et les mécréants comme alliés contre les croyants. A nouveau nous voyons dans cet exemple historique de la position d’al-Mou’tamid quand il était pressé par ses conseillers et qu’il répondit : « Je préfère être un chamelier chez les musulmans plutôt qu’un porcher chez les Chrétiens ». Une réponse simple appropriée aux évènements récents, met en contraste la position d’un dirigeant sincère (même quand son pouvoir est menacé) et la position de traîtrise des dirigeants d’aujourd’hui. De plus, cela montre l’importance d’un dirigeant sincère en période de difficultés. 

 

Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, dit dans le Qur’an : « Annonce aux hypocrites qu’il y a pour eux un châtiment douloureux, ceux qui prennent pour alliés des mécréants au lieu des croyants, est-ce la puissance qu’ils recherchent auprès d’eux ? (En vérité) la puissance appartient entièrement à Allah ». (An-Nissa : 138-139) 

 

De plus, al-Mou’tamid savait que rechercher le soutien d’un mécréant contre un musulman  lui vaudrait la colère d’Allah Exalté, et fut plus important pour lui que son trône qui ne lui serait d’aucun bénéfice le jour où il serait ressuscité pour le jugement. 

 

Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, décrit dans le Qur’an ceux qui prennent les Juifs, les Chrétiens et les mécréants pour alliés contre les croyants en disant : « O les croyants ! Ne prenez pas pour alliés les Juifs et les Chrétiens ; ils sont alliés les uns des autres. Et celui d’entre vous qui les prend pour alliés, devient un des leurs. Allah ne guide certes pas les gens injustes ». (Al-Ma'ida : 51) 

 

L’Imam Ibn Hazm commente ce verset en disant « il est correct que le dire d’Allah, Exalté soit-Il, « Et celui d’entre vous qui les prend pour alliés, devient un des leurs » veut dire littéralement : qu’il est Kafir des Koufar, et c’est une vérité sur laquelle il n’y pas deux musulmans pour différer ».

Aider les mécréants, comploter avec eux, détruire les Musulmans sont des actes de trahison  qui sont de grands crimes en Islam. Dans le cas de la bataille de Zallaqa nous avons vu  en quoi consiste la force de la Oummah, cette leçon se répète dans toute l’histoire islamique  approprié hier comme aujourd’hui. 

 

Combien appropriée est cette leçon aujourd’hui. Nos dirigeants se sont alliés aux forces du koufr, les aidant logistiquement, militairement parfois secrètement parfois ouvertement. Si nous devions écrire les trahisons de nos dirigeants, nous remplirions des volumes. La bataille de Zallaqa, et avant cela celle de Hattin et de ‘Ayn Jalout montre seulement combien la Oummah a besoin de dirigeants sincères pour la guider. Une des principales leçons tirée de la bataille de Zallaqa est que les dirigeants sincères et le refus de s’allier  aux mécréants fut un facteur clef qui conduisit les musulmans à la victoire. 

Il est temps que les Musulmans fassent tous leurs efforts pour hâter le remplacement de ces laquais et travaillent pour le rétablissement du Khilafah islamique qui est une obligation tandis que se taire et consentir est un péché. Nous n’avons pas le choix, pouvons-nous supporter cette humiliation et pouvons-nous supporter de rester passifs sans quoi nous serons détruit et Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, nous remplacera par des gens bien plus meilleur que nous !

Lirons nous les histoires de Youssouf Ibn Tashfine, de Salah ad-Din et du Sultan Abdel Hamid pour les réduire à de l’Histoire ancienne et à des contes enseignées à nos enfants ! Le Messager d’Allah (saluts et bénédictions d’Allah sur lui) a dit : « Vous encouragerez le bien et désapprouverez le mal  et vous censurerez le tyran, le conduirez à la vérité  et le confirmerez ». Soyons donc les successeurs de ces géants.

 

Le retour d’Ibn Tashfine au Maghreb 

La bataille prit fin et le prétentieux Alfonsh, malédiction d’Allah sur lui, fut brisé. La suite des évènements devait conduire au siège de Tolède et de l’expulsion des Chrétiens. L’intention d’Ibn Tashfine était de mettre fin à la menace des croisés mais de graves évènements surgirent au Maghreb qui demandèrent son attention, particulièrement la mort de son fils Abou Bakr et Ibn Tashfine quitta l’Andalousie.

Avant de partir, il s’adressa aux gouverneurs des royaumes indépendants présents avec lui et leur demanda de s’entendre et de s’unifier et leur rappela le Seigneur Glorifié soit-Il. Ceux-ci lui promirent de l’écouter et qu’ils étaient prêt à s’entendre de nouveau et Youssouf Ibn Tashfine quitta l’Andalousie au mois de Sha’ban de l’année 479 de l’Hégire (1086), un mois après la bataille de Zallaqa.    

 

Youssouf Ibn Tashfine n’est pas resté assez longtemps pour s’assurer de l’unification des gouverneurs et du retour de l’unité. Néanmoins, son action fut d’une importance capitale puisqu’il mit fin à la menace immédiate des croisés et recula l’expulsion des Musulmans d’Andalousie pour quelques siècles. 

 

Lorsque Youssouf Ibn Tashfine retourna au Maghreb, les gouverneurs firent de même et retournèrent dans leurs capitales respectives et vinrent alors les prêcheurs, les poètes et les lecteurs faire l’éloge de la victoire de la bataille d’az-Zallaqa tant leur joie était immense.

Le poète ‘Abdel Jalil Ibn Wahboun raconte : « J’étais présent ce jour, et j’avais préparé un poème pour le lire. Al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad commença par faire lire les lecteurs du Qur’an qui se mirent à psalmodier avec leur plus belle voix. Un des lecteurs lit la Parole d’Allah le Très Haut : « Si vous ne lui portez pas secours... Allah l’a déjà secouru, lorsque ceux qui avaient mécru l’avaient banni, deuxième de deux. Quand ils étaient dans la grotte et qu’il disait à son compagnon : « Ne t’afflige pas, car Allah est avec nous. » Allah fit alors descendre sur lui Sa sérénité « Sa sakina » et le soutint de soldats (Anges) que vous ne voyiez pas, et Il abaissa ainsi la parole des mécréants, tandis que la parole d’Allah eut le dessus. Et Allah est Puissant et Sage[2] ».  

A l’écoute de ce verset, je me dis : « Combien suis-je loin ainsi que mon poème de ces magnifiques versets et de leur sens. Ma présence ici est vraiment inutile ». Puis, il se leva et quitta l’assemblée.

 

La fête et la joie prirent fin mais les gouverneurs restèrent sur leur profonde division et il n’y a de force et de puissance qu’en Allah le Très Haut ! Ils ne tirèrent pas profit de cette opportunité ni de ces leçons et encore moins des conseils d’Ibn Tashfine. Ils ne profitèrent pas de cette victoire pour se réunifier, pour libérer leurs terres et continuer ces conquêtes mais ils restèrent sur leurs conflits et leurs divisions.

Ils oublièrent l’excellente opportunité d’en finir définitivement avec Alfonsh et personne ne donna l’assaut sur Tolède si bien que ce dernier eut le temps de récupérer et de reconstituer une immense armée.



[1] Comme vous le savez l’utilisation des tambours est licite dans trois circonstances : les mariages, les fêtes de l’‘Id et les batailles pour effrayer l’ennemi.

[2] Qur’an, Sourate 9, verset 40.