‘Ouqbah Ibn Nafi’

Les Musulmans entrèrent deux fois en Ifriqiyah dont ils conquirent la moitié-est, d’abord sous ‘AbdAllah Ibn S’ad puis sous Mou’awiyyah Ibn Houdayj. Bien que les deux expéditions fussent couronnées de succès, les Musulmans avaient abandonné leurs conquêtes et étaient revenus dans leur base en Egypte.

Dès que le pouvoir du calife Mou’awiyyah (qu’Allah soit satisfait de lui) fut fermement établi, il prit des mesures pour développer les territoires d’Islam et élargir ses limites et l’ajout de la puissance navale musulmane augmenta ses potentialités.

 

En l’an 50 de l’Hégire (669.), Mou’awiyyah (qu’Allah soit satisfait de lui) décida de conquérir l’Ifriqiyah et de l’incorporer définitivement dans l’empire musulman.

Les Romains ne revinrent pas en Ifriqiyah mais un grand nombre d’entre eux vivaient encore dans la partie ouest et centrale de l’Afrique en compagnie des habitants locaux qui étaient les Berbères dont l’existence ne menaçait pas encore les Musulmans d’Egypte. Une nouvelle expédition était donc nécessaire et l’homme choisi pour celle-ci fut ‘Ouqbah Ibn Nafi’.

‘Ouqbah Ibn  Nafi’ Ibn ‘Abd al-Qays Ibn Laqit Ibn ‘Amir Ibn Oumayyah Ibn Tarf Ibn al-Harith Ibn Fihr naquit quelques années avant la mort du Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui). ‘Ouqbah Ibn Nafi’ était le fils de l’oncle de ‘Amr Ibn al-‘As du côté de sa mère et ‘Amr Ibn al-‘As était le frère de son père du côté de sa mère et son père était ‘As Ibn Wahil al-Fihri.  

Il participa à un grand nombre de bataille dont la campagne d’Egypte et les expéditions en Ifriqiyah mais aussi la campagne de Nubie. ‘Ouqbah Ibn Nafi’ était donc un Tabi’i (compagnon des Compagnons du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui)) dont l’invocation était exaucée.

 

‘Ouqbah Ibn Nafi’ était le commandement de la garnison avancée des Musulmans à Barqah. C’était un combattant né dont les seules raisons de bataille et de victoire étaient l’élévation de la parole suprême d’Allah Exalté. Il passa sa vie à combattre dans la voie d’Allah (jihad fis-sabilillah) et couronna sa glorieuse carrière militaire par la mort au combat et le martyr.

 

Cette même année, ‘Ouqbah Ibn Nafi’ quitta Barqah avec une armée de 10.000 hommes. Son armée était composée de certains contingents de Syrie et d’Egypte envoyés par le calife mais le corps central de son armée était composé de vétérans qui avaient déjà fait campagne avec lui en Ifriqiyah. Son armée comprenait aussi un certain nombre de Berbères qui avaient été convertis à l’Islam.

Il y a une divergence chez les historiens Musulmans concernant la date exacte de cette campagne. Certains ont dit en 42, d’autres en 46, certains en 47 et  aussi en 50 de l’Hégire.

 

Après deux semaines de marche, l’armée arriva à Syrte (sourt) où ‘Ouqbah Ibn Nafi’ établit son camp car beaucoup de tribus berbères dans la région qui avait promis le paiement de la Jizyah aux Musulmans lors de la première conquête de la Libye par ‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) avaient rompu leur accord.

‘Ouqbah laissa le corps central de son armée dans le camp avant de partir accompagné d’un détachement de 800 hommes montés vers Waddan qu’il attaqua par surprise sitôt arrivé. Après un rapide combat la résistance des habitants s’effondra et l’endroit fut conquis. Le roi de Waddan renouvela le pacte conclu avec ‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) et accepta de respecter ses termes.

‘Ouqbah Ibn Nafi’ après avoir pris les arriérées dû par les habitants de Waddan marcha sur Jarmah qui se trouvait à huit jours de marche. Lorsqu’il eut pratiquement achevé la distance, il établit le camp et envoya des messagers à Jarmah pour demander la capitulation et sa demande fut acceptée par les gens et aucun sang ne fut répandu.

Pendant quelques semaines ‘Ouqbah Ibn Nafi’ parcourut la région et soumit tous les forts certains par les armes et d’autres pacifiquement dont les habitants acceptèrent l’Islam. Alors il se dirigea vers un endroit appelé Khawar qui après quinze jours apparut être une grande ville fortifiée qu’il assiégea.

Il invita les habitants à l’Islam mais quand un mois complet fut écoulé et que les défenseurs ne montrèrent aucun signe de soumission, il leva le siège et se dirigea plein sud vers la frontière du Soudan ou il trouva une ville qu’il captura après que le chef se soit soumis et accepté les termes posés par le vainqueur.

‘Ouqbah revint alors de nouveau à Khawar qu’il essaya sans succès de conquérir après un rapide assaut. Puis, il leva de nouveau le siège en s’assurant que les habitants de la ville avaient bien observé son départ. Il poursuivit sa marche durant trois jours avant de revenir sur ses pas et arriva à Khawar prenant les habitants totalement au dépourvu. Il prit alors la ville d’assaut et l’a captura aussitôt après qu’un grand nombre de guerriers défendant la ville furent tués et la ville fut prise comme prix de guerre.

Après cette victoire, ‘Ouqbah Ibn Nafi’ retourna vers le camp des Musulmans à Syrte, en passant par Zawilah, ou les habitants avaient respectés leurs engagements. Sur la voie de retour, il trouva quelques autres endroits qui résistèrent et qu’il prit par la force des armes et après une absence de cinq mois, rejoignit le corps principal de son armée à Syrte.

Quelques jours plus tard ‘Ouqbah Ibn Nafi’ mit l’armée en mouvement vers l’ouest. Il s’empara de Tripoli d’où il envoya un détachement vers Ghadamès (ghoudamis), une grande ville sur la route principale en direction du Soudan[1]. Ce détachement captura Ghoudamis sans difficulté avant de rejoindre le corps central de l’armée en marche vers Gafsa (qafsah) dont la particularité des gens était de manger les chiens qu’ils élevaient et nourrissaient de dattes.

Après la conquête de Qafsah, ‘Ouqbah Ibn Nafi’ envoya une avant-garde vers la route de Sousa sous le commandement d’un de ses lieutenants qui captura un fort près de Majjanah, à une vingtaine de kilomètres de Qafsah.

Au début de l’année 51 de l’Hégire (670), ‘Ouqbah rejoignit son avant-garde, et décida de s’arrêter durant quelque temps.

 

La construction de Kairouan

‘Ouqbah Ibn Nafi’ était venu pour rester bien qu’ayant déjà converti un grand nombre de Berbères, il se sentait isolé d’autant plus que sa mission n’était pas encore achevée et la menace du Maghreb s’étendait devant lui. Il avait besoin d’une base permanente qui lui servirait d’avant-poste en Ifriqiyah.

‘Ouqbah voulait une ville alors il rassembla ses troupes et leur dit :

- « Les habitants de cette terre n’ont aucun caractère. Quand l’épée est levée contre eux ils se soumettent et quand les Musulmans partent ils apostasient, après avoir admis la religion d’Allah. Je vois que notre tâche, ô Musulmans, est de construire une ville en Ifriqiyah qui renforcera l’Islam jusqu’à la fin des temps ».

Tous agréèrent de l’importance d’une ville garnison.

- « Permet-nous d’aller près de la mer », demandèrent les hommes à ‘Ouqbah, « nous pourrons ainsi garder la frontière aussi bien poursuivre notre combat dans la voie d’Allah Exalté ».

Mais ce n’était pas de l’avis de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ qui connaissait les dangers inhérents d’une ville au bord de la mer et sa vulnérabilité face à un débarquement massif de qui était encore une force puissante dans la Méditerranée.

- « Je crains » dit-il « que le Seigneur de Constantinople puisse prendre la ville par surprise et la capturer. Laissons entre nous et la mer plus d’espace qu’un commandant naval ne peut couvrir sans en être informé. Et si la distance est assez large entre nous et la mer si bien que les prières n’auront pas besoin d’être raccourcies, nous serons alors capable de défendre la frontière (mourabitoune) ».

Les Musulmans acquiescèrent et ‘Ouqbah Ibn Nafi’ conduisit ses hommes vers un endroit à la végétation dense pleine de créatures sauvages.

Les Musulmans lui dirent alors :

- « Nous ordonnes-tu de construire dans cette région de marais et de végétation dense ? Nous craignons les bêtes sauvages et les serpents ».

Dans l’armée de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ se trouvait 18 Compagnons du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui). Il les mena au bord du marais et cria :

« O serpents et bêtes sauvages! O habitants de la vallée; Nous sommes des Compagnons de l’Apôtre d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui). Partez loin de nous, puisse Allah Exalté vous faire miséricorde, car nous entrons. Quiconque sera trouvé ici après trois jours, sera tué ».

Il lanca l’appel trois fois et durant trois jours, du lever du soleil à son zénith, ‘Ouqbah et ses soldats se tenaient debout et observaient avec stupéfaction les habitants de la jungle évacuant leur petits, les lions, les loups, les serpents et les scorpions.

Aussitôt que le mouvement des animaux prit fin, ‘Ouqbah planta sa lance dans la terre et dit « c’est votre Qayrawan (caravane) puis les Musulmans débutèrent les travaux.

Les arbres furent coupés, la terre fut nettoyée de la végétation sauvage et la ville de Kairouan fut construite. Sa construction commença en l’an 51 de l’Hégire et se poursuivit durant quatre années avant que la ville ne soit complétée. La ville allait devenir la capitale musulmane de l’Afrique du Nord et un centre universitaire d’apprentissage et allait rester la plus importante ville d’Islam en Afrique du Nord durant 400 ans.

 

‘Ouqbah gouverna l’Ifriqiyah avec son quartier général à Kairouan qui était non seulement la capitale politique de l’état musulman, mais aussi, un poste frontière, car les Musulmans n’avancèrent pas vraiment beaucoup plus loin que cela.

‘Ouqbah Ibn Nafi’ fut aussi bon gouverneur que général. Ses futurs plans de conquête devaient attendre la consolidation de la ville de Kairouan et l’établissement d’une garnison convenable.

 

À la fin de l’année 50 de l’Hégire (669), le calife remplaça le gouverneur de l’Egypte Mou’awiyyah Ibn Houdayj par Maslamah Ibn Moukhallad qui cette même année, désista à son tour le gouverneur de l’Ifriqiyah ‘Ouqbah Ibn Nafi’ et nomma à sa place son Mawlah Abou Mouhajir Dinar.

Les historiens ne sont pas unanimes quant à la date de ces évènements, certains les situent en l’an 50 de l’Hégire (669) et d’autres en l’an 55 (674).

 

En l’an 60 de l’Hégire (679) Mou’awiyyah (qu’Allah soit satisfait de lui) mourut et son fils Yazid lui succéda.

 

En l’an 61 de l’Hégire (680) survint la tragédie de Karbala où le petit-fils du Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) al-Houssayn (qu’Allah soit satisfait d’eux) et ses compagnons furent martyrisés.

Cette même année, Yazid Ibn Mou’awiyyah renomma ‘Ouqbah Ibn Nafi’ à la direction de l’Afrique après avoir séparé cette province de l’Egypte.

 

Durant les années que ‘Ouqbah Ibn Nafi’ passa à Damas, Abou Mouhajir Dinar conduisit une expédition au Maghreb et à Tilimsen ou Tlemcen en Algérie actuelle, ou il combattit et battit une force berbère commandée par un célèbre chef du nom de Kathilah Ibn Lamzam à qui Abou Mouhajir Dinar offrit l’Islam et qu’il accepta avec un grand nombre de ses guerriers. Mais Kathilah n’allait pas tarder à apostasier.

Abou Mouhajir Dinar retourna dans sa nouvelle ville de Tunis et gouverna l’Afrique jusqu’au retour de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ en l’an 61 de l’Hégire (680). Certains ont placé son retour en l’an 62 de l’Hégire (681).

 

Vingt-cinq Compagnons du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) voyagèrent avec ‘Ouqbah Ibn Nafi’ quand ce dernier quitta Damas pour l’Ifriqiyah. Quel âge avaient-ils donc ces Compagnons (qu’Allah soit satisfait d’eux) en 62 de l’Hégire ? Et que faisaient-ils dans les rangs de l’armée musulmane sinon rechercher le martyr et nous prouver les vertus du combat dans la voie d’Allah, (jihad fis-sabilillah), et l’immense récompense réservée aux combattants et aux martyrs. Bien qu’ils aient déjà participés à un nombre considérable de batailles, ils ne sont pas restés chez eux à attendre que la mort vient les chercher mais ils sont partis à sa recherche.

 

‘Ouqbah Ibn Nafi’ se rendit d’abord à Fustat ou il rencontra Maslamah Ibn Moukhallad ainsi que ‘AbdAllah Ibn ‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait d’eux) qui lui fit une prédiction qui réjouit son cœur.

- « O ‘Ouqbah » dit-il, « peut-être appartiens-tu à l’armée de combattants qui entreront dans le Paradis avec leur uniformes » en référence au Hadith du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) stipulant que certains de ses disciples tués au cours d’une bataille entreraient au Paradis habillés des même vêtements avec lesquels ils chevauchèrent, luttèrent et furent tués.

 

Lorsque ‘Ouqbah Ibn Nafi’ retourna à Kairouan avec les compagnons du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui), il leva les mains au ciel et implora : «  O Grand Seigneur, remplit la (la ville) de connaissance et de ceux qui T’obéissent. Fais-en un pilier de soutien pour Ta religion et une source de disgrâce pour ceux qui Te renie ». Et ‘Ouqbah Ibn Nafi’ était un Musulman dont l’invocation était exaucée.

 

‘Ouqbah était sur le point de mener une grande et majeure expédition à l’ouest. Il était sur le point d’avancer comme une force irrésistible de ville en ville, de forteresse en forteresse, en écrasant toute opposition et faire résonner l’appel à la prière dans chaque endroit conquit. Il allait lutter contre les Romains et les Berbères et principalement des derniers qui étaient les habitants du Maghreb et qui disposaient d’une très grande force.

 

Le célèbre historien musulman Abou Zayd ‘AbderRahmane Ibn Muhammad Ibn Khaldoun al-adrami, a beaucoup écrit sur l’origine des Berbères, leur structure tribales, leurs organisations politiques et sociales, leurs religions, leurs histoires et pour ceux qui veulent plus de détails sur ce peuple peuvent consulter ses ouvrages.

Les Berbères ne sont pas une race particulière ou un groupe de gens, mais plusieurs groupes venant de plusieurs directions qui sont entrés en Afrique du Nord à Barqah ou ils se divisèrent en plusieurs tribus et clans différents. Certains s’installèrent en Libye et d’autres se déplacèrent vers l’ouest vers le Maghreb jusqu’à ce qu’ils atteignent les rivages de l’Atlantique. Ce sont ces groupes de gens qui furent les ancêtres des Berbères.

Les Berbères luttèrent à leur tour contre les Romains mais perdirent la plupart de leurs batailles et se soumirent au pouvoir de l’envahisseur romain. Les villes côtières et les vallées devinrent la propriété des Romains tandis que les Berbères se retranchèrent dans les montagnes et les déserts.

Les Berbères ont la pigmentation brune et sont souvent blonds aux yeux bleus surtout dans les montagnes du Maghreb. Et comme l’a fait remarquer Ibn Khaldoun, certaines tribus Berbères ne sont pas Berbères du tout mais d’extraction arabe ancienne.

Leurs fortunes ont variés avec le changement de fortune des conquérants et des souverains étrangers venus en Afrique du Nord.

Leurs religions variaient et beaucoup de tribus restèrent juives suite aux influences datant des jours de Goliath. D’autres adoptèrent le Christianisme à cause de leur contact avec les Romains qui prirent la foi de Jésus qu’ils mélangèrent à la foi zoroastrienne au début du quatrième siècle. Certains étaient des adorateurs du soleil, d’autres des idolâtres et les reste étaient des païens.

C’était un peuple inconsistants qui avec la venue de l’Islam, acceptaient la nouvelle foi mais retournaient aussitôt à leur polythéisme ainsi, ils apostasièrent douze fois au premier temps de l’Islam en Ifriqiyah et ce n’est que sous le règne de Moussa Ibn Noussayr que l’Islam se renforça dans le cœur du Berbère pour devenir alors à leur tour de grands guerriers.

Leur nom est venu de leur contact avec les Arabes. En arabe le mot Barbar veut dire marmonner, faire du bruit que personne ne comprend.

 

Masjid-Abou-Mouhajir-Ibn-Dinar-Algeria - Le plus vieux édifice musulman après celui de Qayrawan

‘Ouqbah Ibn Nafi’ au Maghreb 

‘Ouqbah Ibn Nafi’ quitta Kairouan au milieu de l’année 61 de l’Hégire (680) pour ne revenir qu’à la fin de l’année 63 de l’Hégire (682) quand les ennemis levèrent leurs têtes à Baghayah[2], une grande ville au pied du Mont de l’Aurès (jabal auras) ou les Romains et les Berbères Chrétiens se rassemblèrent en force et fortifièrent la ville.

Lorsque ‘Ouqbah Ibn Nafi’ arriva à Baghayah, il établit un cordon serré de gardes tout autour de la ville fortifiée tandis qu’il garda le corps principal de son armée dans le camp à une certaine distance au cas où les mécréants tenteraient une sortie en force.

Ces derniers n’eurent nullement l’intention de rester à l’abri de leur forteresse et sortirent de la ville avec leur volumineuse armée, qui était bien plus nombreuse que la force musulmane. Les deux armées se firent face et la bataille commença.

Ce fut une lutte sanglante et avant la fin de la journée, les ennemis furent anéantis et leurs cadavres jonchèrent le champ de bataille. Ce fut la première d’une longue suite de batailles pour le Maghreb. ‘Ouqbah Ibn Nafi’ avait gagné une victoire claire et infligé une écrasante défaite à l’ennemi. La ville de Baghayah fut prise sans résistance comme prix de guerre et un grand nombre de chevaux furent saisis.

 

Quelques semaines après, ‘Ouqbah Ibn Nafi’ retourna à Carthage mais il fut intercepté par une autre armée de Romains et de Berbères qui sortirent à sa rencontre mais l’armée alliée subit le même destin que la précédente et subit terrible une défaite qui anéanti presque leurs armées. Ceux qui survécurent devinrent prisonniers et tous les chevaux de l’armée battue furent récupérés.

‘Ouqbah qui avait établi un réseau de surveillance fut bientôt informé d’une importante concentration de Romains à Monastir qui se trouvait près de Kairouan qui avait été précédemment ignoré par les Musulmans parce que la ville ne posait aucune menace. Mais après les défaites de Baghayah et de Carthage, ceux qui s’étaient échappé et ceux qui avaient sympathisés avec leur cause, se réfugièrent à Monastir qui se trouvait au bord de la mer.

‘Ouqbah Ibn Nafi’ leva son armée et se dirigea vers cette nouvelle menace dans leur dos. Il passa par Sousa et avança le long de la côte vers Monastir, où l’attendait l’armée des coalisés Romains et Berbères. De nouveau il y eut un terrible affrontement et la bataille dura un certain temps avant que les Romains et les Berbères ne rompent et s’enfuient du champ de bataille suivit par les Musulmans jusqu’aux portes de Monastir ou ils furent de nouveau écrasés. Seuls ceux qui capitulèrent survécurent et Monastir fut prise comme prix de guerre.

 

Après trois batailles victorieuses successives et après avoir accompli un cercle autour de Kairouan, la campagne de ‘Ouqbah prit fin et il revint à son point de départ. Il était encore en Ifriqiyah et le Maghreb était très loin.

La province de Carthage était totalement soumise, et il ne restait plus aucun danger menaçant Kairouan. Avec l’arrivée de la saison particulièrement froide dans la région, ‘Ouqbah Ibn Nafi’  décida de stopper les opérations durant l’hiver et d’attendre un temps plus propice pour les reprendre.

Lorsque le printemps arriva, il fit de nouveau ses préparatifs et après avoir laissé une garnison dans la ville sous le commandement de deux de ses commandants : Zouhayr Ibn Qays al-Balawi et ‘Omar Ibn ‘Ali, il fit venir ses enfants et leur dit : « J’ai dédicacé ma vie pour Allah Exalté et l’ai consacré au combat dans Sa voie (jihad fis-sabilillah) contre ceux qui refusent de croire en Lui, jusqu’à ce que je meurs et Le rejoigne. Je sais pas si vous me verrez de nouveau après ce jour, car je recherche le martyr dans la voie d’Allah ». Puis, ‘Ouqbah Ibn Nafi’ partit à la conquête du Maghreb.

 

Sur sa route, ‘Ouqbah fit face à plusieurs armées berbères renforcés par les Romains. Maintes fois les chefs des Berbères se levèrent contre lui, tribus après tribus, hordes après hordes pour l’empêcher d’avancer mais chaque fois ‘Ouqbah lutta contre eux et les vainquit et maintes fois les Berbères s’enfuirent devant lui. Il captura des forts et conduisit son ennemi devant lui. Il prit la vallée de Massilah (zab) jusqu’à ce qu’il arriva à Tahart, un lieu très froid au pied de la montagne Jazzoul près du fleuve Mina. C’était un endroit glacial et humide, affligé par de lourde chute de pluie et couvert de neige en hiver.

Tahart était une puissante forteresse ou s’étaient réfugiés tous ceux qui avaient échappés aux Musulmans et vers laquelle ‘Ouqbah Ibn Nafi’ avança pour faire à ces adversaires. Les coalisés sortirent de nouveau pour affronter les Musulmans mais ils furent battus comme leurs prédécesseurs et s’enfuirent vers la sécurité de la forteresse mais la cavalerie musulmane les poursuivit et nul d’entre eux ne put franchir les portes.

 

‘Ouqbah ne resta pas plus qu’il n’était nécessaire à Tahart et après avoir réorganisé son armée, il reprit son implacable avance vers l’ouest. Ses ennemis auraient dorénavant de la réticence à le combattre et allaient fuir devant lui abandonnant village après village. Un très grand nombre s’enfermèrent dans leurs forts préférant la sécurité de leur forteresse que de lutter contre les Musulmans.

‘Ouqbah n’était pas intéressés par les sièges et son armée ne disposait d’aucun équipement de siège. Chaque fois qu’un fort défendu se trouvait sur sa route, il l’ignorait et ne luttait que contre ceux qui contestaient son passage et bientôt ‘Ouqbah Ibn Nafi’ quitta la Mauritanie pour Tanger, la province gouverné par le comte Julian, au profit du roi goth d’Espagne selon certains historiens. D’après Ibn Khaldoun, son nom était Yalyan ou Balyan ou Balban et il était un roi berbère, de la tribu de Ghamarah, vivant dans les montagnes de cette région, qui avait porté allégeance au Roi d’Espagne et gouvernait la province comme un vassal des Goths. D’autres historiens ont rapportés des fanfaronnades qu’il n’est même pas la peine de mentionner.

Julian dans sa ville forteresse de Ceuta (sabta) se soumit et demanda la paix et ‘Ouqbah accepta sa soumission.

 

‘Ouqbah se tourna alors vers le sud, prit Walili, une ville entre les actuels Fez et Meknès, puis marcha vers les Monts de Daran, le bastion de la tribu berbère des Massamidah.

Les Massamidah, pluriel de Masmoudah, étaient une grande et vigoureuse tribu sous-divisés en quatre tribus principales : ad-Doughagh, Assad, Koutamah et Bani Samgharah, chacune plus féroce et plus violente que l’autre. Parmi les autres tribus issues des Massamidah et de moindre importance se trouvait les Ghamarah, dont Julian était un de leur chef.

Les Massamidah restèrent non conquis durant des siècles à l’abri de leurs montagnes et cela avait produit chez eux une féroce fierté et une suspicion vigilante envers tous les intrus qui entraient dans leur territoire. Ils étaient les plus sanguinaires et les plus dangereux des tribus berbères du Haut Atlas et particulièrement des monts de Daran, dans la province de Sous al-Adna. Certains de leurs membres vivaient aussi dans les régions de Bouna et de Ceuta.

 

‘Ouqbah Ibn Nafi’ allait affronter la plus importante partie de cette tribu qui vivait dans les Montagnes de Daran qui se trouvaient au centre du Haut Atlas dont certains monts culminent à plus de 4.500 mètres.

Lorsque ‘Ouqbah Ibn Nafi’ entra dans le territoire des Massamidah, il fut observé, attendu et confronté par un petit détachement qui l’attendait. Et après une petite opposition et pour ne pas réveiller ses soupçons, les Berbères reculèrent en direction de leur forteresse imprenable des hautes montagnes. Ils l’attirèrent ainsi de plus en plus loin de ses arrières et de plus en plus haut dans les montagnes.

Les guerriers Musulmans, dont la plupart étaient du désert chaud et sec et pas habitués au froid et à l’humidité des montagnes, continuèrent leur poursuite et lorsqu’ils eurent bien pénétrés les Monts de Daran, les Berbères s’arrêtèrent ayant amenés les Musulmans, là où ils le voulaient.

Des corps mobiles rapides de Berbères se rapprochèrent des flancs des Musulmans tandis que d’autres coupèrent leur retrait. Les Musulmans totalement isolés et encerclés dans une région montagneuse se retrouvèrent assiégés.

‘Ouqbah Ibn Nafi’ ayant réalisé sa situation décida de rompre le blocus le plus rapidement possible pour plusieurs raisons mais les Berbères n’avaient pas l’intention de combattre, ils voulaient simplement les affamer et les priver jusqu’à ce que mort s’ensuivent ou qu’ils se soumettent.

‘Ouqbah réagit et lanca des attaques incessantes contre les positions berbères mais toutes ses attaques furent repoussées. Ses réserves s’épuisaient et le martyr préféré, la capitulation était impensable.

 

Il est commun pour toute structure humaine de s’affronter, tribu contre tribu, clan contre clan, nation contre nation, les querelles locales maintenues par la nature vindicative du caractère humain et il en était donc de même avec les tribus berbères du Maghreb. Dans la province de Sous, il avait trois grandes tribus à se disputer la région : les Massamidah, les Zenâta et les Sanhadja. Les Massamidah et les Zenâta étaient particulièrement acrimonieux dans leur hostilité les uns envers les autres. Ils ne loupaient jamais une occasion pour se causer des tords surtout lorsque l’autre tribu était vulnérable.

C’est à ce moment précis, alors que les Musulmans étaient dans une difficile position, que la tribu des Zenâta attaqua leur ennemi traditionnel des Massamidah dans un moment choisit classique de vulnérabilité et de totale surprise.  À peine l’attaque commença que les Massamidah s’enfuirent dans la panique.

Et sans retard, ‘Ouqbah Ibn Nafi’ lanca son armée à leur poursuite, alliés aux Zenâta. L’opération dura quelques semaines jusqu’à ce que toutes les tribus se soumettent au pouvoir musulman. Un grand nombre d’entre eux acceptèrent l’Islam aux mains de ‘Ouqbah Ibn Nafi’. Pratiquement tous les Zenâta se soumirent aussi et ils furent les seuls à être sincères dans leur foi.

 

Quand son armée fut rétablie, ‘Ouqbah Ibn Nafi’ décida de lever le camp et de poursuivre sa route vers le sud-ouest vers le territoire de la tribu berbère des Sanhadja.

Les Sanhadja étaient une tribu encore plus nombreuse et plus puissante que les Massamidah. Ils représentaient presque un tiers de la nation berbère, étaient zoroastriens et étaient connus comme les gens voilés parce qu’ils couvraient leurs visages avec leur turban et ne laissait que leurs yeux apparaitre. Les Sanhadja se levèrent en masse pour défendre leur terre et assaillirent les Musulmans comme une armée de criquets. Mais, subissant défaite après défaite, ils durent reculer ne pouvant stopper l’implacable avance musulmane. Les Berbères furent écrasés systématiquement lors de chaque engagement avec de très lourdes pertes.

‘Ouqbah Ibn Nafi’ les poursuivit dans la vallée du fleuve Souss, jusqu’à une ville du nom de Taroudant, à environ soixante kilomètre du littoral, qui fut prise ce qui brisa la résistance Sanhadja. Taroudant devint alors la base avancée des Musulmans et le dernier lieu de résistance du Maghreb.

‘Ouqbah Ibn Nafi’ avait anéanti tous ses ennemis et accompagné d’un détachement de cavalerie, se dirigea vers l’Atlantique, l’Océan d’Obscurité comme l’appelait les Arabes, ou il entra jusqu’à ce que l’eau de la mer arrive au poitrail de son cheval et qu’il ne puisse aller plus loin. Alors, il leva les mains vers le ciel et dit sa fameuse parole historique que les anges ont enregistré, les mémoires ont retenues, que les plumes ont gravées pour l’éternité :

« Allahoumma ash had ! Anni quad balaghtoul majhoud. Wa lawla adhal bahr la maditou fil bilad ouqatilou man kaffara bika hatta la you’bad ahadoun illa siwak » 

« O Grand Seigneur atteste ! Je suis arrivé au terme de l’effort. N’était-ce cette mer, j’aurais poursuivi ma route pour combattre celui qui Te renie jusqu’à ce que nul ne soit adoré hormis Toi ! »

Allahou Akbar ! Quel témoignage en ta faveur le Jour de Qiyamah ! Puisse Allah Exalté te faire miséricorde ô ‘Ouqbah Ibn Nafi’ !

 

La mort de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ 

Kathilah Ibn Lamzam était un chef des Berbères de la tribu Baranaize, qui rassemblait une grande confédération de tribus, qui descendait d’un ancêtre commun nommé Bournouss, dont la tribu d’Ourbah, dont était issu Kathilah. Il avait été reconnu par les Romains comme le chef de Chefs des Berbères et sa position dans sa tribu et toutes les autres étaient incontestées et avant la venue des Musulmans, Kathilah était un chrétien, comme était le reste de sa tribu.

Pendant la première conquête musulmane de l’Afrique en l’an 27 de l’Hégire (647) sous le commandement de ‘AbdAllah Ibn Sa’d Ibn Abi Sarh (qu’Allah soit satisfait de lui), il devint musulman pour intérêt et non par sincérité.

Un quart d’un siècle passa et au cours de l’an 50 de l’Hégire (669), alors qu’Abou Mouhajir Dinar était le gouverneur de l’Ifriqiyah, Kathilah apostasia ainsi que tous ses partisans et tous retournèrent à la foi chrétienne. Kathilah réunit l’ensemble de sa tribu et ensemble s’établirent près de Tilimsen jusqu’à ce qu’Abou Mouhajir marcha contre lui.

Les deux forces se rencontrèrent près Tilimsen et les Berbères furent vaincus et Kathilah fait prisonnier. Comme il réaffirma sa profession de foi musulmane, Abou Mouhajir Dinar l’épargna et ce fut la deuxième période musulmane de la vie de Kathilah. Seulement le doute rongeait son cœur et cette conversion comme toute les autres n’avait rien de définitif.

Lorsque ‘Ouqbah Ibn Nafi’ fut désigné gouverneur de l’Ifriqiyah, Abou Mouhajir Dinar lui parla de Kathilah Ibn Lamzam et insista sur le fait, que bien que l’Islam ne soit pas ferme dans son cœur, il était un chef de tribu berbère et il avait une influence considérable et de l’autorité dans la région. Mais ‘Ouqbah ignora Kathilah car pour lui tous les hommes étaient égaux y compris les chefs qui n’avaient que quelques responsabilités supplémentaires sur les autres.

Un jour quelqu’un présenta un mouton à ‘Ouqbah. Il ordonna qu’il soit abattu pour ses hommes et demanda à Kathilah de le faire ! Kathilah Ibn Lamzam sacrifia le moutons et le dépeça tout en se teignant la barbe de sang, ce qui fit rire les Arabes qui lui dire :

- Qu’est-ce donc cela ô berbère ?

Ce chef des Berbères Kathilah Ibn Lamzam leur répondit :

- Ceci est bon pour les poils de barbe !

Mais un des vieux arabes sages présent leur dit :

- Vous avez causé du tort à cet homme en se moquant de lui et il devient obligé pour lui de se venger de cette offense contre vous. Et c’est ce qui arriva.

Après ce jour, l’humeur de Kathilah se détériora.

 

Lorsqu’un certain temps se fut écoulé, ‘Ouqbah Ibn Nafi’ pensa à consolider l’Islam dans le Maghreb et une nouvelle fois après avoir fait ses préparatifs, il se mit en marche avec une partie de son armée vers l’est de la vallée de Dar’a, après avoir laissé le reste en garnison à Taroudant. Dar’a est un fleuve qui prends sa source dans le Haut d’Atlas et qui se jette dans l’Atlantique.

Durant quelques semaines ‘Ouqbah Ibn Nafi’ opéra dans cette région montagneuse, sur les flancs-est du Haut Atlas ou parfois après de brefs combats, les tribus locales se soumirent à l’Islam.

Puis, il marcha vers Ighir, Tama, Shakir et vers la terre de Doukkalah appartenant à une tribu berbère de moindre importance. Il appela les habitants de Doukkalah à l’Islam mais ils rejetèrent son appel.

‘Ouqbah mena une difficile bataille ou beaucoup de Musulmans furent tués et été enterrés sur le champ de bataille, à un endroit connut sous le nom de Maqbarat-ash-Shouhadah, le Tombeau des Martyrs.

Ayant brisé la résistance de Doukkalah, ‘Ouqbah entreprit l’ascension des montagnes et arriva à Atar, près de l’actuelle Warzazate, qui était la zone tribale des Haskourah qui refusèrent tant son invitation à l’Islam que le paiement de la Jizyah. Ils furent donc battus et éconduits de leur terre. Après cette action nul autre habitant du Maghreb ne lutta contre ‘Ouqbah.

 

‘Ouqbah Ibn Nafi’ reprit sa marche et traversa les arêtes supérieures des Montagnes de Daran (Haut Atlas) vers Aghmat Warikah avant de descendre ensuite dans la Vallée de Niffis, au sud de l’actuel Marrakech ou il fit construire une mosquée. Puis, il traversa une autre arête pour entrer dans la Vallée de Souss, qui s’écoule dans l’Atlantique et sur laquelle se trouve la ville de Taroudant. Dans cette vallée, il fit aussi construire une mosquée avant de poursuivre sa route vers le sud dans la Vallée de Massa, où il construit encore une mosquée. Massa fut le dernier objectif de sa campagne au Maghreb.

L’hiver se rapprochait et les Musulmans retournèrent à Taroudant pour attendre l’arrivée des beaux jours.

 

Le printemps suivant, l’armée enfin prête, ‘Ouqbah Ibn Nafi’ entreprit son voyage de retour. Il quitta le Maghreb ou personne ne s’opposa à lui et entra de nouveau en Ifriqiyah dans la région qui correspond de nos jours à la partie du nord-est de l’Algérie.

L’armée fit un arrêt prolongé à Toubna près de l’actuelle Biskra ou la plupart des soldats voulurent retourner chez eux après avoir parcouru près de 5.000 kilomètres et livrer un grand nombre de batailles contre des ennemis féroces.

‘Ouqbah Ibn Nafi’ leur permit d’aller et la majorité de son armée se dispersa. La plupart d’entre eux retournèrent à Kairouan laissant ‘Ouqbah seul avec une poignée de combattants.

Lorsque son armée se fut dissipée, ‘Ouqbah marcha vers Tahouzah, un peu à l’est de l’actuelle Biskra. C’était une ville prospère avec une grande population romaine. Mais les Romains informés de la dispersion de l’armée musulmane fermèrent les portes de la ville à son arrivée et le couvrirent d’une pluie de pierres et de flèches.

‘Ouqbah se retira et à quelques kilomètres au sud, au pied des montagnes de l’Aurès, ou il établit son camp.

Kathilah fut informé du retour des Musulmans et un très grand nombre de Romains le rejoignirent, décidés de saisir l’initiative de ne pas permettre aux Musulmans de s’échapper.

Une vaste horde principalement composée de Berbères se dirigea vers les Musulmans et les encerclèrent. Mais les Musulmans étaient prêts à lever le défi, farouchement déterminés par l’un des deux choix, la victoire ou le martyr.

‘Ouqbah offrit deux unités de prière en compagnie d’Abou Mouhajir Dinar qui avait lutté à ses côtés durant deux années. ‘Ouqbah Ibn Nafi’ lui dit : « Part rejoindre les Musulmans et prends leur commandement car je cherche le martyr ».

- « Par Allah, moi de même, » répondit Abou Mouhajir.

Les deux hommes tirèrent alors leurs sabres, brisèrent leurs fourreaux ainsi que tous les Musulmans puis tous descendirent de leurs chevaux pour lutter à pied, en geste de défi et d’acceptation de la mort.

Les Berbères se lancèrent contre eux et les meilleurs d’entre eux tombèrent sous les coups des Musulmans. Assaut après assaut face à la féroce ténacité de la défense musulmane, les morts furent enlevés et remplacés par d’autres ; les Musulmans décidés à emporter le maximum de mécréants avec eux dont la récompense serait l’enfer, pour l’éternité.

A Tahouzah à des centaines de kilomètres de Kairouan, dans le vacarme des chocs de l’acier tranchant et la poussière de cet affrontement, se joua la dernière scène glorieuse des vies de ‘Ouqbah Ibn Nafi’, d’Abou Mouhajir Dinar et du petit groupe de Musulmans. Les Musulmans tombèrent les uns après les autres et ‘Ouqbah Ibn Nafi’ et Abou Mouhajir Dinar les rejoignirent les derniers ensemble, après avoir trouvé le martyr qu’ils avaient cherché avec affection, en l’an 63 de l’Hégire, puisse Allah à Lui les Louanges et la Gloire, leur faire miséricorde.

L’endroit où ils tombèrent et où ils furent enterré est connu de nos jours sous le nom de Sidi ‘Ouqbah, en Algérie, et se trouve au milieu d’une immense palmeraie, à une vingtaine de kilomètres de Biskra.

C’est ainsi que ‘Ouqbah avait voulu mourir, une fin glorieuse au service du Seigneur Exalté après une vie passée en luttant dans la voie d’Allah. Il fut un brillant et brave général musulman avec un dévouement inflexible pour la cause de l’Islam.

 

Les nouvelles du martyr des Musulmans à Tahouzah parvint bientôt à Kairouan et peut après l’alarme retentit de l’arrivée imminente de Kathilah le Berbère.

Zouhayr Ibn Qays appela les Musulmans en congrégation et leur dit : « O Musulmans, vos camarades sont partis au Paradis et Allah les a bénits avec le martyr. Suivez-les dans leurs pas et Allah vous donnera plus de victoires ».

Un homme du nom de Hansh Ibn ‘AbdAllah as-San’ani lui répondit : « Non, par Allah, nous n’acceptons pas ta proposition. Et tu n’as aucune autorité à nous donner des ordres. Aucune action ne serait mieux pour les Musulmans que d’éviter cette calamité en allant à l’est ».

Alors il se tourna vers la foule : « O Musulmans, qui veut revenir avec moi à l’est, me suive ».

Sur ce, il quitta Kairouan  et tous les soldats le suivirent en dépit des exhortations de Zouhayr Ibn Qays qui n’ayant d’autre choix, quitta à son tour la ville avec sa famille pour Barqah, le bastion des Musulmans.

A la fin de l’année 63 de l’Hégire (682), les Musulmans étaient de nouveau hors de l’Ifriqiyah et de retour à Barqah.

 

Au mois de Mouharram de l’année 64 de l’Hégire (683), Kathilah marcha sur Kairouan à la tête d’une armée de Berbères et de Romains. Un grand nombre de Musulmans avaient quitté la ville lors de son approche mais beaucoup étaient encore là et ils se rendirent sans aucune résistance. Kathilah leur donna une garantie de paix et de sécurité.

Et Kathilah Ibn Lamzam parvint à son zénith. Il était dorénavant le maître de toute l’Ifriqiyah, à l’exception de la Libye. Il était le Roi des Berbères, des Romains et des Musulmans.

Cependant son rôle n’était pas finit, et la roue du destin tournait encore…



[1] Comme nous l’avons déjà mentionné, Soudan signifie le pays des Noirs.

[2] La ville n’existe plus de nos jours mais elle se trouvait jadis près de l’actuelle Khenchela en Algérie.