La fin de la dynastie des Mourabitine 

Avant d’introduire la nouvelle dynastie qui succéda aux Mourabitine, résumons brièvement la fin du royaume des Mourabitine puisque nous reviendrons en détail sur le sujet lorsque nous aborderons les Mouwahhidine.

 

En l’an 537 de l’Hégire (1142), décéda ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine, puisse Allah le Très Haut leur faire miséricorde.  

 

En l’an 539 de l’hégire (1144), la situation en Andalousie s’aggrava mais plus encore au Maghreb ou un nouveau groupe appelé les Mouwahhidine, les Unicitaires, apparut et déstabilisa l’ordre au Maghreb.

Cette même année mourut Tashfine Ibn ‘Ali puisse Allah le Très Haut lui faire miséricorde et lui succéda son fils Ibrahim, un faible jeune âgé de vingt ans.

Ibrahim n’avait aucune expérience en politique ou en guerre et les Musulmans ne devraient pas donner le pouvoir à ceux qui sont incapable de diriger le pays quand il y a meilleur qu’eux. Il est vrai que Tashfine Ibn ‘Ali consulta les gens du pouvoir mais l’ordre ultime revenait à lui et Ibrahim prit le pouvoir alors que la situation en Andalousie était instable tandis que celle du Maghreb méritait d’être traité rapidement et d’une main de fer.

 

Le nouveau groupe des Mouwahhidine apparut près de la ville de Fès, un des plus importantes villes du Maghreb et menaça Marrakech la capitale.

 

En l’an 540 de l’Hégire (1145), eut lieu une bataille mortelle entre les croisés et les Musulmans, entre Tolède et Dénia dirigée par les Mourabitine mais certainement pas ceux du temps de Youssouf Ibn Tashfine.

La logistique et les renforts qu’ils reçurent du Maghreb étaient insuffisants du fait que le Maghreb était lui aussi proie à la dissension. Et eut lieu la terrible bataille de Loudj wal Boussayt ou les Musulmans furent écrasés. Et ce fut le premier signe de la faiblesse du règne d’Ibrahim mais aussi le signe annonciateur de la future perte de l’Andalousie et de la chute des Mourabitine.

Cette même année les Mouwahhidine attaquèrent et capturent Fès.

 

En l’an 541 de l’Hégire (1146), les Mouwahhidine capturèrent et détruisirent Marrakech avant de tuer Ibrahim Ibn Tashfine Ibn ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine et de mettre fin au royaume et au règne des Mourabitine pour le remplacer par le leur.

 

Avant de parler un peu plus des Mouwahhidine résumons le bilan des Mourabitine.

 

A propos des Mourabitine 

Le royaume des Mourabitine fut créé, bâti et dirigé par des ‘Oulémas. Les Mourabitine fut une des meilleures dynasties qui régna plus de cinquante années sans que jamais ne s’arrêtent le combat dans la voie d’Allah le Très Haut (jihad fis-sabilillah).

Un état commandé par le Qur’an et la Sounnah qui ressuscita et renouvela la gloire des Musulmans et dont l’effort principal fut l’unification du Maghreb et de l’Andalousie sous un seul dirigeant. Un état qui élimina l’esprit tribal, la division antéislamique et qui rendit la fierté d’appartenance à l’Islam des Musulmans.

Un état dont le mérite est d’avoir mis fin aux divisions des Musulmans et des états indépendants en Andalousie et d’avoir unifié le Maghreb.

 

Le grand Imam et savant Ibn ‘Arabi a rapporté à leur sujet : « Al-Mourabitoune ont propagé la justice et la vérité, donné la victoire à la religion et ont été les protecteurs des Musulmans et donné des leçons au non combattants ». 

 

Ibn Khatib a dit : « Leur état était une nation de bien, de lutte dans la voie d’Allah le Très Haut, de soulagement, alors que la plupart des états écartaient la Sounnah, qu’Allah le Très Haut fasse miséricorde aux Mourabitine ».

Et à propos de leur combat dans la voie d’Allah le Très Haut, les historiens ont rapporté : « Si les Mourabitine n’étaient pas intervenu en Andalousie, le pays aurait été perdu bien avant, et Allah Exalté soit-Il sait mieux ».

Et ils ont dit aussi : « Le Jihad des Mourabitine en Andalousie, a repoussé de quatre siècle la chute du pays et n’était-ce eux, les régions seraient tombées une par une entre les mains des croisés ».

 

Un état basé sur le Qur’an et la Sounnah et un état fondé sur le combat (jihad) dans la voie d’Allah le Très Haut. Un état dans lequel la science s’est propagée, ou sont apparus des ‘Oulémas, et ou différentes écoles spécialisées se sont multipliées.

En Andalousie et sous leur règne, les savants suivants acquirent la renommée :

- Le savant Ibn Roushd le grand père du renommé philosophe,

- Les ‘Oulémas Ibn Bassam ash-Shountayri, al-Hijari, Ibn Bashkawal, Ibn ‘Abdoun, Ibn Abi al-Khassal, Ibn Baja savant mathématicien et astronome et aussi al-Khazraji auteur du livre « al-fadloul ‘azim ‘ala tib al-hadith ».

 

Le mérite des Mourabitine est d’avoir déplacé à Cordoue la capitale des Musulmans qui autrefois était Tolède puis de Cordoue à Grenade. Grenade devint la capitale de la science sous le règne des Mourabitine. Ce fut des jours glorieux et fantastiques pour les Musulmans. Des jours de justice absolue pratiquée pour tous et envers tous. Les historiens ont aussi rapporté que les brigands et les coupeurs de routes disparurent sous le règne des Mourabitine.

 

Nous parlons d’un état dont l’histoire de la création n’a vu nul semblable et ce jusqu’à nous jours et il y a en celui-ci un exemple idéal[1] et relativement facile à mettre en action.

Un état qui commença par l’enrôlement de jeunes gens dans des camps d’entraînements tant studieux que militaire à l’écart de toutes les tentations de la vie mondaine. Là, ils mémorisèrent le Qur’an, la Sounnah et les techniques de guerre.

Le nombre de jeunes augmenta très rapidement et une première élite de mille savants-combattants sortit de ces camps d’entraînements. Il leur fut appris la Loi (ash shar’) et la Religion (din) et, par ces savants l’état (dawlah) des Mourabitine atteignit son summum territorial, sa réputation de farouches combattants, d’hommes justes et véridiques et sa gloire historique dont vous devez certainement ressentir les effets au fond de votre cœur en lisant ces lignes les concernant.

 

On pourrait se poser la question et se demander comment un tel état a-t-il put s’effondrer alors qu’il était basé sur le Qur’an, la Sounnah, le Jihad et la justice et cela nous fait rappeler comment de la même manière Tolède est tombée aux mains des Chrétiens : du mal venant de son sein.          

Les historiens ont rapporté trois facteurs de leur chute :

La première raison, sachant que l’émir est le pilier de l’état, est la remise du pouvoir à celui qui le ne méritait pas. A un jeune incapable de gouverner qui prit les rênes du pouvoir sans en avoir ni la qualification ni l’expérience alors que l’état était en proie à de graves troubles, tant avec les croisés en Andalousie qu’avec les Mouwahhidine au Maghreb.

La seconde raison est le conflit avec les Mouwahhidine, un groupe qui se rebella contre eux soit disant au nom de l’Islam, des Musulmans, et au nom de l’Unicité (at-tawhid) dont on ne verra jamais aucune application. Ce conflit désagrégea les forces des Mourabitine.

Quant à la troisième et la plus importante raison est le manque des savants et bien qu’ils soient parmi les grands, de n’avoir pas eu recourt à l’évolution du droit et des besoins des gens en général et en temps réel, de n’avoir pris en considérations les événements de la période dans laquelle ils vivaient et de ne pas avoir évolués juridiquement pour faire face au présent.

A la place de s’occuper des affaires internationales, les savants s’occupèrent des simples faits juridiques de la vie (comme celui qui demande si le vinaigre est licite) et les gens ignorèrent les dangers pesant sur la nation du simple fait que les savants restèrent silencieux sur le sujet.

La science devint le fait d’un corps particulier de la société tandis que la population restait dans l’ignorance et une fracture s’ensuivit entre eux. Exactement ce qui se passe aujourd’hui dans le monde ou il y a des milliers de savants qui sont payés dans les coulisses des castes dirigeantes pour dire ce qu’on leur dit. Les autres restes inconnus et n’ont aucune relation avec les gens du commun quant à l’exception des biens guidés parmi eux, ils sont traités de Hijrah wa Takfir par ces mêmes savants qui appellent aux portes de l’enfer.

Mais le pire est que les savants connaissent leurs obligations et qu’ils ne font ni ne disent absolument rien, hormis quelques rares exceptions qui finissent par être soit emprisonnés ou tués par des gens qui n’ont rien de religieux, mais qui sont devenus le critère de pensée obligatoire pour l’humanité quand bien même ces pensées ne sont pas compatibles avec certains peuples ou cultures.

Quant aux autres, ils sont maintenus dans un tel état d’effroi qu’ils ont peur de leurs ombres quand on sait de quoi dont sont capables ces lourdes machines effroyables de pouvoir qui les menaces.

 

L’exemple idéal, serait de suivre ce que fit Ibn Roushd lorsqu’il demanda à ‘Ali Ibn Tashfine de retirer le pouvoir à son frère incapable et de mettre à sa place quelqu’un de plus compétant et de ne craindre qu’Allah le Tout Puissant.

 

L'état des Mourabitine fut sans conteste un état béni, un puissant état combattant qui engendra le respect. Mais Allah Exalté a décrété une fin pour toute chose excepté La Sienne.

 

L’état des Mourabitine fut remplacé par l’état des Mouwahhidine et sous le nom mensonger du Tawhid (Unicité) et de la religion, ils firent tomber un état qu’eux même ne parviendront jamais à égaler sur tous les points de vue.

 

Muhammad Ibn ‘Abdillah alias Muhammad Ibn Toumart al-Mahdi 

En l’an 473 de l’Hégire (1080), naquit dans une famille relieuse et dans le pays de Souss au Maghreb un enfant du nom de Muhammad Ibn ‘Abdillah. Le père ce nouveau-né était pauvre et de la tribu de Haragah al-Masmoudiyah de la tribu des Berbères Baranaize. Cet homme fut connut dans l’Histoire sous le nom d’al-Mahdi Ibn Toumart ou al-Mahdi. Quant au mot Toumart qui fut ajouté à son nom vient de sa grand-mère qui dit à sa naissance « que je suis contente de toi ô mon enfant » (ya farhati bika ya waladi) et qui se traduit en berbère par « toumart ». Et c’est du moins ce qu’ont rapporté certains historiens.

Tous les historiens qui se sont intéressés aux Mouwahhidine ont essayé de trouver des racines à cet homme qui se fit appeler Muhammad Ibn ‘Abdillah puis par la suite Muhammad Ibn Toumart al-Mahdi, qui remonteraient au Prophète Muhammad (Saluts et bénédictions d’Allah sur lui).

Comme vous l’attesterez en lisant cette histoire ou nos autres traductions, ce fait est commun à tous ceux qui vinrent avec des innovations ou des idées étranges et qui pour se donner une légitimité se donnèrent une affiliation au Mustapha (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui), et le dernier d’entre eux que nous avons rapporté est le maudit ‘Oudaydi juif ismaélien !

Il a donc été rapporté que Muhammad Ibn ‘Abdillah descendait des enfants de Hassan Ibn ‘Ali (qu’Allah soit satisfait d’eux) et Allah est Savant sur toute chose.

 

En l’an 500 de l’Hégire (1106), Muhammad Ibn ‘Abdillah partit pour un long voyage pour rechercher la science (talab al-‘ilm). Il se rendit d’abord à Cordoue en Andalousie ou il étudia un temps court avant de se diriger vers la ville de Murcie d’où il prit le bateau pour le moyen orient.

Il débarqua d’abord en Egypte à Alexandrie ou il étudia chez Abi Bakr at-Tartoushi avant de partir pour le pèlerinage (hajj) puis en Irak ou il étudia le Fiqh (jurisprudence) et l’Oussoul (fondement de la jurisprudence) chez Abi Bakr ash-Shashi. Il étudia aussi les Ahadith chez Moubarak Ibn ‘Abdel Jabbar et il a aussi été rapporté par certains qu’il rencontra l’Imam al-Ghazali à Bagdad et d’autres savants en Syrie.

 

Le grand savant ‘Allama Ibn Khaldoun décédé en l’an 808 de l’Hégire (1405) a rapporté : « qu’Ibn Toumart étudia chez les savants et se concentra sur l’étude du dogme Ash’ari dont il améliora les concepts et leur interprétation des Moutashabi'at, qui porte à confusion, du Qur’an et de la Sounnah ». Fin de citation.

L’historien Ibn Khaldoun nous dévoile quel dogme professait exactement Muhammad Ibn Toumart et avant de parler de son retour au Maghreb, nous allons voir qui donc étaient ces savants chez qui il étudia car c’est en étudiant la personnalité de ces gens que nous pourrons avons une meilleure idée de qui était le Mahdi Ibn Toumart et qu’elles étaient ses convictions.

 

Lorsqu’il arriva à Alexandrie, il rencontra Abi Bakr at-Tartoushi et l’Imam ad-Dahhabi décédé en l’an 648 de l’Hégire (1250), puisse Allah Exalté lui faire miséricorde, a dit de lui dans son excellent livre « a’lam an-noubalah » : « al-Imam, le savant, l’exemple, l’ascète, le Sheikh Malikite Abou Bakr Muhammad Ibn al-Walid al-Fihri al-Qourayshi al-Andalousi at-Tartoushi (de la ville de Tortose) apprit chez un grand nombre de savants dont Abi Bakr ash-Shashi, dont nous allons bientôt parler, approuva le bien et désapprouva le mal et auteur d’un livre appelé « siraj al-moulouk » ainsi qu’un fascicule (mouhallaf) sur l’interdiction des chants (tahrim al-ghinah) ». L’Imam ad-Dahhabi poursuit sur l’Imam en racontant cette histoire : « Un andalou posa la question (certainement à travers une lettre) à l’Imam at-Tartoushi, sur la valeur de l’auteur d’al-Ihyah, faisant référence à l’Imam al-Ghazali, auteur du livre « al-ihyah ‘ouloum ad-din ». L’Imam at-Tartoushi écrivit à ‘AbdAllah Ibn Moughaffar (le questionneur) et lui dit : « As-salamou ‘aleyk. Paix sur toi. J’ai vu Abou Hamidin et lui ai parlé. J’ai trouvé un homme large d’esprit, intelligent et très cultivé et ainsi il était de notre temps. Il entra ensuite en conflit avec les savants et devint soufi, quitta la science (hajarah al-‘ouloum) et ses gens puis entra dans les sciences de la pensée, des cœurs et des suggestions du diable (wassa'ous shitan). Puis il pressa et harcela les savants avec son dogme philosophique et fut sur le point de sortir de la religion ». Ceci est le point de vue d’un savant malikite sur l’Imam al-Ghazali à son époque.

L’Imam at-Tartoushi décéda à Alexandrie en l’an 520 de l’Hégire (1125).

 

Revenons sur l’avis d’at-Tartoushi concernant l’Imam al-Ghazali auteur du livre « al-ihyah ‘ouloum ad-din » et rappelons un évènement important qui eut lieu en l’an 503 de l’Hégire (1109) lorsque toutes les éditions des livres d’« al-ihyah ‘ouloum ad-din » furent collecté dans la cour de la grande mosquée de Cordoue et brûlés et que l’émir d’Andalousie et du Maghreb ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine ordonna que tous les livres du Maghreb soit aussi détruits sur les conseils du Qadi (juge) de Cordoue de l’époque qui était Muhammad Ibn Hamdin et des grand savants de l’état des Mourabitine. Puis il fut aussi ordonné de punir quiconque lirait ce livre.

Lorsque les savants des Mourabitine lurent le livre « al-ihyah ‘ouloum ad-din » ils furent très fâchés par son contenu, et désapprouvèrent un grand nombre de sujet traités du fait qu’ils étaient contraires à l’enseignement de l’Islam. Quant aux accusations d’at-Tartoushi elles sont totalement justifiées puisque Ghazali dans son livre attaquait les savants, les traitaient d’ignorants et d’aliénés.

C’est pourquoi les Mourabitine jetaient la mécréance sur les philosophes et sur ceux qui enseignaient la philosophie et interdisaient la lecture de leurs livres ainsi que ceux de Ghazali de la manière la plus stricte pour préserver la religion comme l’avait fait al-Hajib al-Mansour lorsque les savants s’étaient plaints à lui de la propagation de ces mêmes livres.

 

Pour revenir à Muhammad Ibn Toumart, nous avons mentionné qu’il étudia aussi chez Abi Bakr ash-Shashi. L’Imam ad-Dahhabi a dit de lui dans son excellent livre référence « a’lam an-noubalah » : « al-Imam, le savant, Sheikh Shafi’i, érudit de l’époque, fierté de l’Islam Abou Bakr Muhammad Ibn Ahmad Ibn Houssayn ash-Shashi at-Tourki. Auteur du livre « hilyat al-‘oulama fi ma’rifat madahib al-fouqaha » et décédé en l’an 507 de l’Hégire (1113) ». Fin de citation.

 

Puis, il étudia aussi les Ahadith chez Moubarak Ibn ‘Abdel Jabbar décédé en l’an 500 de l’Hégire (1106) dont l’Imam ad-Dahhabi a dit de lui : « Sheikh al-Imam al-Mouhadith, l’érudit, l’utile (al-moufid) ». Fin de citation.

 

De même, il a été rapporté que Muhammad Ibn Toumart rencontra Abi Hamid al Ghazali soit à Bagdad ou en Syrie. L’Imam al-Hafiz Ibn Kathir, puisse Allah Exalté lui faire miséricorde, décédé comme vous le savez en 774 de l’Hégire (1372), a dit dans son livre « al-Bidayah wal Nihayah » à propose de Ghazali : « qu’il naquit en l’an 450 de l’Hégire (1058), et étudia chez l’Imam al-Haramayn al-Jouwayli et qu’il a un nombre important de livres dans plusieurs domaine et il était intelligent au point de connaitre tous les sujets dont ils parlaient. Il étudia dans l’école Nidamiyah de Bagdad et y devient professeur lorsqu’il vieillit et un certain nombre de grand savants assistèrent à ses leçons. Avant d’abandonner les attraits de cette vie pour se consacrer à l’adoration et  aux travaux salutaires. Puis, s’abandonna à l’âme et partit pour la Syrie ou il s’établit à Damas et à Jérusalem où il écrivit durant cette période son livre « al-ihyah ‘ouloum ad-din » qui est un livre étonnant (‘ajib) plein de soufisme et de chose des cœurs et qui contient un très grand nombre d’Ahadith étranges (agharib), détestables (mounakarat) et questionnables (mawdou’at). Et Ghazali disait : « Je ne suis pas qualifié (mouzdjil) dans la science des Ahadith. Il a été rapporté qu’à la fin de ses jours, il combla ses lacunes dans ce domaine et écoutant et apprenant les authentiques (Ahadith) et qu’il mourut en l’an 505 de l’Hégire (1111) ». Fin de citation

 

Muhammad Ibn Toumart rencontra donc des savants de la Oummah et étudia chez eux et ceux qui le rencontrèrent au Maghreb bénéficièrent de sa science et comme rapporta Ibn Khaldoun : « jusqu’à ce qu’il devienne une mer jaillissante de science ».

Je voudrais préciser qu’Ibn Khaldoun fit particulièrement l’éloge (thana') d’Ibn Toumart pour plusieurs raisons et la plus importante d’entre elle est qu’il travailla à Tunis à la cour (bilat) des Sultans (salatine) Hafsiyine qui étaient, comme nous allons le voir, les hommes de l’état des Mouwahhidine.

 

Le retour d’Ibn Toumart au Maghreb 

Lorsqu’Ibn Toumart eut passé un certain temps au Levant islamique (mashriq islami), il décida de rentrer au Maghreb et ce à la fin de l’année 516 de l’Hégire (1122) quand il fut expulsé d’Alexandrie ou il se trouvait à la fin de son périple et où il combattit avec force les maux (mounakarat) que les dirigeants ignoraient volontairement. Et lorsqu’il fut embarqué de force dans le navire qui allait le ramener au Maghreb islamique, il désavoua aussi durement les passagers qui buvaient du vin et ne se préoccupaient pas du tout de la prière et de ses heures si bien que ces derniers le jetèrent par-dessus bord. Il ne se noya pas mais resta très longtemps à nager près du navire prouvant qu’il était un excellent nageur (sabbah) ce qu’ils n’étaient pas. Et après un certain temps, ils s’étonnèrent de ses capacités et furent convaincu de sa bénédiction. Ils le hissèrent alors à bord et l’honorèrent grandement. Puis Ibn Toumart descendit à al-Mahdiyah en Tunisie actuelle ou il se rendit dans une mosquée locale n’ayant de bagage que de l’eau. Les gens se rapprochèrent de lui et bientôt des élèves vinrent étudier chez lui. Puis il se mit à combattre violemment les maux de société d’al-Mahdiyah, à briser les récipients de boisson alcoolisée et les instruments de musique et lorsque l’émir Yahya Ibn Tamim Ibn al-Mou’iz Ibn Badis al-Sanhadji entendit parler de lui il ordonna de l’amener. L’émir fit convoquer les savants pour une joute oratoire avec Ibn Toumart mais ce dernier les fit taire par sa science.

L’émir Yahya Ibn Tamim Ibn al-Mou’iz Ibn Badis reconnut alors sa valeur, l’honora et lui demanda d’invoquer le Seigneur en sa faveur. Puis Muhammad Ibn ‘Abdillah Ibn Toumart partit pour la ville de Bejaïa, en Algérie actuelle, ou il approuva le bien et désapprouva le mal violemment (yatashaddad fi dalik). En effet à cette époque à Bejaïa beaucoup de choses poussaient à l’indignation et au mécontentement. Par exemple l’utilisation ouverte et la prostitution des enfants hermaphrodites (moutahannithin) qui étaient habillés, se laissaient pousser les cheveux, se maquillaient (yatakahhiloun) et s’adornaient comme les femmes. 

Ibn Toumart vit en personne ces enfants mais aussi assista à une fête ou les hommes et les femmes étaient mélangés ce qu’il désapprouva violemment en brisant et cassant si bien que la fête finit en pugilat et que le gouverneur de la ville, al-‘Aziz Ibn Mansour Ibn Hammad as-Sanhadji qui était un homme dur, fut informé de ses actions.

Il fut conseillé à Ibn Toumart de quitter rapidement la ville avant d’être durement punit par le gouverneur de la ville et effectivement il partit sur le champ pour une ville du nom de Milalah ou Malalah ou il enseigna et rencontra ‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali Koumi qui était en route avec son oncle pour le pèlerinage et qu’il réussit à convaincre de rester avec lui et de lui porter assistance dans la recommandation du bien et du désaveu du mal.

‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali Koumi accepta et devint un l’un de ses plus fidèles partisans (atba’) sinon le plus fidèle et allait lui succédé à la tête de ce mouvement.

Ensemble, ils se dirigèrent vers Wansharish ou ils furent rejoints par Abou Muhammad al-Bashir de la tribu d’Harjah qui était aussi celle d’Ibn Toumart. Puis les trois hommes partirent pour Tilimsen ou le Qadi, Ibn Sahib Salat, de la ville le fit amener et l’invita à abandonner son violent comportement avec les gens. Mais Ibn Toumart ne l’écouta point et avec ses compagnons se rendit à Fès puis à Maknassah, ou les gens de la ville s’élevèrent contre lui quand il durcit son désaveu du mal et sa recommandation du bien qui le poussa à partir pour Marrakech à la fin de l’année 514 de l’Hégire (1120).

 

Un vendredi de cette même année Muhammad Ibn ‘Abdillah Ibn Toumart entra dans une mosquée de Marrakech et s’assit près de la chaire, un endroit réservé à l’émir ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine. Les gens responsables de la mosquée lui demandèrent de changer de place mais il leur répondit : « Les mosquées sont consacrées à Allah : n’invoquez donc personne avec Allah[2] », un message clair et puissant et lorsque l’émir des Musulmans vint pour prier à la mosquée, tous les gens qui se trouvaient dans la mosquée se levèrent par respect et crainte excepté Ibn Toumart.

Après la prière Ibn Toumart se leva et alla saluer l’émir ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine et lui dit simplement : « Change le mal dans ton pays car tu es responsable de tes sujets ». L’émir ne lui répondit pas et lorsqu’il retourna dans son palais, il questionna à son sujet et ordonna à son ministre ‘Omar Ibn Yamtan de s’enquérir de cet homme et de lui rapporter plus d’informations et que s’il avait des besoins de le satisfaire.

Lorsque ‘Omar Ibn Yamtan alla trouver Muhammad Ibn ‘Abdillah Ibn Toumart, ce dernier lui dit : « Je n’ai absolument besoin de rien mais je veux juste combattre les maux », sans aucun doute, des belles et bonnes paroles jusqu’à maintenant.

Il faut reconnaitre qu’à l’époque du règne de ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine, et il n’y a aucun doute en cela, un grand nombre de maux s’étaient répandus. Les boissons enivrantes (al-khoumour) étaient vendues normalement et ouvertement dans les marchés des villes comme Marrakech. Les inutilités (lahw), les vices et les maux s’étaient répandus parmi les gens par les femmes des Mourabitine des tribus de Lamtounah et de Masfoufah, particulièrement celles des nobles, qui jouèrent une grande part dans leurs propagations.

Mais le pire c’est que l’émir des Mourabitine ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine fut inattentif à ces graves problèmes qui gangrenaient les bases du puissant état des Mourabitine.

La corruption et la dépravation sont certes non seulement des facteurs destructeurs d’états mais aussi des signes précurseurs de leurs chutes. Nulle nation n’échappe à cette généralité et l’Histoire est là pour le prouver.

Le bien et le mal ne pouvant cohabiter, l’un chasse donc l’autre et il faut reconnaitre que le mal est plus puissant que le bien puisqu’il n’a pas besoin d’effort pour se propager et si le mal chasse le bien, les valeurs religieuses sont abandonnées et ainsi sera la condition de l’humanité à la fin des temps et sur laquelle le clairon de l’apocalypse sonnera, quand le Nom d’Allah ne sera plus mentionné sur la terre comme nous l’a rapporté le Messager d’Allah (Saluts et bénédictions d’Allah sur lui).

Il ne faut qu’un temps très court au mal pour se propager tandis qu’il faudra beaucoup plus de temps au bien à l’exemple d’un jardin bien entretenu qui dès qu’il est abandonné est rapidement envahit sans effort par les mauvaises herbes et les ronces. A-t-on jamais vu un jardin abandonné redevenir verdoyant sans effort ? Ainsi le bien demande des efforts permanents et attentionnés pour s’établir et prospérer tandis que l’on dit : « chassez le mal, il revient au galop ! »  

 

La mise en garde du Qadi de Marrakech Malik Ibn Mouhayb 

Certes, le musulman est appelé à désapprouver la mal avec sa main, avec sa bouche ou avec son cœur mais chasser le mal général obéit à des lois juridiques et à des techniques particulières qui, si elles ne sont pas appliquées, peuvent conduire à des maux plus grands et il existe une large littérature sur le sujet. Et cela relève de l’état plus que des individus, en effet personne n’ira faire sa propre justice et se référera plutôt à des cours spécialisées pour traiter les problèmes mais il est clair que ces problèmes indiquaient un signe avant-coureur de l’imminence de la fin de la dynastie des Mourabitine.

Un jour l’émirah Sourah, la fille de Youssouf Ibn Tashfine et la sœur de ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine, surnommée ainsi à cause de sa beauté, sortit avec ses servantes dans toutes sa parure, et comme vous le savez si les Mourabitine étaient voilés leurs femmes ne l’étaient pas, et Ibn Toumart assista à cette parade et s’en prit violemment à la procession si bien que l’émirah tomba de sa monture.

Lorsque l’émir ‘Ali Ibn Youssouf en fut informé il demanda à lui amener ce savant, surnommé al-Faqi' as-Soussi car originaire de Souss comme nous l’avons mentionné, et il fut décidé d’un colloque entre lui et les savants des Mourabitine, des partisans du dogme Maliki de l’Imam Dar al-Hijrah, Malik Ibn Anas, puisse Allah Exalté lui faire miséricorde. Ces même savants détestaient Ibn Toumart du fait qu’il suivait le dogme Ash’ari et qu’il lorsqu’il se trouvait à Marrakech, jeta la mécréance sur les savants Maliki.

Ibn Toumart qui avait aussi une excellente locution réussit à faire taire les savants lors de ce colloque et le Qadi de Marrakech Malik Ibn Mouhayb, se rendit alors compte combien cet homme et son dogme était dangereux.   

Malik Ibn Mouhayib était un savant renommé (barizane) dans plusieurs domaine particulièrement la science juridique (‘ouloum shar’iyah) ainsi qu’en philosophie et seul un nombre réduit de gens auraient pu répondre à Ibn Toumart si bien qu’il mit en garde ‘Ali Ibn Youssouf sur cette homme et ses idées et lui dit : « Cet homme ne cherche pas à approuver le bien et désapprouver le mal, mais il veut humilier (tadlil) les gens courant (al-‘amah), répandre la division (itharat al-fitnah) pour accéder au pouvoir (woussoul illas-soultah) » puis il lui conseilla de le tuer mais les autres savants conseillèrent à l’émir de simplement l’emprisonner.

Quant au ministre ‘Omar Ibn Yamtan, il n’était pas un ministre sage (wazir hakiman) et dit à ‘Ali Ibn Youssouf : « Qui est donc cet homme pour prendre toutes ces dispositions ? » Et l’émir ordonna donc à son ministre d’emprisonner Ibn Toumart pour un certain temps, le temps de réfléchir à son sujet mais au même moment, et nous l’avons déjà mentionné, les gens de Cordoue se rebellèrent contre leur gouverneur et ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine dut embarquer pour mettre fin pacifiquement à cette dissension entre les Musulmans, au mois de Mouharram de l’année 515 de l’Hégire (1121).

Néanmoins, avant d’embarquer, il ordonna d’expulser Ibn Toumart de Marrakech, creusant ainsi de ses propres mains le tombeau des Mourabitine, et lui laissant main libre pour poursuivre son travail de sape de propagation de son mouvement dont seul le Qadi de Marrakech, Malik Ibn Mouhayib, avait jugé à sa juste valeur comme nous allons le voir.

 

Ibn Toumart annonce qu’il est le Mahdi attendu 

Muhammad Ibn ‘Abdillah Ibn Toumart se dirigea avec ses partisans vers la ville d’Aghmat ou il s’attaqua violemment aux Mourabitine sur qui il jeta la mécréance avant de renier son allégeance à ‘Ali Ibn Youssouf Ibn Tashfine et que son allégeance était caduque (batilah). Le gouverneur d’Aghmat l’expulsa à son tour de la ville et Ibn Toumart partit vers le pays de Souss avec ses partisans, la capitale de la grande tribu de Masmoudah ou il s’établit dans une place forte imprenable comme celle d’Alamout des ismaéliens, de la montagne d’Agliz dans la ville portant le même nom. L’accès à cette forteresse était extrêmement difficile et un seul chemin y parvenait que ne pouvait emprunter qu’une seule monture à la fois et qu’un nombre d’hommes relativement réduit pouvait garder sans peine.

Il choisit cette position pour répandre son dogme dans les tribus avoisinantes et les tribus Massamidah répondirent à son appel si bien et si rapidement que bientôt il sut que son mouvement était accepté et alors il dévoila ce qu’il avait pris soin de cacher, le 15 du mois de Ramadan de l’année 515 de l’Hégire (1121), qu’il était le Mahdi attendu (al-mahdi al-mountadar) et l’Imam Infaillible (al-imam ma’soum), encore un autre, le précédent ayant été le fétide ‘Oubaydi juif.

Les historiens Musulmans sont unanimes à rapporter que l’allégeance lui fut porté à l’ombre d’un grand caroubier (kharoub) par dix de ses plus loyaux partisans dont ‘Abdel Mou'min Ibn ‘Ali et ‘AbdAllah Ibn Mouhsin, le gouverneur de Sharishi, surnommé al-Bashir et ces dix compagnons furent surnommés al-Jama’ah, le Groupe.

O lecteur, qui a lu toutes ces lignes je te pose à présent la question : Quelle sera la prochaine étape de son mouvement si tu as bien compris comment ces sectes procèdent et qu’elles ont toutes en commun ? 

Alors qu’Ibn Toumart complotait contre l’état, les Mourabitine étaient occupés sur le front en Andalousie à défendre l’honneur des Musulmans contre les croisés.

Puis un nouveau groupe de cinquante convertis vint lui porter allégeance qu’il appela Ahl Khamsine, la famille des cinquante, qui occupait le second palier d’importance dans la secte. Comme vous voyez les innovations s’accélèrent. Ensuite il reçut soixante-dix autres personnes qu’il surnomma Ahl Sab’ine, la famille des soixante-dix. Ces cent-trente hommes représentaient l’élite de son mouvement et ses partisans les plus fidèles.

En plus des trois ordres précités, il divisa ensuite ses partisans en différents ordres : 4 ; les étudiants, 5 ; les apprentis, 6 ; Ibna al-‘Ashirah ses proches et ses servants, 7 ; les tribus de Harajah, 8 ; Ahl Thimanlan, 9 ; Ahl Jidmiwah, 10 ; Ahl Jimthithah, 11 : Ahl Imthathah, 12 ; Ahl Kaba'il, 13 ; al-Jound, 14 ; Aghrar Sighar.

Il créa pour chaque ordre son propre règlement et quiconque d’entre eux outrepassait ces règlements ou manquaient de les appliquer était tuer sans autre forme de discours. Quiconque ne récitait pas les bases de ces règlements était fouetté et cette crainte faisait de ces partisans des élèves appliqués. Ces règlements nous fait surtout apparaitre la nature tyrannique et maladive de cet individu qui était sans conteste un commandant.

Ibn Toumart appela alors ses partisans al-Mouwahhidine et leur écrivit un livre en langue berbère qu’il appela « al-Mourshidah », un livre de Tawhid, sur les fondements de l’Unicité qu’Ibn Khaldoun a présenté puis, il demanda à ses partisans de le mémoriser et quiconque s’abstiendrait ne serait pas un Mouwahhid mais un mécréant (kafir).    

Ensuite un rédigea plusieurs autres livres, toujours en langue berbère dont « al-qawa’id », « al-amanah » et « al-a’az ma youtlab », le livre de ses convictions intimes qu’il écrivit en arabe, langue qu’il maitrisait parfaitement et qui l’aida beaucoup dans la propagation de son dogme.



[1] L’Histoire du mouvement des Talibans en Afghanistan reste aussi un surprenant exemple du fait qu’il fut fondé par un très petit groupe de personne qui ne disposait pour arme que d’un pistolet au début de leurs conquêtes !

[2] Qur’an, Sourate 74, verset 18.