La conquête de Ha’il
La première guerre mondiale prit fin en 1918 mais les batailles
locales entre Ibn Sa’oud et ses rivaux se poursuivirent.
L’empire ottoman désormais absent de la carte politique de
l’Arabie ouvrit de nouveau horizon aux Britanniques et leurs
conseillers poussèrent Ibn Sa’oud à étendre son dominion à
d’autres régions puisque la guerre avait laissé Ibn Rashid sans
allié et contribué à son affaiblissement face à son rival, Ibn
Sa’oud.
Entre 1918 et 1920, les émirs de Ha’il essayèrent constamment de
compenser leurs pertes territoriales et négocièrent avec les
Hashimites du Hijaz et as-Sabah, l’émir du Koweït qui se rendit
compte de la menace que posait Ibn Sa’oud que le soutien de la
Grande-Bretagne pendant la guerre avait considérablement
renforcé la position. Bien que ces négociations permirent de
briser l’isolement des Rashidi après la guerre, elles
n’engendrèrent aucune activité militaire collective contre Ibn
Sa’oud et au cours des années 1920, les Rashidi furent donc
incapables de prévenir les attaques d’Ibn Sa’oud sur leurs
territoires.
L’attaque de Ha’il débuta avec l’embargo économique sur la tribu
de Shammar, les puissants alliés des Rashidi, en leur niant
l’accès aux marchés de Hasa qui était déjà tombé sous le
contrôle d’Ibn Sa’oud ainsi que les escarmouches militaires et
les empiètements sur les oasis de Jabal Shammar.
Avec la pression militaire et les disputes de succession
intérieure dans la capital Rashidi, le déclin du pouvoir des
Rashidi devint inévitable et avec les subventions et les
munitions britanniques, Ibn Sa’oud captura Ha’il après avoir
assiégé avec 10000 troupes la capitale en août 1921. Le 1
novembre, Ibn Rashidi capitula et le 4 novembre, les portes de
l’oasis furent ouvertent et les habitants portèrent allégeance à
Ibn Sa’oud.
Avec la chute de Ha’il, l’autorité d’Ibn Sa’oud s’étendit au
nord du Najd et lui ouvrit les voies vers la Jordanie.
Vieux fort - Ha'il
Les
Ikhwan
L’histoire de la consolidation du règne de Sa’oud étant finie et
l’histoire actuelle connue, nous allons voir qui était les
Ikhwan (les Frères), le bras armé d’Ibn Sa’oud et son armée.
Les Ikhwan furent ces bédouins qui acceptèrent les fondements de
l’Islam orthodoxe de l’école d’Ahmad Ibn Hanbal prêché par
Muhammad ‘Abd al-Wahhab que leurs pères et ancêtres avaient
oublié ou corrompu et qui par la persuasion des missionnaires
religieux et avec l’assistance matérielle de ‘Abd al-‘Aziz
abandonnèrent leur vie nomade pour s’établir près des points
d’eaux (houjjar).
Après les gens sédentaires des oasis Najdi, les Ikhwan furent la
première force militaire organisée à être soumis aux Moutawwa’a
(savant religieux) à programme d’éducation parmi la population
nomade. Les Ikhwan furent recrutés parmi les confédérations
tribales d’Arabie et ils reçurent ces savants préalablement dans
leurs camps nomades avant de consentir à devenir sédentaire.
Ces confédérations tribales furent tenues d’abandonner leur
existence nomade, à s’installer dans ces villages et pratiquer
l’Islam prêché par le Moutawwa. Ceux qui acceptèrent de
s’installer et suivirent l’enseignement des Moutawwa’a devinrent
les Ikhwan. On leur a appris à obéir à l’Imam légitime et
répondre à sa demande de Jihad.
Nous ne pouvons pas considérer que les ‘Oulama de Riyad et
particulièrement les descendants de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab,
furent automatiquement prédisposés à accorder leur serment
d’allégeance à Ibn Sa’oud sur la base de sa descendance ou des
alliances conjugales de ses ancêtres avec ash-Shaykh Muhammad
Ibn ‘Abd al-Wahhab.
En 1891, ‘Abdallah Ibn ‘Abd al-Latif porta allégeance à un
Rashidi, Muhammad Ibn Rashid, le nouveau maître du Najd qui
expulsa le dernier souverain Sa’oud, ‘Abd al-Rahman, au Koweït.
Le savant se rendit à Ha’il ou durant deux ans, il enseigna à
plusieurs étudiants locaux avant de revenir à Riyad. De plus,
quand Ibn Sa’oud réapparut à la périphérie de Riyad en 1900
durant sa première tentative ratée de recapturé la ville,
‘Abdallah Ibn ‘Abd al-Latif se rangea au côté des Rashidi qui
défendirent la ville contre lui. Ce n’est qu’en 1902 quand il
devint clair qu’Ibn Sa’oud avait capturé Riyad et tué le
gouverneur Rashidi qu’il se disposa à porter allégeance à Ibn
Sa’oud.
Après le serment d’allégeance de 1902, les Najdi commencèrent à
appeler Ibn Sa’oud « l’Imam. » Après la capture de Ha’il, Ibn
Sa’oud devint le pouvoir régional et émergea comme l’émir
incontesté d’un grand territoire. Quand Hasa, Qasim et le nord
du Najd succombèrent à son leadership, Ibn Sa’oud adopta le
titre d’ « Imam » pour se distinguer des autres émirs et
territoires.
En été 1921, Ibn Sa’oud s’auto proclama « sultan du Najd et ses
dépendances » immédiatement après que Faysal, le fils de roi
Husayn du Hijaz, devint roi d’Iraq. Quand Ibn Sa’oud captura le
Hijaz, il prit le titres de « roi du Hijaz et sultan du Najd. »
tout en cherchant une légitimité auprès des savants pour la
reconnaissance de ces titres.
En 1926, les ‘Oulama Najdi étaient euphoriques après la capture
de deux villes sacrées de l’Islam qu’ils ne pensaient qu’à
purifier ainsi que l’Islam de toutes les innovations blâmables
et s’impliquèrent activement à l’islamisation des Hijazi.
Avec la capture du Hijaz, les ‘Oulama commencèrent immédiatement
à débattre si le télégraphe et d’autres innovations
technologiques dans la province pourraient être adoptés sans
compromettre les principes islamiques tandis qu’en même temps,
les Ikhwan et les Moutawwa’a, purifiaient le paysage des traces
de ce qui était considéré comme des innovations religieuses.
Cela inclus la destruction des mausolées devenus lieux de
pèlerinage des tombeaux du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam), de ses parents et des Compagnons (radhiyallahou
‘anhoum). Les espaces publiques furent islamisés et
l’interdiction du tabagisme en public renforcée.
Cela aurait été peut-être le moment approprié pour Ibn Sa’oud de
se déclarer roi du Najd, alors que les ‘Oulama de Riyad étaient
occupés à discuter sur la légitimité d’une technologie
auparavant inconnue pour eux, mais déjà bien établi dans le
Hijaz. Cependant Ibn Sa’oud, sentit les signaux d’alerte d’une
rébellion imminente et sérieuse.
Alors que l’alliance d’Ibn Sa’oud avec les ‘Oulama de Riyad
était bien établie, la fidélité des Ikhwan se rétrécissait. Les
Ikhwan de Mou’ayr, ‘Outayba et ‘Ajman déjà bien initiés à
l’Islam avaient été les premiers à subir le programme
d’éducation des Moutawwa’a et cette initiation commença à avoir
des conséquences sérieuses et inattendues.
La capture de Hijaz fut perçue par Ibn Sa’oud comme une gloire
et une domination sur la plupart des provinces de la Péninsule
Arabique quand elle fut perçue par les Moutawwa’a comme une
expansion des limites de la Oummah musulmane fidèle aux
principes de la Shari’ah islamique sous l’égide d’un Imam et
gardien du legs islamique.
La rébellion des Ikhwan
Les détails de la rébellion de 1927-1930 des Ikhwan est bien
documentées et immédiatement après la capture du Hijaz, les
chefs Ikhwan tinrent une assemblée dans ‘Arfawiyyah, ou ils
critiquèrent Ibn Sa’oud pour plusieurs raisons. La critique la
plus importante fut centrée sur ses relations avec la
Grande-Bretagne, la nature de la royauté, la légitimité
islamique des taxes d’Ibn Sa’oud et sa conduite personnelle, ses
mariages en série avec les filles de Shaykhs de tribus, les
esclaves et son style de vie luxueux. D’autres raisons furent
mentionnées comme son refus d’islamiser la communauté shi’i de
Hasa ainsi que des remarques sur les pèlerins syriens et
égyptiens, leurs utilisations d’instruments de musique et de
chants tolérés ainsi que leurs pratiques étrangères à l’Islam.
Ibn Sa’oud fut aussi critiqué pour limiter le Jihad aux seuls
habitants de la Péninsule Arabique et non pas contre les tribus
voisines d’Iraq, de Jordanie et du Koweït.
Ibn Sa’oud répondit à la critique des Ikhwan en demandant une
conférence en 1927 et ce fut la première fois que la résolution
des affaires urgentes fut déléguée au ‘Oulama de Riyad. Ibn
Sa’oud fut dans l’incapacité de résoudre ces questions sans
consulter les ‘Oulama qui acceptèrent les critiques sur les
pratiques islamiques du Hijaz et recommandèrent la destruction
des mausolées. Ils recommandèrent aussi que les shi’a de Hasa
devaient devenir de vrais musulmans et abandonner leur
mécréance. Ils demandèrent que les pèlerins syriens et égyptiens
cessent leurs pratiques non-islamiques, leur utilisation
d’instruments de musique et de scander des slogans durant la
saison de pèlerinage. Ils recommandèrent que les tribus shi’a
devaient être interdite de faire paitre leurs animaux sur les
terres musulmanes, en référence aux territoires d’Ibn Sa’oud.
Pour la question plus importante du Jihad, ils affirmèrent que
cela devait rester la seule prérogative d’Ibn Sa’oud, l’Imam de
la communauté musulmane et qu’il était libre aussi d’imposer des
taxes aussi longtemps qu’elles étaient islamiques cependant, les
‘Oulama nièrent toute connaissance de conduite non-islamique de
sa part et l’opinion des ‘Oulama fut cruciale pour Ibn Sa’oud et
elle le reste toujours de nos jours. Ces opinions allaient lui
permettent ainsi qu’à ses descendants d’autoriser juridiquement
ce qu’Allah Exalté a rendu illicite et de rendre illicite ce
qu’Allah Exalté a rendu licite. Dorénavant Ibn Sa’oud pourrait
agir juridiquement contre les Ikhwan rebelle avec le total
soutien des ‘Oulama de Riyad. La conférence de 1927 fut un
moment critique pour Ibn Sa’oud et les ‘Oulama allaient
désormais servir ses desseins au nom de la religion islamique.
Les Ikhwan rejetèrent les opinions des ‘Oulama de Riyad et
continuèrent à défier l’autorité d’Ibn Sa’oud. Lorsqu’en 1928,
la rébellion devint incontrôlable, Ibn Sa’oud envoya des lettres
dans toutes les parties de Najd annonçant sa renonciation. Riyad
devint immédiatement le lieu de rassemblement de tous ses plus
fidèles partisans parmi les chefs de tribu, les ‘Oulama et les
notables du Najd. Lors d’un colloque, protégé par des centaines
de gardiens, Ibn Sa’oud fit un célèbre discours ou après avoir
invoqué des notions poignantes de Ni’ma (abondance divine) et de
Badawa (tradition bédouine), il rappela à son audience le fait
qu’il avait conquis Riyad avec seulement « quarante hommes. »
Dans ce discours irrésistible furent combinés la richesse
économique, la noblesse de sa première conquête et de la
tradition bédouine ainsi que l’observation religieuse accomplie
dans les provinces. Il demanda tant aux ‘Oulama qu’aux
Moutawwa’a de clarifier le rapport entre le Ra’i (le
berger/chef) et les Ra’iyyah (les disciples) et les obligations
des uns envers les autres. Il invoqua le célèbre concept
islamique bien développé de la soumission au chef de la
communauté musulmane. Finalement, il demanda aux ‘Oulama et aux
notables présents de choisir une autre souverain parmi sa propre
famille pour le remplacer s’ils n’étaient pas satisfaits de son
style de gouvernement.
Ce discours fut extrêmement significatif puisque Ibn Sa’oud
montra que le pouvoir ne pouvait échoir à nul autre que sa
propre famille.
Quant aux spécialistes religieux, ils se concentrèrent à nouveau
sur le sujet du télégraphe et leur verdict final fut que ni le
Qur’an et ni la tradition prophétique n’indiquait l’illégitimité
du télégraphe. Sur la question plus importante de la rébellion
des Ikhwan, les spécialistes religieux déclarèrent que le
leadership des Ikhwan s’était égaré (les premières accusations
de khawarije envers les Jihadistes et heureusement que le mot
terroriste n’était pas à la mode à l’époque) et sortit du
Consensus de l’Oummah et qu’il devait être combattu jusqu’à son
retour à la raison. Certains verront l’exacte similarité de tous
ceux qui furent déclarés « égarés » jusqu’à nos jours.
Ad-Douwaysh, le chef des Ikhwan fut déclaré Baghi (usurpateur)
et donc son élimination islamiquement légitime. Finalement, les
Ikhwan renouvelèrent leur serment d’allégeance à Ibn Sa’oud, ce
qui mit fin à ce qui aurait pu été un crucial revers à son
gouvernement.
La réunion de Riyad de 1928 confirma le statut des ‘Oulama de
Riyad qui avait déjà commencé à prendre la forme en 1927.
Dorénavant, ils allaient être confinés à donner leurs opinions
concernant uniquement les affaires islamique d’innovation
rituelle et technologique. Les ‘Oulama acceptèrent ce rôle
limité dans le royaume nouvellement créé puisque c’était une
continuation de leur précédente spécialisation dans les affaires
se rapportant à la ‘Ibada (culte). Ils furent en fait
prédisposés à jouer ce rôle pour les tenir loin des affaires
quotidiennes de politique et pour séparer l’état de la religion
dans deux domaines distincts.
En 1928, les ‘Oulama de Riyad se soumirent docilement au rôle
qui leur avait été préparé et qu’ils ne cherchèrent jamais ni à
défier ou changer. Après avoir recruté un grand nombre de
Moutawwa’a, ils les dépêchèrent pour domestiquer le reste de la
population de l’Arabie au profit d’Ibn Sa’oud et leur rôle se
limita à garder la moralité publique du royaume.
C’est donc avec l’approbation et l’aide des ‘Oulama qu’Ibn
Sa’oud fut capable d’apaiser les Ikhwan et mettre fin à leur
rébellion.
La chute de la
rébellion des Ikhwan
D’ici mars 1929, Ibn Sa’oud rassembla une force de frappe se
composant principalement d’hommes des oasis du Najdi avec
lesquels il allait mettre fin à la rébellion des Ikhwan.
La guerre contre les rebelles Ikhwan commença par la bataille de
Sibila, suivi par plusieurs attaques militaires sur leur Houjjar
(villages). La Grande-Bretagne intervint pour aider Ibn Sa’oud à
finir les Ikhwan en utilisant l’aviation royale pour bombarder
leurs positions. Ce fut un élément crucial pour la pacification
des Ikhwan dont la majorité s’enfuit vers la frontière
koweitienne ce qui causa des frayeurs aux Britanniques qui
craignirent qu’ils trouvent refuge parmi les tribus koweitiennes
et fusionnent finalement avec eux. Les gens devraient tirer des
leçons de l’Histoire…
Cependant, ce n’est qu’en janvier 1930 que les chefs des Ikhwan
se rendirent aux Britanniques au Koweït qui les livra finalement
à Riyad après qu’Ibn Sa’oud promis d’épargner leurs vies et
qu’il n’y aurait aucun plus aucun raid sur le Koweït et l’Iraq.
Les rebelles Ikhwan furent remit à Ibn Sa’oud, qui les
emprisonna d’abord dans Hasa et plus tard à Riyad. Le plus
proéminent des rebelles, Faysal ad-Douwaysh, mourut une année
plus tard.
Les Ikhwan s’avérèrent être une force de combat efficace pour
l’expansion du royaume d’Ibn Sa’oud, mais se révéla
problématique pour la consolidation de son autorité. Eduqués
islamiquement par les Moutawwa’a, ils remplirent exactement leur
rôle et leur rébellion fut tout à fait légitime selon les règles
juridiques islamiques d’approuver le bien et désapprouver le
mal, y compris envers le souverain et qui est l’Excellence du
Jihad.
Ibn Sa’oud, les Moutawwa’a et les Ikhwan formèrent une alliance
qui ne fut démantelée qu’à la fin de la conquête de l’Arabie par
les efforts de la Grande-Bretagne qui craignait l’expansion de
cette force militaire religieuse vers les pays voisins.
Ainsi ayant mis fin aux Ikhwan et retenu les Moutawwa’a avec
l’approbation du petit cercle de ‘Oulama de Riyad et
l’assistance de la Grande-Bretagne, le 22 septembre 1932, Ibn
Sa’oud appela son royaume appelé jusqu’à présent le Royaume du
Hijaz, du Najd et de ses Dépendances en al-Mamlakat
al-‘Arabiyyah as-Sa’oudiyyah (le royaume d’Arabie Saoudite).