Guerres Ottomans-Perse
Les guerres Ottomans-Perse qui prirent temporairement fin avec
la signature du Traité de Zouhab en 1639 et la délimitation de
la frontière ottoman-perse en Iraq continua à endeuiller la
partie nord du pays. Les deux provinces de Shahrizour (Kurdistan
irakien) et Mossoul subirent les coups continus des campagnes
perses pour reprendre le territoire perdu et particulièrement en
1730.
Dans l’intervalle, Nadir Shah (1736-47), un aventurier d’origine
afghane usurpa le trône de la Perse en 1736 et mit fin ainsi à
la dynastie safawi avant d’assiéger Baghdad en 1743.
En 1746, un traité entre l’empire ottoman et la Perse réaffirma
la frontière de 1639 mais ces périodes de paix furent toujours
de courte durée.
Une des plus importantes campagnes militaires contre Basra eut
lieu dans la dernière partie du 18ème siècle.
En 1776, le commandant perse Karim Khan Zand, qui avait pris le
contrôle de la Perse en 1747 après l’assassinat de Nadir Shah,
profita d’une guerre civile à Baghdad pour occuper Basra. Avec
Baghdad dans l’agonie de son propre conflit intérieur, le député
de Zand trouva une main libre pour gouverner la province du sud
durant trois longues années. Il fut finalement forcé à évacuer
son armée après qu’une une tribu Mountafiq du sud de Basra
infligea une sévère défaite à son armée et le chassa du sud de
l’Iraq.
Les campagnes tribales
En plus des offensives militaires ottomanes, safawi et leurs
successeurs en Iraq, les campagnes tribales perturbèrent
sérieusement le pays. Les historiens conviennent généralement
que les sécheresses, la surpopulation et la lutte pour les rares
ressources produisirent un changement radical parmi les tribus
arabes de la péninsule à partir du 17ème siècle et après. Ce
changement eut pour résultat la migration de grandes
confédérations de tribu d’Arabie en Iraq.
Vers 1640 et après, la grande tribu Shammar, un ensemble de
plusieurs branches et clans, débuta sa migration vers le nord,
vers des cieux plus hospitaliers. A l’origine, les Shammar
faisaient partie de la tribu yéménite Tay. Les Tay se
déplacèrent au nord du Yémen vers la fin du deuxième siècle
avant ‘Issa Ibn Maryam (paix sur eux) et s’installèrent dans la
région montagneuse du Najd actuellement l’Arabie Saoudite, où
ils devinrent des bergers de chameau et des éleveurs de chevaux.
Aux temps préislamiques, Tay fit des incursions tant en Iraq
qu’en Syrie durant les périodes de sécheresse. La date exacte
varie selon les sources mais c’est au 16ème siècle que la tribu
commença à utiliser couremment le nom Shammar, nom d’un des
premiers chefs de tribu. Les Shammar attaquèrent Baghdad en 1690
et émigrèrent aussi en Iraq pendant d’autres périodes de
sécheresse. Les Shammar allaient devenir une des tribus les plus
puissantes d’Iraq et son pouvoir s’étendre jusqu’à de nos jours.
Les Shammar furent suivis par d’autres éminentes tribus telles
d’Anayza (dont une subdivision, ‘Outeybah fonda la ville du
Koweït au début du 18ème siècle, tandis qu’une autre produisit
les Sa’oud) et des Bani Lam. Comme les Shammar, les Bani Lam
sont issus de l’ancienne tribu Tay et émigrèrent du Najd vers
l’Iraq ou ils s’installèrent essentiellement dans la région du
Tigre Inférieur.
Naturellement, la lutte pour le pouvoir entre les nouvelles
tribus arrivées et celles déjà établies en Iraq créèrent des
conditions chaotiques et instables à travers la région.
À partir du début du 18ème siècle et après, les nouveaux
gouverneurs, commandants de Sipahis (spahis) ou de corps de
cavalerie, instruits dans les écoles du palais, furent envoyés
d’Islamboul vers les provinces irakiennes, vinrent à bout de la
situation et chargé de la mission de reprendre l’Iraq pour
l’empire, les gouverneurs de Baghdad Hassan Basha (1702-24) et
son fils Ahmad Basha (1724-47) entreprirent d’imposer la lois en
vainquant les tribus ou dans la mesure du possible en coopérant
avec leurs chefs. L’histoire de cette lutte est bien documentée
dans les chroniques irakiennes de la période et elle est pleine
de comptes rendus de commandants ottomans attaquant les tribus
du Kurdistan à Basra. De temps en temps, les Ottomans trouvèrent
les tribus utiles et formèrent de brèves alliances avec eux
particulièrement durant leurs campagnes contre la Perse.
De 1702 à 1747, avec une brève interruption, les Sipahis
assumèrent le contrôle de Baghdad et, beaucoup plus tard, de
Basra au nom des Ottomans. Les gouverneurs de Baghdad dans cette
période, Hassan Basha et son fils Ahmad Basha, débutèrent leurs
carrières à repousser les offensives perses dans les provinces
irakiennes tout en attaquant en même temps en profondeur les
forces perses dans leur territoire tel que Kirmanshah et
Hamadan. Cependant dès 1736, les Ottomans et leurs représentants
en Iraq, étaient en pleine retraite.
Les campagnes de Nadir Shah contre Mossoul et Baghdad menacèrent
la totalité de l’édifice ottoman en Iraq et ce fut un grand
soulagement aux Iraquiens de toutes les classes et des fonds
qu’un traité de paix soit finalement signé. Dans les conditions
troublantes qui persistèrent après la fin des hostilités, Ahmad
Basha continua la mission de son père d’apaiser intérieurement
l’Irak ne serait-ce que pour centraliser une collection plus
efficace des taxes des provinces pour la trésorerie nationale.
Entre 1750 et 1831, une dynastie Mamalik gouverna Baghdad puis
Basra qu’ils firent une filiale de Baghdad et, plus tard,
développèrent des liens étroits avec Mossoul tout en
représentant officiellement le sultan ottoman.
À l’exception des gouverneurs Mamalik Souleyman Abou Layla
(1748-62) et ‘Umar Basha (1764-75), qui envoyèrent peu ou pas de
revenu à Islamboul, la plupart des Mamalik étaient circonspects
à l’égard des Ottomans.
Les plus importants Mamalik furent Souleyman Abou Layla,
Souleyman le Grand (780-1802) et Daoud Basha (1817-31). Le
premier reconstitua le système Mamalik de casernes militaires
avec des réserves de jeunes géorgiens.
Souleyman le Grand fut ainsi appelé parce qu’il fut un des
meilleurs gouverneurs de son temps et tenu en haute estime par
les Arabes aussi bien que les Européens, un accomplissement
rare. Il est bien connut que seul les traitres et les agents «
musulmans » sont tenus en haute estime par les Occidentaux.
Alors qu’il était gouverneur de Basra, il écarta une armée
persane durant 13 mois mais fut forcé d’abandonner la ville
quand les renforts promis de Baghdad n’arrivèrent point. Une des
fautes des souverains Mamalik fut son incapacité à établir une
succession formelle et par conséquent, le fractionnement et les
jeux de pouvoir dans la classe Mamelouk à Baghdad travaillèrent
souvent à leur inconvénient. Tel fut le cas avec Basra. Après
l’occupation perse de Basra entre 1776-79, Souleyman fut
emprisonné, seulement pour ré-émerger après la mort du Khan
perse et le retrait des forces persanes de Basra. Après avoir
repris le leadership de Basra, Souleyman fit une offre acceptée
pour le gouvernement de Baghdad. Ce fut sous le règne de
Suleyman le Grand que les provinces de Basra dont le port du
même nom et Shahrizour, récemment libéré de l’armée persane,
rejoignirent Baghdad.
Les achèvements militaires de Souleyman le Grand étaient, pour
la plupart, d’une nature intérieure. Il dut reconstruire sa
propre garde du palais pour prendre le contrôle de Baghdad et
ensuite vaincre des chefs de tribu rebelles qui menaçaient les
grandes régions du centre et du sud de l’Iraq. La première tâche
qu’il se fixa fut de réorganiser la garde géorgienne qui avait
fourni une force efficace à ses prédécesseurs Mamalik.
Nous ne parlons que de l’aspect extérieur de l’histoire
irakienne car il est bien certains que dans les terres
musulmanes d’autres éléments étaient déjà actifs qui semaient la
division et la discorde parmi les tribus contre les Ottomans et
le cas des Sa’oud dans le Najd en est la parfait exemple avec
Laurence d’Arabie.
Les Janissaires ou les troupes impériales se rebellèrent au fil
du temps et essayèrent d’affaiblir un peu plus les forces des
Mamalik au pouvoir.
En 1780, Souleyman introduisit environ 1000 jeunes géorgiens et
après les avoir formés et équipés, leur donna la responsabilité
ultime de la défense de la capitale tandis que les Janissaires
furent bannis loin de Baghdad puis, en 1787, il s’allia avec la
tribu Mountafiq et d’autres et marcha sur Baghdad. Souleyman
Basha attira alors les janissaires dans le sud de l’Iraq ou il
pulvérisa leurs forces lors d’une victoire retentissante.
Daoud Basha, le dernier Mamelouk fut aussi extraordinaire mais
d’une autre façon et en plus d’exceller dans les objectifs
militaires et les méthodes administratives, il était doté d’une
fine acuité intellectuelle. Sous son règne, les savants
religieux, les professeurs de lois et les historiens se
rendirent fréquemment dans sa cour à Baghdad, où il sponsorisa
un renouveau intellectuel, classé second après celui des
premiers commandants Sibahi d’Iraq, Hassan et Ahmad Basha.
Daoud Basha bâtit des mosquées et des écoles et fournit de
nouvelles possibilités d’emploi aux savants sounnis de Baghdad
et de sa périphérie, et les invita à participer à la renaissance
culturelle de la ville.
Daoud suivit l’exemple d’Ahmad et il est estimé qu’il
construisit plus de 26 nouvelles écoles et mosquées cependant,
contrairement à Ahmad, il participa aux délibérations de savants
et de professeurs de lois sur un même pied d’égalité du fait
qu’il compléta tous les stades d’éducation religieuse incombant
à un savant et pouvait excellemment discuter des doctrines
religieuses avec les savants islamiques. Après sa déposition en
1831, suite à une rébellion de grande envergure contre l’empire,
Daoud fut pardonné par le sultan et passa le reste de ses jours
comme un musulman dévot dans une des villes les plus sacrées de
l’Islam, Madinah al-Mounawwarah.
Daoud fut essentiellement important parce qu’il gouverna Baghdad
et Basra d’une main de fer tout en appliquant un mouvement de
réforme dans les affaires économiques et militaires. Ses
réformes furent axées sur la création d’une armée effective de
20000 soldats formés par un conseiller français qui intégra les
Janissaires et les Gardes du Palais dans un seul corps de
défense. Pour compléter cette transformation, Daoud établit
aussi une usine de munitions et plusieurs autres d’armement.
Daoud effectua aussi plusieurs raids systématiques sur les
tribus irakiennes qui restreignaient le contrôle du gouvernement
sur l’Iraq.
Les Britanniques
Au début du 18ème siècle, la Grande-Bretagne n’était pas
seulement le pouvoir ascendant dans le Golfe et l’Océan Indien,
mais ses représentants à Islamboul (Istanbul), Basra et Baghdad
intervenait communément avec force dans la politique locale de
la région, en grande partie à cause de l’importance du commerce
britannique dans la région, surtout dans la ville-port de Basra,
dont la communauté marchande, non moins que son gouverneur,
dépendait de l’arrivée de grands navires commerciaux de l’Inde
britannique, aussi bien que des centaines de plus petits
vaisseaux commerciaux qui s’arrimaient régulièrement dans le
port de Basra. Certes le prétexte économique ne cachera pas le
but fondamental de ces opérations qui étaient de diminuer le
pouvoir islamique ottoman grandissant, une guerre déguisée entre
Islam et Christianisme qui culminera avec le dépeçage de l’état
ottoman.
Il existe des preuves historiques que certains bachas Mamalik
furent confirmés dans le pouvoir suite à l’influence britannique
dans Istanbul. En fait, l’autorité britannique devint si
significative qu’il est estimé que durant les trois dernières
décades du règne des Mamalik et jusqu’en 1831, tout Moutassalim
(député gouverneur) de Basra ne pouvait conserver son pouvoir
sans le soutien britannique ou son consentement.
Avant le début du 19ème siècle, l’armée ottomane était composée
de troupes impériales et majoritairement de Janissaires qui
avaient infiltré le commerce et l’industrie d’Istanbul aussi
bien que les provinces européennes et arabes, en créant des
alliances locales qui dirigeaient souvent les comptoirs
commerciaux selon les ordres du gouvernement central qu’ils
étaient censés servir et obéir. Lors de deux ou trois occasions,
les Janissaires organisèrent des coups et expulsèrent le sultan
en personne. La menace janissaire devint si alarmante que sa fin
était inévitable quand le sultan Mahmoud Thani (Deux) les
massacra en masse et opta pour l’introduction d’une force
militaire plus centralisée et totalement sous son commandement.
Cette nouvelle force, l’armée permanente ottomane fut formée et
supervisée par des Occidentaux qui fondèrent de nouvelles écoles
militaires utilisant les tactiques, les stratégies et l’armement
européen. Si les Ottomans avaient étudié l’histoire des
Abbassides et comment les Turcs furent introduits dans le
gouvernement abbaside aux dépens des Arabes, ils auraient pu
éviter un désastre majeur.
Il fallut un demi-siècle pour concrétiser cette armée qui permit
de gagner plusieurs importantes batailles dans les premières
phases de Première Guerre mondiale.
Dans les provinces d’Iraq, l’armée fut réorganisée et de
nouvelles écoles militaires et civiles furent par conséquent
établies ou l’éducation fut plutôt centrée sur les langues et
les sciences exactes que sur les traditionnels Kouttab ou écoles
islamiques basées sur l’apprentissage des sujets religieux et
littéraires et militaires si bien que les principes de base de
discipline militaire, d’entraînement efficace et de loyauté au
corps prirent beaucoup plus de temps pour se concrétiser, s’ils
se concrétisèrent. Un plan soigneusement étudié pour réduire la
nation à son ennemi et depuis toutes les académies militaires
dans les pays musulmans sont basées sur ce principes ou tout
sauf l’Islam leur est enseigné si bien que l’Islam est considéré
comme l’ennemi numéro un.
Pour résultat, à la fin du 19ème siècle, la sixième armée
composée de deux divisions d’infanterie, une division de
cavalerie et de régiments d’artillerie basée à Baghdad était une
des unités militaires les plus faibles de l’empire. Les soldats
souvent indisciplinés furent une plaie pour le commandement
militaire ce qui allait faciliter grandement l’occupation
étrangère.
En 1910-11, le puissant gouverneur de Baghdad, Nazim Basha
(1848-1912) qui fut aussi nommé commandant de l’armée, tenta de
réformer la sixième armée ce qui eut pour effet d’alarmer
aussitôt les Britanniques qui attendaient de cueillir la cerise
sur le gâteau. Sa volonté qu’aucun frais ne soit épargné pour
transformer l’armée branlante en force de combat attirèrent sur
lui la concurrence et bientôt le consul britannique reçut des
rapports dérangeants que d’énormes canons étaient introduits
pour mettre à jour les défenses ottomanes ainsi que
l’entraînement quotidien et nocturne de troupes. En plus de
cela, Nazim Basha entreprit de furieuses campagnes contre les
tribus rebelles irakiennes qu’il essaya de soumettre d’une
traite surestimant ses troupes qui n’étaient pas prêtes.
Finalement, il fut rappelé à Istanbul à cause de la lourde
pression britannique et si la sixième armée irakienne, lors de
la Première Guerre mondiale, infligea une lourde défaite aux
Britanniques à Kout en 1916, ce fut simplement pour être vaincue
à la fin de la guerre.
Nazım Pasha