Le Mouvement Bab


‘Ali Muhammad « Bab »


La Perse est sans conteste le pays des sectes hérétiques et des innovations du même type et le dix-neuvième siècle fut témoin d’un certain nombre de mouvements réformistes et hérétiques dans le monde musulman.
L’un de ces mouvements fut celui du « Bab » qui apparut en Perse comme tant d’autres perversions hétériques. Le fondateur du mouvement fut ‘Ali Muhammad « Bab », né à Bushhir le 26 mars 1811 qui reçut une éducation religieuse associée aux Shaykhi, une école théologique shiite dissidente qui ne croyait pas à la résurrection matérielle de corps et qui croyait que l’âme était un corps invisible subtil qui seule serait ressuscitée.
‘Ali Muhammad était intelligent et éloquent et après la mort de l’Imam Shaykhi, Syed Qassim de Resht, ‘Ali Muhammad fut élut Imam des Shaykhis.
En 1844, exactement mille ans après la « disparition » du douzième imam shiite, ‘Ali Muhammad déclara qu’il était lui-même le « Bab » ou la porte que l’humanité devait traverser pour s’unir à l’imam, l’exécuteur testamentaire de la volonté divine, de la pure « shi’imentia » comme vous pouvez vous en rendre compte.
Son éloquence, un atout considérable, lui valut un grand nombre de disciples qui se multiplièrent au fur et à mesures de ses prétentions jusqu’à déclarer un jour qu’il était le Nouqbat al-‘Ali, le plus haut degré de la révélation. Plus tard, il prétendit être le « Qaïm », qui devait émaner de la maison du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) à la fin du temps. Sa prochaine prétention fut qu’il était l’incarnation de la révélation divine, apparut sur la terre sous la forme du Prophète de l’Islam. Il produisit un livre « Bayan », qu’il déclara être un livre révélé comme le Qur’an et par la suite, déclara :
- Qu’il était le miroir dans lequel les croyants pourraient voir Dieu,
- Qu’il communiquait avec Dieu.
- Que la Shari’ah du Prophète de l’Islam (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) avait été abrogé et que désormais seule la sienne devrait être respectée. Selon celle-ci, les cinq prières par jour n’étaient plus obligatoires, la période de jeûne réduite à 19 jours. Il introduisit un nouveau calendrier d’une année de 19 mois et de 19 jours par mois. Il ordonna l’abolition du Hijab pour les femmes et que les morts devraient être enterrés dans des cercueils en pierre pour éviter la souillure par la terre.
Les ‘Oulama orthodoxes par décret religieux (fatwa) annoncèrent que son credo était une hérésie. Le gouverneur de Shiraz convoqua ‘Ali Muhammad et l’emprisonna pour son hérésie mais il réussit à s’enfuir quelque temps après et s’enfuit à Isfahan ou le gouverneur le traita avec honneur et devint son disciple. Cela fut interprété comme une manifestation des pouvoirs miraculeux de ‘Ali Muhammad et améliora considérablement sa réputation et prestige.
Le gouverneur d’Isfahan mourut en 1847 et après que sa mort ‘Ali Muhammad fut de nouveau arrêté et emprisonné à Maku, en Azerbaïdjan. Son arrestation provoqua une violente révolte de ses disciples qui recoururent au terrorisme et un grand nombre de personnes distinguées opposées au mouvement hérétique furent assassinées. Sur ce, les autorités entrèrent en action et recherchèrent ses disciples dans tout le pays mais ces derniers s‘opposèrent avec force aux autorités. Le gouvernement prit alors des contremesures contre ces disciples sur une échelle massive. Des milliers d’entre eux furent arrêtés et emprisonnés tandis que ‘Ali Muhammad fut transféré de Maku à Tabriz ou il fut exécuté en 1860, alors qu’il était âgé de trente-neuf ans au moment de son exécution.



Qourrat al-‘Ayn at-Tahirah

Qourrat al-‘Ayn at-Tahirah était une femme du dix-neuvième siècle et son nom original était Zarin Taj. Elle était la fille de Mullah Salik, un théologien éminent de Qazwin. Elle était hautement instruite, intelligente et douée en plus d’une oratrice éloquente. Elle était belle et ses longs cheveux coulaient jusqu’à ses genoux. Elle fut mariée à Mullah Muhammad, qui était le fils du frère aîné du père de Qourrat al-‘Ayn. Le mariage fut bénit avec trois enfants et dans les premières années le couple était heureux l’un avec l’autre. Quand Bab proclama son nouveau délirium, Qourrat al-‘Ayn devint son disciple consacré ce qui provoqua désaccord entre le mari et la femme.
Qourrat al-‘Ayn abandonna alors son voile et alla à Karbala et Baghdad où elle prêcha ouvertement le nouveau credo. Le gouverneur de Baghdad ordonna son extradition de la ville et elle revint en Iran tout en donnant sur sa route des discours en faveur du babisme. Elle était si belle et éloquente que de grandes foules se rassemblèrent pour l’entendre et elle fit beaucoup de convertis.
En arrière dans Qazwin, son beau-père l’a réprimanda pour s’être égarer du droit chemin. Elle fut confinée à la maison et pas autorisée à sortir. Dans la semaine qui suivit, son beau-père fut assassiné par un Babi qui mena à chasse aux Babis.
Qourrat al-‘Ayn fut arrêté et présentée à la cour du Shah, Nassir ad-Din Qashar qui lorsqu’il la vit déclara : « Elle est si belle, laissez là ! » Par la suite, le Shah lui envoya un message disant que si elle abandonnait son nouveau credo, il serait disposé à l’épouser mais elle lui envoya la réponse suivante en vers :
« Tu aimes le pouvoir et l’empire,
J’aime la foi et la pauvreté.
Si le pouvoir et l’empire te sont préférés
Soit béni avec eux.
Et si la voie du derviche doit être désapprouvée,
Je ne crains pas la punition. »
Cette réponse rendit le Shah silencieux et un Babis offensé par la proposition du Shah tenta de l’assassiner. Le Shah s’enfuit et ordonna aussitôt des mesures à grande échelle contre les Babis. ‘Ali Muhammad « Bab » fut été exécutée en 1850 et Qourrat al-‘Ayn arrêtée. Lorsqu’elle apprit les nouvelles de l’exécution de « Bab, » elle essaya de s’échapper de la prison mais elle fut rattrapée et abattue.
Je vous passerais sur les interprétations aberrantes des « philosophes » engendrées par l’histoire de « l’amour de Qourrat al-‘Ayn at-Tahirah. »



Les Successeurs de ‘Ali Muhammad

Après la mort de ‘Ali Muhammad et Qourrat al-‘Ayn at-Tahirah, le gouvernement perse adopta des mesures vigoureuses pour exterminer leurs disciples et pour échapper à la persécution, les Babis se retirèrent à Baghdad qui était sous le pouvoir des Ottomans.
Après la mort de « Bab » ses disciples choisirent pour chef « Soubh ‘Azal, » le second de « Bab ». Soubh ‘Azal voulut poursuivre une politique de paix, mais le frère de « Bab », Bahaullah préféra une politique agressive. Bahaullah produisit un livre « Iqan, » qu’il prétendit lui avoir été révélé. Sous l’influence de Bahaullah, une partie des Babis voulu suivre ce dernier et devint active ce qui entraina le gouvernement ottoman à ordonner leur transfert en 1864 de Baghdad à Andrinople ou les disciples se divisèrent en deux sections, l’une suivit Soubh ‘Azal et l’autre Bahaullah.
Les deux sections commencèrent alors à se quereller entre eux et cela créa des problèmes d’ordre public pour le gouvernement ottoman qui ordonna la séparation des deux sections. Bahaullah et ses disciples furent exilés à Acre et Soubh ‘Azal et ses disciples dans l’île de Chypre. Avec le temps, le mouvement finit par s’éteindre.

Comme nous l’avons précédemment mentionné, nous reviendrons sur l’Histoire du Sind et de l’Asie Centrale dans un volume particulier dans lequel nous traiterons l’Histoire du Caucase, du Baloutchistan, de l’Afghanistan une nouvelle fois et des pays limitrophes comme le Kashmir ainsi que l’Histoire du Sind et des états conséquents ainsi que de la pénétration de l’Islam en Asie du Sud, l’Indonésie, les Philippines etc.



Mouzaffar ad-Din Shah

Mouzaffar ad-Din, le fils du souverain Nassir fut nommé gouverneur de la province du Nord de l’Azerbaïdjan en 1861 ou il passa les 35 années suivantes à la recherche exclusive de ses plaisirs. Ses relations avec son père furent fréquemment tendues et il ne fut pas consulté pour les affaires importantes de l’état. Ainsi, quand il monta sur le trône en mai de 1896, après la mort de son père Nassir ad-Din Shah, il n’était pas apte à faire face aux responsabilités de l’état et aussitôt après son intronisation, la Perse dut faire face à une crise financière en raison des politiques de son père.
Pendant son règne, Mouzaffar ad-Din tenta de réformer la trésorerie centrale cependant, les dettes précédentes due tant à l’Angleterre que la Russie sapèrent son effort et il dut contracter des prêts impopulaires à la Russie, en échange de concessions politiques.

Comme son père, il visita trois fois l’Europe et pour ce, il emprunta de l’argent à Nicholas II le souverain de Russie pour payer ses frais de voyages et son style de vie extravagant et à chaque fois, il fut forcé de signer un grand nombre de concessions, en fournissant aux étrangers le contrôle et le monopole des différentes industries persanes et marchés qui donnèrent lieu à des protestations en 1906.
Le Shah accepta la suggestion de créer un Majlis (assemblée consultative) en octobre 1906, par lequel le pouvoir du monarque se trouva réduit cependant, il mourut d’une crise cardiaque 40 jours après avoir accordé cette constitution après un règne de plus de dix années de 1896 à 1907.



Muhammad ‘Ali Shah

Après la mort de Mouzaffar ad-Din Shah, son fils Muhammad ‘Ali Shah lui succéda et il était contre la constitution ratifiée par son père.
En 1907, Muhammad ‘Ali annula donc le parlement et déclara la constitution abolie parce que contraire à la loi shiite. Il bombarda le Majlis avec le soutien militaire et politique de la Russie et de la Grande-Bretagne.
En juillet 1909, les forces rebelles pour le Majlis commandée par Sardar As’ad et d’autres marchèrent sur Téhéran, déposèrent le Shah et rétablirent la constitution.
Le 16 juillet 1909, le parlement plaça sur le trône Ahmad Shah, le fils de Muhammad ‘Ali Shah qui était alors âgé de treize ans.
Quand Muhammad ‘Ali Shah abdiqua, il s’enfuit à Odessa, en Russie (de nos jour l’Ukraine) ou il complota pour retourner au pouvoir.
En 1911, il débarqua à Astrabad mais ses forces furent vaincues et Muhammad ‘Ali Shah revint en Russie. En 1920, il se rendit à Constantinople et plus tard à San Remo, en Italie, où il mourut en exil le 5 avril 1925 et depuis Mohammad ‘Ali tous les Shah suivants mourront en exil.
Le règne de Muhammad ‘Ali Shah fut extrêmement court, du 8 janvier 1907 au 16 juillet 1909, soit deux années et demi.



Ahmad Shah

Suite au renversement de son père Muhammad ‘Ali Shah, Ahmad Shah monta sur le trône le 16 juillet 1909 et comme son père, il essaya d’abolir les restrictions constitutionnelles du pouvoir royal et se rendit rapidement impopulaire.
Le Grand Majlis qui plaça Ahmad Shah sur le trône était composé de 500 membres et délégués venant de différents milieux. Le Majlis tint un tribunal spécial pour punir par pendaison tous ceux qui avait participé à la guerre civile. Il introduisit aussi des nouvelles réformes jamais vues auparavant en Perse. Ils abolirent la représentation des classes et créèrent cinq nouveaux sièges pour les minorités ; les Arméniens reçurent deux sièges et des autres groupes minoritaires religieux tels que les Juifs, les Zoroastriens et les Assyriens reçurent chacun un siège dans le nouveau gouvernement. Le Majlis démocratisa aussi le système électoral, réduisirent la puissance électorale de Téhéran et baissèrent la majorité électorale de vingt-cinq à vingt ans.

Peu de choses sont connues de la vie d’Ahmad Shah précédant son arrivée au pouvoir excepté qu’il était très attaché à son père et quand ce dernier parti, il se senti isolé et amer. En raison de son jeune âge, son oncle ‘Ali Reza Khan se chargea de la régence et assuma la charge du pouvoir. Toutefois, son style de vie prodigue le rendit impopulaire.
Ahmad Shah hérita un royaume agité et une circonscription électorale réduite à néant à cause de l’impérialisme britannique et russe et le gouvernement absolu de son père.

Ahmad Shah essaya de réparer les préjudices causés par son père en nommant les meilleurs ministres qu’il put trouver mais il resta un souverain inefficace qui fit face à des troubles intérieurs et les intrusions étrangères, particulièrement britanniques et russes, répétées.
Les troupes russes et britanniques affrontèrent les Ottomans en Perse pendant la Première Guerre mondiale. La guerre causa des ravages parmi la population à travers le pays parce que les Perses n’étaient pas heureux d’être utilisés comme un champ de bataille. Ainsi, ils se révoltèrent et essayèrent de défier le pouvoir d’Ahmad Shah et de son gouvernement.

Un second Majlis fut créé en novembre de 1910 et comme le précédent, il n’accomplit aucune réalisation à cause de la faiblesse du gouvernement central qui n’avait pas assez d’influence pour imposer les changements qu’il avait proposés.

En 1917, la Grande-Bretagne utilisa la Perse comme tremplin pour attaquer la Russie dans une tentative infructueuse d’inverser la Révolution russe de 1917. L’Union Soviétique nouvellement née répondit en annexant des parties du nord de la Perse comme des états tampon comme son prédécesseur tsariste. En marchant sur Téhéran, les Soviétiques arrachèrent des concessions encore plus humiliantes du gouvernement Qashar d’autant plus qu’Ahmad Shah était incapable de contrôler les ministres. La faiblesse de la bureaucratie centrale face à une telle agression d’un pouvoir étranger athée provoqua des ressentiments parmi la population perse traditionnelle dont « Rouhollah » Khomeiny, qui condamnera plus tard tant le communisme que la monarchie qu’il considérera comme une trahison contre la souveraineté de la Perse et les lois shiites.

En 1920, le gouvernement avait perdu pratiquement tout le pouvoir à l’extérieur de sa capitale et Ahmad Shah le contrôle général de la situation. L’accord anglo-perse avec de nouveaux partis politiques, immobilisa encore plus le pays. Les modérés et les démocrates s’affrontèrent souvent, particulièrement sur les questions de droits des minorités et de la laïcité et recoururent jusqu’à la violence et les assassinats.

La faiblesse économique de la Perse mis Ahmad Shah et son gouvernement à la merci des influences étrangères et au final, seule une petite fraction du revenu produit par la compagnie pétrolière anglo-perse rentrait dans les caisses de l’état tandis que l’armée Rouge, les rebelles et le seigneur de guerre gouvernaient une grande partie de la campagne.

Le 21 février 1921, Ahmad Shah fut déposé par un coup d’état militaire par son ministre de guerre et commandant de la garnison cosaque, le colonel Reza Khan, qui prit par la suite le poste de premier ministre. Reza Khan utilisa trois mille hommes et seulement dix-huit mitrailleuses, un coup d’état en douceur qui avança vite.
Reza Khan était au départ un simple soldat qui grimpa les grades militaires et qui avait l’air d’être un homme bon pour reprendre le contrôle de la Perse. Une de ses premières actions, fut d’abroger le Traité anglo-persan et cela fut vu comme un mouvement diplomatique apprécié qu’autant plus que le traité était très impopulaire. Il signa de même un traité d’amitié avec la Russie qui annula tous les précédents traités entre les deux pays et donna aussi des droits maritimes égaux à la Perse dans la Mer Caspienne.

Dépouillé de tous ses pouvoirs restants, Ahmad Shah s’exila avec sa famille en 1923. Son pauvre état de santé ainsi que son manque d’intérêt pour les affaires d’état l’incitèrent à quitter la Perse pour un tour européen prolongé. Il fut officiellement déposé le 31 octobre 1925, quand Reza Khan fut proclamé Shah par les fondateurs de l’assemblée et prit le titre de Reza Shah Pahlavi.

Reza Shah et le Majlis vinrent ainsi à bout du dernier représentant de la dynastie des Qashar (Qajar) et établirent la dynastie des Pahlavi.

D’exil, Ahmad Shah déclara : « Je suis et reste le souverain légitime et constitutionnel de la Perse et j’attends l’heure de mon retour dans mon pays pour continuer à servir mes gens. »
Peu de temps après le coup d’état, Mustafa Kemal Atatürk le putschiste que l’on venait juste d’élire premier président de la Turquie « offrit » son aide pour restituer Ahmad Shah au trône. Il convoqua à cette fin, l’ambassadeur perse en Turquie, au palais présidentiel et lui donna l’ordre de se rendre immédiatement en son nom avec Soultan Ahmad Shah à Paris avec son offre qu’Ahmad Shah déclina poliment et ce n’est « apparemment » qu’après ce refus, que le gouvernement turc arrivé lui aussi par un récent coup d’état donna son plein soutien au nouveau gouvernement de Reza Shah Pahlavi et le reconnut comme le nouveau souverain de Perse.

Ahmad Shah mourut en 1930 à Neuilly-sur-Seine, dans la banlieue parisienne et fut enterré dans la crypte de sa famille à Kerbela en Iraq après un règne mouvementé de seize années, du 21 janvier 1898 au 21 février 1930.