Les Sharif du Hijaz
Dans le Hijaz, la patrie des sites les plus sacrés de l’Islam,
la population de Hijaz s’est toujours distinguée de celle du
Najd par son hétérogénéité. La société Hijazi était composée de
confédérations tribales qui revendiquaient l’unité grâce à ses
liens généalogiques avec les fameuses tribus du Hijaz des Banou
Harb, ‘Outaybah, Houtaym, Shararat, Banou ‘Atiyah et Houwaytat.
Ces confédérations tribales coexistèrent avec d’autres groupes
descendants de Qouraysh et du Prophète Muhammad (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) par ses petit-fils, Hassan et Houssayn,
(radhiyallahou ‘anhoum) connu comme les Ashraf. Les descendants
des Ashraf vécurent dans Makkah et Madina mais se dispersèrent
aussi parmi la population nomade du Hijaz ainsi que dans
d’autres parties du monde arabe et islamique où ils se
disséminèrent suite à la chute de l’empire abbaside. L’auguste
descente des Shourafa (pluriel de Sharif, noble) les prédisposa
à jouer un rôle proéminent de premier plan dans les souverains
de Makkah et de Madina à partir du huitième et neuvième siècle,
à l’exclusion d’autres groupes. Ils jouèrent aussi un rôle
éminent comme spécialistes religieux, Qoudat (juges) et Dou’at
(prêcheurs) dans les villes sacrées.
En plus des confédérations tribales du Hijaz et des clans de
Sharif, la population du Hijaz incluait aussi des Musulmans dont
les ancêtres ou eux-mêmes étaient venus de Turquie, d’Afrique,
d’Inde et d’Asie qui résidèrent dans les villes importantes et
les ports. Cette diversité fut étendue au domaine religieux
puisque les différentes écoles légales islamiques furent
reconnues par les Ottomans. Les cercles Soufis prospérèrent dans
Makkah et Madina.
L’autorité des Sharif dans l’Arabie centrale datait bien avant
le seizième siècle précéda autant celle des Sa’oud que des
Rashidi cependant, les émirs de Makkah furent pris entre les
confédérations tribales, le sultan ottoman et ses représentants
et un double système d’autorité fut établi : les représentants
urbains du sultan s’occupèrent des relations commerciales,
politiques et étrangères tandis que les Sharif s’occupèrent des
affaires des Villes Sacrées (Haramayn) et des confédérations
tribales. Les deux autorités rivalisèrent entre elles sans
pourtant être capable de soumettre l’autre distinguant le Hijaz
du Najd.
Les Ottomans étaient les gardiens officiels des lieux sacrés
mais ne pouvaient exercer ce privilège sans l’émir du Hijaz
contrairement au Najd qui était en dehors du contrôle direct de
l’empire ottoman, bien que les Ottomans se mêlèrent
régulièrement dans ses affaires et le point culminant de cette
intervention fut atteint avec l’invasion de Muhammad ‘Ali au
début du dix-neuvième siècle, une tentative de prévenir tant
l’expansion Sa’oud qu’imposer le pouvoir ottoman.
Au Hijaz, le sultan ottoman conserva le pouvoir de nommer l’émir
dont la garnison était financée par la trésorerie ottomane et
paya aussi le salaire des ‘Oulama. La présence militaire et
administrative ottomane était surtout prononcée dans les villes
mais inexistante à l’extérieur de celle-ci et le devoir de
contrôler les territoires et les populations dans les régions
entre les centres urbains importants fut délégué au Sharif. Les
fameux Sharif furent récompensés de démontrer leur capacité
exceptionnelle à retenir les confédérations tribales, surtout
pendant la saison de pèlerinage annuel et nous avons vu dans nos
précédents Abrégés que les tribus se livrèrent au pillage et au
brigandage de tout temps. En échange de garantir la sécurité de
la caravane de pèlerinage de Damas, l’émir de Makkah reçut des
subventions régulières et fut exempt des taxes ottomanes.
L’ensemble du Hijaz pour son statut spécial et par déférence
était exempt du service militaire et avait un statut élevé
comparé aux autres provinces ottomanes cependant ses ports et
commerce étaient soumis à la taxation.
Le Sharif de Makkah poursuivit l’application des politiques
ottomanes comme l’a rapporté Dahlan, un mufti mecquois du
dix-neuvième siècle qui commenta le retrait de troupes de
Muhammad ‘Ali du Hijaz au cours des années 1840 et comment les
Ottomans remplacèrent les Egyptiens dans la région.
Les Ottomans confirmèrent les subventions du Sharif qui avaient
été déjà instituées par Muhammad ‘Ali attendant que ce dernier
mettent en application leurs ordres non seulement au Hijaz, mais
aussi dans la péninsule ainsi, le Sharif Muhammad Ibn ‘Awn
(1856-58) conduisit apparemment une expédition avec la tribu de
Shammar contre Faysal Ibn Tourki, le souverain du deuxième
émirat Sa’oud. Le Sharif lui imposa une taxe annuelle de 10000
riyals qu’il continua de payer jusqu’à sa mort en 1865. Puis son
fils, le Sharif ‘Abdallah Ibn Muhammad Ibn ‘Awn en compagnie des
troupes ottomanes conduisit une expédition à ‘Asir en 1871 quand
Muhammad Ibn ‘Ayd se révolta contre le sultan ottoman.
Les Sharif utilisèrent donc les subventions ottomanes pour
contrôler et pacifier les différentes confédérations tribales
qui sapèrent régulièrement l’autorité ottomane en attaquant les
pèlerins.
Bien qu’autorisés et soutenue par les Ottomans, leurs autorités
n’étaient cependant pas suffisantes pour garantir l’obéissance
et comme les émirs de Ha’il, Dir’iyyah et Riyad, les Sharif de
Makkah recoururent aux pots-de-vin et à la coercition pour
apaiser les confédérations tribales et comme les émirats Najdi,
les Sharif furent affaibli par les disputes de succession parmi
leurs différents clans et parfois, les rivalités intérieures
furent alimentées par l’interférence du pouvoir ottoman sachant
combien les tribus étaient rebelles.
Al-Baqi' - Madina
Hasa
Hasa fut une région agricole vers laquelle les marchands Najdi
et confédérations tribales tournèrent leur attention. Les ports
du golfe Persique et les oasis de Hasa étaient vitales pour la
survie de la population du Najdi avec ses maigres ressources et
avant l’essor du mouvement réformateur de Muhammad
‘Abd-Al-Wahhab, la politique de Hasa fut dominée par la
confédération des Banou Khalid sous le leadership d’al-Houmayyid
qui supplantèrent dès 1670 le pouvoir ottoman dans Hasa pour
établir leur propre hégémonie. Leur contrôle s’étendit au Najd
qui entra dans leur sphère d’influence.
En 1795, la création du premier règne Sa’oud provoqua la fin du
pouvoir politique des Banou Khalid et Hasa tomba sous
l’influence des forces de Sa’oud jusqu’à ce que cet émirat fut
vaincu en 1818.
En 1830, les Sa’oud rétablirent une apparence d’autorité dans la
région et l’occupation de Hasa fut la première tentative
d’établir le règne des Sa’oud après la destruction de Dir’iyyah
en 1818. Cette deuxième occupation (1830-38) fut précaire et
Hasa devint le champ de bataille entre les adversaires de Sa’oud
pour régner après la mort de Faysal Ibn Tourki en 1865. Cette
rivalité fut partiellement résolue avec l’arrivée des Ottomans
en 1870, un mouvement planifié et coordonné par Midhat Basha,
l’énergique gouverneur ottoman de Baghdad. Hasa devint une
division administrative de la province de Basra et un gouverneur
ottoman fut posté à Hofouf.
Après la chute des Banou Khalid, Hasa fut convoitée tant par les
Ottomans, les Koweitiens, les Sa’oud, les Rashidi et les états
étrangers comme la Grande-Bretagne et le Portugal. Les rapports
historiques sur la région se rapportent plus aux Ottomans et aux
Britanniques et souvent dans le cadre de la piraterie,
l’esclavage et la rivalité internationale dans le Golfe sachant
qu’un grand pourcentage des habitants étaient de confession
shi’i.
La formation de l’état en
Arabie
Bien qu’ils ne sont pas la cause réelle, un grand nombre de
facteurs tels que le mouvement démographique, la
sédentarisation, les intérêts économiques mais aussi d’après les
occidentaux, la force militaire, la conquête et la motivation
religieuse furent officiellement attribué à la formation de
l’émirat en Arabie bien que durant des siècles toutes les tribus
ont toujours vécus les unes aux côtés des autres sans que l’une
d’entre elle ne cherche l’hégémonie totale.
La véritable raison est l’ingérence étrangère qui travaillait
déjà à miner l’intégrité de l’empire ottoman et qui allait
permettre au Sa’oud de faire de l’Arabie, un état à part entière
qui allait prendre leur nom, devenir leur propriété personnelle
et sur lequel l’unique clan Sa’oud allait régner avec la
reconnaissance et l’aide internationale.
L’émergence de l’état
Les premières décades du vingtième siècle virent la
désintégration et la disparition des différentes forces locales
et l’essor de ‘Abd al-‘Aziz Ibn Abd al-Rahman as-Sa’oud,
communément appelé Ibn Sa’oud, à travers ses campagnes
militaires qui conduisirent à la renaissance de l’autorité des
Sa’oud à travers deux acteurs importants : les Moutawwa’a, une
force préexistante prête à être mobilisée au service de l’état,
des spécialistes religieux et agents actifs et les Ikhwan, une
cruciale force militaire tribale formée par le résultat du
travail d’expansion des premiers quand l’Arabie fut intégrée
dans la sphère d’influence britannique avant l’effondrement de
l’empire ottoman.
Et dès 1900, la plupart des souverains du littoral de la
péninsule arabe du Koweït au Muscat avaient déjà signé des
traités de protection avec la Grande-Bretagne qui acheva
d’étendre sa protection aux souverains intérieurs jusqu’au
déclenchement de la Première Guerre mondiale. La guerre fut un
prétexte qui permis une plus grande intervention de la
Grande-Bretagne dans en Arabie et qui renforca les efforts de
Sa’oud pour l’édification de l’état.
Madina - Ar-Rawda
La conquête de Riyad
Comme nous l’avons déjà mentionné, Riyad était en 1900 sous
l’autorité des émirs Rashidi dont le territoire s’étendait à la
plupart de l’Arabie Centrale, de Ha’il au nord, à Qasim dans le
centre jusqu’à Riyad au sud. Muhammad Ibn Rashid (1869-97) avait
déjà expulsé de la porte de Riyad au Koweït, ‘Abd al-Rahman le
dernier souverain Sa’oud, où il vécut sous la protection
d’as-Sabah et la proximité des Britanniques, un service qui
allait lui être rendu lorsque Saddam Hussein envahira le Koweït
en 1980. Le successeur de Muhammad, ‘Abd al-‘Aziz Ibn Mout’ib
Ibn Rashid (1897-1906), gouverna cette région par les chefs
locaux et ses représentants et l’émir de Ha’il gagna la faveur
des Ottomans.
Du Koweït, ‘Abd al-Rahman le fils d’Ibn Sa’oud lanca une attaque
contre Riyad pour capturer la ville des Rashidi encouragé par
les souverains d’as-Sabah, qui craignirent l’extension du
pouvoir des Rashidi sur leur propre port renforcés par les
suggestions britanniques qui soulignèrent l’alliance des Rashidi
avec l’empire ottoman et leurs menaces d’autant plus que les
souverains koweitiens avaient déjà signé un traité de protection
avec la Grande-Bretagne dès 1899. L’accord anglo-koweïtien
garantissait le pouvoir permanent pour la famille as-Sabah,
l’intégrité du Koweït, la protection contre les attaques
extérieures et l’extension des intérêts britanniques dans le
Golfe supérieur.
Du Koweït, au début de l’année 1902, Ibn Sa’oud rassembla entre
quarante et soixante hommes selon les sources et marcha sur
Riyad qu’il prit durant la nuit après avoir surpris la garnison
Rashidi et tué le représentant d’Ibn Rashid. Ibn Sa’oud fut plus
tard rejoint par sa famille à Riyad ainsi que son père en mai
pour confirmer son fils dans son poste de gouverneur de la
ville.
De Riyad, Ibn Sa’oud entreprit une série de campagnes dans le
sud et l’est du Najd et les petites villes de ‘Arid, Washm,
Soudayr et Kharj tombèrent entre ses mains. Les troupes Rashidi
se retirèrent de Qasim, maintenant une zone tampon entre leur
capitale du Nord et le nouveau territoire de Sa’oud établi dans
le sud du Najd.
Après Riyad et le sud du Najd et entre 1902 et 1906, Qasim
devint le champ de bataille entre Sa’oud et les Rashidi. Les
Ottomans soutinrent Ibn Rashid contre Ibn Sa’oud, en envoyant
des troupes et des munitions tandis qu’Ibn Sa’oud était protégé
par une alliance avec les Koweitiens et les Britanniques qui
organisaient la véritable politique de la région et qui
considérèrent dès lors le soutien ottoman en faveur d’Ibn Rashid
comme une menace directe contre leurs propres intérêts au
Koweït.
L’incorporation de Qasim dans le royaume d’Ibn Sa’oud fut obtenu
après la bataille de Rawdat Mouhannah en 1906 durant laquelle le
souverain de Ha’il, ‘Abd al-‘Aziz Ibn Rashid fut tué et cette
même année, Ibn Sa’oud étendit son contrôle sur les villes
importantes de Qasim, ‘Ounayzah et Bouraydah. Le nouveau émir de
Ha’il se retira dans sa capitale et le reste des troupes
ottomanes retourna à Madina et Basra.
Après Qasim, le champ de bataille se déplaça vers Hasa, où
vivait une communauté de rafida (shi’a), ceux qui ont rejeté la
foi, selon la définition islamique et en 1913 Ibn Sa’oud lanca
une attaque contre Hofouf où les Ottomans avaient posté 1200
soldats après l’annexion de la province en 1870. Ibn Sa’oud
avait reconnu théoriquement le sultan ottoman mais sapa son
autorité quand il nommé un de ses parents, Ibn Joulouwi,
gouverneur de la région.
La première
guerre mondiale et Ibn Sa’oud
Avec l’approche de la première guerre mondiale, les
fonctionnaires ottomans firent tout leur possible pour se
réconcilier avec les deux souverains du Najd, Ibn Sa’oud et
Sa’oud Ibn ‘Abd al-‘Aziz Ibn Rashid et obtenir d’eux une
promesse de coopération militaire et l’interdiction d’entrer en
relation ou d’accorder des concessions aux pouvoirs étrangers
dans leurs territoires.
De même, la Grande-Bretagne chercha à affermir sa position avec
ses alliés locaux du Najd pour mettre fin à l’autorité ottomane
dans la région et la guerre libéra la Grande-Bretagne de sa
politique de non-intervention précédente dans les affaires
intérieures. Ibn Sa’oud avait espéré entrer en négociations avec
la Grande-Bretagne après sa conquête de Hasa en 1913.
Deux ans plus tard, il reçut le capitaine Shakespeare, un envoyé
britannique dont le rôle était de conclure un traité avec Ibn
Sa’oud semblable aux traités conclus avec les autres souverains
du Golfe qui permettrait à la Grande-Bretagne de gagner le
contrôle du littoral ouest du Golfe, de contrôler le trafic
d’armes et d’exclure tous les pouvoirs étrangers d’Arabie.
Shakespeare fut tué dans la bataille de Jarrab ou il combattait
au côté d’Ibn Sa’oud contre Ibn Rashid en 1915.
Par ce traité, le gouvernement britannique reconnut Najd, Hasa,
Qatif et Joubayl, leurs dépendances et territoires comme le pays
d’Ibn Sa’oud et que l’agression contre ceux-ci aurait pour
résultat l’intervention britannique pour porter assistance à Ibn
Sa’oud.
En signant ce traité, Ibn Sa’oud reçut 1000 fusils et une somme
de 20000 livres selon les sources occidentales. De plus, le
traité accordait à Ibn Sa’oud un salaire réguliers et mensuel de
5000 livres, des livraisons régulières de mitrailleuses et de
fusils. Ibn Sa’oud reçut cette subvention jusqu’à 1924 d’après
les mêmes sources.
En échange, Ibn Sa’oud s’engagea à n’entrer en correspondance,
accord ou traité avec aucune nation étrangère ou pouvoir et
s’abstiendrait de toute agression ou interférence avec les
territoires du Koweït, du Bahreïn et des Sheikhs du Qatar et du
‘Oman qui étaient aussi sous protection et traité du
gouvernement britannique. Ce traité marqua le début de la
participation directe de la Grande-Bretagne dans les affaires
politiques intérieures de l’Arabie jusqu’à nos jours et si Ibn
Sa’oud trahit ses engagements envers les Ottomans, il n’en fut
pas de même pour les Britanniques.
Ibn Rashid, quant à lui, se distança de la Grande-Bretagne,
conserva son alliance avec les Ottomans et Ha’il resta sous leur
contrôle pendant la guerre. Les Ottomans nommèrent Ibn Rashid
émir du Najd et lui envoyèrent 25 officiers allemands et turcs
ainsi qu’environ 300 soldats en échange de sa loyauté.
Les deux rivaux d’Arabie centrale, Ibn Rashid et Ibn Sa’oud,
poursuivirent leurs hostilités pendant la guerre d’autant plus
que leur rivalité fut alimentée par leur choix d’alliance, le
premier avait préféré s’allier avec les Musulmans tandis que
l’autre avait préféré les mécréants. De ce fait, la
Grande-Bretagne poussa Ibn Sa’oud à attaquer Ha’il en 1917,
puisque son souverain était l’allié des Ottomans. Puisqu’aucune
victoire décisive ne fut remportée, Ibn Sa’oud profita de la
guerre pour demander plus d’aide à la Grande-Bretagne contre Ibn
Rashid. Ibn Sa’oud prétendit que le territoire entre Qasim et
Ha’il était stérile rendant la survie difficile pour ses troupes
et soutint en plus que Ha’il était bien fortifié et difficile à
conquérir avec les armes en sa possession. La Grande-Bretagne
accepta de l’aider avec 1000 fusils supplémentaires et 100.000
balles pour annexer le territoire des Rashidi. Cependant Ibn
Sa’oud fut incapable de conquérir Ha’il durant la guerre et de
l’ajouter à son royaume.
Madina