Dans
la matinée (fajr) du vendredi 12 Rajab de l’année 479 (23
octobre 1086), quelques heures avant le lever du soleil, débuta la
bataille de Zallaqa. Une bataille décisive et un des plus grande
bataille de l’Histoire des Musulmans. Par elle, Allah le Très Haut
protégea l’Islam en Andalousie et comme l’ont rapporté les savants,
sans elle la religion aurait été perdue.
Alfonsh, qui leur avait proposé pourtant de repousser la rencontre
jusqu’au lundi suivant, et les croisés attaquèrent les Musulmans qui
étaient tout à fait prêts pour la rencontre. Alfonsh avait demandé à
l’avant-garde de son armée de se concentrer sur l’aile commandée par
al-Mou’tamid, qu’il escomptait prendre par surprise après sa lettre,
car sa chute leur ouvrirait les portes de la victoire et la bataille
tourna en un violent affrontement.
Au
premier choc, l’armée des andalous fut brisée excepté l’armée de
Séville commandée par al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad qui perdit trois fois
sa monture sans avoir bougé de sa position et bien qu’il perdit
beaucoup de sang d’une blessure à la tête. Son armée combattit
farouchement et tint sa position sans reculer et supporta le choc de
l’assaut de l’avant des croisés sous le commandement d’Oliver Hand.
Pour
libérer l’étau sur l’armée d’al-Mou’tamid sur le point de se
disloquer, Youssouf Ibn Tashfine fit avancer la division des
cavaliers berbères sous le commandement de Daoud Ibn ‘Ayshah sur
qui, Alfonsh VI lanca le corps central de l’armée et qui fut
enfoncée sous l’impact du nombre.
L’émir voilé Youssouf Ibn Tashfine en personne déployait la
stratégie de combat mais bientôt sous l’intense pression des
attaques croisées, la défaite et la division s’infiltra dans les
rangs des Andalous qui combattaient dans l’avant-garde alors que le
sang coulait à flot. Le sang coula tellement que le champ de
bataille en fut totalement recouvert et les gens et les montures
glissaient. C’est parce que la terre devint si glissante (zallaqa)
qu’elle fut nommée la bataille de Zallaqa.
Alors
que la défaite semblait imminente, Ibn Tashfine, le fin et
clairvoyant génie militaire regardait le déroulement de la bataille
tel un aigle vigilant à qui aucun mouvement n’échappait, attendant
le moment opportun de fondre sur sa proie lorsqu’elle serait le plus
vulnérable. Il tenait encore en réserve son corps spécial de
Noukhbah, son élite personnelle de combattant aguerris, formé de
deux divisions et à qui il avait ordonné de ne pas bouger ni de
combattre tant qu’il ne leur aurait pas donné l’ordre. C’était son
élite spéciale qui avait combattu maintes fois à ses côtés et qui
n’outrepassait jamais les ordres.
Lorsqu’il sentit que les croisés pensaient avoir gagné la bataille,
il donna l’ordre à la première division de donner l’assaut sur le
centre de l’armée des croisés, là où elle était le plus faible,
prise entre les deux ailes de l’armée des andalous et de Daoud Ibn
‘Ayshah. Alors l’escadron impatient d’hommes voilés, commandé par
Syr Ibn Abi Bakr al-Lamtouni, à son tour prit de la vitesse et se
jeta sur les rangs de l’ennemi dont il brisa l’élan, créant un
mouvement de stupeur chez les croisés.
Les
deux armées étaient exténuées à cause de la force de l’affrontement
excepté ce groupe qui n’avait pas encore combattu et lorsque les
deux ailes des Musulmans virent l’élan impétueux de la division
d’élite des Mourabitine, un nouveau flot d’adrénaline puissant
balaya la fatigue qui engourdissait leur corps et animé d’une
nouvelle force repoussèrent l’assaut des croisés tandis que les
fuyards revinrent aussitôt au combat pour aider leurs frères.
Youssouf Ibn Tashfine, âgé alors de quatre-vingt ans, conduisit en
personne le deuxième commando de choc qu’il tenait en réserve et
qu’il lanca aussitôt après le corps de Syr Ibn Abi Bakr, profitant
de la percée initiale pour transpercer plus profondément le centre
de l’armée ennemie l’enfonçant définitivement et sur son élan
parvint jusqu’au camp des croisés qu’il incendia.
Alfonsh VI, pendant ce temps, avait traversé le fossé de protection
du camp des Musulmans quand il vit la fumée s’élever de son camp qui
le poussa à faire aussitôt demi-tour pour le protéger. Mais il
trouva en face de lui les Noukhbah qui fondirent sur lui et
décimèrent sa force. Il réussit toutefois à revenir dans son camp ou
un sanglant combat se déroula, les croisés acculés à la mort se
défendirent plus énergiquement tandis que Youssouf Ibn Tashfine, au
premier rang de l’action, encourageait ses troupes à en finir avec
les croisés.
Les
Mourabitine utilisaient des techniques de combats particulières
jamais vu auparavant sur un champ de bataille. Ils combattaient par
rangs et par vagues successives revenant sans cesse les uns après
les autres sans oublier que c’étaient des hommes voilés dont on ne
voyait jamais le visage. Ils employaient aussi un groupe spécial de
percussionnistes qui frappaient d’immenses tambours[1]
dont le son était répercuté par le sol en écho et qui avait un lourd
impact psychologique sur les croisés de même que sur leurs montures.
C’est
alors que le corps de Syr Ibn Abi Bakr parvint jusqu’à lui et fit
aussitôt et rapidement la différence sur le champ de bataille. L’un
des gardes noirs de la protection rapprochée de Youssouf Ibn
Tashfine réussit à s’approcher d’Alfonsh, malédiction d’Allah sur
lui, et à le blesser profondément au talon mais aussi dans son amour
propre si bien qu’il n’allait plus jamais faire face aux Musulmans
en personne.
La
bataille qui avait commencé à l’aube vit bientôt les couleurs
teintées sur l’horizon annonçant le coucher du soleil sur
l’empoussiéré champ de bataille ensanglanté. L’innombrable armée de
croisés, maintenant totalement disloquée, qui avait enluminée la
joie d’Alfonsh et aveuglé sa pensée n’était plus qu’un corps brisé
près d’un camp calciné, duquel s’élevait une noir fumée, jonché de
grotesques macchabés que la mort avait fauché.
Alfonsh blessé, que la malédiction d’Allah soit sur lui, la mort
dans l’âme, le cœur et la face noircie de chagrin, s’enfuit du champ
de bataille pour éviter un funeste destin. Lorsque le peu de ses
soldats survivants le virent s’enfuir, ils abandonnèrent la bataille
et se sauvèrent à leur tour. Les Musulmans se lancèrent à leur
poursuite et tuèrent un très grand nombre d’entre eux alors que la
nuit commençait à couvrir de son noir manteau,
le champ de bataille
terriblement jonchés de morts après que le rideau écarlate de la
scène finale soit tombé. Les arrogants croisés mordirent le fer et
la terre avant l’enfer sur une débâcle retentissante tandis que les
Musulmans, depuis l’émir al-Hajib al-Mansour n’avait pas
connu telle victoire éclatante consignée pour l’éternité dans le
livre de la destinée.
Ibn
Tashfine ordonna aussitôt d’arrêter la poursuite et de revenir au
camp des Musulmans de peur que certains se perdent dans la nuit et
qu’ils soient tués par l’ennemi aux abois.
Alfonsh et environ quatre-cent-cinquante cavaliers, la plupart
blessés, s’enfuirent avec lui sans se retourner sous le couvert de
la nuit et se réfugièrent dans les montagnes pas très loin du champ
de bataille, ou ils se dissimulèrent.
Un
grand nombre de savants (‘oulama) trouvèrent le martyr lors
de la bataille, et Allah le Très Haut Seul sait qui est martyr, dont
le juge Ibn Roumaylah à qui, dans son rêve, le Messager d’Allah
(Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) annoncèrent la prochaine
victoire des Musulmans et son martyr. Mourut aussi le juge (qadi)
al-Masmoudi de Marrakech et le juriste Abou Rafi’ al-Fadl le fils du
renommé savant Ibn Hazm, puisse Allah leur faire tous
miséricorde.
Youssouf Ibn Tashfine ordonna d’exécuter tous les prisonniers
croisés, de trancher leurs têtes et d’en faire des tours puis,
durant quatre jours successifs le muezzin lancèrent l’appel à la
prière sur le champ de bataille pour annoncer la victoire décisive
des Musulmans, des redoutables bédouins voilés du désert. 10.000
têtes furent envoyées à Séville, autant à Grenade, à Valence, à
Saragosse, à Murcie et 4000 au Maghreb ou elles furent partagées
entre les différentes villes pour que les Musulmans remercient Allah
Exalté pour Sa victoire accordée.
Un
immense butin fut ramassé et présenté à Youssouf Ibn Tashfine qu’il
déclina et laissa aux participants de la bataille. Il leur dit qu’il
n’était venu que pour combattre dans la voie d’Allah et défendre les
Musulmans. La victoire de la bataille fut largement fêtée en
Ifriqiyah, au Maghreb et en Andalousie. Les Musulmans donnèrent des
quantités d’aumônes pour la circonstance et par remerciements envers
le Seigneur pour Ses grâces accordées et après avoir été longuement
humiliés, ils retrouvèrent la joie.
De
nos jours et avec des armes automatiques, après une heure ou deux de
combat, les soldats éprouvent déjà la fatigue et beaucoup de
soldats, particulièrement ceux des mécréants, recourent à quantités
des stimulants dont l’alcool pour se donner de la force, du courage
et le moral. Que dire alors de ces Musulmans qui combattaient avec
des sabres et des lances, à la force de leurs bras sur des chevaux
et des chameaux, durant tant d’heure et sans stimulants !
Incontestablement, ils étaient bien plus forts et plus puissants que
nous.
Autre récit de l’arrivée de Youssouf Ibn Tashfine
Ce
récit, sans être contradictoire, diffère sensiblement du précédent
et du fait de non seulement sa clarté mais aussi des sources dont il
est tiré, nous l’avons préféré pour établir le plan de la bataille.
Voici
un autre compte rendu plus détaillé de l’arrivée d’Ibn Tashfine en
Andalousie compilé de plusieurs sources dont Abi Zar’ al-Fassi
auteur du livre « annis al-moutrib » dans le pur style du
rapporteur musulman. Nous rapportons donc les évènements seulement
avec les noms arabes employés dans les textes dont vous êtes
maintenant familiers avec les dates de l’Hégire.
« Quand Youssouf Ibn Tashfine constata que la remise de l’île
n’était pas refusée, il se prépara à traverser pour l’Andalousie et
pour cette raison, ayant rassemblé ses commandants et ses troupes,
qu’il avait convoqué, il leur annonça qu’il voulait aller en avant
contre les croisés et quelques jours plus tard, à la tête d’une
grande force, marcha vers Sabta (Ceuta).
Alors
le gouverneur d’Ashfillia (Séville), al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad,
n’oubliant jamais de promouvoir ses propres vues ambitieuses et
ayant une bonne opinion de lui-même, impatient d’impressionner
l’émir des Musulmans, en espérant qu’à la fin Youssouf pourrait être
amené à agir plus particulièrement en sa faveur, décida de partir à
la rencontre du souverain du Maghreb. Mais ses affaires atteignirent
une crise périlleuse quand des messagers de Sarqasta (Saragosse)
vinrent lui annoncer que la ville était cruellement assiégée par le
roi Alfonsh et sur le point de capituler. Ayant entendu que Youssouf
Ibn Tashfine avait quitté le Maghreb pour Sabta, il pensa que la
situation était propice pour son but et, pour cette raison, il
s’embarqua avec une brillante compagnie de nobles Andalous, traversa
la mer étroite et alla visiter le souverain des Musulmans, qu’il
rencontra dans la région de Tanger, à
l’endroit connu comme Melilla, qui n’est qu’à trois jours de
voyage de Sabta.
Youssouf Ibn Tashfine qui était brun, de taille moyenne, fin, avec
peu de barbe, une voix douce, des yeux noirs, un nez aquilin, les
cheveux crépus retombant sur le bord de l’oreille, les sourcils
joints l’un à l’autre, reçut très amicalement le gouverneur
d’Ashfillia et Ibn ‘Abbad lui fit part en grande partie de la
condition de l’Andalousie, et lui dit que les Musulmans de ce pays
avaient placé en lui tous leurs espoirs de liberté et de sécurité
après Allah Exalté. Il lui demanda aussi de les relever rapidement
de leurs peurs perpétuelles, de leurs lourdes inquiétudes et de
l’injustice auxquels ils étaient soumis.
Le
gouverneur d’Ashfillia souligna aussi l’orgueilleuse insolence
d’Alfonsh et lui décrivit les victoires que ce monarque avait
obtenues, les incursions par lesquelles il avait dévasté les terres,
les sièges qu’il avait faits subir aux villes et termina en
l’informant que le mécréant bloquait actuellement la ville de
Sarqasta qu’il était sur le point de réduire à son obéissance.
Ibn
‘Abbad parla aussi au souverain des Musulmans des différents émirs
de l’Andalousie, décrivant les qualités de chacun et les maux que
tous avaient subis à cause de leurs désaccords et conflits qui
étaient la cause principale de leur déchéance et de la ruine de
l’état.
À
cela, Youssouf Ibn Tashfine répondit : « Retourne immédiatement vers
tes terres et prends en bien soin. Je vous rejoindrai là-bas, si
Allah le veut, sans retard. Je suis prêt à être votre chef et votre
général et ne doute pas que nous vaincrons. Va, et je suivrai ».
Ibn
‘Abbad revint en conséquence en Andalousie et Youssouf procéda vers
Sabta, où il prit toutes les dispositions pour sa traversée. Il
prépara des navires, rassembla ses bannières, réunit ses gens et
ayant soigneusement mit les affaires de l’état et des provinces en
ordre, il ordonna à sa force bien préparée d’embarquer et seul Celui
qui les a créé sait le nombre d’hommes qui traversa.
Cette
innombrable multitude navigua alors vers Jibal Tariq (Gibraltar) et
établit le camp sur ses plaines. Youssouf Ibn Tashfine débarqua
aussi sur ses rivages, accompagnés par Ibrahim et un nombre
considérable de généraux Mourabitine de la tribu de Lamtounah, dont
il avait une grande confiance, les honoraient et leur montraient
l’estime particulière et la considération qu’il avait pour eux.
Lorsque le moment fut venu pour la nouvelle traversée, Youssouf Ibn
Tashfine, embarqua sur son navire et lorsque celui-ci prit la mer,
il éleva ses mains vers le ciel et implora ainsi : « Allahoumma
(Grand Seigneur) ! Si ma traversée de cette mer est un bien pour les
Musulmans, que Toi Seul peut connaitre, alors facilite nous la
traversée et apaise ses eaux mais si cela n’est pas un bien pour
eux, ne me permet pas le passage ». Et aussitôt qu’il eut finit
cette supplication, Allah Exalté apaisa les vagues et la mer devint
sereine et calme, et la traversée s’effectua rapidement le jeudi de
pleine lune du mois de Rabi’ Awwal de l’année 479 (de l’Hégire).
L’émir des Musulmans débarqua joyeusement à Jazirat al-Khadrah
(l’ile Verte ou Algésiras) ce même jour et accomplit sa prière. Le
gouverneur d’al-Jazirat al-Khadrah, Yazid, le plus jeune fils d’Ibn
‘Abbad, le gouverneur d’Ashfillia, vinrent à sa rencontre avec une
magnifique compagnie de cavaliers, comme cela lui avait été ordonné
par son père, tandis qu’à la porte de la ville, l’attendait
al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad en personne, escorté de tous les émirs
d’Andalousie, et assisté par un grand nombre de chefs, de
commandants et de nobles.
Aucun
temps ne fut perdu et sitôt l’arrivée de Youssouf Ibn Tashfine, ce
même soir, un conseil fut tenu sur la campagne que les alliés
étaient sur le point de conduire.
Pendant le temps ou Youssouf Ibn Tashfine resta avec son armée dans
le camp établit à Jazirat al-Khadrah, l’émir des Musulmans fit
renforcer les murs, restaura les parties délabrées et fit
reconstruire les tours qui étaient tombées à l’abandon. Il ordonna
aussi de creuser un profond fossé autour de la ville et fournit
abondamment le fort de toutes les munitions de guerre ainsi que des
provisions pour plusieurs jours. Youssouf Ibn Tashfine, y laissa
alors une garnison choisie avec un soin particulier, et recommanda
aux officiers choisit, une garde attentive et constante.
Ce
fut la première traversée en Andalousie de l’émir des Musulmans,
Youssouf Ibn Tashfine, qui traversera quatre fois au cours du reste
de sa vie.
Al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad repartit pour Ashfillia, pour ordonner la
préparation des provisions exigées par les Mourabitine qui était
venu à son secours et aussi pour préparer les présents qu’il
destinait à l’émir et à ses principaux chefs, suivit par Youssouf
Ibn Tashfine qui quitta Jazirat al-Khadrah quand il fut satisfait
des arrangements et des précautions suffisantes prises pour la
protection de la ville.
Certains auteurs ont rapporté qu’al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad rencontra
Youssouf Ibn Tashfine à une distance d’un jour de voyage
d’al-Jazirat al-Khadrah. Ces mêmes historiens ont rapporté que
lorsque le gouverneur d’Ashfillia vit approcher l’émir des
Musulmans, il voulut descendre de son cheval pour embrasser ses
mains en guise de courtoisie mais que Youssouf Ibn Tashfine ne
l’autorisa pas à faire ainsi et s’approcha rapidement pour le saluer
avant qu’il n’ait eu le temps de descendre. Les deux monarques
parlèrent de la guerre et des affaires des Musulmans durant la
marche tandis que l’armée fut pourvue de provisions en abondance.
Tous ceux-ci qui avaient de l’animosité envers Ibn ‘Abbad oublièrent
leurs différents à l’égard des qualités et de la noblesse des émirs
à la satisfaction de tous. Le gouverneur d’Ashfillia ne se lassa
jamais, pendant ce temps, d’admirer la vaste force des troupes
soigneusement choisies et bien équipées que Youssouf Ibn Tashfine
avait apporté avec lui et considéra comme une certitude que leur
campagne contre Alfonsh serait prospère.
Aussitôt que Youssouf Ibn Tashfine, sur les traces de son armée,
débarqua en Andalousie, la nouvelle parvint à Alfonsh (Alphonse), et
ébranla son courage et sa résolution. Néanmoins, il réunit un
conseil de ses généraux et il fut décidé qu’Alfonsh écrive à Ibn
Radmir (Sancho, roi d’Aragon), qu’Allah le maudisse, qui assiégeait
la ville de Tartoshah (Tortose) ainsi qu’à Borhanshe (Sancho roi de
Navarre), qui portait la dévastation dans les territoires de
Bolansia (Valence).
Lorsque ces derniers reçurent les lettres, ils se dépêchèrent avec
leurs forces à l’aide du roi de Qishtallah (Castille) Alfonsh,
qu’ils rejoignirent sans retard. Alfonsh, qu’Allah le maudisse,
envoya aussi des messagers aux souverains des royaumes de Qishtallah
(Castille), de Jiliqyah (Galice) et de Biyounah (Bayonne) desquels
il reçut bientôt des innombrables armées de croisés. Lorsque toutes
ces hordes de mécréants se rassemblèrent autour du roi, il organisa
ses armées, rassembla ses commandants, et quand Alfonsh, que la
malédiction d’Allah soit sur lui, eut passé en revue ses effectifs,
il constata qu’elle était constituée d’une innombrable force dont
plus de quatre-vingt-mille représentait la seule cavalerie et la
moitié de ces cavaliers étaient recouverts de lourdes armures de fer
tandis que l’autre moitié consistait en une cavalerie légère. Dès
qu’Alfonsh les mis en ordre, il convint alors qu’il pouvait
désormais marcher à la rencontre de Youssouf Ibn Tashfine et des
armées musulmanes.
Youssouf Ibn Tashfine, de son côté, quitta en toute hâte al-Khadrah
(Algésiras) précédé par son avant-garde, sous le commandement de son
général Abou Souleyman Daoud Ibn ‘Ayshah et se dirigea vers
Ashfillia où les troupes firent une halte de huit jours, son
seulement pour se reposer mais aussi pour parachever les préparatifs
nécessaires pour l’inévitable bataille à venir. Les émirs
d’Andalousie convièrent aussi leurs gens qui désiraient prendre part
à la bataille à qui ils ordonnèrent de rejoindre l’armée en marche
vers Batalios quand des Musulmans arrivèrent de toutes les province
de l’Espagne, excepté l’émir d’al-Mariyah (Almeria) qui s’excusa de
ne pouvoir le faire car étant au contact direct avec les ennemis
d’Allah sur la frontière qui lui empêchaient la liberté de
mouvement.
Le
gouverneur d’al-Gharb (Algarve ou du Portugal), ‘Omar Ibn al-Aftas,
envoya son frère al-Moustansir en avance sur l’armée, avec l’ordre
de fournir des munitions et la logistique nécessaire aux combattants
et aux chevaux tout le long de la ligne de marche. Quand tous les
émirs et les commandants rejoignirent leurs troupes, les gens
considérés inaptes pour la bataille furent invités à rentrer chez
eux puis ceci fait, l’armée fin prête quitta Ashfillia.
L’émir des Musulmans, Youssouf Ibn Tashfine en personne, prit le
commandement de l’avant-garde de l’armée avec pour second, le
commandant Daoud Ibn ‘Ayshah, et peu de temps après, il décida de
former deux corps d’armée distincte. L’armée des Mourabitine et
celle des Andalous, commandée par al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad
d’Ashfillia, accompagné des émirs d’Andalousie dont Ibn Habous,
le gouverneur de Gharnata (Grenade), Ibn Mouslimah, le gouverneur
des régions frontalières du nord ainsi qu’Ibn Danoum, Ibn al-Aftas
et Ibn Ghazoun.
Youssouf leur ordonna d’accompagner al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad, afin
que toutes les troupes de l’Andalousie ne forme qu’une seule et même
armée, suivit par celle des Mourabitine. Ceci exécuté, les
mouvements des troupes s’effectuèrent dans un tel ordre qu’au moment
où Youssouf Ibn Tashfine arrivait avec ses hommes, l’armée
d’al-Mou’tamid qui l’avait précédé quittait aussitôt le campement.
Ils avancèrent tous ainsi jusqu’à Tartoshah, où ils restèrent durant
trois jours, et c’est là que Youssouf Ibn Tashfine adressa une
lettre à Alfonsh, pour lui offrir trois choix : embrasser l’Islam,
payer la Jizyah, ou la guerre.
A la
réception de cette lettre, Alfonsh entra dans une grande colère, et,
plein d’orgueil, dit à l’envoyé de Youssouf : « Dis à ton maître, de
ne pas se déranger, et que je viendrai le trouver
moi-même ».
Il a
été rapporté qu’avant de quitter Toleytela (Tolède), le roi de
Qishtallah, Alfonsh, que la malédiction d’Allah soit sur lui, eut un
rêve ou il vit une terrible vision et plusieurs fois de suite. Dans
son rêve, Alfonsh, crut qu’il était monté sur un éléphant et à ses
côtés, se trouvait un tambour élevé sur lequel il lui semblait qu’il
le faisait résonner avec ses propres mains; mais les clameurs qui
sortaient de l’instrument étaient si prodigieux et effroyables,
qu’ils réveillaient instantanément le roi terrifié et stupéfié. Et
puisque c’était un rêve incessant, Alfonsh ne pouvait pas s’empêcher
d’y penser bien qu’il savait que la plupart des rêves n’étaient que
des chimères et il se souvint aussi qu’ils pouvaient être de grands
évènements prémonitoires que Dieu présentait aux âmes lors des
heures de repos et de quiétude.
Ainsi
après plusieurs nuits de ces rêves perturbateurs, Alfonsh fut
réveillé par ceux-ci oppressé et inquiet jusqu’à l’aube et quand le
jour se leva, il ordonna d’amener les hommes les plus sages en sa
présence, les sages parmi les moines, les évêques et les prêtres
accompagné par les rabbins des Juifs, qui étaient ses vassaux ainsi
que ceux qui étaient qualifiés dans les divinations et
l’interprétation de rêves.
Tous
ces sages réunis en sa présence, Alfonsh leur fit une description
exacte de son rêve et dit : « Ce qui m’étonne le plus et m’inquiète
dans cette affaire, c’est la particularité de l’éléphant que je vois
dans ces mes visions et qui est un animal non élevé dans notre pays,
ni qui s’y trouve ainsi que les tambours qui sont différent que ceux
que nous utilisons parmi nous et qui ne sont pas de ce pays. Que
ceux qui me peuvent me donner une interprétation et la signification
de cela, le fasse sans retard ».
Les
sages se retirèrent puis après avoir considéré la vision, ils
revinrent en présence d’Alfonsh, à qui ils dirent : « Seigneur roi,
la signification de ce rêve est que vous vaincrez ces armées que les
Musulmans ont rassemblées contre vous, que vous dévastions leur camp
et serons les maîtres des richesses qu’ils apportent avec eux, que
vous occuperez leur territoire et retournerez victorieux avec grand
honneur et une fameuse gloire. Il indique, en outre, que votre
triomphe sera célébré par l’est. Cet éléphant que vous enfourchiez
est ce Youssouf Ibn Tashfine, le roi des Musulmans et le seigneur
des terres étendues de l’Afrique, de même que les éléphants sont
rares dans les déserts de ce pays que vous devrons conquérir quant
eux tambours bizarrement formés que vous avez frappés plusieurs
nuits indiquent la gloire et la merveilleuse renommée qui résonnera
partout dans le monde à la connaissance de vos illustres
victoires ».
Alfonsh écouta leur interprétation avec une attention extrême mais
quand les sages cessèrent de parler, il dit : « Il me semble que
vous êtes bien loin de la véritable interprétation de mon rêve,
et ce que je pressens dans mon cœur, et je me trompe
rarement, m’annonce la terreur et la consternation ».
Ayant
ainsi parlé, Alfonsh tourna la tête et vit certains cavaliers
musulmans qui étaient ses vassaux et qui étaient présent. Il leur
demanda : « Connaissez-vous par hasard n’importe quel ‘Alim
de votre nation, qui est habile dans l’interprétation des rêves ? »
Les cavaliers savaient qu’il y avait un savant qui enseignait dans
une des mosquées et qui interpréterait la vision à la satisfaction
du Roi.
Alfonsh ordonna alors de leur amener ce savant en sa présence car il
désirait le voir et lui parler de l’affaire en question. Les
cavaliers allèrent donc trouver l’homme qui était le Faqi' Muhammad
Ibn ‘Izza et l’informèrent de la volonté d’Alfonsh.
Muhammad
Ibn ‘Izza leur demanda alors pour quelle raison le roi voulait le
voir et ils lui répétèrent ce qu’ils avaient entendu de l’affaire,
en ajoutant que le roi désirait entendre l’interprétation d’un rêve
de sa bouche mais le Faqi' Muhammad refusa et se mit à
répéter : « Allah est mon Seigneur et mon Protecteur; dans Ses mains
sont le bien et le mal qui doivent être mon sort » et à part cela,
les cavaliers ne purent rien obtenir de plus de lui.
Très
mécontents, ces messagers retournèrent chez le roi et pour éviter de
le mettre en colère qui pourrait causer la destruction du savant,
ils lui dirent : « Seigneur roi, ce Faqi' est un homme
austère et de grande humilité, dans la mesure où il ne considère pas
légal pour lui d’entrer dans les palais et les habitations des
grands mais, comme c’est une courtoisie de sa loi et de son humilité
religieuse, il nous semble excusable et pour cette raison, si votre
Hauteur le permet, nous rapporterons au savant le rêve vous avez eu
et vous rapporterons alors l’explication ». Alfonsh accepta cette
proposition, leur répéta son rêve et les cavaliers musulmans
retournèrent chez le Faqi' et lui racontèrent très
minutieusement la vision du roi. Il leur demanda de le laisser
réfléchir sur le sujet et après un certain temps leur dit :
« Retournez chez lui et dites-lui que l’accomplissement de sa vision
est très près et que la signification du rêve est qu’il sera vaincu
honteusement lors d’un grand massacre qu’il s’enfuira avec juste
quelques-uns de ses soldats et que les Musulmans seront victorieux.
Dites-lui, de plus, que cette interprétation est tirée du Noble
Qur’an : « N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les
gens de l’éléphant. N’a-t-Il pas rendu leur ruse complètement vaine
et envoyé sur eux des oiseaux par volées qui leur lançaient des
pierres d’argile ? Et Il les a rendus semblables à une paille
mâchée ».
« Ces
mots, » poursuivit le savant, « sont une allusion à la défaite et la
chute d’Abraha, le roi abyssinien, quand il marcha vers l’Arabie,
monté sur un grand éléphant, avec sa vigoureuse armée avec
l’intention de détruire al-Haram, la Maison de Dieu qui l’a
détruit avec son armée quand des oiseaux lui jetèrent des boules de
feu incandescents transformant sa fière et pompeuse détermination en
malheur et exécrable poussière. Quant aux tambours suspendu près de
lui sur lesquels il frappait avec ses propres mains, cela indique
que l’heure de sa destruction approche et que le jour où il entendra
le fracas de tambours du rang de ses ennemis, sera un jour de
terreur, de défaite et de carnage pour les mécréant ».
Cette
interprétation fut rapportée à Alfonsh qui changea de couleur
lorsqu’il l’entendit et dit : « Par le dieu de ma vénération !
Que votre savant tremble s’il a menti, car que je ferais de lui un
exemple ». Mais quand cette féroce menace fut répétée au savant, il
l’a traita avec mépris
et dit : « Ni lui ni personne ne peut me causer du tort, sans la
permission d’Allah et ce sera Sa volonté ».
Youssouf poursuivit sa marche ainsi qu’Alfonsh jusqu’aux environs de
la ville de Batalios (Badajoz), où Youssouf établit son camp, à
l’endroit nommé Zallaqa à une vingtaine de kilomètres de la ville.
Al-Mou’tamid et les autres émirs, arrivés les premiers, établirent
leur camp au-delà d’une colline qui les séparait de Youssouf, pour
en imposer davantage aux mécréants. Les armées ennemies n’étaient
séparées que par le fleuve de Batalios, Nahr Hagir,
dont les uns et les autres utilisaient son eau.
Cette
situation dura trois jours, durant lesquels les émissaires allaient
et venaient entre les deux camps, jusqu’à ce l’accord de la bataille
soit fixé au lundi 14 du mois de Rajab, de l’année 679. Sitôt après
cette accord, al-Mou’tamid envoya un message à Youssouf pour lui
demander de se tenir sur ses gardes et de s’apprêter au combat,
parce que les ennemis d’Allah étaient rusés et traîtres.
Dans
la nuit du jeudi 10 du mois de Rajab, soit le début du vendredi, Ibn
‘Abbad prépara ses rangs et arrangea son armée. Il plaça des
cavaliers sur un mont élevé pour épier l’ennemi et ses mouvements,
et lui-même n’interrompit sa surveillance qu’à l’aurore du vendredi.
Mais, tandis qu’il achevait la prière du matin, pour laquelle il
était un peu en retard, les cavaliers qu’il avait postés arrivèrent
en toute hâte, et lui apprirent que l’ennemi s’était mis en
mouvement et se portait contre les Musulmans avec une armée
nombreuse comme des nuées de sauterelles.
Ibn
‘Abbad informa Youssouf, qui était déjà prêt au combat, et qui avait
également mis en ordre de bataille ses troupes durant cette nuit où
personne ne dormit. Youssouf fit aussitôt avancer son commandant
al-Mouzaffar Daoud Ibn ‘Ayshah, à la tête d’une forte troupe de
Mourabitine et de volontaires. Daoud Ibn ‘Ayshah était sans égal
dans la détermination, le courage et la persévérance.
De
son côté, le mécréant ennemi d’Allah, Alfonsh, partagea son armée en
deux corps, et avança à la tête de l’un d’eux, contre l’émir des
Musulmans Youssouf Ibn Tashfine. Ayant rencontré l’avant-garde, sous
les ordres du commandant Daoud Ibn ‘Ayshah, le sanglant combat
débuta et les Mourabitine eurent à déployer la plus grande
résignation, car le maudit les écrasa par le nombre de ses soldats,
et ils furent presque tous détruits, non sans avoir porté tant de
coups, que les lames de leurs sabres s’ébréchèrent et devinrent
comme des scies, tandis que leurs lances volèrent en éclats.
La
seconde partie de l’armée des maudits, sous les ordres de Borhane et
d’Ibn Radmir, marcha sur le camp d’Ibn ‘Abbad qu’elle détruisit.
Tous les chefs andalous s’enfuirent vers Batalios, et seul Ibn
‘Abbad avec ses soldats restèrent fermes et soutinrent le choc de la
bataille avec obstination et patience.
Youssouf Ibn Tashfine, en apprenant la fuite des gouverneurs
d’Andalousie et les résistances héroïques d’al-Mou’tamid et de Daoud
Ibn ‘Ayshah, envoya aussitôt à leur secours son commandant Syr Ibn
Abou Bakr à la tête des Berbères de Zinata, de Masmoudah, de
Ghamarah et de tous les Berbères du camp. Ensuite, il s’élança en
personne avec les troupes de Lamtounah, les Mourabitine et les
Sanhadja contre le camp d’Alfonsh, et ne s’arrêta que lorsqu’il l’y
eut pénétré.
Pendant ce temps, Alfonsh était absent et occupé à combattre Daoud
Ibn et Youssouf incendia le camp ennemi, massacra les fantassins et
les cavaliers qu’Alfonsh avait laissés en garde dont quelques-uns à
peine s’enfuirent et arrivèrent jusqu’à lui, poursuivis par l’émir
des Musulmans victorieux, qui avançait étendards déployés, tambours
battants, précédé par ses troupes de Mourabitine qui abattaient les
mécréants avec leurs sabres. Alfonsh fut surprit de les voir et
s’écria : « Qu’est-ce donc cela? » On lui répondit que son camp
avait été brûlé, ses gardes massacrés, et ses femmes faites
prisonnières.
Alfonsh fit aussitôt volte-face pour attaquer l’émir des Musulmans
qui, de son côté, se précipita sur lui. La bataille s’engagea, et
elle fut telle, que jamais on ne vit de pareille tandis que l’émir
des Musulmans, parcourait les rangs des croyants pour les encourager
et les motiver sur la patience nécessaire dans le combat dans la
voie d’Allah. Il disait : « O Musulmans ! Soyez forts et patients
dans ce Jihad contre les mécréants, les ennemis d’Allah.
Celui qui d’entre vous mourra ira au paradis comme un martyr, et
celui qui ne mourra pas gagnera, de grandes récompenses et un riche
butin ». Et tout en
encourageant ses gens, l’émir des Musulmans
combattit bravement
et après avoir enfourché un troisième
cheval,
il
plongea
dans
l’endroit
le
plus
périlleux de ce champ
ensanglanté.
Les Musulmans combattirent ce jour-là comme combattent ceux qui
aspirent au martyr, ne craignant pas la mort.
Cependant, al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad, qui résistait encore fermement
avec ses compagnons, combattit avec désespoir sans connaitre l’état
général de la bataille. Ignorant ce qui venait de se passer, il fut
surpris de voir les ennemis d’Allah reculer et s’enfuir, tandis que
les sabres s’abattaient sur les épaules des mécréants battus,
ravageaient et créaient la confusion dans leurs rangs. Voyant cela,
il appela son peuple : « En avant donc contre les ennemis d’Allah
qui a compté leur temps » cria-t-il. Puis, il reprit la lutte avec
une ardeur accrue, et aussitôt tous ses compagnons reprirent
courage.
Et
sur ce, le commandant des Mourabitine Syr Ibn Abou Bakr, arriva avec
les Berbères du Maghreb des Bani Masmoudah, des Zinata, des Ghamarah
et fondirent sur les mécréants qui furent totalement écrasés et
détruits après avoir blessé le maudit Alfonsh et la victoire fut
complète. En apprenant la victoire de l’émir des Musulmans, les
Musulmans qui avaient pris la fuite revinrent, les cœurs ranimés et
combattirent jusqu’au coucher du soleil.
Quand
le maudit Alfonsh vit, alors que la nuit tombait sur le champ de
bataille, que toute ses armées avaient été anéanties avec ses plus
braves commandants par la bravoure des forces des Mourabitine et la
ténacité des Musulmans et qu’il ne lui restait d’autre alternative
que la fuite, dans le total désarroi il abandonna rapidement le
champ de bataille, incertain sur la direction à prendre, suivit par
environ cinq-cents rescapés seulement, pourchassé par les
Mourabitine qui poursuivirent les fugitifs à travers la montagne et
la vallée, les cueillant les uns après les autres, jusqu’à ce que la
nuit sombre ait interposé son voile sombre entre les Musulmans et
leurs proies.
Les
Musulmans vainqueurs passèrent la nuit sur le champ de bataille à
empiler les corps des mécréants et les objets récupérables, tout en
louangeant le Seigneur de leur avoir accordé Son aide, Sa protection
et Ses grâces jusqu’à la prière d’as-Soubh qui fut
accompli au milieu du champ de bataille.
Ce
fut l’une des plus horrible défaite et massacre qu’Allah Exalté
infligea à Ses ennemis par les mains de Ses serviteurs, l’une des
plus glorieuse bataille et une grande victoire qui coûta la vie aux
rois, aux guerriers et aux protecteurs des mécréants.
Bien
avant la fin de la bataille, leurs plus illustres commandants
avaient tous déjà mordu la poussière et leur maudit roi, s’enfuit
dans la plus grande difficulté et seul les rapides chevaux des
survivants leur permirent d’échapper. Toutefois, un grand nombre
gravement blessés succombèrent sur la route et sur quelques
cinq-cents mécréants survivants seuls une centaine qui était les
domestiques et des gens de la suite du maudit parvinrent à
Toleytela.
Cette
remarquable bataille eut lieu le vendredi 14 du mois de Rajab de
l’année 479. Il fut présenté à environ trois-mille Musulmans la
couronne du martyr et Allah, à Lui les Louanges et la Gloire sait
mieux qui est martyr, à ceux qui furent tués au combat. L’émir des
Musulmans ordonna de couper les têtes des mécréants et elles furent
amassées en un tel nombre, qu’on eût dit une montagne.
L’émir envoya dix-mille têtes à Ashfillia, autant à Sarqasta, à
Moursiyah (Murcie), à Qortoba (Cordoue) et Bolansia et
quarante-mille au Maghreb, où elles furent réparties dans les
différentes villes, pour y être exposées aux regards des hommes,
invités à rendre grâce à Allah pour cette grande victoire et pour
Ses bienfaits.
Le
nombre de mécréants tué à Zallaqa s’éleva à quatre-vingt-mille
cavaliers et cent-mille fantassins et ainsi Allah, à lui les
Louanges et la Gloire, humilia les Moushrikine (polythéistes)
d’Andalousie qui ne relevèrent plus leur tête durant soixante ans.
Certains ont rapporté que la lettre qui suit fut envoyée après la
bataille au Maghreb par l’émir des Musulmans, Youssouf Ibn Tashfine
pour les informer de la victoire :
« Les
louanges sont tout d’abord dues à Allah le Très Haut, le Défenseur
Glorieux de Sa Loi, qui garantit la victoire à ceux qui suivent la
religion qu’Il a choisie et Bénédictions augmentées de félicité, de
perfection et de miséricorde à notre maitre Muhammad, le plus
vertueux de Ses Prophètes, Son excellent messager, le plus noble et
le plus honoré des êtres créés.
A
peine sommes-nous approché du camp de l’ennemi d’Allah le tyran
Alfonsh, qu’Allah le maudisse, et convenu entre nous ce que nous
devions faire, que nous montrâmes notre détermination au roi
mécréant, et lui firent part de nos propositions, en lui donnant le
choix entre trois choses : L’Islam, la Jizyah ou la guerre
qu’il préféra.
Puis,
il fut décidé que la bataille serait conduite le lundi 17 Rajab
après qu’il eut affirmé que, « Le vendredi est le jour de fête des
Musulmans, le samedi des Juifs, dont un grand nombre se trouve dans
nos rangs tandis que le dimanche est le nôtre ».
Mais
ce maudit et ses gens ne tinrent pas leur parole comme c’est leur
coutume, ce qui augmenta notre fureur et notre juste colère dans la
bataille. Soupçonnant sa perfide intention, nos espions les
observèrent et nous informèrent sur leurs mouvements. À l’heure d’as-Soubh
(la prière de l’aube) le vendredi 14 de Rajab, nous fûmes
informés des préparations du camp de l’ennemi pour l’attaque, qui
fondit aussitôt sur nous, mais pour sa propre chute et ruine. Alors
les Musulmans les plus vaillants se levèrent comme un pour l’engager
et attirer sur lui le malheur et lacérer ses innombrables rangs. Les
forces des Musulmans, comme des aigles sur leur proie, fondirent sur
la nuée de l’ennemi et la cavalerie s’empressa de repousser
l’attaque de la horde mécréante avec la force du vaillant lion. Nos
bannières de bonheur, de victoire et de l’illustre martyr, se
répandirent largement à travers le champ de bataille et la force des
Lamtounah se jetèrent en avant terrifiant Alfonsh Ibn Fridiland le
maudit. Quand les mécréants virent nos étendards de foi et de
triomphes flottants au-dessus de leurs têtes, la splendeur de notre
cavalerie conquérante les confondis et ils furent éblouis et
épouvantés, comme frappe de désarroi la terrifiante foudre. Le nuage
portant la tempête de nos lances les ombragea et ils furent
submergés par les lames des croyants et piétinés par les sabots de
leurs propres féroces chevaux, leurs râles étouffés par le tonnerre
écrasant des tambours.
Dans
leur propre piège tombèrent alors les mécréants et leur maudit tyran
Alfonsh qui voulut tromper par ses stratagèmes les fils de la foi
mais les impétueux Mourabitine leur montrèrent la vérité de
l’affaire. Dans la tornade puissante de ce conflit impétueux, nos
sabres empourprés fauchèrent l’air et les pointes des lances acérées
se retirèrent des béantes blessures, entrainant de larges et rapides
fleuves de sang qui se répandirent des hordes de l’ennemi, tué sur
notre passage au nom d’Allah, le Tout Puissant, l’Omnipotent, le
Protecteur Exalté.
Chacun de nos propres braves guerriers se tinrent prêt de leurs
côtés à faire jaillir les ruisseaux vermeils au-devant des mécréants
et d’Alfonsh le maudit, dont seul quatre-cents cavaliers s’enfuirent
vivants sur les quatre-vingt-mille cavaliers et les cent-mille
fantassins, qu’il apporta dans cette bataille, puissent-ils trouver
le même sort. Mais ces hordes de mécréant était des gens qu’Allah le
Très Haut avait destiné aux roues de la destruction, pour être
broyés jusqu’à l’anéantissement, autorisant seuls quelqu’un de cette
maudite race pour en témoigner et vivre avec la vision de leur
calamité jusqu’à leur fins
Quelle terrible vision et grande épreuve pour eux et quelle patience
pourraient-ils trouver pour les consoler à cette heure
d’irrémédiable désespoir et d’indignation courroucée quand ils
considérèrent que toutes les représailles et leur espoir de
vengeance étaient impossibles. Et même, s’il ne resta rien à Alfonsh
excepté le vain et misérable refuge dans les gémissements et les
lamentations, et il n’eut aucun refuge, sauf celui de se cacher dans
l’obscurité de la mortelle sombre nuit.
L’émir des Musulmans, le destructeur des mécréants inamicaux,
Youssouf Ibn Tashfine victorieux, après voir remercier Allah, à Lui
les Louanges et la Gloire, se reposent maintenant sur le char de son
triomphe dans une sécurité bénie, sous l’ombre de ses bannières
conquérantes qui sont les enseignes de protection et de gloire. Et
déjà les fleuves coulant de sa gloire, le courant de son impétueuse
force se répand chez ses guerriers, sur les villes et les
forteresses de l’ennemi. Les croyants dévastent les champs des
mécréants et chargent de fers ses gens captifs, sous les yeux
satisfait de l’émir et sa joie, tandis que le maudit Alfonsh
considère consterné et désorienté les mêmes évènements qui donnent
le vertige.
De
tous les émirs d’Andalousie, seul Ibn ‘Abbad, le roi d’Ashfillia fut
constant dans la lutte et refusa de tourner son visage devant la
peur du cruel carnage, maintint sa position et lutta fermement comme
devrait le faire le plus brave et le plus noble guerrier de sa terre
d’une manière digne qui lui valut l’estime de l’émir des Musulmans.
Néanmoins, il sortit de la bataille avec seulement une légère
blessure au côté et cela lui servira comme un souvenir glorieux de
ce conflit prodigieux.
Alfonsh Ibn Fridiland, le maudit, trouva refuge dans les ténèbres de
la nuit et sauva sa vie en s’enfuyant précipitamment sur des routes
inconnues ni ne put donner de repos à ses yeux affligés. Et pour
tout cela les grâces doivent-être rendues à Allah le Plus haut ! »
Certains historiens ont rapporté qu’al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad supporta
six blessures au cours de cette bataille glorieuses d’après certains
vers qu’il écrivit peu après à son fils ‘Oubaydillah ar-Rashid et
que le gouverneur d’Ashfillia fut contraint à rester dans son
pavillon à cause de celles-ci tandis que Youssouf Ibn Tashfine et
ses Mourabitine poursuivaient les mécréants. Ibn ‘Abbad blessé prit
le fragment d’un rouleau de papier pas plus large qu’un ongle de
doigt et écrivit ces lignes à son fils, qui était alors à
Ashfillia : « À mon fils ar-Rashid. La force musulmane a rencontré
le fier Alfonsh et Allah Exalté a donné la victoire aux croyants, en
écrasant les mécréants par leurs mains, pour laquelle grâces doivent
Lui être rendues car Il est le Défenseur de toutes choses. Fasse que
tous les croyants prêt de toi en soient informés ». Alors il ferma
sa lettre, l’attacha sous l’aile d’un pigeon voyageur, qu’il avait
apporté d’Ashfillia avec lui, et le relâcha pour qu’il puisse servir
transmettre les nouvelles glorieuses ».
Fin
du compte rendu.
Leçons tirées de la bataille de Zallaqa
Le retour d’Ibn Tashfine au Maghreb
La
bataille prit fin et le prétentieux Alfonsh, malédiction d’Allah sur
lui, fut brisé. La suite des évènements devait conduire au siège de
Tolède et de l’expulsion des Chrétiens. L’intention d’Ibn Tashfine
était de mettre fin à la menace des croisés mais de graves
évènements surgirent au Maghreb qui demandèrent son attention,
particulièrement la mort de son fils Abou Bakr et Ibn Tashfine
quitta l’Andalousie.
Avant
de partir, il s’adressa aux gouverneurs des royaumes indépendants
présents avec lui et leur demanda de s’entendre et de s’unifier et
leur rappela le Seigneur Glorifié soit-Il. Ceux-ci lui promirent de
l’écouter et qu’ils étaient prêt à s’entendre de nouveau et Youssouf
Ibn Tashfine quitta l’Andalousie au mois de Sha’ban de l’année 479
de l’Hégire (1086), un mois après la bataille de Zallaqa.
Youssouf Ibn Tashfine n’est pas resté assez longtemps pour s’assurer
de l’unification des gouverneurs et du retour de l’unité. Néanmoins,
son action fut d’une importance capitale puisqu’il mit fin à la
menace immédiate des croisés et recula l’expulsion des Musulmans
d’Andalousie pour quelques siècles.
Lorsque Youssouf Ibn Tashfine retourna au Maghreb, les gouverneurs
firent de même et retournèrent dans leurs capitales respectives et
vinrent alors les prêcheurs, les poètes et les lecteurs faire
l’éloge de la victoire de la bataille d’az-Zallaqa tant leur joie
était immense.
Le
poète ‘Abdel Jalil Ibn Wahboun raconte : « J’étais présent ce jour,
et j’avais préparé un poème pour le lire. Al-Mou’tamid Ibn ‘Abbad
commença par faire lire les lecteurs du Qur’an qui se mirent
à psalmodier avec leur plus belle voix. Un des lecteurs lit la
Parole d’Allah le Très Haut : «
Si
vous ne lui portez pas secours... Allah l’a déjà secouru, lorsque
ceux qui avaient mécru l’avaient banni, deuxième de deux. Quand ils
étaient dans la grotte et qu’il disait à son compagnon : « Ne
t’afflige pas, car Allah est avec nous. » Allah fit alors descendre
sur lui Sa sérénité « Sa sakina » et le soutint de soldats (Anges)
que vous ne voyiez pas, et Il abaissa ainsi la parole des mécréants,
tandis que la parole d’Allah eut le dessus. Et Allah est Puissant et
Sage[2]
».
A
l’écoute de ce verset, je me dis : « Combien suis-je loin ainsi que
mon poème de ces magnifiques versets et de leur sens. Ma présence
ici est vraiment inutile ». Puis, il se leva et quitta l’assemblée.
La
fête et la joie prirent fin mais les gouverneurs restèrent sur leur
profonde division et il n’y a de force et de puissance qu’en Allah
le Très Haut ! Ils ne tirèrent pas profit de cette opportunité ni de
ces leçons et encore moins des conseils d’Ibn Tashfine. Ils ne
profitèrent pas de cette victoire pour se réunifier, pour libérer
leurs terres et continuer ces conquêtes mais ils restèrent sur leurs
conflits et leurs divisions.
Ils
oublièrent l’excellente opportunité d’en finir définitivement avec
Alfonsh et personne ne donna l’assaut sur Tolède si bien que ce
dernier eut le temps de récupérer et de reconstituer une immense
armée.
[1]
Comme vous le savez l’utilisation des tambours est licite
dans trois circonstances : les mariages, les fêtes de l’‘Id
et les batailles pour effrayer l’ennemi.
[2]
Qur’an, Sourate 9, verset 40.