Abou al-‘Abbas Ahmad al-Mansour

 

Suite au décès de ‘Abdel Malik, son frère Ahmad devint le nouveau roi du Maghreb et suite à victoire à Qasr al-Kabir, il prit le titre d’al-Mansour, le Victorieux et deviendra le plus grand souverain des Bani Sa’d. Il mit sur pied une puissante armée professionnelle et supprima toutes les exploitations étrangères.

 

En l’an 989 de l’Hégire (1581), les Marocains s’emparèrent des oasis du Touat sur la route menant du Sud algérien vers Tombouctou et Gao. Le déclin du commerce transsaharien, dont les caravanes étaient concurrencées par les caravelles portugaises qui allaient directement sur les côtes guinéennes, et la volonté de contrôler les salines de Teghaza dont s’était emparé l’empire Songhay de Gao conduisirent le Maroc à se tourner vers ces régions pour rétablir des échanges qui, pendant au moins sept siècles, se révélèrent très fructueux.

 

En l’an 999 de l’Hégire (mars 1591), après avoir traversé le Sahara par Tindouf, Teghaza et Tawdani, l’armée marocaine du Pacha Joudar se heurta à Tondibi aux troupes de l’Askia de Gao qui furent rapidement mises en déroute. Gao fut pris et l’Askia accepta toutes les conditions marocaines mais le Sultan envoya des renforts sous le commandement de Mahmoud qui exigea davantage et l’Askia vaincu fut tué, entrainant la disparition de l’empire Songhay. Avec l’acquisition de mines de sel et d’or, la richesse afflua au Maroc.

 

Ahmad al-Mansour maintint une magnifique cour à laquelle les ambassadeurs de toutes les parties du monde furent invités. Il construisit de nombreux bâtiments et le plus remarquable d’entre eux était le palais al-Badih à Marrakech qui fut construit en quinze années avec du marbre importé d’Italie. Ahmad introduisit des cérémoniaux compliqués à la cour, donnait audience en s’asseyant derrière un voile et était ombragé par une ombrelle lorsqu’il chevauchait.

Il introduisit une nouvelle forme de robe connue sous le nom de Mansouriyah, réorganisa l’administration et le système Makhzin. Il centralisa l’administration et accumula tous les pouvoirs si bien qu’il devint un souverain absolu à l’administration efficace affirmant que les gens ne pouvaient être gardés sous contrôle que par la fermeté, justifiant ainsi ses politiques oppressives.

Il décéda en l’an 1012 de l’Hégire (1603), après un règne de vingt-cinq ans. Il fut un contemporain de l’empereur Moughal Akbar et durant son rège le Maroc jouit du statut international.

 

 

Muhammad ash-Sheikh

 

Sitôt après la mort d’Ahmad al-Mansour des Sharif Bani Sa’d, l’état sombra dans l’anarchie à cause d’une guerre de succession parmi ses fils. Durant la guerre civile qui s’ensuivit durant quelques années, le trône fut tout d’abord prit par son fils Zaydan tandis que son frère Muhammad ash-Sheikh s’enfuit en Espagne et par la suite, envahit le Maroc et réussit à prendre le trône avec l’aide d’une force mécréante espagnole qu’il remercia en lui livrant toute la région côtière de Larashe.

Cette soumission du territoire aux étrangers compromis la position de Muhammad ash-Sheikh qui devint impopulaire et fut assassiné en l’an 1022 de l’Hégire (1613).

 

 

La division de l’état

 

Avec le décès de Muhammad ash-Sheikh, le pays sombra une nouvelle fois dans la guerre civile, qui culmina par la division du royaume en deux parties. ‘AbdAllah, le fils de Muhammad ash-Sheikh devint le souverain de la partie nord avec Fès pour capitale tandis que Zaydan, un frère de Muhammad ash-Sheikh celui de la partie sud avec Marrakech pour capitale. La division de l’état engendra le processus de désintégration et les Sharif Banou Sa’d firent face à de nombreux mouvements d’indépendance dans les différentes parties du pays qui réduisirent considérablement le royaume des Bani Sa’d et laissa leurs états précaires.

 

À Fès, l’autorité de ‘AbdAllah ne s’étendait pas au-delà de la nouvelle ville de Fès tandis que la vieille ville de Fès ne reconnaissait pas son autorité et lui ferma les portes.

 

 

Centres de pouvoir politique

Avec la désintégration du pouvoir des Sharif Banou Sa’d, d’autres centres de pouvoir politique virent le jour dans le pays.

Dans les montagnes de Daran dans le Haut Atlas, un chef religieux du nom de Yahya Ibn ‘AbdAllah al-Hahi acquit de l’importance et vint à exercer le pouvoir.

Dans le Moyen Atlas, une fraternité religieuse ad-Dalaiyah prit aussi de l’importance et à l’embouchure du fleuve Ragrag entre Ribat et Sala, des réfugiés musulmans andalous établirent la principauté indépendante d’Abou Ragrag.

Au nord, d’autres réfugiés musulmans andalous établirent une colonie à Tétouan. Et certains aventuriers essayèrent même de prendre le pouvoir, exploitant l’état de troubles généralisés dans le pays.

 

 

Abou Mahalli

 

Au sud, un savant religieux nommé Abou Mahalli de Sijilmasa prétendit être le Mahdi et le Messie attendu. Beaucoup de tribus arabes se joignirent sous sa bannière et lui portèrent allégeance. Bientôt, il fut capable de lever une immense armée et captura Marrakech et Zaydan vaincu, s’enfuit de la capitale tandis qu’Abou Mahalli s’assit sur le trône et se maria de force avec la mère de Zaydan.

Au pouvoir, Abou Mahalli appliqua des politiques oppressives qui le rendirent impopulaire et bien qu’il prétendit être le Mahdi, ses pratiques étaient indignes de l’Islam qu’ont en commun d’ailleurs tous les imposteurs qui prétendent être le Mahdi comme nous l’avons vu à maintes reprises. Certains ‘Oulémas émirent un arrêté juridique, une Fatwa, réfutant ses prétentions.

 

Lorsque Zaydan s’échappa de Marrakech, il chercha refuge avec Yahya Ibn ‘AbdAllah al-Hahi dans le Haut Atlas qui commandait un groupe de pieux musulmans et qu’il mit à la disposition de Zaydan qui conduisit cette force à Marrakech ou Abou Mahalli, après un règne de trois années, fut vaincu et tué et le trône recapturé par Zaydan.

Bien que Zaydan remonta sur le trône, il resta un souverain insignifiant et Marrakech devint un vassal de la principauté al-Hahi du Haut Atlas.

 

 

Muhammad al-‘Ayyashi

 

Muhammad al-‘Ayyashi était un gouverneur d’Azemmour sous le règne de Zaydan et appartenait à la tribu arabe des Banou Malik qui était établie sur les rives du fleuve Sibou et qui occasionnellement opérait des raids contre les Espagnols qui occupaient les régions côtières. Sur les plaintes des Espagnols, Zaydan désista al-‘Ayyashi de son poste et ce dernier se révolta contre l’autorité du gouvernement de Marrakech et établit sa propre petite principauté dans l’ouest.

 

Les réfugiés musulmans andalous qui avaient fondé la principauté d’Abou Ragrag à l’embouchure de l’Abou (Bou) Ragrag devint une base importante pour la piraterie sur la côte atlantique qui interceptait les expéditions entre l’Europe et l’Amérique. Ces réfugiés musulmans, étaient des ennemis acharnés de l’Espagne ainsi que des Sharif Banou Sa’d qui avaient remis les côtes aux Espagnols.

Les Espagnols construisirent une forteresse à Mamourah sur le fleuve Sibou au nord-est de Sala qui devint une menace pour la principauté d’Abou Ragrag et dans ces circonstances, al-‘Ayyashi et la communauté d’Abou Ragrag s’allièrent contre les Espagnols et bien qu’ils n’aient pu chasser les Espagnols de leurs possessions, ils les empêchèrent toutefois de devenir plus agressifs et les forcèrent à rester sur la défensive.

 

En l’an 1039 de l’Hégire (1630), al-‘Ayyashi élimina complètement de l’ouest l’autorité des Banou Sa’d et durant un quart de siècle, il resta une menace pour les Espagnols et bien qu’il ait remporté quelques victoires mineures, il fut incapable de les chasser définitivement du Maroc essentiellement parce que les Musulmans luttaient entre eux et ne pouvait donc pas offrir un front uni contre les Espagnols.

 

Al-‘Ayyashi fut tué en l’an 1051 de l’Hégire (1641), en luttant contre l’armée de Dalaiyah.

 

 

‘Ali Abou Hassan as-Samlali

 

Avec la désintégration du pouvoir des Banou Sa’d, celui de ‘Ali Abou Hassan as-Samlali se leva à Souss. Il appartenait à une famille religieuse du Haut Atlas et quand Zaydan reprit le trône de Marrakech, après la défaite d’Abou Mahalli en l’an 1023 de l’Hégire (1614), Abou Hassan organisa les Berbères de la tribu Jazoulah et occupa Souss.

Hassan Abou as-Samlali entra en conflit avec Yahya al-Hahi des montagnes de Daran, le protecteur de Sultan Zaydan. Yahya essaya de chasser Abou Hassan de Souss mais échoua dans son tentative.

Yahya décéda en l’an 1035 de l’Hégire (1626) et avec la mort d’al-Hahi, sa principauté prit fin ouvrant la voie à l’augmentation du pouvoir d’Abou Hassan qui annexa dans son autorité Dar’a puis Tafilelt en l’an 1041 de l’Hégire (1631). Avec la capture de Tafilelt, Abou Hassan pu contrôler le commerce avec le Soudan et cela enrichit économiquement sa principauté.

 

 

Les Dalaiyah et la chute des Sharif Banou Sa’d

 

Les Dalaiyah étaient une famille religieuse de Berbères Sanhadja de la tribu Majat établit à Data dans le Moyen Atlas ou se trouvait leur centre, fondé par Abou Bakar, pour la propagation des doctrines soufis des Shadhiliyah-Jazouliyah. Le centre devint populaire et Abou Bakar en plus d’être un chef religieux, devint aussi un dirigeant politique.

Les Dalaiyah devinrent une force politique sous leur troisième chef Muhammad al-Hajj qui avait des ambitions et organisa une armée régulière de guerriers berbères. Son père soutenait habituellement le gouvernement des Sharif Banou Sa’d mais Muhammad al-Hajj pensait que ces derniers avaient perdu le droit de régner, à cause de leur échec à présenter un gouvernement efficace.

 

En l’an 1048 de l’Hégire (1638), le Sharif envoya une expédition dans le Moyen Atlas du centre pour châtier les Dalaiyah et dans l’action qui s’ensuivit, la force de Marrakech fut mise en déroute et par les termes du traité de paix qui s’ensuivit, le gouvernement de Marrakech reconnut l’indépendance des Dalaiyah.

 

Par la suite, les Dalaiyah entrèrent en conflit avec al-’Ayyashi et une bataille eut lieu sur les rives du fleuve Sibou en l’an 1061 de l’Hégire (1641), ou al-‘Ayyashi fut vaincu et tué tandis que ses partisans s’enfuirent et se dispersèrent dans les montagnes du Rif. Après la défaite d’al-‘Ayyashi, les Dalaiyah occupèrent Sala avant de marcher sur Fès qui tomba après un siège de six mois.

La prise de Fès mit fin à la dynastie des Banou Sa’d du nord mais ces derniers gouvernait encore dans Marrakech et au cours des prochaines quarante années, le principal pouvoir politique au Maroc fut exercé par les Dalaiyah et non pas par les Sharif Banou Sa’d. Cependant, les Dalaiyah furent incapables de tenir le pouvoir longtemps et en l’an 1063 de l’Hégire (1653), al-Khadir Ghaylan, un lieutenant d’al-‘Ayyashi se révolta contre l’autorité des Dalaiyah et captura Qasr al-Kabir qu’il utilisa comme base pour lancer ses attaques sur les territoires des Dalaiyah.

 

En l’an 1071 de l’Hégire (1661), Ghaylan prit Sala aux Dalaiyah et avec l’occupation de cette ville, les Andalous d’Abou Ragrag qui, jusqu’ici, étaient fidèles aux Dalaiyah portèrent allégeance à Ghaylan sous qui, Sala et devint une principauté indépendante

Le chaos régna une nouvelle fois au Maroc. Les Dalaiyah avait chassé les Bani Sa’d du Nord mais étaient incapables de tenir fermement le pouvoir. Ils avaient de plus un rival dans Ghaylan qui s’était établi dans Sala. Les Banou Sa’d gouvernaient nominalement dans Marrakech et Muhammad al-Ashgar des Banou Sa’d décéda en l’an 1064 de l’Hégire (1654). A cette époque aucun pouvoir n’était laissé aux Banou Sa’d et son fils qui devait lui succéder ne put se proclamer comme Sultan et fut assassiné ce qui mit fin définitivement à la dynastie des Sharif Banou Sa’d.

Les Dalaiyah ne purent remplir le vide provoqué par la disparition des Banou Sa’d et les principaux chefs de brigands rôdèrent dans les campagnes. Les impuissants Dalaiyah quittèrent les différentes villes qu’ils occupaient pour prendre leurs propres dispositions pour la défense.

Quand les Sharif Banou Sa’d disparurent de la scène politique, le gouvernement au Maroc était en panne complète et dans ce chaos, une autre branche des Sharif connu sous le nom des Filali ou des ‘Alawi Sharif, réussit à se montrer à la hauteur du pouvoir

 

 

Les Filali Sharif

 

Les Filali Sharif originaires du Hijaz émigrèrent au Maghreb au septième siècle de l’Hégire (le treizième siècle) et s’installèrent à Sijilmasa. Ils arrivèrent progressivement au pouvoir et leurs souverains furent appelés « Moulay », mon seigneur.

Sous le règne de leur chef ‘Ali ash-Sharif, au neuvième siècle de l’Hégire, les Filali Sharif prirent part aux guerres contre les Portugais à Ceuta et Tanger et joignirent les Banou Nasr de Grenade quand ces derniers appelèrent au Jihad contre les croisés d’Espagne.

Au onzième siècle de l’Hégire (dix-septième siècle), les Filali Sharif s’établirent dans l’oasis de Tafilalet et leur chef était Moulay ‘Ali ash-Sharif qui décéda en l’an 1069 de l’Hégire (1659).

 

 

Muhammad Ibn ‘Ali ash-Sharif

 

Muhammad succéda à son père ‘Ali ash-Sharif mais ne put fermement contrôler le pouvoir. En l’an 1074 de l’Hégire (1664), il fut renversé par son frère ar-Rashid après un règne de cinq années, de l’an 1069 à 1076 de l’Hégire (1659 à 1665) tandis que cette même année, Catherine de Bragance, la princesse du Portugal, apporta Tanger en dot à l’Angleterre après son mariage avec le roi Charles II d'Angleterre.

 

 

Ar-Rashid Ibn ‘Ali ash-Sharif

 

Ar-Rashid Ibn ‘Ali ash-Sharif fut le fondateur de la prospérité politique des Filali Sharif. Il étendit son influence et reçut l’allégeance d’un très grand nombre de tribus.

 

En l’an 1077 de l’Hégire (1666), il établit sa base à Taza avant d’attaquer Fès, mais dut se retirer devant la résistance acharnée des gens de la ville. Dans les années qui suivirent, les affaires prirent une tournure favorable pour les Filali et lorsqu’ar-Rashid attaqua Fès pour la deuxième fois, les gens ouvrirent les portes de leur ville qui fut prise sans lutte.

L’année suivante, les Filali Sharif prirent Marrakech et les territoires sous le contrôle des Dalaiyah se rendant ainsi maîtres de tout le Maroc. Toutes les petites principautés furent liquidées et se constituèrent en société commerciale dans le royaume des Filali. Ar-Rashid décéda en l’an 1083 de l’Hégire (1672) après un règne de huit ans au cours desquels il bâtit les fondations d’un état fort.

 

 

Moulay Isma’il Ibn ‘Ali ash-Sharif

 

Ar-Rashid fut succédé par son frère Moulay Isma’il qui fut aussi un grand souverain. Il établit une armée de Noirs qui fournit à son autorité une solide fondation militaire ferme et fiable. Il construisit de puissantes fortifications le long des frontières orientales du Maroc et des pentes de l’Atlas Moyen pour se protéger contre les Ottomans turcs qui s’étaient déjà établit en Afrique du Nord.

Il fondit des cantonnements militaires à Azrou, Safrou, Taza, Tawrirt (Taourirt), Oujda et d’autres points stratégiques puis transféra sa capitale de Fès à Meknès, localisée plus au centre et qu’il embellit de quelques bâtiments raffinés. Les murs qu’il construisit autour de la ville couvrirent une région de vingt-cinq miles carrés (60 kilomètres). Les écuries royales s’étendirent sur une région de trois miles carrés (5 kilomètres). Il bâtit aussi un certain nombre de mosquées, de Madrassas et Meknès, sous Moulay Isma’il fut transformé en une ville royale.

L’ordre public fut sévèrement administré et de dures mesures furent adoptées contre les criminels qui permirent et garantirent la sécurité des routes à travers tout le pays.

 

En l’an 1084 de l’Hégire (1673), les Espagnols prirent le rocher de Nakour au large d’Ajdir.

 

Les Ottomans turcs qui étendaient leur influence en Afrique du Nord vinrent à voir intégrer Moulay Isma’il dans leur projet d’extension de leur influence au Maroc et fomentèrent en conséquence des révoltes contre lui dans le pays.

Une de ces révoltes fut menée par les chefs Dalaiyah mais Moulay Isma’il réprima lourdement la révolte en l’an 1089 de l’Hégire (1678). Une autre révolte fut conduite par Ahmad Ibn Mahriz, un neveu de Moulay Isma’il mais le prince rebelle fut vaincu et tué dans l’action en l’an 1097 de l’Hégire (1686) à Taroudant et ce fut la dernière révolte durant le règne de Moulay Isma’il.

 

L’une de ses plus grands réussites est qu’il réussit à chasser les forces étrangères de ses côtes et en l’an 1092 de l’Hégire (1681), ‘Amar Ibn Haddou ‘Arrifi à la tête de son armée assiégea al-Mahdiyah (al-Ma’mourah) et prit la ville.

 

En l’an 1095 de l’Hégire (1684), les Musulmans, sous le commandement de ‘Ali Ibn ‘AbdAllah ‘Arrifi chassèrent les Anglais de Tanger et s’installèrent dans la ville.

 

Larache qui avait été capturée par les Espagnols furent libérée en l’an 1100 de l’Hégire (1689) et Assilah en l’an 1102 de l’Hégire (1691) tandis qu’Ahmad Ibn Haddou assiégea Ceuta et son cousin ‘Ali Ibn ‘AbdAllah ‘Arrifi s’empara d’un fort à Badis.

Il conclut aussi des traités commerciaux avec certaines puissances européennes et pendant son règne, il reçut à sa cour des ambassadeurs de différents pays.

 

 

Les successeurs de Moulay Isma’il

 

Moulay Isma’il mourut en l’an 1139 de l’Hégire (1727), après une règne mémorable de cinquante-cinq ans et sa mort déclencha la guerre civile parmi ses sept fils. Cette guerre de succession dura trente ans et cette période fut l’une des plus sombres et plus misérable de l’histoire du Maroc.

Moulay Isma’il fut tout d’abord succédé par son fils Ahmad qui ne put tenir le pouvoir plus d’un an et en l’an 1140 de l’Hégire (1728), il fut renversé par son frère ‘Abdel Malik. Ahmad dans une contre-offensive chassa l’usurpateur mais en l’an 1141 de l’Hégire (1729), ‘AbdAllah un autre frère le renversa de nouveau et régna durant environ six ans.

 

En l’an 1148 de l’Hégire (1735), un autre frère ‘Ali arracha le pouvoir à ‘AbdAllah qui le reprit peu de temps après et accéda au pouvoir pour la deuxième fois. ‘AbdAllah fut de nouveau évincé du pouvoir par un autre frère Muhammad.

 

En l’an 1151 de l’Hégire (1738), un autre frère al-Moustadi renversa Muhammad avant d’être chassé à son tour par ‘AbdAllah en l’an 1153 de l’Hégire (1740) qui régna pour la troisième fois jusqu’en l’an 1158 de l’Hégire (1745).

 

En l’an 1156 de l’Hégire (1743) eut lieu la bataille d’al-Manza entre le Pacha Ahmad Ibn ‘Ali ‘Arrifi, le gouverneur de la ville de Tanger et l’armée du Sultan ‘AbdAllah au cours de laquelle, le pacha Ahmad fut tué tandis que le Sultan ‘AbdAllah s’installa à Tanger durant quarante jours ou il s’accapara les richesses du pacha et persécuta sa famille.

‘AbdAllah fut renversé par son septième frère Zayn al-‘Abidin qui fut aussi chassé et détrôné par ‘AbdAllah qui revint au pouvoir pour la quatrième fois et gouverna pendant onze années jusqu’en l’an 1170 de l’Hégire (1757).

Cette même année, aidés par les tribus de Souss, Muhammad Ibn ‘AbdAllah brisa la révolte des troupes d’esclaves noirs.

Tous ces conflits civils engendrèrent une grande instabilité de l’administration, affaiblirent considérablement l’état et rendirent le peuple miséreux.

 

 

Moulay Muhammad Ibn Moulay ‘AbdAllah

 

Moulay Muhammad succéda à son père Moulay ‘AbdAllah et fut aussi un grand souverain de la dynastie.

Sous son règne, l’anarchie qui avait marqué les trente précédentes années prirent fin le pouvoir des Filali brilla de nouveau. Moulay Muhammad était un musulman pieux et conservateur et il prit des mesures pour préserver le cadre traditionnel de vie islamique. Il construisit quelques palais et d’autres bâtiments publics à Meknès et Marrakech ainsi que nouvelle ville de Mogador de style andalou avec des rues droites qui devint bientôt un centre de commerce extérieur.

Il développa les ports de Casablanca (dar al-baydah) et Mogador et en l’an 1179 de l’Hégire (1765), une escadre française bombarda Salé et Larache.

 

L’année suivante (1766), Moulay Muhammad dut faire face à une grande révolte berbère dans le Moyen Atlas (rif). ‘Abd as-Saddiq ‘Arrifi, le fils du pacha Ahmad et le successeur du pacha ‘Abdel Karim le gouverneur de Tanger, accusé d’être l’instigateur de la rébellion, fut arrêté tandis que sa famille et les nobles de Tanger furent exilés. Suite à cela, le sultan établit dans la ville, une garnison de ‘Abid pour surveiller les habitants.

 

En l’an 1181 de l’Hégire (1767), Moulay Muhammad conclut un traité commercial avec la France.

 

En l’an 1183 de l’Hégire (1769), il conduisit une expédition contre les Portugais et les expulsa de Mazagan sur la côte du Maroc et attaqua sans succès la position espagnole de Melilla.

 

En l’an 1189 de l’Hégire (1775), il conclut un traité de paix avec l’Espagne pour le maintien du statu quo avant de mourir en 1204 de l’Hégire (1790) après un règne de trente-trois ans durant lequel, il bâtit un puissant état.

 

 

Moulay Yazid Ibn Moulay Muhammad

 

Moulay Yazid succéda à son père et son règne de deux années fut désastreux. Ses mesures répressives le rendirent impopulaire d’autant plus qu’il rompit le traité de avec l’Espagne qui bombardèrent les régions côtières marocaines.

Ses politiques imprudentes causèrent un grand mécontentement et des rébellions éclatèrent dans tout le pays.

 

En 1204 de l’Hégire (1792), son frère se rebella contre lui et Yazid fut tué lors d’une bataille contre un chef rebelle près de Marrakech.

 

 

Moulay Souleyman

 

A sa mort, son frère Moulay Souleyman prit le pouvoir mais ne put établir fermement son autorité et éliminer ses rivaux. Il entreprit des expéditions répétées contre les Berbères du Moyen Atlas et suivit les enseignements de Muhammad Ibn ‘Abdel Wahhab, le Moujaddid d’Arabie, qui l’amenèrent à prendre des mesures contre les marabouts et d’autres fraternités religieuses. Ces mesures anti soufi furent appliquées contre les confréries soufies Darqawiyah et Wazaniyah qui étaient au sommet de leur popularité au Maroc et engendrèrent de violentes réactions.

La famine et une épidémie de peste, qui décimeront la moitié de la population, affaibliront considérablement le pays entre les années 1211 et 1214 de l’Hégire (1797-1800).

 

Entre les années 1233 à 1235 de l’Hégire (1818-1820), des insurrections éclatèrent à Fès et dans la région du Moyen Atlas et des mesures punitives furent prises contre les rebelles. Et tandis que ces révoltes étaient encore réprimées, Moulay Souleyman décéda en l’an 1237 de l’Hégire (1822) après un règne de trente années et durant cette période la paix fut maintenue avec les forces étrangères.

 

 

Moulay ‘AbderRahmane

 

Moulay Isma’il fut succédé par son neveu ‘AbderRahmane Ibn Hisham qui mit fin avec difficulté aux révoltes à Fès et dans le Moyen Atlas. Il rétablit un semblant d’ordre intérieur mais dû faire face aux difficultés extérieures.

 

« Au treizième siècle de l’Hégire (dix-neuvième siècle), poussés par les doctrines de nationalisme et d’impérialisme, les états européens commencèrent à rivaliser entre eux dans l’établissement de colonies et l’extension de leur influence à d’autres pays pour leurs exploitations économiques ». Ce passage est la version édulcorée de ce que l’on trouve dans tous les livres d’histoire occidentaux et musulmans pour cacher la vérité qui était et reste toute autre.

 

Voici ce qu’il convient plutôt de dire comme l’a si bien remarqué Hadroug Mimouni dans son livre « L’Islam agressé » :

« C’est au cours de la réunion d’Aix la Chapelle en 1748 que fut décidée la mainmise de l’Europe sur le monde musulman[1]… » Comme d’autres pays non-européens, le Maroc fut aussi exposé à la pénétration par les pouvoirs européens qui posèrent de grands problèmes à Moulay ‘AbderRahmane.

Quand l’Algérie fut envahie par les Français, le Maroc se trouva aussi impliqué dans la guerre algéro-française en l’an 1246 de l’Hégire (1830). ‘AbderRahmane à la tête de son armée marcha en Algérie et captura sa capitale Tlemcen pour aider les Algériens contre les Français mais il dut évacuer Tlemcen sur la menace des Français. Les Algériens organisèrent la résistance contre les Français sous le leadership de l’émir ‘Abdel Qadir le Moujahid qui fut finalement vaincu et se réfugia au Maroc.

Les Français demandèrent l’extradition de ‘Abdel Qadir mais poussé par la fraternité islamique, Moulay AbderRahmane refusa leur demande. Sur ce, la France envahit le Maroc et bombarda ses ports.

Dans la bataille d’Isly près de Oujda, les forces marocaines furent défaite et Moulay ‘AbderRahmane fut forcé de livrer ‘Abdel Qadir aux Français. Les habitants des deux villages qui refusèrent le livrer l’émir au français seront tous massacrés par ces derniers et leurs villages rasés en l’an 1261 de l’hégire (1845).

La défaite suscita des rébellions de tribus dans tout le pays et les problèmes des gens s’aggravèrent quand une famine éclata en 1263 de l’Hégire (1847).

Jusqu’ici, l’état avait le monopole des importations et des exportations mais bientôt sous la pression des Britanniques, le Sultan fut forcé d’accepter un traité que les marchandises britanniques devaient être importées au Maroc sans le paiement d’aucune taxe, une mesure au dépend de l’économie du Maroc. Ce traité eut aussi des répercussions politiques, puisque d’autres pays européens durent bénéficier des mêmes concessions pour leurs marchandises.

 

Moulay ‘AbderRahmane mourut en l’an 1276 de l’Hégire (1859) après un long règne de 37 années durant lequel le prestige de l’état fut considérablement diminué et où le Maroc se retrouva exposé à la pénétration de l’influence européenne.

 

 

Moulay Muhammad

 

Moulay ‘AbderRahmane fut succédé par son fils Muhammad qui poursuivit une guerre désastreuse avec l’Espagne en l’an 1277 de l’Hégire (1860) ou il subit une écrasante défaite. Dans le traité qui suivit, le Maroc fut forcé à payer une lourde indemnité de guerre et pour l’honorer, le gouvernement du faire des prêts à l’étranger et donc abandonner une bonne partie de sa souveraineté en matière douanière, fiscale et judiciaire.

 

Privé d’une partie de ses ressources traditionnelles, le Sultan s’endetta auprès des banques anglaises et le temps de payer l’indemnité, le Maroc permit qu’une partie de ses revenus douaniers soit sous contrôle de l’Espagne qui occupa le port de Tétouan jusqu’au paiement total de l’indemnité, ce qui fut le plus humiliant pour le Maroc. Pour ajouter à l’insulte et la blessure, par la Convention de Béclard de l’an 1280 de l’Hégire (1863), le gouvernement du Maroc fut obligé d’agir sur certaines politiques que sur le conseil de consuls étrangers, ce qu’il fait toujours de nos jours. Ce fut un coup fatal pour l’indépendance du Maroc.

 

L’État du aussi faire face aux problèmes de modernisations et les défaites face à la France et l’Espagne montrèrent la faillite de la machine de guerre du Maroc et à moins d’être totalement rénovée, le Maroc ne pourrait survivre comme un état indépendant.

 

Moulay Muhammad mourut en l’an 1290 de l’Hégire (1873), après un règne de quatorze ans. La totalité de son règne fut ombragée par la tragédie du désastre de la guerre avec l’Espagne qui détériora progressivement  les affaires de l’état.

 

 

Moulay al-Hassan

 

Moulay al-Hassan succéda à Moulay Muhammad. C’était un homme capable et aussitôt qu’il prit le pouvoir, il fit de son mieux pour maintenir l’unité malgré les assauts répétés des influences étrangères.

Il mena des expéditions vers Souss en l’an 1299 et 1303 de l’Hégire (1882 et 1886) pour contrer les efforts de la pénétration britannique à Cap Jouhi et espagnole à ‘Ifni. Une autre campagne avec le même but fut conduite contre Tafilelt en l’an 1311 de l’Hégire (1893).

Il entreprit de moderniser l’armée qui fut formée par des instructeurs européens et équipée d’armes européennes. Il réorganisa l’administration et releva les abus dont elle souffrait. Il disciplina aussi les tribus, sponsorisa des projets industriels et agricoles de développement et encouragea les échanges et le commerce. Il introduisit quelques réformes fiscales et négocia avec les nations étrangères pour mettre fin à leurs concessions sur les marchandises.

Une conférence internationale fut tenue à Madrid en l’an 1297 de l’Hégire (1880), pour considérer la question mais obtint peu de résultat.

 

Dans la course pour la colonisation d’autres nations comme l’Allemagne entrèrent aussi dans la course et toutes les grandes nations développèrent un réseau d’intérêts au Maroc, prétexte qui fut utilisé pour permettre les interventions  étrangères dans la politique. Les européens étendirent plus profondément leurs activités commerciales qui n’étaient rien d’autre qu’une guerre économique, financière et sociale, qui contribua à l’étranglement économique du Maroc.

 

En l’an 1300 de l’Hégire (1883), Charles de Foucauld, un officier militaire catholique français déguisé en juif, effectua une mission de reconnaissance secrète du Maroc qui était fermé intérieurement aux étrangers. Nous reparlerons de ce sujet dans le chapitre de l’Algérie.

 

 

L’année suivante (1884), l’Espagne prit possession de la partie sud du Sahara Marocain (Rio de Oro) et de Saguiah al-Hamrah et fonda le poste espagnol de Villa Cisneros, sur la côte atlantique du Sahara.

 

Le 18 du mois de Dzoul Hijjah de l’année 1307 de l’Hégire (05 Août 1890), il y une convention secrète entre la Grande-Bretagne et la France qui se vit reconnaître le droit d’occuper le Sahara Marocain pour préserver un passage vers le Niger et le Tchad et assurer ainsi la sécurité sur l’Algérie.

 

Moulay al-Hassan mourut en 1312 de l’Hégire (1894) après un règne de vingt-et-un ans et bien qu’il fit des efforts importants pour le pays, la pression des nations européennes était trop grande pour permettre une quelconque liberté d’action à l’état et son fils ‘Abdel ‘Aziz lui succéda.



[1] Voir appendice I.