Chapitre Neuf

 

Le ravage des terres ismaéliennes par les Tatars

 

En l’an 650 de l’Hégire (1252), des nouvelles arrivèrent que Mango Khan l’empereur des Tatars avait envoyé son frère Houlakou pour conquérir l’Irak et ce dernier envahit les terres des ismaéliens qu’il pilla, ravagea après avoir éliminé ou prit en esclavage l’ensemble de la population. Il étendit ses exactions jusqu’à Diyar-Bakr et Mayafariqin et ses soldats pénétrèrent sur les territoires de Ras al-‘Ayn et de Sarouj ou ils massacrèrent plus de dix mille hommes et prirent un nombre égal de prisonniers. Ils tombèrent sur caravane qui se rendait de Harran à Baghdad qu’ils pillèrent aussi et prirent un immense butin dont six cents charges de sucre d’Égypte et six cent mille pièces d’or. Ils passèrent par l’épée tous les vieillards, hommes et emmenèrent en esclavage les femmes et les enfants. Les habitants de ces contrées effrayés par ces nouvelles s’enfuirent en hâte et traversèrent l’Euphrate.

 

Cette même année, la ville d’Alep fut ravagée par un incendie terrible et après avoir acquis la certitude, il se trouva qu’il avait été allumé par les croisés, qu’Allah les maudisse. L’incendie ravagea six cents maisons et des richesses incalculables.

 

 

La propagation de la religion musulmane chez les Tatars

 

En l’an 652 de l’Hégire (1254), la paix fut conclue pour une durée de deux ans six mois et quarante jours datant du premier jour de Mouharram entre Malik an-Nassir et les croisés d’Acre. Il fut convenu que ces derniers recevraient les revenus du pays qui s’étend depuis ash-Shari’at ou dire le Jourdain. Les deux partis portèrent serment pour le respect de ce traité.

 

A cette époque parut un feu dans la ville d’Aden qui effraya les cœurs.

 

Cette année aussi, mourut le roi des Tatars, Sartak Khan Ibn Shinjiz-Khan, après un règne d’un an et quelques mois. Baraka Khan Ibn Batou Khan Ibn Joushi Khan Ibn Shinjiz Khan lui succéda et se convertit à l’Islam. Sous son règne, la religion musulmane se propagea dans ses états. Il construisit Madrassah et honora les savants. Son épouse Jajak devint aussi musulmane et fit élever une tente qui lui servit de mosquée dont le service fut donné au Sheikh Najm ad-Din Koubra.

 

 

 

Le 5 du mois de Joumadah Thani de l’année 654 de l’Hégire (1256), un feu apparut le Hijaz à l’est de Médine à Wadi Shazah près de la montagne d’Ouhoud qui dura un mois entier. La ville de Médine fut secouée de tremblements de terre et le lundi 1de ce même mois, cinq jours avant son apparition, des bruits effrayants qui durèrent jour ni nuit jusqu’au vendredi suivant furent entendus. Et nous avons déjà rapporté cet évènement dans le premier volume.

 

La nuit du vendredi 1 du mois de Ramadan, la mosquée du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) Médine fut consumée par un incendie allumé par la lampe du gardien. Le feu dévora toute la toiture et une partie des colonnes tandis que le toit du noble sanctuaire fut entièrement brûlé.

 

Cette même année, une inondation submergea Baghdad et un grand nombre d’habitants périrent.

 

Les Tatars se rendent maitre du Sultanat de Roum et assiègent Baghdad

 

Toujours cette même année, Houlakou Ibn Toulou Khan Ibn Shinjiz Khan devint puissant et célèbre après avoir conquis un grand nombre de villes. Un de ses commandants pénétra dans le pays des Seljouks Roum et le sultan Ghiyath ad-Din Kaykhousrou se retira devant lui et périt dans sa fuite. Les Tatars prirent alors Césarée et les régions environnantes sur une distance d’un mois de marche se rendant maitre des terres des Seljouks.

 

Peu de temps après, Ibn al-‘Alqami le vizir du calife de Baghdad reçut des espions envoyés par Houlakou et avec qui il fit des plans. Les espions firent des promesses à plusieurs émirs de Baghdad tandis que pendant ce temps, le calife livré à ses passions n’avait aucune connaissance des complots qui se tramaient derrière son dos.

 

 

Le 15 du mois de Joumadah Thani de l’année 655 de l’Hégire (1257), la lune fut éclipsée et prit une teinte extrêmement rouge puis le soleil prit la même couleur durant plusieurs jours consécutifs.

 

Cette même année, Houlakou Ibn Touli Ibn Shinjiz Khan marcha sur Baghdad et envoya des messagers au calife pour l’inviter à lui payer le tribut. La terreur se répandit dans la ville et bientôt Houlakou vint camper devant la ville qu’il assiégea. Nous avons rapporté la suite des évènements et la chute de Baghdad dans le premier volume.

 

 

L’exécution du dernier calife abbasside de Baghdad

 

En l’an 656 de l’Hégire (1258), la famine et les maladies se répandirent. A Damas, Alep et en Égypte, les prix des denrées devinrent exorbitants. A Alep, le Makouk de froment coutait cent pièces d’argent, celui d’orge soixante et un melon coûtait trente dirhems.

 

Le 6 du mois de Safar de cette même année, après la chute de Baghdad, Houlakou fit tuer le calife abbasside al-Mousta’sim Billah qui régna quinze années sept mois et six jours. Sa mort mit fin au règne de la maison de ‘Abbas et les Musulmans restèrent sans calife jusqu’en l’an 659 de l’Hégire.

Après la chute de Baghdad, les Tatars prirent Arbil et Badr ad-Din Lou'lou', le souverain de Mossoul, se soumit à leur autorité.

 

Toujours cette même année la maladie ravagea la Syrie et il mourait chaque jour à Alep plus d’un millier de personnes. De même, un grand nombre d’habitants de Damas en furent victimes.

 

Al-Malik an-Nassir, le souverain de Damas, envoya son fils al-Malik al-‘Aziz accompagné d’un grand nombre d’émirs chargé de présents à Houlakou qu’il offrit à ce dernier quand il fut en sa présence. Il lui demanda, au nom de son père, son aide afin qu’il reprenne l’Egypte aux Mamalik. Houlakou ordonna alors qu’environ vingt mille cavaliers l’accompagnent à son retour.

Environ trois mille soldats de son armée désertèrent avec eux leurs femmes et leurs enfants et se réfugièrent à Damas. Malik an-Nassir voulut alors augmenter ses forces et les prit à son service cependant, leur insolence augmenta chaque jour et leurs exigences devinrent excessives. Al-Malik an-Nassir qui les craignaient, essaya de les gagner par ses bienfaits mais il ne fit qu’augmenter leur insubordination. Alors, ils l’abandonnèrent et partirent pour Karak, chez le souverain al-Malik Moughith qui les reçut avec joie et pensa avec leur aide, mettre la main sur Damas.

 

 

La lettre d’Houlakou à al-Malik an-Nassir, le prince d’Alep

 

En l’an 657 de l’Hégire (1259), les Tatars attaquèrent sans succès la ville de Mardin. Après un siège infructueux, ils levèrent le siège et marchèrent sur Mayafariqin qu’ils assiégèrent si durement que les habitants furent réduits à manger le cuir des sandales.

 

Lorsqu’al-Malik al-‘Aziz Ibn al-Malik an-Nassir retourna de sa visite à Houlakou, il apporta une lettre qui disait :

« Nous informons al-Malik an-Nassir, le prince d’Alep, que par la force de l’épée du Dieu Très-haut, nous avons conquis Baghdad, massacré ses guerriers, détruit les édifices et fait prisonniers ses habitants, suivant ce verset du Livre Noble de Dieu : « En vérité, quand les rois entrent dans une cité ils la corrompent, et font de ses honorables citoyens des humiliés. » Nous avons fait amener le calife devant nous et l’avons questionné mais il ne répondit que par des mensonges alors, il dut se repentir de sa conduite et mérita la peine de mort que nous avons rendu contre lui. Cet homme pervers ne passait son temps qu’à ramasser les richesses sans s’occuper de ses sujets. Sa réputation se répandit et il occupait un rang élevé. Que Dieu nous garde de la perfection et de la grandeur.

Quand une chose arrive à son fait, elle commence à décliner.

Lorsque tu entends dire : Elle est parfaite, crains alors une catastrophe.

Si tu es dans la prospérité, conserve-la avec soin,

Car les crimes entraînent la perte du bonheur.

Combien d’hommes passèrent la nuit dans la félicité,

Sans se douter que la mort allait fondre sur eux à l’improviste.

Lorsque tu auras pris connaissance de ma lettre, hâte-toi de te soumettre ainsi que tes sujets, tes guerriers et tes richesses au roi des rois, souverain du monde. Faisant ainsi, tu éviteras sa colère et mériteras ses bienfaits, ainsi que Dieu Le Très Haut l’a dit dans Son Noble Livre : « Et qu’en vérité, l’homme n’obtient que [le fruit] de ses efforts et que son effort, lui sera présenté (le jour du Jugement). Ensuite il en sera récompensé pleinement. »

Prends garde d’emprisonner nos messagers comme tu l’as fait précédemment et observe envers eux la justice et congédie-les avec des témoignages de bienveillance. Nous avons appris que des marchands Syriens et autres, se sont réfugiés dans un caravansérail avec leurs femmes et leurs richesses. Sache que s’ils se retiraient sur les montagnes, nous les abattrons et s’ils se cachaient sous la terre, nous la retournerons.

Où se sauver quand aucun fugitif ne pourrait trouver asile.

Les deux éléments, la terre et l’eau, m’appartiennent.

Notre force redoutable nous a soumis les lions,

Les émirs et les vizirs sont sous notre volonté. »

 

L’émir Sayf ad-Din Qoutouz devint le nouveau sultan d’Égypte

 

Al-Malik an-Nassir fut effrayé à la lecture de son contenu et fit aussitôt envoyer son épouse à Karak. Lorsque les habitants de Damas furent informés que les Tatars avaient déjà traversé l’Euphrate, ils devinrent terrifiés et un grand nombre d’entre eux partit pour l’Égypte malgré la saison hivernale si bien qu’un grand nombre d’entre eux périrent sur la route tandis que la plupart des autres furent dépouillés de tous leurs biens.

Quand al-Malik an-Nassir apprit qu’Houlakou marchait sur la Syrie, il envoya Kamal ad-Din ‘Omar Ibn Adim en Égypte pour demander de l’aide et quand il arriva au Caire, une réunion fut aussitôt organisée dans la citadelle en présence d’al-Malik al-Mansour et du Qadi al-Qoudat Badr ad-Din al-Hassan as-Sinjari et du Sheikh ‘Izz ad-Din ‘Abd as-Salam. Ils furent questionnés sur la légitimé d’utiliser les biens du peuple pour les dépenses que l’armée exigeait pour la circonstance. Ibn ‘Abd as-Salam répondit : « Si l’argent du trésor public est totalement épuisé ainsi que tous vos ornements personnels et que seule votre armure vous distingue du peuple, si chaque émir a rien de plus que sa monture alors on peut licitement prendre une partie des biens des gens pour repousser l’ennemi. De plus, si l’ennemi se présentait alors tout homme, sans exception, devra le repousser au prix de sa vie et de ses richesses s’il le fallait. »

L’assemblée se sépara alors sans qu’aucune décision ne fût rendue. L’émir Qoutouz dit alors : « Il nous faut absolument un responsable capable de faire face à l’ennemi et al-Mansour n’est un enfant incapable de gouverner un état. » Puis, il attendit que les émirs ‘Alim ad-Din Sanjar al-Jatmi et Saif ad-Din Bahadour partent à la chasse pour faire saisir al-Malik al-Mansour ainsi son frère Qaqan et leur mère qu’il fit emprisonner dans une tour de la citadelle de la Montagne et al-Mansour fut déposé après avoir régné deux ans, huit mois et trois jours. Et, le 24 du mois de Dzoul Qi’dah de l’an 657 de l’Hégire (1259), l’émir Sayf ad-Din Qoutouz devint le nouveau sultan d’Égypte.

Lorsque les émirs absents furent informés de son usurpation, ils firent des reproches à Qoutouz qui leur dit : « Ma seule intention était de réunir toutes nos forces pour combattre les Tatars et seul un homme capable peut atteindre ce but. » Puis, il demanda aux hommes de lui porter allégeance puis fit ses préparatifs pour la guerre.

 

Bientôt les nouvelles arrivèrent qu’Houlakou avant dépêché une de ses troupes sur Damas. Qoutouz, qui craignait al-Malik an-Nassir, lui envoya un message de soumission dans lequel il lui affirma qu’il n’avait nulle intention de lui résister ou de lui disputer le trône, qu’il se considérait comme le gouverneur de l’Égypte en son nom et lui dit : « Quand tu arriveras ici, je te placerai sur le trône et si tu acceptes mes services, je viendrais aussitôt à la tête de mon armée t’assister contre les ennemis qui avancent vers toi. Si ma présence risque de t’inquiéter alors j’enverrai mes troupes sous le commandement de l’émir que tu choisiras. » Et lorsque al-Malik an-Nassir reçut cette lettre, elle mit fin à ses craintes.

 

Les Tatars pénètrent en Syrie

 

Houlakou quitta Baghdad pour Diyar Bakr et se dirigea vers Alep. Après avoir campé près d’Amid, il marcha sur Harran, dirigée par an-Nassir Youssouf, qu’il assiégea et bombarda avec ses machines de guerre avant de prendre la ville. Une partie de son armée traversa l’Euphrate et ravagea les contrées voisines. A l’annonce de ces nouvelles, les habitants d’Alep abandonnèrent immédiatement la ville. Le gouverneur d’Alep, al-Malik al-Mou’azzam Touranshah Ibn al-Malik an-Nassir Salah ad-Din Youssouf organisa la défense et rassembla la population des provinces voisines.

 

Lorsque les Tatars arrivèrent près d’Alep, une partie de garnison de la ville sortit à leur rencontre mais elle fut décimée avant que les survivants ne se retirent. An-Nassir incertain, pensa tout d’abord à résister à Houlakou et vint camper à Barzah ou il écrivit à al-Malik Moughith, le prince de Karak, et à al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz pour leur demander de l’aide cependant, la faiblesse et la peur s’immiscèrent dans son cœur tandis que tous ses émirs et soldats étaient terrifiés par les Tatars d’autant plus que l’émir Sayf ad-Din al-Hafidi lui exagérait la puissance du chef tatar et lui demandait de se soumettre à lui volontairement.

 

L’émir Rouqn ad-Din Baybars al-Boundouqdari s’emporta contre cet émir, le frappa, l’accabla de reproches et lui dit : « Tu seras la cause de la ruine des Musulmans. » Après quoi, il le quitta, et se retira dans sa tente. Zayn ad-Din al-Hafidi alla trouver al-Malik an-Nassir à qui il se plaignit de la manière dont l’avait traité l’émir Baybars. Lorsque la nuit tomba, un groupe de Mamalik pénétra dans les logements d’an-Nassir pour le tuer et mettre un autre le souverain sur le trône. Al-Malik an-Nassir qui était dans un jardin s’enfuit avec son frère al-Malik az-Zahir et se retira dans la citadelle de Damas dont il sortit peu après sous le conseil de ses émirs tandis que Baybars monta son cheval et prit la route de Gaza.

 

Sur ce, an-Nassir apprit qu’Houlakou s’était rendu maître de la forteresse de Harran et des provinces voisines et, qu’il se préparait à conquérir Alep. Alors il sombra dans le désespoir et fit partir pour l’Égypte son épouse, son fils et ses trésors suivis par les femmes des émirs et la plus grande partie des habitants. L’ensemble de son armée s’enfuit à son tour et seul un petit groupe d’émirs restèrent auprès d’al-Malik an-Nassir.

 

Houlakou qui entretemps assiégea Bira s’empara de la forteresse ou se trouvait emprisonné depuis neuf ans al-Malik Sa’id Ibn al-‘Aziz à qui il donna le gouvernement de Soubaybah et de Banyas puis, Houlakou marcha sur Alep et vint camper sous les murs de la ville. Les habitants de Damas et des villes voisines, s’enfuirent en hâte après avoir vendu leurs biens au plus bas prix mais du fait de la saison hivernale, une grande partie d’entre eux périt sur les routes. Al-Malik Moughith renvoya alors les Mamalik Bahri qui étaient restés auprès de lui, après les avoir enchaînés et montés sur des chameaux. Ils étaient environ une cinquantaine dont l’émir Sounqour ‘Ashqar. Quatre d’entre eux partirent pour l’Egypte dont Qalawoun Alfi, Baktash Fakhri, Baktash Najmi, et Hajj Taybars al-Waziri.

 

Le 12 du mois de Joumadah Thani de cette année, de nombreux tremblements de terre eurent lieu en Égypte.

 

Au mois de Sha’ban, un individu nommé al-Kourani fut arrêté en Egypte et châtié pour avoir émis des opinions hérétiques cependant, il renouvela sa profession de foi et fut remis en liberté.

 

Toujours cette même année, ‘Izz ad-Din Kaykaous et Rouqn ad-Din Kilij Arsalan Ibn Kaykhousrou Ibn Kaykoubad quittèrent Konya et se rendirent chez Houlakou chez qui ils restèrent un certain temps avant de retourner chez eux.

 

 

 

La chute d’Alep

 

Au mois de Mouharram de l’année 658 de l’Hégire (1260), Houlakou vint camper sous les murs d’Alep et envoya des messagers au gouverneur al-Malik al-Mou’azzam pour lui demander de livrer la ville en échange de la sécurité pour lui et les habitants. Al-Mou’azzam refusa ses conditions et choisit de livrer bataille.

Les Tatars assiégèrent alors la ville durant sept jours et prirent Alep par la force des armes. Lorsqu’ils entrèrent dans la ville, ils massacrèrent la population[1], prirent les femmes et les enfants en captivité et pillèrent toutes les richesses. Pendant cinq jours, la ville fut abandonnée à leur fureur et ils commirent un tel massacre que la ville fut jonchée de cadavres et que pour se déplacer, ils étaient obligés de marcher sur ceux-ci. Plus de cent mille femmes et d’enfants furent prit en esclavage.

Le 10 du mois de Safar, la citadelle d’Alep qui avait résisté jusque-là fut prise et rasée ainsi que tous les remparts de la ville sur les ordres d’Houlakou. Les mosquées, les Madrassah et les parcs subirent le même sort si bien que la ville devint un désert stérile. Al-Malik al-Mou’azzam se rendit et ne subit aucun mal cependant, il mourut quelques jours après. Houlakou rendit la liberté à neuf Mamalik Bahri détenus et les combla d’honneurs et parmi eux se trouvaient Sounqour ‘Ashqar, Sayf ad-Din Tankiz, Sayf ad-Din Barmak, Badr ad-Din Bakmash Mas’oudi, Lajin Jamdar as-Salihi et Kidqadi as-Saghir.

 

Lorsque Damas fut informée de la chute de la citadelle d’Alep, ce fut la consternation générale. Al-Malik an-Nassir avait levé des impôts sur les habitants pour lui permettre d’aller combattre les Tatars mais ses troupes s’enfuirent lorsqu’ils entendirent ces nouvelles après avoir vendus au plus bas prix leurs effets.

Le vendredi 15 du mois de Safar, al-Malik an-Nassir quitta Barzah avec le petit nombre de soldats qui restèrent avec lui pour Gaza et laissa derrière lui Damas sans défense et les habitants au pied des murs. La location d’un chameau s’éleva à sept cents pièces dirham alors qu’on était en plein hiver. Dès qu’ils virent al-Malik an-Nassir partir, les habitants de Damas s’enfuirent en toute hâte.

Al-Malik an-Nassir régna à Alep et à Damas vingt-trois ans et sept mois. Il fut souverain de Damas durant dix ans moins cinquante jours. Al-Malik al-Ashraf Moussa Ibn al-Mansour, le prince de Homs, rejoignit Houlakou tandis qu’al-Malik al-Mansour Ibn al-Mouzaffar, le souverain de Hamah, se rendit en Egypte avec ses femmes et ses enfants puis, tous les habitants de Homs et de Hamah prit la fuite.

 

La soumission de Damas et l’entrée des Tatars en Palestine

 

Seize jours après la conquête d’Alep, Houlakou marcha sur Damas et l’émir Zayn ad-Din Souleyman, Ibn ‘Ali Ibn ‘Amir al-Mouwayyad, plus connu sous le nom de Zayn al-Hafidi prit le pouvoir et ferma les portes de la ville. Il réunit les habitants qui étaient restés et convint avec eux de livrer Damas à Houlakou. La ville fut livrée à Fakhr ad-Din al-Mardaqay, au fils du commandant d’Arzan, et au Sharif ‘Ali, les messagers qui avaient été envoyés à al-Malik an-Nassir par Houlakou. Ils partirent aussitôt apporter ces nouvelles au chef Tatars qui envoya aussitôt un corps de son armée à Damas et leur ordonna de ne causer aucun tort aux habitants de la ville.

Le dimanche 19 du mois de Safar, les envoyés d’Houlakou arrivèrent à Damas, accompagnés du Qadi Mouhyi ad-Din Ibn az-Zaki à qui Houlakou avait remis une robe d’honneur et l’avait nommé Qadi de toute la Syrie. Les habitants se réunirent le lendemain dans la mosquée principale et Ibn az-Zaki qui avait invité juristes et autres, leur fit la lecture du certificat d’investiture que lui avait délivré le souverain Tatar ainsi que les garanties de sécurité offertes aux habitants effrayés de Damas.

 

Le 16 du mois de Rabi’ Awwal, les commandants d’Houlakou arrivèrent à la tête d’un nombreux corps de Tatars accompagnés par Kitbougha Noyan. Il fut procédé à la lecture de l’acte d’amnistie et décret du souverain tatar nomma le Qadi Kamal ad-Din ‘Omar at-Tiflisi Na'ib al-Hakim, le représentant du Qadi al-Qoudat Sadr ad-Din Ahmad Ibn Sani’ ad-Dawlah, afin qu’il remplisse les fonctions de Qadi-al-Qoudat dans les villes de Syrie, à Mossoul, à Mardin et à Mayafariqin ainsi que le contrôle des mosquées et des Waqf (fondations pieuses). Cet ordre fut publiquement lu à Maydan al-Akhdar.

 

Les Tatars envahirent alors toute la Syrie jusqu’aux environs de Gaza, de Bayt Jibril, Khalil et autre. Partout où ils allèrent, ils semèrent mort et destruction, massacrèrent ou emmenèrent les gens en captivité et emmenèrent tout le butin qu’ils trouvèrent avant de retourner à Damas où ils le vendirent.

 

Comment les Chrétiens traitèrent les Musulmans sous les Mongols

 

Les Chrétiens de Damas commencèrent alors à s’enorgueillir sur les Musulmans. Ayant obtenu d’Houlakou une garantie totale, ils buvaient publiquement du vin durant le mois de Ramadan, en versaient au milieu des rues, sur les habits des Musulmans, et sur les portes des mosquées. Lorsque leurs processions portant la croix passaient, ils forçaient les marchands à se lever et maltraitaient ceux qui refusaient de le faire. Ils se rendaient alors dans leurs églises ou ils faisaient dans des sermons l’éloge de leur religion et ils affirmaient explicitement : « La foi véritable du Messie triomphe aujourd’hui. »

Les Musulmans indignés allèrent trouver le gouverneur de la ville nommé par Houlakou cependant, ils furent traités avec morgue et plusieurs d’entre eux furent châtiés sur ses ordres. Le gouverneur Zayn al-Hafidi comblait d’honneurs les prêtres, fréquentait leurs églises et protégeait leur religion. Zayn al-Hafidi leva sur les Musulmans des impôts faramineux qu’il utilisait pour acheter des étoffes qu’il offrait à Kitbougha, qui gouvernait officiellement la ville au nom d’Houlakou, mais aussi à Baydirah, aux émirs et aux généraux Tatars et pas un jour ne passait sans qu’il leur envoya des présents.

Kitbougha et Baydirah se rendirent à Marj Barqout quand al-Malik al-Ashraf, le prince de Homs, arriva du camp d’Houlakou, munit d’un certificat qui le nommait vice-roi de Damas et de toute la Syrie. Kitbougha s’empressa d’obéir à cet ordre mais c’était cependant chez lui que toutes les décisions du gouvernement étaient prises.

 

La résistance de la citadelle de Damas et la chute de Baalbek

 

Quelques temps après, le gouverneur de la citadelle de Damas, les émirs Badr ad-Din Muhammad Ibn al-Karmjah et Jalal ad-Din Ibn Sayrafi prirent les armes et fermèrent les portes de la forteresse. Kitbougha Noyan avec ses troupes vinrent alors assiéger celle-ci et le 6 du mois de Rabi’ Thani, Allah Exalté fit tomber la pluie et la grêle accompagnées d’un vent violent, du tonnerre qui furent suivis par un tremblement de terre qui détruisit un très grand nombre d’habitations. Les habitants terrifiés et transis de froid passèrent une terrible nuit redoutant les fléaux qui les menaçaient de toute part.

Les attaques contre la citadelle se poursuivirent jusqu’au 22 du mois du mois de Joumadah Awwal. Les Tatars avaient déployés plus de vingt mangonneaux et martelèrent sans interruption la forteresse si bien qu’ils finirent par détruire une partie des fortifications. Les assiégés demandèrent alors des conditions mais les Tatars entre temps entrèrent de force dans la place qu’ils pillèrent, incendièrent, détruisirent un grand nombre de tours ainsi que tout l’armement et les munitions. Puis, ils marchèrent sur Baalbek dont ils détruisirent la citadelle tandis qu’un autre corps de troupe prit la route de Gaza, ravagea la ville de Banyas et dévasta et pilla les régions avoisinantes.

 

Houlakou retourne en Asie et l’arrivée de ses messagers en Egypte

 

Pendant ce temps, Houlakou prit la ville de Mardin et lui fit subir le même sort qu’aux autres villes avant de détruire les murailles de la citadelle.

 

Un des pages d’al-Malik an-Nassir, nommé Houssayn al-Kourdi at-Tabardar, le fit prisonnier ainsi que son fils al-Malik al-‘Aziz, son frère al-Gazi, Isma’il Ibn ash-Shadi et toutes les personnes de son entourage et les envoya à Houlakou qui quitta alors Alep pour l’Asie en compagnie de sept émirs Bahri dont Sounqour ‘Ashqar, Tankiz, Barmak et Bakmash après avoir nommé Kitbougha Noyan pour commander en son nom la ville d’Alep et Baydirah celle de Damas.

 

Peu après, des messagers d’Houlakou arrivèrent en Égypte apportant une lettre qui disait :

« De la part du Roi des Rois de l’Orient et de l’Occident, le suprême Khan :

En ton nom, ô Dieu, qui a étendu la terre et élevé les cieux. Al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz est un de ces Mamalik qui ont fui dans ce pays pour éviter nos sabres, goûter les bienfaits de son souverain et qui massacrent ses sujets. Qu’al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz, ses émirs et les gens habitants l’Égypte et les régions voisines sachent que nous sommes les soldats de Dieu sur la terre. Qu’Il nous a créés dans Sa colère et nous a livré ceux qui sont l’objet de Son courroux. Que ce qui est arrivé dans les autres terres soit pour vous un sujet de réflexion et vous incite à ne pas nous combattre. Prenez-les pour exemple et soumettez-vous à nous avant la rupture du voile et que repentant, subissiez la peine de vos fautes. Sachez que sommes insensibles aux pleurs et aux plaintes et comme vous le savez, nous avons conquis un vaste pays et purifié la terre des désordres qui la souillaient en massacrant la plus grande part de ses habitants. C’est à vous de fuir, et à nous de vous poursuivre. Quelle terre vous offrira asile ? Quelle route pourra vous sauver ? Quel pays pourra protéger vos vies quand vous n’avez aucun moyen d’échapper à nos sabres et vous soustraire à la furie de nos armes. Nos chevaux sont légers à la course, nos flèches sont perçantes, nos sabres pareils à la foudre, nos cœurs sont durs comme des montagnes, le nombre de nos soldats égale celui des grains de sable, les forteresses et les armées ne nous résistent pas.

Les prières que vous adresserez à Dieu contre nous ne serons pas exaucées car vous vous enrichissez de manière illicite, vous ne tenez ni engagement, ni promesses et ni serments. La révolte et la désobéissance règnent parmi vous. Sachez que l’humiliation et l’opprobre tomberont sur vous. Aujourd’hui, vous allez recevoir un châtiment ignominieux en punition de l’orgueil et des excès auxquels vous vous livriez. Ceux qui ont commis l’injustice vont bientôt connaitre le sort qui les attend, ceux qui daigneraient nous faire la guerre le regretteront tandis que ceux qui rechercheront notre protection seront seuls en sûreté. Si vous vous soumettez à nos ordres et aux conditions que nous vous proposons, nous partageront tout ce qui est pour nous et contre nous mais si vous résistez, vous périrez. Ne vous causez pas de tort à vous-même et celui qui est averti doit être sur ses gardes.

Si vous êtes persuadés que nous sommes des mécréants, sachez que vous êtes pour nous des criminels. Et ce Dieu, dont les ordres sont irrévocables et les décrets parfaitement sages, nous a fait triompher de vous. Vos armées les plus puissantes nous paraissent infimes et  vos personnages les plus marquants méprisables. Vos rois n’ont à attendre de nous que l’opprobre.

Ne tardez pas à délibérer et hâtez-vous de nous répondre avant que la guerre allume ses feux et lance sur vous ses brandons car alors vous ne trouverez plus ni asile, ni force, ni protecteur et ni appui. Vous subirez les plus terribles catastrophes et vos pays deviendront des déserts.

Par ce message, nous avons agi noblement envers vous et tenté de vous réveiller de votre sommeil car vous êtes les seuls ennemis contre qui nous devions marcher.

Que le salut soit sur nous, sur vous, et sur tous ceux qui suivent la direction divine, qui redoutent les suites de la mort et se soumettent aux ordres du roi suprême. »

 

L’exécution des messagers d’Houlakou

 

Après la lecture de cette lettre, Qoutouz réunit les émirs et tous décidèrent de tuer les messagers et de marcher sur Salahiyah. Ces derniers furent donc arrêtés et emprisonnés. Le sultan fit porter allégeance aux émirs qu’il avait choisis et donna l’ordre du départ.

 

Le lundi 15 du mois de Sha’ban, al-Malik al-Mouzaffar, à la tête des troupes d’Égypte quitta la citadelle de la Montagne et prit la route d’as-Salahiyah. Avant son départ, il fit comparaître les quatre messagers tatars et l’un fut tué dans le marché des chevaux au pied de la citadelle de la Montagne, un autre à la porte de Zawilah, le troisième à la porte de Nasr et le quatrième à ar-Ridaniyah. Leurs têtes furent suspendues à la porte de Zawilah et ce fut les premières têtes tatars qui y furent accrochées. On proclama le Jihad dans les villes de Misr, du Caire et des environs et tous furent invités à prendre les armes pour la défense de la religion d’Allah à lui les Louanges et la Gloire et de son Messager (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui).

Puis, le sultan établit son camp à Salahiyah où toutes ses forces furent invitées à se rassembler et lorsqu’elles furent au complet, malgré la réticence de certains, il ordonna à ses émirs de marcher. Il confia l’avant-garde à l’émir Rouqn ad-Din Baybars al-Boundouqdari qu’il envoya en avant pour s’informer des mouvements des Tatars et lorsqu’il arriva à Gaza, où se trouvait une garnison de Tatars qui s’enfuirent à son approche, il prit la ville sans combattre.

Le sultan arriva bientôt avec le reste de l’armée et établit son camp à Gaza avant de prendre la route de la Palestine et de marcher sur Acre. Les croisés qui étaient maîtres de la ville sortirent à sa rencontre et lui offrirent de l’accompagner comme auxiliaires mais il refusa et leur demanda d’observer la neutralité dans cette guerre et les menaça de les attaquer si un d’entre eux suivait l’armée des Musulmans. Nous verrons dans l’appendice comment les croisés entrèrent en contact avec les Tatars et à quel moment.

 

Al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz harangua alors les émirs, les exhorta à ne pas craindre l’ennemi et leur rappela les si nombreux carnages et destructions qu’ils avaient commis. Il leur demanda de mettre fin à leurs excès, à délivrer la Syrie de leurs mains, à défendre courageusement l’Islam et les Musulmans pour éviter les châtiments qu’Allah Exalté ne manqueraient pas de les accabler s’ils manquaient de le faire. Les Musulmans pleurèrent et firent le serment de ne pas ménager leurs efforts pour vaincre les Tatars et les chasser des terres qu’ils avaient conquises.

 

Pendant ce temps, l’avant-garde commandée par l’émir Rouqn ad-Din Baybars qui avait poursuivi son avance sur les ordres du sultan tomba sur l’avant-garde des Tatars. Il se hâta de l’en informer avant de lancer son attaque et les Musulmans l’emportèrent sur les Tatars. Le sultan al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz le rejoignit près de ‘Ayn Jalout et lui demanda de poursuivre sa reconnaissance.

 

Lorsque les deux commandants d’Houlakou, Kitbougha et Baydirah furent informé de la marche de l’armée égyptienne, ils rassemblèrent tous les Tatars qui se trouvaient en Syrie et sortirent à la rencontre des Musulmans.






[1] (NdT : J’aimerais signaler qu’il ne s’agit à chaque fois que des populations musulmanes puisque comme on le verra ni les Chrétiens et ni les Juifs qui vivaient parmi eux ne seront jamais inquiétés par les Tatars et que bien au contraire, ils prendront leur partie.)