La trahison d’Abou Dabbous

 

C’est à cette époque que les relations s’envenimèrent entre Abou Dabbous, le commandant de l’armée et al-Mourtadi qu’il lui reprocha d’entretenir des correspondances avec les Bani Marine. Et lorsqu’il voulut le faire arrêter; Abou Dabbous prit la fuite et vint trouver Abou Youssouf qui l’accueillit avec bonté, et lui dit:

- « O Idriss, quel est le motif de ta venue ! » Il répondit :

- « J’ai fui devant la mort pour venir te demander aide et protection contre mes ennemis. Donne-moi des soldats des Bani Marine, leurs étendards, leurs tambours et de l’argent pour suffire aux dépenses et je te rendrai maître de Maroc, que nous partagerons par moitié ». L’émir lui accorda tout ce qu’il demandait aux conditions proposées, et ils s’engagèrent tous les deux solennellement à tenir leur parole. L’émir fournit à Abou Dabbous cinq-mille Zenâta ainsi que des lettres de créances pour que les tribus amies lui fournissent des hommes sur son passage et le congédia après lui avoir fait ses adieux. Arrivé à ‘Askourah, Abou Dabbous s’arrêta et écrivit à ses proches pour les prévenir de son arrivée et leur demander des renseignements sur la situation. Ceux-ci lui répondirent : « Viens vite, les habitants sont occupés et les troupes éparses dans le pays. Saisis ce moment, tu n’en trouveras pas d’autre aussi opportun ». Abou Dabbous se mit aussitôt en route et hâta la marche de ses troupes jusqu’à son entrée dans la capitale où nul ne l’attendait, vers dix heures du matin dans le courant du mois de Mouharram de l’année 665de l’Hégire. Il s’établit dans le palais d’al-Mourtadi, qui prit la fuite et fut tué à sa sortie aux portes de la ville.

Peu de temps après, Abou Youssouf envoya un courrier à Abou Dabbous, pour lui demander l’exécution de ses engagements; mais celui-ci répondit à l’envoyé : « Va dire à ton maître qu’il n’y a entre nous d’autre engagement que celui du sabre, qu’il se dépêche de m’envoyer sa soumission et de me faire proclamer dans ses états, sinon je viendrai le battre avec des légions dont il ne se doute ce pas ». En recevant cette réponse, l’émir sortit aussitôt de Fès et assiégea la ville en commençant par saccager tous les environs. Abou Dabbous, se voyant ainsi rigoureusement bloqué, ses champs étaient dévastés, ses édifices détruits et son peuple réduit à la famine, écrivit à Yaghmourassan Ibn Zayyan, pour lui offrir son alliance et lui demander des secours contre Abou Youssouf. Yaghmourassan accueillit favorablement ses propositions et marcha sur les terres de l’émir qui, à cette nouvelle, abandonna le siège et se rendit en toute hâte à Tlemcen pour l’attaquer car Yaghmourassan avaient été l’un de ses ennemis les plus acharnés.

A la nouvelle de son approche, Yaghmourassan sortit de Tlemcen pour le rencontrer, et une sanglante bataille fut livrée sur les rives de l’Oued Talagh. Le combat qui débuta le matin dura jusqu’à midi. Les Banou Marine déployèrent une grande patience et les Bani ‘Abdel Ouad furent détruits ou faits prisonniers sur les bords de cette rivière. Yaghmourassan vaincu une nouvelle fois, prit honteusement la fuite tandis que son fils aîné ‘Omar fut tué. Abou Youssouf se lanca à la poursuite des fuyards et Yaghmourassan rentra à Tlemcen dépouillé, seul et abandonné. La bataille de Talagh eut lieu le lundi 10 Joumadah Thani de l’année 666 de l’Hégire (1267).

L’émir Abou Youssouf rentra victorieux de cette expédition mais extrêmement remonté contre Abou Dabbous. Il demeura à Fès jusqu’au mois de Sha’ban avant de se remettre en campagne pour aller attaquer le traître. Les troupes arrivèrent d’une traite sur les rives d’Oumm al-‘Oubayd, où elles campèrent avant que l’émir n’envoie des détachements dans toutes les directions sur les terres d’Abou Dabbous, pour détruire les maisons, faucher les champs, et le 1 du mois de Mouharram de l’année 667 de l’Hégire (1268), il déplaça son camp à Oued al-‘Abid ou il resta quelques jours pour saccager les terres des Sanhadja avant de revenir sur ses pas sur les frontières d’Abou Dabbous ou il resta jusqu’à la fin du mois de Dzoul Qi’dah.

 

 

La mort d’Abou Dabbous

 

Cependant, les Sheikhs arabes et les Masmoudah, s’étant réunis, se rendirent chez Abou Dabbous et lui dirent : « Qu’attends-tu donc pour attaquer les Bani Marine et marcher à leur rencontre, quand tu vois notre pays détruit et nos biens pillés ? Allons, lève-toi pour leur faire la guerre, et ne crains pas d’aller les trouver, car ils sont peu nombreux. La plupart de leurs guerriers sont restés à Ribat pour garder la ville contre les ‘Abdel Ouad qu’ils redoutent ».  Abou Dabbous se mit alors à leur tête et sortit avec une armée considérable de Mouwahhidine, d’Arabes, de Chrétiens et de Masmoudah. A la nouvelle de son approche, Abou Youssouf se retira vers le Maghreb, usant ainsi de ruse pour éloigner Abou Dabbous de sa capitale qui, apprenant la retraite de l’émir, crut qu’elle était motivée par la crainte qu’il lui inspirait, se lanca à sa poursuite. Et à peine l’émir avait-il quitté un campement, qu’Abou Dabbous y arrivait avec son armée, suivant ainsi les traces de son ennemi jusque dans la vallée de l’Oued Aghfou ou Abou Youssouf fit brusquement volte-face et marcha résolument contre lui. Les deux armées se rencontrèrent, et les Bani Marine fondirent dans la mêlée comme des vautours. Après une très lourde bataille, Abou Dabbous, certain de sa défaite, se sauva mais il fut rattrapé par un détachement de héros montés sur les meilleurs coursiers qui lui coupèrent la retraite et l’attaquèrent vigoureusement. Il fut alors tué d’un coup de lance en se défendant, et son corps roula sous les pieds de son cheval. Sa tête fut aussitôt tranchée et rapportée à Abou Youssouf qui rendit grâces et louanges à Dieu en se prosternant puis il expédia la tête d’Abou Dabbous à Fès, le dimanche 2 du mois de Mouharram de l’année 668 de l’Hégire.

Abou Youssouf Ibn ‘Abdel Haqq se rendit alors dans la capitale des Mouwahhidine ou il entra et s’établit le dimanche suivant, 9 de Mouharram unifiant ainsi le Maghreb al-Aqsa sous la bannière des Bani Marine. Le pays se tranquillisa, les affaires des Musulmans s’améliorèrent, les routes devinrent sures, la paix, l’ordre et l’abondance régnèrent partout. La sécurité fut accordée aux habitants et aux tribus environnantes, qu’il combla de bienfaits et gouverna avec justice. Puis, il envoya son fils, Abou Malik ‘Abdel Wahid vers le sud, à Souss et les régions méridionales, pour soumettre les rebelles et les bandits, et conquérir le pays ce qui fit avant de venir retrouver son père, qui éprouva une grande joie à son retour.

Abou Youssouf resta dans la capitale jusqu’au mois de Ramadan de l’année 669 de l’Hégire (1270), pour organiser le pays et le 1 de ce mois, il marcha vers le pays de l’Oued Dar’a, ou les habitants s’étaient déclarés indépendants et maîtres des forteresses et des châteaux, dévastant les terres voisines, dont ils massacraient les habitants et pillaient les richesses. L’émir les atteignit vers le milieu du mois de Ramadan, les tailla en pièces et conquit ainsi tout l’Oued Dar’a et ses forteresses. Un groupe de rebelles se retrancha dans un lieu très-difficile d’accès mais il les assiégea tout de même durant quelques jours puis ces rebelles ayant obtenu la sécurité d’Abou Malik, Abou Youssouf leur accorda leur pardon et respecta les termes de reddition si bien qu’il ne resta plus un seul bandit dans tout le Dar’a.

L’émir revint alors dans la capitale où il rentra vers le milieu du mois de Shawwal de cette même année ou il resta les derniers jours du mois avant de partir pour Ribat al-Fath, près de Salé, où il fit son entrée à la fin du mois de Dzoul Qi’dah de l’année 669 de l’Hégire ou il passa le ‘Id al-Kabir, et où il désigna ce même jour son fils Abou Malik pour lui succéder, en présence de tous les Bani Marine.

L’émir Abou Malik était un prince courageux et généreux, affable et noble qui recherchait la société des hommes distingués et fréquentait les savants et les poètes. En proclamant son fils Abou Malik pour lui succéder, Abou Youssouf indisposa une partie des fils d’Abdel Haqq, Muhammad Ibn Idriss Ibn ‘Abdel Haqq et Moussa Ibn Rahhou Ibn ‘Abdel Haqq, qui s’enfuirent le soir même et gagnèrent le Jabal Abarkou, où ils se retranchèrent. L’émir partit à leur poursuite après avoir envoyé une avant-garde de cinq-mille cavaliers commandée par son fils Abou Ya’qoub pour encercler les fuyards. Le lendemain Abou Ya‘qoub fut rejoint par son frère Abou Malik à la tête de cinq-mille autres cavaliers, et le troisième jour l’émir des Musulmans Abou Youssouf arriva en personne avec ses combattants des Banou Marine. Après deux jours de siège, les rebelles firent leur soumission et demandèrent la sécurité que l’émir leur accorda, à condition qu’ils partent tous à Tlemcen ou ils se rendirent avant de traverser pour l’Andalousie.

En cette même année, Ya’qoub Ibn Jabir al-‘Abdel Ouadi, qui gouvernait Sijilmasa au nom de Yaghmourassan, mourut d’une tumeur aux parties génitales.

 

 

La prise de Tanger, de Ceuta et de Sijilmasa

 

L’émir Abou Youssouf entreprit une nouvelle expédition contre Tlemcen tandis que Yaghmourassan Ibn Zayyan envoya son fils Abou Malik dans les provinces pour rassembler des contingents de tribus arabes et de Masmoudah

Abou Youssouf Ibn ‘Abdel Haqq sortit de Fès le 1 du mois de Safar de cette même année avec toute l’armée des Bani Marine et arriva sur les rives de l’Oued Moulouïyyah, où il campa quelques jours pour attendre l’émir Abou Malik, qui se joignit à lui avec une nombreuse armée d’Arabes, de Hashim, d’Andalous, d’étrangers et de Chrétiens, tous bien organisés et disciplinés. L’émir resta encore trois jours, après l’arrivée de son fils, campé au même endroit pour passer en revue cette armée et se mit en marche vers Tilimsen. C’est au milieu de ces forces imposantes qu’il reçut un envoyé de Bani al-Ahmar, roi de Grenade, qui lui demanda de venir en Andalousie pour combattre dans la voie d’Allah et secourir les Musulmans d’Alfonsh, qu’Allah le maudisse, qui ruinait et saccageait leurs possessions. L’émir des Musulmans Abou Youssouf se rendit aussitôt sous la tente du conseil, où il réunit les Sheikhs des Bani Marine et des Arabes, et, après les avoir mis au courant de la situation des Musulmans en Andalousie, leur demanda leurs avis. Ceux-ci lui conseillèrent de faire la paix avec Yaghmourassan et de traverser en Andalousie dès que le pays serait en ordre.

Abou Youssouf envoya donc des Sheikhs de toutes les tribus Zenâta et Arabes en députation auprès de Yaghmourassan pour lui demander la paix. En les congédiant, il leur dit : « La paix est la meilleure des choses et il est très désirable que Yaghmourassan l’accepte; mais s’il la refuse et veut la guerre, dites-lui que je suis prêt, et revenez de suite ».

Yaghmourassan repoussa toutes leurs avances en leur dit : « Il n’y a pas de paix possible entre l’émir et moi depuis qu’il a tué mon fils. Par Allah ! Jamais je ne ferai la paix avec lui, et je le combattrai jusqu’à ce que je l’anéantisse et que ma vengeance soit assouvie ». Les émissaires revinrent et informèrent Abou Youssouf de sa réponse. L’émir se mit immédiatement en marche et demanda à Allah Exalté de lui accorder la victoire. A son approche, Yaghmourassan sortit de la ville avec toutes ses forces et avança avec des soldats aussi nombreux que des nuées de sauterelles. Les deux armées se rencontrèrent près de l’Oued Isly, dans les environs d’Oujda, et la bataille s’engagea avec fureur. L’émir des Musulmans donna le commandement de l’aile droite à son fils Abou Malik, l’aile gauche à fils Abou Ya’qoub et ils engagèrent les premiers le combat en soutenant ainsi leur père, qui occupait le centre. La bataille, de plus en plus sanglante, dura jusqu’à la complète défaite de Yaghmourassan qui perdit son fils Farès et qui prit la fuite avec ses autres enfants à travers une grêle de coups de sabre.

La majeure partie des Bani ‘Abdel Ouzd et des Bani Rashid furent mis en pièces, ainsi que tous les Chrétiens qui combattaient avec eux, et il n’en serait pas resté un seul si les ténèbres de la nuit n’étaient venues s’interposer entre les deux armées. Yaghmourassan abandonna son camp défait qui fut pillé avant de s’enfuir à Tlemcen. Le lendemain, Abou Youssouf ordonna la poursuite et arrivé à Oujda, il renversa et rasa la ville jusqu’aux fondements, de manière à n’en pas laisser de traces. La destruction d’Oujda eut lieu vers le milieu du mois de Rajab de l’an 670 de l’Hégire (1271).

 

Après la destruction d’Oujda, l’émir marcha sur Tlemcen qu’il assiégea. Quelques jours après, l’émir Abou Zayyan Muhammad Ibn ‘Abdel Qawi at-Toujini arriva, à la tête d’une forte armée, avec tambours et étendards. Abou Youssouf partit à sa rencontre à cheval, escorté de son état-major, et ils se félicitèrent de leur jonction, qui allait leur permettre de redoubler les rigueurs du siège. Les Toujini, ennemis acharnés de Yaghmourassan, resserrèrent l’étau du siège et parcoururent la campagne, saccageant les arbres, incendiant les jardins, fauchant les moissons, renversant tout et incendiant les villages, au point de ne plus laisser, dans tout ce pays, que ronces et joncs. Quand la dévastation fut achevée et que tous les partisans de Yaghmourassan furent détruits, Abou Youssouf invita Abou Zayyan à retourner chez lui et lui donna mille chameaux, cent chevaux, des vêtements, des tentes, des massues et des cuirasses.

L’émir, craignant que Yaghmourassan ne s’élançât à la poursuite d’Abou Zayyan, resta campé sous les murs de Tlemcen jusqu’au moment où il fut certain que ce dernier avait rejoint ses terres en toute sécurité et alors, il leva le siège et revint victorieux à Ribat le 1 du mois de Dzoul Hijjah de l’année 670 de l’Hégire ou il passa la fête du sacrifice, ‘Id al-Adhah avant de se rendre à Fès, où il entra le 1 du mois de Mouharram de l’année 671 (1272) et où il séjourna jusqu’au 11 du mois de Safar de cette même année.

C’est à cette époque qu’il perdit son fils Abou Malik ‘Abdel Wahid mais il se soumit à la volonté d’Allah Exalté et après avoir régler les affaires d’état et pacifier les pays environnants, il partit pour Tanger ou il arriva le 1 du mois de Dzoul Hijjah ou il campa sous les murs et commença le siège. Il battit la place sans relâche, du matin au soir, pendant trois mois consécutifs. Depuis la mort du fils de l’émir Abou Yahya, Tanger était gouvernée par le Faqhi Abou al-Qassim al-‘Azfi, maître de Ceuta, qui y demeurait avec ses Sheikhs. L’émir voyant que le siège se prolongeait indéfiniment, se décida à l’abandonner; mais la veille de son départ un nouveau combat s’engagea et vers le soir, une troupe d’arbalétriers, apparut tout à coup sûr l’un des forts de la ville avec les principaux chefs et appelèrent les soldats du camp en agitant un drapeau blanc. Ceux-ci, accoururent et s’emparèrent aussitôt du fort et combattirent les habitants durant toute la nuit jusqu’au matin ou ils récurent quelques renforts et redoublèrent l’attaque tandis que les assiégés, ayant fait une brèche dans leurs murs prirent la fuite. L’émir usa de clémence envers la population et fit aussitôt annoncer la sécurité si bien qu’un très-petit nombre de personnes moururent principalement celles qui résistèrent quand les troupes entrèrent dans la place au mois de Shawwal de l’année 672 de l’Hégire (1273). Une fois maître de Tanger, l’émir envoya son fils Abou Ya’qoub à Ceuta pour assiéger al-‘Azfi mais, au bout de quelques jours, ce dernier fit sa soumission et reçut la sécurité et la paix ainsi réglée, Abou Ya’qoub revint.

 

Au mois de Rajab, l’émir Abou Youssouf  reprit sa campagne pour aller attaquer la ville de Sijilmasa aux mains des tribus arabes d’al-Mounbat ou Yaghmourassan envoyait chaque année un de ses fils percevoir les impôts. L’émir Abou Youssouf assiégea la place et resserra l’étau du siège en utilisant ses balistes et ses autres machines de guerre. Les habitants, exaspérés, montaient sur les murs, d’où ils accablaient les assiégeants d’injures et de malédictions. Les Banou Marine continuèrent sans relâchement le bombardement de la ville si bien qu’ils détruisirent enfin un fort et firent une brèche dans le mur par laquelle ils donnèrent d’assaut, malgré la résistance du gouverneur de la place, ‘Abdel Malik Ibn Haninah, qui fut tué, ainsi que tous les défenseurs qui étaient avec lui. La prise de Sijilmasa  eut lieu le vendredi 3 du mois de Rabi’ Awwal de l’année 673, et, selon d’autres versions, le 30 du mois de Safar de cette même année. L’émir fut clément envers la population, à laquelle il accorda la sécurité et après être resté quelques jours pour pacifier le pays, l’émir confia sa nouvelle conquête à un gouverneur et voyant qu’il ne restait plus un seul point du pays qui ne lui fût soumis, il proclama le combat dans la voie d’Allah.

 

 

La première expédition d’Abou Youssouf en Andalousie

 

Peu de temps après, il reçut une lettre des Bani al-Ahmar, qui le suppliait de venir secourir l’Andalousie, en lui faisant le tableau de la situation des Musulmans, journellement attaqués, massacrés ou faits prisonniers. A la réception de ce message, l’émir Abou Youssouf qui était déjà prêt à traverser la mer pour mener le Jihad contre les croisés, sortit de Fès le 1 du mois de Shawwal de l’année 673 de l’Hégire et arriva à Tanger. Là, il envoya chercher Abou al-Qassim al-‘Azfi et lui ordonna de rassembler des troupes pour le combat dans la voie d’Allah contre les associateurs (al-moushrikin), d’armer des navires pour leur passage en mer, et de faire un appel aux croyants désireux de combattre dans la voie d’Allah à Lui les Louanges et la Gloire.

Ensuite il donna à son fils, l’émir Abou Zayyan, le commandement de cinq-mille cavaliers des Bani Marine et des Arabes et, en lui confiant l’enseigne impériale, il lui recommanda de craindre Allah Exalté dans son cœur et aux yeux de tous. Puis il fit ses adieux et l’envoya  au Qasr al-Mijaz, où Abou al-Qassim al-‘Azfi avait déjà préparé vingt navires pour le passage des combattants. L’émir Abou Zayyan s’embarqua avec toute sa troupe et débarqua le 16 du mois de Dzoul Qi’dah de cette même année à Tarifa, où il resta trois jours pour laisser le temps aux hommes et aux chevaux de se remettre des secousses de la mer puis, il se rendit à Bahirah qu’il pilla. De là, il poursuivit sa marche, tuant, pillant et renversant châteaux et villages, incendiant les moissons, abattant les arbres et bouleversant tout jusqu’à son arrivée à Xérès, sans qu’aucun croisé ne l’arrête ni même se présente à lui. Il envoya à Algésiras le butin et les prisonniers enchaînés, et la population se réjouit de leurs victoires, les premières que les Musulmans remportaient depuis la défaite d’al-‘Iqab en 609 de l’Hégire où les croisés anéantirent les Mouwahhidine.

Après avoir envoyé son fils Abou Zayyan en Andalousie, l’émir Abou Youssouf envoya son petit-fils, Tashfine Ibn ‘Abdel Wahid, chez Yaghmourassan Ibn Zayyan, pour chercher la paix et faire alliance avec lui au nom de la défense de l’Islam, afin de n’avoir rien à craindre de sa part pendant qu’il serait au Jihad. Le traité de paix fut signé à Tlemcen par la volonté d’Allah Exalté et Sa Toute Puissance, et le peuple de l’Islam se trouva ainsi réuni en un seul cœur. L’émir Abou Youssouf satisfait, fit d’abondantes aumônes pour rendre grâces au Très Haut, et écrivit aussitôt aux Sheikhs des Banou Marine, des tribus arabes, des Masmoudah, des Sanhadja, des Ghoumarah, des Warabah, des Maknassah et d’autres tribus du Maghreb, pour les appeler au combat dans la voie d’Allah contre al-Kaffara (les mécréants).

En même temps il se rendit au Qasr al-Jawaz ou il procéda à l’embarquement de son armée, hommes, chevaux et bagages, pour l’Andalousie, où chaque jour il expédiait un groupe de Moujahidine accompagné d’un corps des Bani Marine. Les croyants traversèrent ainsi sans interruption, navire après l’autre, et, lorsqu’ils furent tous débarqués sur les rivages andalous, leur camp occupait le rivage entier de Tarifa à Algésiras. L’émir Abou Youssouf débarqua à son tour sur la plage de Tarifa dans la matinée du 21 du mois de Safar, an 674 de l’Hégire ou il fit la prière du Zouhr avant de se mettre aussitôt en route pour Algésiras où il retrouva les Bani al-Ahmar accompagnés des émirs d’Andalousie, qui l’attendaient avec leurs soldats et leurs étendards. Après les avoir salués et mit fin à la mésintelligence qui existait entre eux, ces deux rois firent la paix et leurs cœurs s’unirent par la grâce de Dieu et pour l’avantage des Musulmans. L’émir se renseigna sur les méthodes de guerres employées par les croisés et leur donna congé pour retourner chez eux.

L’émir des Musulmans se mit alors en marche toute son armée, et marcha sans halte ni repos, sans s’occuper des manquants ni des retardataires, sans dormir ni manger pour ne pas laisser aux croisés le temps d’être informés de son arrivée, jusqu’à son arrivée sur les bords de l’Oued al-Kabir (Guadalquivir). Il donna alors le commandement de l’avant-garde, composée de cinq-mille cavaliers, à son fils Abou Ya’qoub, auquel il confia le tambour et les étendards, tandis que le corps général de l’armée établit son camp sur les bords du Guadalquivir, où les soldats ne laissèrent pas un arbre debout, pas un village sans le détruire, pas de butin sans le piller, pas de moissons sans l’incendier, et ils dévastèrent complètement cette partie du pays, jusqu’à ce qu’ils arrivèrent la forteresse d’al-Modovar qu’ils renversèrent avant de reprendre leur marche saccageant et incendiant tout sur leur passage dans les campagnes de Cordoue, d’Abra et de Bayza et tous ceux qui se levèrent sur leur route furent anéantis.

Puis, les Musulmans prirent d’assaut la forteresse de Balmah et s’emparèrent de tous les trésors qu’elle contenait. L’émir Abou Youssouf reprit sa marche jusqu’à la ville d’Ecija ou il reçut un courrier l’informant que tous les croisés réunis avançaient vers lui.

 

 

La bataille d’Ecija

 

L’émir Abou Youssouf réunit aussitôt les Sheikhs des Bani Marine pour prendre les dispositions contre les mécréants qui ne tardèrent pas à apparaître innombrables conduit par Don Nouno, qui se tenait au centre et à qui Alfonsh, qu’Allah le maudisse, avait confié le commandement de son armée.

Don Nouno le maudit, qui avait déjà à son actif, un nombre considérables de conquêtes, s’avança donc pour attaquer l’émir Abou Youssouf, sous l’ombre de ses étendards, et au son des clairons, marchant en tête de son armée noire comme la nuit et s’avançant rangs par rangs comme les vagues de la mer. Cavaliers et fantassins arrivèrent à sa suite à pas accéléré, les uns après les autres, prêts à l’attaque et au combat, brandissant leurs armes sur leurs chevaux harnachés et cuirassés de fer.

Dès que l’émir Abou Youssouf les aperçut et vu leur manœuvre, il fit partir tout le butin sous l’escorte de mille des plus vaillants cavaliers des Bani Marine, et il s’apprêta au combat avec ses Moujahidine. Il descendit de cheval, et, après avoir fait ses ablutions et récité deux Rak’as, il leva les mains et il prononça une invocation qui donna pleine confiance aux Musulmans, car elle était semblable à celle que le Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) récitait lorsqu’il menait, ses compagnons au combat : « O Grand Seigneur, rends cette armée victorieuse, accorde-lui Ton salut et Ton aide pour combattre Tes ennemis ! ».

Après la prière, l’émir remonta à cheval, rangea son armée en ordre de bataille. Il donna le commandement de l’avant-garde à son fils Abou Ya’qoub et parcourut les rangs des Sheikhs des Bani Marine, des émirs arabes et des chefs des tribus, en leur disant : «  O mes compagnons musulmans et Moujahidine. Voici un grand jour et ce lieu va vous offrir la mort glorieuse des martyrs ! Les portes du Paradis sont ouvertes et ses allées célestes parées pour vous recevoir. Tenez-vous à les monter, car Allah Très Haut à Lui les Louanges et la Gloire, a racheté aux croyants leurs biens et leurs personnes pour leur donner en retour le Paradis. Il a dit Exalté soit-Il : « Certes, Allah a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. Ils combattent dans Sa voie : ils tuent, et ils se font tuer. C’est une promesse authentique qu’Il a prise sur Lui-même dans la Thora, l’Injil et le Qur’an. Et qui est plus fidèle qu’Allah à son engagement ? Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez fait : Et c’est là le très grand succès[1] ».  Du courage, compagnons musulmans, et soutenez le combat contre les associés. Celui d’entre vous qui mourra, et mourra en témoignant (martyr), et celui qui survivra, survivra avec un riche butin et il sera récompensé et honoré. « Soyez endurants. Incitez-vous à l’endurance. Luttez constamment (contre l’ennemi) et craignez Allah, afin que vous réussissiez[2] ! »

Lorsque les croyants entendirent ces paroles, ils redoublèrent leurs témoignages de foi avec enthousiasme, et, pleins d’ardeur, s’écrièrent : « En avant, serviteurs d’Allah et qu’aucun d’entre vous ne recule ! » et devançant l’attaque des croisés, ils s’abattirent sur l’armée ennemie. La bataille s’endurcie de plus en plus, et dans la mêlée les croisés tombèrent comme si le feu du ciel les frappait.

Les ennemis d’Allah furent taillés en pièces par les héros des Bani Marine après avoir patienté, ce que le Miséricordieux recommande dans les combats et ainsi, Il donna la victoire à Ses serviteurs, illustra ses chefs et prêta Son secours à Ses soldats. Le maudit mécréant Don Nouno fut tué, ses légions anéanties, et son armée si pulvérisée, qu’il ne resta pas une lance qui ne fût brisée, pas une cuirasse qui ne fût mise en pièces, pas un seul homme pour raconter la destruction des autres. Les Musulmans firent leurs prières sur le champ de bataille et l’émir s’informa des Musulmans tués dans la bataille qui étaient au nombre de trente-deux, dont neuf des Bani Marine, quinze Arabes et huit volontaires sur qui il conduisit la prière.

Cette bataille sacrée, dans laquelle Allah Exalté anéantit les mécréants eut lieu le 15 Rabi’ Awwal (mois de la naissance de notre seigneur Muhammad, que Dieu le comble de bénédictions !) de l’an 674 de l’Hégire (1275).

L’émir des Musulmans expédia aussitôt des courriers dans toutes les directions et ses lettres furent lues dans toutes les chaires et l’on fit partout de grandes réjouissances. D’abondantes aumônes furent distribuées, et l’on rendit la liberté aux esclaves en témoignage de reconnaissance envers le Très-Haut. L’émir revint alors avec le butin et les prisonniers à Algésiras, où il fit une entrée triomphante le 25 du mois précédé par les prisonniers traînant leurs chaînes. L’émir Abou Youssouf resta à Algésiras quelque temps avant de partir en campagne pour Séville le 1 du mois de Joumadah Awwal.

 

 

La deuxième expédition d’Abou Youssouf en Andalousie

 

L’émir Abou Youssouf resta à Algésiras quelque temps avant de partir en campagne le 1 du mois de Joumadah Awwal de cette même année pour Séville sous les murs de laquelle il campa avec l’armée musulmane, à l’endroit dit Ma al-Fouroush avant de parcourir les environs, expédiant dans toutes les directions des détachements. Le deuxième jour il monta à cheval et se rapprocha des portes de la ville qu’il menaça, tambour en tête et étendards déployées. Les croisés se précipitèrent sur les murs pour soutenir l’attaque mais aucun de leurs émirs ou de leurs guerriers n’osât s’approcher de l’émir et accepter son défi. Après avoir battu les murailles avec ses machines de guerre, ravagé les environs, brûlé les villages et tout saccagé, l’émir leva le camp et marcha sur Xérès, qu’il traita pendant trois jours comme il avait traité Séville avant de retourner à Algésiras, où il entra le 27 Joumadah Awwal au début de l’hiver, et l’émir demeura avec toutes ses troupes campé sur les bords de l’Oued an-Nissa, près d’Algésiras, durant toute la mauvaise saison.

Les croisés n’ayant point pu faire leurs semailles cette année-là, les denrées devinrent rares et chères, et bientôt il y eut famine dans tout le pays.

 

D’un autre côté, les Bani Marine, fatigués de leur séjour en Andalousie décidèrent de rentrer au Maghreb ou ils débarquèrent le 30 du mois de Rajab de l’année 674 après un séjour de six mois en Andalousie. L’émir se rendit aussitôt à Fès, où il entra vers le milieu du mois de Sha’ban.

 

Le 3 Shawwal, l’émir décréta la construction de la nouvelle ville de Fès dont les travaux débutèrent aussitôt et durant le même mois, il donna ordre de bâtir la Casbah de Meknès et sa mosquée.

 

Au mois de Sha’ban de l’année 675 de l’Hégire (1276), Abou Youssouf qui se trouvait à Ribat al-Fath, écrivit aux Sheikhs, aux Bani Marine, aux Arabes et à tous les Berbères du Maghreb pour les appeler à lutter dans la voie d’Allah. Sur leur refus, il renouvela son invitation plusieurs fois sans succès jusqu’à la fin de l’année et l’émir voyant ce peu d’empressement pour le Jihad et lassé de leurs lenteurs, résolut de se rendre sur les terres des croisés avec son armée seulement. Ainsi, il quitta Ribat le 1 du mois de Mouharram de l’année 676 de l’Hégire (1277) et arriva au Qasr al-Mijaz, d’où il traversa pour Tarifa.

 

 

La deuxième traversée d’Abou Youssouf

 

Ce n’est que lorsque les croyants et les tribus virent ses dispositions et ses forces qu’ils se décidèrent à le rejoindre et quand les troupes traversèrent, l’émir s’embarqua à son tour et débarqua à Tarifa le 28 Mouharram et se rendit à Algésiras, où il demeura trois jours avant de se diriger vers Ronda sous les murs de laquelle il établit son camp. Là il reçut le roi Abou Ishaq de Guadix et Abou Muhammad le maître de Malaga, qui, après les salutations d’usage, se rangèrent sous ses drapeaux et se joignirent à lui pour aller attaquer Séville. L’émir leva le camp de Ronda le 1 Rabi’ Awwal et se rendit sous les murs de Séville, où se trouvait Alfonsh, le roi des croisés qui à l’approche des Musulmans, fit sortir toutes ses troupes pour protéger la ville et qu’il échelonna le long de l’Oued al-Kabir en rangs serrés et aussi nombreux que les épis de blé. Recouverts de leurs cuirasses et de leurs casques étincelants et armés de leurs lances éclatantes, ils aveuglaient les yeux et frappaient l’esprit d’épouvante. L’émir des Musulmans fit avancer son armée de Moujahidine et des intrépides Bani Marine, le jour même de la naissance du Prophète (qu’Allah le comble de bénédictions), et lorsque les deux troupes furent en présence de façon à presque se toucher, l’émir descendit de cheval et se prosterna deux fois, selon sa coutume, en demandant au Miséricordieux de lui accorder la victoire et Son secours, puis il s’écria : « O compagnons de la foi, combattez pour Allah Exalté dans cette vraie guerre, et remerciez-Le de vous avoir fait naître Musulmans, car ne verra point le feu de l’enfer celui qui combattra les ennemis d’Allah, les mécréants. Le Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) a dit la vérité, et selon ses propres paroles : « Le feu ne réunira jamais les infidèles et ceux qui les auront tués ». Réjouissez-vous donc quand la bataille est sanglante au point de ne plus voir celui que l’on frappe et détruit. Par Allah, celui qui fait le Jihad en pensant au Très-Haut ne meurt jamais, car, après sa mort même, il vit pour recevoir sa récompense; n’est-ce pas là le plus haut degré de gloire qui puisse être atteint ? »

Après avoir entendu ce discours, les chevaliers des Banou Marine et tous les Musulmans, voyant que les mécréants avançaient serrés comme des murailles, s’approchèrent également avec l’espoir de la victoire et prêts à mourir. L’émir Ya’qoub se mit le premier en marche avec son étendard et à la tête de mille cavaliers principalement des Bani Marine, précédant son père, il s’élança contre l’armée croisée. La poussière obscurcit alors l’air et les Musulmans poussèrent leurs Takbir et leurs témoignages de foi dans une sanglante mêlée. Alors l’émir Abou Youssouf, se précipita lui-même sur les traces de son fils avec ses troupes, tambour battant et étendards déployés. Les croisés épouvantés, reculèrent vaincus et s’enfuirent comme des ânes hors d’haleine fuyant devant leurs maîtres. Les Bani Marine les rattrapèrent atteignirent sur les rives du fleuve où ils achevèrent tous ceux qui ne s’étaient pas jetés dans les flots, où ils se noyèrent. Ceux qui restèrent sur le champ de bataille furent tués ou faits prisonniers tandis que des milliers moururent dans le fleuve, où les Musulmans les poursuivaient encore à la nage pour les massacrer. L’eau du fleuve se teinta de sang et sa surface se couvrit de cadavres. C’est ainsi que leur armée et leur camp furent détruits. Les Musulmans continuèrent leurs exploits jusqu’au soir, et l’émir passa toute cette nuit à cheval devant la porte de Séville, faisant battre le tambour, et à la lueur de torches et de feux qui éclairaient le pays comme le jour.

Les croisés, cachés derrière leurs remparts, se frappaient la tête de désespoir. A l’aurore, l’émir fit sa prière du matin et se rendit au Jabal ash-Sharf, entre Séville et Niebla, saccageant sur sa route et expédiant des détachements partout aux alentours pour détruire et incendier. Puis, il prit d’assaut les forteresses de Hafalah, Haliyanah et al-Qal’a, dont il détruisit les garnisons et fit prisonniers ses occupants. Il dévasta les campagnes, incendia les villages et n’épargna rien avant de revenir avec un énorme butin à Algésiras, le 28 Rabi’ Awwal de l’année 676 de l’Hégire. Il y resta le temps nécessaire pour laisser reposer les troupes tandis que le roi Abou Muhammad Ibn Ashkiloulah mourut à Malaga au retour de l’expédition de Séville.

 

 

La quatrième campagne d’Abou Youssouf Ibn ‘Abdel Haqq

 

L’émir des Musulmans se remit en campagne le 25 Rabi’ Thani pour attaquer Xérès avec la ferme résolution de détruire la ville. Arrivé sous les murs de cette place, il en fit le siège et acheva de ruiner cette partie du pays et de détruire les mécréants qui s’y trouvaient et ce fut un immense désastre pour les croisés.

Quand le pays fut complètement dévasté, l’émir Abou Youssouf envoya son fils Abou Ya’qoub, avec un détachement de trois-mille cavaliers pour attaquer les forteresses de l’Oued al-Kabir. Abou Ya’qoub pilla les places de Routa, Shloukah, Ghaliyanah, al-Qinathir, et, suivant les rives du fleuve, il remonta jusqu’à Séville, renversant et massacrant tout sur son passage avant de revenir vers son père, qui l’attendait près de Xérès et qui se réjouit beaucoup de son retour. L’émir rentra à Algésiras puis, ayant réuni les Sheikhs des Bani Marine, des Arabes, des Andalous et d’autres, il les exhorta à combattre dans la voie d’Allah et leur dit :

- « O mes frères Moujahid, les places de Séville et de Xérès sont ruinées, leurs dépendances battues et dévastées; mais il reste Cordoue et ses environs, d’où les mécréants tirent leurs subsistances et leurs forces. Si nous partons envahir ces terres, ils seront bientôt réduits à la famine et tout le pays des mécréants sera affaibli. Pour moi, je suis prêt à marcher, qu’en est-il de vous ? » Ils répondirent :

- « O émir qu’Allah te récompense pour tout et qu’Il te seconde par Son aide et Son secours. Nous te suivrons, soumis et obéissants et nous combattrons partout où tu nous conduiras même s’il faut traverser mers et déserts ».

Il les remercia, invoqua sur eux les bénédictions, leur distribua des vêtements, de l’argent, et il augmenta leur solde avant d’écrire à Ibn al-Ahmar, le roi de Grenade, pour lui apprendre qu’il allait se mettre en campagne contre Cordoue et pour l’inviter à l’accompagner. Il lui écrivit : « Si tu te joins à moi contre cette place, tu seras redouté par les croisés aussi longtemps que tu vivras, et tu gagneras en plus les grandes récompenses du Très-Haut ».

 

 

La cinquième expédition de l’émir Abou Youssouf contre Cordoue

 

L’émir des Musulmans sortit d’Algésiras le 1 du mois de Joumadah Thani de cette même année, avec l’aide d’Allah Exalté puis de ses armées victorieuses. Ibn al-Ahmar sortit, de son côté, de Grenade avec ses troupes, et les deux armées se rencontrèrent au jardin des Roses, sur les terres de Sharoukah ou Arshadona et ensemble, ils assaillirent la forteresse Bani Bashir, qu’ils prirent d’assaut et où ils massacrèrent la garnison. Puis ils la pillèrent avant de la raser. L’émir Abou Youssouf sema la dévastation dans les terres des mécréants avant de venir camper sous les murs de Cordoue qu’il encercla. Tandis que les archers croisés défendaient leurs murs, Abou Youssouf alla avec ses héros, jusqu’à la porte de la ville pour en examiner les fortifications tandis qu’Ibn al-Ahmar protégeait le camp des Musulmans avec son armée. Les Bani Marine et les Arabes se répandirent dans les environs de Cordoue ou ils attaquèrent châteaux, forts et villages et donnèrent enfin l’assaut la forteresse d’az-Zahra.

L’émir resta trois jours à Cordoue, et quand tous les environs furent ravagés, détruits et incendiés, il revint à Birkounah et envoya un corps armé vers la ville de Jaén ainsi que des détachements dans toutes les directions pour mettre le pays entier à feu et à sang. Lorsque Alfonsh le maudit, vit ces désastres et la ruine de ses états, il envoya des prêtres et des moines auprès de l’émir, pour implorer le pardon et la paix. Ces émissaires se présentèrent à la porte de la tente impériale, humbles et soumis. Quand ils furent entrés, l’émir leur répondit :

- « Adressez-vous à Ibn al-Ahmar car je ne suis ici qu’un hôte étranger et n’ai d’autre paix à vous accorder excepté celle qu’il consentira à vous faire ». Ils se rendirent alors chez Ibn al-Ahmar et lui dirent :

- « L’émir nous a enjoint de nous adresser à toi, et nous venons te supplier de nous accorder une paix durable, une paix que rien ne rompra plus à l’avenir et qui continuera jour et nuit pendant les siècles », puis, ils en firent le serment (mensonger) sur leurs croix.

Ibn al-Ahmar se rendit chez l’émir et, l’ayant mis au courant, lui avoua qu’en effet l’Andalousie ne pourrait se relever que par une paix durable et la paix fut conclue en présence de l’émir Abou Youssouf qui se retira alors d’Arjounah et se rendit à Algésiras par la route de Grenade dans la première décade de Rajab de l’année 676 de l’Hégire (1277). Il campa avec son armée autour de la ville et tomba peu après malade pendant soixante-dix jours. Lorsqu’il eut retrouva la sauté, il reçut un envoyé accompagné de prêtres et de religieux pour ratifier la paix, ce qui eut lieu le dernier jour du mois de Ramadan de cette même année.

Cependant le roi Ibn Ashkiloulah envoya un message à l’émir pour lui offrir Malaga, et l’émir envoya son fils Abou Zayyan prendre possession de la ville et après être resté un certain temps en Andalousie ou il laissa à Malaga une garnison de mille cavaliers des Bani Marine et d’Arabes sous le commandement de ‘Omar Ibn ‘Ali, Abou Youssouf, durant la première décade de Mouharram de l’année 677 de l’Hégire rentra à Fès.



[1] Qur’an, Sourate 9, verset 111.

[2] Qur’an, Sourate 3, verset 200.