L’œuvre de ‘AbderRahmane ad-Dakhil

 

Pour les Musulmans, ‘AbderRahmane ad-Dakhil est un parfait exemple de réussite. Un exemple à suivre lorsque de nos jours personne ne se fixe de but grandiose dans la vie hormis se marier, avoir une maison, une voiture, des enfants et de l’argent.

‘AbderRahmane ad-Dakhil devient émir d’Andalousie à l’âge de 25 ans bien que sa tête fut mise à prix dès l’âge de 19 ans. Durant six années, il dut fuir de place en place pour finir dirigeant d’un état qu’il conquit seul sans armée et se vérifia la parole d’Abou Ja’far al-Mansour : « Celui-là est le Faucon des Qouraysh ».

‘AbderRahmane ad-Dakhil est un grandiose exemple de résistance, de fermeté et de patience malgré tous les événements auxquels il fit face et dont il sortit victorieux.

Au niveau militaire, ad-Dakhil était à la tête d’une armée permanente de 100.000 hommes farouches et parfaitement disciplinés sans compter son corps d’élite personnel de 40.000 hommes chargé de sa protection nuit et jour à Cordoue. Il construisit aussi une large force navale.

Il organisa les registres et fut seul responsable du gouvernement. Il divisa l’Andalousie en départements (wilayah) et construisit Cordoue pour rivaliser avec Bagdad (baghdad). Il introduisit les palmiers et les grenadiers et un grand nombre d’arbres fruitiers.

Il construisit la grande mosquée de Cordoue en l’an 170 de l’Hégire (786) et dépensa pour sa construction 8.000 dinars en or. Il construisit le pont de Rassafah auquel il donna le nom de son grand père Hisham : nommé en Syrien Rissafatou Hisham.

‘AbderRahmane ad-Dakhil était un homme éduqué et un poète. Il affectionna les poètes et les honora. Il était aussi un homme du commun toujours en contact avec les gens et les visitait.

Lorsque les révoltes se firent virulentes et qu’il craignit de se faire assassiner, il ne manquait jamais d’envoyer ses représentants parmi les gens afin de satisfaire leurs demandes. Il était un homme souriant, qui prêchait sur la chaire et soucieux de l’hospitalité envers les gens. Il leur demandait d’éviter de lui faire des demandes directes pour éviter de s’humilier eux même mais de transmettre leur demande par écrit.

Et nous avons vu comment il vint à bout de toutes les rebellions.

‘AbderRahmane ad-Dakhil éteint, lui succéda son fils Hisham surnommé al-Awwal (le premier) et aussi surnommé Hisham ar-Rida par les gens l’aimait tant il était un homme bon et juste. Certains historiens l’ont comparé à ‘Omar Ibn ‘Abdel ‘Aziz

 

Hisham ar-Rida fils et successeur de ‘AbderRahmane ad-Dakhil 

Hisham ar-Rida était un jeune homme pieux, avisé, sage si bien que tous les gens lui portèrent allégeance excepté son grand frère Souleyman qui refusa de le reconnaître comme émir d’Andalousie.

Hisham fit tout pour rechercher son agreement et le rapprocher de lui mais rien n’y fit. Il se prétendait le plus digne d’occuper le poste de son père. Souleyman revint donc à Tolède et entra en rébellion ouverte contre Hisham.

Il appela les Omeyyades à le soutenir et parvint à convaincre ‘AbdAllah, l’autre fils de ‘AbderRahmane ad-Dakhil, de se joindre à lui et bientôt une immense armée se forma. Souleyman prit son commandement et se dirigea vers Cordoue en l’an 173 de l’Hégire (789).

Hisham prépara son armée et avant que son frère ne parvienne à Cordoue, il alla à son encontre. S’ensuivit une décisive bataille ou Hisham fut vainqueur et Souleyman se sauva à Murcie (marsiya). Puis de la, s’ensuivit des pourparlers entre lui, ‘AbdAllah et Hisham. Hisham accepta leur demande et leur donna ce qu’ils réclamaient, une forte somme d’argent, pour mettre fin à ce différend entre lui et ses frères.

 

Comme Souleyman Ibn Yaqdan al-A’rabi et Houssayn al-Ansari se rebellèrent sous le règne de ‘AbderRahmane ad-Dakhil, de même, en l’an 174 de l’Hégire (790), leurs descendants : Matrouh Ibn Souleyman Ibn Yaqtan al-A’rabi et Sa’id Ibn Houssayn al-Ansari se rebellèrent à Saragosse contre Hisham. Hisham leur envoya Abou ‘Uthman à la tête d’une armée qui réussit à écraser l’armée des rebelles et à tuer leurs chefs.

Hisham rapprocha de lui les chefs de tous les clans et de toutes les tribus pour se libérer de leurs querelles et se consacrer à la lutte contre les Francs (franja). Il envoya plusieurs expéditions punitives contre les Goths au nord. Il conquit Castille (qishtalla) puis Astoliosh et écrasa l’armée du Roi Fernando qui perdit la plus grande partie de son armée lors de la bataille. Et lorsque Fernando mourut la succession revint à Alfonsh II.

 

En l’an 176 de l’Hégire (792), Hisham envoya plusieurs expéditions punitives qui parvinrent jusqu’à la capitale d’Alfonsh II. Mais retranché, Alfonsh II réussit à battre sévèrement les Musulmans et à pulvériser leur armée.

‘Abdel Malik Ibn Moughith, le commandant de cette armée mais aussi le ministre (wazir) de Hisham, réussit à fuir pour revenir aussitôt à la tête d’une nouvelle armée pour se venger de sa défaite. Là, il écrasa Alfonsh II qui faillit tomber prisonnier mais réussit à s’enfuir vers une lointaine forteresse et leur principale ville au nord et Nallone fut prise par les Musulmans.

 

Hisham ne fut pas pour autant satisfait et en l’an 177 de l’Hégire (793), il ordonna à ‘Abdel Malik de se diriger vers le Languedoc-Roussillon dans le sud de la France. ‘Abdel Malik traversa les Pyrénées et la capitale Narbonne tomba une nouvelle fois aux mains des Musulmans tandis que Charlemagne luttait contre les Saxons. Puis ‘Abdel Malik se dirigea vers Carcassonne (qarqashona) qu’il réussit à conquérir après avoir durement écrasé le Duc de Toulouse et prit des milliers de prisonniers.

 

En l’an 178 de l’Hégire (794) les Berbères se rebellèrent au sud de l’Andalousie mais Hisham ne perdit pas de temps et leur envoya une armée qui les écrasa.

 

Hisham resta au pouvoir entre l’an 172 et 180 de l’Hégire (788-796), combattant (moujahidan), conquérant (fatihan), unificateur (mouwahhidan) de l’Andalousie, réunificateur (moujami’an) des factions et des cœurs. Il eut affaire à peu de rébellion mais réalisa de larges et importantes victoires (intisarate) islamiques au pays des Francs et des Goths.

 

En l’an 180 de l’Hégire (780), Hisham ar-Rida décéda après avoir réussi à réunifier de nouveau l’Andalousie et couvert les Musulmans de nouvelles gloires, puisse Allah le Très Haut lui faire Miséricorde.

Il rapprocha de lui les gens de science, leur confiait ses projets, les questionnait, suivait leur conseil et tirait parti d’eux. Hisham ar-Rida, introduit aussi la langue arabe obligatoire dans les relations avec les non Musulmans. Les Goths eux même se mirent à apprendre l’arabe et de ce fait connurent mieux l’Islam pour finalement devenir Musulmans.

Hisham augmenta le nombre des mosquées et agrandit la grande mosquée de Cordoue. Il renforça la structure et agrandit le pont (qantara) de Cordoue qui joint les parties de la ville séparée par le fleuve.

Il introduisit aussi la jurisprudence malikite (de l’Imam Malik) en Andalousie alors qu’auparavant les gens suivait l’Imam Awzari (puisse Allah le Très Haut leur faire Miséricorde) qui était d’origine syrienne. Lorsque Hisham mourut la jurisprudence malikite était officiellement celle de l’état et que suivait la majorité des gens.

 

Al-Hakam al-Awwal Ibn Hisham ar-Rabadi 

Lorsque Hisham mourut en l’an 180 de l’Hégire (796) son fils al-Hakam al-Awwal Ibn Hisham lui succéda. Al-Hakam fit de nouveau trembler l’Andalousie et fut surnommé dans l’histoire, al-Hakam ar-Rabadi. Et nous allons voir plus tard pourquoi il fut appelé ainsi.

Al-Hakam prit le pouvoir alors qu’il était âgé de 26 ans. C’était un jeune homme fort bien qu’il ne soit pas le plus grand des enfants d’Hisham.

 

Lorsque la nouvelle de la mort d’Hisham et de la succession par son fils al-Hakam al-Awwal parvint au Maghreb, deux hommes se mirent en route : Souleyman, qui se trouvait à Tanger, et ‘AbdAllah Ibn ‘AbderRahmane ad-Dakhil qui se trouvait à Tahart qui s’étaient rebellés contre leur frère Hisham et qui voulaient tenter une nouvelle fois leur chance, en se rebellant contre le fils de leur frère. Souleyman, débarqué en Andalousie appela ses partisans auxquels se joignirent les Berbères et marcha sur Cordoue mais il fut secrètement suivit et tué près de Mérida en l’an 184 de l’Hégire (800) avant qu’il n’arrive à destination. 

 

Quant à ‘AbdAllah, il se révolta à Saragosse d’où il appela ses partisans tandis qu’al-Hakam lui fit parvenir des messagers lui conseillant de renoncer à ses prétentions. Mais ‘AbdAllah n’écouta pas les conseils et se dirigea vers Valence (bolensia).

Al-Hakam lui proposa la ville de Valence s’il mettait fin à sa révolte. ‘AbdAllah réalisa qu’il n’avait aucune chance de succès d’autant plus que son grand frère Souleyman avait failli. Il accepta donc le poste de gouverneur de Valence et fut surnommé par la suite ‘AbdAllah al-Boulounsi Ibn ‘AbderRahmane ad-Dakhil

 

Cette même année, un nouveau style de rébellion apparut. Celle de ‘Oubaydah Ibn Houmayd de la première génération des Musulmans nés en Andalousie (al-mouwalladin). Lorsque Moussa Ibn Noussayr et Tariq Ibn Ziyad à la tête d'une armée de 30.000 hommes conquirent l’Andalousie ils n’avaient pas de femmes avec eux et se marièrent donc avec des femmes locales. Lorsque la première génération de musulman naquit, elle était moitié d’origine Arabo-Berbère et moitié Andalouse et cette génération fut appelée : « Ceux qui sont nés » (al-mouwalladin). Ils étaient certes Musulmans mais totalement différents physiquement et mentalement de leurs ancêtres.

 

‘Oubaydah Ibn Houmayd se révolta et se réfugia à Tolède et al-Hakam al-Awwal lui envoya une armée commandée par un Mouwallad du nom de ‘Amrouss Ibn Youssouf qui était aussi de la génération des Musulmans nés en Andalousie. Cette génération aimait changer la dernière syllabe de leur nom avec la lettre S (sin) ou le N (noun) et se faisait appeler  ‘Amrouss ou bien Zaydoun (à la place de ‘Amr ou de Zayd) ou d’autre nom du même genre. Et ils étaient reconnaissables grâce à ces noms.

En l’an 181 de l’Hégire (797), ‘Amrouss et sa troupe d’Omeyyades partirent à Tolède et par ruse vint à bout des rebelles. Lorsqu’il arriva à Tolède, ‘Amrouss fit construire un fort pas très loin de la ville qui servirait de garnison pour les troupes. Puis quand les travaux furent finit, il invita les chefs des Mouwalladin de Tolède pour un repas (walima) auxquels ils se rendirent sans se douter un instant que c’était un piège. Là, il les fit tous arrêter et tuer. Mais d’autres éléments des Mouwalladin refusèrent de se soumettre et se réunirent à nouveau. ‘Amrouss en informa aussitôt al-Hakam qui utilisa une tactique intelligente. Il envoya un nouveau corps de troupe commandée par son fils ‘AbderRahmane Ibn al-Hakam vers le nord de l’Andalousie et fit annoncer que la troupe se dirigeait vers la frontière au nord.

Quelque temps après, l’armée fit secrètement demi-tour et se dirigea vers Tolède. ‘AbderRahmane assiégea le groupe de conspirateurs qui n’étaient autre que les enfants des conquérants de l’Andalousie et tua 700 d’entre eux mettant ainsi fin à leur révolte.

 

Principaux évènement sous le règne d’al-Hakam al-Awwal 

En l’an 183 de l’Hégire (799), les Goths au nord se divisèrent. Un homme du nom d’Azwar créa un petit comté qu’il appela le Comté de Navarre (mamlakat nafar) ayant pour capitale Pampelune (bambalona). Au nord, se trouvait maintenant deux principaux états, celui de Galice (jiliqiyah) dirigé par Alfonsh II et celui de Navarre dirigé par Azwar tandis que le sud de la France était dirigé par Louis fils de Charlemagne.

 

En l’an 185 de l’Hégire (801), Louis traversa les Pyrénées et prit Barcelone (barshalona). Al-Hakam al-Awwal lui envoya son frère Mou’awiyyah mais il fut écrasé par l’armée de Louis qui créa son propre état au nord de l’Andalousie.

 

En l’an 186 de l’Hégire (802), ‘Abdel Malik et ‘Abdel Karim Ibn Moughith marchèrent sur les Francs pour les chasser mais ne purent pas faire grand-chose et c’est tout le nord de l’Andalousie qui devint occupés par les non Musulmans.

 

En l’an 189 de l’Hégire (805), un nouveau danger se présenta. Cordoue était divisée en deux parties par un fleuve. A l’est, la partie la plus importance ou se trouvait le palais d’état et les habitations de la plupart des gens se nommait Cordoue. La partie ouest rattachée par le pont s’appelait ar-Rabad (la banlieue) ou vivaient les travailleurs.

Des rumeurs, propagées tant par les savants que par les gens entre les deux parties de la ville, faisaient mentions de l’incapacité d’al-Hakam de commander lui-même le pays et les armées et qu’il se vautrait dans le vice. Ils allèrent jusqu’à le surnommer al-Makhmour (l’enivré).

Ils cherchèrent à se débarrasser de lui et choisirent un autre Omeyyade pour le mettre à sa place. Mais cet homme eut peur et s’en alla conter toute l’affaire à al-Hakam. Al-Hakam réunit toutes les personnes qui colportaient ces rumeurs, soit soixante-dix et les fit tous exécuter le même jour.

Al-Hakam al-Awwal était un homme violent qui veillait implacablement à la stabilité du pouvoir : dur lorsqu’il le fallait et joueur lorsque le temps s’y prêtait.

 

En l’an 192 de l’Hégire (808), les Francs s’avancèrent un peu plus jusqu’à Tortose (tartosha) et assiégèrent la ville mais ‘AbderRahmane Ibn al-Hakam, envoyé par son père, à la tête d’une armée réussit à faire lever le siège. Cette même année, Louis essaya une nouvelle fois de capturer Tortose mais ‘AbderRahmane l’en empêcha.

 

En l’an 193 de l’Hégire (809) et pour la première fois, Alfonsh II traversa le fleuve Duera (douira) qui le séparait des habitations musulmanes et prit Calmaria (qalmariyah) et Lisbonne (ashbonah).

Cette même année, le calife Haroun ar-Rashid décéda à Baghdad. Et un conflit s’ensuivit entre ses fils al-Amin et al-Ma'moun. Al-Amin était le nouveau calife poste que revendiquait al-Ma'moun.

 

En l’an 199 de l’Hégire (815), Charlemagne trouva la mort. Ses successeurs se partagèrent son royaume et leurs luttes entre eux divisèrent profondément la France tandis que Cordoue était toujours fermement dirigée par al-Hakam al-Awwal.

 

En l’an 200 de l’Hégire (816), informé de la mort de Charlemagne, al-Hakam envoya vers le nord à Galice (jiliqiyah) un de ses ministres ‘Abdel Karim Ibn Moughith à la tête d'une lourde armée qui écrasa toutes les forces qui se dressèrent sur sa route.

Encore une fois les savants furent étonnés par al-Hakam al-Awwal, dur en temps de dureté et oisif le reste du temps et ils se demandèrent si cet homme était apte à occuper son poste. Et ils décidèrent qu’al-Hakam al-Awwal n’était pas fait pour le pouvoir bien qu’il était tout compte fait un homme de pouvoir.

Deux hommes en particulier levèrent les gens de la partie ouest de Cordoue contre lui : Yahya al-Leythi et Talout al-Mourafiri. Et arriva un petit événement dans le Rabad.

Un des gardiens d’al-Hakam qui justement était dans ce quartier populaire pour y aiguiser son sabre, se retrouva en compagnie d’un des colporteurs de rumeurs et une violente discussion s’ensuivit entre eux si bien que le gardien tua l’homme.

Les gens voyant cela se jetèrent sur le gardien et le tuèrent aussi et ainsi une nouvelle révolte éclata et pour la première fois ce furent les travailleurs qui se révoltèrent contre l’émir. Ils traversèrent le pont, se dirigèrent vers le palais d’état et l’assiégèrent. Et al-Hakam al-Awwal se retrouva assiégé par son propre peuple. 

Al-Hakam chargea ‘Abdel Karim Ibn Moughith et ‘Oubaydillah Ibn Mouqif commandants de ses armées de lever le blocus en faisant sortir la cavalerie ce qu’ils firent. La cavalerie continua son route et traversa le pont pour se rendre de l’autre côté de la ville où ils mirent le feu aux maisons des gens. Les révoltés sachant leurs famille dans leur maison abandonnèrent aussitôt le siège et se précipitèrent vers leur maison pour sauver les leurs. Ainsi prit fin le siège mais aussitôt al-Hakam fit sortir l’armée et donna l'assaut sur le Rabad. Il fit tuer les révoltés et expulser de l’Andalousie tous les habitants du Rabad et de ce fait, il fut surnommé al-Hakam ar-Rabadi.

 

Les habitants du Rabad se réfugièrent à Fès au Maghreb ou ils furent aussi expulsés après un certain temps. De là, ils partirent en Egypte (misr) à d’Alexandrie (iskandariyah), en l’an 202 de l’Hégire (818) où ils y restèrent une dizaine d’années mais les habitants ne les supportèrent pas et le gouverneur d’Alexandrie ‘AbdAllah Ibn Tahir les expulsa aussi en l’an 212 de l’Hégire (827). Alors ils s’embarquèrent sur des navires et se dispersèrent sur les mers. Ils trouvèrent une petite île protégée par une garnison byzantine qu’ils attaquèrent et ainsi prirent l’île de Crête (qourayt) dans la Mer Méditerranée (bahr moutawassit) et ‘Amr Ibn ‘Issa al-Boulouti fonda la première dynastie Rabadi qui dura 100 années avant que l’île ne soit reprise par les Byzantins. Nous reviendrons sur l’histoire de ces gens dans notre deuxième volume.

 

‘AbderRahmane Ibn al-Hakam surnommé al-Awsat

 

Al-Hakam ar-Rabadi, l’émir d’Andalousie régna de l’an 180 à l’an 206 de l’Hégire (796-822). En l’an 206 de l’Hégire, sentant la vieillesse approcher et l’échéance inévitable, il abandonna les frivolités terrestres et regretta profondément son passé. Il annonça aux gens son repentir et leur demanda pardon lors de ses prêches en leur disant : « Seul l’au-delà est de prime importance et la finalité ». Il devint un homme pieux, craignant le Seigneur et reconnaissant ses fautes.

Les actes finals étant les plus importants, sur eux décéda al-Hakam ar-Rabadi en l’an 206, puisse Allah le Très Haut lui faire Miséricorde et lui succéda son fils ‘AbderRahmane Ibn al-Hakam surnommé al-Awsat (le milieu) pour le différencier (tamyyiz) entre ‘AbderRahmane ad-Dakhil (‘AbderRahmane al-Awwal (le premier)) et ‘AbderRahmane an-Nassir (le victorieux) tous deux émirs d’Andalousie.

Al-Hakam choisit ‘AbderRahmane al-Awsat parmi ses autres fils du fait qu’il craignait le Très Haut et qu’il était un homme pieux, religieux, droit, cultivé, courtois et éduqué qui était alors âgé de 30 ans et ‘AbderRahmane al-Awsat allait faire face à beaucoup d’évènements durant son règne.

 

Le premier fut la rébellion de son oncle, pourtant d’âge bien avancé, ‘AbdAllah al-Boulounsi à Valence (bolensia) en même temps que le décès d’al-Hakam ar-Rabadi mais sa révolte faillit. Bien qu’il ait réussit à rassembler un très grand nombre de partisans à Tadmir (toudmar), il décéda des suites de son âge avancé.

Yahya Ibn ‘AbdAllah lui succéda et pendant sept années, la ville de Tadmir se rebella mais jamais Yahya ne réussit dans ses tentatives avant d’être finalement écrasé par Oumayyah Ibn Mou’awiyyah un des commandants d’al-Awsat qui changea le nom de la ville Tadmir[1] en Murcie (marsiya).

Lorsque tout revint en ordre, ‘AbderRahmane al-Awsat envoya au nord-ouest vers Galice une troupe commandée par un de ses ministre ‘Abdel Karim Ibn Moughith avec l’ordre d’anéantir toutes les troupes ennemies qu’il rencontrerait. ‘Abdel Karim Ibn Moughith fit ce qu’on lui demanda avec tant de succès qu’il réussit à libérer un grand nombre de prisonniers Musulmans.

 

En l’an 213 de l’Hégire (828), à Merida (marida) à l’est de l’Andalousie, Mahmoud Ibn Jabbar Ibn Rahilah prit le commandement d’une révolte berbère et trahit à son tour les Musulmans en demandant de l’aide à Alfonsh II et à Louis roi de France qui honorèrent ses demandes.

Cette immense armée de coalisés commença à s’assembler et ‘AbderRahmane al-Awsat pressentant le danger imminent envoya son armée qui fut battue. La révolte dura de l’an 213 à l’an 218 (828-832) jusqu’à ce que ‘AbderRahmane al-Awsat se déplace en personne à la tête d’une immense armée pour stopper cette rébellion et il écrasa littéralement cette armée de coalisés mais Mahmoud réussit à s’enfuir vers une forteresse.

 

Un autre Berbère du nom de Souleyman Ibn Maratayn avec les Berbères qui s’étaient échappés de la bataille reformèrent une armée et commencèrent à conquérir les villes de Baja puis de Badajoz (batalios). Al-Awsat le rattrapa et pulvérisa son armée mais Souleyman réussit à s’échapper et trouva refuge au nord à Galice ou il trouva aussi de l’aide. Avec les Goths, ils tentèrent de capturer d’autres ville mais ‘AbderRahmane al-Awsat les poursuivit et tua Souleyman Ibn Maratayn.

Les événements prirent une nouvelle dimension du fait que les rebelles demandaient dorénavant de l’aide aux ennemis d’Allah et des Musulmans pour les soutenir.

 

Entre les années 214 et 218 de l’Hégire (829-832), une autre révolte commandée par un homme du nom de Hashim ‘AbderRab eut lieu à Tolède dans le centre de l’Andalousie.

Cet homme, un bandit, en appela aux autres bandits et dépravés de la région qui se joignirent à lui et réussirent à prendre Tolède et ses environs mais ‘AbderRahmane al-Awsat l’attaqua férocement et le tua sans pour autant réussir à mettre une fin à la rébellion qui dura jusqu’en l’an 222 de l’Hégire (836), soit huit ans avant qu’al Awsat en vienne enfin à bout.

 

Les Vikings attaquent Lisbonne 

En l’an 218 de l’Hégire (832) le calife abbasside al-Ma'moun décéda et fut succédé par al-Mou’tassim Billah et dès lors l’état commença à faiblir.

 

En l’an 229 de l’Hégire (843), une nouvelle ère débuta par l’arrivée des Vikings ou des Normands (normane), une tribu européenne vivant de rapine et de butin et toujours en mouvement sur des navires.

Une flotte de cinquante-quatre navires attaqua l’Andalousie. Ils vinrent de l’océan Atlantique et s’arrêtèrent à Lisbonne (ashbona) prenant les Musulmans par surprise car ils ne s’attendaient pas qu’une armée arrive de cette direction. Mais Wahaboullah Ibn Hazm, le gouverneur de Lisbonne les repoussa et les empêcha de débarquer.

Les Normands s’en allèrent et pénétrèrent le delta de Massab pour remonter le fleuve Guadalquivir (wadi al-kabir) menant à Séville qu’ils attaquèrent et conquirent à la grande surprise des gens qui se demandaient qui étaient ces envahisseurs venus de la mer. Quant à la flotte navale musulmane, elle était stationnée à l’est car c’est de la que le danger était attendu.

Al-Awsat envoya deux de ses commandants al-Ghazal et Yahya Ibn Habib à la rencontre de l’envahisseur qui déjà avançait sur Cordoue et ils réussirent non seulement à stopper l’avance des Normands mais tuèrent un très grand nombre d’entre-deux et détruisirent trente-cinq de leurs navires lors d’une bataille qui dura 100 jours.

Suite à ces événements, al-Awsat ordonna la construction d’une enceinte autour de Séville et le long du fleuve Guadalquivir mais aussi de montrer sa force.

 

En l’an 231 de l’Hégire (845), il marcha vers le nord de l’Andalousie, alors aux mains des Goths (qot) et il conquit un nombre important de forteresses ennemies dans le Comté de Léone. Puis il envoya son ministre ‘Abdel Karim Ibn Moughith au-delà des Pyrénées.

Ibn Moughith traversa les Pyrénées et entra dans le sud de la France jusqu’au faubourg de Marseille avant de revenir chargé de prisonniers et de butin en écrasant toutes les forces qui s’opposèrent à lui.

A cette époque, les Musulmans ne s’établissaient plus dans le sud de la France car ils étaient coupés de l’assistance des forces musulmanes. Ils se contentaient donc de raids éclairs puis se retiraient aussitôt. Mais ces conquêtes en France et dans le nord de l’Andalousie réveillèrent la fibre patriotique de certains fanatiques Chrétiens en Andalousie.

 

La révolte des saints martyrs 

En l’an 235 de l’Hégire (849) à Séville eut lieu une révolte singulière qui fut appelée dans l’histoire : la révolte des saints martyrs (shouhadah qaddissine).

 

Il existait en Andalousie un groupe de gens du pays qui restèrent sur le Christianisme mais qui apprirent la langue arabe en plus de leur langue habituelle romane d’origine latine d’où d’ailleurs est issu l’espagnol.

Ce groupe de gens qui étaient resté sur leur religion étaient connus sous le nom d’al-Mousta’ribin. L’apprentissage de la langue arabe avait permis un rapprochement entre eux et les Berbères et les Arabes conquérants mais un de leur prêtres (qassaous) fanatiques du nom de Rahib Ilokio détestait profondément les Musulmans et essayait, sans succès, à travers ses prêches inflammatoires d’empêcher les gens d’apprendre la langue.

 

Lorsque les Musulmans conquirent l’Andalousie, ils ne forcèrent pas les gens à abandonner leur religion et malgré cette liberté de religion certain fanatiques Chrétiens ne l’acceptèrent pas et voulurent allumer les feu de la révoltes en Andalousie.

Ce Chrétien andalou voyant ses efforts vains commença alors à attaquer l’Islam et se rebella à Cordoue, la capitale musulmane, rejoint par d’autres fanatiques. Ils avaient pour habitude d’aller dans les lieux publics, comme les mosquées et les marchés, ou ils se mettaient à insulter la religion islamique ou le Messager d’Allah (Saluts et bénédictions d’Allah sur lui). Les Musulmans les arrêtaient et leur demandaient de s’excuser, et comme ces fanatiques Chrétiens refusaient, ils étaient tués sur le champ.

 

Ces évènements durèrent un certain temps et en l’an 237 de l’Hégire (851), la majeur partie des Mousta’ribin craignirent les conséquences de ces fanatiques, particulièrement leur chef qui les poussaient à accomplir ses actes, et les désavouèrent à travers une conférence qu’ils organisèrent.

Néanmoins, un des partisans d’Ilokio, du nom de Perpecto, entra en discussion avec un musulman le jour de l’‘Id, et comme à chaque fois que les Musulmans remporte un débat théologique, il se mit ouvertement et violemment à insulter l’Islam et les Musulmans[2]. Ils tentèrent pacifiquement de le calmer et lui conseillèrent de se taire mais aveuglé par son fanatisme, il refusa et les Musulmans durent l’emmener chez le juge (al-qadi).

Le juge lui parla gentiment et lui expliqua qu’il froissait les Musulmans par ses actes et que si un musulman faisait cela, sa punition serait la mort. Perpecto ne voulut pas en démordre et s’entêta de plus belle en vociférant.

Le juge ordonna sa mise à mort et le mouvement de rébellion d’Ilokio prit de l’ampleur tandis que de plus en plus de fanatiques arrivaient à Cordoue. Ilokio envoya un nouvel homme qui a son tour, se mit à insulter l’Islam et les Musulmans. Et comme son prédécesseur, il fut gentiment conseillé d’arrêter puis comme il s’entêtait aussi il fut condamné à mort. Puis Ilokio envoya d’autres hommes les uns après les autres et tous furent tués et appelés par la suite : « les Saints Martyrs ».

Ce mouvement fut bientôt internationalement connu et pendant trois années la chrétienté se demanda que faire pour venir en aide à ses gens. 

 

En l’an 238 de l’Hégire (852), Ilokio et ses fanatiques entrèrent dans la grande mosquée de Cordoue et saccagèrent l’intérieur. Al-Awsat ordonna la mise à mort de tous ceux qui avaient profané la mosquée.

Ilokio et ses complices firent courir la rumeur qu’ils avaient été injustement persécutés et toute la chrétienté soutint sa cause bien qu’ils aient mentis.

Al-Awsat trouva une intelligente solution pour mettre fin à cette révolte. Il fit annoncer dans toute l’Andalousie, la tenue d’une conférence commune entre les Chrétiens et les Musulmans et tous les religieux des deux bords furent conviés. Ils se réunirent à Cordoue et même al-Awsat vint à cette conférence et posa la question aux Chrétiens : « Soutenez-vous la cause des Saints Martyrs et voulez-vous en faire une division entre les Musulmans et les Chrétiens ? » Les religieux Chrétiens se consultèrent et décidèrent que cela n’était pas dans leur intérêt du fait de la large liberté religieuse et culturelle dont ils bénéficiaient. Ils décidèrent donc de ne pas soutenir la cause des Martyrs et l’annoncèrent publiquement dans toute l’Andalousie. Si bien que tout rentra dans l’ordre très rapidement et la révolte prit fin de cette manière. Cela démontra la sage décision de ‘AbderRahmane al-Awsat.

 

Durant la dernière partie du règne de ‘AbderRahmane al-Awsat, la situation se détériora d’abord dans le palais du gouverneur avant de se répandre au reste de l’Andalousie comme nous allons le voir.

Et c’est en général du palais de l’émir que naissaient les troubles, comme nous l’avons déjà vu dans l’Histoire des Omeyyades et des Abbassides, à cause du trop grand nombres de femmes qui finissaient par s’immiscer dans les affaires politique et de leurs luttes entre elles pour tenter d’imposer non seulement leurs enfants à la succession mais aussi leurs proches à des postes clefs. Et il en résultait ensuite que les frères s’entretuaient pour le pouvoir.

De même ‘AbderRahmane al-Awsat avait un grand nombre de femmes, de servantes et d’enfants qui complotaient dans l’ombre pour imposer leurs progénitures. L’une d’entre elles du nom de Taroub essaya d’imposer son enfant ‘AbdAllah pour qu’il devienne successeur à la place du fils ainé de ‘AbderRahmane, Muhammad Ibn ‘AbderRahmane. Lorsqu’elle faillit, elle complota avec Nasr, le chef des gardes du palais, pour empoisonner l’émir d’Andalousie ‘AbderRahmane al-Awsat et son fils Muhammad mais le complot fut découvert et tous ceux qui y prirent part furent exécutés en l’an 236 de l’Hégire (850), y compris Taroub et le chef des gardes.

 

Muhammad Ibn ‘AbderRahmane al-Awsat 

‘AbderRahmane al-Awsat gouverna l’Andalousie durant trente-deux années et décéda en l’an 238 (852), puisse Allah le Très Haut lui faire Miséricorde. Son fils Muhammad Ibn ‘AbderRahmane al-Awsat lui succéda et sous son règne l’Andalousie s’affaiblit considérablement et revint à ce qu’elle avait été précédemment : l’ère des royautés indépendantes.

Les historiens ont d’ailleurs appelé la période qui s’étend de l’année 238 de l’Hégire jusqu’à l’année 300 : « L’ère des états indépendants des Mouwallad » (‘asr douwaylat at-tawa'if al-mouwallad).

Dès les premiers jours du règne de Muhammad Ibn ‘AbderRahmane al-Awsat commença la désintégration de l’Andalousie.

 

Le premier à se rebeller et qui annonça son détachement du gouvernement central et son indépendance fut Moussa Ibn Moussa le gouverneur de Saragosse, la capitale du nord, et qui donna naissance à la dynastie des Bani Qassi.

A l’ouest avec les Banou Marwan al-Jiliqi, ‘AbderRahmane al-Jiliqi à Badajoz (batalios) annonça son indépendance avant de capturer Merida, la capitale de l’ouest.  Suivit la capitale du centre Tolède mais Muhammad leur envoya une armée qui mit fin à la révolte. Mais la ville resta en proie à d’autres tumultes jusqu’en l’an 244 de l’Hégire (858), soit cinq années, avant que Muhammad ne la frappe de nouveau avec force et que tout revienne en ordre.

Muhammad nomma un nouveau gouverneur berbère des Bani Zi Noun qui sitôt établit son contrôle sur la ville et bien qu’il fut envoyé par l’émir d’Andalousie, annonça son détachement du gouvernement central et proclama l’indépendance de Tolède.    

Les Berbères se déclarèrent aussi  indépendants à Jaén ainsi que les chefs arabes de la tribu des Lakhmi des Banou Hajjaj à Cordoue. ‘Id Ibn Joudi Sa’di fit de même à Grenade et ainsi une grande partie du pays sortit du contrôle de l’émir d’Andalousie

 

Les Normands Vikings informés de la situation en profitèrent et à bord de quatre-vingt navires se dirigèrent vers Algésiras (jazirat al-kadrah), débarquèrent sur l’île ou se trouvait la Mosquée historique des Etendards (masjid ar-rayat), construite par Moussa Ibn Noussayr qu’ils brûlèrent et détruisirent. Puis reprenant leurs navires, ils se dirigèrent vers le nord, attaquèrent le comté et prirent la capitale de Navarre faisant prisonnier son roi qui se libéra en échange d’une énorme somme d’argent.

Les Normands restèrent en Andalousie ou ils semèrent mort et destruction avant que Muhammad ne leur envoie une armée qui lors d’une épique bataille détruisit quarante de leur navires et les força à quitter l’Andalousie. Mais ils revinrent en l’an 247 de l’Hégire (861) à bord de soixante navires pour trouver cette fois les Musulmans prêts à les recevoir.

Les Normands perdirent quatorze de leurs navires lors de leur premier débarquement avant de mettre le cap une nouvelle fois au nord ou ils attaquèrent les Goths qui les attendaient aussi si bien qu’ils repartirent d’où ils venaient, les mains vides.

 

En l’an 248 de l’Hégire (862), un conflit eut lieu entre les Goths du comté de Leone et la région de Galice au nord-ouest et ceux du comté de Navarre au centre-nord tandis que les Francs se trouvaient au nord-est. Les deux comtés entrèrent en conflit et la guerre fut déclarée entre eux. Le Comté de Navarre sortit victorieux mais ne put capturer le Comté de Léone. Les deux états restèrent séparés et Garcia (gharciya) prit la tête du Comte de Navarre et c’est à partir de son règne que commencent réellement l’histoire du Comté de Navarre.

 

En l’an 252 de l’Hégire (865), Alfonsh III, surnommé le Grand, fut nommé nouveau gouverneur de Léone. Il élargit son état jusqu’aux pieds des Pyrénées et réorganisa la chrétienté hispanique.



[1] Tadmir veut dire destruction.

[2] C’est un fait que j’ai témoigné personnellement plusieurs fois.