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			Maghreb al-Aqsa (actuel Maroc)
			 
			
			
			
			La dynastie régnante des Banou Marine souverain du Maghreb al-Aqsa 
			ou de l’actuel Maroc, jouèrent aussi un grand rôle en Andalousie ou 
			ils se portèrent au secours des Musulmans comme nous l’avons vu dans 
			le premier volume sans toutefois trop rentrer dans les détails. Nous 
			allons donc revenir en partie sur les premiers souverains de cette 
			dynastie avant de revenir au résumé de notre chronologie. 
			
			Les informations qui suivent sont extraites du livre « kitab 
			al-anis al-moutrib bi-rawd al-qirtas fi akhbar moulouk al-maghrib wa 
			tarikh madinat fas » de ‘Ali Ibn ʻAbdAllah Ibn Abi Zar’ 
			al-Fassi.
			
			
			De la généalogie des Bani Marine az-Zinata
			
			
			
			Les Bani Marine étaient une tribu berbère des Zenâta, originaire 
			d’Ibn Ourtajan Ibn Makhoukh Ibn Wajij Ibn Fatin Ibn Yiddir Ibn 
			Yajfit Ibn ‘AbdAllah Ibn Wartib Ibn al-Maqir Ibn Ibrahim Ibn Sighik 
			Ibn Wassine Ibn Islitan Ibn Mazri Ibn Zakya Ibn Warsij Ibn Zinat Ibn 
			Jana Ibn Yahya Ibn Tamsit Ibn Dzaris, ou Jalout le premier 
			roi des Berbères, Ibn Warjih Ibn Madghis al-Abtar Ibn Baz Ibn 
			Kis Ibn Ghilan Ibn Moudzir Ibn Nizar Ibn Mad Ibn ‘Adnan. Zinat Ibn 
			Djanah est le fondateur de la tribu des Arabes Zenâta qui changèrent 
			leur langue arabe en langue berbère comme l’ont rapporté les 
			généalogistes.
			
			Moudzir Ibn Nizar eut deux fils, Ilyas et Ghilan, de leur mère Rihab 
			Bint Hajah Ibn ‘Omar Ibn Mad Ibn Adnan. Ghilan eut également 
			deux fils, Kis et Dahman. Dahman n’eut qu’une faible 
			postérité, qui donna naissance aux Bani ‘Amam, de la tribu de Kis. 
			Celui-ci engendra quatre fils et une fille : Sa’id, ‘Omar et Hafsah, 
			qui eurent pour mère Mouznah Bint Assad Ibn Rabi’ah Ibn Nizar. Le 
			quatrième fils, Baz et sa sœur Toumadzar, naquirent de Barighah Bint 
			Madjdal Ibn Majdoul Ibn ‘Omar Ibn Moudzir al-Barbari al-Majdouli. 
			
			A cette époque, les Berbères Majdouli habitaient la Syrie et 
			fréquentaient les Arabes. Or Baha, fille de Dahman Ibn 
			Ghilan, était la femme la plus accomplie de son temps en beauté et 
			en qualité, et de toutes les tribus arabes se présentaient des 
			prétendants nombreux mais les fils de son oncle Kis, ses cousins et 
			cousine Sa’d, ‘Omar, Baz et Hafsah, déclarèrent qu’elle ne 
			sortirait pas de la famille et qu’elle n’épouserait que l’un d’eux. 
			Invitée à faire un choix parmi les quatre, elle choisit Baz, qui 
			était le plus jeune et le meilleur de tous, et l’épousa en dépit de 
			ses frères, qui conçurent le dessein de le tuer. Sa mère, Barighah 
			prévint Baha qui convint avec elle de s’échapper dans le pays de ses 
			frères, les Berbères et elle partit avec son fils Baz et sa 
			belle-fille. Arrivés chez les Berbères, elle établit Baz dans sa 
			famille, où il épousa en toute sécurité sa cousine Baha et devint 
			puissant et capable de résister à ses ennemis. Baha lui donna deux 
			fils, ‘Alouan et Madghis. ‘Alouan mourut jeune et sans enfants et 
			Madghis, surnommé al-Abtar, fut le père des Berbères al-Boutr, d’où 
			sont issus les Zenâta.
			
			Baz mourut chez les Berbères et son fils Madghis eut une innombrable 
			descendance qui adoptera les mœurs et la langue berbère.
			
			
			
			L’arrivée des Bani Marine au Maghreb
			
			
			
			C’est avec le désastre de la bataille d’al-’Iqab que les Mouwahhidine 
			perdirent leur puissance. An-Nassir vaincu, rentra au Maroc et son 
			gouvernement ne cessa d’aller de mal en pis jusqu’à sa mort, en l’an 
			610 de l’Hégire (1213), où il fut remplacé par son jeune fils non 
			pubère al-Moustansir, qui incapable de diriger les affaires, laissa 
			les rênes du gouvernement aux Sheikhs des Mouwahhidine qui 
			s’entretuèrent pour le pouvoir. L’anarchie se généralisa, leurs 
			forces s’affaiblirent, la décadence gangréna le pays, la religion se 
			perdit et la guerre civile éclata entre eux pavant ainsi la route de 
			la nouvelle dynastie qui allait prendre les rênes du pays en mains : 
			Les Bani Marine.
			
			Les Bani Marine, étaient un peuple de nomades qui vivaient sur les 
			terres du Zab jusqu’à Sijilmasa qui ne connaissaient ni argent, ni 
			monnaie et ni émir. Fiers et dédaigneux, ils ne supportaient ni 
			attaque, ni alliance, ne connaissaient ni l’agriculture ni le 
			commerce, et leurs seules occupations étaient la chasse, le cheval 
			et les razzias. Leurs biens consistaient en chevaux et en chameaux 
			qu’ils menaient paître une fois par an au Maghreb puis en automne, 
			retournaient chez eux. 
			
			
			C’est ainsi qu’en amenant leurs animaux paitre et s’abreuver qu’ils 
			apprirent, en l’an 613 de l’Hégire (1216), que toute l’armée des 
			Mouwahhidine avait péri à la bataille d’al-’Iqab, et ils 
			trouvèrent partout que des lieux déserts ou fréquentés seulement par 
			les lions et les chacals. Alors ils s’établirent sur ces terres 
			ainsi abandonnées et envoyèrent aussitôt prévenir leurs frères de la 
			situation.
			
			Les Bani Marine en nombre considérable vinrent alors d’étapes en 
			étapes, montés sur leurs chevaux ou sur leurs chameaux, jusqu’à Oued 
			Talagh et entrèrent au Maghreb, avec leurs animaux, leurs bagages et 
			leurs tentes.
			
			
			Abou Faris dit dans son poème : « C’est en l’an 610 que les Bani 
			Marine vinrent au Maghreb de leurs pays barbares, après avoir 
			traversé le désert et les plaines de sable sur le dos de leurs 
			chameaux et de leurs chevaux, comme avaient fait les Lamtounah avant 
			eux ».
			
			
			
			
			Les Bani Marine et 
			les Mouwahhidine
			
			
			
			Lorsque les Bani Marine entrèrent au Maghreb, ils se répandirent 
			dans le pays et s’y affermirent, faisant grâce à ceux qui se 
			soumettaient à et massacrant ceux qui les repoussaient. En apprenant 
			cette invasion, l’émir Youssouf al-Moustansir conçut de l’inquiétude 
			et il rassembla les Sheikhs Mouwahhidi qui lui dirent : « O 
			émir des Musulmans ! Ne leur fait pas attention et soit sans crainte 
			car ils sont simples et peu nombreux. Pour les arrêter, il suffira 
			seulement d’envoyer contre eux l’un des nôtres qui les anéantira et 
			s’emparera de leurs femmes et de leurs biens après les avoir 
			poursuivis et dispersés ». 
			
			L’émir expédia alors aussitôt une armée de vingt-mille Mouwahhidine 
			sous le commandement du Sheikh Abou ‘Ali Ibn Wandin avec ordre de 
			massacrer les Bani Marine jusqu’au dernier d’entre eux. Lorsque les 
			Bani Marine furent informé de son approche, ils mirent à l’abri 
			leurs familles et leurs richesses dans la forteresse de Tazout et 
			avancèrent résolument contre l’armée des Mouwahhidine. La 
			rencontre eut lieu dans les environs de l’Oued Nakour, dans la 
			région de Badis dans le Rif ou ils livrèrent une sanglante et 
			mémorable bataille. Les Bani Marine assistés par le Très-Haut, 
			remportèrent la victoire et ils massacrèrent la plus grande partie 
			des Mouwahhidine. Avec cette écrasante victoire, le pouvoir 
			des Bani Marine grandit et celui des Mouwahhidine 
			s’affaiblit.
			
			Les Sheikhs Mouwahhidi nommaient les sultans et les tuaient 
			ensuite pour en nommer d’autres, pillant chaque fois leur trésor et 
			se partageant leurs femmes et le butin. C’est ainsi qu’ils nommèrent 
			‘Abdel Wahid avant de le tuer pour le remplacer par al-‘Adil, 
			qu’ils étranglèrent à son tour avant de désigner al-Ma'moun qu’ils 
			déchurent et élire pour le remplacer son frère Yahya. Ce 
			désordre engendra leur ruine et la disparition de leur pouvoir et de 
			leurs forces, dont les Banou Marine héritèrent.
			
			
			
			
			Abou Muhammad 
			‘Abdel Haqq 
			
			
			
			L’émir Abou Muhammad était fils de l’émir Abou Khalid Mayou 
			Ibn Abou Bakr Ibn Hamamah Ibn Muhammad az-Zinati 
			al-Marini et son père, Abou Khalid combattit lors de la Bataille 
			d’al-Arak au côté d’al-Mansour qui lui avait confié ce jour, le 
			commandement des Zenâta, avec lesquels il se couvrit de gloire et au 
			cours de laquelle il fut blessé avant de mourir des suites de ses 
			blessures en l’an 592 de l’Hégire dans le sud du Zab. Son fils lui 
			succéda et prit la direction des affaires et Abou Muhammad 
			‘Abdel Haqq était connut par ses vertus, sa religion, sa 
			piété, sa justice et il était le refuge des orphelins et la 
			providence des pauvres. Il était un savant dans sa tribu et veillait 
			avec le plus grand soin aux affaires des siens et n’entreprenait 
			absolument lieu sans le consulter. 
			
			
			Au mous de Dzoul Hijjah de l’année 613 de l’Hégire (1216), 
			Abou Muhammad ‘Abdel Haqq marcha avec son armée sur 
			Ribat et le gouverneur de la ville sortit pour l’attaquer mais 
			l’émir Abou Muhammad le battit et mit son armée en déroute. 
			Il distribua le riche butin à ses soldats sans rien garder pour lui 
			et dit à ses enfants : « Faites bien attention de ne pas toucher à 
			ce butin, la victoire et la renommée doivent vous suffire ».
			
			
			Au mois de Joumadah Thani de l’année 614 de l’Hégire (1217), les 
			Banou Marine rencontrèrent les Banou Riyah qui étaient la 
			plus puissante tribu arabe du Maghreb et les deux armées se 
			rencontrèrent aux environs de l’Oued Sebou. À quelques milles de 
			Tafarthast au cours de la sanglante bataille qui s’ensuivit Abou Muhammad 
			‘Abdel Haqq fut tué ainsi que son fils Idriss. Les Bani 
			Marine jurèrent alors de ne point enterrer les corps de leurs chefs 
			avant de les avoir vengés et les Banou Riyah après avoir 
			déployé une grande résignation furent presque tous massacrés tandis 
			qu’un petit nombre d’entre eux s’enfuit. 
			
			Après la bataille, les Bani Marine nommèrent ‘Uthman, le fils d’Abou 
			Muhammad ‘Abdel Haqq, pour succéder à son père.
			
			
			
			Abou Sa’id ‘Uthman Ibn Muhammad 
			‘Abdel Haqq
			
			
			
			Après la mort de son père, Abou Sa’id ‘Uthman Ibn Muhammad 
			‘Abdel Haqq à la tête des Bani Marine marcha sur les Bani 
			Riyah et après avoir massacré un grand nombre d’entre eux 
			ces derniers se soumirent ce qui pour effet d’affaiblir 
			encore plus les Mouwahhidine qui perdirent ainsi le contrôle 
			des campagnes. 
			
			L’émir Abou Sa’id rassembla alors les Banou Marine et les exhorta à 
			se soulever au nom de la religion et des intérêts des Musulmans et 
			bientôt il avança avec ses légions conquérantes et victorieuses dans 
			le Maghreb, donnant la sécurité à ceux qui le reconnaissaient et lui 
			promettaient obéissance tandis que ceux qui lui résistaient, étaient 
			combattus. Un très grand nombre de tribus se soumirent à lui et il 
			accorda la paix aux habitants de Fès, de Meknès, de Ribat qu’il 
			promit de défendre des actes de brigandages des Berbères.
			
			
			Dans les années qui suivirent, Abou Sa’id ‘Uthman conduisit une 
			série d’expédition contre des tribus rebelles et resta un grand 
			guerrier mais il fut assassiné en l’an 638 de l’Hégire (1240) par un 
			renégat qu’il avait élevé tout jeune, et qui le frappa d’un coup de 
			poignard à la gorge. La durée de son règne fut de vingt-trois ans et 
			sept mois.
			
			
			Abou Marhouf 
			Muhammad 
			Ibn ‘Abdel Haqq
			
			
			Aussitôt après la mort de ‘Uthman, les Banou Marine portèrent 
			allégeance à son frère Muhammad qui suivit les traces de son 
			frère, conquit de nouvelles terres et ne cessa de faire la guerre 
			aux Mouwahhidine si bien que ces derniers lui envoyèrent une 
			armée de vingt-mille cavaliers en l’an 642 de l’Hégire (1244). Les 
			deux armées se rencontrèrent à as-Sakhrat Abi Biyyar près de Fès et 
			se livrèrent une autre sanglante bataille qui dura de l’aurore au 
			coucher du soleil et ou Abou Mahrouf trouva la mort, tué par un chef 
			chrétien. Et bien qu’il fût écrasé par son cheval qui tomba sur lui, 
			le chrétien n’en tint pas compte et lui donna le coup mortel. Nous 
			avons déjà rapporté dans le premier volume qu’un certain nombre de 
			chrétiens mercenaires combattaient dans les rangs des Mouwahhidine.
			
			Après la mort de leur chef, les Bani Marine battus se retirèrent du 
			champ de bataille sous le couvert de la nuit avec leurs bagages, 
			leurs familles et leurs biens. Au point du jour, ils arrivèrent au 
			Jabal Ghiyatah où ils se retranchèrent pendant quelque temps. Abou 
			Mahrouf fut tué le jeudi 9 du mois de Joumadah Thani de cette même 
			année. Son frère Yahya Ibn ‘Abdel Haqq lui succéda.
			
			
			
			
			Yahya 
			Ibn ‘Abdel Haqq  
			
			
			
			L’émir Abou Bakr Ibn ‘Abdel Haqq fut surnommé Abou Yahya. 
			Cavalier accompli, il fut aussi un grand guerrier, énergique, 
			résolu, qui combattait des deux mains et les meilleurs guerriers 
			craignaient de se mesurer avec lui. Il était aussi bienfaisant, 
			généreux et fidèle à sa parole, il tenait toujours ses promesses. Il 
			fut le premier des émirs des Bani Marine qui organisa son armée et 
			son camp et qui lit battre le tambour et déployer ses étendards. 
			
			Il rassembla les Sheikhs des Bani Marine, et leur divisa le 
			commandement des provinces du Maghreb, en donnant à chacun une 
			certaine étendue de terre que personne ne pouvait plus revendiquer 
			et leur ordonna aussi de préparer des troupes pour la guerre. Puis, 
			il se rendit au Jabal Zraoun, ou il établit son camp et d’où, il 
			harcela continuellement, jour et nuit, la ville de Meknès qu’il 
			finit par prendre en l’an 643 de l’Hégire (1245) après que le Sheikh 
			Abou al-Hassan lui remit pacifiquement la ville.
			
			Lorsque Sa’id, l’émir des Mouwahhidine, fut informé de la 
			prise de Meknès, il se mit aussitôt en campagne et sortit avec une 
			armée considérable puis arriva sur les rives de l’Oued Bath, où il 
			campa, menaçant l’armée d’Abou Yahya qui sortit de Meknès 
			seul secrètement une nuit pour venir s’assurer par lui-même de la 
			position des troupes des Mouwahhidine. Il entra incognito 
			dans le camp ennemi, et, ayant examiné le nombre et les forces de 
			ses ennemis, il comprit qu’il ne pourrait pas se mesurer avec eux et 
			battit prudemment en retraite en abandonnant le pays et la ville et 
			avec les Bani Marine, il partit pour le Rif, où il se fortifia dans 
			le château de Tazountah. Lorsque le souverain des Mouwahhidine 
			Sa’id arriva sous les murs de Meknès, il fut reçu par les habitants, 
			qui vinrent au-devant de lui avec leurs femmes et leurs enfants pour 
			implorer la sécurité qu’il leur accorda. Puis, il se rendit à Fès et 
			campa sous ses murs tandis que les Sheikhs de la ville sortirent 
			pour l’inviter à entrer dans la ville. L’émir les accueillit avec 
			faveur et reprit aussitôt sa route vers Ribat ou il reçut l’acte de 
			soumission de l’émir Abou Yahya, qu’il agréa, et en réponse 
			accorda la sécurité à tous les Bani Marine, à condition qu’il lui 
			envoie un corps de cinq-cents de leurs meilleurs cavaliers pour le 
			servir. Abou Yahya lui répondit alors: « O émir des Musulmans 
			! Retourne dans ta capitale et confie-moi quelques renforts, si tu 
			veux que je te débarrasse de Yaghmourassan et que je te rende maître 
			de Tlemcen (Tilimsen) et de ses dépendances, » L’émir Sa’id fut sur 
			le point de consentir à ces offres mais il consulta ses ministres, 
			qui lui dirent: «  O émir des Musulmans ! Garde-toi bien d’une 
			pareille imprudence. Souviens-toi que les Zenâta sont frères des 
			Zenâta, et que celui-ci, au lieu de faire ce qu’il te dit, pourrait 
			bien, au contraire, s’unir contre loi avec ceux qu’il te propose de 
			combattre ». 
			
			En conséquence, l’émir lui donna l’ordre de rester où il était et de 
			s’en tenir à lui envoyer le contingent demandé. Yahya, lui 
			expédia un corps de cinq-cents de ses meilleurs cavaliers tandis que 
			l’émir Sa’id s’en alla à Tlemcen et mourut sous les murs de la 
			forteresse de Timzizdaqt, où il assiégeait Yaghmourassan Ibn 
			Zayyan. 
			
			Les Bani Marine au service de Sa’id, apportèrent aussitôt la 
			nouvelle à leur maitre et Abou Yahya se mit aussitôt en 
			marche en toute hâte vers Meknès où il entra et prit le 
			gouvernement. Après y être resté quelques jours, il marcha sur Ribat 
			qu’il s’empara, ainsi que de toutes les forteresses de la 
			Moulouïyyah durant le mois de Safar de l’année 646 de l’Hégire 
			(1248) et le jeudi 26 du mois de Rabi’ Thani, il entra dans Fès la 
			capitale ou les gens sortirent à sa rencontre, deux mois après la 
			mort de Sa’id. C’est ainsi que le gouvernement du Maghreb passa dans 
			ses mains. Aussitôt qu’il fut maître de l’empire et de l’armée, les 
			troubles s’apaisèrent, la sécurité des routes et l’abondance 
			revinrent, le commerce reprit son mouvement. Les Berbères reçurent 
			l’ordre de rester sur leurs terres, de repeupler les villages et les 
			hameaux abandonnés, et de se livrer à l’agriculture. 
			
			
			Abou Yahya resta à Fès durant une année entière à recevoir 
			les députations qui vinrent lui porter allégeance et au mois de 
			Rabi’ Awwal de l’année 647 (1249), l’émir Yahya quitta la 
			ville pour se rendre à al-‘Aouam, dans le Fizaz, et laissa le 
			commandement de la ville à son Mawlah (affranchi) as-Sa’oud 
			Ibn Kharbash al-Hashimi. Dès qu’il se fut éloigné, les Sheikhs de la 
			ville se réunirent chez le Qadi Abou AbderRahmane al-Moughali 
			et décidèrent de renverser l’émir Abou Yahya, de tuer 
			as-Sa’oud, son lieutenant, et d’envoyer leur soumission au souverain 
			des Mouwahhidine al-Mourtadi. Etant tous tombés d’accord, ils 
			envoyèrent chercher Shadid, le général des chrétiens, pour lui faire 
			part du complot. Le Qaïd Shadid commandait à Fès, pour les 
			Mouwahhidine, une garnison de deux-cents cavaliers chrétiens 
			et lorsque les Bani Marine s’emparèrent de cette capitale, ils 
			restèrent fidèles aux Mouwahhidine.
			
			En conséquence, dans la matinée du 22 du mois de Shawwal, les 
			Sheikhs se rendirent chez as-Sa’oud qu’ils saluèrent avant de 
			s’assoir près de lui. Puis, as-Sa’oud leur adressa des reproches et 
			ils ripostèrent avec colère avant d’appeler le Qaïd chrétien, 
			qui s’était posté avec ses soldats non loin du pavillon où as-Sa’oud 
			leur donnait audience, et as-Sa’oud et quatre de ses gardes furent 
			tués et leurs têtes placées au bout de piques furent promenées dans 
			les rues et sur les marchés de la ville. Les Sheikhs envahirent le 
			palais qu’ils pillèrent puis fermèrent les portes de la ville et 
			envoyèrent leur allégeance à al-Mourtadi. 
			
			
			Informé, Abou Yahya revint en toute hâte mais il trouva les 
			portes closes et durant sept mois, il assiégea la ville sans succès 
			quand il apprit que Yaghmourassan Ibn Zayyan était sorti de Tlemcen 
			pour s’emparer de Ribat. Laissant une partie de son armée sous les 
			murs de Fès pour continuer le siège, il marcha contre Yaghmourassan 
			qu’il rencontra près de l’Oued Isly, aux environs d’Oujda et après 
			une lourde bataille au cours de laquelle un grand nombre de chefs de 
			Bani al-Ouad périt, Yaghmourassan vaincu s’enfuit en abandonnant ses 
			trésors et son camp dont l’émir s’empara avant de revenir sur Fès, 
			dans le courant du mois de Joumadah Thani de l’année 648 de l’Hégire 
			(1250). Alors il renforca le siège et la violence des attaques, et 
			les habitants désespérés envoyèrent un message à Abou Yahya 
			pour implorer son pardon et la sécurité que l’émir accepta à 
			condition qu’ils rendent jusqu’à la dernière pièce d’argent les 
			100,000 dinars en or qui avaient été pillés. Ceci convenu, ils 
			ouvrirent les portes à l’émir, qui entra solennellement et 
			triomphalement le 23 Joumadah Thani de cette même année.
			
			 
			
			Après un certain temps, dans les premiers jours de Rajab, voyant 
			qu’on ne s’empressait pas de lui remettre l’argent, et qu’en maintes 
			circonstances on avait manqué au respect qui lui était dû, il fit 
			arrêter les Sheikhs, les chefs et les nobles, et les mit aux fers en 
			leur demandant la restitution de l’argent et de tout ce qui avait 
			été pillés dans le palais. Un de ces Sheikhs du nom d’Ibn al-Khibah, 
			lui dit : 
			
			- « Ceux qui ont fait tout le mal étaient seulement six, pourquoi 
			devons-nous être tous punis ? En faisant ce que je vais te dire, tu 
			ne seras que juste ».  
			
			- « Que vas-tu donc me dire » lui demanda l’émir ?
			
			- « Fais d’abord trancher la tête aux six qui ont causé les 
			troubles, et alors ce sera à nous qu’il appartiendra de te rendre 
			l’argent que l’on t’a pris ». 
			
			- « En vérité », reprit l’émir, « tes paroles sont justes » et il 
			condamna aussitôt à mort les six principaux Sheikhs : le Qadi Abou 
			AbderRahmane al-Moughali, son fils, al-Mousharraf Ibn Dashir 
			et son frère, Ibn Abi Thala et son fils. Puis, il confisqua leurs 
			biens et leurs trésors, et ils furent exécutés à Bab ash-Shariyah, 
			le dimanche 28 Rajab. 
			
			Alors il se fit rembourser par tous les autres Sheikhs, que ce coup 
			abattit au point que nul d’entre eux n’osa plus relever la tête.
			
			
			En l’an 649 de l’Hégire (1251), l’émir Abou Yahya s’empara de 
			la ville de Salé dont il confia le gouvernement à son neveu Ya’qoub 
			Ibn ‘Abdel Haqq. En 653 de l’Hégire (1255), il défit 
			al-Mourtadi al-Mouwahhidi à Jabal Bahloul, aux environs de 
			Fès et s’empara de tout ce qui se trouvait dans son camp et suite à 
			cela, les Banou Marine s’enrichirent considérablement.
			
			
			En l’an 655 de l’Hégire (1267), l’émir Abou Yahya conquit 
			Sijilmasa et le Dar’a tandis que Yaghmourassan sortit avec son armée 
			des Bani ‘Abdel Ouad pour agrandir son territoire. Abou Yahya 
			qui se trouvait à Fès apprit cette nouvelle, rassembla aussitôt ses 
			soldats des Bani Marine, et marcha sur Sijilmasa où il trouva 
			Yaghmourassan déjà campé sous les murs du Bab Tahsinah. A 
			l’issue de la grande bataille qui s’ensuivit, Yaghmourassan battu 
			s’enfuit pour Tlemcen, en renonçant à ses projets de prendre 
			Sijilmasa et le Dar’a. Abou Yahya s’empara alors de tout ce 
			pays et y demeura le temps nécessaire pour organiser son 
			gouvernement qu’il confia à Abou Yahya al-Qatrani avant de 
			revenir à Fès. 
			
			C’est ainsi qu’il agrandit son empire et le nombre de ses troupes, 
			qu’il assura la tranquillité du pays et dispersa les pervers, qu’il 
			vit s’accroître la population et disparaître les fauteurs de 
			troubles.
			
			
			Au mois de Rajab 656 (1268), Abou Yahya tomba malade à Fès et 
			mourut quelques jours après. Son règne dura dix ans et un mois. 
			Après sa mort, le gouverneur de Sijilmasa al-Qatrani se révolta et 
			déclara son indépendance et après un règne de deux ans il fut tué en 
			l’an 658 de l’Hégire (1270) et succédé par ‘Ali Ibn ‘Omar, un des 
			lieutenants d’al-Mourtadi, qui régna à son tour trois années jusqu’à 
			sa mort en l’an 662 de l’Hégire (1263). La ville fut alors prise par 
			la tribu arabe d’al-Milabat au nom de Yaghmourassan Ibn Zayyan à qui 
			ils portèrent allégeance et qui leur envoya un gouverneur des Bani 
			‘Abdel Ouad. Sijilmasa resta entre les mains de Yaghmourassan 
			jusqu’au moment où l’émir des Musulmans, Abou Youssouf Ya’qoub Ibn 
			‘Abdel Haqq, rentra dans la ville, le dernier jour du mois de 
			Safar de l’année 673 de l’Hégire (1274). 
			
			
			
			
			Abou Youssouf 
			Ya’qoub Ibn ‘Abd al-Haqq 
			az-Zinati
			
			
			
			Ya’qoub naquit en l’an 607 de l’Hégire (1210) et selon d’autres 
			historiens, en l’an 609 et il fut surnommé Abou Youssouf, et aussi 
			al-Mansour Billali. Il était blanc, beau, fort, les épaules larges, 
			une longue barbe, affable, bienveillant, généreux, puissant, clément 
			et pieux. Il ne frappa jamais ses serviteurs, défit tous ses 
			ennemis, battit toutes les armées et n’attaqua jamais une place sans 
			s’en emparer. 
			
			Il aimait soulager les pauvres et les nécessiteux, fit construire 
			des hôpitaux pour les malades et les fous, pourvut à tous les frais 
			nécessaires à leur entretien et donna ordre aux médecins de les 
			visiter deux fois par jour, une le matin, une le soir, au frais de
			Bayt al-Mal, le Trésor Public. Il en fit autant pour les 
			lépreux, les aveugles et les Faqhi, auxquels il alloua des fonds 
			tirés de la Jizyah des Juifs, qu’Allah les maudisse[1]. 
			Il bâtit des écoles et y établit des étudiants pour y lire le 
			Qur’an et d’autres pour étudier les sciences, à qui il octroya 
			un salaire mensuel. Tout cela pour mériter les récompenses du 
			Très-Haut, qui Lui inspirait toutes ces bonnes œuvres.
			
			Ya’qoub fut proclamé émir huit jours après la mort de son frère Abou 
			Yahya, le 27 Rajab de l’année 656 de l’Hégire, alors qu’il 
			était âgé de quarante-six ans. Sous son règne, il soumit tout le 
			pays, depuis Souss al-Aqsa jusqu’à Oujda et mit fin au règne des 
			Mouwahhidine dont il effaça les dernières traces. Il conquit 
			également Sijilmasa, le Dar’a, Tanger, fut acclamé par les habitants 
			de Ceuta qui lui payèrent un tribut annuel et il traversa en 
			Andalousie pour combattre dans la voie d’Allah les mécréants (al-kaffara) 
			et y gouverna plus de cinquante forteresses entre villes et 
			châteaux, parmi lesquelles Malaga, Ronda, Algésiras, Tarifa, 
			al-Mounqab, Merbala et Ouchounah, ainsi que tous les forts, les 
			villages et les tours de leur environ.
			
			La Khoutbah fut lu en son nom sur toutes les chaires du 
			Maghreb, et il fut le premier des rois des Bani Marine qui combattit 
			pour la suprématie du Verbe d’Allah Exalté, ou l’Islam, qui renversa 
			les croix et subjugua les pays chrétiens, dont il abattit les rois 
			et pilla les palais. Allah Exalté, à Lui les Louanges et la Gloire, 
			se servit de lui pour relever la religion et faire briller le 
			flambeau de l’Islam. Avant lui, les Chrétiens prirent la plupart de 
			l’Andalousie, où les Musulmans n’avaient remporté aucune victoire 
			depuis le désastre d’al-‘Iqab, en l’an 609 de l’Hégire (1212). Les 
			étendards musulmans ne se relevèrent que lorsque ses drapeaux 
			victorieux et son armée passèrent en Andalousie, en l’an 674 de 
			l’Hégire (1278). C’est ainsi qu’il gouverna doublement, fit des 
			expéditions célèbres, des actions mémorables. Pieux, religieux et 
			juste, il combla les Musulmans de bienfaits, renversa les ennemis 
			d’Allah et telle fut la voie qu’il suivit jusqu’à sa mort.
			
			Ya’qoub Ibn ‘Abdel Haqq passait un tiers de la nuit à lire le
			Qur’an, priait et récitait ses invocations jusqu’au lever du 
			soleil. Ensuite il étudiait les livres de morale et d’histoire, 
			entre autre « foutouh ash-sham » ou la conquête de Syrie, et 
			écrivait lui-même de très belles pages qui l’occupait jusqu’à dix 
			heures ou il faisait alors sa prière avant de se remettre au 
			travail. Il écrivait de sa propre main ses lettres et ses ordres 
			puis donnait audience et présidait le conseil des Sheikhs des Bani 
			Marine, qui l’entouraient comme les perles étoilées entourent la 
			lune. A midi, il se rendait à la mosquée et y restait jusqu’à trois 
			heures avant de rendre dans la salle de justice, où il jugeait le 
			bien et le mal jusqu’à l’heure de la prière du soir, après laquelle 
			il congédiait ses ministres et ses serviteurs. Puis, il se retirait 
			dans ses appartements où il s’endormait pour rêver de combattre les 
			croisés.
			
			Lorsqu’il consolida son gouvernement, Ya’qoub Ibn ‘Abdel Haqq 
			sortit de Fès et se rendit à Ribat ou il se renseigna sur 
			Yaghmourassan Ibn Zayyan. Il y entra le 1 du mois de Sha’ban de 
			l’année 658 de l’Hégire (1259), et y demeura jusqu’au 1 du mois de 
			Shawwal quand il apprit que les croisés s’étaient emparés de Salé 
			par surprise l’avant-veille, et qu’ils y massacraient les habitants, 
			enlevaient les femmes et pillaient les biens. Il partit aussitôt en 
			toute hâte et arriva d’une traite sous les murs de Salé, après être 
			sorti de Ribat à l’heure même du ‘Asr avec une cinquantaine de 
			cavaliers, et le lendemain, à la même heure, il fit sa prière sous 
			les murs de Salé, où il était ainsi arrivé en vingt-quatre heures. 
			Puis, il tomba sur les croisés qui rôdaient dans les environs, et, 
			en rien de temps, il se vit entouré d’une armée musulmane, formée 
			des contingents de toutes les tribus du Maghreb. Il assiégea alors 
			les mécréants et ne cessa de les attaquer jour et nuit, jusqu’à ce 
			qu’il s’empara de la ville, où ces derniers furent chassés, après y 
			être restés pendant quatorze jours. C’est alors que l’émir ordonna 
			de bâtir les murailles et les fortifications qui donnent sur la 
			rivière et qui n’existaient pas à cette époque, par où justement les 
			Chrétiens entrèrent par ce côté ouvert. Les premiers travaux furent 
			ceux du Dar as-Sina’ (arsenal), donnant sur la mer. Ya’qoub 
			assista lui-même aux travaux qu’il dirigeait et auxquels il prit 
			part de ses propres mains en s’humiliant pour mériter les sublimes 
			récompenses d’Allah Exalté ainsi et en dotant les croyants 
			d’ouvrages protecteurs.
			
			Cette même année, Ya’qoub s’empara de la province de Tamsina et de 
			la ville d’Anfa’ ou l’actuelle Dar al-Baydah. C’est là qu’il reçut 
			les présents d’al-Mourtadi, l’émir du Maroc, lui demandant la paix 
			qu’il lui accorda, en convenant que la frontière de leurs états 
			respectifs serait marquée par l’Oued Oumm ar-Rabyah. 
			
			
			
			
			Abou Youssouf 
			Ya’qoub et les Mouwahhidine
			
			
			
			En l’an 659 de l’Hégire (1260), les rapports entre Abou Youssouf 
			al-Marini et al-Mourtadi al-Mouwahhidi se dégradèrent et ce 
			dernier envoya une immense armée qui fut interceptée par l’armée des 
			Banou Marine près d’Oumm ar-Rijlayn ou l’armée des Mouwahhidine 
			fut écrasée.
			
			
			En l’an 660 de l’Hégire (1261), Abou Youssouf vint camper sur le 
			mont Jaliz, d’où il menaça la ville en déployant ses troupes en 
			grand apparat sous ses étendards flottants. Al-Mourtadi se retrancha 
			dans la ville, dont il ferma lui-même les portes avant d’envoyer son 
			commandant Abou al-‘Oulah Idriss, surnommé Abou Dabbous, pour livrer 
			bataille. Le combat fut sanglant et ‘AbdAllah, le fils d’Abou 
			Youssouf fut tué au cours de la bataille ce qui incita son père à se 
			retirer à Fès, où il entra à la fin du mois de Rajab de l’année 661 
			de l’Hégire.
			
			
			Dans la soirée du 12 du mois de Sha’ban, une comète apparut dans le 
			ciel et fut visible chaque nuit jusqu’à l’aurore, pendant environ 
			deux mois.
			
			Toujours cette même année, le célèbre cavalier ‘Amar Ibn Driss à la 
			tête d’un corps d’armée de plus de trois-mille cavaliers des Banou 
			Marine et de volontaires traversa la mer pour aller combattre dans 
			la voie d’Allah en Andalousie. Abou Youssouf Ibn ‘Abdel Haqq 
			lui confia sa bannière victorieuse, équipa ses troupes d’armes, de 
			chevaux et d’argent et leur donna sa bénédiction. Ce fut la première 
			armée des Bani Marine qui passa en Andalousie. 
			
			
			En l’an 662 de l’Hégire (1263), mourut Abou al-‘Oulah Idriss Ibn Abi 
			Qouraysh le gouverneur des Mouwahhidine au Maghreb.
			
			
			En l’an 663 de l’Hégire, al-‘Azfi le gouverneur de Ceuta, envoya ses 
			navires pour détruire les murs et les forts de ‘Assilah, de crainte 
			que ses ennemis ne s’emparent de cette ville et s’y fortifient. 
			
			En cette même année, Abou Youssouf se rendit dans les territoires 
			des Mouwahhidine pour les saccager; mais, à son arrivée, il 
			fut acclamé par tous les Musulmans qui habitaient les champs et le 
			voisinage de cette capitale si bien qu’il revint à Fès. 
			
			
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